La sécession de la plèbe
A Paris, le 18 juin
par Gérard Leclerc
L’abstention massive qui s’est encore aggravée au second tour des législatives pose quand même un sérieux problème, alors que le président de la République dispose maintenant d’une majorité qui lui donne tous les moyens de gouverner.
On a parlé, à juste titre, de la lassitude d’un électorat fatigué d’une trop longue compétition. On a aussi insisté sur la résignation de ce même électorat, persuadé que les choses étaient pliées avec l’élection d’Emmanuel Macron et la certitude qu’il aurait sa majorité parlementaire. Mais il est une autre façon d’envisager les choses, qui confère au phénomène de l’abstention une densité significative.
C’est Jean-Claude Barreau qui a lancé l’idée, avec un rappel historique de ce qui s’était passé autrefois dans la République romaine. Dès le début de la République, en effet, se produit ce qu’on appelle la sécession de la plèbe. La plèbe, c’est le peuple qui n’appartient pas aux catégories supérieures, au patriciat qui tient en main la réalité du pouvoir. Elle se rebelle contre le mépris dont elle est l’objet. En 499 avant Jésus-Christ, cette plèbe en armes se réfugie sur la colline de l’Aventin et finit par obtenir la création d’une magistrature chargée de ses intérêts. On parlera ainsi des tribuns de la plèbe. L’expression est restée, elle a été employée à différentes reprises pour caractériser, par exemple, le rôle du Parti communiste. On parlait alors de sa fonction tribunicienne, eu égard à toute une population ouvrière, ou prolétarienne, dont il avait à défendre les intérêts.
Est-ce un peu forcer la comparaison que d’affirmer que l’abstention massive des deux tours des législatives équivaut à la sécession de la plèbe et à son reflux sur l’Aventin ? Une plèbe qui ne se reconnaît pas dans un système patricien, avec des représentants largement issus des catégories sociales supérieures de la population ? Comparaison n’est pas raison, mais il y a quand même quelque chose d’impressionnant dans le fait que le pouvoir soit détenu par un président sélectionné par un quart de l’électorat et bénéficiant du soutien d’une majorité qui ne rassemble, en fait, que le septième du même électorat. La France insoumise et le Front national se sont trouvés marginalisés en dépit de la masse considérable qu’ils représentent. Ne reste au Parlement que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen pour exercer la fonction de tribuns de la plèbe. C’est significatif d’un déséquilibre qui fragilise d’ores et déjà le président et son gouvernement. •
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 19 juin 2017.
Gérard Leclerc - France catholique
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