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  • Mathieu Bock-Côté : « Macron oblige ses opposants conservateurs à élever le niveau »

     

    Par Mathieu Bock-Côté

    L'analyse qui suit - comme toujours pertinente et profonde - n'est pas d'esprit politicien. Mathieu Bock-Côté ne néglige pas de constater avec lucidité qu' « une bonne partie de la droite, au fond d'elle-même, est progressiste ». Son objectif peut se résumer à ceci : « Il ne s'agit pas de restaurer le monde d'hier, d'ailleurs, mais de renouer avec les permanences essentielles de toute civilisation ». Ainsi se définit ce qu'il nomme conservatisme. Mais qui pourrait tout aussi bien, dans son acception noble, s'appeler un traditionalisme.  LFAR   

     

    2760774407.2.jpgOn annonçait une victoire écrasante de la République en Marche, avec une opposition atomisée, condamnée à l'insignifiance politique. Le coup d'éclat d'Emmanuel Macron culminerait dans la conquête d'un pouvoir absolu. Le résultat du deuxième tour des élections législatives oblige à nuancer ce portrait. Tous ont noté un taux catastrophique d'abstention. Et si la gauche historique est presque fauchée, l'opposition de droite évite l'humiliation. De même, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon trouvent leur place à l'Assemblée : on y trouvera donc une concurrence forte entre deux figures désirant occuper la fonction tribunitienne. C'est un peu comme si une part significative du corps électoral s'était révoltée au dernier moment contre une complète macronisation de la vie politique. Le pluralisme démocratique sera assuré dans la nouvelle assemblée, même si la victoire de LREM est indéniable et ne saurait être décrétée illégitime, quoi qu'en disent ceux qui croient avoir un monopole sur le peuple qu'ils imaginent toujours en insurrection.

    Le cycle électoral engagé avec les primaires s'est donc terminé : c'est peut-être même une nouvelle époque politique qui commence en France. On peine toutefois à la caractériser. Le macronisme semble concrétiser le rêve du grand parti de la raison, rassemblant les gens qui s'autoproclament éclairés des deux bords du spectre politique, comme s'ils parvenaient à se libérer d'une polarisation désuète, ne correspondant plus au monde d'aujourd'hui. C'est le parti de ceux qui se veulent intelligents et se croient seuls à l'être. Idéologiquement, le macronisme cherche à traduire cette vision en distinguant d'un côté les progressistes et de l'autre les conservateurs. Les premiers adhéreraient à l'esprit de l'époque. Ils seraient réformistes, ouverts, mobiles, innovateurs. Les seconds, qu'ils soient de gauche ou de droite, seraient exagérément accrochés à leurs privilèges ou leurs souvenirs. Ils seraient corporatistes ou nostalgiques. On les présente comme des esprits chagrins. Cela sans compter les populistes, qu'il faudrait tenir à l'écart de la conversation civique.

    Que la distinction entre progressistes et conservateurs soit essentielle n'est pas faux. Elle ne saurait toutefois se définir de manière aussi caricaturale. Ces termes ne sauraient désigner simplement une attitude devant le changement. Ce qui distingue les premiers des seconds, c'est le rapport aux limites. Et Emmanuel Macron, on l'aura noté ces dernières semaines, n'est pas un progressiste caricatural. Le président est plus intéressant que le candidat. Dans son désir manifeste de restaurer, ne serait-ce que sur le plan des apparences, la verticalité du pouvoir, il s'éloigne de l'histrionisme sarkozyste et de la normalité hollandienne. Autrement dit, il cherche à s'approprier symboliquement les marques d'un certain conservatisme, ou du moins, à laisser croire qu'il n'est pas étranger à la dimension hiératique du pouvoir. Si la tendance se maintient, il parviendra, pour un temps du moins, à ne pas raviver la colère de ceux qui sont attachés à la prestance des institutions. Les Français seront beaucoup moins nombreux à avoir honte de leur président.

    Mais on passe là à côté de l'essentiel. Pour l'instant, on peine surtout à repérer les lignes de clivage idéologique fortes autour desquelles pourra prendre forme le débat politique dans les années à venir. On a beau vouloir passer du clivage gauche-droite au clivage progressistes-conservateurs, ou même au clivage plus improbable qu'on ne le dit entre mondialistes et souverainistes, cette grande transformation politique demeure pour l'instant hypothétique : à tout le moins, elle tarde à se fixer. Nous sommes dans une période de mutation où les grandes catégories politiques demeurent brouillées. C'est un changement d'époque. On ne saurait se contenter non plus d'une mise en scène d'un conflit entre un bloc élitaire et un bloc populaire, ou d'une lutte entre le centre et la périphérie, à moins de consentir à un retour explicite de la lutte des classes qui pourrait entraîner bien des débordements. Sur quelles bases se construira l'opposition au macronisme ?

    Assisterons-nous au retour d'une politique apaisée ? Rien n'est moins sûr. Le macronisme victorieux n'est déjà plus euphorique. Certes, l'opposition en bloc et systématique à tout ce que proposera Emmanuel Macron est stérile. Le discours antisystème en est venu à tourner à vide et la faillite du Front national au deuxième tour de la présidentielle le confirme. Les Français ne sont certainement pas enthousiastes devant la nouvelle présidence. Elle ne les révolte pas non plus. Ils souhaitent manifestement qu'Emmanuel Macron soit capable de débloquer un pays que plusieurs sentent enfoncé dans l'impuissance. Ils ne rêvent pas non plus d'une grande liquidation. Il n'est pas interdit de penser non plus qu'il soit capable d'en surprendre plusieurs, si les circonstances historiques l'exigeaient. Chose certaine, devant un bouleversement politique de grande ampleur qu'ils sont très peu nombreux à avoir prévu, il n'est pas interdit d'éviter les prophéties positives ou négatives pour les prochains temps.

    Il n'en demeure pas moins que le réel conserve ses droits et qu'on ne saurait soumettre durablement la politique à un mirage technocratique. La dissolution du politique dans un matérialisme avilissant prend aujourd'hui le visage de l'économisme le plus étroit. Le citoyen est réduit à la figure d'un individu qui n'est plus lié intimement à la communauté politique. Mais de l'immigration massive au multiculturalisme en passant par le terrorisme islamiste et les nouveaux enjeux sociétaux, la crise de civilisation que la France traverse avec les autres sociétés occidentales ne vient pas de se dissiper d'un coup. Elle a été étrangement absente de la dernière séquence politique. Elle s'imposera de nouveau. On ne peut durablement censurer la réalité, malgré ce que pensent ceux qui s'imaginent qu'il suffit de ne pas parler d'un problème pour le faire disparaître.

    Certains relativiseront cette crise de civilisation en disant que le monde a toujours changé et toujours changera. Dès lors, la première vertu de l'homme devient sa capacité d'adaptation à tout ce qui arrive. C'est ce que réclame la mondialisation. Comment ne pas y voir une technicisation à outrance de l'existence ? Mais l'homme ne saurait habiter le monde en étant toujours en marche, comme s'il était soumis à un flux incessant et immaîtrisable. Il a aussi besoin de permanences. Il a besoin d'habiter un monde durable qui marche moins qu'il ne demeure. Qui portera ce désir de continuité ? L'inépuisable question de l'identité de la droite revient alors dans l'actualité. Pour l'instant, une partie de la droite se contente d'une critique comptable du régime qui s'installe, comme si elle était heureuse de se tenir éloignée des enjeux civilisationnels qui ont marqué les dernières années. Elle rêve de moins en moins secrètement de se rallier au nouvel état des choses. Une bonne partie de la droite, au fond d'elle-même, est progressiste.

    La pensée conservatrice a connu une vraie renaissance ces dernières années. Elle s'était peut-être exagérément accrochée à l'échéance présidentielle de 2017, comme si elle représentait un possible point tournant de l'Histoire. Elle s'était fait croire qu'elle avait renversé l'hégémonie culturelle de la gauche. C'était une illusion. On ne reconstruit pas en une élection un monde déconstruit pendant un demi-siècle. Il ne s'agit pas de restaurer le monde d'hier, d'ailleurs, mais de renouer avec les permanences essentielles de toute civilisation. Ce travail de discernement ne va pas de soi. Pour reprendre les mots d'un philosophe, rien n'est aussi complexe que de distinguer l'essentiel de l'anachronique. Le travail de fond devra se poursuivre, au-delà des seuls rendez-vous électoraux qui, aussi importants soient-ils, ne sauraient définir exclusivement la vie de la cité. Il s'agit de faire renaître un imaginaire, une anthropologie, de désenfouir des sentiments oubliés. Ce n'est qu'ainsi que le conservatisme redeviendra une politique de civilisation. 

    « Une bonne partie de la droite, au fond d'elle-même, est progressiste. »  

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Ça continue de grimper pas mal sur Lafautearousseau !

     

    Courbe du nombre de visites pour la semaine du 14 au 20 juin 2017 

    [Analyse statistique Google Analytics]

    Soit 3 012 visites le 20.06 - 14 115 visites pour la semaine entière.

     

  • Patrick Buisson : « Emmanuel Macron ne peut pas être en même temps Jeanne d'Arc et Steve Jobs »

     

    Est-il possible d'analyser le système Macron en profondeur, sérieusement, sans a priori excessif, systématiquement pro ou anti ? Puis d'élargir l'analyse à la nouvelle situation politique de la France ? C'est ce que Patrick Buisson fait ici dans cet important entretien pour le Figaro magazine [9.06], réalisé par Alexandre Devecchio. Ce dernier ajoute le commentaire suivant : « Patrick Buisson a scruté le paysage politique avec la hauteur et la distance de l'historien. Il restitue ici l'élection de Macron et la défaite de la droite dans le temps long de l'Histoire ». De notre côté, nous avons commenté ainsi ce remarquable entretien : « tout fondé sur un soubassement d’esprit monarchique et de droite légitimiste – où (Buisson) synthétise en une formule lapidaire ce que Maurras eût peut-être appelé le dilemme d’Emmanuel Macron : " On ne peut pas être à la fois Jeanne d’Arc et Steve Jobs ". Tout est dit ! ».   Lafautearousseau

     

    3821821120.jpgDepuis son entrée en fonction, Emmanuel Macron a fait preuve d'une gravité et d'une verticalité inattendues. Vous a-t-il surpris positivement ?

    La fonction présidentielle est en crise depuis que ses derniers titulaires ont refusé d'incarner la place du sacré dans la société française. Sarkozy, au nom de la modernité, et Hollande, au nom de la « normalité », n'ont eu de cesse de vouloir dépouiller la fonction de son armature symbolique, protocolaire et rituelle. Emmanuel Macron a parfaitement analysé le vide émotionnel et imaginaire que la disparition de la figure du roi a creusé dans l'inconscient politique des Français. En France, pays de tradition chrétienne, le pouvoir ne s'exerce pas par délégation mais par incarnation. C'est, selon la formule de Marcel Gauchet, « un concentré de religion à visage politique ».

    L'élection constate l'émergence d'une autorité mais celle-ci ne peut s'imposer dans la durée qu'à condition de donner corps à la transcendance du pouvoir et de conférer une épaisseur charnelle à une institution immatérielle. Il faut savoir gré à Macron de l'avoir compris jusqu'à faire in vivo la démonstration que la République ne peut se survivre qu'en cherchant à reproduire la monarchie et en lui concédant au bout du compte une sorte de supériorité existentielle. Voilà qui est pour le moins paradoxal pour le leader d'un mouvement qui s'appelle La République en marche.

    De la cérémonie d'intronisation à la réception de Poutine à Versailles, les médias ne tarissent pas d'éloges au sujet de ses premières apparitions publiques…

    Oui, même quand le nouveau président leur tourne ostensiblement le dos et n'hésite pas à remettre en cause les fondements de la démocratie médiatique : la tyrannie de l'instant, la connexion permanente, l'accélération comme valeur optimale. Le soin qu'il apporte à la mise en scène de sa parole, de sa gestuelle, de ses déplacements montre à quel point il a intégré la mystique du double corps du roi, qui fait coïncider à travers la même personne un corps sacré et un corps profane, un corps politique et un corps physique. Accomplir des gestes et des rites qui ne vous appartiennent pas, qui viennent de plus loin que soi, c'est s'inscrire dans une continuité historique, affirmer une permanence qui transcende sa propre personne. À ce propos, le spectacle du nouveau président réglant son pas sur la Marche de la garde consulaire et faisant s'impatienter le petit homme rondouillard qui l'attendait au bout du tapis rouge aura offert à des millions de Français le plaisir de se revancher de l'humiliation que fut la présidence Hollande, combinaison inédite jusque-là de bassesse et de médiocrité. Quel beau congédiement !

    Mais n'est-ce pas simplement, de la part d'un homme de culture, une opération de communication bien maîtrisée ?

    Toute la question est de savoir si, avec la présidence Macron, on sera en présence, pour le dire avec les mots de son maître Paul Ricœur, d'une « identité narrative » ou d'une « identité substantielle ». Reconstituer le corps politique du chef de l'État, lui redonner la faculté d'incarner la communauté exige que s'opère à travers sa personne la symbiose entre la nation et la fonction. Emmanuel Macron récuse le postmodernisme et veut réhabiliter les « grands récits ». Fort bien. Mais de quels « grands récits » parle-t-il ? Le roman national ou les success-stories à l'américaine ? Jeanne d'Arc ou Steve Jobs ? Honoré d'Estienne d'Orves ou Bill Gates ? Les vertus communautaires et sacrificielles ou le démiurgisme technologique de la Silicon Valley ?

    C'est là où l'artifice dialectique du « en même temps » cher à Macron touche ses limites. Il y a des « valeurs » qui sont inconciliables tant elles renvoient à des visions diamétralement opposées de l'homme et du monde. Les peuples qui ont l'initiative du mouvement historique sont portés par des mythes puissants et le sentiment d'une destinée commune fondée sur un système de croyances et un patrimoine collectif. Pour recréer le lien communautaire à travers sa personne, le président Macron doit répudier le candidat Macron : mobiliser l'histoire non comme une culpabilité ou une nostalgie mais comme une ressource productrice de sens.

    Outre la verticalité, Macron assume également une certaine autorité…

    Toute la question est de savoir de quelle autorité il s'agit. Depuis Mai 68, les classes dirigeantes se sont employées à délégitimer la représentation transcendante des anciennes figures de l'autorité comme autant de formes surannées du contrôle social. Mais, si elles ont récusé l'autorité comme principe, elles n'y ont pas pour autant renoncé en tant que fonctionnalité. Autrement dit, comme technologie du pouvoir indispensable à l'induction du consentement, de l'obéissance, voire de la soumission chez les gouvernés. A l'ère de la communication, ainsi que l'avait pressenti Gramsci, la relation de domination ne repose plus sur la propriété des moyens de production. Elle dépend de l'aliénation culturelle que le pouvoir est en mesure d'imposer via la représentation des événements produite par le système politico-médiatique dont le rôle est de fabriquer de la pensée conforme et des comportements appropriés. On en a encore eu une éclatante démonstration avec la campagne présidentielle qui vient de s'achever.

    Si Macron est le produit de ce système-là, est-il pour autant condamné à en rester indéfiniment captif ?

    L'intention qui est la sienne de réintroduire de l'autorité dans le processus de décision politique est louable. Ce qui légitime l'autorité c'est, disait saint Thomas d'Aquin, le service rendu au bien commun. Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas chercher à restaurer l'autorité-principe là où sa disparition a été la plus dommageable ? A l'école, par exemple, où notre appareil éducatif s'est acharné à disqualifier la transmission et à la dénoncer dans le sillage de Bourdieu comme volonté de répétition et de reproduction du même. La transmission est par excellence l'acte vertical intergénérationnel qui consiste à choisir ce qui mérite d'être transporté à travers le temps quand la communication obéit à une logique horizontale et démocratique de diffusion non critique et non sélective dans l'espace. De ce point de vue, le profil du nouveau ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, est sans doute le seul vrai signe encourageant.

    Régis Debray dit que Macron est un « Gallo-ricain », le produit d'un écosystème mental américanisé où l'instance économique commande à toutes les autres. N'est ce pas excessif ?

    Je crains qu'il n'ait raison. Emmanuel Macron apparaît comme la figure emblématique de cette nouvelle classe dominante qui aspire à substituer à tous ceux qui proposent un salut hors de l'économie - religion ou politique - la seule vérité de l'économie. Tout ce qui n'est pas de l'ordre de l'avoir, toutes les visions non utilitaristes de la vie en société relèvent pour elle de l'angle mort. Le parti de l'économisme, c'est celui de l'interchangeabilité qui cherche à réduire en l'homme tous les particularismes et toutes les appartenances (nation, famille, religion) susceptibles de faire obstacle à son exploitation en tant que producteur ou comme consommateur. C'est le parti des « citoyens du monde », des « forces du flux d'information, de l'échange et de l'immigration » célébrés par Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook lors de son discours aux diplômés d'Harvard le 25 mai dernier.

    Le cycle dominé par l'économie, que l'on croyait sur le point de s'achever, a connu un spectaculaire regain à l'occasion de la campagne présidentielle. Le retour des nations, de l'histoire et de l'organisation de sociétés autour des thèmes de l'identité et de la souveraineté n'aura-t-il été qu'une fugitive illusion ?

    Je n'en crois rien. Un système où l'économie commande l'organisation de la société est incapable de produire du sens. Sous couvert d'émancipation des individus, l'économisme a surtout œuvré à leur soumission croissante au règne de la marchandise et de l'ego consacrant, selon la formule d'Emmanuel Mounier, la « dissolution de la personne dans la matière ». La crise morale que nous traversons montre que l'homme réduit à l'économie ne souffre pas simplement d'un mal-être mais d'un manque à être. Elle est le fruit amer d'une malsociété, excroissance maligne de l'incomplétude d'une société exclusivement consumériste et marchande. « On ne tombe pas amoureux d'une courbe de croissance », proclamait l'un des rares slogans pertinents de 68. N'en déplaise aux médiagogues, il y a de moins en moins de monde pour croire que l'identité d'un pays se ramène à son PIB et que la croissance peut opérer le réenchantement du monde.

    L'élection présidentielle que nous venons de vivre a-t-elle été un coup pour rien ?

    Au contraire, elle aura été l'occasion d'une magistrale, et peut-être décisive, leçon de choses. La droite républicaine et le Front national ont fait la démonstration chacun à leur tour - François Fillon au premier et Marine Le Pen au second - qu'ils étaient l'un et l'autre, sur la base de leurs seules forces électorales, dans l'incapacité de reconquérir ou de conquérir le pouvoir. L'élimination de Fillon dès le premier tour fut tout sauf un accident, indépendamment des affaires dont on l'a accablé. Elle s'inscrit dans un lent et inexorable processus de déclin qui a vu la droite de gouvernement passer de 49 % au premier tour de la présidentielle de 1981 à 27 % en 2012 et à 20 % le 23 avril dernier. Faute d'avoir su opérer, comme ce fut le cas en 2007, une nécessaire clarification idéologique, la droite ne peut plus se prévaloir du bénéfice automatique de l'alternance. Elle a perdu l'élection imperdable. On ne voit pas pourquoi ni comment elle pourrait ne pas perdre les élections qui viennent. Faute d'avoir su construire une offre politique crédible, le FN est, lui aussi, dans l'impasse. Il reste ce qu'il a toujours été : un épouvantail, le meilleur allié du système qu'il prétend combattre, son assurance-vie. C'est à partir de ce double constat partagé qu'une refondation est possible.

    Qu'attendez-vous de la décomposition-recomposition qui s'amorce ?

    Je crois, comme Marcel Gauchet, qu'un grand mouvement conservateur est naturellement désigné pour être, selon sa formule, « l'alternative au moment libéral économiste » que nous vivons. Emmanuel Macron a choisi de se faire le champion du camp des progressistes au moment où la promesse fondatrice du progrès-croyance - à savoir l'assurance absolue d'une amélioration inéluctable, générale et universelle - a échoué sur la question du bonheur. L'indicateur de cet échec, on le trouve dans l'explosion de la production, du trafic et de la consommation de drogue comme dans la croissance exponentielle de la consommation de psychotropes qui représente en France, selon une récente étude de la Cnam, 13% des soins remboursés par l'Assurance-maladie. Ces chiffres expriment le décalage entre le bonheur promis et le bonheur réel dans notre société. Le seul vrai progrès est aujourd'hui de pouvoir douter du progrès. Le conservatisme est l'outil intellectuel qui permet d'échapper à ce processus de décivilisation. Je n'en connais pas de meilleure définition que celle qu'en a donné Ernst-Erich Noth : « Nous avons à concilier la tâche temporaire de la politique qui passe et la mission éternelle de l'intelligence ; mais cela n'est possible que par une subordination de la matière à l'esprit, de l'actualité à la continuité.»

    La situation présente aurait donc, selon vous, le mérite de dissiper un long malentendu historique…

    En effet. S'il était encore possible au milieu du siècle dernier d'accoler les deux vocables de libéral et de conservateur, leur accouplement relève aujourd'hui de l'oxymore, tant la fracturation intervenue depuis est d'ordre à la fois métaphysique et anthropologique. La Manif pour tous a fait apparaître, en 2013, une césure radicale entre une droite conservatrice - ce que j'ai appelé un populisme chrétien -, qui proclamait le primat du sacré sur le marché, et une droite libérale-progressiste, acquise au principe d'illimitation et à l'abaissement du politique au niveau de la gouvernance économique. Cette droite-là est en marche vers Emmanuel Macron, qui est en train de réussir à la fois la reconstitution de l'unité philosophique du libéralisme en illustrant à la perfection la complémentarité dialectique du libéralisme économique et du libéralisme culturel, mais aussi la réunification des libéraux des deux rives, comme le fit au XIXe siècle l'orléanisme, déjà soucieux de constituer un bloc central en coupant, selon la recette réactualisée par Alain Juppé, « les deux bouts de l'omelette ».

    Soyons reconnaissants à Macron de son concours bénévole, même s'il n'est pas franchement désintéressé. De grâce, que personne ne retienne les Républicains « constructifs » qui se bousculent déjà pour le rejoindre. Rien ne sera possible sans cette rupture fondatrice. Il y a des décantations qui sont des clarifications. Il est des divorces qui sont des délivrances pour ceux qui restent.  

    « Emmanuel Macron a parfaitement analysé le vide émotionnel et imaginaire que la disparition de la figure du roi a creusé dans l'inconscient politique des Français » 

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    La Cause du peuple de Patrick Buisson, Perrin, 21,90€. 

    Alexandre Devecchio

  • En marche pour sauver le Système ?

     

    En deux mots.jpgNous serions sacrément incohérents si nous pleurions sur le coup de balai exterminateur qui vient d'être promptement donné dans la fourmilière politicienne, les députés sortis, les caciques et les vieux profiteurs renvoyés, le concept même de parti contesté, la présidence normale abolie, etc.

    Sera-ce seulement au profit d'un nouveau parti, d'une jeune caste aux dents encore plus longues que celle de ses prédécesseurs repus, d'une nouvelle « élite » mondialisée, anglicisée, encore plus proche que l'autre du monde de l'Argent ? Au fond, le Système n'avait-il plus d'autre ressource que de sacrifier ses anciens pour se sauver ?

    Dans tous les cas de figure, ce qui vient de se passer - le « coup » Macron - signe l'épuisement du régime bien plus que sa résurrection.

    Macron ou un autre quelconque ne réussira pas à grand-chose s'il ne s'agit ni de sauver le Pays de son déclin, ni son identité en péril, mais seulement le Système, sa caste dirigeante, son idéologie et la mise en œuvre de cette dernière.

    S'il ne s'agit que de cela, quelle que soit la force persistante des Institutions de la Ve République, il y a de fortes chances pour que Macron et ses amis soient assez rapidement et assez durement rejetés.

    Sans-doute est-il en train de monter dans le Pays - Patrick Buisson l'a montré - une aspiration insistante à des changements d'une tout autre nature et profondeur.

    Contredisant tous les dogmes de la démocratie française, c'est à un homme - non â un parti, non â une idéologie - que les Français ont remis le pouvoir.

    Un homme, c'est â quoi les peuples ont toujours cru, se sont toujours confiés pour être gouvernés. A fortiori, lorsqu’au-delà de l’homme, une lignée, une dynastie instaure une légitimité.

    Alors, au delà de Macron, en marche pour une monarchie en bonne et due forme ? 

  • Superbe analyse d'Eric Zemmour : « François Bayrou est le carbone 14 d'Emmanuel Macron »

    « Le petit confetti qatari tremble sur ses bases »

     

    Zemmour, bien-sûr, ne s'attarde pas ici [RTL, 20.06] aux turpitudes - fort banales - de François Bayrou, faisant du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, chargé de préparer la loi de moralisation de la vie politique, partie prenante aux affaires - qui embarrassent Macron en ses débuts. Cela n'est pas ce qui est important. Ce qui est important, c'est la chose même, Bayrou soi-même, ce qu'il est politiquement, son rapport de fond à Emmanuel Macron. Et réciproquement.  Que Bayrou doive un jour  ou l'autre être lui aussi exfiltré du nouveau gouvernement, comme Richard Ferrand, Sylvie Goulard, Marielle de Sarnez, etc. ne change rien au fond des choses qui se retrouve en Emmanuel Macron. Et là, sur l'essentiel qui n'est pas moral mais politique, l'analyse de Zemmour est magistrale.    LFAR

     

     

    Résumé RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge 

    À côté de l'arrivée d'un énorme groupe La République En Marche, celle d'un groupe d'une cinquantaine de députés MoDem est l'autre nouveauté de cette Assemblée nationale sortie des urnes. « Les Trois mousquetaires étaient des Béarnais, comme François Bayrou. Il en a conservé le caractère, le goût des duels à fleurets pas toujours mouchetés ; mais aussi un penchant irrésistible pour la vantardise », constate Éric Zemmour. Ainsi, « quand Bayrou déclare que " c'est le groupe MoDem historiquement le plus fort qu'on ait connu ", il oublie seulement de préciser qu'il n'y a jamais eu de groupe MoDem à l'Assemblée nationale », poursuit-il.

    « Macron a réalisé le rêve qu'a porté Bayrou pendant vingt ans : celui d’une coalition mariant enfin le centre-droit et le centre-gauche », analyse Éric Zemmour, selon qui « Bayrou est le chaînon manquant entre Giscard et Macron ». Il ajoute : « Bayrou est le carbone 14 de Macron. C’est la force et la faiblesse de Bayrou. Une mémoire, on la célèbre ou on l'efface. Selon les besoins et les intérêts du moment ».

    Éric Zemmour

  • Hier, la princesse Philomena a fêté son 40ème anniversaire

     

    Hier, lundi 19 juin, Son Altesse Royale la princesse Philomena d’Orléans, duchesse de Vendôme, a fêté son 40ème anniversaire. 

    La princesse Philomena, est l’épouse de S.A.R. le prince Jean de France. La princesse est née le 19 juin 1977 à Vienne, patrie de sa mère Maria-Antonia Edle von Steinhart. Avant son mariage, la future duchesse de Vendôme a vécu dans plusieurs pays et parle couramment cinq langues.

    En épousant le prince Jean de France le 2 mai 2009 à Senlis, Philomena de Tornos y Steinhart est devenue officiellement la nouvelle duchesse de Vendôme. Un titre qui fut porté la dernière fois par la princesse Henriette de Belgique, fille des comtes de Flandre et sœur du Roi Albert Ier depuis son mariage en 1896 avec le prince Emmanuel d’Orléans, duc de Vendôme jusqu’à sa mort en mars 1948.

    Depuis 2011, Leurs Altesses Royales le duc et la duchesse de Vendôme habitent au domaine royal de Dreux avec leurs quatre enfants : le prince Gaston, né le 19 novembre 2009 dans le 14e arrondissement de Paris, la princesse Antoinette, née le 28 janvier 2012 à Vienne (Autriche), la princesse Louise-Marguerite, née le 30 juillet 2014 à Poissy (Yvelines), le prince Joseph, né le 2 juin 2016 à Dreux.

    La princesse Philomena s’occupe personnellement au quotidien de ses enfants et le duc de Vendôme semble ravi de seconder son épouse. Elle aime la vie de famille et cultive donc l’esprit de famille. La duchesse de Vendôme est une maman comblée qui souhaite que ses enfants connaissent et cultivent des liens avec leurs nombreux cousins et cousines disséminés à travers l’Europe. 

    L’équipe de Lafautearousseau présente à Madame la duchesse de Vendôme tous ses vœux à l'occasion de son anniversaire.

    La Couronne

  • Que signifie la mise au ban du Qatar ?

     

     Par Antoine de Lacoste

     

    2966618915.2.pngLe 5 juin dernier, l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis ont annoncé la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar, ainsi que d'importantes mesures de rétorsion : fermetures des frontières terrestres et maritimes, suspension des liaisons aériennes, restrictions sur les déplacements de personnes.

    Aussitôt, l'Egypte, le Yémen, Bahreïn et les Maldives ont emboité le pas : sous perfusion financière de l'Arabie Saoudite, ces pays n'ont rien à lui refuser.

    Le grief avancé fait sourire, puisque qu'il concerne « le soutien au terrorisme» . Il est vrai que le Qatar a soutenu des groupes islamistes pratiquant le terrorisme, notamment en Syrie. Mais chacun sait que l'Arabie Saoudite a fait exactement la même chose (mais en faveur de groupes rivaux) et que plus largement, par le biais du financement de mosquées salafistes dans le monde entier, elle a plus fait pour le développement du terrorisme qu'aucun autre pays au monde.

    En réalité, deux raisons plus sérieuses expliquent cette soudaine décision.

    La première tient à l'excessive modération du Qatar à l'égard de l'Iran. La grande puissance chiite, remise en selle grâce à ses succès dans le conflit syrien et à l'accord sur le nucléaire signé en juillet 2015 avec les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, est l'ennemi mortel de Riyad. Pour des raisons religieuses bien sûr mais, au-delà, pour la domination du Proche-Orient.

    La cause de cette modération qatarie, bien réelle, est simple : l'Iran et le Qatar se partagent un gigantesque gisement gazier dans le Golfe persique et cela nécessite un minimum de dialogue. Et puis Riyad et Doha ne s'aimant guère, il est bien évident que le second ne va pas suivre aveuglément les diktats diplomatiques du premier.

    La deuxième raison, plus importante encore, est le soutien constant du Qatar envers les Frères musulmans. Cette fameuse société a été fondée en 1928 en Egypte. Organisation intellectuelle prônant le renouveau de l'islam, elle est officiellement hostile à la lutte armée. La réalité est plus complexe, mais ce qui est certain c'est qu'il y a une rivalité très forte entre les salafistes et les Frères musulmans pour la suprématie au sein de l'islam sunnite.

    L'Arabie Saoudite, en tant que principale puissance salafiste, ne peut que regarder d'un mauvais oeil tout soutien à cette organisation concurrente dont l'influence est importante dans plusieurs pays arabes : en Egypte bien sûr où elle a même été au pouvoir avec Mohamed Morsi jusqu'au coup d'Etat du Maréchal Sissi. Au sein du Hamas palestinien ensuite (c'est une des causes du rapprochement entre Israël et l'Arabie Saoudite), en Turquie depuis longtemps, en Jordanie également.

    L'un de ses succès d'influence les plus réussis concerne l'Observatoire Syrien des Droits de l'Homme, le fameux OSDH. Installé à Londres (longtemps soutenu par les services secrets britanniques), il est aujourd'hui l'unique source d'information (de désinformation devrait-on dire) de nombreux medias occidentaux sur le conflit syrien. Ses informations orientées et distillées en fonction des intérêts ponctuels des groupes armés islamistes ont beaucoup contribué à entretenir la fiction de rebelles modérés.

    Le Qatar est donc le principal soutien des Frères musulmans et l'Arabie Saoudite ne l'accepte plus. Ainsi, Doha abrite plusieurs chefs du Hamas et Ryad exige qu'ils soient expulsés et livrés aux Israéliens. Le paradoxe n'est qu'apparent quand on examine le fond des choses...

    Le plus cocasse dans la mise au ban du Qatar, c'est que les Américains ont été pris de court.

    En effet, à aucun moment, ils n'ont été informés de la décision saoudienne. Mieux, ils ne l'approuvent pas et, embarrassés, appellent au dialogue et à la modération. Tout comme la France d'ailleurs, qui ne voit pas d'un bon oeil une brouille durable s'installer entre ses deux principaux alliés arabes.

    En réalité, cette offensive saoudienne inattendue est la conséquence directe de la récente visite calamiteuse de Trump à Riyad (voir notre article précédent).

    En dénonçant, contre toute raison, l'Iran comme l'axe du mal (les Américains adorent désigner des méchants à l'opprobre internationale), et en faisant à nouveau de Riyad le pivot de la politique américaine dans la région, Trump lui a donné, sans même s'en rendre compte, un blanc-sein, un droit d'agir sans retenue dont on voit déjà le premier résultat.

    Ironie de l'histoire : aujourd'hui la seule puissance capable de parler à tous dans la région, c'est la Russie. 

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  • La sécession de la plèbe

    A Paris, le 18 juin

    par Gérard Leclerc

     

    2435494823.jpgL’abstention massive qui s’est encore aggravée au second tour des législatives pose quand même un sérieux problème, alors que le président de la République dispose maintenant d’une majorité qui lui donne tous les moyens de gouverner.

    On a parlé, à juste titre, de la lassitude d’un électorat fatigué d’une trop longue compétition. On a aussi insisté sur la résignation de ce même électorat, persuadé que les choses étaient pliées avec l’élection d’Emmanuel Macron et la certitude qu’il aurait sa majorité parlementaire. Mais il est une autre façon d’envisager les choses, qui confère au phénomène de l’abstention une densité significative.

    C’est Jean-Claude Barreau qui a lancé l’idée, avec un rappel historique de ce qui s’était passé autrefois dans la République romaine. Dès le début de la République, en effet, se produit ce qu’on appelle la sécession de la plèbe. La plèbe, c’est le peuple qui n’appartient pas aux catégories supérieures, au patriciat qui tient en main la réalité du pouvoir. Elle se rebelle contre le mépris dont elle est l’objet. En 499 avant Jésus-Christ, cette plèbe en armes se réfugie sur la colline de l’Aventin et finit par obtenir la création d’une magistrature chargée de ses intérêts. On parlera ainsi des tribuns de la plèbe. L’expression est restée, elle a été employée à différentes reprises pour caractériser, par exemple, le rôle du Parti communiste. On parlait alors de sa fonction tribunicienne, eu égard à toute une population ouvrière, ou prolétarienne, dont il avait à défendre les intérêts.

    Est-ce un peu forcer la comparaison que d’affirmer que l’abstention massive des deux tours des législatives équivaut à la sécession de la plèbe et à son reflux sur l’Aventin ? Une plèbe qui ne se reconnaît pas dans un système patricien, avec des représentants largement issus des catégories sociales supérieures de la population ? Comparaison n’est pas raison, mais il y a quand même quelque chose d’impressionnant dans le fait que le pouvoir soit détenu par un président sélectionné par un quart de l’électorat et bénéficiant du soutien d’une majorité qui ne rassemble, en fait, que le septième du même électorat. La France insoumise et le Front national se sont trouvés marginalisés en dépit de la masse considérable qu’ils représentent. Ne reste au Parlement que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen pour exercer la fonction de tribuns de la plèbe. C’est significatif d’un déséquilibre qui fragilise d’ores et déjà le président et son gouvernement. 

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 19 juin 2017.

    Gérard Leclerc - France catholique 

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  • La bonne question ...

    Figarovox 18.06.2017

     

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  • Lever de rideau

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Voici donc élue la Chambre qui devrait permettre au gouvernement voulu par M. Macron de bénéficier d’une grande liberté d’action.

    Les choses sérieuses vont donc commencer. Pourtant la longue période d’électoralisme débridé qui s’achève (des primaires aux législatives) mérite qu’on en fasse le bilan. En commençant par l’essentiel : un non-politicien, peu connu malgré ses fonctions ministérielles il y a encore deux ans, a pu en une année non pas accéder au pouvoir mais plutôt s’emparer du pouvoir politique. Cela laisse supposer qu’il est des périodes où la faillite conjuguée des « élites », des pratiques et des idéologies du pays légal républicain constitue une occasion à saisir. Il en fut d’ailleurs ainsi en 1958 lorsque De Gaulle, qui avait quand même préparé son affaire, entama le processus de transmutation de la IVème en Vème République. Ce qui distingue M. Macron, c’est qu’il a utilisé le mécanisme démocratique lui-même. Mieux : il a en quelque sorte fait triompher les institutions de la Vème contre de vieux partis sclérosés et inutiles ne rêvant que de conforter davantage leur rente de situation et donné ainsi à la France ce qu’elle attend toujours, un chef. Même si, par nature, cela ne saurait ni durer ni garantir une politique du bien commun, on sait désormais que tout est encore possible dans ce vieux pays.  

    Reconnaissons aussi à M. Macron quelques qualités. Notre nouveau président est un homme cultivé, plutôt brillant, dont le comportement en tant que chef d’Etat rompt totalement avec la vulgarité et l’inconsistance de ses prédécesseurs immédiats. Que celui qui, de facto, représente la France considère que sa fonction l’oblige à une certaine tenue n’est pas pour déplaire. Reconnaissons encore que certaines des premières mesures sérieuses évoquées (création d’un Centre national de contre-terrorisme, intégration au droit commun des mesures d’urgence, restriction du libre-échangisme au niveau européen, etc.) semblent aller dans le bon sens - comme le montre, a contrario, l’inquiétude qu’elles provoquent dans les médias, y compris étrangers, qui les taxent déjà de « liberticides ».  

    On ne reprochera donc pas à M. Macron d’être ce qu’il est devenu. On aimerait au contraire qu’il mît à profit sa fonction pour défendre au mieux l’intérêt national. Si l’on s’en tient aux axes de sa campagne (libéralisme, mondialisme, immigrationnisme, etc.) on peut avoir des doutes fondés et de sérieuses inquiétudes. A l’inverse, on peut aussi se dire que l’oubli des engagements électoraux est une pratique courante en France ou encore que les événements et/ou tout simplement le passage de candidat à chef de l’Etat pourraient bien induire de grandes transformations dans le personnage. Le syndrome de Becket en quelque sorte. 

  • La fin pure et simple du cycle démocratique ?

     

    1164797400.2.jpgCe qui est frappant au terme des législatives, c'est de voir à quel point la démocratie française est devenue un problème pour elle-même. Pour ses propres croyants ou pratiquants : politiciens, journalistes et intellectuels du conformisme. 

    Entre 1870 et 1914, la France a vécu sous le règne de la reine Revanche ; entre 1914 et 1918, ce fut la monarchie de la Guerre. Les législatives conclues hier se sont déroulées sous le signe de la reine Abstention qui ronge la démocratie française au cœur. 

    La lassitude démocratique gagne du terrain chez les Français depuis plusieurs décennies. Peut-être, en fait, est-elle un sentiment de toujours. Mais plus encore depuis que, à cause du quinquennat, les législatives se font dans la foulée de la présidentielle ; et plus encore depuis que l'on a eu la bonne idée des primaires, à cause desquelles la France vient de vivre au moins une pleine année d'élections. 

    Des abstentions qui se sont montées hier à 58% mettent le Système en question dans son principe même. Les sondeurs nous disent que seul un tiers des jeunes de 18 à 34 ans a voté ; et que, par contre, les deux tiers des Français âgés, eux, votent. De sorte que, avec le temps, l’abstention ne peut que croître et embellir, transformant la démocratie française en gérontocratie minoritaire. Faut-il rendre le vote obligatoire ? La question vient d’être posée. De droit, le vote deviendrait ainsi contrainte et obligation…      

    Bainville qualifiait l’électeur de « pauvre souverain d’un jour ». Peut-être ledit électeur a-t-il pris aujourd’hui conscience des illusions de cette souveraineté. Peut-être sommes-nous à la fin pure et simple du cycle démocratique. Du moins tel que la France, née royaume, l’a vécu - plutôt mal - depuis la funeste année 1789. 

  • Maroc : Macron soutient le roi Mohamed VI dans la crise du Rif

     

    Par Kaoutar Seghrouchni Idrissi

    Face aux chaos libyen, à une Tunisie incertaine et faible, aux menaces d'explosion en Algérie, le Maroc reste pour la France un partenaire sûr et un indispensable pôle de stabilité amicale. Cette analyse, donnée dans Causeur le 16.06, apporte un éclairage utile sur la toute récente rencontre franco-marocaine.  LFAR

     

    Le président Macron ne cesse de surprendre. Après avoir serré la main à Trump, accueilli en grande pompe Poutine à Versailles, le voilà qui s’en va causer diplomatie avec le Roi du Maroc.

    Or, la situation politique marocaine est plus que complexe. En effet, ces derniers jours ont été le lugubre théâtre d’affrontements sur fond de lutte sociale entre le mouvement social Hirak – né en octobre 2016 à Al-Hoceïma après la mort de Mouhcine Fikri, poissonnier qui avait tenté d’empêcher la destruction d’une pêche illégale saisie par la police – et le Palais.

    Le Rif rétif à Rabat

    Les relations entre la monarchie et le Rif marocain n’ont jamais été au beau fixe. Déjà du temps d’Hassan II, le Rif se considérait comme marginalisé par le Palais. Une tradition populaire y subsiste d’ailleurs, lorsque les rifains récitent l’hymne national : au lieu de conclure par « avec pour étendard, Dieu, la Nation, le Roi », ces derniers achèvent le chant par « Dieu, la nation, le peuple ». Autant dire que le monarchisme n’est pas en odeur de sainteté dans cette région du Maroc célèbre pour ses résistances aux colonialismes français et espagnol.

    Logiquement, en bon humaniste social-démocrate, Macron, aurait dû condamner la répression policière des manifestations, la marginalisation des acteurs du mouvement social et l’arrestation de la tête pensante de Hirak, Nasser Zefzafi.

    Répression et promesses

    Mais dès sa visite au Maroc cette semaine, Emmanuel Macron a semblé s’ériger en porte-parole du Palais dans un dossier qui relève pourtant de la sécurité intérieure du territoire.

     

    Le pouvoir chérifien avait déjà connu de fortes turbulences dans cette région qui n’hésite pas à remettre en cause les préceptes royaux du pays. Si le mouvement du 20 février 2011 a été si vite désamorcé grâce à l’intelligence du souverain (qui convoqua alors des élections anticipées assorties d’une réforme de la Constitution), les revendications politiques, identitaires, sociales et économiques demeurent. Le courroux de Nasser Zefzafi, fondateur du mouvement Hirak, est principalement dirigé à l’encontre du pouvoir de l’Etat marocain, le célèbre makhzen.

    Les partis politiques silencieux

    Il faut dire que le royaume ne fait pas dans la dentelle. La police a arrêté le chef de file du mouvement le 29 mai ainsi que 25 autres personnes, alors que ce dernier était en train d’interrompre le prêche d’un imam d’Al-Hoceïma. De nombreux militants sont actuellement poursuivis pour « atteinte à la sécurité intérieure », réception de « transferts d’argent et appui logistique de l’étranger » ainsi que pour « atteinte à l’intégrité du Royaume ». De son côté, la sphère politique est restée timidement en retrait. Si le secrétaire général du Parti Authenticité et Modernité (centre-gauche, réputé proche du Roi), président de la Région Tanger-Tétouan-Al-Hoceïma, Ilyass El Omari, s’est exprimé le 13 juin à la télévision, les autres partis se murent dans le silence. Leur mutisme a permis à l’Etat chérifien d’engager un bras de fer avec le mouvement social : heurts dans la ville, grève de la faim des militants détenus, grève générale en prévision à Al-Hoceïma, violences dans les rues. Et l’on ne peut pas dire que Rabat s’économise dans la gestion de la crise : visite de 7 ministres le 22 mai, promesse d’accélération des projets d’investissement de 6,5 millards de dirhams annoncés en 2015, etc. L’Etat marocain a ainsi lancé et relancé un bon nombre de projets d’infrastructures et de l’économie locale afin d’apaiser les tensions. Mais cela ne suffit visiblement pas à éteindre l’incendie.

    Peur sur le Rif

    Avec son attitude de grande sœur parfois envahissante, la France joue une fois de plus sa partition au creux des ors et dorures du Palais royal. Compte tenu de l’anti-royalisme qui règne dans le Rif, cette initiative pourrait faire bouger les choses. Soit en apaisant les tensions par la mise en place de politiques publiques efficaces et socio-économiques. Soit en déclenchant l’alliance objective entre islamistes et manifestants, qui rêvent de détrôner Mohamed VI pour devenir calife à la place du calife. Il n’est point besoin de préciser que cette dernière hypothèse pourrait réellement mettre en danger la stabilité du Royaume, la solidité de sa Couronne, et la légitimité du monarque.   

    Kaoutar Seghrouchni Idrissi
    Juriste

  • Culture • Loisirs • Traditions

  • Rire ou sourire un peu ... même s'il n'y a pas vraiment de quoi

    L'être ou ne plus l'être, telle est la question ...

  • Société • Le robot présidentiel

     

    images0W5IPI1E cc - Copie.jpgLe président de la République a visité le salon des startup françaises, VivaTech, jeudi dernier après-midi, Porte de Versailles. Il s'agissait de soutenir les entreprises travaillant dans le numérique et les nouvelles technologies. On veut bien.

    Il lui a été présenté un robot humanoïde, porteur d'une inscription anglaise explicative, accrochée à son enveloppe de plastique. Et sous l'œil des caméras, Macron lui a serré la main. Ou plutôt, ils se sont serré la main, le robot ayant été programmé pour le faire ... Poignée de main, comme avec Trump, Poutine, Angela Merkel, Mohamed VI, et tout un chacun.

    Macron n'aurait pas dû, car le robot n'est pas une personne, ni même une quelconque créature naturelle. Il est une machine, indéfiniment reproductible à l'identique, et, sauf dérision ou regrettable confusion, l'on ne serre pas la main aux machines. Du moins pas encore.

    sans-titre.pngLes lecteurs qui auront regardé, et surtout écouté, l'entretien de Gustave Thibon avec Jacques Chancel, publié ici même il y a deux samedis, auront peut-être retenu le propos de Thibon auquel ce petit épisode du robot présidentiel nous fait penser.

    Thibon explique à Chancel qu'il n'y a pas dans tout l'univers, ni même depuis son commencement, deux feuilles, deux brins d'herbe, qui soient identiques. Comme il en est des personnes, à travers l'espace et le temps, les siècles de siècles  : il n'en existe pas deux de semblables ; toutes, quoique intégrées à leur espèce, sont uniques, différenciées. De même qu’il n’y a pas deux commodes de Boulle qui soient les mêmes et que Monnet a peint sans-doute des milliers de nénuphars, tous différents. Tout ce qui est fabriqué de main d’homme est unique, comme nous le sommes.

    Nous ne disons pas que dans la société démocratique de masse où nous vivons, en attendant d’en sortir, il faut proscrire les machines, ne pas produire en série, ne pas construire des robots …

    De là à leur serrer la main, il y a un abîme. Le passage d'un monde à un autre.

    Bernanos a écrit jadis « La France contre les robots », un livre qui dénonce avec beaucoup d'avance le monde où nous sommes. Emmanuel Macron qui a des lettres, ne semble pas l’avoir lu. 

    Voir aussi dans Lafautearousseau  ...

    Pour retrouver Thibon