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  • Bernard Lugan : Algérie, une catastrophe annoncée

    La baie d'Alger
     
     
    Par Bernard Lugan

     

    3927016868.jpgLes perspectives apparaissent bien sombres pour l’Algérie : même si le prix du pétrole remontait, les maux profonds et structurels dont souffre le pays ne disparaîtraient pas pour autant.

    La crise que traverse aujourd’hui l’Algérie est plus grave que celle de 1986, quand l’effondrement du prix du pétrole avait failli emporter le pays. En trente ans, rien n’a été fait pour diversifier l’économie et la nomenklatura a continué à se servir. Mais alors qu’en 1986 les réserves pétrolières algériennes étaient encore immenses, aujourd’hui les nappes sont en voie d’épuisement ; quant au FRR (Fonds de régulation des recettes), la réserve ultime de l’État, comme il n’est plus alimenté par les recettes pétrolières, il sera prochainement épuisé. La politique d’assistanat d’État ne pourra alors plus être suivie et, dans ces conditions, comment calmer la fureur de la rue ? Or, si le pays explosait, la Méditerranée occidentale serait embrasée ainsi que tout le Maghreb et le Sahel. Sans parler des conséquences migratoires pour la France.

    Le réveil du jihadisme

    Durant la décennie noire 1991, l’Algérie fut le théâtre d’une sauvage et sanglante lutte armée. Depuis le début de l’année 2016, l’intensification des actions armées traduit une volonté des jihadistes d’opérer un retour en force en Algérie, cible privilégiée d’Aqmi en Afrique du Nord. Si la bombe sociale algérienne n’a pas encore explosé, c’est grâce à la manne pétrolière qui permet à l’État de subventionner pour 70 milliards de dollars par an la consommation des “classes défavorisées”. Les subventions (essence, électricité, logement, transports, produits alimentaires de base, etc.), totalisent ainsi entre 25 % et 30 % du PIB. À ces sommes, il convient d’ajouter 20 % du budget de l’État qui sont consacrés au clientélisme. Avec 6 % de toutes les dotations ministérielles, le budget du ministère des Anciens Combattants est ainsi supérieur à ceux de l’Agriculture (5 %) et de la Justice (2 %).

    Plus généralement, une partie de la population algérienne est en voie de clochardisation, ce qui constitue une bombe à retardement qui peut exploser à tout moment. Le chômage des jeunes atteint au minimum 35 % avec pour résultat l’émigration de la jeunesse et des diplômés. À ce jour, sans espoir dans leur pays, près de deux millions d’Algériens nés en Algérie ont ainsi émigré, dont une partie importante de cadres formés dans les universités durant les décennies soixante-dix et quatre-vingt. Sur ce total, en 2014, 1 460 000 s’étaient installés en France (Algeria-Watch, 21 septembre 2014) ; depuis, le mouvement a connu une amplification.

    La folle démographie

    Depuis 2000, parallèlement à la réislamisation de la société, nous assistons à la reprise de la natalité alors que, durant les deux décennies précédentes, un effort de contrôle des naissances avait été fait.

    Au mois de janvier 2017, l’Algérie comptait 41,2 millions d’habitants avec un taux d’accroissement annuel de 2,15 % et un excédent annuel de 858 000 habitants. Le chiffre des naissances vivantes (enfant nés vivants) illustre d’une manière éloquente cette évolution : en 2000 l’Algérie comptait 589 000 naissantes vivantes ; en 2012, elles étaient 978 000 et en 2015, 1 040 000. Comment nourrir ces bouches supplémentaires alors que l’Algérie consacre déjà le quart de ses recettes tirées des hydrocarbures à l’importation de produits alimentaires de base – dont elle était exportatrice avant 1962 ?

    Hydrocarbures en crise

    Le pétrole et le gaz assurent bon an mal an entre 95 et 97 % des exportations et environ 75 % des recettes budgétaires de l’Algérie, troisième producteur africain de pétrole. Or, la production de pétrole baisse et le pays n’aurait encore, selon certaines sources, que pour deux à trois décennies de réserves. Le 1er juin 2014, le Premier ministre algérien, M. Abdelmalek Sellal, déclara devant l’Assemblée populaire nationale (APN) : « D’ici 2030, l’Algérie ne sera plus en mesure d’exporter les hydrocarbures, sinon en petites quantités seulement. […] D’ici 2030, nos réserves couvriront nos besoins internes seulement. »

    Aux tensions sociales s’ajoutent les problèmes ethniques qui prennent de plus en plus d’ampleur dans la région du Mzab entre Mozabites et Arabes. Le pays est également fracturé entre idéologie arabiste et berbérisme. Les Kabyles n’ont ainsi pas renoncé à lutter contre l’arabisation forcée qu’ils subissent depuis 1962, certains allant même jusqu’à parler de politique d’effacement de l’identité berbère. L’Algérie est en pleine incertitude avec un président qui n’aurait plus que quelques instants de lucidité par jour. Plusieurs clans sont prêts à s’affronter pour s’emparer ou pour conserver le pouvoir. Parmi eux, quelle est encore la force de l’armée ? Quel rôle Saïd Bouteflika pourrait-il jouer dans un proche avenir ? Le clan présidentiel réussira-t-il à imposer un successeur garantissant sa survie ? La rue viendra-t-elle perturber la succession présidentielle ? Voilà autant de questions qui demeurent en suspens et qui conditionnent l’avenir à court et à moyen terme de l’Algérie.

    Les perspectives algériennes sont donc sombres car, même si le prix du pétrole remontait, les maux profonds et structurels dont souffre le pays ne disparaîtraient pas pour autant. Ils découlent de l’artificialité de l’Algérie, des mensonges de sa fausse histoire et de l’imposture de ses mythes fondateurs. Rien ne pourra donc être entrepris en Algérie sans une volonté de fonder la nation algérienne, ce qui passe par la prise en compte de ses réalités géographiques, ethniques et historiques. À défaut, ses composants se replieront sur la segmentarisation, ce qui ouvrirait une voie royale aux islamistes.  

  • Zemmour : « Blanquer, ou la course de vitesse contre le mammouth »

    Jean-Michel Blanquer et le mammouth

     

    Zemmour, bien-sûr, ne se contente pas de s'amuser de la dialectique du ministre et du mamouth, image, entre autres, des funestes et tenaces pédagogistes [RTL, 27.06]. Il ne se limite pas à retracer l'historique de ces relations inégales, où, même sous De Gaulle, le mamouth fut toujours vainqueur. Au prix du désastre éducatif que l'on sait. En sera-t-il de même face à Jean-Michel Blanquer, ce ministre qui tente de déconstruire les déconstructeurs ? Zemmour remonte alors aux causes systémiques et sociétales qui rendront la tache du ministre presque impossible. Zemmour va à l'essentiel, en quelques brèves minutes où tout ce qui compte est dit. Ecoute recommandée !  LFAR

     

     

     Résumé RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge 

    « ll y a quelques milliers d’années, l'homo sapiens sapiens a su faire preuve de ruse, de malice et de rapidité d'exécution pour survivre face à des animaux préhistoriques bien plus forts que lui. En l'an de grâce 2017, un descendant à lunettes et calvitie de l'homo sapiens sapiens continue le combat contre une forme redoutable d’animal préhistorique, le mammouth », raconte Éric Zemmour. « L'homo sapiens sapiens a pour nom Jean-Michel Blanquer, et le mammouth a pignon sur la rue de Grenelle », poursuit-il à propos du ministre de l'Éducation nationale.

    « Depuis des semaines, le ministre-toreador passe ses journées à agiter une muleta rouge devant le mammouth et à lui planter des banderilles sur tout le corps. Il a été particulièrement efficace », fait remarquer Zemmour. Mais si le mammouth a été « pris de vitesse et débordé », Éric Zemmour estime que « Blanquer a mangé son pain blanc, car le mammouth a de la ressource ».  •

    Éric Zemmour

  • Les Insoumis sans cravate à l’Assemblée : ces bobos qui croient faire prolos

     

    Par Gabrielle Cluzel

    Une excellente chronique qu'on ne peut qu'approuver, parue dans Boulevard Voltaire du 29.06. 

    Rappelons pour ceux qui l'ignoreraient que Gabrielle Cluzel a participé - d'ailleurs brillamment - au colloque du Cercle de Flore « Refonder le bien commun », du 13 mai dernier, à Paris (Illustration ci-dessous)LFAR 

     

    110754293.jpgPour leur premier jour à l’Assemblée nationale, les « Insoumis » sont arrivés sans cravate.

    C’est leur « premier coup d’éclat », claironne Le Huffington Post, rapportant ces propos bravaches de Jean-luc Mélenchon : « Il y avait des sans-culottes, il y aura maintenant des sans-cravates. »

    Ne pas mettre de cravate serait « insoumis » ? La bonne blague. Rien de plus conventionnel, au contraire. N’importe quel adolescent sait qu’aller au lycée avec cet objet demande une sacrée dose d’anticonformisme et de témérité. Il ne faut pas avoir peur des quolibets ni des ricanements, quand tous les autres – profs ou élèves, garçons et filles – sont sapés dans le même genre passe-muraille négligé. Si Mélenchon, eu égard à son âge, peut à la rigueur être passé à côté – en imaginant qu’il ait vécu en anachorète dans une cave depuis la fin des années 60 -, ses comparses peuvent difficilement l’ignorer.

    Cela serait signe que « le peuple rentre à l’Assemblée » ? Tu parles !

    Cultiver le style débraillé n’est pas la marque du prolo mais le snobisme du bobo. On pourrait dire son luxe, car si l’étudiant à la Sorbonne fréquentant Nuit debout peut, sans dommage, traîner hirsute et dépenaillé sur le bitume parisien, l’apprenti pâtissier, frais émoulu de son CAP, ne peut prendre les mêmes privautés dans l’hôtel-restaurant où il est employé. Et sa cravate Auchan coûte une misère, en tout cas infiniment moins cher que bien des accessoires prisés par les antifas. 

    Ses électeurs sont-ils fiers d’être représentés par Les Bronzés à l’Assemblée ? On peine à le croire. Parce qu’ils ont peu de moyens, ils n’auraient pas le droit, une fois de plus, comme pour leurs nouilles et leurs yaourts, qu’à des élus low cost au packaging cheap ? 

    Alexis Corbière et Jean-Luc Mélenchon fustigent ce qu’ils appellent un « code vestimentaire » imposé. Qui s’appelle aussi le respect, ou la politesse, et fait que l’on ne se rend pas, par exemple, à l’enterrement de sa grand-mère en tongs et caleçon hawaïen ou au mariage de sa belle-sœur en bleu de travail. Faut-il qu’il ait trop regardé Les Tuche pour imaginer le peuple aussi hermétique à toute notion d’éducation ? Que voulait donc dire le mot « endimanché » sinon, pour les milieux populaires, s’habiller autrement qu’à l’ordinaire pour les grandes occasions ?

    Pour envoyer du rêve, il va falloir trouver d’autres coups d’éclat que celui-là. Pour le moment, La France insoumise n’est, tristement, que la France mal mise.  

     
    Ecrivain, journaliste
  • PMA légalisée : l’atteinte à l’enfance

     

    par Gérard Leclerc

     

    1237311666.jpgHier, nous parlions écologie*. Aujourd’hui, nous sommes obligés de parler écologie humaine. Patatras ! Autant, je me sentais des affinités avec Nicolas Hulot, autant j’ai grand peur de me trouver en opposition radicale avec Emmanuel Macron à propos d’une nouvelle transgression majeure, celle qui concerne la PMA, la procréation médicalement assistée. Le candidat avait clairement affirmé son accord à une extension de la PMA pour les couples de femmes, tout en attendant l’avis que devait prononcer le Comité consultatif national d’éthique. Le comité s’étant prononcé hier et d’une façon favorable au projet d’extension, il y a tout à craindre d’un futur projet de loi. Sans doute, Emmanuel Macron avait-il aussi énoncé son souci de ne pas provoquer de nouvelles fractures nationales, comme pour le mariage homosexuel. On peut craindre néanmoins, sous l’influence des lobbies et des médias massivement acquis à une certaine conception des mœurs, d’entrer dans une autre bataille qui, à nouveau, divisera profondément le pays.

    Bien sûr, on est obligé de partir d’un fait, celui du flottement généralisé des conceptions du monde, flottement que l’on est bien obligé de référer à la diffusion d’un nihilisme sournois. Il n’y a plus de convictions communes. On est donc obligé de se référer aux discussions de cette instance très particulière qu’est un comité d’éthique. Comité, dont les procédures sont assez proches de celles définies par Habermas, sans les lourdeurs propres aux rapports de force politiques. Encore faut-il, pour se mettre vraiment d’accord, pouvoir s’appuyer sur un minimum de perceptions communes. Force est de constater que ce minimum est plus que problématique. Et par ailleurs, le dernier mot appartient tout de même au politique qui tranchera, en accusant encore plus, sans doute, les incompatibilités.

    On aura l’occasion de traiter amplement le sujet lui-même. Mais comment ne pas reconnaître que la transgression envisagée porte atteinte au cœur de la vie même, là où s’élabore le fruit sacré de l’amour humain. Cœur que la Providence a disposé avec la différence des sexes. On a beau dire que c’est par compassion que l’on veut permettre aux femmes en souffrances d’accéder à la maternité. Ce qui sera atteint, c’est la reconnaissance native, la plus délicate, celle que l’enfant perçoit simultanément dans le sourire de la mère et l’ombre protectrice du père.

    *écologie.

    Gérard Leclerc au jour le jour

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 28 juin 2017 

  • François de Rugy président de la nouvelle Assemblée Nationale

    L'entrée de l'hôtel de Lassay

     

    En deux mots.jpgFrançois de Rugy est donc  devenu avant-hier président de la nouvelle Assemblée Nationale.

    Personne ne doute qu'il fera un plus digne président que son prédécesseur, Claude Bartolone, réputé homme vulgaire, brutal, sans scrupules et sans manières. A l'hôtel de Lassay, dont la rumeur fait le plus bel appartement de Paris, où vécurent Edouard Herriot, Jacques Chaban-Delmas, Edgar Faure, Philippe Seguin et quelques autres plus obscurs, un peu d'allure sans-doute se reverra. Il n'y a pas lieu de s'en plaindre, même si l'on ne voit pas là l'essentiel.

    Francois-de-Rugy-elu-President-de-l-Assemblee-nationale-Election-du-President-de-l-Assemblee-nationa_exact1024x768_l.jpgÀ propos de cette assemblée, François de Rugy a osé dire - et peut-être même s'y est-il senti obligé : « Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, nous avons été collectivement choisis par une minorité de Français ».

    Ainsi cette « incomplétude de la démocratie » naguère signalée par Emmanuel Macron avant qu'il ne devînt président de la République, se trouve-t-elle aujourd'hui non pas créée - elle est de son essence - mais aggravée par le fait que désormais, elle s'exerce minoritairement. Car Emmanuel Macron, non plus, n'a pas été élu par une majorité de Français...

    Il ne semble pas que ni l'exécutif, président en tête, ni le législatif, emportés par la vague jeuniste, la confiance en soi, la dynamique des succès, le concours sans défaillance des médias, l'attentisme pour l'heure encore bienveillant des Français, ne s'en émeuvent outre-mesure. Ils vont leur train, le veulent rapide, autoritaire et décidé. 

    Ils veulent opérer une reprise en mains de l'Etat ; ont recadré, c’est-à-dire, au fond, relativisé, le Parlement ; ils ambitionnent une certaine restauration de la fonction présidentielle, redevenue prééminente, et gouvernementale, subordonnée mais dite de plein exercice. Même si ce genre de vœu vit généralement ce que vivent les roses, ou plutôt moins, si les volontés s’émoussent assez vite, et si les mécanismes toujours renaissants du Système viennent inlassablement en ronger les ardeurs, même, en bref, si les velléités de cette espèce portent sous notre République,  la croix de mort de l’éphémère, qui s’en plaindrait légitimement ? Il suffit de les considérer sans illusion.

    Reste l’autre essentiel : quelle sera la politique menée ? Et là encore, l’on ne sera pas dans la simplicité. Un jour Macron recevra Poutine à Versailles, royalement, semblera tenir tête à Trump, ira au Maroc, y tiendra, avec le roi des réunions d’amitié et de travail, fera prendre à la diplomatie française un virage assurément positif dans l’affaire syrienne … Et ce sera bien. Un autre jour, il voudra conduire l’Europe vers plus de fédéralisme, proposera une C.E.D. revisitée mais tout aussi illusoire, voudra légaliser la PMA, au mépris de la filiation, etc. Et ce sera mal.  

    Face à ce système, plus subtil que sous Sarkozy et Hollande, une opposition polémique, imprécatoire, marquée de radicalité, apparaîtra anachronique, inappropriée, inefficace. Notre opposition – qui perdure – ne vaudra que faite d’analyse, de réflexion et de rigueur. Les royalistes d’Action française, par tradition, en ont les moyens.  

  • Les Américains s'installent en Syrie

     

    Par Antoine de Lacoste 

     

    2966618915.2.pngDepuis quelques semaines les Américains sont passés à la vitesse supérieure en Syrie.

    Jusqu'au siège d'Alep et à son heureuse conclusion, leur présence était assez discrète. Des avions stationnés au Qatar ou en Turquie venaient bombarder des positions de l'Etat islamique autour de Raqqa, ou du Front al Nosra dans la Province d'Idlib. Des drones étaient envoyés pour éliminer quelques figures islamistes. Et des membres des forces spéciales étaient discrètement présents pour aider à la coordination de tout cela mais aussi pour encadrer leurs alliés kurdes et éviter toute attaque des Turcs.

    Cependant le gros de l'effort se portait en Irak et la Russie semblait avoir les mains libres en Syrie.

    Tout a changé avec le siège de Mossoul en Irak. De nombreux djihadistes ont alors fui vers l'ouest syrien pour rejoindre Der es Zor et ses environs, encore tenus par Daech. Un peu plus loin, toujours vers l'ouest, il y a Raqqa, capitale de l'Etat islamique.

    L'Etat-major américain a alors décidé de lancer une offensive contre Raqqa. Sans mandat de l'ONU bien sûr (personne n'en a d'ailleurs) et sans l'accord de l'Etat syrien, contrairement aux Russes et aux Iraniens qui sont intervenus à sa demande. Mais quand on a la mission sacrée de défendre et promouvoir la démocratie universelle, on peut s'affranchir de bien des contraintes inutiles..

    Les Kurdes ont été choisis pour être la chair à canon de l'histoire. Protégés, financés et armés par les Américains, ils n'ont guère le choix et, de toutes façons, cela vaut mieux que d'affronter l'armée turque qui voit d'un très mauvais oeil l'autonomie kurde s'organiser dans le nord de la Syrie.

    Comme il n'y a aucun peuplement kurde dans la région de Raqqa, il faut tout de même des combattants arabes et la CIA a improvisé quelques unités issues des rangs rebelles. Les soi-disant modérés chers à nos médias !

    La solde étant confortable et l'équipement de qualité, le recrutement a été facile, d'autant qu'après la victoire (certaine comme à Mossoul), il y a la perspective de se tailler un fief dans la région. Ce sera face à l'armée syrienne mais sous haute protection américaine et les Russes pourront difficilement se mettre en travers, sauf à provoquer une dangereuse escalade.

    Bachar a bien tenté de réagir mais ses hommes et ses chars ont été tenus à distance par l'aviation américaine. Un avion syrien a même été abattu.

    Parallèlement, les Américains ont pris une initiative plus audacieuse encore : construire une base dans le sud de la Syrie, près des frontières irakienne et jordanienne.

    Elle s'appelle Al-Tanf et a été érigée dans une zone reprise à Daech. Ce ne fut d'ailleurs pas très compliqué, la zone étant assez désertique et le nombre de combattants islamistes plus que réduit.

    Mais l'endroit n'a pas été choisi au hasard : il s'agit, sous couvert de lutte contre l'Etat islamique, d'empêcher la continuité d'un axe chiite partant de l'Iran, traversant l'Irak et la Syrie jusqu'au Sud-Liban, fief du Hezbollah chiite.

    Cet axe chiite potentiel est le cauchemar des sunnites et d'Israël.

    Rappelons qu'un des objectifs des sunnites dans cette guerre syrienne était la création d'un axe sunnite sud-nord qui passait nécessairement par la prise de contrôle de la Syrie. Si ce conflit aboutit au contraire à la mise en place d'un arc chiite est-ouest, l'humiliation est totale.

    Quant à Israël, elle a évidemment intérêt au morcellement de son vieil ennemi syrien et à l'isolement du Hezbollah. C'est ce qui explique son appui, discret mais réel, à la rébellion islamiste depuis le début de la guerre.

    Les Américains qui soutiennent indéfectiblement Israël et qui viennent de renforcer leur alliance avec l'Arabie Saoudite, semblent donc s'orienter vers une intervention directe pour empêcher cette continuité chiite Iran-Irak-Syrie-Sud-Liban. Personne en effet ne prendra le risque d'attaquer une base américaine.

    C'était d'ailleurs bien la peine de renverser Saddam Hussein, ce sunnite au pouvoir dans un pays majoritairement chiite, mais passons...

    Les Russes, pour l'instant, ne bougent pas et se contentent de protester. Poutine prend toujours son temps et ne réagit jamais à chaud, contrairement à son homologue américain.

    L'affaire ne fait que commencer.  

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    Que de monde sur le front nord syrien !

  • « Conversations avec Monsieur Poutine »

    Oliver Stone et Vladimir Poutine

     

    En deux mots.jpgC'est un documentaire d'une qualité remarquable - et rare - qui a été diffusé lundi soir par FR3 : « Conversations avec Monsieur Poutine ».

    Cette soirée - documentaire et débat - donne une idée de ce que pourrait être une télévision de bon niveau, où l’on prendrait le temps aussi bien que les moyens de l'étude et de la réflexion. Cela suscite bien plus d'intérêt que ces avalanches d'informations sommaires et monochromes répétées en boucle, dont les télévisions font l’essentiel médiocre de leurs programmes ou que ces débats superficiels au cours desquels aucun des participants qualifiés, pressés et interrompus sans répit par l'animateur, n'a le temps de développer un raisonnement, une explication, qui se tiennent.

    Le cinéaste américain – Oliver Stone - qui a réalisé « Conversations avec Monsieur Poutine » a manifestement peu de considération pour l'intelligence politique de son pays et, à l'inverse, une évidente empathie envers Poutine.

    Il naît de leurs dialogues sur toutes sortes de sujets, à la fois biographiques et politiques, un saisissant portrait du président russe. Sa jeunesse, ses études y sont évoquées. Mais aussi sa carrière de jeune officier du KGB, puis son ascension presque née de hasards vers les sommets de l’Etat. Autant d’occasions de retours passionnants sur des moments vécus d’Histoire de la Russie et du monde : l’effondrement du bloc soviétique, la réunification allemande, les incertitudes systémiques de la période Gorbatchev, le chaos eltsinien, la mise à l’encan de la Russie, sa dislocation, son humiliation, les figures des présidents américains successifs : Reagan, Bush père et fils, Clinton, Obama, Trump … Miné par l'alcoolisme et néanmoins responsable, Eltsine, sans préparation, fera de Poutine son premier ministre puis, en quelque sorte, le portera à la présidence de la Russie. Suivent les différentes phases de l'action de Poutine, président, au cours de ses mandats : restauration du niveau de vie ; mise au pas des oligarques ; rétablissement de la puissance militaire russe ; puis, à la surprise générale, retour de la Russie sur la scène internationale, politique et militaire, rendant au peuple russe la fierté nationale.

    En bref, Poutine dans ces dialogues a le visage d’un dirigeant politique pondéré, fin stratège, pénétré d’Histoire et de culture, remarquablement informé, et non dénué de sagesse humaine. C'est ainsi qu'il traite des grands dossiers en cours. Ukraine et Syrie, Libye ou Afghanistan, l'Islam russe, la foi orthodoxe, l'affaire Snowden, etc. 

    Le débat qui a suivi, où participaient, entre autres, Hubert Védrine, Renaud Girard, Bernard Guetta et Oliver Stone, s’est terminé par une question de fond de l’animateur : « Poutine est-il dangereux ? ». Malgré son hostilité de principe – au sens idéologique fort – Bernard Guetta a concédé qu’il ne l’était pas pour les pays d’Europe de l’Ouest. Clôturant le débat, Hubert Védrine a prononcé : « En tout cas, il l’est moins que Trump ».

    Nous terminerons par là.   • 

  • CLASH : Alain Bauer atomise un militant antipolice !

     

    Cette vidéo tourne en boucle sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines.

    Elle provient d'un débat lors d'une émission de Natacha Polony sur Paris Première, Polonium.  Débat au cours duquel Alain Bauer atomise, a-t-on écrit, un militant dit libertaire : en réalité, un de ces militants immigrationnistes qui sévissent, sous des dehors généreux, dans la nébuleuse de la gauche radicale. Ce n'est pas que, pour diverses raisons, nous ressentons une sympathie particulière pour la police. La leçon que reçoit ici ce jeune-homme vaut néanmoins la peine d'être vue et écoutée. 

    Rappelons qu'Alain Bauer est professeur de criminologie appliquée au Conservatoire national des arts et métiers et consultant en sécurité. Auteur d'une trentaine d'ouvrages sur la franc-maçonnerie et d'une quarantaine sur la criminalité, il est souvent consulté par les plus hautes autorités politiques. 

    Ajoutons qu'il a été grand maître du Grand Orient de France de 2000 à 2003.

    Le diable porte pierre.  LFAR   

     

     

  • Le dernier numéro de La Nouvelle Revue Universelle vient de paraître : printemps 2017

     

    Prenez connaissance du sommaire  détaillé de cette nouvelle et excellente livraison de la Revue universelle (ci-dessus). A lire absolument, à ne pas manquer.

    Commentaire relevé dans le blog :

    « Dans ce rayonnement d’intelligence qu’est le Revue Universelle, où l’on peut picorer au hasard, une mention spéciale à la contribution d’Antoine de Crémiers qui rend limpide une matière aussi hermétique et aride, que le finance internationale, et surtout la composition du tonneau de poudre sur lequel le monde est assis. Avec la même inconscience des dirigeants de la planète, que lorsqu’une banque comme UBS dut rayer 34 milliards USD de ses actifs en une semaine, en 2008. La mère de famille ne peut pas se permettre une telle erreur dans son budget. Ici les administrateurs de la banque avaient inscrit au fil des ans des actifs qui n’existaient pas … Un détail quoi … »

    Jean Louis FAURE, mercredi, 15 octobre 2014 

     

    Abonnements : La nouvelle revue universelle, 1 rue de Courcelles, 75008 PARIS - 4 numéros par an - Tarif :  m Normal, 1 an, 70 €  m Soutien, 1 an 100 €  m Normal, 2 ans, 130 € m Réduit, 1 an (étudiants, chômeurs) 40 €. Étranger et DOM-TOM : 77 €

    Sommaire  

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  • Café Histoire de Toulon, mercredi 28 juin, avec Antoine de Crémiers, sur le transhumanisme

    Antoine de Crémiers, est responsable éditorial à la Nouvelle Revue Universelle, du Café Actualité d'Aix-en-Provence et conférencier. Il est également responsable de la formation d'Action Française Provence.

    Le transhumanisme qui arrive est-il le stade suprême du libéralisme ? Sommes nous devant cette "France des robots" que le grand écrivain catholique Georges Bernanos nous annonçait dès 1947 ? La nouvelle génération des jeunes catholiques contestataires de la passionnante revue LIMITE a-t-elle raison de nous alerter ? Que doivent penser les catholiques devant le danger transhumaniste ? Quel rapport avec l'encyclique Laudato Si ? C'est a un véritable et nécessaire exercice de réflexion que l'animateur du Café Actualité d'Aix en Provence, Antoine de Crémiers nous fera participer. 

    Le Grall, Pub associatif des missionnaires de la Miséricorde (adhésion 1 €)
    377 avenue de la République , 83000 Toulon
    La soirée pourra se poursuivre autour d’une pizza (Participation aux frais)
    Contact : cafehistoiredetoulon@gmail.com

  • Le Prince Jean de France : Deux manifestations avec nos troupes alpines

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgA quelques mois d’intervalle, j’étais à Gap pour une passation de commandement, et à Grenoble pour une manifestation autour de la restauration de l’Hôtel des troupes de montagne de la 27e brigade d’infanterie de montagne à laquelle appartient le 4è régiment de chasseurs dont je suis le parrain.

    A Gap avait lieu il y a quelques semaines la passation de commandement entre le Colonel Fatinet et le Lieutenant-Colonel de Thieulloy. Nous y étions en famille avec Philomena, Gaston et Antoinette. Le 4è RC est un régiment de cavalerie rattaché à la brigade alpine à laquelle appartient aussi le 7è BCA. Ce régiment participe à de nombreuses missions opérationnelles. Il est en ce moment au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane.

    A Grenoble pour les 150 ans de l’Hôtel des troupes de montagne une manifestation était organisée sous l’égide du Général Pons commandant la 27è brigade. Pour l’occasion j’ai assisté avec ma sœur Marie à une représentation musicale très enjouée autour de la construction du bâtiment sous Napoléon III. Suivait une réception autour des spécialités de la région, occasion privilégiée de parler avec les élus de la mairie et du département ainsi qu’avec les officiers des différents corps réunis. La réception s’est terminée par une projection retraçant l’histoire du bâtiment. 

    Deux moments privilégiés pour marquer un attachement fort à nos armées et assurer ainsi comme colonel de réserve le lien avec la nation. 

     

    Jean de France, duc de Vendôme
    Le 25 juin 2017

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    A Grenoble l’Hôtel des troupes de montagne 

    Le site du Prince Jean de France

     

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  • Islam et République : Annie Laurent décrypte le discours de Macron au CFCM

     

    « Personne ne peut faire croire que l'islam n'est pas compatible avec la République », a déclaré Emmanuel Macron devant le Conseil français du culte musulman. Annie Laurent montre ici que des contradictions entre l'islam et la République existent bel et bien. Sans préjuger de celles qui peuvent exister entre cette dernière et le catholicisme traditionnel ... Rappelons qu'Annie Laurent nous honore de son amitié ; qu'elle est intervenue dans plusieurs de nos cafés politiques et réunions, dont les vidéos existent ici ; qu'elle a collaboré à Lafautearousseau. Nous recommandons d'ailleurs à nos lecteurs de suivre ses publications et ses interventions diverses. Cet entretien a été réalisé par Eloi Thiboud et a été publié dans Figarovox le 23 courant.    LFAR

     

    1214153452.jpgÀ l'occasion du repas de clôture du jeûne du Ramadan (Iftar), Emmanuel Macron a prononcé un discours devant le CFCM (Conseil français du culte musulman), dix ans après Nicolas Sarkozy. Il a notamment affirmé que « personne ne pouvait faire croire que l'islam n'était pas compatible avec la République ». Qu'en pensez-vous ?

    Pour les musulmans, les principes d'organisation sociale et politique sont d‘ordre divin. Ils s'appuient sur deux sources principales : le Coran et la Sunna (la tradition mahométane). On voit bien la discordance avec le modèle démocratique lorsqu'on considère notre devise nationale : « Liberté, Égalité, Fraternité». Sur la question des libertés: pour nous, Français, la liberté est universelle et également partagée. Dans l'islam, il n'y a de libertés que restreintes : ainsi en est-il, par exemple, de la liberté de conscience, qui est inexistante. Par conséquent, un musulman ne peut être reconnu comme athée ou se convertir à une autre religion. À cet égard, il faut souligner que, tout en interdisant l'apostasie, le Coran ne prévoit aucune peine temporelle pour punir celui qui s'en rend coupable. Le droit islamique s'appuie donc sur une sentence attribuée à Mahomet : « Celui qui quitte la religion, tuez-le ». Dans ce registre, la Charia fait figure de Code pénal pour les musulmans. Dès lors, si une Constitution proclame la Charia comme source du droit, rien n'empêche un magistrat saisi d'une telle affaire de prononcer la peine de mort. Pour revenir au contexte français, lorsque dans les années 1990, alors que les négociations étaient entamées entre le gouvernement et des responsables musulmans en vue de l'organisation du culte islamique, le ministre de l'intérieur de l'époque, Jean-Pierre Chevènement, avait proposé à ces derniers une charte contenant notamment une clause par laquelle ils s'engageraient à respecter la liberté de conscience, y compris le droit de renoncer à l'islam. Or, sous la pression de certains mouvements, notamment les islamistes Frères musulmans, le ministère retira cette clause de la charte. Il justifia cette reculade en rappelant que la Constitution française garantit déjà la liberté religieuse. Ce faisant, il ignorait que pour les musulmans convaincus la Charia est supérieure à toute loi humaine, donc à celle de la République. Cet exemple permet de prendre la mesure de l'incompatibilité entre nos principes respectifs. Concernant l'égalité, le Coran instaure la supériorité du musulman sur le non-musulman et l'homme sur la femme. Ces principes ne sont pas discutables puisqu'ils relèvent de l'arbitraire divin. Autrement dit, ils ne peuvent être sujets à modification. On perçoit immédiatement les problèmes que cela peut poser dans la vie sociale. Certes, l'islam reconnaît le principe de « fraternité », mais il ne s'applique qu'au sein de l'Oumma, la communauté des croyants musulmans. C'est pourquoi un musulman peut se sentir d'abord citoyen de l'Oumma avant d'être citoyen de son propre pays si celui-ci n'est pas régi par l'islam. Il en résulte une grande divergence avec les fondements démocratiques. Il faut ajouter que l'islam ignore le concept de « personne ». D'origine biblique, celui-ci confère à tout être humain une dignité inviolable et inaliénable, puisque, selon la Genèse, Dieu a créé l'homme à son image et à sa ressemblance. Il s'agit là d'un fondement ontologique, qui est l'un des piliers structurants de notre société. Or, le Coran occulte cette mention, instaurant une distance infranchissable entre Dieu et ses créatures humaines. De tout cela résulte le fait que, dans l'islam, l'individu a des devoirs ; quant à ses droits, ils ne sont que ceux que Dieu veut bien lui donner. L'islam accorde donc la primauté au juridique, d'où la prépondérance, pour certains de nos compatriotes musulmans, de la Charia sur le droit français.

    Le Président de la République a insisté à plusieurs reprises sur le rôle que doivent assumer les organisations musulmanes de France dans la lutte contre le terrorisme et les prédicateurs salafistes, qui prêchent « ce qui est contraire au cœur de l'islam ». Les extrémismes auxquels la France est confrontée trahissent-ils le véritable islam ?

    Il faut d'abord signaler qu'il existe mille et une interprétations des textes sacrés de l'islam. Cette religion, dans sa version sunnite, ultra-majoritaire et la seule concernée par les débats en France, ne possède pas d'autorité dotée d'un pouvoir d'interprétation revêtu du sceau de l'authenticité. Autrement dit, il n'y a pas de pape de l'islam habilité à trancher et à imposer sa lecture, ce qui permettrait, par la même occasion, aux non-musulmans de savoir ce qui est conforme à l'interprétation officielle. En outre, les Français musulmans ne sont pas unis, du fait de la variété de leurs origines et de leurs différences idéologiques. Ainsi l'islam des Turcs n'est pas celui des Maghrébins, le salafisme diffère des Frères musulmans, etc. C'est pourquoi je ne vois pas comment le président de la République ou un autre responsable politique peut dire de façon certaine ce qui constitue « le cœur de l'Islam ». À quel titre la République peut-elle se prononcer sur une telle définition ? Et comment concilier de tels propos avec la laïcité propre à l'État ? En réalité, l'unique moyen d'en finir avec l'extrémisme serait de supprimer les passages du Coran et de la Sunna justifiant la violence et les atteintes aux libertés. Car, qu'on l'admette ou pas, ces textes sacrés comportent bien des incitations à la haine. Or, pour les musulmans, le Coran est un livre incréé ayant Dieu pour seul auteur. Ce dogme prévaut depuis le IXè siècle. Aucune autorité humaine ne peut donc prétendre le modifier. Ce n'est pas le cas de la Bible puisqu'elle est inspirée, non dictée. Même les intellectuels musulmans engagés dans la promotion d'un islam adapté à la modernité ne reviennent pas sur ce dogme. L'absence de magistère et le caractère incréé du Coran sont deux obstacles structurels qui empêchent toute évolution dans le sens d'une interprétation unique et authentique.

    Emmanuel Macron a aussi mentionné le rôle des imams et des organisations régionales, comme les CRCM. Pour lui, il est impropre de faire des analogies entre l'islam et les autres religions en ce qui concerne les ministres du culte. Dans quelle mesure l'islam est-elle une religion décentralisée, et quel est le rôle exact d'un imam ?

    Emmanuel Macron a raison, l'imam ne peut être assimilé à un prêtre. L'islam ignorant le principe de médiation entre Dieu et l'homme, il n'a ni sacerdoce ni sacrements. Son rôle consiste à diriger la prière et d'assurer la prédication du vendredi. Celle-ci ne se limite pas au domaine religieux puisque dans l'islam le temporel et le spirituel sont mêlés, elle peut comporter des aspects relatifs par exemple à la politique, aux relations avec les non-musulmans, aux rapports hommes-femmes… L'imam n'a pas pour mission d'assurer un accompagnement spirituel, c'est pourquoi son rôle se limite souvent à veiller à l'observance des rites ou des interdits alimentaires. Ainsi, l'imam ne peut être tenu responsable des actions de ses fidèles. La difficulté est accrue si l'on sait qu'une partie des imams officiant en France ne parle pas français. Dans son discours, Emmanuel Macron a vanté la création par l'État d'une aumônerie musulmane. Il s'agissait de montrer que l'État français accorde le même traitement à toutes les religions présentes chez nous. Or, l'aumônier n'existe pas dans la tradition islamique. Je pense qu'il s'agit là d'une erreur puisque, comme je l'ai souligné, il n'y a pas de médiation entre Dieu et l'homme dans l'islam. Bien sûr, les responsables musulmans peuvent faire preuve de bonne volonté. Ainsi, en mars dernier, le CFCM a produit une « charte de l'imam » qui comporte des mesures bienvenues telles que l'attachement à la laïcité, à la liberté, au dialogue interreligieux et le rejet de toute justification de la violence au nom de Dieu. Le CFCM a demandé à toutes les instances représentatives de l'islam en France et aux mosquées d'adhérer à cette charte… mais celle-ci a immédiatement été rejetée par la majorité d'entre elles. Encore une fois ces initiatives ont trouvé leurs limites face à l'absence d'autorité réellement représentative de l'islam.

    Le Président de la République souhaite que l'État puisse participer à la formation des imams. Est-ce possible, selon vous ?

    La demande est légitime mais sa réalisation pose d'importantes questions. En effet, comment la République laïque envisage-t-elle d'intervenir dans ce domaine ? Qui va trancher les difficultés liées à l'interprétation des dogmes et des textes sacrés ? Comment gérer les divergences idéologiques ? En fait, qui va contrôler l'enseignement dispensé dans les instituts de formation d'imams ? Je ne vois pas de réponse pertinente à ces questions. Imagine-t-on voir un jour la République laïque s'immiscer dans les programmes des séminaires de l'Église catholique, interdire l'enseignement de la loi naturelle (je pense notamment au mariage et à la filiation) ? Concernant l'islam, il existe déjà des Instituts de formation d'imams, dont certains sont gérés par l'UOIF, association qui, à bien des égards, ne transmet pas des valeurs compatibles avec la démocratie. Mais il est vrai que la question de la formation des imams est pertinente si l'on considère les préoccupations liées à la sécurité publique. Il me semble que l'État devrait mettre fermement les représentants officiels de l'islam face à leurs responsabilités. En cas de violences ou de discours haineux prononcés dans les mosquées en référence au Coran et à la Sunna, ceux-ci devraient pouvoir être poursuivis pour complicité avec les imams dangereux. L'État devrait aussi imposer la langue française lors de prêches et interdire tous financements étrangers des mosquées et associations. Il faut être d'une intransigeance absolue quand il s'agit de sécurité publique et ne pas hésiter à aller jusqu'à des mesures d'expulsion. Enfin, en se mêlant de l'organisation de l'islam en France, je crains que l'État ne contribue, sans doute malgré lui et tout en dénonçant le communautarisme, à confessionnaliser les musulmans, alors que, selon la Constitution de notre pays, ceux-ci sont d'abord des citoyens avant d'être chrétiens, musulmans, juifs ou autres. On risque de donner à l'islam le statut de religion d'État comme le regrettait feu le cardinal Lustiger. 

    « Je ne vois pas comment le président de la République peut dire de façon certaine ce qui constitue " le cœur de l'islam" ». 

    Eloi Thiboud

  • Europe : L’armée n’est pas un corps de fonctionnaires comme les autres, elle a, avec la nation, un lien existentiel

     

    En deux mots.jpgHier, nous avons reproché à Emmanuel Macron d’avoir utilisé l’expression « peuple européen » au singulier, lors du sommet de Bruxelles.

    Il existe, en effet, des peuples européens et entre eux de profondes parentés – que l’on s’obstine, d’ailleurs, à nier depuis quelques décennies – mais de peuple européen, unique et singulier, point. Vouloir mobiliser ses énergies en oubliant sa diversité relève donc de la gageure, en fait de l’idéologie utopique. Quant à vouloir en même temps, renouer avec l’Histoire - ce qui est méritoire - cela ne peut se faire en oubliant que ladite histoire est d’abord celle de terribles et incessants conflits. Une certaine identité européenne ne s’en trouve pas pour autant empêchée. Encore faut-il faire la part des choses. 

    Une autre orientation macronienne nous semble appeler la vigilance et la circonspection. Il s’agit des avancées que prône Emmanuel Macron en matière de défense européenne. 

    L’article 15 de notre constitution fait du président de la République le chef des armées. Qu’est-ce, en effet, qu’une armée sans chef ? Une bande armée. Si elle ne sert pas une diplomatie, un Etat, une nation, un peuple, qu’est-elle, quelle est sa mission ? Elle ne peut, d’ailleurs, avoir qu’un seul chef. Le commandement, comme la souveraineté, suppose l’unité.  

    L’armée n’est pas un corps de fonctionnaires comme les autres. Elle a, avec la nation, un lien existentiel. Elle est l’ultime garant de son existence. L’ultima ratio. Et à l’ère nucléaire, seul le Chef de l’Etat est en charge de la décision suprême. Celle qui peut risquer le tout pour le tout et, dans une large mesure, la vie même de la nation.  

    Qu’il y ait, entre Etats européens, des accords de coopération militaire renforcée est une chose. La France est le seul pays des 27 disposant d’une armée encore digne de ce nom et elle pourrait trouver dans l'affaire un rôle, une position, présentant quelques avantages. Que l’on veuille ressusciter la défunte C.E.D*., sans diplomatie commune, sans unité de peuple ni de commandement, ni même d’intérêts réellement communs, en est une autre.    

    Si le projet devait prendre un tour plus concret, il devrait être frontalement combattu. Et, s’il le fallait, il faudrait faire en sorte de raviver les vieilles alliances franco-françaises qui, en leur temps, avaient abattu la C.E.D. 

    * Communauté européenne de défense - Wikipédia

  • Le chemin de Damas

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    La chute probable et prochaine de Mossoul et Raqqa annonce la disparition  de l’assise territoriale de l’Etat islamique. Dans une Syrie déchirée, chacun prépare donc le coup d’après, c’est-à dire le nouvel état de fait et/ou de droit qui prévaudra. La tension entre les deux camps est évidente, à preuve cet avion de l’armée syrienne volontairement abattu le 18 juin par un missile américain, les Russes considérant en retour « comme des cibles » les avions de la « coalition ». M. Guetta a, une fois n’est pas coutume, raison d’affirmer (France Inter, 20 juin) : « A travers leurs protégés respectifs, Américains et Russes jouent leur influence régionale et la guerre de Syrie prend aujourd’hui une nouvelle et inquiétante dimension. » 

    D’un côté donc les Américains et leurs affidés sunnites du Golfe, de l’autre les Russes et leurs alliés chiites d’Iran et de Damas. Les Etats-Unis souhaitent à l’évidence, au nom du dollar et de la démocratie, et comme ils l’ont fait  tant de fois ailleurs dans le passé, un bouleversement politique et un réaménagement territorial, oubliant volontiers que, du dépeçage de l’Empire ottoman concocté par les Français et les Anglais aux guerres d’Irak conduites par eux-mêmes, cette politique n’a entraîné que des catastrophes. La France, aujourd’hui partie prenante de la coalition dirigée par les Etats-Unis, doit-elle se contenter de suivre elle aussi et donc se résigner à disparaître à terme d’une région dans laquelle elle a joué un si grand rôle au cours des siècles ? C’était encore la seule perspective probable lors des quinquennats précédents. Cependant, outre qu’il est essentiel pour elle de développer une diplomatie indépendante, la France a ou peut avoir un intérêt légitime à entretenir de bonnes relations avec l’Iran ou la Russie, sans pour autant être en guerre avec les Etats-Unis ou les monarchies du Golfe.  

    Or, dans un entretien récent (Le Figaro, jeudi 22), M. Macron semble plus réaliste et plus politique que ses prédécesseurs. « Mes lignes sont claires, dit-il. Un : la lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. […] Deux : la stabilité de la Syrie, car je ne veux pas d'un État failli. […] Trois : j'ai deux lignes rouges, les armes chimiques et l'accès humanitaire. […] Quatre : je veux une stabilité syrienne à moyen terme. Cela veut dire un respect des minorités. » Au risque de déplaire à certains, et en premier lieu à M. Guetta (mais c’est tant mieux) qui rejette en bloc (France Inter, 22) les propositions du chef de l’Etat, nous dirons que ce dernier a raison de rappeler que notre seul vrai ennemi au Proche-Orient est le « terrorisme islamiste » et qu’à l’évidence la Russie ne cherche pas « notre affaiblissement ou notre disparition »; raison de ne pas faire de la destitution de M. Assad « un préalable à tout », car il n’a pas de « successeur légitime » ; raison de souhaiter la restauration d’une Syrie stable car le pire ce sont bien ces « Etats faillis » (Irak, Libye) où « prospèrent les groupes terroristes ».  

    Reste bien sûr l’essentiel, c’est-à-dire le passage au réel. L’« initiative diplomatique » envisagée, quoique indispensable, ne suffira sans doute pas. La France dispose encore de quelques atouts. Mais rien n’est possible sans une volonté politique affichée. S’il devait se révéler que M. Macron est capable de passer aux actes, on pourrait dire qu’il a trouvé son chemin de Damas. 

  •  « Le peuple européen », qu'est-ce à dire ?

     

    En deux mots.jpgPour son premier sommet européen à Bruxelles les 22 et 23 juin, Emmanuel Macron s'est offert le luxe de déclarer sa « volonté de retrouver le fil de l'histoire et l'énergie du peuple européen ».

    Or, cette référence à un « peuple européen » nous paraît à cette heure parfaitement illégitime. Surtout si, justement, l'on se réfère à l'Histoire, malheureusement si emplie des luttes européennes.

    Nous ne nierions pas quant à nous que, face aux autres continents, existe bien, à un certain degré, une communauté des peuples européens. Même s'ils se sont férocement combattus pendant des siècles. Et même encore pendant ces temps de grands conflits. Les Européens se sont entretués pendant des siècles mais ils ont, à condition de n'être pas nié, un héritage commun. 

    En revanche, il nous paraît évident qu'un « peuple européen » en tant que tel n'existe pas.

    Macron a bien dû s'en apercevoir, lors de ce sommet, dans l'affaire des travailleurs détachés : lui a bataillé pour protéger ses Français, tandis que ses collègues polonais, tchèques, hongrois, slovaques et slovènes défendaient chacun bec et ongles leurs nationaux. Et il n'a pas eu gain de cause. Sur ce sujet comme sur les autres, le sommet européen n'a pas été un succès pour le président de la République.

    Macron est philosophe : il devrait comprendre ce que voulait dire Thibon lorsqu'il mettait en garde contre l’erreur consistant à « vouloir faire l'Un trop vite. »

    Maurras - qui n'était pas anti-européen -  dans le même ordre d'idées que Thibon, recommandait : « L'Europe, faites-la, mais ne faites pas comme si c'était fait ».

    En parlant au singulier de « peuple européen », Macron fait comme si c'était fait et veut réaliser « l'Un trop vite ». C'est une faute.

    Simplement, il se heurtera, comme toujours, au mur des réalités. Ce qui, d’ailleurs, vient de lui arriver assez rudement à Bruxelles. A l'inverse de ses prédécesseurs, il n'est pas dit qu'il s'obstinera. Sera-t-il en même temps pragmatique et idéologue ? Ou l'un des deux termes prévaudra-t-il ? Mais lequel ?