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Idées, débats... - Page 443

  • Humour • Michel Audiard, Cultissime !

     

    michel-audiard.jpgAudiar  ... À relire sans modération ! Malgré l'avalanche de paroles grossières, supportables en raison des vérités qu'elles expriment et du rire que, malgré tout, elles suscitent ...    

     

    - « On est gouvernés par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis. »

     

    - « Si on mettait un point rouge sur la tête de tous les cons, le monde ressemblerait à un champ de coquelicots ! »

     

    > - « Moi, les dingues, j'les soigne, j'm'en vais lui faire une ordonnance, et une sévère, j'vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quatre coins d'Paris qu'on va l'retrouver, éparpillé par petits bouts,   façon puzzle... Moi, quand on m'en fait trop, j'correctionne plus, j'dynamite, j'disperse, j'ventile. »

     

    - « Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît. » (Les tontons flingueurs)

     

    - « Les ordres sont les suivants : on courtise, on séduit, on enlève et en cas d'urgence on épouse. » (Les barbouzes)

     

    - « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent. » (100 000 dollars au soleil)

     

    - « La tête dure et la fesse molle, le contraire de ce que j'aime. » (Comment réussir quand on est con et pleurnichard)

     

    - « Un pigeon, c'est plus con qu'un dauphin, d'accord, mais ça vole. » (Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages)

     

    - « Mais pourquoi j'm'énerverais ? Monsieur joue les lointains ! D'ailleurs je peux très bien lui claquer la gueule sans m'énerver ! » (Le cave se rebiffe)

     

    - « Quand on mettra les cons sur orbite, t'as pas fini de tourner. » (Le Pacha)

     

    - « La justice c'est comme la Sainte Vierge. Si on la voit pas de temps en temps, le doute s'installe. » (Pile ou face)

     

    - « Si la connerie n'est pas remboursée par les assurances sociales, vous finirez sur la paille. » (Un singe en hiver)

     

    - « Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche. » (Un taxi pour Tobrouk)

     

    - « Vous savez quelle différence il y'a entre un con et un voleur ? Un voleur de temps en temps ça se repose. » (Le guignolo)

     

    - « Dans la vie, il faut toujours être gentil avec les femmes même avec la sienne. » (Série Noire)

     

     - « Je suis pas contre les excuses, je suis même prêt à en recevoir. » (Les grandes familles)

     

    - « Il vaut mieux s'en aller la tête basse que les pieds devant. » (Archimède le clochard)

     

    - « Quand on a pas de bonne pour garder ses chiards, eh bien on n’en fait pas. » (Mélodie en sous-sol)

     

    - « Plus t'as de pognon, moins t'as de principes. L'oseille c'est la gangrène de l'âme. » (Des pissenlits par la racine)

     

    - « Deux milliards d'impôts ? J'appelle plus ça du budget, j'appelle ça de l'attaque à main armée. » (La chasse à l'homme)

     

    - « Je suis ancien combattant, militant socialiste et bistrot. C'est dire si, dans ma vie, j'en ai entendu, des conneries. » (Un idiot à Paris)

     

    - « Le flinguer, comme ça, de sang froid, sans être tout à fait de l'assassinat, y'aurait quand même comme un cousinage. » (Ne nous fâchons pas)

     

    - « A travers les innombrables vicissitudes de la France, le pourcentage d'emmerdeurs est le seul qui n'ait jamais baissé. » (Une veuve en or)

     

     Signé : Michel Audiard 

  • Langue française • Demain, « celles et ceux » gravé dans la Constitution ?

     

    Par Jérôme Serri 

    Il faut féliciter Jérôme Serri de cette exacte et remarquable tribune en défense de l'esprit de la langue française et qui tourne aussi en dérision les extravagances idéologiques de la caste dominante [Figarovox, 3.08]. Tentons, au moins, dans Lafautearousseau de ne pas succomber aux extravagances linguistiques, si nous sommes à peu près immunisés contre celles qui sont d'ordre idéologique. La langue d'abord !  LFAR   

     

    1280x720-phV.jpgLors de son audition, jeudi 20 juillet 2017, devant la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, a apporté son soutien à la proposition de loi constitutionnelle qui vise à inscrire le principe d'égalité devant la loi sans distinction de sexe.

    Cette proposition de loi constitutionnelle avait été déposée le 8 mars 2017, Journée internationale des droits de la femme, par des sénateurs et des sénatrices (Centristes, Les Républicains, Radicaux, Socialistes, Communistes) de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ce texte pourrait être adopté à l'occasion d'une révision constitutionnelle plus large.

    Dans l'unique article de cette proposition de loi, les signataires souhaitent modifier l'article 1er de la Constitution dont le premier alinéa est rédigé ainsi : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ». La deuxième phrase de cet alinéa deviendrait : « Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe, d'origine, de race ou de religion.»

    Les auteurs de cette proposition de loi expliquent que, s'agissant de l'égalité entre femmes et hommes, renvoyer au Préambule de la Constitution de 1946 (qui fait partie du bloc de constitutionnalité) ne suffit plus. Si ce Préambule qui dispose que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme » était, au lendemain de la guerre, une avancée très importante, il leur apparaît aujourd'hui, de par sa formulation, comme « un rattrapage de droits » qui, de ce fait, maintient présente dans notre Constitution le caractère second des droits accordés aux femmes. Cette formulation serait la trace du fait historique que l'égalité hommes/femmes hier n'allait pas de soi. D'où la nécessité de l'effacer en modifiant la Constitution. Se refuser à le faire serait accepter peu ou prou de rester prisonnier ou complice d'une idéologie sexiste qui, selon la terminologie de Simone de Beauvoir, fait de la femme le « deuxième sexe », le sexe inférieur. Ayant estimé que la formulation était « perfectible », nos auteurs entendent donc la parfaire.

    Est-il sûr que la nouvelle rédaction soit plus pertinente que celle des constituants de 1958 ?

    Vouloir écrire que la France est une République qui « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe...», c'est s'offusquer - à tort, on va le voir - de ce masculin pluriel et vouloir le dénoncer. Ne serait-il pas l'irréfutable preuve, pour les membres de la délégation aux droits des femmes signataires de la proposition de loi, que notre langue est misogyne, phallocrate et qu'elle alimente le machisme de notre société? D'ailleurs, Emmanuel Macron n'a cessé durant toute la campagne présidentielle de nous montrer le droit chemin en se montrant l'irréprochable ami des femmes. Il a veillé avec une extrême « bienveillance » à ne jamais oublier d'associer sans distinction « toutes celles et tous ceux » dont il briguait « en même temps » les suffrages.

    Or, que disons-nous quand nous disons « tous les citoyens » ? Que désigne ce masculin ? Si, parce qu'il est masculin, il désigne les seuls citoyens de sexe masculin, ajouter, comme le proposent les membres de cette délégation, « sans distinction de sexe » n'a aucun sens, chacun en conviendra (chacune et chacun en conviendront ?).

    Depuis que Pierre Mauroy a mis en place le 29 février 1984 une commission de terminologie « chargée d'étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d'une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes », nombre de nos politiques ne sont ni à une démagogie ni à un contresens près et pataugent dans des aberrations linguistiques. Que n'ont-ils fait l'effort de lire la déclaration de l'Académie Française du 14 juin 1984 que rédigèrent Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss : « On peut craindre que, ainsi définie, la tâche assignée à cette commission ne procède d'un contresens sur la notion de genre grammatical, et qu'elle ne débouche sur des propositions contraires à l'esprit de la langue. Il convient en effet de rappeler qu'en français comme dans les autres langues indo-européennes, aucun rapport d'équivalence n'existe entre le genre grammatical et le genre naturel. Le français connaît deux genres, traditionnellement dénommés « masculin » et « féminin ». Ces vocables hérités de l'ancienne grammaire sont impropres. Le seul moyen satisfaisant de définir les genres du français eu égard à leur fonctionnement réel consiste à les distinguer en genres respectivement marqué et non marqué ».

    Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il confondu durant toute la campagne présidentielle le genre grammatical et le genre naturel ? Pourquoi ne l'a-t-on pas corrigé de ce tic démagogique en lui mettant sous les yeux la déclaration de Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss : « Le genre dit couramment «masculin », écrivent nos deux éminents académiciens, est le genre non marqué, qu'on peut appeler aussi extensif en ce sens qu'il a capacité à représenter à lui seul les éléments relevant de l'un et l'autre genre. Quand on dit « tous les hommes sont mortels », « cette ville compte 20 000 habitants », « tous les candidats ont été reçus à l'examen », etc., le genre non marqué désigne indifféremment des hommes ou des femmes. Son emploi signifie que, dans le cas considéré, l'opposition des sexes n'est pas pertinente et qu'on peut donc les confondre ».

    Que feront nos parlementaires pour éviter l'aberration d'une proposition de loi qui vise à remédier au machisme imaginaire du groupe nominal « tous les citoyens » en ajoutant « sans distinction de sexe » ? Décideront-ils (et/ou elles) d'être, comme le fidèle Christophe Castaner, la voix de son maître et de revoir leur copie en proposant d'écrire : « Elle (la France) assure l'égalité devant la loi de toutes les citoyennes et tous les citoyens…» ? Chacun conviendra (chacune et chacun conviendront ?) qu'il n'est alors plus besoin d'ajouter « sans distinction de sexe ».

    Au fait, de quel droit l'effigie de notre République, une et indivisible, est-elle une femme ?  •

    Jérôme Serri

    Jérôme Serri est collaborateur parlementaire, journaliste au magazine Lire. Il a publié Les Couleurs de la France avec Michel Pastoureau et Pascal Ory (éditions Hoëbeke) et Roland Barthes, le texte et l'image (éditions Paris Musées).

  • Sport • Neymar, Paris 2024 : les drôles de priorités d’homo festivus

     

     

    Sur l'affaire Neymar, notamment, Aurélien Marq a donné dans Causeur [3.08] un point de vue qui nous semble avoir sa pleine justification. Le cas échéant, les sportifs donneront leur avis.  

    La Défense vient de perdre 850 millions d’euros. La mission sécurité, c’est à dire la police et la gendarmerie, en perd 200. Soit plus d’un milliard d’euros de moins pour la sécurité de la France et de ses habitants.

    Pendant ce temps, Paris se réjouit à l’idée d’accueillir des Jeux Olympiques qui n’ont plus grand’chose à voir avec l’esprit de l’Antiquité, mais dont les récentes versions se sont avérées des gaspillages presque caricaturaux. Et les clubs de foot s’apprêtent à s’échanger des joueurs aux salaires démesurés pour des sommes colossales.

    Bien sûr, l’argent du football n’est pas de l’argent public. Même si au fond, les grands clubs ne doivent leur richesse qu’à l’engouement général pour ce sport, nourri par un réseau de clubs amateurs bénéficiant de subventions et de terrains de foot installés jusque dans les plus petites communes aux frais du contribuable.

    Neymar = 1200 militaires

    Mais prenons le cas médiatisé dernièrement de Neymar . 30 millions d’euros de salaire net estimé par an, 222 millions de coût de transfert pour rejoindre le PSG. D’un strict point de vue économique, rien à redire. La loi de l’offre et de la demande. Et il n’est pas choquant qu’un homme talentueux dans son domaine monnaye son travail à la hauteur de ce que son employeur espère en retirer. Tant mieux pour lui, et que les jaloux essayent de faire aussi bien au lieu de critiquer.

    Pourtant, que pouvons-nous penser d’une société dont les membres se plaignent de manquer de soldats, de gendarmes, de policiers, et qui néanmoins verse pour un seul joueur de foot l’argent qui lui permettrait d’avoir environ 1200 militaires supplémentaires ? Car cet argent vient bien de quelque part ! Des abonnements, des droits de diffusion, de la publicité parce qu’elle est rentable et donc de nos achats, etc.

    L’air du temps est celui que nous expirons

    Oh, ce n’est pas la décision d’un chef d’Etat, ni d’un gouvernement. Personne, à vrai dire, n’a un jour eu à arbitrer entre ces deux options : la France a-t-elle plus besoin, aujourd’hui, d’un excellent joueur dans un club appartenant à un pays dont les liens avec le terrorisme sont pour le moins ambigus, ou de 1200 militaires, gendarmes et policiers chargés de combattre ce terrorisme ?

    Il n’en demeure pas moins que ce choix a été fait, collectivement. Il est la conséquence naturelle d’un climat, d’une ambiance, d’un « air du temps ». Et il dit quelque chose de ce que nous sommes.  •

    Aurélien Marq

  • Famille de France & Histoire • Le testament politique de Philippe VII de France, comte de Paris (1838-1894)

     

    A lire ce très beau texte, l'on retrouve l'esprit, les termes, les sentiments des Princes, aujourd'hui. Le Prince Jean de France en est l'évident continuateur. LFAR

     

    « Il m’a toujours paru fort imprudent, même pour les Princes et les hommes d’État qui ont joué un grand rôle parmi leurs contemporains, d’écrire un testament politique. Pour qu’un tel document puisse être utile à leurs successeurs, il faudrait qu’ils eussent reçu le don de lire dans l’avenir, don qu’il faut remercier Dieu de nous avoir refusé.

    Aussi, au moment où je me prépare tout particulièrement à paraître devant ce souverain Juge, n’ai-je pas l’intention de tracer une ligne de conduite à mon fils. Il connaît mes pensées, mes sentiments, mes espérances ; il aura toujours pour guide la conscience de ses devoirs et l’amour passionné de la France qui est la tradition invariable de notre Maison.

    C’est à mes amis que je tiens à dire un dernier adieu, au moment de terminer une vie que je n’ai pu consacrer aussi utilement que je l’aurais voulu au service de notre pays. Et je ne m’adresse pas seulement à ceux avec qui j’ai été en relations directes. J’appelle amis et amies toutes les personnes, quelle que soit leur condition sociale, qui, de mon vivant, ont fait des vœux pour le succès de la cause monarchique et qui prieront Dieu pour moi au jour de ma mort. Ce m’est une consolation de songer qu’elles se souviendront de moi, lorsque mes jours plus heureux luiront sur la France, lorsque, comme je le souhaite avec ardeur, les passions politiques et religieuses qui divisent en ce moment profondément les enfants d’un même pays seront apaisées.

    Cet apaisement ne pourra être que l’œuvre de la monarchie nationale et traditionnelle. Seule, elle pourra réunir dans un effort commun tous les dévouements, tous les élans généreux, qui, à l’honneur de notre pays, ne sont le monopole d’aucun parti.

    Lorsque je ne serai plus, j’espère que la France rendra justice aux efforts que j’ai faits, au lendemain de ses désastres, pour l’aider à chercher à se relever en revenant au principe monarchique. En 1873, j’ai été à Frohsdorf pour écarter tous les obstacles personnels et pour donner l’exemple du respect absolu du principe héréditaire dans la Maison de France. Dix ans après, le parti monarchique montrait sa visibilité et son esprit politique en ne laissant pas ébranler par la transmission du dépôt traditionnel qui passait du représentant de la branche aînée au représentant de la branche cadette.

    J’ai cherché à répondre à la confiance que ce grand parti avait montrée à son nouveau chef en travaillant à fusionner les éléments divers dont il se composait. Le résultat des élections de 1885 montra que ce travail n’avait pas été inutile. Nos adversaires politiques y répondirent par l’exil. Je n’avais rien fait pour le provoquer, si ce n’est d’exciter leurs alarmes. Je ne fis rien pour l’éviter, et je le subis comme l’une des plus dures conséquences de la situation que me faisait ma naissance.

    J’ai poursuivi sans relâche dans l’exil l’œuvre commencée sur le sol français, au milieu des circonstances les plus difficiles. J’ai pu me tromper parfois sur les hommes et sur les choses, mais je l’ai toujours fait de bonne foi, et j’ai le droit de dire que tous mes actes n’ont jamais été inspirés que par mon dévouement à la France et à la cause que je représente.

    Mon but a toujours été de conserver le dépôt du principe traditionnel dont ma naissance m’avait constitué le gardien, et de prouver à la France que ce principe n’avait rien d’incompatible avec les idées modernes, avec notre état social actuel.

    En transmettant cet héritage à mon fils aîné, je demande à tous mes amis de se serrer autour de lui. J’ai confiance dans l’avenir ; j’espère qu’ils se partageront cette confiance. Elle sera leur soutien au milieu de toutes les épreuves et le gage de leur succès final.

    Je ne puis pas croire, en effet, que Dieu ait pour toujours abandonné la France, le pays auquel il a donné saint Louis et Jeanne d’Arc. Or, pour qu’elle se relève, il faut qu’elle redevienne une nation chrétienne. Une nation qui a perdu le sentiment religieux, où les passions ne sont plus contenues par aucun frein moral, où ceux qui souffrent ne trouvent pas un motif de résignation dans l’espoir de la vie future, est destinée à se diviser, à se déchirer, à devenir la proie de ses ennemis intérieurs ou extérieurs.

    Le premier devoir de mes amis est donc d’arracher la France à la voie funeste qui la conduirait à une telle catastrophe. J’espère que, dans cette œuvre de salut, ils verront se réunir à eux tous les honnêtes gens que l’expérience ne peut manquer d’éclairer un jour. C’est le dernier vœu de l’exilé pour une patrie à laquelle il recommande à ses enfants de rester toujours dévoués et fidèles. »  • 

    Philippe VII, comte de Paris, Chef de la Maison de France (de 1883 à 1894)

    Stowe-House, 21 Juillet 1894.

    Le prince Phillippe d’Orléans, comte de Paris

    Source : La Monarchie Française. Lettres et documents politiques (1844-1907).

    Comte de Chambord – Comte de Paris – Duc d’Orléans. P. 198 à 201.

    La Couronne

  • Théâtre & Cinéma • Pauvre de nous : Claude Rich n’est plus

     

    Par Nicolas Gauthier

    Voici un bien bel article [Boulevard Voltaire, 22.07] d'évocation de Claude Rich, disparu il y a déjà deux semaines. Le rédacteur de ces lignes-ci se souvient d'avoir vu Claude Rich jouer Faisons un rêve au théâtre, à Marseille ou à Paris, et que c'était un enchantement, bien-sûr  à cause de l'art de Guitry mais aussi à cause de l'art, personnel, sans imitation aucune, de Claude Rich. Il ne faut jamais juger les artistes à raison de leurs idées politiques, religieuses ou autres, mais seulement de l'intensité de leur art. Celui de Claude Rich, cependant, se ressentait de son attachement à la France de la Tradition, notamment catholique. Et cela n'est pas indifférent.  Lafautearousseau.  

     

    745791051.pngMaintenant que Claude Rich nous a quittés, Venantino Venantini demeure le dernier des Tontons flingueurs à ne pas avoir été flingué par la Camarde.

    Claude Rich, dans le film de Georges Lautner, c’est l’insupportable Antoine, soupirant de la jolie Patricia, filleule de l’irascible Fernand, incarné par Lino Ventura ; un Antoine compositeur de l’espèce bruitiste, connu pour signer concertos pour robinets qui fuient et sonates pour pneus crevés.

    Claude Rich va enfin atteindre « l’anti-accord absolu », quand Fernand assure à Patricia que « ton Antoine commence à me les briser menu ».

    Claude Rich, dans l’Oscar d’Édouard Molinaro, c’est Christian, le comptable indélicat et plus insupportable encore, qui arnaque son futur beau-père, le tout aussi irascible Louis de Funès. « Vous connaissez ma fille depuis combien de temps ? » « Un an et demi. Mais je suis aussi son amant… » « Depuis combien de temps ? » « Un an et demi… » « Eh bien, vous, le moins qu’on puisse dire est que vous ne perdez pas de temps ! »

    Claude Rich, c’est un phrasé inimitable, une longue silhouette, souple et dégingandée, des yeux qui riaient tout seuls, une classe naturelle et incomparable.

    Claude Rich, ce sont des dizaines de films et plus, encore, de pièces de théâtre. C’est aussi le roué Talleyrand qui affronte le terrible Fouché, Claude Brasseur, dans Le Souper, sublime pièce de Jean-Claude Brisville, transposée sur grand écran par Édouard Molinaro. 

    Claude Rich, c’est également ce vieillard aussi pingre qu’atrabilaire dans Le crime est notre affaire, fort joli film de Pascal Thomas, très librement inspiré d’un roman d’Agatha Christie. Même en ignoble bonhomme, il parvient à inspirer de la tendresse, à faire transpirer l’humanité de son personnage, au coin d’un sourire, au travers d’un regard. 

    Claude Rich, c’est l’homme qui sait tout jouer, l’acteur qui peut tout jouer ; à l’exception, peut-être, de ce rêve à jamais inassouvi ? Incarner le père Charles de Foucauld, l’ermite du Hoggar, dont il conserva longtemps la photo dans son portefeuille, fasciné qu’il était par son « besoin d’absolu ».

    Claude Rich, en effet, est un catholique de conviction, espèce assez rare en un show-biz désormais envahi de Michaël Youn et de Jamel Debbouze. Se définissant comme un « chrétien pitoyable », il affirmait au passage : « Je ne suis pas un très bon chrétien. Je n’étudie pas beaucoup ma religion, mais je crois en l’amour de Dieu. De la même façon que l’on ne sait pas toujours pourquoi on aime une personne, j’aime Dieu. Je le fréquente tous les dimanches. Lorsqu’il m’arrive de confier à quelqu’un mon intention d’aller à la messe le dimanche et que mon interlocuteur me fait part de son étonnement, je lui dis que c’est moi qui suis étonné qu’il n’aille pas à l’église ! »

    Claude Rich est malgré tout assez bon chrétien pour signer des deux mains le manifeste de « total soutien » au pape Benoît XVI, quand ce dernier remit à l’honneur la messe tridentine.

    Claude Rich fut donc un drôle de paroissien. Qu’il nous soit ainsi permis de le saluer, humblement et chaleureusement, en ces colonnes, pour tout le bonheur qu’il nous a donné, et surtout les moments d’émotion et les fous rires avec lui partagés.

    À Dieu, Claude Rich. À Dieu en deux mots, tel qu’il se doit ; pour vous dire ce qui n’est qu’un au revoir.   

    Journaliste, écrivain
     
    A lire aussi un autre très bel article sur la disparition de Claude Rich  ...
     
    Claude Rich, le prince s’en est allé par Thomas Morales  - 
  • Culture • Enquête sur l’édition française (2) : « Il fallait passer au livre, s’incarner »

     
     
    L’Action Française 2000 se penche sur l’état de l’édition en France. Lit-on encore ? Publie-t-on trop ? L’édition électronique a-t-elle un avenir ? Panorama d’une culture en profonde transformation, avec des témoignages d’éditeurs, dans toute leur diversité.

    Entretien avec Maximilien Friche, directeur des éditions Nouvelle Marge.

    Pouvez-vous nous raconter l’histoire de votre jeune maison d’édition ?

    Nouvelle Marge vient de Mauvaise Nouvelle, une revue en ligne que je dirige depuis 2013. Cette revue publie chaque semaine aussi bien des tribunes de combat du politiquement correct que des recensions littéraires en laissant une place importante aux arts et à la poésie. À force de publier en ligne, je me suis dit que j’étais, de fait, un éditeur. Il fallait passer au livre, s’incarner. Le premier roman publié fut le cinquième roman de Sarah Vajda, Jaroslav et Djamila, et je fus ravi d’entrer en littérature avec un roman d’amour d’un auteur dont je suis fan. Cette année, Nouvelle Marge se lance dans les essais, avant d’ouvrir la voie vers d’autres écrits : recueils de nouvelles, poèmes épiques… Rien ne nous est interdit puisque nous avons pris la marge dès notre naissance ; nous allons donc bien nous amuser.

    Quelle est la philosophie générale de Nouvelle Marge ?

    Comme tout s’échine à nier la personne humaine dans ce monde, Nouvelle Marge a un combat : l’existence. En littérature, nous voulons d’abord rétablir la vocation héroïque du lecteur et, en ce sens, nous nous opposons à toute la culture de l’autofiction où les auteurs nous racontent la vie de leurs entrailles en se croyant profonds et en nous incitant à prendre des vessies pour des lanternes. Nouvelle Marge veut également allier l’amour de la langue avec sa passion de la modernité. C’est sans doute dans ce mariage qu’émerge le style dans le principe d’individuation de la langue. L’écrivain est cette gargouille qui se laisse traverser par le Verbe. Il rend ce qu’il reçoit, il traduit sa chair en paroles. Si les initiales s’inversent entre Nouvelle Marge et Mauvaise Nouvelle, c’est pour symboliser l’ambition d’être le lieu où l’être fait sa propre révolution, sa conversion. Nouvelle Marge souhaite apporter l’écrit qui modifie l’être, qui le rétablit dans sa dimension tragique. En guise de philosophie générale, finalement, je me demande si ce ne serait pas une volonté non pas d’échapper au monde en allant à sa marge, mais plutôt de le reconstruire à sa marge, de construire une arche peut-être.

    Vous avez ouvert récemment une « zone d’essais » (collection « Mauvaise Nouvelle »). C’est une petite révolution puisque Nouvelle Marge était à l’origine vouée aux genres narratifs. Comment abordez-vous cette nouvelle étape ?

    Je ne voulais publier effectivement que des œuvres narratives et puis, une controverse littéraire avec un ami ayant écrit un essai sur Dantec m’a amené à descendre de mon snobisme germanopratin. En fait, des écrits peuvent modifier un être au-delà de la forme narrative, notamment par la langue, comme en poésie notamment, par la transmission avec les essais qui nous placent dans une aventure de la pensée. Un autre élément a concouru à la création de cette zone d’essais : la richesse des textes publiés dans Mauvaise Nouvelle et la volonté de donner aux plus beaux d’entre eux un corps. Il me fallait donc une collection dédiée aux essais et pour continuer de laisser les univers d’Internet et du livre s’entremêler, cette zone est la collection “Mauvaise Nouvelle”. Cette dernière se veut fidèle à l’esprit de la revue, au sens où l’outrance ne nous fait pas peur pour parvenir à désarçonner le politiquement correct, et que, dans le même temps, nous refuserons toujours d’être réduits à la pensée militante. Je ne crée pas une marge pour finir dans une niche. J’aborde donc cette collection d’essais avec beaucoup d’enthousiasme car je sais qu’il s’agit d’un lieu où l’intelligence va jouir de sa liberté.

    blanchonnet-petit-dictionnaire-maurrassien - Copie.jpgVous éditez le Petit dictionnaire maurrassien de Stéphane Blanchonnet (sortie ironique le 14 juillet 2017). Que représente pour vous l’école d’Action française ?

    Voilà encore de quoi s’enthousiasmer ! Et les rodomontades ou autres procès staliniens que je subis depuis que j’ai annoncé la parution de cet essai sur Maurras ne font que conforter ma décision de lancer une série politique. À l’heure où les Français choisissent les députés sur CV et que la France est dirigée par un algorithme, il me semble essentiel d’apporter quelques précis politiques aux lecteurs et électeurs. Et comme je préfère être en marge qu’en marche, Maurras inaugure cette série. D’autres suivront : Marx, De Gaulle, Jaurès… Pour l’heure, nous publions le Petit dictionnaire maurassien de Stéphane Blanchonnet, et commencer une série politique par un ouvrage consacré à l’auteur de la formule « Politique d’abord ! » me semble tout à fait à propos. J’ai toujours été fasciné par la longévité et le dynamisme de l’AF, sa faculté à renouveler ses forces militantes. Le point essentiel pour moi reste de croiser très souvent des intellectuels, des journalistes, des écrivains, des professeurs… qui se réclament de ce mouvement qui les a formés intellectuellement et leur a permis d’irriguer le monde des idées de l’AF. J’oserais dire que l’on ne peut pas s’intéresser à la politique sans s’arrêter un temps sur l’AF, son histoire et son actualité.   •

    L'Action Française  - 25 juillet 2017.

  • la tyrannie de l'abstraction

    Saint-Just, le fanatisme de la Raison

     

    Par Jean de Maistre 

    Excellent commentaire, du jeudi 3 août, sur notre publication « Claude Lévi-Strauss à  propos des idées de la Révolution ». Ce qu'écrit fort justement Jean de Maistre sur les dangers de l'abstraction nous rappelle la prophétie de Frédéric II, faite à Voltaire, prophétie que Gustave Thibon aimait à citer : « Nous avons connu le fanatisme de la foi. Peut-être connaîtrons-nous, mon cher Voltaire, le fanatisme de la raison, et ce sera bien pire. »   LFAR 

    715304725.jpgLucidité de Lévi-Strauss, comme sur de nombreux autres problèmes, surpopulation, uniformisation culturelle planétaire etc.

    Les anthropologues et de nombreux penseurs, à la différence de la philosophie du XVIII° siècle, savent que les sociétés humaines ne sont pas des machines que l'on peut démonter et remonter à sa guise. Mais dès le moment de la révolution française, Edmund Burke avait dénoncé la tyrannie de l'abstraction régnant dans le mouvement révolutionnaire.

    En relisant l'histoire des Girondins de Lamartine on voit comment le fanatisme de l'abstraction dans les discours des membres de la Constituante, de la Législative ou de la Convention ne pouvait mener qu'au règne de la Terreur, qui n'est pas un accident regrettable du processus révolutionnaire mais l'essence de celui-ci.

    Le trop méconnu historien Augustin Cochin dans ses travaux sur la révolution française a montré le rôle des « sociétés de pensée » du XVIII°, où l'on se gorgeait de concepts et de grands principes, dans l'avènement de la tyrannie révolutionnaire.

    Il faut réhabiliter en politique la vertu aristotélicienne de prudence. 

    Lire ...

    Claude Lévi-Strauss à propos des « idées de la Révolution »

  • Histoire • « Jeanne d’Arc enflamme les cœurs »

     

    Un monumental Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d’Arc vient de paraître : travail de fourmi, enquête passionnée, il livre aux curieux une masse impressionnante de documents qui sans cela auraient risqué de tomber dans l’oubli. Entretien avec Pascal-Raphaël Ambrogi.

    Propos recueillis par Philippe Mesnard

    Votre ouvrage est à la fois une œuvre scientifique et un « dictionnaire amoureux de Jeanne d’Arc ».

    Il offre au lecteur ce que l’on sait de Jeanne, ce que l’on a dit d’elle et ce qu’elle a inspiré et inspire encore. Mis à la portée du plus grand nombre ces documents, ces analyses, ces synthèses, ces catalogues, cette anthologie, ce livre qui est tout à la fois, organisé en dictionnaire, sert à chacun ce qu’il savait sans doute déjà et tout ce qu’il n’avait jamais imaginé trouver. Jeanne d’Arc ! Plus on l’étudie, plus l’émerveillement croît.

    Quelle a été votre plus belle découverte en vous lançant dans cette entreprise ?

    Jeanne est une découverte perpétuelle tout comme une source d’inspiration inépuisable. Un personnage historique parmi les plus documentés de l’Histoire, un enjeu, un symbole, un héros. Je n’imaginais pas un tel potentiel d’admiration, de foi et d’énergie créatrice. L’actualité permanente de la « libératrice de la France » ne se traduit pas uniquement par la parution d’ouvrages littéraires ou historiques. C’est dans pratiquement tous les domaines d’expression qu’elle est présente et qu’elle bat aussi souvent des records. Il faut évoquer ici quatorze mille livres, de vint à trente millestatues rien qu’en France, quatre cents pièces de théâtre déjà répertoriées en 1922, cen trente-neuf films ! Des mangas, des morceaux de rock et de hard metal… Ces derniers dans le monde entier au cours des années récentes. Une pièce de théâtre est annoncée pour 2017, une autre pour 2018. Un film sortira à l’automne, consacré à l’enfance de Jeanne. Une statue sculptée par le russe Boris Lejeune pour la ville de Saint-Pétersbourg sera bientôt élevée. Une sienne statue a déjà été placée, en 2013, à Bermont, près du village natal de Jeanne. Une Pietà de Jeanne d’Arc a été placée, en 2006, à l’entrée d’une caserne près de New York : Jeanne porte un soldat mort sur ses genoux. Ce qui est poignant et unique.

    Cet intérêt pour Jeanne n’est pas nouveau. Il remonte en réalité aux heures mêmes de son épopée. C’est là ma plus grande découverte. Nous avons évoqué les nombreux documents contemporains, significatifs à cet égard. Et s’il faut attendre le XIXe siècle pour assister à ce que l’on pourrait qualifier de « frénésie johannique » ou d’« engouement johannique » – entre 1870 et 1900, par exemple, paraissent cent une biographies consacrées à Jeanne d’Arc, destinées au grand public et à la jeunesse – il n’en reste pas moins que le « messie de la France » (a dit Henri Martin) est loin d’être absent de la scène. Il suffit de consulter les articles « Musique », « Poésie » ou « Théâtre » du Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d’Arc pour s’en rendre compte. La Ballade contre les Anglais, de 1428, y fait déjà allusion. Évoquons la Ballade des dames du temps jadis, de François Villon. L’article « Musique » mentionne une œuvre pour les XVe et XVIe siècles, trois pour le XVIIe siècle et douze au XVIIIe siècle. L’article « Poésie » recense huit œuvres au XVe siècle, treize au XVIe siècle, vingt au XVIIe siècle, quatorze au XVIIIe siècle. Quant à l’article « Théâtre », il répertorie une pièce du XVe siècle, le Mystère du siège d’Orléans, daté de 1439, deux pour le XVIe siècle, une bonne douzaine pour le XVIIe siècle, et dix-sept pour le XVIIIe siècle. Cette production est donc loin d’être négligeable.

    C’est un Anglais, William Shakespeare, qui relance Jeanne, avec son Roi Henry VI, de 1592. Il en donne une vision scabreuse et va contribuer à répandre le mythe de Jeanne la sorcière. Voltaire, avec La Pucelle d’Orléans, érotise Jeanne, dans les multiples versions de son œuvre, qui connaît un succès fou (cent vingt-cinq éditions entre 1755 et 1835) et est apprise par cœur par certains, y compris à l’étranger. Schiller porte Jeanne à la scène avec la Jungfrau von Orleans, de 1801. Il brode en inventant une idylle amoureuse entre Jeanne et un beau soldat anglais. Schiller s’assurait ainsi un succès durable. Sa pièce est imitée par de nombreux auteurs, tels que Charles-Joseph Loeillard d’Avrigny et Alexandre Soumet en France ; Roberto de Simone, Nicolas Vaccai et Salvatore Vigano en Italie, Destouches en Allemagne ; elle est mise en musique par Max Bruch, Joseph Klein, Leopold Damrosch, Johann Schulz, Carl Wagner, Bernhard Weber en Allemagne ; Manuel Tamayo y Baus en Espagne, Mario Bossi, Giuseppe Verdi en Italie ; Tchaïkovski en Russie ; Ignaz Moscheles, auteur tchèque. Elle est portée au cinéma en RDA, en 1976, se retrouve au Japon dans des manga de Wakuni Akisato et de S. Muchi.

    Nous avons dit que le phénomène se poursuit. Comment l’expliquer ? Jeanne d’Arc est la figure emblématique par excellence de l’héroïne qui défend son pays de l’envahisseur, en même temps qu’il émane d’elle une aura particulière du fait de sa jeunesse (elle entame sa carrière politique et militaire à dix-sept ans !), de sa fraîcheur, de la « trahison » du roi Charles VII aussi et de sa mort atroce, brûlée vive sur un bûcher à Rouen, le 30 mai 1431.
    Jeanne d’Arc bénéficie ainsi d’un capital de sympathie qui perdure et continue d’enflammer les cœurs. Son personnage est aussi entouré d’un certain mystère, du fait que Jeanne est avant tout une mystique. Elle ne prend pas ses ordres auprès des hommes.

    jeanne-darc-418576_1280.jpg« J’ignore la conduite de la guerre », déclare-t-elle. Or, selon l’auteur de la Geste des nobles français, du 6 juillet 1429, dès son arrivée à Chinon, Jeanne décrit à Charles et à son conseil, « les manières de guerroyer des Anglais » avec une telle précision qu’ils en sont fort ébaudis. Elle déclare : « Par l’aide du ciel, je sais chevaucher et conduire une armée. » Comment l’expliquer, si ce n’est qu’elle jouit de l’assistance continuelle de son conseil divin, dont elle parle avec tant d’assurance, qui « lui avait mis dans l’esprit des clartés de tout ce qui regardait la guerre, et lui fournissait, au moment voulu, les suggestions utiles » ? Ce que nul chef chevronné n’a vu ni compris, elle s’en rend ainsi compte et le saisit sur-le-champ.

    Comment expliquer, devant la masse des faits, que d’aucuns cherchent encore à mythifier Jeanne d’Arc en imaginant qu’elle n’est pas morte sur le bûcher ou qu’elle était d’ascendance royale ?

    Jeanne d’Arc, un mythe ? Comment l’expliquer ? Jeanne est un mystère qui balance entre une incarnation – la jeune fille de Domremy, ce « Bethléem de la patrie » – et un mythe désormais universel qu’elle a bien involontairement suggéré et qui la dépasse sans la détruire. Or, contrairement à la plupart des héros dont la mythification n’intervient que tardivement après leur mort, Jeanne fut un mythe vivant, rappelle Colette Beaune. Dès son apparition, le mythe fut consubstantiel à son histoire. La France et les Français attendaient une intervention divine. Jeanne revêtit les habits du Sauveur tant espéré. Sa capture imprima au mythe d’autres formes. Au messianisme triomphal des années 1429 succéda dans son camp l’image de la souffrante puis de la martyre.

    L’épopée de la Pucelle d’Orléans est certes légendaire, en ce sens qu’elle est inscrite de façon indélébile dans l’histoire de l’humanité et qu’elle est devenue une référence universelle. C’est ainsi que nous avons recensé cinquante-quatre femmes qualifiées de Jeanne d’Arc dans trente-trois pays, dont plus d’une au cours des années récentes. Ce sont les Jeanne d’Arc des États-Unis, de Colombie, de Russie, du Japon, de Côte d’Ivoire, de Chine, du Brésil, etc.

    Mais l’épopée de notre héroïne nationale n’est pas une légende au sens d’une construction artificielle bâtie après coup quelques faits épars. Avec Jeanne d’Arc, nous sommes en présence du personnage de l’humanité, après notre Seigneur et la très Sainte Vierge, le plus documenté de tous les temps. Jugeons-en. Enquête théologique à Poitiers, en mars 1429, qui décide le dauphin Charles à faire crédit à la Pucelle, avec un examen de virginité et une enquête à Domremy et à Vaucouleurs. Procès de condamnation de janvier à mai 1431, avec enquête à Domremy et deuxième examen de virginité ; procès de relapse fin mai 1431, condamnant Jeanne à être brûlée vive. Enquête officieuse de 1450, à la demande du roi Charles VII. Enquête officielle à Rouen en 1452. Ouverture en 1455 du procès de nullité de la condamnation, avec enquêtes à Domremy, Vaucouleurs, Orléans, Tours, Paris, Poitiers, Compiègne, Saint-Denis, Sully-sur-Loire, Lyon, soit cent quarante-quatre auditions, le tout aboutissant à casser, en 1456, la première sentence. Puis procès de béatification, avec examen de l’héroïcité des vertus de Jeanne, examen de trois miracles, procès des raisons pouvant s’opposer à la béatification. Engagé en 1869, à la demande Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans, il débouche sur la béatification, le 18 août 1909. Procès de canonisation enfin, avec la reconnaissance de trois nouveaux miracles. La cérémonie officielle a lieu en la basilique Saint-Pierre de Rome, le 16 mai 1920. Nous disposons ainsi d’une documentation de première main vraiment unique.

    Documentation d’autant plus exceptionnelle que, vu l’importance politique de la condamnation et de l’exécution de Jeanne d’Arc pour l’Angleterre, le roi Henry VI a pris grand soin de faire rédiger cinq copies authentiques des actes du procès qu’il a envoyées à divers destinataires.

    Nous avons recensé en outre, délaissant les délibérations et les comptes de plusieurs villes, cent cinquante-six documents contemporains parlant des exploits de la Pucelle. Par contemporains, j’entends ceux allant du début de l’épopée, le 22 février 1429, à la sentence de nullité de la condamnation, le 7 juillet 1456. Ils émanent aussi bien du camp Armagnac que des adversaires de Jeanne, ou de simples observateurs, comme les marchands italiens installés en France. « Nous devons d’autant plus prêter foi à tous ces faits, écrira l’Allemand Guido Görres, qu’ils ont été consignés par ses ennemis mortels [certains d’entre eux du moins], qui ont tout fait pour les falsifier et les déformer au détriment de Jeanne : car c’est une preuve irréfutable de son innocence, que, selon les vœux de la Providence, ses persécuteurs devaient donner au monde futur ».

    Citons-en quelques-uns. Le plus ancien document semble être une lettre du 22 avril 1429 d’un ambassadeur de Philippe de Brabant. Notons que Jeanne n’entrera dans Orléans que sept jours plus tard. Nous trouvons des annotations du 9 mai, deux jours après la levée du siège d’Orléans. Le 14 mai, Jean Gerson, chancelier de l’université de Paris, écrit un Traité sur la Pucelle. Vers le 15 mai, le duc de Bedford, régent d’Angleterre, prend des mesures contre les désertions qui se multiplient dans son camp. Le Ditié, un poème de Christine de Pisan, date du 31 juillet. Dès qu’il apprend la prise d’Orléans, l’empereur Sigismond de Luxembourg commande un tableau représentant Comment la Pucelle a combattu en France.

    Tout cela est donc très sérieux et historiquement très sûr. Et absolument unique. Ce qui est de nature à ôter tout doute sur le caractère historique des quatre cent vingt-sept jours de l’épopée de Jeanne, quatre cent vingt-sept jours seulement qui suffisent à rétablir la situation, à faire échec aux Anglais, à libérer Orléans et le royaume de leur présence indésirable, à faire sacrer le roi et lui restituer sa légitimité, et à modifier de fond en comble l’art de conduire la guerre.

    ___________________________________ 

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    Pascal-Raphaël Ambrogi et Dominique Le Tourneau, Dictionnaire encyclopédique de de Jeanne d’Arc, éditions Desclée de Brouwer, juillet 2017, 2 012 pages, 49 euros.

    Philippe Mesnard

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  • Littérature • Daniel Halévy, grand intellectuel juif ami de Maurras, évoqué par Jean Guitton

     

    Gérard Leclerc évoquait ici le mois dernier, à propos de l'accélération de l'Histoire, la figure de Daniel Halévy. Historien, essayiste, directeur de collection chez Grasset, il était le fils de Ludovic Halévy, académicien français, le frère d'Élie Halévy, philosophe; il devint le beau-père de Louis Joxe, le ministre du général De Gaulle, le grand-père de Pierre Joxe. Le rôle qu'il joua au siècle dernier dans le monde des lettres et des idées, Jean Guitton l'évoque ici. Daniel Halévy - Guitton le dit - fut aussi l'indéfectible ami et admirateur de Charles Maurras. Qu'Halévy fût Juif et Maurras se voulût "antisémite d'État" ne fut jamais un obstacle à leur amitié.  LFAR     

     

    Guitton-Jean-Un-Siecle-Une-Vie-Livre-323077311_L.jpg« De tous les êtres que j'ai connus, il est le seul qui m'ait donné l'impression de vraiment écouter l'autre. Il écoutait les princes comme les enfants, avec une préférence pour les simples, et même (chose singulière, et que je n'ai vue qu'à lui) pour les bavards, les fâcheux, les « raseurs », qu'il trouvait très instructifs. Il les écoutait avec un air de grand seigneur distrait. 

    Je savais qu'il avait été le compagnon de Péguy, l'exégète de Proudhon, le condisciple de Proust à Condorcet, l'ami des deux frères Tharaud, le correspondant de Croce et de Malaparte - et le découvreur d'un officier inconnu appelé Charles de Gaulle, qui dans son salon lui avait retracé les vues prophétiques du colonel Émile Mayer sur le rôle des chars dans une prochaine guerre.

    Halévy avait le don du prophète. C'est lui qui, dans la collection créée par Grasset, « Les Cahiers verts », avait lancé dans l'espace, comme une constellation : Montherlant, Mauriac, Maurois, Malraux, Guéhenno, Louis Hémon (l'auteur de Maria Chapdelaine).

    En France, il avait été l'un des premiers à croire en Nietzsche, sur lequel il avait écrit un si beau livre.

    Son génie était celui de Samuel, lorsque Samuel mit la main sur Saül ; celui de Lamartine, lorsqu'il sacra Mistral. Sans profession, sans métier, sans titre, placé au centre des idées et des êtres, il avait reçu la mission, comme Socrate, non pas de créer (ce qui est assez facile) mais de recréer : en révélant les autres à eux-mêmes.

    Le sang de la France, disait-il, l'avait fixé, lui juif, venant d'un canton suisse et d'un ghetto allemand, entre le Pont-Neuf et l'Institut. Par sa mère, il se rattachait aux Bréguet, famille protestante de Neuchâtel, qui était venue en France autour de 1760 pour fabriquer des montres, puis des moteurs d'avion.

    Juif de race, protestant de formation, catholique de tendance, il résumait en lui la substance de ces trois religions, avec une préférence pour le catholicisme. Et c'est sans doute pour cela qu'il avait aimé sans me connaître mon livre sur Monsieur  Pouget. « Votre Pouget, me disait-il, ce que j'aime en lui, c'est qu'il appartient à l'ordre des Pauvres. »

    Un soir d'été, ce prince de l'esprit, revêtu du manteau d'un berger, vint nous voir dans notre chaumière, au centre de la France. Il m'avait demandé de réunir sous un tilleul les paysans de mon village. Passa le facteur, Maufut, qui était communiste et braconnier. Il l'interrogea sur la chasse, la pêche, le braconnage. Je n'ai jamais rencontré d'esprit plus ouvert que lui. Il avait connu la « Vierge rouge » de la Commune, Louise Michel ; il l'avait aimée. Il avait un culte pour Charles Maurras, qui était pour lui le type de l'athlète portant le poids d'un univers en décadence. Et l'on sait qu'à la fin de sa vie, comme Michelet, il redoutait « l'accélération de l'histoire ».

    Il m'a répété cet axiome : « Ist Erhebung möglich ?  (« l'anoblissement est-il possible ? »). La noblesse, n'était pas pour lui confiée aux aristocrates ou aux nobles ; elle reposait dans cette source de toute noblesse qu'est le peuple.   

    Jean Guitton,

    Un siècle, une vie, Robert Laffont, 1988 

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Société • Accélération de l’histoire ?

  • FILM • « DUNKERQUE» : DES ANGLAIS PARLENT AUX ANGLAIS

     

    L'AVIS DE JEAN-CHRISTOPHE BUISSON*


    XVMdf34f3a6-67e2-11e7-8c12-a695e61ec102.jpgLe nouveau film de Christopher Nolan, Dunkerque, bat des records de fréquentation aux Etats-Unis.

    En France aussi, la victoire semble acquise : son démarrage en salles équivaut à celui d'un autre film de guerre narrant les exploits de troupes anglo-saxonnes en France durant la Seconde Guerre mondiale : Il faut sauver le soldat Ryan. Succès mérité ? Au regard de ses qualités cinématographiques (mise en scène, rythme, interprétation, thème musical somptueux de Hans Zimmer...), aucun doute. D'un point de vue historique, en revanche, il y a motif à agacement. Voire colère. Tout à son point de vue anglo-centré, le réalisateur omet purement et simplement de montrer ce que la réussite inespérée de cette évacuation de plus de 300 000 soldats alliés coincés entre la Wehrmacht et la mer du Nord en mai-juin 1940 doit aux Français. Pire : non seulement, on ne voit aucune image de l'héroïque couverture matérielle et humaine de l'opération Dynamo par l'armée du général Weygand (et ce au prix de pertes supérieures à celles de leurs homologues anglais), mais rien non plus des bombardements terribles de la ville par l'aviation allemande. Et aucune image, non plus, des 140 000 Français qui traversèrent aussi la Manche à cette occasion. Des Français à Dunkerque ? Et puis quoi encore !  

    * LE FIGARO MAGAZINE - 28 JUILLET 2017

  • Patrimoine • Une vue à couper le souffle



    Les nouveaux jardins à la française du Château de Chambord

  • Littérature & Histoire • Et si on (re)lisait Stefan Zweig cet été ?

     

    Par Johan Rivalland

    Article d'une  série, sur Contrepoints, destinée à nous faire découvrir ou redécouvrir l’auteur autrichien Stefan Zweig. Dont toute l'oeuvre, si riche, nous intéresse à bien des titres. Aujourd’hui, présentation de de « Volpone » et « Un caprice de Bonaparte », deux pièces de théâtre particulièrement remarquables et savoureuses.

     

    GeO1v_zloUlL25W1g1uECL1razY.pngVolpone

    Maudit argent ! Le voilà encore une fois qui fait des siennes. Ou plutôt, ce sont une fois de plus les perversions de l’âme humaine qui conduisent certains esprits à perdre la tête et arborer des attitudes peu glorieuses lorsqu’il s’agit d’argent.

    Y voyant un peu une analogie avec Le Nombril  de Jean Anouilh (un autre auteur dont je pourrai également envisager la présentation des œuvres à travers une série d’été, peut-être l’an prochain), mais dans une situation tout autre, j’ai finalement plutôt pensé très rapidement à Molière.

    Un génie commun, un même type d’inspiration, dans un style plus contemporain. Puis, devant la force des situations, le comique de situation, les multiples imprévus et rebondissements, c’est Feydeau qui m’est venu en tête.

    C’est dire le talent de Stefan Zweig. Dans un univers qui n’était pas a priori le sien, il parvient une nouvelle fois à nous surprendre et à produire une œuvre surprenante, qui n’a rien à envier aux plus grands.

    Le thème : un vieil homme très riche et sans descendance, qui suspecte ses plus proches amis présumés de n’être en réalité intéressés que par son héritage, décide de se jouer d’eux en faisant croire à tous, avec la complicité de son fidèle Mosca qui travaille tout à son service, qu’il se trouve au bord de la mort, vivant ses dernières heures.

    Vont s’en suivre des scènes truculentes, où c’est lui qui va obtenir de leur part et les délester d’une partie de leur propre fortune, en gage de leur prétendue amitié, ceux-ci escomptant chacun se voir désigner comme l’unique héritier de son immense fortune. 

    Une pièce de théâtre enlevée, drôle, savoureuse, où les quiproquos et rebondissements multiples ne sont pas absents, ajoutant tout le piment nécessaire à cette farce bien rythmée, dont les péripéties parviennent à nous surprendre jusqu’au bout.

    Stefan Zweig, VolponeGallimard – Le manteau d’Arlequin, septembre 1991, 224 pages.

    Un caprice de Bonaparte

    Il s’agit là aussi d’une pièce de théâtre, mais d’un tout autre genre, sur un sujet moins léger.

    Cette pièce met en scène un lieutenant exemplaire et pleinement engagé au service de sa patrie et du général Bonaparte, François Fourès, durant la campagne d’Égypte.

    N’hésitant pas à confier une fausse mission à ce pauvre lieutenant entièrement dévoué à sa cause, pour mieux l’écarter loin de lui, Bonaparte profite de son absence pour lui voler en quelque sorte son épouse, tirant parti de son pouvoir.

    Une affaire pas banale qui vit Fouché en personne, une fois Bonaparte devenu Premier Consul, intervenir pour étouffer l’affaire, tant la révolte s’empara du lieutenant Fourès, dans un combat inégal, lorsqu’il comprit de quelle supercherie il fut la victime.

    Quand l’abus de pouvoir fait appel à la raison d’État pour déjouer toute velléité de résistance.

    Une pièce à forte intensité dramatique, bien imaginée par Stefan Zweig, en réaction à tous les abus de pouvoir quels qu’ils soient, saboteurs de liberté.

    Particulièrement poignant.   

    Stefan Zweig, Un caprice de BonaparteLes cahiers rouges Grasset, octobre 2005, 146 pages.

    Johan Rivalland

  • L'hommage de Mathieu Bock-Côté à Max Gallo

     

    Par Mathieu Bock-Côté           

    Depuis Montréal, Mathieu Bock-Côté, dans cette tribune [Figarovox, 21.07],  rend hommage à l'historien Max Gallo, « un homme qui vouait une passion charnelle à la France ». Il s'y livre à quelques considérations critiques sur les vices de l'époque moderne, qui retiendront l'attention. Nous notons que, selon lui, « au fil du temps, Max Gallo était passé d'une conception un peu aride de la République à une passion charnelle pour la France. » Tout est dit.  LFAR

     

    2760774407.2.jpgIl y a des hommes si robustes et imposants qu'on en vient à croire que rien ne peut les arracher à l'existence. Les années passent et leur vigueur demeure, même si on sait bien qu'ils sont comme nous de simples mortels. Quand la faucheuse passe, on peine à y croire. C'est probablement le sentiment qu'inspire au plus grand nombre le décès de Max Gallo. Historien, écrivain, homme politique, il en était venu à jouer un rôle bien particulier dans la vie publique française : il était de ceux qui rendent l'histoire au commun des mortels. Ce dernier ne demande qu'à se passionner pour elle, pour peu qu'elle ne soit pas confisquée par des spécialistes qui transforment les débats propres à leur discipline en discussions ésotériques, qui n'ont plus grand-chose à voir avec l'amour du passé. À travers le roman historique, Max Gallo cultivait le vieil art de l'histoire populaire.

    D'un livre à l'autre, il s'agissait pour Max Gallo d'expliciter les époques dans lesquelles il se plongeait et de dévoiler les grandes passions mettant les hommes en mouvement. L'œuvre de Max Gallo n'est pas celle d'un historien enfermé dans une spécialité au point de se laisser hypnotiser par elle. C'est malheureusement la tentation des historiens de notre temps, qui ont voulu faire de l'histoire une science sociale comme une autre, au point de la désenchanter, trop souvent, en la condamnant à l'aridité. Au contraire: pour lui, l'histoire se peignait comme une grande fresque. Il voulait faire revivre de grandes époques, et pour cela, il faisait revivre les grands hommes à travers lesquels elles s'incarnent. Il cherchait à entrer dans leur tête, à percer leur psychologie et leur mentalité. Pour comprendre l'action des grands hommes, il faut voir le monde comme ils le voient.

    Cette réflexion sur les grands hommes tranchait avec l'esprit de l'époque. La tentation intellectuelle des dernières décennies a été de relativiser leur rôle, certains allant même jusqu'à le nier. L'illusion déterministe a voulu congédier l'action humaine et sa capacité à influencer le cours des choses, et même, quelquefois, à le faire basculer. Le biographe, lui, voit le monde autrement. Sans tel homme, sans telle femme, le cours de l'histoire aurait été tout autre. Que serait le vingtième siècle sans de Gaulle, sans Churchill ? Que serait l'histoire de la France sans Napoléon, pour le meilleur et pour le pire ? Sans prétendre qu'elle s'y réduise, c'est peut-être à travers l'action des grands hommes que la liberté humaine se révèle le mieux. Ce n'est pas sans raison que pendant longtemps, on a cru à la nécessaire éducation du Prince.

    Max Gallo était l'héritier d'une tradition historique essentielle, mais souvent moquée par les modes idéologiques qui se sont succédées depuis quelques décennies : l'histoire nationale. Il s'agit de raconter à un peuple son histoire, ou si on préfère, sa grande aventure, en chantant ses belles pages, sans négliger ses pages moins glorieuses aussi. L'éducation historique est essentielle au développement du sentiment national et d'appartenance collective : elle donne à l'homme le sentiment de participer à quelque chose qui le dépasse. On a souvent caricaturé l'histoire nationale à la manière d'une simple histoire patriotique pour les esprits simplets et militants. Pour cela, on a cru devoir opposer au récit glorieux d'hier un récit humiliant, enseignant la haine de soi. Il fallait voir dans la nation une mystification collective et transgresser ses grands symboles.

    En fait, on a assisté, en quelques décennies, à un étrange retournement. La mutation diversitaire de l'histoire l'a transformée en instrument de déconstruction nationale, chaque communautarisme faisant sécession mentalement de la nation pour se présenter comme la victime d'une majorité dont il faudrait désormais contester et abolir les privilèges. La gauche radicale a vu dans la dénationalisation des pays occidentaux le stade suprême de la décolonisation : le multiculturalisme permettrait à la démocratie de s'affranchir du culte de la patrie. Cela aurait pu être la triste devise des dernières décennies : qui apprend l'histoire apprend à détester son pays. On a ainsi voulu couper le lien entre les peuples occidentaux et leur héritage historique. On croyait engendrer des hommes libres alors qu'on fabriquait des individus déculturés.

    Max Gallo n'a pas cédé à cette manie : mieux, il l'a combattue. Fier d'être Français, écrivait-il, en pleine vague pénitentielle. Il rappelait ainsi que le patriotisme n'est pas une pathologie, et qu'un peuple se dissoudra inévitablement si on l'enferme dans un présentisme débilitant, où il n'est plus possible de mettre quoi que ce soit en perspective. La fierté nationale n'a rien d'un patriotisme cocorico, comme on le voit dans les stades lors des grandes compétitions sportives. Il s'agit surtout d'assumer l'histoire de sa nation et de vouloir la poursuivre, en lui assurant la maîtrise de ses destinées. Et pour cela, le récit national est une part essentielle de l'identité nationale. Il faut pouvoir en admirer les grands hommes, les grandes périodes, les grands événements. On ne construit rien de grand sans admiration. Cela, Max Gallo le savait aussi.

    On ne saurait raconter l'histoire d'un peuple en la confondant avec celle d'une faction ou avec le déploiement d'une seule idée. Chacun embrasse à travers son histoire les grandes contradictions qui définissent la condition humaine. D'une certaine manière, la nation est une médiation vers l'universel. Au fil du temps, Max Gallo était passé d'une conception un peu aride de la République à une passion charnelle pour la France. Cela témoignait aussi d'une évolution de sa philosophie politique personnelle. Ce qui l'intéressait, c'était l'âme de la France. À travers elle, chose certaine, c'est une des pages les plus intéressantes de l'histoire humaine qui s'écrit. On se désolera que Max Gallo ne soit plus là pour nous raconter la suite des choses. On ne doutera pas que son œuvre aura donné à ceux qui la fréquentaient le désir de poursuivre l'histoire de France et peut-être même, celui de la raconter.    

    « La mutation diversitaire de l'histoire l'a transformée en instrument de déconstruction nationale, chaque communautarisme faisant sécession mentalement de la nation. »

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Être nationaliste à l’ère des masses en Europe (1900–1920) : l'ouvrage d'Olivier Dard, Didier Musiedlak, Éric Anceau (dir.)

     

    Présentation de l'ouvrage

    Le nationalisme européen a souvent été interprété comme la principale source de l’avènement des dictatures et en particulier des fascismes.

    Le retour actuel sur la scène politique d’un certain attachement à la nation, allant jusqu’à l’expression même de mouvements radicaux à caractère xénophobe ou raciste, est-il le signe annonciateur du retour des dictatures au coeur de l’Europe ? C’est dans le but de répondre à cette question que les auteurs de cette recherche collective ont entrepris de revisiter le nationalisme européen des années 1900 jusqu’aux lendemains de la Première Guerre mondiale en l’interrogeant non plus par rapport à la naissance des futurs régimes, mais en le considérant dans sa singularité, à un moment critique de l’histoire de l’Europe, le passage à la société de masse. Que signifie concrètement être nationaliste, en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Belgique, en Suisse ou encore en Pologne durant cette période critique ? Pour tenter de répondre à cette question, un des objectifs majeurs de ce livre est de privilégier l’étude des éléments constitutifs de « l’être nationaliste » : le registre du rapport au monde (sensibilité, culte du moi, dimension occupée par l’esthétique), mais aussi, les échanges entre diverses nations, la diversité des itinéraires, sans omettre la part dévolue à l’action politique au moment même où la guerre apparaît pour tous comme la grande épreuve de vérité. 

    Contenu

    Didier Musiedlak : Introduction • Olivier Dard : Genèse et structuration du nationalisme français • Simone Visconti : Le nationalisme italien au début du XXe siècle • Nicolas Patin : Du fantasme des masses à la réalité de la Grande Guerre démocratique • Francis Balace : L’épreuve du feu • Alain Clavien : L’helvétisme, modalité suisse de la « grande vague nationaliste qui submerge l’Europe » • Didier Musiedlak : Maurice Barrès, Gabriel d’Annunzio, Ernst Jünger et la question de l’esthétique • Raffaella Canovi: L’esperienza italiana • Björn Hofmeister : Weltanschauung und politische Radikalisierung • Bertrand Joly : Déroulède et l’Allemagne • Michel Leymarie : Jérôme et Jean Tharaud et le colonialisme • Sarah Huguet : Jules Lemaître (1853–1914) • Ana Isabel Sardinha : Francisco Homem Cristo Filho (1892–1928) • Miguel Perfecto García : Azorín, la crisis del sistema liberal español y el nacimiento de una nueva derecha • Alessandra Tarquini : Croce, Gentile e Prezzolini di fronte alla Grande guerra • Nationalisme et « conservatisme révolutionnaire » • Denis Pernot : Barrès et l’Union sacrée • Ismael Saz Campos : Maeztu, Ortega et D’Ors dans l’immédiat après-guerre • Mariusz Wotos : Les conceptions nationalistes de Roman Dmowski et leur influence sur la vie politique polonaise avant, pendant et après la Première Guerre mondiale • Bernd Zielinski : Nationalisme et pensée économique de l’Allemagne impériale à la République de Weimar • Olivier Dard : Conclusion

    Pour commander

    VOLUME ETRE NATIONALISTE

  • Visite du Toulon historique et religieux ce 25 juillet : une invitation du Café histoire de Toulon

     

    Le professeur Alain Vignal, de l'Académie du Var, organise pour le Café Histoire de Toulon et les Amis du Graal, une visite gratuite et ouverte à tous, du vieux Toulon historique et religieux. Prévoir 1h30 le 25 juillet. Rendez-vous à 17h00 sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de la Seds.