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Idées, débats... - Page 443

  • Littérature • Daniel Halévy, grand intellectuel juif ami de Maurras, évoqué par Jean Guitton

     

    Gérard Leclerc évoquait ici le mois dernier, à propos de l'accélération de l'Histoire, la figure de Daniel Halévy. Historien, essayiste, directeur de collection chez Grasset, il était le fils de Ludovic Halévy, académicien français, le frère d'Élie Halévy, philosophe; il devint le beau-père de Louis Joxe, le ministre du général De Gaulle, le grand-père de Pierre Joxe. Le rôle qu'il joua au siècle dernier dans le monde des lettres et des idées, Jean Guitton l'évoque ici. Daniel Halévy - Guitton le dit - fut aussi l'indéfectible ami et admirateur de Charles Maurras. Qu'Halévy fût Juif et Maurras se voulût "antisémite d'État" ne fut jamais un obstacle à leur amitié.  LFAR     

     

    Guitton-Jean-Un-Siecle-Une-Vie-Livre-323077311_L.jpg« De tous les êtres que j'ai connus, il est le seul qui m'ait donné l'impression de vraiment écouter l'autre. Il écoutait les princes comme les enfants, avec une préférence pour les simples, et même (chose singulière, et que je n'ai vue qu'à lui) pour les bavards, les fâcheux, les « raseurs », qu'il trouvait très instructifs. Il les écoutait avec un air de grand seigneur distrait. 

    Je savais qu'il avait été le compagnon de Péguy, l'exégète de Proudhon, le condisciple de Proust à Condorcet, l'ami des deux frères Tharaud, le correspondant de Croce et de Malaparte - et le découvreur d'un officier inconnu appelé Charles de Gaulle, qui dans son salon lui avait retracé les vues prophétiques du colonel Émile Mayer sur le rôle des chars dans une prochaine guerre.

    Halévy avait le don du prophète. C'est lui qui, dans la collection créée par Grasset, « Les Cahiers verts », avait lancé dans l'espace, comme une constellation : Montherlant, Mauriac, Maurois, Malraux, Guéhenno, Louis Hémon (l'auteur de Maria Chapdelaine).

    En France, il avait été l'un des premiers à croire en Nietzsche, sur lequel il avait écrit un si beau livre.

    Son génie était celui de Samuel, lorsque Samuel mit la main sur Saül ; celui de Lamartine, lorsqu'il sacra Mistral. Sans profession, sans métier, sans titre, placé au centre des idées et des êtres, il avait reçu la mission, comme Socrate, non pas de créer (ce qui est assez facile) mais de recréer : en révélant les autres à eux-mêmes.

    Le sang de la France, disait-il, l'avait fixé, lui juif, venant d'un canton suisse et d'un ghetto allemand, entre le Pont-Neuf et l'Institut. Par sa mère, il se rattachait aux Bréguet, famille protestante de Neuchâtel, qui était venue en France autour de 1760 pour fabriquer des montres, puis des moteurs d'avion.

    Juif de race, protestant de formation, catholique de tendance, il résumait en lui la substance de ces trois religions, avec une préférence pour le catholicisme. Et c'est sans doute pour cela qu'il avait aimé sans me connaître mon livre sur Monsieur  Pouget. « Votre Pouget, me disait-il, ce que j'aime en lui, c'est qu'il appartient à l'ordre des Pauvres. »

    Un soir d'été, ce prince de l'esprit, revêtu du manteau d'un berger, vint nous voir dans notre chaumière, au centre de la France. Il m'avait demandé de réunir sous un tilleul les paysans de mon village. Passa le facteur, Maufut, qui était communiste et braconnier. Il l'interrogea sur la chasse, la pêche, le braconnage. Je n'ai jamais rencontré d'esprit plus ouvert que lui. Il avait connu la « Vierge rouge » de la Commune, Louise Michel ; il l'avait aimée. Il avait un culte pour Charles Maurras, qui était pour lui le type de l'athlète portant le poids d'un univers en décadence. Et l'on sait qu'à la fin de sa vie, comme Michelet, il redoutait « l'accélération de l'histoire ».

    Il m'a répété cet axiome : « Ist Erhebung möglich ?  (« l'anoblissement est-il possible ? »). La noblesse, n'était pas pour lui confiée aux aristocrates ou aux nobles ; elle reposait dans cette source de toute noblesse qu'est le peuple.   

    Jean Guitton,

    Un siècle, une vie, Robert Laffont, 1988 

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Société • Accélération de l’histoire ?

  • FILM • « DUNKERQUE» : DES ANGLAIS PARLENT AUX ANGLAIS

     

    L'AVIS DE JEAN-CHRISTOPHE BUISSON*


    XVMdf34f3a6-67e2-11e7-8c12-a695e61ec102.jpgLe nouveau film de Christopher Nolan, Dunkerque, bat des records de fréquentation aux Etats-Unis.

    En France aussi, la victoire semble acquise : son démarrage en salles équivaut à celui d'un autre film de guerre narrant les exploits de troupes anglo-saxonnes en France durant la Seconde Guerre mondiale : Il faut sauver le soldat Ryan. Succès mérité ? Au regard de ses qualités cinématographiques (mise en scène, rythme, interprétation, thème musical somptueux de Hans Zimmer...), aucun doute. D'un point de vue historique, en revanche, il y a motif à agacement. Voire colère. Tout à son point de vue anglo-centré, le réalisateur omet purement et simplement de montrer ce que la réussite inespérée de cette évacuation de plus de 300 000 soldats alliés coincés entre la Wehrmacht et la mer du Nord en mai-juin 1940 doit aux Français. Pire : non seulement, on ne voit aucune image de l'héroïque couverture matérielle et humaine de l'opération Dynamo par l'armée du général Weygand (et ce au prix de pertes supérieures à celles de leurs homologues anglais), mais rien non plus des bombardements terribles de la ville par l'aviation allemande. Et aucune image, non plus, des 140 000 Français qui traversèrent aussi la Manche à cette occasion. Des Français à Dunkerque ? Et puis quoi encore !  

    * LE FIGARO MAGAZINE - 28 JUILLET 2017

  • Patrimoine • Une vue à couper le souffle



    Les nouveaux jardins à la française du Château de Chambord

  • Littérature & Histoire • Et si on (re)lisait Stefan Zweig cet été ?

     

    Par Johan Rivalland

    Article d'une  série, sur Contrepoints, destinée à nous faire découvrir ou redécouvrir l’auteur autrichien Stefan Zweig. Dont toute l'oeuvre, si riche, nous intéresse à bien des titres. Aujourd’hui, présentation de de « Volpone » et « Un caprice de Bonaparte », deux pièces de théâtre particulièrement remarquables et savoureuses.

     

    GeO1v_zloUlL25W1g1uECL1razY.pngVolpone

    Maudit argent ! Le voilà encore une fois qui fait des siennes. Ou plutôt, ce sont une fois de plus les perversions de l’âme humaine qui conduisent certains esprits à perdre la tête et arborer des attitudes peu glorieuses lorsqu’il s’agit d’argent.

    Y voyant un peu une analogie avec Le Nombril  de Jean Anouilh (un autre auteur dont je pourrai également envisager la présentation des œuvres à travers une série d’été, peut-être l’an prochain), mais dans une situation tout autre, j’ai finalement plutôt pensé très rapidement à Molière.

    Un génie commun, un même type d’inspiration, dans un style plus contemporain. Puis, devant la force des situations, le comique de situation, les multiples imprévus et rebondissements, c’est Feydeau qui m’est venu en tête.

    C’est dire le talent de Stefan Zweig. Dans un univers qui n’était pas a priori le sien, il parvient une nouvelle fois à nous surprendre et à produire une œuvre surprenante, qui n’a rien à envier aux plus grands.

    Le thème : un vieil homme très riche et sans descendance, qui suspecte ses plus proches amis présumés de n’être en réalité intéressés que par son héritage, décide de se jouer d’eux en faisant croire à tous, avec la complicité de son fidèle Mosca qui travaille tout à son service, qu’il se trouve au bord de la mort, vivant ses dernières heures.

    Vont s’en suivre des scènes truculentes, où c’est lui qui va obtenir de leur part et les délester d’une partie de leur propre fortune, en gage de leur prétendue amitié, ceux-ci escomptant chacun se voir désigner comme l’unique héritier de son immense fortune. 

    Une pièce de théâtre enlevée, drôle, savoureuse, où les quiproquos et rebondissements multiples ne sont pas absents, ajoutant tout le piment nécessaire à cette farce bien rythmée, dont les péripéties parviennent à nous surprendre jusqu’au bout.

    Stefan Zweig, VolponeGallimard – Le manteau d’Arlequin, septembre 1991, 224 pages.

    Un caprice de Bonaparte

    Il s’agit là aussi d’une pièce de théâtre, mais d’un tout autre genre, sur un sujet moins léger.

    Cette pièce met en scène un lieutenant exemplaire et pleinement engagé au service de sa patrie et du général Bonaparte, François Fourès, durant la campagne d’Égypte.

    N’hésitant pas à confier une fausse mission à ce pauvre lieutenant entièrement dévoué à sa cause, pour mieux l’écarter loin de lui, Bonaparte profite de son absence pour lui voler en quelque sorte son épouse, tirant parti de son pouvoir.

    Une affaire pas banale qui vit Fouché en personne, une fois Bonaparte devenu Premier Consul, intervenir pour étouffer l’affaire, tant la révolte s’empara du lieutenant Fourès, dans un combat inégal, lorsqu’il comprit de quelle supercherie il fut la victime.

    Quand l’abus de pouvoir fait appel à la raison d’État pour déjouer toute velléité de résistance.

    Une pièce à forte intensité dramatique, bien imaginée par Stefan Zweig, en réaction à tous les abus de pouvoir quels qu’ils soient, saboteurs de liberté.

    Particulièrement poignant.   

    Stefan Zweig, Un caprice de BonaparteLes cahiers rouges Grasset, octobre 2005, 146 pages.

    Johan Rivalland

  • L'hommage de Mathieu Bock-Côté à Max Gallo

     

    Par Mathieu Bock-Côté           

    Depuis Montréal, Mathieu Bock-Côté, dans cette tribune [Figarovox, 21.07],  rend hommage à l'historien Max Gallo, « un homme qui vouait une passion charnelle à la France ». Il s'y livre à quelques considérations critiques sur les vices de l'époque moderne, qui retiendront l'attention. Nous notons que, selon lui, « au fil du temps, Max Gallo était passé d'une conception un peu aride de la République à une passion charnelle pour la France. » Tout est dit.  LFAR

     

    2760774407.2.jpgIl y a des hommes si robustes et imposants qu'on en vient à croire que rien ne peut les arracher à l'existence. Les années passent et leur vigueur demeure, même si on sait bien qu'ils sont comme nous de simples mortels. Quand la faucheuse passe, on peine à y croire. C'est probablement le sentiment qu'inspire au plus grand nombre le décès de Max Gallo. Historien, écrivain, homme politique, il en était venu à jouer un rôle bien particulier dans la vie publique française : il était de ceux qui rendent l'histoire au commun des mortels. Ce dernier ne demande qu'à se passionner pour elle, pour peu qu'elle ne soit pas confisquée par des spécialistes qui transforment les débats propres à leur discipline en discussions ésotériques, qui n'ont plus grand-chose à voir avec l'amour du passé. À travers le roman historique, Max Gallo cultivait le vieil art de l'histoire populaire.

    D'un livre à l'autre, il s'agissait pour Max Gallo d'expliciter les époques dans lesquelles il se plongeait et de dévoiler les grandes passions mettant les hommes en mouvement. L'œuvre de Max Gallo n'est pas celle d'un historien enfermé dans une spécialité au point de se laisser hypnotiser par elle. C'est malheureusement la tentation des historiens de notre temps, qui ont voulu faire de l'histoire une science sociale comme une autre, au point de la désenchanter, trop souvent, en la condamnant à l'aridité. Au contraire: pour lui, l'histoire se peignait comme une grande fresque. Il voulait faire revivre de grandes époques, et pour cela, il faisait revivre les grands hommes à travers lesquels elles s'incarnent. Il cherchait à entrer dans leur tête, à percer leur psychologie et leur mentalité. Pour comprendre l'action des grands hommes, il faut voir le monde comme ils le voient.

    Cette réflexion sur les grands hommes tranchait avec l'esprit de l'époque. La tentation intellectuelle des dernières décennies a été de relativiser leur rôle, certains allant même jusqu'à le nier. L'illusion déterministe a voulu congédier l'action humaine et sa capacité à influencer le cours des choses, et même, quelquefois, à le faire basculer. Le biographe, lui, voit le monde autrement. Sans tel homme, sans telle femme, le cours de l'histoire aurait été tout autre. Que serait le vingtième siècle sans de Gaulle, sans Churchill ? Que serait l'histoire de la France sans Napoléon, pour le meilleur et pour le pire ? Sans prétendre qu'elle s'y réduise, c'est peut-être à travers l'action des grands hommes que la liberté humaine se révèle le mieux. Ce n'est pas sans raison que pendant longtemps, on a cru à la nécessaire éducation du Prince.

    Max Gallo était l'héritier d'une tradition historique essentielle, mais souvent moquée par les modes idéologiques qui se sont succédées depuis quelques décennies : l'histoire nationale. Il s'agit de raconter à un peuple son histoire, ou si on préfère, sa grande aventure, en chantant ses belles pages, sans négliger ses pages moins glorieuses aussi. L'éducation historique est essentielle au développement du sentiment national et d'appartenance collective : elle donne à l'homme le sentiment de participer à quelque chose qui le dépasse. On a souvent caricaturé l'histoire nationale à la manière d'une simple histoire patriotique pour les esprits simplets et militants. Pour cela, on a cru devoir opposer au récit glorieux d'hier un récit humiliant, enseignant la haine de soi. Il fallait voir dans la nation une mystification collective et transgresser ses grands symboles.

    En fait, on a assisté, en quelques décennies, à un étrange retournement. La mutation diversitaire de l'histoire l'a transformée en instrument de déconstruction nationale, chaque communautarisme faisant sécession mentalement de la nation pour se présenter comme la victime d'une majorité dont il faudrait désormais contester et abolir les privilèges. La gauche radicale a vu dans la dénationalisation des pays occidentaux le stade suprême de la décolonisation : le multiculturalisme permettrait à la démocratie de s'affranchir du culte de la patrie. Cela aurait pu être la triste devise des dernières décennies : qui apprend l'histoire apprend à détester son pays. On a ainsi voulu couper le lien entre les peuples occidentaux et leur héritage historique. On croyait engendrer des hommes libres alors qu'on fabriquait des individus déculturés.

    Max Gallo n'a pas cédé à cette manie : mieux, il l'a combattue. Fier d'être Français, écrivait-il, en pleine vague pénitentielle. Il rappelait ainsi que le patriotisme n'est pas une pathologie, et qu'un peuple se dissoudra inévitablement si on l'enferme dans un présentisme débilitant, où il n'est plus possible de mettre quoi que ce soit en perspective. La fierté nationale n'a rien d'un patriotisme cocorico, comme on le voit dans les stades lors des grandes compétitions sportives. Il s'agit surtout d'assumer l'histoire de sa nation et de vouloir la poursuivre, en lui assurant la maîtrise de ses destinées. Et pour cela, le récit national est une part essentielle de l'identité nationale. Il faut pouvoir en admirer les grands hommes, les grandes périodes, les grands événements. On ne construit rien de grand sans admiration. Cela, Max Gallo le savait aussi.

    On ne saurait raconter l'histoire d'un peuple en la confondant avec celle d'une faction ou avec le déploiement d'une seule idée. Chacun embrasse à travers son histoire les grandes contradictions qui définissent la condition humaine. D'une certaine manière, la nation est une médiation vers l'universel. Au fil du temps, Max Gallo était passé d'une conception un peu aride de la République à une passion charnelle pour la France. Cela témoignait aussi d'une évolution de sa philosophie politique personnelle. Ce qui l'intéressait, c'était l'âme de la France. À travers elle, chose certaine, c'est une des pages les plus intéressantes de l'histoire humaine qui s'écrit. On se désolera que Max Gallo ne soit plus là pour nous raconter la suite des choses. On ne doutera pas que son œuvre aura donné à ceux qui la fréquentaient le désir de poursuivre l'histoire de France et peut-être même, celui de la raconter.    

    « La mutation diversitaire de l'histoire l'a transformée en instrument de déconstruction nationale, chaque communautarisme faisant sécession mentalement de la nation. »

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Être nationaliste à l’ère des masses en Europe (1900–1920) : l'ouvrage d'Olivier Dard, Didier Musiedlak, Éric Anceau (dir.)

     

    Présentation de l'ouvrage

    Le nationalisme européen a souvent été interprété comme la principale source de l’avènement des dictatures et en particulier des fascismes.

    Le retour actuel sur la scène politique d’un certain attachement à la nation, allant jusqu’à l’expression même de mouvements radicaux à caractère xénophobe ou raciste, est-il le signe annonciateur du retour des dictatures au coeur de l’Europe ? C’est dans le but de répondre à cette question que les auteurs de cette recherche collective ont entrepris de revisiter le nationalisme européen des années 1900 jusqu’aux lendemains de la Première Guerre mondiale en l’interrogeant non plus par rapport à la naissance des futurs régimes, mais en le considérant dans sa singularité, à un moment critique de l’histoire de l’Europe, le passage à la société de masse. Que signifie concrètement être nationaliste, en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Belgique, en Suisse ou encore en Pologne durant cette période critique ? Pour tenter de répondre à cette question, un des objectifs majeurs de ce livre est de privilégier l’étude des éléments constitutifs de « l’être nationaliste » : le registre du rapport au monde (sensibilité, culte du moi, dimension occupée par l’esthétique), mais aussi, les échanges entre diverses nations, la diversité des itinéraires, sans omettre la part dévolue à l’action politique au moment même où la guerre apparaît pour tous comme la grande épreuve de vérité. 

    Contenu

    Didier Musiedlak : Introduction • Olivier Dard : Genèse et structuration du nationalisme français • Simone Visconti : Le nationalisme italien au début du XXe siècle • Nicolas Patin : Du fantasme des masses à la réalité de la Grande Guerre démocratique • Francis Balace : L’épreuve du feu • Alain Clavien : L’helvétisme, modalité suisse de la « grande vague nationaliste qui submerge l’Europe » • Didier Musiedlak : Maurice Barrès, Gabriel d’Annunzio, Ernst Jünger et la question de l’esthétique • Raffaella Canovi: L’esperienza italiana • Björn Hofmeister : Weltanschauung und politische Radikalisierung • Bertrand Joly : Déroulède et l’Allemagne • Michel Leymarie : Jérôme et Jean Tharaud et le colonialisme • Sarah Huguet : Jules Lemaître (1853–1914) • Ana Isabel Sardinha : Francisco Homem Cristo Filho (1892–1928) • Miguel Perfecto García : Azorín, la crisis del sistema liberal español y el nacimiento de una nueva derecha • Alessandra Tarquini : Croce, Gentile e Prezzolini di fronte alla Grande guerra • Nationalisme et « conservatisme révolutionnaire » • Denis Pernot : Barrès et l’Union sacrée • Ismael Saz Campos : Maeztu, Ortega et D’Ors dans l’immédiat après-guerre • Mariusz Wotos : Les conceptions nationalistes de Roman Dmowski et leur influence sur la vie politique polonaise avant, pendant et après la Première Guerre mondiale • Bernd Zielinski : Nationalisme et pensée économique de l’Allemagne impériale à la République de Weimar • Olivier Dard : Conclusion

    Pour commander

    VOLUME ETRE NATIONALISTE

  • Visite du Toulon historique et religieux ce 25 juillet : une invitation du Café histoire de Toulon

     

    Le professeur Alain Vignal, de l'Académie du Var, organise pour le Café Histoire de Toulon et les Amis du Graal, une visite gratuite et ouverte à tous, du vieux Toulon historique et religieux. Prévoir 1h30 le 25 juillet. Rendez-vous à 17h00 sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de la Seds.  

  • Lecture & Voyage • Sur les chemins de chez nous

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Publié le 19.12.2016 - Actualisé le 23.07.2017

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    Peu importe qui il est. Désireux d’accomplir la promesse qu’il s’était faite sur son lit d’hôpital (« si je m’en sors, je traverse la France à pied »), un jour, il s’est mis en marche. Pas façon Macron, façon chemineau, comme un personnage de Giono. A pied donc, de Tende à La Hague, une belle diagonale du Mercantour au Cotentin, du 24 août au 8 novembre 2015, en empruntant au maximum les chemins les plus improbables, les plus délaissés, les plus retirés de la vraie France profonde. En est résulté un petit livre qui, en contrepoint du récit de cette pérégrination, propose une véritable réflexion sur la France d’aujourd’hui.

     

    Fuyant le « clignotement des villes » et méprisant les « sommations de l’époque » (en anglais, comme il se doit à l’ère de la globalisation : « Enjoy ! Take care ! Be safe ! Be connected ! »), le voyageur met en pratique une stratégie de « l’évitement ». Eviter quoi ? Ce qu’il appelle « le dispositif ». D’abord visible à l’œil nu : c’est la France des agglomérations telle que l’ont voulue les « équarrisseurs du vieil espace français », ZAC et ZUP des années soixante ayant enfanté les interminables zones pavillonnaires et les hideuses zones commerciales. Laideur partout.

     

    XVM344ffd0c-80af-11e6-8335-81b4993a1518-805x453.jpgCe réquisitoire implacable contre le saccage du territoire rejoint la dénonciation de la mondialisation, cette « foire mondiale » qui ruine un terroir « cultivé pendant deux mille ans ». Aux « temps immobiles » a succédé un « âge du flux » dont le « catéchisme » (« diversité », « échange », « communication ») est véhiculé par l’arrivée d’internet et la connexion généralisée. Temps immobiles : une nuit passée au monastère de Ganagobie (« Les hommes en noir […] tenaient bon dans le cours du fleuve. En bas, dans la vallée, les modernes trépidaient ») ; ou la vision du Mont-Saint-Michel (« C’était le mont des quatre éléments. A l’eau, à l’air et à la terre s’ajoutait le feu de ceux qui avaient la foi »).

     

    Faisant sienne la vision de Braudel selon laquelle la France procède d’un « extravagant morcellement » humain et paysager, l’auteur dénonce ensuite le « droit d’inventaire » que s’arrogent  « les gouvernants contemporains », notamment « les admirateurs de Robespierre » qui,  favorables à « une extension radicale de la laïcité », veulent « la disparition des crèches de Noël dans les espaces publics » (et pourquoi pas des milliers de calvaires ?) pour les remplacer par … rien du tout, le néant, la mort.

     

    Ce n’est certes pas un livre de propagande, ni un bréviaire idéologique mais bien l’œuvre d’un loup solitaire. Un livre qui peut sembler défaitiste, voire nihiliste (« je me fous de l’avenir »), au mieux nostalgique. Voir dans l’auteur un énième avatar du « bon sauvage » serait pourtant bien réducteur. On l’imagine mieux prêt à « chouanner » (selon le mot de Barbey qu’il rapporte lui-même). C’est sans doute là sa véritable portée : « Sur les Chemins noirs » de Sylvain Tesson est l’œuvre d’un antimoderne de bonne race qui nous aide à retrouver le chemin de chez nous. 

     

    Sur les chemins noirs. Sylvain Tesson, Gallimard, 144 p., 15 €

  • Idées & Société • Alain de Benoist : Bataille des idées ? La gauche a perdu, mais la droite n’a pas gagné !

    Manuel Valls déclare que « la gauche a perdu la bataille des idées ».  

     

    Par Alain de Benoist

    Cet entretien donné à Boulevard Voltaire [22.07] dit avec justesse, lucidité et pertinence ce qu'il faut savoir de la situation des idées en France, à l'heure actuelle. Nous partageons cette analyse qui met en lumière a contrario le travail restant à accomplir pour qu'il y ait vraiment bataille des idées et qu'elle conduise à une réelle rupture avec la doxa dominante à droite comme à gauche. La première Action française nommait cela contre-encyclopédie. Peut-être devrions-nous parler aujourd'hui d'une anti-doxaLFAR   

     

    3650118671.7.pngManuel Valls déclare que « la gauche a perdu la bataille des idées ». C’est une bonne nouvelle ?

    Quelle bataille ? Il est vrai que la gauche n’a plus rien à dire, mais la bataille des idées dont parle Manuel Valls n’a jamais eu lieu. Non parce que cette gauche devenue muette reste largement hégémonique dans les médias, et qu’elle n’apprécie pas qu’on cherche à la contredire, mais parce que la droite n’avait ni le désir, ni la volonté, ni les moyens de participer à une bataille de ce genre. La droite n’avait tout simplement rien à dire – ou peu s’en faut. Le domaine des idées n’obéit pas au principe des vases communicants. Vous avez vous-même cité François Huguenin : « La droite a refusé le combat des idées car elle n’en a plus. » C’est ce que Pierre-André Taguieff remarquait lui aussi récemment : « La gauche a perdu la bataille des idées, mais la droite ne l’a pas gagnée. »

    On pourrait, ici, faire un parallèle avec la fin du système soviétique. L’URSS ne s’est pas écroulée sous les coups de boutoir du « monde libre » mais sous l’effet de ses propres contradictions internes. Si la gauche n’a plus rien à dire, si elle a perdu son identité en désertant le combat culturel, ce n’est pas que la droite a réfuté ses idées, c’est que ses idées ont épuisé le cycle de leurs virtualités possibles, et surtout qu’elle a délibérément abandonné le socle idéologique qui faisait sa force, et nourrissait son imaginaire, en se ralliant plus ou moins honteusement au libéralisme économique et au système du marché.

    Depuis la Manif pour tous, il y a quand même une indéniable effervescence intellectuelle à droite. Épiphénomène ou lame de fond ?

    Il y a, en effet, quelques ébranlements ici ou là, mais on est loin du compte. Où sont les Taine, les Tocqueville et les Renan du XXIe siècle ? La droite n’aime déjà pas beaucoup les intellectuels, ces coupeurs de cheveux en quatre qui ont la faiblesse de croire que les révolutions culturelles ont des conséquences plus durables que les révolutions politiques. Les partis politiques, eux, pensent que les idées divisent et qu’entretenir le flou est la meilleure manière de rassembler. La droite d’aujourd’hui est idéologiquement déstructurée. Dans le passé, elle s’est laissée gagner par les idées de ses adversaires sans les reconnaître pour ce qu’elles étaient. Elle n’a jamais conçu de stratégie culturelle, car elle ne sait même pas ce que cela veut dire. Elle a cru qu’elle deviendrait « respectable » en multipliant les concessions. Elle cède aujourd’hui plus que jamais aux modes idéologiques qui ont historiquement affaibli toutes ses défenses immunitaires, à commencer par l’universalisme philosophique, l’idéologie des droits de l’homme et l’idéologie du progrès. 

    La recomposition politique à laquelle on assiste actuellement annonce-t-elle aussi une recomposition idéologique ?

    Ce serait une excellente nouvelle, à condition qu’on puisse y croire, mais je doute que la scène politique soit propice à une refondation idéologique. Par nature, elle entretient plutôt la confusion. Il paraîtra sans doute excessif à beaucoup de dire que, lorsqu’on a telle ou telle position politique, on doit savoir aussi comment interpréter les plus récents acquis de la physique théorique ou de la biologique moléculaire. Et pourtant, il n’y a pas de conception du monde qui n’englobe pas tous les domaines de connaissance et de pensée. Mais sans aller si loin, on pourrait au moins exiger qu’en matière anthropologique, on ait un minimum de cohérence. Quelle idée se fait-on de l’homme ? Une idée philosophiquement classique ou une idée idéologiquement moderne ? Celle d’un être politique et social par nature ou celle d’un individu porteur de droits qui ne serait sur terre que pour maximiser son meilleur intérêt ? La société s’explique-t-elle par la sociabilité naturelle de notre espèce ou n’est-elle qu’un agrégat d’atomes individuels régi par le contrat juridique et l’échange marchand ?

    L’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, qui symbolise la réunification du libéralisme sociétal de gauche et du libéralisme économique de droite, pourrait en principe favoriser une clarification en faisant comprendre une fois pour toutes que le libéralisme est intrinsèquement « progressiste » et non pas conservateur, pour reprendre un mot qui revient à la mode. C’est ce qu’explique très bien Guillaume Bernard : « La combinaison du libéralisme et du conservatisme peut, de prime abord, apparaître séduisante : le libéralisme pour l’économie, le conservatisme pour la société. Mais c’est méconnaître la doctrine libérale, qui s’appuie sur l’individualisme et le subjectivisme. C’est en soi et par soi que chacun détermine son bien. Il n’existe pas de valeur objective, mais uniquement des consensus issus de la rencontre de volontés. Le libéralisme porte en lui la destruction des traditions sociales, alors qu’il n’est nullement nécessaire de s’y adonner pour combattre la spoliation fiscale des familles et des entreprises. » C’est ce qu’il faudrait comprendre si l’on veut gagner la « bataille des idées ». Les Républicains, eux, se veulent les représentants « de la droite et du centre ». Encore un oxymore ! 

    Intellectuel, philosophe et politologue

     
     
    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier
  • Histoire • 1803: Bonaparte, demande aux Princes de la Maison de France de renoncer à leurs droits dynastiques

     

    Par Matthias Beaufort*

    Le 26 Février 1803, alors que le comte de Provence, chef de la Maison de France, était en exil en Pologne à Varsovie, un message venu au nom de Bonaparte, Premier Consul, vint demander au chef de la Maison de France et aux Princes de son sang de renoncer à leurs droits dynastiques au Trône de France.

    En échange de cette renonciation, Bonaparte promettait une rente à vie à l’ensemble des Princes. Cette tentative est comparable à celle menée cinq années plus tard en Espagne lorsque Ferdinand VII abdiqua le Trône en faveur de Napoléon Ier qui le donna à son frère Joseph.

    La réponse du comte de Provence (datée du 28 Février) fut d’une clarté absolue :

    Je ne confonds pas M. Bonaparte avec ceux qui l’ont précédé ; j’estime sa valeur, ses talents militaires ; je lui sais gré de plusieurs actes d’administrations ; car le bien que l’on fait à mon peuple me sera toujours cher ; mais il se trompe, s’il croit m’engager à transiger sur mes droits : loin de là, il les établirait lui-même s’ils pouvaient être litigieux, par la démarche qu’il fait en ce moment.

    J’ignore quels sont les desseins de Dieu sur ma race et sur moi : mais je connais les obligations qu’il m’a imposées par le rang où il lui a plu de me faire naître ; chrétien, je remplirai ces obligations jusqu’à mon dernier soupir ; fils de Saint Louis, je saurai, à son exemple, me respecter jusque dans les fers ; successeur de François Ier, je veux du moins pouvoir dire comme lui : Nous avons tout perdu fors l’honneur.

    Et plus bas de cette réponse est rajoutée la phrase : Avec la permission de mon oncle, j’adhère de cœur et d’âme, au contenu de cette note. Signé : Louis-Antoine d’Artois, duc d’Angoulême.

    Après avoir été éconduit par le chef de la Maison de France, ce dernier informa de cette visite incongrue son frère le comte d’Artois (futur Charles X) qui était chargé d’en faire part au Princes de la Maison de France. Le 22 Avril 1803, tous réunis (à l’exception duc d’Enghien, et du prince de Conti qui n’ont pu rejoindre le groupe) autour du comte d’Artois, les Princes de la Maison de France signèrent la déclaration suivante :

    Nous Princes, soussignés, frère, neveu, cousins de S. M. Louis XVIII, roi de France et de Navarre, pénétrés des mêmes sentiments dont notre Souverain Seigneur et Roi se montre si dignement animé dans sa réponse à la proposition qui lui a été faite de renoncer au trône de France, et d’exiger de tous les Princes de sa maison une renonciation à leurs droits imprescriptibles de succession à ce même trône, déclarons :

    Que notre attachement à nos devoirs et à notre honneur, ne peuvent jamais nous permettre de transiger sur nos droits ; nous adhérons de cœur et d’âme à la réponse de notre Roi.

    Qu’à son exemple, nous ne nous prêterons jamais à la moindre démarche qui puisse nous faire manquer à ce que nous nous devons à nous-mêmes, à nos ancêtres, à nos descendants.

    Déclarons enfin, que positivement certains que la grande majorité des Français partage intérieurement tous les sentiments qui nous animent, c’est en leurs noms comme au nôtre, que nous renouvelons devant Dieu, sur notre épée et entre les mains de notre Roi, le serment sacré de vivre fidèles à l’honneur et à notre légitime Souverain.

    Wanstead-House, le 23 Avril 1803.

    Signé :

    • Charles-Philippe de France, comte d’Artois.
    • Charles-Ferdinand d’Artois, duc de Berry.
    • Louis-Philippe d’Orléans, duc d’Orléans.
    • Antoine-Philippe d’Orléans, duc de Montpensier.
    • Louis-Charles d’Orléans, comte de Beaujolais.
    • Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé.
    • Louis-Henri-Joseph de Bourbon-Condé, duc de Bourbon.

    Le 22 Mars 1803, le duc d’Enghien écrira au Chef de sa Maison pour adhérer publiquement aux deux déclarations. 

    Il n’est pas utile de souligner qu’aucun descendant du roi d’Espagne, Philippe V, n’a été associé à cette déclaration, et que selon le premier paragraphe de cette déclaration, ils ne sont pas assimilés aux Prince de la Maison de France. Preuve une fois de plus, que Louis XVIII et Charles X excluaient bel et bien leurs cousins de la la branche Espagnole de toutes prétentions dynastiques au trône de France.   

    Source : Gallica / Maison de France. D’un certain « Monsieur F ». Livre adressé à Monsieur Bayard de Plainville, député de l’Oise en 1815.

    La Couronne

  • Société & Spiritualité • À défaut de savoir prier ...

     

    Par Mathieu Bock-Côté

    Cette méditation qui intéresse et émeut a été donnée dans le Journal de Montréal du 10 juillet 2017. Elle mêle réflexion personnelle, démarche spirituelle et regards sur le monde actuel. Peut-être Mathieu Bock-Côté s'en défendrait-ils, mais nous trouvons ces derniers regards dans la veine des grands antimodernes.  Le lecteur avisera.  LFAR

     

    2760774407.2.jpgJ’ai visité aujourd’hui la magnifique co-cathédrale Saint-Jean, à La Valette, à Malte. Elle est époustouflante. Je rêvais de la voir depuis longtemps. Une église comme celle-là est faite pour traverser les siècles. Nous fabriquons aujourd’hui un monde jetable, à l’obsolescence programmée : ce qui dure nous effraie, on s’y sent prisonnier, même si, par ailleurs, l’homme moderne cherche partout des ruines qui parlent au cœur. Il y a dans le cœur humain un désir de transcendance. Qu’on me permette de citer Saint-Exupéry, dans Citadelle : « vous les voyez, les hommes de toutes les contrées du monde, courir à la recherche de ces réussites de pierre que vous ne fabriquez plus. Ces greniers pour l’âme et le cœur. Où avez-vous vu l’homme éprouver le besoin de courir le monde pour visiter des entrepôts ? » L’homme n’est pas qu’une créature prosaïque et il cherche peut-être moins dans ce qui reste du passé un exotisme à bon marché que des traces d’éternité.

    Qu’on me permette aussi de citer Daniel-Rops, dans L’Église de la cathédrale et de la croisade qui m’accompagne ces jours-ci dans mes bagages : « Si, avec le Claudel du Soulier de Satin, on se demande « ce qui leur a pris, à ces croquants, à ces manants, à  ces grippe-sous, à ces cul-terreux », pour dresser par le monde tant de merveilles, la seule réponse tient en deux mots : ils croyaient ». L’homme a besoin de croire à quelque chose d’autre que lui-même pour révéler tout son génie. C’est souvent parce qu’il croit au ciel qu’il peut embellir la terre. Inversement, l’homme enfermé en lui-même et moqueur devant le sacré, quelle qu’en soit la forme, a bien des chances de se condamner à l’assèchement existentiel. On ne gagne rien à voir dans la religion une simple manifestation d’irrationalité. Je ne dis pas qu’il faut avoir la foi, elle ne se commande pas, et même lorsqu’elle se présente, il suffit souvent de chercher à la saisir pour qu’elle se dissipe. Je dis qu’il faut au moins comprendre quelles aspirations de l’âme humaine elle révèle. Quant à moi, j’aime savoir que dans le monde, des hommes et des femmes prient pour nous. Et cela, même si je ne suis pas certain de comprendre à quoi ils croient.

    Pourtant, je confesserai cela : à aucun moment, aujourd’hui, dans cette magnifique église, je n’ai senti le besoin de me recueillir. Peut-être était-ce parce que nous étions des milliers de touristes à l’occuper ? C’est possible. Rien n’est plus étranger au silence de la prière que se sentir plongé dans une masse humaine qui flâne. Je ne suis jamais vraiment parvenu à me recueillir à la basilique Notre-Dame non plus. Mais au fond de moi, je sens que ce n’est pas que cela. « À défaut de savoir prier », pour le dire avec Dominique de Roux, je sais toutefois quand j’ai un besoin intime de m’agenouiller devant la croix, même si je me sens ridicule dès que je me relève en me demandant à quel théâtre mystique je viens de me livrer. Et c’est moins dans les églises majestueuses que dans de toutes petites églises, sans prétention, comme on aime dire : elles témoignent moins de la puissance de l’homme que de son humilité devant un monde qui se présente à lui comme un mystère. Le génie du christianisme est aussi un génie de la faiblesse comme beauté. Je suis aussi bouleversé par la beauté de ces croix plantées ici et là, comme on en trouve dans plusieurs régions du Québec : comment ne pas y voir une marque de la plus belle espérance ?

    Qu’on ne voit pas dans cette petite confession une marque d’hostilité à l’endroit des belles et grandes cathédrales. Elles peuvent aussi nous hypnotiser. Je me souviens d’avoir passé une ou deux heures (j’avais perdu un peu le sens du temps) devant la cathédrale de Strasbourg. Je ne parvenais pas à m’y arracher. Je ne bougeais pas. Je la regardais et j'étais soufflé par tant de beauté. Il s'agit en fait de trouver les endroits les plus susceptibles d’amener l’homme à entrer dans une méditation silencieuse où il peut s’arracher pour quelques instants aux contingences de ce monde et plonger en lui-même pour accéder à ce qu’il peut souhaiter être sa part éternelle. Chacun y va selon sa nature, probablement. Je ne sais plus qui disait qu'il y a une géographie du sacré mais cette intuition me semble féconde. Il y a certainement des lieux qui nous poussent davantage à la prière que d'autres et je constate simplement que d’une ville à l’autre, je les cherche confusément, et je suis chaque fois ému de les découvrir. 

    Mathieu Bock-Côté  

  • Histoire • Le miracle de Jeanne d'Arc

    « La grande idée de Jeanne fut le sacre de Reims »  Jacques Bainville 

     

    Par Jean Sévillia

     

    1393915541.jpgLe 22 février 1429, Jeanne d'Arc quitte Vaucouleurs. Le 5 mars suivant (selon la chronologie de Maurice Vachon), elle a sa première entrevue, à Chinon, avec le roi Charles. Le 29 avril, elle atteint Orléans qui est délivrée le 8 mai. Le 17 juillet, à Reims, Jeanne assiste au sacre de Charles VII. Le 10 septembre, elle doit renoncer à prendre Paris. Le 23 mai 1430, devant Compiègne, elle tombe aux mains des Bourguignons qui la livrent aux Anglais. Ces derniers accèdent au voeu des clercs qui veulent juger la Pucelle pour sorcellerie et par là même atteindre le roi Charles qui lui doit son sacre. Le procès, instruit à Rouen, s'ouvre le 21 février 1431. Face à ses accusateurs, la jeune fille se défend, jamais ne cède. Le 24 mai, en entendant la sentence de mort, elle faiblit toutefois. Reconduite dans son cachot anglais au mépris de la parole qui lui a été donnée d'être gardée par des femmes, elle subit une tentative de viol. Quatre jours plus tard, elle remet ses habits d'homme. Considérée comme relapse, elle est brûlée vive, le 30 mai 1431, sur la place du Vieux-Marché. Elle n'avait pas 20 ans. Deux ans de vie publique, cinq siècles de postérité.

    Dans un livre paru en 1993, aujourd'hui réédité, Gerd Krumeich, spécialiste allemand de la Grande Guerre, s'intéresse au mythe Jeanne d'Arc : de Voltaire à Michelet et de Péguy à Bertolt Brecht, d'innombrables écrivains ont eu leur interprétation de la Pucelle, laquelle a inspiré les catholiques comme les républicains, le socialiste Jaurès comme le nationaliste Barrès, le royaliste Maurras comme le trotskiste Bensaïd (1).

    Contradictions ? Non, inépuisable richesse du personnage. La relecture des minutes du procès de Jeanne par l'avocat et essayiste Jacques Trémolet de Villers, parue l'an dernier, est désormais clisponible en poche : un précieux document historique assorti d'une leçon politique et spirituelle (2).

    Et voici, inédit, un considérable dictionnaire que tous les passionnés de Jeanne d'Arc s'offriront car il contient tout ce que l'on sait sur elle : 2 000 pages, prodigieux travail au service de celle qui incarne, disent les auteurs, « un idéal de pureté hors du commun » (3).  

    IMG.jpg

    (1) Jeanne d'Arc à travers l'Histoire, de Gerd Krumeich, Belin, 410 p., 24 €.
    (2) Jeanne d'Arc. Le procès de Rouen, de Jacques Trémolet de Villers, Tempus.365 p.. 9 €.
    (3) Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d'Arc, de Pascal-Raphaël Ambrogi et Dominique Le Tourneau (dir.), Desclée de Brouwer. 2 012 p., 49 C.

    Figaro magazine 7.07.2017

  • Patrimoine • Au hameau « Les Maurras », rapprochement inattendu entre sport, santé, détente et Charles Maurras !

     

    Publié le 8 avril 2017 - Actualisé le 22 juillet 2017

    Ne dit-on pas « Mens sana un corpore sano » ? : les beaux jours arrivent, et, avec eux, le désir de retrouver la nature.

    Pour les amateurs de marche à pied-randonnée, ou de VTT, savez-vous qu'il existe, dans cet endroit de Haute Provence dont sont partis, il y a bien longtemps, les ancêtres des Maurras, un circuit sport-santé ?

    Il se trouve dans la petite - mais charmante... - commune de Saint Julien le Montagnier, dans le Haut Var, commune située sur l'aire du Parc naturel régional du Verdon, à deux pas du très beau lac d'Esparron-sur-Verdon.

    En voici une très rapide présentation :  

    Circuit « Les Maurras » :

    Itinéraire en boucle. (9,485 Km) - Dénivelé : 102 mètres - Durée : environ 5 heures.

    Départ depuis l’Office de Tourisme (Parking).

    Intérêts du sentier :

    Les Paysages

    Caractéristiques de l’arrière-pays provençal, ils sont contrastés en toute saison. Vous parcourrez les plaines agricoles avec cultures céréalières, de la vigne et de la truffe pour découvrir un magnifique panorama sur le village perché de St Julien et ses moulins à vent.

    La Flore

    La végétation est encore typique des Préalpes calcaires : forêts de pins sylvestres, pins d’Alep, chênes blancs et chênes vert. garrigue provençale, flore sauvage méditerranéenne, xérophile et aromatique nous rappellent la richesse des parfums de la Provence.

    Le Patrimoine

    Les attraits paysagers et floristiques de ce circuit s’ajoutent au patrimoine rural : le lavoir des Fontettes (XIXe siècle), la fontaine et la chapelle situées à Saint-Pierre ; l’oratoire Saint-Eloi (1948), l’oratoire Saint-Denis (XIXe également), le lavoir des Phélines (1880), l’oratoire Saint-Marc. De plus, l’itinéraire du circuit permet de découvrir la Bastide Neuve, sans oublier le pont de pierre autrefois très emprunté.

    Alors, à vos vélos, à vos chaussures de marche, et... bonne randonnée ! 

    Commune de Saint Julien le Montagnier

  • Alain de Benoist a raison : Morale et politique - saints et ascètes sont rarement des machiavéliens !

    Le cardinal Mazarin par Philippe de Champaigne - Peut-être le plus corrompu et le plus grand de nos ministres 

     

    Par Alain de Benoist

    Sur morale et politique, Alain de Benoist, dans cet entretien intéressant donné à Boulevard Voltaire [18.07], opère les distinctions nécessaires. Celles-là même que nous avons rappelées nous aussi dans Lafautearousseau à maintes reprises, au fil des récentes affaires. Corruption, mensonges, tartufferie, sont des reproches d'ordre moral, secondaires au regard du politique. Les vérités qu'exprime ici Alain de Benoist ressortent d'une très ancienne sagesse du gouvernement des Etats ; elles imprègnent notamment l'Ancien Régime. La sous-morale qui infeste aujourd'hui médias, opinion et soi-disant élites constitue comme une drogue débilitante de toute action politique. Elle n'intéresse pas les esprits politiques et même leur répugne.  LFAR    

     

    3650118671.7.pngDès son élection, Emmanuel Macron a fait de la « moralisation de la vie politique » son cheval de bataille. Là-dessus, Richard Ferrand et le couple François Bayrou-Marielle de Sarnez ont été obligés de quitter le gouvernement dans les conditions que l’on sait. Vous en pensez quoi ?

    Honnêtement, rien du tout. Les histoires d’emplois fictifs, de comptes en Suisse, d’attachés parlementaires, de mutuelles bretonnes et que sais-je encore ne sont là que pour amuser la galerie. Elles ne sont là que pour distraire, au sens pascalien, une opinion publique qui n’est déjà plus depuis longtemps en état de distinguer l’historique de l’anecdotique. Leur seul effet positif est de discréditer toujours un peu plus une classe politique qui a effectivement démérité, mais pour de tout autres raisons. En dehors de cela, elles conduisent à croire que la vie politique doit se dérouler sous l’œil des juges, en même temps qu’elles généralisent l’ère du soupçon au nom d’un idéal de « transparence » proprement totalitaire. Et le mouvement s’accélère : on reprochera bientôt aux ministres de s’être fait offrir des caramels mous et d’avoir oublié de déclarer leur collection de moules à gaufres dans leur déclaration de patrimoine.

    Quant aux lois destinées à « moraliser la vie publique », elles resteront à peu près aussi efficaces que celles qui prétendent moraliser la vie financière. Depuis le scandale de Panama (1892) – pour ne pas remonter plus haut -, les « affaires » ont de tout temps émaillé la vie politique. Pour y remédier, on légifère à grand bruit mais dans le vide. En bientôt trente ans, ce ne sont pas moins de dix lois différentes qui ont été adoptées à cette fin, depuis la loi du 11 mars 1988 sur la « transparence financière de la vie politique » jusqu’à celle du 9 décembre 2016 relative à la « lutte contre la corruption », en passant par celle du 29 janvier 1993 sur la moralisation des campagnes électorales et des procédures publiques. Aucune de ces lois n’a empêché de nouvelles « affaires » de surgir. Il en ira évidemment de même de celle que prépare le gouvernement.

    Serait-il plus immoral de se faire offrir des costumes en douce (François Fillon) que d’attaquer la Libye (Nicolas Sarkozy), avec les résultats politiques que l’on sait ?

    Évidemment pas, mais avec cet exemple, vous abordez indirectement la véritable question qu’il faut se poser : celle des rapports entre la politique et la morale. Tout le monde, bien entendu, préférerait être gouverné par des dirigeants intègres plutôt que par des corrompus. Mais la politique n’est pas un concours de vertu. Mieux vaut une franche fripouille, voire une sinistre crapule qui fait une bonne politique (il n’en a pas manqué dans l’Histoire), qu’un brave homme aux qualités morales incontestables qui en fait une mauvaise (il n’en a pas manqué non plus) – et qui, du même coup, discrédite jusqu’à ses qualités. La politique a pour but d’atteindre des objectifs politiques, pas des objectifs moraux. Ce qui a manqué à Louis XVI, c’est d’être aussi Lénine et Talleyrand. Les saints ou les ascètes sont rarement des machiavéliens !

    La vérité est que les qualités politiques et les qualités morales ne sont pas de même nature. Elles n’appartiennent pas à la même catégorie. La politique n’a pas à être gouvernée par la morale, car elle a sa propre morale, qui veut que l’action publique soit ordonnée au bien commun. Elle n’est pas ordonnée à l’amour de tous les hommes, ou à l’amour de l’homme en soi, mais se préoccupe d’abord de ce que peut être le destin de la communauté à laquelle on appartient. À ceux qui pensent avoir tout dit lorsqu’ils ont proclamé que « tous les hommes sont frères », rappelons que la première histoire de frères est celle du meurtre d’Abel par Caïn. 

    La politique morale, émotionnelle et lacrymale, la politique des bons sentiments est en fait la pire politique qui soit. La politique qui consiste à multiplier les ingérences « humanitaires » au nom des droits de l’homme aboutit régulièrement à des désastres, comme on peut le voir aujourd’hui au Proche-Orient. Celle qui nous commande d’accueillir avec « générosité » tous les migrants de la planète confond tout simplement morale publique et morale privée. Celle qui consiste à gloser sur les « valeurs » pour mieux ignorer les principes est tout aussi invertébrée. Le politiquement correct relève lui aussi de l’injonction morale, pour ne rien dire de la « lutte-contre-toutes-les-discriminations ». Cette politique morale prend malheureusement toujours plus d’ampleur à une époque où le « bien » et le « mal », tels que les définit l’idéologie dominante, tendent de plus en plus à remplacer le vrai et le faux. Là comme ailleurs, le politique doit reprendre ses droits.

    Et Simone Veil au Panthéon ?

    Simone Weil n’y est pas. 

    Intellectuel, philosophe et politologue

     
    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier
  • Disparition : Max Gallo, l'historien amoureux de la France

    Max Gallo et le Prince Jean de France  à la Sainte Chapelle [2009]

     

    L’académicien français Max Gallo est mort le 18 juillet 2017 à l’âge de 85 ans. Il avait dialogué avec le Prince Jean, dans Le Figaro magazine, en novembre 2009 (Photo). Max Gallo venait de publier un livre d'histoire des premiers capétiens, le Prince Jean son ouvrage Un Prince français. On pourra retrouver trace de leur entretien - Jean d'Orléans et Max Gallo, la France au coeur - dans Lafautearousseau*.

    Pour Figarovox, Paul-François Paoli a évoqué, dès hier soir, son souvenir dans l'intéressant article repris ci-dessous.  LFAR

     

    Atteint de la maladie de Parkinson depuis plusieurs années, Max Gallo nous a quittés mardi, à l'âge de 85 ans. Historien de vocation mais aussi romancier et essayiste à succès, Max Gallo était entré à l'Académie française le 31 mai 2007, où il avait succédé à son ami Jean-François Revel. Une consécration pour ce fils d'immigrés italiens, né à Nice le 7 janvier 1932, quivouait à la France un véritable culte, qu'il exprimera à travers son œuvre et son action politique.

    Après avoir obtenu un CAP de mécanicien ajusteur puis un bac mathématique et technique au lendemain de la Libération, Max Gallo allait poursuivre des études littéraires et développer une passion pour l'histoire qu'il étudie à l'université. Devenu agrégé, puis docteur en histoire, il enseigne au lycée Masséna à Nice et à l'université de cette même ville et enfin donne des cours à Science Po Paris à partir de 1968. Une ascension sociale et intellectuelle commence pour ce jeune provincial qui a très fortement ressenti les différences de classe et ne se sent pas à l'aise avec les enfants de la bourgeoisie parisienne. Ayant adhéré à 17 ans au Parti communiste qu'il identifie à la Résistance, il rompt après la mort de Staline et devient un anticommuniste convaincu tout en continuant de se situer à gauche jusque dans les années 1990. Ses premiers romans, notamment Le Cortège des vainqueurs, publié en 1972, qui raconte la destinée d'un jeune fasciste italien jusqu'aux années 1975, sont imprégnés par les drames politiques de son temps. Depuis la célèbre Baie des Anges, saga niçoise publiée en 1976, qui connaîtra un grand succès - plus de 700 000 exemplaires vendus - à La Machinerie humaine, suite de 11 romans publiée entre 1992 à 2002 qui peut se lire comme une enquête sur la France des années 1990, l'œuvre romanesque de Max Gallo, qui compte une cinquantaine de romans, est toujours liée aux enjeux d'une histoire collective à laquelle des individus en quête de destin sont confrontés.

    «Dans mes romans, le plafond est bas, il pèse, il écrase, mais mes personnages se battent quand même. Beaufort, le personnage principal de La Part de Dieu (1996, Fayard), est un homme apparemment sans espoir. Il a perdu sa fille et ne se fait plus guère d'illusions sur l'amour. Malgré tout il se bat. Pour quelle raison? Il est simplement plus digne pour un homme de rester debout le plus longtemps possible», écrit-il.

    Ayant dû faire un choix entre sa vie à Nice à la fin des années 1960 et son existence à Paris, Max Gallo choisit la seconde option, laquelle ne sera pas sans conséquences sur sa vie de famille. Le jeune Niçois devient parisien, et bientôt une figure de la vie intellectuelle parisienne.

    Il écrit d'abord des romans de politique-fiction sous le pseudonyme de Max Laugham. En 1971, il prête assistance à Martin Gray pour la rédaction d'Au nom de tous les miens, histoire romanesque d'un jeune rescapé du camp de Treblinka. Le livre rencontre un immense succès. Ce sera pour Gallo le premier d'une très longue série de best-sellers.

    Puis à partir des années 1980, cet écrivain infatigable publie des biographies consacrées à Robespierre, Garibaldi, Jaurès ou Jules Vallès.

    Sa série de quatre tomes sur Napoléon, publiée en 1997 chez Robert-Laffont (Le Chant du départ, Le Soleil d'Austerlitz, L'Empereur des rois, L'Immortel de Sainte-Hélène), est un des points culminants de sa carrière d'auteur aussi populaire que prolifique: désormais Max Gallo privilégie systématiquement la part de lumière de l'Histoire de France. Ses livres visent explicitement à célébrer, à élever plutôt qu'à critiquer. C'est pour l'ancien professeur le seul moyen de faire aimer la France à la jeunesse, notamment d'origine immigrée.

    Doté d'une énergie physique exceptionnelle, l'homme est debout à l'aube. Il travaille comme un chef d'orchestre. Devant lui, des chevalets où sont disposés les matériaux historiques et biographiques de ses travaux en cours. Gallo tape directement ses ouvrages sur une vieille machine à écrire, comme il le ferait sur un piano. Ses livres dépassent bientôt la centaine de titres.

    Parallèlement à son travail d'écrivain prolixe, Max Gallo poursuit une carrière d'éditorialiste à L'Express, qu'il rejoint à partir des années 1970 sur la demande de son ami Jean-François Revel, puis il prend la tête de l'éphémère Matin de Paris dans les années 1980.

    Après la victoire de François Mitterrand en 1981, l'écrivain adhère au Parti socialiste et se présente aux élections municipales de Nice qui l'opposent à Jacques Médecin durant une campagne violente qui verra son adversaire l'emporter. Ayant rencontré Mitterrand dans une émission d'Apostrophes, il garde de la politique une vision singulière, nourrie par l'histoire. Devenu secrétaire d'État et porte-parole du gouvernement en 1983 (il se dote d'un directeur de cabinet nommé François Hollande), il ne tarde pas à marquer des distances avec le Parti socialiste, où il ne s'est jamais senti à son aise, dira-t-il plus tard. Il réprouvera ce qu'il appellera le cynisme de Mitterrand concernant la montée du Front national tout en poursuivant sa carrière de député européen.

    En 1983, il publie une tribune retentissante intitulée Le Silence des intellectuels, initiative spectaculaire à gauche, qui montre que son auteur n'entend pas se faire dicter sa parole et son comportement.

    Il rompt officiellement avec le PS en 1992 pour fonder le Mouvement des citoyens avec Jean-Pierre Chevènement, parti dont il devient le président et participe à la campagne du non au traité de Maastricht avec Philippe Seguin. Durant les élections européennes de 1999, il soutient Charles Pasqua et Philippe de Villiers à la tête d'un éphémère Rassemblement pour la France. Enfin, en 2002, il participe activement à la campagne présidentielle de Jean-Pierre Chevènement et intervient comme orateur dans ses meetings, regrettant toutefois que son ami n'ait pas réussi à faire le lien avec les «Républicains de l'autre rive», ceux de la droite souverainiste.

    Sa participation régulière à l'émission L'Esprit public de Philippe Meyer, avec Jean-Louis Bourlanges et Yves Michaud, en font une voix familière et aimée des Français. Il se révèle un formidable pédagogue et, fort de son délicieux accent niçois, un excellent conteur.

    Durant ces années, Max Gallo engage une réflexion sur la destinée de la France et développe l'idée d'une «crise nationale» qu'il compare à la guerre de Cent Ans, crise qui aurait débuté après la Première Guerre mondiale et se poursuit aujourd'hui. Il publie plusieurs livres liés à ce thème, notamment Fier d'être français puis L'âme de la France, histoire de la nation des origines à nos jours, pour dénoncer la notion de repentance historique qui se développe à partir des années 2000 et encourt l'ire de ceux qui lui reprochent de mettre en doute le fait que le rétablissement de l'esclavage aux Antilles par Napoléon relève du «crime contre l'humanité». Max Gallo sera poursuivi en justice mais ses accusateurs seront déboutés.

    Il participe aussi à la polémique engagée en 2005 par un groupe d'historiens, dont Pierre Nora et Jacques Julliard, qui refusent, au nom de la «liberté pour l'histoire» une réécriture du passé à l'aune des lois mémorielles, notamment celles ayant trait au « crime contre l'humanité ». Cette évolution vers la droite conduira l'auteur de la Lettre ouverte à Robespierre sur les nouveaux Muscadins, pamphlet paru en 1986, peu avant le bicentenaire de la Révolution française, à reconsidérer l'événement dans un sens plus critique. Avec le temps, Max Gallo, tout en restant jacobin, s'est rapproché de la vision de François Furet.

    En 2007, il soutient la candidature de Nicolas Sarkozy qu'il qualifiera de «républicain d'autorité» et rédigera plusieurs grands discours sous son quinquennat, notamment celui consacré au dernier poilu de la guerre de 14, Lazare Ponticelli.

    Quand il entrera à l'Académie française, le 31 janvier 2008, reçu par Alain Decaux, le président de la République sera présent, privilège rare sous la Coupole.

    Toutes ses activités d'acteur de la vie publique ne le détournent pas de son travail d'écrivain qui publie parfois jusqu'à trois livres par an. Il multiplie les grandes séries consacrées ici à la vie du général de Gaulle, là à celle de Saint Louis, Louis XIV, Victor Hugo, Richelieu. La Résistance, le Moyen Âge, les premiers temps de la chrétienté, rien ne paraît étranger à cet esprit insatiable, curieux de tout savoir, de tout comprendre.

    En 2013, il convient avec son éditeur et ami Bernard Fixot qu'il publiera durant les cinq années qui viennent une série sur le premier conflit mondial, chaque volume portant spécifiquement sur une année de guerre. Dès la fin de 2014, les cinq volumes sont déjà écrits, et bientôt publiés. Son rythme de travail défiait les lois de l'édition. Seule la maladie le contraindra à ralentir son activité et ses publications en rafale.

    Républicain dans l'âme et gaulliste de conviction, Max Gallo se définissait comme catholique. À ses yeux l'identité de la France, mais aussi de l'Europe, était inséparable de l'empreinte chrétienne et il ne cachait pas ses inquiétudes quant à la progression de l'islam, un thème que l'on retrouve d'ailleurs dans un de ses romans, La Part de Dieu.

    Homme d'une puissance intellectuelle exceptionnelle, porté par le succès, il aura vendu plusieurs millions d'ouvrages en un demi-siècle - Max Gallo aura marqué son époque en devenant un intellectuel dont les points de vue comptaient.

    Dans Histoires particulières (CNRS, 2009) et dans ses Mémoires, L'oubli est la ruse du diable, il rendit un hommage appuyé à son père qui lui avait inculqué l'amour de la France et le culte de la volonté qui peut permettre à un homme de vaincre la fatalité de l'origine. Il aimait voir en lui l'exemple d'une histoire d'immigration réussie par le travail et l'intégration. « Français de préférence », comme l'avait écrit Aragon…

    Son inlassable activité, ses livres en cascade cachaient un drame intime: le suicide en 1972 de sa fille de seize ans. Cette blessure était toujours à vif. Elle ne fut pas étrangère à son retour à la religion comme il l'avait confié dans la préface d'un de ses livres. Max Gallo cherchait l'apaisement à sa souffrance de père dans le travail. Il va le trouver, désormais, dans le repos éternel.  

    Paul-François Paoli

    Il trace son sillon : le Prince va à la rencontre des gens