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Idées, débats... - Page 447

  • Histoire • Rois de France, de Balzac : L’infanticide perpétré à l'encontre du petit roi Louis XVII [IV]

     

    C'est en 1837 que Balzac publia Rois de France, un ouvrage concis fort intéressant, consacré aux six derniers « Louis » rois de France, de Louis XIII à Louis XVIII. Malheureusement peu réédité par la suite, cet ouvrage était devenu, de ce fait, indisponible, depuis 1950.

    Notre confrère Péroncel-Hugoz a pris l'heureuse initiative de faire rééditer Rois de France, au Maroc, par les Editions Afrique Orient. Nos lecteurs peuvent d’ailleurs lire Péroncel-Hugoz ici-même, régulièrement, puisqu’il nous fait l’amitié de sa participation – très appréciée – à Lafautearousseau.

    Nous donnerons quatre extraits de Rois de France - des « bonnes feuilles » - dans nos parutions du week-end. 

     

    415470906.jpgExtrait 3 - L’infanticide perpétré à l'encontre du petit roi Louis XVII (pages 96 à 99)

    Louis XVII naquit à Versailles, le 27 mars 1785, et porta jusqu'à la mort de son frère aîné le titre de duc de Normandie. Ce fut en 1789 qu'il devint dauphin. La Révolution commençait d’éclater ; souvent le jeune prince dut interrompre ses jeux enfantins aux hurlements farouches d'une tourbe sanguinaire pour aller se réfugier dans le sein maternel, d'où l'étiquette ne le bannissait plus, comme aux jours de tranquillité. A peine âgé de cinq ans, on conspirait déjà contre sa vie. On voulait égorger le louveteau.

    C'était ainsi que ce royal enfant, héritier de toute la beauté bourbonienne, était nommé par ces fougueux cannibales, par ces monstres éclos, on ne sait comment, dans l'orage révolutionnaire, et qui n'avaient pas même figure humaine. Pendant les journées des 5 et 6 octobre 1789, il courut les plus grands périls. La reine le tenait dans ses bras lorsqu'elle se présenta au peuple sur son balcon. Point d'enfants ! s'écria-t-on. Ce cri était un horrible présage pour l'avenir du dauphin et pour celui du trône. Il ne s'accomplit que trop bien. Trop enfant encore pour partager les angoisses morales auxquelles étaient soumis ses augustes parents, le jeune prince eut bientôt à souffrir les privations physiques qui sont si funestes dans un âge tendre. Il lui arriva de demander vainement du pain. Il lui fallut aussi dire adieu aux bosquets et aux pelouses de Trianon, et demeurer toute la journée renfermé dans les appartements des Tuileries.

    Peut-être a-t-on le droit de reprocher à Louis XVI de n'avoir pas tout tenté pour mettre son fils à l'abri de la fureur populaire ; mais il est certain que jusqu'au dernier moment ce monarque, dans sa bonté excessive, méconnut l'audace des factieux. Que n'eût-on pas dû attendre d'un prince qui, doué des qualités les plus nobles et les plus heureuses, eût été instruit à de telles épreuves ?

    Enfermé dans la prison du Temple avec le roi et la reine, le jeune Louis-Charles hérita, le 21 janvier 1793, des droits de son père à la couronne de France. Tandis que ce pauvre enfant grelottait sous les voûtes sombres et humides de sa prison, et que, tout ému au souvenir des derniers et solennels baisers de son père, il essuyait dans un douloureux silence les larmes de sa mère, son oncle, le comte de Provence, depuis Louis XVIII, proclamait son avènement au trône de ses ancêtres. Louis XVIII était reconnu par toutes les puissances de l'Europe, et les Vendéens prenaient les armes en son nom.

    Le jeune prince ne pouvait comprendre ni toute la magnificence de ses droits ni tout le malheur de sa destinée. La Convention, qui avait assuré à Louis XVI, près de mourir, que la nation française, toujours magnanime, pourvoirait au sort de sa famille, ordonna, pour première preuve de sa sollicitude, que Louis fut séparé de sa mère. Marie-Antoinette s'opposa énergiquement à cette nouvelle atrocité, et ne céda que sur la menace que les municipaux lui firent de tuer le prince dans ses bras si elle ne le laissait emmener.

    Alors commença le martyr du royal enfant. La Convention le remit entre les mains du cordonnier Simon et de sa femme, qu'elle qualifia dérisoirement des titres d'instituteur et de gouvernante. C'étaient là les plaisanteries de la Révolution. Cet exécrable couple se montra digne de la confiance de la nation représentée par les comités conventionnels, et mit tout en œuvre pour dégrader les facultés morales et physiques du fils de Louis XVI. On frémit en lisant le récit authentique des traitements barbares et infâmes auxquels il fut soumis.

    Non content de lui faire subir la faim, le froid et l'humiliation, de l'accabler de coups, de le priver d'air, de distractions, d'exercice, et de le laisser dans le dénuement le plus pénible, Simon prenait plaisir à lui faire boire des liqueurs fortes et à lui enseigner des chansons et des propos obscènes. Mais sa barbarie servait d'antidote à son immoralité. Le jeune prince donna plusieurs fois des preuves d'une élévation de sentiments et d'idées bien étonnants pour son âge, et dont la perversité de son gardien n'avait pu détruire au moins le germe. Simon lui ayant demandé ce qu'il ferait si les Vendéens le délivraient : « Je vous pardonnerais », répondit-il.

    Le marasme fut le résultat naturel de la malpropreté et des souffrances continuelles où vivait le prince. Pendant plus d'un an, il fut privé de linge et dépourvu des soins les plus indispensables. Le temps pendant lequel il résista prouve combien il était fortement constitué. Comme beaucoup de ses aïeux, il eût réuni toutes les qualités favorables pour occuper noblement le trône. La Révolution du 9 Thermidor, qui ouvrit tant de prisons et rendit à la société tant de victimes déjà désignées au bourreau, ne changea rien au sort du jeune roi. La Convention, qui savait faire tomber les têtes des rois, ignorait comment on élevait leurs enfants ; et en conséquence elle infligeait à ces enfants une agonie de plusieurs années. Nous ne craignons pas de le dire : la mort lente et ténébreuse du jeune Louis XVII est une tâche plus horrible pour la France que la mort sanglante et éclatante du vertueux Louis XVI.

    Ce ne fut que lorsque l'état du prince fut désespéré que les comités songèrent à lui faire envoyer un médecin, qui déclara qu'on avait trop tard eu recours à lui. Ce médecin était le célèbre Dussault. Il mourut peu de jours après. Du Mangin et Pelletan, qui le remplacèrent, partagèrent son opinion. Louis XVII expira le 8 juin 1795. Il était âgé de dix ans et deux mois... » 

    A lire dans Lafautearousseau … 

    Histoire • Rois de France, de Balzac : Les erreurs de Louis XVI face à la Révolution [III]

    Histoire • Rois de France, de Balzac : La « secte » des Encyclopédistes, la décomposition morale - élites et société - au XVIIIe siècle [II]

    Histoire • Rois de France, de Balzac, republié par Péroncel-Hugoz : Présentation [I]

    Sortie au Maroc de « ROIS DE FRANCE suivi de NAPOLEON » , essai de Balzac paru en 1837 et indisponible depuis 1950

  • Spectacles • Plaidoyer pour Matt Pokora, qui n’est pas Charlie !

     

    Par Nicolas Gauthier

    Nous non plus n'avons jamais été Charlie. Nous avons dit pourquoi, dès le lendemain matin du sinistre attentat qui a frappé ce journal que nous n'aimons pas et ne doit pas l'être pour de sérieuses raisons. Le sujet est ici plus léger, bon pour un week-end [Boulevard Voltaire, 31.05]. Mais, qui sait ? Matt Pokora a ses raisons et Nicolas Gauthier en cite quelques unes qui ne sont pas nulles. N'hésitant pas à dire sa sympathie, fût-ce en termes crus.  LFAR 

     

    745791051.pngLe journalisme mène décidément à tout. Même à dire du bien de Matt Pokora, idole tatouée et peroxydée des jeunes générations. Pour aller franc, pas un album de ce bonhomme dans ma discothèque, et encore moins dans celle de mes enfants. Et pourtant…

    Eh oui, et pourtant, voilà que ce gandin est en train de faire le buzz lors d’un long et passionnant entretien accordé au Figaro. Avec cette phrase qui fait mouche : « Je sais parfaitement que 90 % de mon public vit en province. » Déjà, voilà qui est politiquement suspect. Histoire d’aggraver son cas, lors du carnage ayant décimé la rédaction de Charlie Hebdo, Matt Pokora est l’une des rares vedettes française à se sentir modérément Charlie.

    Explications du principal intéressé : « Je suis Charlie, mais à ma façon. Pour moi, cela va au-delà de Charlie Hebdo, car des policiers sont morts, des Juifs sont morts. […] Mais pour tout cet événement, je suis Français et citoyen français avec des compatriotes qui se sont fait tuer, avec des policiers, des gens qui travaillent dans un journal que je n’ai jamais acheté. » Voilà qui n’est guère en accord avec la vulgate politico-médiatique d’alors et d’aujourd’hui…

    Et notre auteur d’hymnes de campings, emblématique de cette France donnée pour être « invisible », d’aggraver son cas en affirmant : « Je reste un patriote avant tout. J’ai toujours défendu haut et fort les couleurs de la France. »

    Il est, certes, licite de penser ce que bon semble de l’actuel plus gros vendeur de disques de France ; My Way, son album de reprises de Claude François, s’est écoulé à plus de cinq cent mille exemplaires – au fait, Toto, le vrai titre, c’est « Comme d’habitude », « My Way » n’en étant que la version anglaise, adaptée par Paul Anka et rendue mondialement célèbre par Frank Sinatra. Sans oublier des salles affichant complet sur l’ensemble de nos « territoires », tel qu’on dit maintenant, qu’ils soient urbains ou périphériques.

    Bien sûr, il sera toujours possible de railler ce nouveau phénomène, convoquant au passage esprits donnés pour affûtés et musicologues d’occasion. Moquer celui qui reprend, à son compte et de façon maladroite, les tubes du défunt Cloclo.

    Mais ce serait oublier que le même Cloclo fut tout aussi peu légitime, en son temps, lorsque massacrant les chansons des Beatles et des Supremes. Ce, d’autant plus que Matt Pokora n’est pas plus ridicule aujourd’hui qu’un C. Jérôme ne le fut hier, avec son « Kiss Me », qui était à peu près ce que les Rubettes étaient aux Rolling Stones, ou un Patrick Topaloff à Jim Morrison. Et alors ? 

    Matt Pokora assure que « Charlie, ce n’est pas sa came ». Mais pourquoi ce mépris de classe, ce dénigrement digne du Goût des autres, pour paraphraser le fort pertinent film d’Agnès Jaoui ?

    Il y a plus de trente ans, le fameux « Viens boire un p’tit coup à la maison », du fort bien nommé groupe Licence IV, caracolait alors en tête du Top 50, au grand désarroi de Claude Sérillon. Et c’est, lors d’une soirée télé sur Antenne 2 (comme on disait alors), que le pourtant très gauchiste Maxime Le Forestier calma une assemblée des plus énervées, en rappelant à cette dernière que la chanson à boire faisait elle aussi partie du patrimoine national. Des gosiers assoiffés aux culottes inondées, Matt Pokora ne fait finalement jamais rien d’autre que d’incarner une nouvelle génération de chanteurs à gisquettes. Après Luis Mariano et Benjamin Biolay, Jean Sablon et Julien Doré, Tino Rossi et Maître Gims, Annie Cordy et Izïa Higelin.

    Pour finir, laissons plutôt la parole au principal intéressé. Lequel explique, à propos de son nom de scène, au Figaro que « Matt », c’est pour « Mathieu ». Et que « Pokora » signifie « humilité », en polonais. Le tout en souvenir de ses aïeux paternels, venus de Cracovie dans les années trente pour s’en aller travailler dans les mines de l’est de la France, tandis que la branche maternelle était issue d’une longue lignée de militaires. Ce qui explique peut-être pourquoi l’une de ses bagues fétiches n’est autre qu’une tête de Christ, couronnée de ronces.

    En matière de presse, Charlie n’est pas la came de Pokora, et Pokora n’est pas la mienne ; musicalement s’entend. Mais rien n’empêche pour autant de saluer ce jeune trublion ; surtout lorsqu’à l’évidence il est sévèrement burné. 

     
    Journaliste, écrivain
  • « J’en appelle à toutes les mères »

    Procès de Marie-Antoinette - Pierre Bouillon (1776-1831) Musée Carnavalet

     

    Par Juliette Mondon

    Comme nous le faisons toujours lorsqu'il s'agit de la Famille de France, nous plaçons cet article en tête de notre parution de ce jour. Publié hier dans Boulevard Voltaire à l'occasion de la Fête des Mères, il nous a paru avoir ici toute sa place, malgré son apparente inactualité. Apparente seulement,  comme on le verra, et particulièrement bienvenu dans un média royaliste, venant d'un site qui - quoique ami - ne l'est pas. Royaliste, en l'occurrence, prend ici tout son sens à proprement parler contre-révolutionnaire. Merci à l'auteur et à nos confrères de Boulevard Voltaire d'avoir publié ces vérités. LFAR

     

    dfeb92a26cd7c2cd2725e0fed7ac6eb2.jpeg.jpgCes mots prononcés par Marie-Antoinette, face au tribunal qui l’accuse, résonnent en cette fête des Mères d’une façon à la fois tragique et prophétique.

    Voici une femme, une mère présentée face à cette cour de justice improvisée, exposée à la vindicte populaire, face à ces révolutionnaires, qui se sont autoproclamés juges et tribuns et bourreaux. Ces délateurs auront réussi, après avoir assassiné le roi, après avoir séparé chacun des membres de la famille, arraché l’enfant des bras de sa mère, à ourdir un complot machiavélique destiné à faire mourir la mère sous l’accusation de son propre fils. Un enfant de huit ans.

    Ainsi cette femme, qui se tient debout devant ses délateurs sanguinaires, ce n’est plus la reine. C’est d’abord la mère. Cette mère que la folie collective a voulu transformer en femme incestueuse, en putain, en sorcière. Comme l’opinion est prompte à se laisser emporter par la rumeur et la calomnie !

    Lancée par quelques-uns, voici que cette rumeur grandit, s’étend et se transforme en images maudites, en peurs irrationnelles, en folie destructrice.

    Cette mère est accusée de tous les maux, dont le plus ignoble : l’inceste. Car à travers cette accusation, c’est finalement, symboliquement, la mère que l’on tue. Ou plutôt le lien mère-enfant. Certes, il y a la monarchie de droit divin que l’on veut anéantir, comme si la mort des uns permettait la vie des autres, comme si l’on pouvait anéantir le sens du sacré, par la mort de ses témoins.

    Mais il y a quelque chose d’encore plus radical, d’encore plus pernicieux. C’est qu’en faisant mourir le père, la mère et son enfant, on brise aussi symboliquement, et non pas seulement comme un effet collatéral, le lien sacré de la famille. En séparant le père de sa femme, le fils de sa mère, on commence par briser symboliquement le lien charnel existant entre chacun de ses membres.

    Et puis, comme on pensait qu’en tuant le roi et la reine, on supprimerait la monarchie de droit divin, qu’on tuerait le sacré, qu’on anéantirait Dieu lui-même, on les a assassinés. Tous.

    Tragique erreur commise que de croire qu’en supprimant une personne, on peut supprimer aussi la dimension sacrée de sa vie. Qu’en broyant une famille, on parvient à briser toute famille. 

    La République est née du meurtre d’une mère, du meurtre d’une famille. Voilà ce qui m’apparaît, aujourd’hui, comme une prise de conscience. La République a voulu naître dans le sang d’une famille. Réaliser cela est horrible, pour la mère que je suis. Et cela éclaire d’un jour nouveau ce que nous vivons aujourd’hui.

    Et cela me fait brutalement prendre en horreur cette « République » que l’on sert à toutes les sauces comme ultime rempart contre les intégrismes. 

    Car comment accepter que ce système, que nous honorons dans les institutions d’aujourd’hui, se soit rendu coupable de la mort « par omission » d’un enfant de huit ans, muré et abandonné dans la prison du Temple après l’assassinat de ses parents ? Comment accepter une telle violence, une telle injustice ?

    Qu’un idéal, quel qu’il soit, ait pu conduire à une telle folie, à une telle barbarie, qu’une volonté d’affranchissement ait pu à ce point s’aveugler sur le sens du sacré, sur la « mort du sacré », me révolte. Quel est donc le socle de cette devise républicaine, sur la liberté, la fraternité et la solidarité, si la « liberté » et cette « fraternité » se sont écrites dans le sang d’un innocent ? Aucun système ne peut fonder son existence sur le meurtre d’un innocent.

    « Ô liberté, que de crimes on commet en ton nom ! » aurait crié Madame Roland avant d’être guillotinée.

    « J’en appelle à toutes les mères. »

    Cette phrase désespérée lancée par une mère à toutes les mères de France résonne en moi d’une façon poignante. Car je lis une continuité entre la décapitation de la famille de Louis XVI et ce que nous vivons aujourd’hui. Et surtout entre cet appel de Marie Antoinette et l’appel que nous, les mères, devons lancer à toutes les mères de ce pays simplement pour que survive notre humanité.

    Que reste-t-il des valeurs de cette humanité dans une société qui n’a de cesse de saper, ruiner, détruire la famille ? Il n’en reste pas. Je constate tous les jours que la haine n’est pas morte.

    J’en veux pour preuve l’autisme de notre société, qui n’accepte plus que nous rappelions la plus simple des évidences : simplement de penser qu’un enfant a besoin d’un père et d’une mère pour exister. Oui, ne vous en déplaise, Messieurs les fossoyeurs : la première famille d’un enfant est d’abord celle qui lui donne la vie.

    Les révolutionnaires ont cru décapiter le sacré… mais le sacré ne meurt jamais. Les lobbies LGBT ont cru décapiter la famille… mais la famille ne meurt pas. Et elle ne mourra jamais. 

  • Poutine est revenu ! Le Tsar chez Louis XIV...

     

    Mur-bleu gds.jpgUn bon moment de vraie, de belle et bonne télé information, ce lundi 29 mai, avec les excellents commentaires de Pascal Boniface, sur BFM/TV, qui nous a fait vivre, en direct, l'arrivée de Vladimir Poutine à Versailles. Pascal Boniface nous a changés, l'espace de quelques dizaines de minutes, de la médiocrité affligeante, de l'ignorance crasse, de la partialité révoltante de journaleux qui confondent en permanence carte de presse et carte de parti (n'importe lequel, pourvu qu'il soit de gauche et politiquement correct). Merci à lui, et bravo, puisque la dureté des temps fait que, maintenant, quand quelqu'un fait normalement son travail, on est amené à le féliciter pour ce simple fait ! 

    Car l'événement est d'importance  : après les cinq années calamiteuses du pitoyable nain qui nous a servi de lamentable semble-président, le nouveau Chef de l'Etat, faisant acte de realpolitik, a invité Vladimir Poutine en France. Mais les relations s'étaient terriblement - et stupidement - dégradées entre nos deux pays frères - frères en Europe et en chrétienté, au moment où l'Islam, pour la troisième fois, attaque l'Europe.

    Il n'était donc pas facile de sortir, par le haut, de l'impasse dans laquelle le sous-préfet aux champs, vous savez, ce pauvre François « normal », nous avait engagés, en ce qui concerne nos rapports avec un pays objectivement allié, dans les grandes difficultés du moment présent.  

    C'est là que Louis XIV intervint ! Eh ! oui, Louis XIV ! Pascal Boniface a eu l’ « intelligence historique » ; il a su élever sa réflexion, et ses commentaires, au niveau qui convenait ; et il a très clairement expliqué que, au point calamiteux où les choses en étaient arrivées, un banal rendez-vous, une simple invitation, fût-elle d'Etat, ne pouvaient pas « recoller les morceaux ».

    XVM204f74b2-212d-11e7-834a-2675150b5d1e.jpgIl a donc fallu, d'abord, trouver un prétexte pour tendre la main à celui que l'on a sottement humilié hier (« sanctions »  débiles et contre productives, puisqu'elles nous pénalisent autant, sinon plus, que la Russie ; affaire des Mistral, qui a entamé notre crédibilité sur le marché très couru de la vente de matériel militaire; critiques de toute façon inopérantes sur l'affaire de la Crimée etc.) : la célébration des trois cents ans de la visite à Versailles de Pierre le Grand, en 1717, a fait l'affaire. Le tsar, à l'époque, voulait moderniser la Russie, il « importait » Versailles à Peterhof, comme tous les princes de cette époque, où la France dominait le monde. Dominait, non par la force brute mais par l'éclatant et magnifique visage de sa civilisation, aimable et aimée, par ses architectes, ses écrivains, ses peintres, ses savants, elle qui était, par ailleurs, « la Grande nation », la Chine de l'Europe, du point de vue démographique... 

    Certes, cette visite se déroula deux ans après la mort du Roi-soleil, en 1717, et c'est l'enfant-roi Louis XV que Pierre le Grand, en un geste de surprenante bonhomie - surprenante, mais de bon aloi - éleva dans ses bras, bousculant étiquette, protocole et gens guindés de tout poil (on dirait, aujourd'hui, « coincés »).

    Mais le palais, lui, reste bien le palais-temple du Roi-soleil, qui attire toujours les foules du monde entier, trois siècles après, tellement il symbolise, représente et, osons-le mot, personnifie le génie français, à l'instar de nos cathédrales, du Mont Saint-Michel ou des châteaux de la Loire.

    Et Poutine ne serait pas venu, même à l'Elysée, comme l'a très bien expliqué Pascal Boniface. Les affronts avaient été trop nombreux ; ils avaient duré trop longtemps ; trop de paroles démentes avaient été dites (songeons aux propos honteux d'un Laurent Fabius, qui commence décidément à être bien fatigué...). Le prétexte trouvé, il fallait un lieu qui fût à la hauteur de l'événement, qui exaltât le moment, qui symbolisât qu'une page se tournait, enfin. Un simple palais, fût-ce l'Elysée, ne pouvait convenir, parce qu'il avait été terni pendant cinq ans par un petit sous-préfet aux champs, benêt de surcroît, et parce que c'est de là qu'étaient parties toutes ces attaques aussi grotesques qu'inconsidérées contre notre allié naturel d'aujourd'hui.

    L'endroit s'imposait donc de lui-même : les ors de Versailles, la magnificence de Louis-le-Grand-en-tout, comme l'appelait l'immense Pierre Puget.

    On songe, alors, au quatrain fameux de Guitry :

    On nous dit que nos Rois dépensaient sans compter,

    Qu'ils prenaient notre argent sans prendre nos conseils ;

    Mais, quand ils construisaient de semblables merveilles,

    Ne nous mettaient-ils pas notre argent de côté ?

    Oui, Guitry a raison, évidemment. Mais son propos va bien au-delà du simple argent, du simple matériel : Versailles « fonctionne » encore, tel que l'a voulu Louis XIV, pour ce pour quoi il a été imaginé, puis réalisé. Comme un outil de gouvernement, un lieu de pouvoir, un lieu de ce pouvoir royal qui mena une authentique politique de civilisation, qui a "étonné le monde", selon le joli mot de Jean Dutourd. Comme le siège du rayonnement français. Comme l'exemple insurpassable, et du reste insurpassé, du génie national français. 

    Si l'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu, l'invitation faite au tsar d'aujourd'hui par notre Chef de l'Etat est un bel hommage rendu par cette pauvre république idéologique, à bout de souffle, à notre Royauté traditionnelle, qui nous a emmenés si loin, si haut, qu'elle en impose encore aujourd'hui !  

  • Histoire • Qui se souvient du sinistre Bergeret ?

    Les Tuileries (aujourd'hui disparues, "restituées" ici en rouge)

     

    Pourtant, son mauvais « génie », sa misérable mentalité de terroriste sont toujours parmi nous.

    1871 : Bergeret, « incendiaire en chef » des Tuileries, commence sa sinistre besogne...  

    Dans deux jours, la plupart des monuments de Paris aux mains des Communards seront en flammes (voir l'éphéméride du 24 mai), conformément à la sinistre prédiction de Louise Michel : « Paris sera à nous ou n'existera plus » (voir l'éphéméride du 17 mai)...

    Une Louise Michel qui ne faisait que s'inscrire dans la « grande » (!) tradition révolutionnaire : Carrier n'avait-il pas dit « Nous ferons de la France un cimetière plutôt que de ne pas la régénérer à notre manière », durant cette monstrueuse Révolution qui proclama « du passé faisons table rase ! » et durant laquelle Robespierre déclarait « Périsse la France entière plutôt qu'un seul principe !»

    Dès le 26 mars 1871, le château palais, complètement pillé, restait vide. Durant la Semaine sanglante (voir l'éphéméride du 21 mai), un trio de tristes sires : le sergent de ville Boudin, le garçon boucher Bénot et le général (!) Bergeret - aidés d'une trentaine d'autres criminels de leur espèce, comme Dardelle ou Mabeuf... -  préparèrent méthodiquement leur forfait contre l'Art, contre la France dans son patrimoine culturel, contre l'humanité...

    441588615.jpgFidèle suiveur de Louise Michel, Bergeret déclara : « Quand je quitterai les Tuileries, les Tuileries seront en cendres ». Les 22 et 23 mai, les acolytes incendiaires firent passer dans la cour cinq fourgons chargés de barils de poudre, bonbonnes de pétrole, goudron liquide et essence de térébenthine, qu'ils rangèrent sous le péristyle du pavillon central. Le 23, une trentaine de fédérés parcourut tous les appartements du palais et aspergea murs et planchers à pleins seaux de pétrole. Un baril de poudre fut placé dans le vestibule du pavillon de l'Horloge, trois en bas de l'escalier d'honneur, tandis qu'un amas de matières inflammables était stocké dans le salon des Maréchaux. Ils enduisirent de goudron l'autel et l'orgue de la chapelle et les boiseries du théâtre. Le feu fut allumé par Benet et l'incendie embrasa immédiatement tout l'édifice. Peu avant 9 heures du soir, l'horloge du palais s'arrêta sous l'action du feu. Vers 11 heures, une explosion secoua le pavillon central, laissant le dôme s'abîmer dans une gerbe de flammes. Le palais brûla pendant trois jours, fondant les bronzes, réduisant les marbres en poussière. Bergeret et ses hommes, ayant commandé un repas froid, soupèrent sur la terrasse du Louvre en contemplant l'incendie.

    Le 27 mai, il ne restait plus de la merveille des Tuileries que des pans de murs noircis...

  • Histoire • Rois de France, de Balzac : Les erreurs de Louis XVI face à la Révolution [III]

     

    C'est en 1837 que Balzac publia Rois de France, un ouvrage concis fort intéressant, consacré aux six derniers « Louis » rois de France, de Louis XIII à Louis XVIII. Malheureusement peu réédité par la suite, cet ouvrage était devenu, de ce fait, indisponible, depuis 1950.

    Notre confrère Péroncel-Hugoz a pris l'heureuse initiative de faire rééditer Rois de France, au Maroc, par les Editions Afrique Orient. Nos lecteurs peuvent d’ailleurs lire Péroncel-Hugoz ici-même, régulièrement, puisqu’il nous fait l’amitié de sa participation – très appréciée – à Lafautearousseau.

    Nous donnerons quatre extraits de Rois de France - des « bonnes feuilles » - dans nos parutions du week-end. 

     

    415470906.jpgExtrait 2 : Les erreurs de Louis XVI face à la Révolution [intégralité du chapitre, pages 83 à 95]

    Louis XVI, né à Versailles le 23 août 1754, troisième fils du dauphin, fils unique de Louis XV et de Marie-Josèphe de Saxe, était âgé seulement de vingt ans lorsqu'il succéda au roi Louis XV. Depuis quatre ans déjà, il avait épousé Marie-Antoinette d'Autriche, fille de l'impératrice Marie-Thérèse, alliance qu'il est inutile de qualifier d'impolitique. De grandes démonstrations de joie, qui allèrent jusqu'à l'indécence, accueillirent son avènement au trône. Le jeune prince n'y répondit que par un silence froid et digne ; mais il ne s'en crut pas moins obligé de céder à la voix publique et de bannir du gouvernement les hommes qui l'avaient occupé pendant les dernières années du règne précédent, et parmi lesquels il s'en trouvait que l'on eût dû conserver peut-être, la connaissance parfaite qu'ils possédaient de la situation délabrée des affaires les rendant seuls capables d'y appliquer les remèdes nécessaires. Ils furent remplacés par les hommes désignés par l'opinion populaire qui, dans les temps de corruption et de désorganisation sociale, ne devrait jamais faire loi. 

    Quand une nation est en voie de prospérité et d'agrandissement, on peut faire droit à ses exigences, car elle ne demande que des choses utiles au but où elle tend ; mais lorsqu'elle aspire à une révolution et à sa ruine, lorsque le vertige s'est emparé d'elle, la sagesse ne peut conseiller de céder à tous ses caprices maladifs et pernicieux. Le roi Louis XVI était trop jeune pour savoir faire cette distinction, et le comte de Maurepas, sur les conseils duquel il se guidait, n'était rien moins que l'incarnation de la sagesse politique. On vit donc apparaître successivement aux affaires l'encyclopédiste Turgot, homme de chiffres et non de gouvernement ; le philosophe Malesherbes, en qui le mélange de sentiments monarchiques individuels et d'idées réformatrices prouve au moins quelque absence de logique ; le cardinal de Loménie, athée en chapeau rouge ; Saint-Germain, autre matérialiste nobiliaire, et enfin le banquier protestant Necker, véritable type de l'aristocratie d'argent. 

    Ainsi, toutes les nuances du parti novateur eurent successivement des représentants au ministère. La monarchie était désormais à la discrétion de ses ennemis, qui n'eurent plus besoin de mettre dans leurs manœuvres un hypocrite ménagement. Les parlements furent rétablis sur leurs anciennes bases, sans que l'on prît aucune précaution contre leur esprit d'opposition, encore aiguisé par la vengeance et par le triomphe qu'ils obtenaient. On ne tarda pas à retrouver les membres de cette compagnie toujours prêts à favoriser les factieux et à compliquer les difficultés où la couronne était engagée. La première faute du gouvernement de Louis XVI, faute capitale, et d'où dérive directement la catastrophe qui le termina, fut de s'égarer dans une foule de réformes, ou, pour mieux dire, de changements partiels, avant d'avoir ressaisi l'autorité souveraine et rétabli la bonne administration du Royaume. On ne faisait par-là qu'encourager les prétentions des conspirateurs, sans s'être assuré les moyens de les réprimer. L'énergie n'était point d'ailleurs une qualité du caractère du roi Louis XVI. Tout concourait donc à exagérer l'audace des révolutionnaires, qui déjà succédaient aux philosophes, dont ils ne faisaient au reste qu'appliquer les doctrines. Poussés tour à tour par cette opinion publique dont Louis XVI s'était imposé de suivre toutes les phases, les ministres, qui apparaissaient sur la scène des affaires pour en descendre au bout de quelques mois, apportaient chacun leur petite réforme, suivant la direction de leur esprit ; mais tous encourageaient l'effervescence démocratique de la nation.

    Tandis que l'on changeait le mode de perception des impôts, que la royauté renonçait aux lettres de cachet, arme qui eût été utile contre les chefs de faction; que l'on détruisait la Maison du roi, dont la loyauté faisait contraste avec l'esprit de beaucoup d'autres corps; tandis que l'on méditait la ruine du clergé français,  cet antique et magnifique monument, si monarchique et si national à la fois; tandis que l'on abolissait la torture, tombée depuis longtemps en désuétude, et qu'on s'amusait à rechercher les vestiges de corvées et de servitudes qui existaient encore, afin de les effacer, on laissait aux écrivains et aux parleurs liberté entière d'imprimer et de colporter les principes les plus immoraux et les plus subversifs. On les laissait préconiser le culte de la raison (nous répétons cette expression philosophique, sans vouloir l'expliquer), poser comme base de leur système politique l'égalité (nous ne faisons encore que répéter), et arriver à mettre les faits à la place du droit. La royauté en était venue à se déchirer elle-même les entrailles : on vit paraître une déclaration royale portant qu'une colonie, pour s'affranchir de tout tribut vis-à-vis de la métropole, n'avait besoin que de se déclarer indépendante. Cette déclaration fut proclamée à propos de la guerre de l'Amérique et de l'Angleterre. Dans cette guerre, la France, fidèle à son nouveau principe de guerroyer sans but, épuisa ses finances, et prodigua le sang de sa jeune noblesse pour s'acquérir la haine redoutable de l'Angleterre et l'amitié, assez équivoque et fort inutile, des Américains. 

    L'honneur d'avoir combattu victorieusement ne pouvait d'ailleurs compenser le mal que devait causer en France l'importation des idées républicaines. Les jeunes seigneurs, compagnons de Washington, durent préconiser à leur retour ce qui était en quelque sorte l'âme de leur gloire. Le dogme de la souveraineté du peuple sortit naturellement de ces faits et de cette conduite. On ne doit plus s'étonner lorsqu'on voit une autre déclaration royale, provoquée par le cardinal de Loménie, appeler les gens de Lettres à proposer le meilleur mode pour la convocation des Etats généraux. On se plaçait ainsi dans le lit même du torrent. C'est encore le parlement qui poussa le gouvernement à convoquer les Etats généraux, mesure formidable, que l'on ne devait peut-être employer qu'à des époques de crise extérieure, et lorsqu'un intérêt commun et évident ralliait la nation autour du trône, mais non pas, certes, lorsque les institutions de la monarchie auraient eu besoin d'une protection dictatoriale. Le ministre des Finances, Calonne, avait au préalable assemblé les notables ; mais les factieux parvinrent, par leurs manœuvres, à neutraliser l'effet qu'eût pu produire cette assemblée, composée en grande partie de membres du clergé et de la noblesse, et il n'en résulta que la divulgation de la faiblesse du pouvoir et du désordre des affaires. 

    Ce fut alors que les parlements, qui s'étaient jetés à la tête du parti réformateur, intriguèrent pour faire rassembler les Etats généraux, où ils espéraient dominer par la connaissance de la jurisprudence et l'habitude de la parole. Cette mesure était présentée comme le seul moyen de satisfaire la nation et de tirer la royauté des difficultés où elle se perdait. Elle fut adoptée, comme nous venons de le dire. La monarchie n'allait point à sa perte pas à pas, elle semblait n'y pouvoir arriver assez vite. En convoquant les Etats généraux suivant les formes anciennement usitées, on eût encore excité des troubles, mais en donnant aux Tiers Etat un nombre de représentants égal à celui des représentants du Clergé et de la Noblesse réunis on rendait un bouleversement général inévitable. Les princes du sang protestèrent en vain contre cette innovation. La première assemblée des Etats eut lieu le 5 mai 1789. Les députés du Tiers Etat, laissant bien en arrière toutes les prétentions des parlements, se constituèrent tout d'abord en assemblée nationale, et l’évolution commença. Le pouvoir ne sut prendre d'autre mesure contre cette déclaration plus que menaçante que de faire suspendre les séances et fermer la salle où elles se tenaient. Le Tiers Etat répondit à cette dérisoire répression par le serment du Jeu de paume. On ne peut comprendre que cette éclatante rébellion n'ait pas enfin dessillé les yeux du monarque ; qu'il n'ait pas vu à ce moment qu'il n'y avait plus d'accommodement possible, et qu'il ne se soit pas résolu à défendre ses droits à force ouverte. Son malheur fut de ne pas comprendre que le bonheur de la nation dépendait du maintien des institutions monarchiques, et de croire que le roi peut gouverner ses sujets sous leur propre tutelle.

    Après une lutte de quelques jours, soutenue d'une part avec une modérisation déplorable et des concessions ruineuses, de l'autre avec une insolence sans bornes et des exigences impitoyables, l'Assemblée prétendue nationale resta maîtresse du terrain. Le Clergé et la Noblesse reçurent ordre de se réunir au Tiers Etat. Louis XVI déclara qu'il ne voulait pas qu'un seul homme pérît pour sa querelle. Et c'était le sort de dix générations peut-être qu'il compromettait par son aveugle faiblesse ! L'ancien mode de délibération par ordre fut rejeté bien loin : il n'y eut dans l'assemblée d'autre division que celle des partis, qui, partagés par des vues d'ambition et d'intérêt personnel, se réunissaient pour le renversement des anciennes institutions. Les faibles étaient entraînés, les bons étaient écrasés par la véhémence des factieux. La déclaration des Droits de l'Homme, rejetée dans les bureaux, fut adoptée par l'assemblée réunie. Tandis que l'anarchie régnait parmi les gouvernants, il était difficile que l'ordre se conservât parmi les masses. Tandis qu'on abolissait à l'Assemblée nationale la Constitution monarchique, il était difficile que le peuple conservât pour le monarque et pour les Grands le respect qui leur était dû. A la vue des périls matériels qui menaçaient la France, Louis XVI eut une dernière velléité d'énergie : le maréchal de Broglie, qui était à la tête de quarante mille hommes de bonnes troupes, fut mandé à Paris. La populace de Paris n'eut besoin, pour faire retirer cette mesure, que de se soulever, de s'emparer de la Bastille, de piller les arsenaux et de massacrer quelques citoyens fidèles. A partir de ce moment, Louis XVI se prépara au martyre, et ne songea sans doute plus à se montrer en roi. Il se prêta à tout ce qu'on exigea de lui, se mit complètement à la merci des constituants, se laissa mener en triomphe à Paris, dépouiller de ses gardes et décorer de la cocarde aux trois couleurs, signe de ralliement des factieux. Le président de l'Assemblée nationale lui adressa par forme de compliment ces paroles : « Henri IV, votre aïeul, avait conquis son peuple ; c'est le peuple aujourd'hui qui a conquis son roi ».

    Peu de mois après, un soulèvement des Parisiens alla de nouveau l'arracher au palais de Versailles : il fut ramené à Paris avec toute sa famille et emprisonné dans le palais des Tuileries. Les circonstances les plus hideuses accompagnèrent cet enlèvement. L'Assemblée nationale, comme un essaim de vautours acharnés sur leur proie, se transporta à Paris à la suite du malheureux roi. Dès lors, on ne sait plus ce dont on doit le plus s'étonner, ou de la résignation du monarque, ou de la fureur de ses ennemis. Celui-là n'était jamais las de faire des concessions nouvelles, espérant dans son aveuglement épargner le sang de ses sujets, en sacrifiant les lois qui les protégeaient ; ceux-ci, cependant, retenus par des considérations extérieures et par une habitude de respect héréditaire, n'osaient encore abolir complètement la royauté, et s'en dédommageaient par le supplice continuel auquel ils avaient voué le roi. Le trône était en effet tout ce qu'il restait du Royaume de France. Les parlements, le Clergé, la Noblesse, la législation, l'armée, les finances, le système de la propriété, tout le reste était anéanti, et, par une dérision amère, on demandait au roi, pour tous les décrets, une approbation qu'il ne pouvait refuser.

    Nous ne parlerons pas des divers ministères qui se succédèrent à cette époque aux affaires, et qui tous n'étaient que des reflets de l'Assemblée constituante. Ce terrible pouvoir émané de lui-même, et ne relevant de rien ni de personne, ne pouvait être de longue durée ; il éprouva la réaction du mouvement destructeur qu'il avait opéré en France ; il fut obligé de s'effacer et de faire place à une Assemblée législative qui devait rétablir un autre état de choses à la place de celui qu'on avait renversé, mais qui ne pouvait en réalité que continuer l'œuvre inachevée de la Révolution et sanctionner la souveraineté de l'anarchie. Des princes avaient depuis longtemps quitté la France ; ils avaient pris ce parti à la prière du roi lui-même : beaucoup de membres de la noblesse et des classes de la société qui s'y rattachaient avaient aussi émigré. Les partisans de la monarchie n'avaient de choix à faire qu'entre la fuite et le martyre. La résistance était impossible. Le roi la défendait absolument. Il s'y opposait de tout le pouvoir qui lui restait ; et lorsque l'autorité royale était ainsi méconnue et attaquée, il était difficile aux citoyens fidèles de refuser au roi leur obéissance, fût-ce même dans son propre intérêt. Ce fut alors que l'on put voir combien en nivelant la noblesse Richelieu et Louis XIV avaient affaibli la monarchie. Les grands seigneurs s'étaient appauvris et corrompus dans l'existence oisive et luxueuse de la cour. Au lieu de s'endurcir les bras et d'aguerrir leur esprit comme leurs pères, dans les périls, dans les révoltes et les conspirations quand la guerre manquait, ils se rapetissaient et s'amollissaient en des intrigues mesquines. Au lieu d'avoir des partisans et de marcher entourés de jeunes gentilshommes, ils portaient des broderies et des diamants, ils avaient des voitures et des laquais dorés. Si la France n'eût été composée que de nobles, c'eût été merveille ; mais derrière eux se trouvait le peuple, qui, dressant la tête par-dessus la noblesse à mesure qu'elle s'affaiblissait, devait tôt ou tard être saisi d'une de ces fureurs qu'il puise dans l'ignorance de son impuissance morale, et qui se résolvent par le massacre et la dévastation.

    Quand la nouvelle jacquerie éclata, on n'avait plus pour l'arrêter à sa naissance ces escadrons de chevaliers puissants par leurs armes, plus puissants encore par l'esprit commun qui les animait. Beaucoup de seigneurs de la cour, de ceux-là même pour qui les Bourbons avaient le plus fait, abdiquèrent leur qualité et se confondirent dans les rangs des démagogues.

    La noblesse de province, demeurée pour la plupart fidèle, ne trouva aucun grand nom pour lui servir de drapeau et de signal de réunion ; ce grand corps qui comptait dans son sein quatre-vingt mille familles, s'écroula sans opposer de résistance, faute de point d'appui. L'armée de Condé et de Quiberon appartiennent aux corps d'officiers de terre et de mer. L'héroïque protestation de la Vendée appartient à l'esprit religieux et au peuple. La noblesse n'existait plus comme corps politique ; ce fait, lentement accompli, s'était seulement révélé quand une commotion avait assailli l'Etat. Les gentilshommes ne se devaient plus, dès lors, de comptes qu'à eux-mêmes. Ceux qui ne désespéraient pas de l'avenir allaient dans l'exil attendre des jours meilleurs, gardant précieusement dans leur sein le souvenir d'une patrie qui ne devait offrir désormais qu'un tombeau aux plus heureux d'entre eux. Les autres, ceux qui pensèrent que tout était fini, et qui voulaient s'ensevelir sous les ruines de la monarchie, après avoir vu leurs châteaux réduits en cendres, montaient sur les échafauds, jetaient sur la foule un regard tranquille, dédaigneux et laissaient prendre leur tête au bourreau. C'était ainsi qu'ils mouraient ! L'assassinat ne les prenait pas plus au dépourvu qu'une exécution publique.

    Quant à ceux qui se jetèrent dans le parti révolutionnaire, il nous est difficile de trouver dans ce fait une tradition des anciennes révoltes nobiliaires, des guerres de la Ligue ou de la Fronde, dans lesquelles la noblesse agissait collectivement et ne combattait l'autorité royale qu'à son profit, tandis qu'à l'époque de la Révolution de 1789, les Noailles, les La Rochefoucauld, les Montesquiou, les Lauzun, enfin tous les seigneurs qui se réunirent au Tiers-Etat, ayant renoncé à leurs titres et à leurs privilèges, n'étaient mus que par l'intérêt de la nation, sinon par des vues d'ambition personnelle. Ils furent au moins coupables d'impéritie. Le moment arriva où les assassins organisés qui campaient dans Paris, dignes satellites de ceux qui gouvernaient la France, se sentirent assez aguerris au crime pour attenter à la personne du roi. Quand on voit vingt-mille hommes armés envahir les Tuileries dans un but meurtrier, briser les portes avec la hache, traîner des canons dans les appartements, et s'arrêter devant la majesté royale, toute dépouillée qu'elle leur apparaisse, on peut conclure de là que le respect, l'autorité et le nom du roi s'étaient progressivement acquis en France, et quels longs souvenirs de bienfaits et de gloire s'y rattachaient.

    C'est le 20 juin 1792 qu'eut lieu cette attaque, organisée par ceux qui disposaient du pouvoir, et qui, ayant manqué son but, demeura impunie. Deux mois ne s'étaient pas écoulés qu'un nouveau soulèvement plus formidable encore se rua sur le palais des Tuileries. Un combat s'engagea entre les hordes des factieux et quelques bataillons de la garde nationale et des gardes suisses, que conduisaient des serviteurs fidèles. Le succès dans cette circonstance ne pouvait sans doute réparer tous les maux causés par la faiblesse du prince : mais il était de son devoir de s'attacher à la moindre chance de salut. Alors, comme auparavant, Louis XVI ne jugea point ainsi. La clémence absorbait en lui toutes les facultés royales. Il alla lui-même rassurer les députés qui tremblaient sur leurs bancs en entendant les coups de fusil retentir et qui craignaient que les soldats, vainqueurs des sicaires, ne voulussent aussi en finir avec les chefs. Le roi envoya l'ordre à ses défenseurs de cesser le combat. L'Assemblée reconnut cet acte de bonté en prononçant trois jours après la déchéance du monarque, qui fut conduit avec sa famille à la prison du Temple.

    C'en était assez pour l'Assemblée législative, qui céda la place à la Convention. La Constituante avait dépouillé la royauté du cortège d'institutions qui la soutenaient : la Législative l'avait anéantie. Il fallut une troisième assemblée pour sceller du meurtre du roi l'abolissement du pouvoir royal. On s'est étonné et indigné de l'attitude passive que conserva toute l'Europe en présence de cette grande perturbation. Les gouvernements furent effrayés de l'énergie que déployait la nation française ; ils la laissaient s'épuiser et se déchirer elle-même, confondant cette révolution avec les révolutions accidentelles, attendant le moment favorable pour une invasion, et rêvant le partage de notre territoire. Ils ne se crurent point intéressés dans la question, et ne purent déplorer bien sincèrement la chute d'une Maison royale qui avait arraché quelques fleurons à presque toute les couronnes de l'Europe. Les faibles tentatives de la Prusse pour venir au secours de Louis XVI ne firent que servir de prétexte aux bourreaux de ce malheureux prince. Déclaré en état d'accusation comme coupable d'attentat à la sûreté du peuple français, il fut mandé à la barre de la Convention, dont il ne récusa pas la compétence. Chose étrange ! La Convention accueillit avidement cette suprême concession de Louis XVI. Nous ne donnerons point de détails sur ce procès, nous ne le qualifierons point, nous ne discuterons pas non plus (à Dieu ne plaise !) la compétence d'une nation à juger son chef : les résultats de ce fait en ont suffisamment démontré l'iniquité.

    C'est le 17 janvier 1793 que fut prononcée cette sentence de mort qui couvait depuis si longtemps dans le cœur des juges. Elle fut exécutée le 21 janvier. Le roi se montra en présence du supplice ce qu'il avait toujours été au milieu des hurlements d'une multitude furieuse et sous les outrages de son emprisonnement. Il fut sublime de calme, de résignation et de courage. Sa fermeté auguste ne l'abandonna ni pendant ses adieux à la reine et à ses enfants, ni sur le faîte de l'échafaud. Il protesta de son innocence et pria Dieu de ne point faire retomber son sang sur la France. Mais sa voix n'arrivait qu'aux oreilles endurcies des soldats qui de toutes parts entouraient l'échafaud. Le bruit des tambours la couvrit bientôt. La tête de Louis XVI tomba, et fut présenté à la foule par la main du bourreau.

    Des cris de Vive la République ! s'élevèrent alors du sein du morne silence qu'avait gardé le peuple pendant l'exécution. On put croire qu'il cherchait à s'étourdir et qu'il invoquait l'avenir pour oublier le passé. »  

    A lire dans Lafautearousseau … 

    Histoire • Rois de France, de Balzac : La « secte » des Encyclopédistes, la décomposition morale - élites et société - au XVIIIe siècle [II]

    Histoire • Rois de France, de Balzac, republié par Péroncel-Hugoz : Présentation [I]

    Sortie au Maroc de « ROIS DE FRANCE suivi de NAPOLEON » , essai de Balzac paru en 1837 et indisponible depuis 1950

  • Notre conseil : Suivre les travaux de Clarifier, les études d'Annie Laurent ...

     

    Les actes terroristes commis en France depuis 2015 par des musulmans se réclamant de leur religion, ainsi que le départ au Proche-Orient de tant de jeunes fanatisés pour y participer au djihad suscitent bien des interrogations sur le statut et le rôle des imams.

    Régulièrement, l’Etat s’empare de ce sujet, mais les échecs succèdent aux échecs.

    Il y a pourtant urgence à trouver des solutions capables d’assurer la paix dans notre pays.

    Nous avons donc pensé utile de nous interroger sur cette question délicate à laquelle Annie Laurent consacre deux Petites Feuilles vertes.

    La première, n° 49définit l’identité et les attributions de l’imam ;

    la seconde, n° 50 dresse un état des lieux de la situation des imams en France et préconise les mesures à adopter pour leur intégration.

    Bonne lecture !

    François Dary

    Président de CLARIFIER

    13 mai 2017

  • Histoire • Rois de France, de Balzac : La « secte » des Encyclopédistes, la décomposition morale - élites et société - au XVIIIe siècle [II]

     

    C'est en 1837 que Balzac publia Rois de France, un ouvrage concis fort intéressant, consacré aux six derniers « Louis » rois de France, de Louis XIII à Louis XVIII. Malheureusement peu réédité par la suite, cet ouvrage était devenu, de ce fait, indisponible, depuis 1950.

    Notre confrère Péroncel-Hugoz a pris l'heureuse initiative de faire rééditer Rois de France, au Maroc, par les Editions Afrique Orient. Nos lecteurs peuvent d’ailleurs lire Péroncel-Hugoz ici-même, régulièrement, puisqu’il nous fait l’amitié de sa participation – très appréciée – à Lafautearousseau.

    Nous donnerons quatre extraits de Rois de France - des « bonnes feuilles » - dans nos prochaines parutions du week-end. 

     

    415470906.jpg1er extrait : La « secte » des Encyclopédistes, la décomposition morale - élites et société - au XVIIIe siècle [pages 75 à 79]

    « Les idées réformatrices se sont généralisées, et, comme il arrive toujours, elles ont été exagérées par leurs adeptes jusqu'aux derniers excès. Il ne s'agit plus que de l'anéantissement de tous les principes qui ont jusque-là régi les sociétés. La ridicule monstruosité de ses doctrines est comme un bouclier pour la nouvelle secte : car c'est bien une véritable secte avec ses chefs, ses affiliations, ses enthousiastes, ses martyrs, sa perfidie et sa vitalité puissante ; singulière secte, toutefois, dont la doctrine n'est qu'une négation de toutes les autres ! On se demandait ce qu'ils feraient quand ils auraient tout détruit, comme si ceux qui détruisent peuvent jamais réédifier. On peut rire des utopies créatrices, mais non des autres. Comme autrefois le protestantisme, la secte philosophique avait su conquérir le patronage de la noblesse. C'était dans les châteaux et dans les hôtels appartenant aux petits-neveux des compagnons de Coligny, que les théories nouvelles, écloses sous la lampe et dans la poudre des cabinets des penseurs, venaient revêtir un vernis de bel air et se mettre à la mode. Les nouveaux prêcheurs savaient aussi persuader aux Grands que tout l'honneur des réformes serait pour eux.

    C'est ainsi qu'ils obtinrent l'abolition de la Société des Jésuites, dont nous ne pouvons réviser ici l'interminable procès, mais qui se recommandait pour les connaissances universelles dont elle était dépositaire. Ces religieux avaient élevé, pour ainsi dire, toute la génération d'alors ; mais l'ingratitude ne devait point effrayer les hommes du dix-huitième siècle, et la condamnation que les Jésuites subirent est presque une absolution aux yeux des hommes réfléchis. Les parlements concoururent aussi à la chute de cette société puissante ; cependant, ils n'étaient point les alliés constants des philosophes, par lesquels ils se trouvaient dépassés ; dans cette circonstance, ils n'avaient été dirigés que par une opposition dogmatique. 

    Pendant le règne de Louis XV, l'attitude indécise de la magistrature est non moins remarquable. Elle aussi a senti la monarchie s'effondrer dans ses fondements : tantôt elle poursuit son système d'opposition et de patient agrandissement, cherchant à se soumettre toutes les autres institutions du royaume ; tantôt, voyant ces institutions menacées, elle sent que si elles sont renversées, elle périra elle-même, et alors elle se présente pour les défendre. Malgré son maintien agissant, l'institution des parlements fut la première qui tomba, et ce fut le pouvoir royal qui la renversa, se privant ainsi lui-même d'une barrière puissante contre des ennemis plus dangereux, barrière dans laquelle il devait seulement se garder de s'emprisonner. Les philosophes battirent des mains quand ils virent la chute de ce formidable corps. C'est à la fin de l'année 1770 que fut frappé ce coup d'Etat, déterminé par des querelles particulières, et non par une pensée politique. Louis XV, à cette occasion, fit preuve d'une vigueur qu'on regrette de ne pas l'avoir vu déployer plus souvent et dans des occasions plus importantes...

    ...Ce fut à cette époque que l'on put apprécier à quel point l'esprit national était déchu en France. La nouvelle d'une défaite n'excitait plus, comme aux nobles temps de la monarchie, le deuil et la colère publiques, mais plutôt une joie maligne. La nation avait fait scission avec la couronne ; le roi n'était plus l'Etat. Dès que les choses étaient ainsi, la nation et le roi devaient être ennemis, jusqu'au jour où l'un des deux disparaîtrait devant l'autre. Tous les anciens ressorts étaient brisés ; chacun, sentant vaguement qu'une dissolution générale était proche, avait jeté là les préjugés et les idées antiques que ses pères lui avaient transmis, et dont ses fils avaient pu répudier, de gré ou de force, l'héritage. Les prêtres avaient oublié la religion, les militaires la discipline, les magistrats la justice, et les femmes la pudeur. La noblesse, à laquelle il eût appartenu de rappeler le roi et la nation à leurs devoirs respectifs et de reconstituer la monarchie, ne formait plus un corps assez compact et assez puissant pour rien tenter. A part quelques protestations isolées, on voit les seigneurs se laisser maîtriser entièrement par leurs habitudes, et se borner à rester à la tête du mouvement qui s'opère, sans examiner où ils vont et sans réfléchir que pour être les premiers, ils ne donnent point inévitablement l'impulsion.

    La monarchie recueillait les fruits des mesures prises par Richelieu et par Louis XIV pour l'abaissement du corps de la noblesse. Par leurs alliances et par leurs habitudes citadines, les gentilshommes s'étaient trouvés confondus avec la bourgeoisie et les anoblis, sans conserver aucune démarcation, ni politique ni morale. Ils n'avaient donc plus droit à des privilèges et à des distinctions devenues purement traditionnels. Leur position était des plus difficiles, également insoutenable pour eux et pour la nation. En faisant alliance avec les hommes d'intelligence et d'idées, ils avaient eux-mêmes commis une faute contre leurs propres intérêts. Ils ne virent point qu'ils n'étaient pour ceux-ci qu'un instrument. Après avoir ruiné toutes les institutions dont ils étaient les défenseurs-nés, et sur lesquelles ils s'appuyaient, pensaient-ils qu'on les épargnerait ? Cherchaient-ils en la raillant à se faire pardonner leur domination, réelle autrefois et devenue depuis honorifique ? Espéraient-ils conserver des insignes qui cessaient d'exprimer des idées et des faits ? Ou bien pensaient-ils que toute cette guerre si active n'était qu'un jeu et comme un tournoi de la pensée, qui remplaçait pour leur caractère inquiet les tournois de la lance et de l'épée ? Cette dernière idée fut sans doute la plus générale ; c'était celle qui devait dominer, mais bien souvent interrompue par de terribles pressentiments. 

    A voir cette société brodée, poudrée et musquée, dont Watteau nous a laissé un si aimable portrait, qui eut pu croire qu'elle portât dans ses flancs la plus grande et la plus furieuse révolution que l'histoire puisse raconter ? Comment tant d'énergie et de colère pouvaient-elles couver sous cette enveloppe d'esprit, de galanterie et de gaieté ? Mais on eut frémi peut-être en écoutant plus sérieusement les discours avinés et parfumés qui se tenaient dans les petites maisons, dans ces jolis petits appartements dorés et soyeux, entre une débauche des tables et une débauche amoureuse. Quelle audace dans la parole des gens d'esprit, comme on les appelait alors ! Quelle imprudente folie dans les applaudissements des seigneurs ! Et souvent aussi, que de haine dans le persiflage mielleux des premiers ! Et que de dédain dans la familiarité des seconds ! Les bourreaux et les martyrs auraient déjà pu se deviner... » 

    A lire dans Lafautearousseau … 

    Histoire • Rois de France, de Balzac, republié par Péroncel-Hugoz : Présentation [I]

    et aussi  ...

    Sortie au Maroc de « ROIS DE FRANCE suivi de NAPOLEON » , essai de Balzac paru en 1837 et indisponible depuis 1950

  • Histoire • Rois de France, de Balzac, republié par Péroncel-Hugoz : Présentation [I]

     

    C'est en 1837 que Balzac publia Rois de France, un ouvrage concis fort intéressant, consacré aux six derniers « Louis » rois de France, de Louis XIII à Louis XVIII. Malheureusement peu réédité par la suite, cet ouvrage était devenu, de ce fait, indisponible, depuis 1950.

    « 1837 est une des plus glorieuses années de Balzac, celle où il publie également Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau », écrit dans sa préface notre confrère Péroncel-Hugoz, qui a pris l'heureuse initiative de faire rééditer Rois de France, au Maroc, par les Editions Afrique Orient. Nos lecteurs peuvent d’ailleurs lire Péroncel-Hugoz ici-même, régulièrement, puisqu’il nous fait l’amitié de sa participation – très appréciée – à Lafautearousseau.

    Nous donnerons quatre extraits de Rois de France, des « bonnes feuilles », dans nos prochaines parutions du week-end :

    I. La « secte » des Encyclopédistes et la décomposition morale des « élites » et de la société au XVIIIème siècle ;
     
    II. Les erreurs de Louis XVI face à la Révolution ;

    III. L'infanticide perpétré à l'encontre du petit roi Louis XVII ;

    IV. Louis XVIII.

    On verra que, même si l'on n'est pas forcément d'accord sur l'intégralité de ce qu'écrit Balzac, et même si l'on peut, parfois, être surpris par ce qui pourrait apparaître comme de la naïveté (les Prussiens auraient voulu « délivrer » Louis XVI ?) des tonalités, des analyses, des développements que l'on verra par la suite chez un Bainville, chez un Maurras sont déjà là, exprimées par Balzac, dès 1837... 

    A lire demain dans Lafautearousseau … 

    La « secte » des Encyclopédistes et la décomposition morale des « élites » et de la société au XVIIIe siècle [I]

    et aussi  ...

    Sortie au Maroc de « ROIS DE FRANCE suivi de NAPOLEON » , essai de Balzac paru en 1837 et indisponible depuis 1950

  • Livres & Action Française • Antoine Schwérer, de la Royale à l'Action française : l'amiral de la Ligue

     

    Par Journal d'un eurosceptique désabusé

    Un historien nous invite à la rencontre de l'amiral Schwérer, qui devint président de la Ligue d'Action française à l'issue d'une brillante carrière militaire.

    Nos lecteurs se souviennent-ils de l'amiral Schwérer (1862-1936) ? Jean-Noël Grandhomme, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Lorraine-Nancy, vient de lui consacrer un article dans la revue Guerres mondiales et conflits contemporains. Breton d'origine alsacienne, Antoine Schwérer entre à l'École navale en 1878 ; la marine à voile disparaît sous ses yeux : « entre les bâtiments de guerres modernes et ceux sur lesquels j'étais embarqué en 1880 », écrit-il dans ses Souvenirs, « il y a certainement plus de différences qu'entre ces derniers et ceux du temps de Louis XIII, et à cette transformation du matériel a correspondu un changement complet des habitudes, du caractère et de la mentalité du personnel ».

    Avec l'amiral Lacaze

    Jean-Noël Grandhomme retrace un parcours jugé « brillant ». En 1894, par exemple, à bord du croiseur Dubourdieu, il est chargé de dresser une carte générale du magnétisme terrestre. En 1914, alors que la guerre vient d'être déclarée, il négocie les accords franco-britanniques confiant à la Royale la direction des opérations en Méditerranée. L'année suivante, il commande des canonnières sur le front. Puis il devient chef de cabinet de l'amiral Lacaze, ministre de la Marine. Au cours du premier semestre 1917, comme le rapporte Jean-Noël Grandhomme, « la Marine […] joue un rôle important dans les affaires d'Orient et elle contribue au transport en France des contingents russes qui y sont envoyés par le tsar » ; « pourtant, Lacaze est de plus en plus ulcéré par les critiques systématiques de certains députés, notamment socialistes ». Alors que ce dernier donne sa démission, « Schwérer se solidarise évidemment avec lui ». Sa carrière se poursuit néanmoins jusqu'en 1924, où il est placé dans la deuxième section (réserve).

    C'est alors qu'il rejoint l'Action française. Un moment républicain, il n'aura jamais été démocrate, confiera-t-il par la suite. Candidat malheureux aux élections législatives, où triomphe le Cartel des gauches, il se retrouve bientôt « au cœur d'un nouveau combat, contre un adversaire inattendu : l'Église ». En novembre 1926, lors d'un congrès de la Ligue, il explique que « les croyants d'Action française, […] parfaitement soumis à l'autorité religieuse du souverain pontife […], à tous les ordres qu'il leur donnera en ce qui concerne leur religion, prennent leurs directives politiques en dehors du Vatican ». À son décès, en 1936, Mgr Mignen, archevêque de Rennes, lui refuse des obsèques religieuses : « aucune mansuétude n'est de mise pour celui qui a en quelque sorte brandi l'étendard de la révolte anti-papale », souligne Jean-Noël Grandhomme.

    Un travail à poursuivre

    L'amiral Schwérer aura présidé la ligue d'Action française cinq ans durant, après avoir succédé à Bernard de Vesins en 1930. « Maurras sait gré de sa fidélité au compagnon des bons et des mauvais jours », rapporte encore l'historien, qui se montre quant à lui moins élogieux : « son militantisme passionné, qui l'a conduit à se retrouver dans le dernier carré, seul contre tous, ou presque – y compris le clergé et le prétendant – a un côté pathétique, ou chevaleresque, selon le point de vue qu'on adopte », écrit-il notamment. Son article ne nous éclaire guère quant aux ressorts de cet engagement. Il ne révèle rien non plus du caractère de l'amiral Schwérer. De fait, « bien qu'il ait été l'un des acteurs importants de la controverse autour de la Jeune École, un expert reconnu dans l'affaire des poudres de la Marine (à l'origine de près de trois cent cinquante morts dans plusieurs accidents avant-guerre), un "poilu" sur le front de Champagne et le plus proche conseiller d'un grand ministre de la Marine, Schwérer est aujourd'hui presque complètement oublié », constate Jean-Noël Grandhomme. Aurait-il entrepris de réparer une injustice ? 

  • Les Echos : Le parlement espagnol vote l'exhumation du corps de Franco ...

     

    823330531.jpgPar un billet de quelques lignes manifestement assez ignorantes des affaires d'Espagne, Les Echos du 11 mai ont rendu compte d'une motion votée à Madrid, par le Congrès des députés, motion demandant au Gouvernement espagnol l'exhumation du corps du général Franco de la basilique du Valle de los Caidos où l'ex-chef de l'Etat repose depuis sa mort en novembre 1975, soit depuis 42 ans.

    valle-caidos.jpgFranco y est inhumé aux côtés de José Antonio Primo de Rivera, le fondateur de la Phalange, qui n'a pas participé à la guerre civile, ayant été arrêté quatre ou cinq mois avant qu'elle n'éclate, détenu, puis fusillé à la prison d'Alicante, en novembre 1936. Les Echos ne précisent pas si ladite motion du Congrès des députés réclame aussi le transfert du corps de José Antonio ou non. A noter que dans l'imaginaire espagnol, dans l'opinion en général il est une figure assez largement respectée.

    Une majorité de députés a voté cette motion. Ceux du parti au pouvoir, le PP [Parti populaire, de droite] se sont « courageusement »  abstenus.

    Est-ce à dire que la motion n'aura pas de suite ? Nous l'ignorons mais chacun sait que depuis longtemps une certaine gauche espagnole tente de raviver en Espagne la guerre des mémoires et de lancer une bataille judiciaire en faveur des victimes de la guerre. Lesquelles ? Il est évident qu'il s'en suivrait comme une guerre civile nouvelle forme, à la fois rétrospective et très actuelle car les objectifs matériels, financiers ou autres ne sont pas absents de l'opération. Un mauvais coup pour la paix civile en Espagne, qu'il avait été assez sagement prévu de respecter à la mort du général Franco.

    el-escorial-valle-de-los-caidos.jpgLe caudillo restera-il au Valle de los Caidos dans la sierra de Madrid ou retournera-t-il en Galice, au Ferrol, par exemple ? José Antonio sera-t-il ramené dans quelque cimetière madrilène ? Quelle suite le gouvernement Rajoy donnera-t-il à cette motion parlementaire que les députés qui le soutiennent n'ont pas votée ?

    La rancune et la vengeance vulgaires n'ôtent rien à la grandeur des hommes qui ont servi leur pays. Et, en l'occurrence, rendu service à la France, à l'Europe, à la civilisation qui nous est commune. Que Franco et José Antonio reposent dans la crypte du Valle de los Caidos ou ailleurs, selon ce que décideront des hommes, de toute manière petits, n’enlèvera rien qui nuise vraiment à leur mémoire. 

  • Livres • « Avancez vers l'arrière s'il vous plaît ! » : de l'urgence de lire Kolakowski

     

    Par Eugénie Bastié

    C'est un très bel article qu'écrit ici Eugénie Bastié [Figarovox, 10.05] ; de profondes réflexions qu'elle livre et qui nous rappellent, d'ailleurs, ce que, sur les mêmes sujets,  nous avons lu ou entendu venant de Jean-François Mattéi, autre grand philosophe qui ne dédaignait pas l'étude de ses confrères philosophes est-européens, que nous l'avons souvent entendu citer, puisqu'il nous fit la faveur de son amitié. Les grandes oppositions qu'Eugénie Bastié évoque ici - et qu'elle tente de résoudre à l'instar  de Lesdek Kolakowski - prennent, nous semble-t-il, un intérêt particulier pour nous autres Français qui sortons d'un temps de débats électoraux qui auraient dû en traiter et l'ont fait fort médiocrement. On sait que Lafautearousseau suit avec attention les publications d'Eugénie Bastié, jeune journalite et auteur d'une notable qualité.  LFAR   

     

    LECTURE : Divers articles de l'écrivain polonais sont publiés sous le titre « Comment être socialiste + conservateur + libéral ». Une synthèse stimulante à l'heure où les traditions politiques inassumées sont devenues des invectives.

     

    2960413950.jpg« Libéral ! » « conservateur ! » «socialiste ! » : dans cette campagne où l'insignifiance l'a disputé au tout communicationnel, les traditions de pensée politique sont devenues des invectives, qu'on se jette à la figure, ou dont on se distancie avec un dégoût manifeste. Se plonger dans Comment être socialiste + conservateur + libéral (Belles Lettres) , un recueil d'articles de Lesdek Kolakowski publiés dans la revue Commentaire entre 1978 et 2008 permet de se distancier des apostrophes. Méfiez-vous du titre : il ne s'agit pas d'un best-of des meilleures mesures de gauche et de droite, d'une synthèse programmatique pour le Modem, mais d'une formidable méditation sur l'identité européenne et la démocratie.

    Lesdek Kolakowski, né en 1927, fut dans sa jeunesse un marxiste orthodoxe. Il devint ensuite « révisionniste », puis rompit définitivement avec le marxisme, avant de quitter la Pologne en 1968. Horrifié par ses dérives liberticides, il puisa dans le christianisme les fondements d'une résistance à l'utopie communiste. Plus particulièrement dans l'idée de « péché originel » qui postule la finitude humaine et l'impossibilité d'un salut de ce monde. Il trouva dans la sagesse chrétienne les limites indispensables à l'éternelle tentation prométhéenne. Il ne s'est jamais converti, même s'il a été proche de Jean-Paul II. Son christianisme est avant tout intellectuel. « Le christianisme fait partie de notre héritage spirituel commun, au point qu'être absolument non chrétien signifierait être exclu de cette culture. » écrit- il en 1974. Dans son célèbre article « Les illusions de l'universalisme culturel », il explique les liens qui unissent christianisme, universalisme et identité européenne, avec une maestria toute ratzingerienne : « C'est la tradition de l'enseignement chrétien de nous protéger contre les dangers qui nous menacent : la confiance folle en notre perfectibilité infinie et le suicide. Dans ses courants majeurs, le christianisme s'est toujours opposé à l'esprit millénariste qui surgissait à ses marges et dont l'explosion spectaculaire a eu lieu lorsqu'il a pris la forme antichrétienne.» Le communisme est l'hérésie d'un christianisme qui s'impatiente. Mais un universalisme généreux qui se paye de mots, l'est tout autant.

    La civilisation européenne est supérieure parce qu'elle doute

    Dès lors, pour Kolakowski, la force de l'Europe, c'est qu'elle est la seule civilisation qui assume sa propre critique. Son universalisme est inquiet, son identité est inachevée, sa destinée est de douter.

    « Nous n'avons pas le choix entre la perfection totale et l'autodestruction totale : notre destin temporel, c'est le souci sans fin, l'inachèvement sans fin. C'est dans le doute qu'elle entretient sur elle-même que la culture européenne peut trouver son équilibre spirituel et la justification de sa prétention à l'universalité ».

    Cela n'incombe pas de tomber dans le relativisme, bien au contraire : le doute est pour Kolakowski la marque certaine d'une supériorité qu'il faut assumer. Affirmer l'égalité des cultures, des valeurs et des civilisations, c'est trahir l'esprit européen. « L'universalisme culturel se nie s'il est généreux au point de méconnaître la différence entre l'universalisme et l'exclusivisme, entre la tolérance et l'intolérance, en soi-même et la barbarie ; il se nie, si pour ne pas tomber dans la tentation de la barbarie, il donne aux autres le droit d'être barbares ».

    La synthèse que propose Kolakowski n'est pas molle mais exigeante. Au conservateur, Kolakowski emprunte son refus de l'utopie (« il n'y a pas en histoire, de happy end »), et l'idée qu'il y a une permanence de la nature humaine. Au libéral, il prend son souci de l'initiative individuelle et l'attachement à favoriser la création. Au socialiste enfin, son refus d'une société dirigée uniquement par la recherche du profit, et l'idée selon laquelle l'économie doit être soumise à « d'importants contrôles sociaux ». On pourrait y voir une célébration un peu surannée de la social-démocratie. Kolakowski lui-même est conscient du manque d'attrait des doctrines trop raisonnables : « L'ennui, avec la social-démocratie, c'est qu'elle ne contient aucun des excitants produits idéologiques que les mouvements totalitaires - communistes, fascistes ou gauchistes- offrent à une jeunesse affamée de rêve. »

    Le politique est impuissant à faire le bonheur de l'homme

    Plutôt qu'un appel à la modération, nous préférons retirer de ces pages un éloge de la complexité, qui nous invite à nous délivrer des simplismes et des manichéismes offensants pour l'intelligence. La vraie leçon de Kolakowski, celle qu'il tire de la théodicée chrétienne (qui fait du mal la condition de l'existence d'un Dieu d'amour) et de l'expérience communiste (qui fait du Bien la justification des moyens les plus infâmes), c'est que le politique est impuissant à faire le bonheur de l'homme. « Avancez vers l'arrière s'il vous plaît ! Telle est la traduction approximative de l'injonction que j'entendis un jour dans un tramway de Varsovie. Je propose d'en faire le mot d'ordre d'une Internationale qui n'existera jamais. » Il ajoute : « Elle n'existera jamais parce qu'elle ne peut promettre aux gens qu'ils seront heureux ».

    Des mots qui résonnent avec ceux de Régis Debray, auteur d'un roboratif essai sur l'américanisation de l'Europe : « Il n'y a pas de bonheur en politique. Mais Macron vient d'un monde où la poursuite du bonheur doit figurer dans la Constitution. ». L'Amérique contre Kolakowski. Le parti du « cool » contre celui de l'inquiétude. 

    Comment être socialiste + conservateur + libéral - Credo, Leszek Kolakowski, Les Belles Lettres, 192p, 13.90 €

    Journaliste - Sa biographie
  • Culture • De quoi vous changer du bruit moderne et du formatage radiophonique

     

    logo.jpgConstitué par de jeunes lecteurs de Lafautearousseau, le label « NAR Production » vient de se créer. Soucieux de favoriser la création musicale, de jeunes auteurs français, « NAR Production » s’attache à valoriser des artistes proposant des musiques avant-gardistes et enracinées. Bien loin des artistes formatées, « NAR Production » sait qu’il propose sa musique à perte pour ceux qui, bien loin des conformismes, ont conscience que le Beau est un fait et non pas une opinion. « NAR production » est une exigence. Elle a pour ambition de déplaire à tout le monde, sauf aux personnes regrettant que ce soit le laid qui plaît à la masse. 

    Il s’agit donc d’essayer de renouer avec ce qui a fait la célébrité des artistes français : Une solide culture et l’art de jouer avec la Règle. 

    C’est donc avec plaisir que nous vous invitons à vous risquer à notre mauvais goût. Au moins est-il de chez nous et fait de bric et de broc. Puissiez-vous au moins y trouver de quoi vous changer du bruit moderne et du formatage radiophonique.   

    Collectif NAR Production

  • Robespierre a-t-il « théorisé » à la limite du racisme ?...

     

    Mur-bleu gds.jpgC'est le 7 mai 1794 que Robespierre fit adopter par la Convention le Culte de l'Être suprême. Comme souvent, pris par l'actualité la plus immédiate - qui prime, évidemment - nous ne sommes pas tout à fait en phase avec le calendrier commémoratif, dans ces Grains de sel, en rappelant certains faits de notre Histoire, qui méritent pourtant très largement de l'être, comme celui qui va nous occuper aujourd'hui...

    En effet, personne n'en parle, bien sûr, dans la doxa dominante, où il serait indécent de critiquer - et à fortiori de mettre en doute leur existence - ces fameuses « Valeurs de la République » dont on nous rebat les oreilles, avec d'autant plus d'insistance qu'elles n'existent pas, comme le dit fort justement Denis Tillinac : « ...les “valeurs républicaines”, ça n’existe pas. On confond indûment valeur et principe... »

    Mais les faits sont têtus et comme le dit l'adage latin Verba volant scripta manent : les paroles s'oublient, les écrits demeurent. Comment Robespierre a-t-il fait « passer » sa ridicule trouvaille de l'Être suprême, aussi vite oubliée qu'imposée ? Evidemment, par un discours fleuve, car Robespierre, avocat, était un discoureur impénitent, un de ces « bourgeois diserts » dont la Révolution fut prodigue (la formule est de Madame de Coislin, citée par Chateaubriand), atteint d'une logorrhée incurable. Et le 18 floréal, an II de la république, le cher Maximilien prononça un de ces discours ampoulés dont il avait le secret, au milieu duquel il glissa tout de même cette assertion, qui pose problème, comme dit aujourd'hui le jargon :

    « ...Le peuple français semble avoir devancé de deux mille ans le reste de l'espèce humaine ; on serait tenté même de le regarder, au milieu d'elle, comme une espèce différente* ».

    Mais, qu'est-ce-à dire, « une espèce différente » ?

    Certes, nous n'allons pas accuser Robespierre d'avoir comparé « le peuple français»  (tiens, tiens, il existe, « le peuple français » , monsieur Eric Besson ?) à un peuple supérieur aux autres (comme un Hitler regardait la « race aryenne » comme supérieure aux autres), mais il faut bien avouer qu'il y a, dans ce contentement de soi, cette exaltation d'un peuple en particulier, cette façon de le mettre en avant, en hauteur, en état pour ainsi dire de supériorité de fait par rapport aux autres, quelque chose de nauséabond, comme on dit aujourd'hui, toujours dans le jargon.

    Car, de toute évidence, le fait d'être « comme une espèce différente » est évidemment envisagé par Robespierre dans un sens positif, prétendument favorable au peuple français comparé aux autres. C'est parce qu'il a quelque chose de plus, quelque chose en plus par rapport aux autres peuples qu’ « on serait tenté de le regarder même... comme une espèce différente » .

    Surtout à l'époque et dans le contexte de xénophobie exacerbée qu'a ouvertement produit, attisé et assumé la Révolution : n'oublions pas que la reine de France n'était appelée que « l’autrichienne », et encore, quand ce n'était pas bien pire...

    Que recouvre donc cette propension a être tenté de regarder le peuple français « comme une espèce différente » alors que l'on pratique ouvertement, allègrement, quotidiennement la xénophobie la plus virulente ? Alors, danger : si Robespierre n'a pas franchement franchi la ligne rouge, disons qu'il l'a tutoyée, et même un peu chevauchée, non ? Et puis, bien sûr, en creux, il y a ce sentiment de supériorité inavoué ; ce mépris non-dit, cette arrogance et ce dédain, cette commisération aussi, vis-à-vis des autres, des pauvres autres...

    La conclusion nous semble s'imposer d'elle-même : s'il n'a pas littéralement « théorisé » le racisme, la supériorité d'un peuple sur les autres, Robespierre s'en est approché très, très près ; trop près.  

    « Je ne puis rien nommer, si ce n’est par son nom. J’appelle un chat un chat, et Rollet un fripon » (Boileau, Première Satire, 1666). Oui, vraiment, un texte pareil, pour parler français : ça pue !

    Anecdote de clôture, pour garder le sourire et ne pas perdre le moral : le 7 mai 1794, Robespierre est à l'apogée de sa puissance ; deux mois et demi après, le 27 juillet, il est mort... Un anonyme, avec talent, a rédigé la célèbre épitaphe que tout élève devrait apprendre : « Passant, ne pleure pas sur ma mort : si je vivais tu serais mort ! »  

    * Source :

    https://fr.wikisource.org/wiki/%C5%92uvres_de_Robespierre/Sur_le_rapport_des_

    id%C3%A9es_religieuses_et_morales_avec_les_principes_r%C3%A9publicains_

    et_sur_les_f%C3%AAtes_nationales,

    Le passage cité forme le huitième paragraphe de cette logorrhée

     

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    L'imposture des valeurs républicaines (Denis Tillinac - 26 février 2015)

  • Jean Sévillia : Dernier discours officiel du Président Hollande - encore la repentance !

      

    L’historien Jean Sévillia replace le dernier discours de Hollande sur l’esclavage dans le contexte de la loi Taubira de 2001, qui a reconnu la traite négrière comme un crime contre l’humanité.

    Il dénonce aussi les mensonges de cette idéologie, le silence sur la traite des Noirs par les musulmans et les dernières propositions de loi de Cécile Duflot, de « l’agit-prop » maximaliste en faveur du versement de réparations aux victimes. 

     

     
     
     
    Rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine, membre du comité scientifique du Figaro Histoire, et auteur de biographies et d’essais historiques.