Cortège de Jeanne d'Arc • F. Bel-Ker cite Bainville : « Pour sauver la France créée par ses rois, il fallait relever la royauté »
DISCOURS DE FRANÇOIS BEL-KER, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ACTION FRANÇAISE [Dimanche 8 mai, place des Pyramides, à l'issue du Cortège Traditionnel de Jeanne d'Arc]
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Cette année encore nous venons auprès de Jeanne d’Arc rechercher son enseignement politique. Après le beau succès du colloque « Je suis royaliste, pourquoi pas vous ? », plus d’un siècle après Maurice Pujo, il est opportun de lancer un appel : « Il me semble qu’en cette heure de crise où tant de choses nous divisent, nous pourrions saisir cette occasion de nous trouver unis de nouveau autour de cette lointaine et pure incarnation de la Patrie ; autour de Jeanne d’Arc qui, la première, voulut que la France fût aux Français, dans un sens auquel tout le monde peut souscrire ».
La situation du début du XV° siècle n’était guère reluisante : trois souverains pontifes, deux prétendants au trône de France, le chef du parti d’Orléans toujours prisonnier des Anglais, le sud-ouest et les régions du Nord sont possessions anglaises… Le parti français lutte alors contre le parti bourguignon, le parti de l’Angleterre, le parti de l’étranger. Il n’est rien de pire qu’une telle période de guerre civile et de misère.
JEANNE D’ARC ET SA MISSION
C’est dans cette époque désolée, que Jeanne d’Arc, à 16 ans, demande une première fois à rencontrer le dauphin Charles. Son souhait se réalisera une année plus tard. Jeanne va pouvoir accomplir sa mission. Elle a compris que le roi n’a pas à souhaiter bouter les Anglais hors de France, mais que, par sa simple fonction, il doit le faire.
Elle établit la confiance en reconnaissant Charles VII dissimulé au sein d’une foule de courtisans : « Tu es vrai héritier de France et fils de roi ». Par cette simple phrase, Jeanne conduit le dauphin Charles, ce fils légitime d’un roi fou, réputé « mou, indolent, sans volonté », à gravir à son tour les marches de l’autel des sacres pour recevoir l’huile de la Sainte Ampoule et renouer avec le principe mérovingien de la Loi Salique.
Bainville nous dit dans son Histoire de France que « Pour sauver la France créée par ses rois, confondue avec eux, il fallait relever la royauté. Pour relever la royauté, il fallait rendre confiance et prestige à l’héritier qui finissait par perdre espoir. »
Jeanne galvanise les troupes et, les Français sont vainqueurs à Jargeau, Meung, Beaugency, Patay, Auxerre, Troyes et Chalons. Son objectif reste Reims, la ville du sacre et c’est le 17 juillet 1429 que Charles VII reçoit l’onction du saint chrême. Il devient légitime et incontestable. Maurras, je cite, lit « distinctement dans sa pensée et dans son cœur, les trois idées directrices de l’ancien Tiers-Etat français : le Patrimoine maintenu et la Patrie sauvée par la Royauté rétablie ».
Si Jeanne se révèle un chef de guerre hors pair, elle est aussi un chef politique sans pareil : Elle fait sacrer le Dauphin à Reims, « qui devient l’oint du Seigneur », devant les Français, elle restaure l’espérance en affirmant la légitimité et le droit de la figure royale.
Sa mission principale accomplie, Jeanne d’Arc, prisonnière du parti de l’étranger, va mener héroïquement et saintement sa dernière bataille terrestre lors d’un procès perdu d’avance. « L’évangile selon Pilate » selon l’expression de Charles Péguy… A la lecture des actes du procès de Rouen, comment ne pas penser à Antigone, cette autre figure de la légitimité contre ce qui semblait l’ordre de son temps : « Je ne pense pas que tes décrets soient assez forts / pour que toi, mortel, tu puisses passer outre / aux lois non écrites et immuables des dieux. » Nous sommes toujours du parti d’Antigone !
QUE RESTE-T-IL AUJOURD’HUI DE JEANNE ?
A l’heure où l’anomie se développe sur notre territoire, il faut retisser les liens unissant nos compatriotes. Cela demande une adéquation au réel, un souci du bien commun, une autre idée de l’intérêt public.
Le royalisme français est confronté à trois enjeux majeurs : restaurer une pensée politique, poser la question des institutions aujourd’hui, renouer avec les peuples de France. On ne peut pas défendre l’idée d’un bien commun et faire l’économie d’une réflexion plénière sur le sens de ce qui nous rassemble. Sans vision globale, il ne peut y avoir de politique locale cohérente. C’est avec la mise en place d’un projet capétien, s’appuyant sur l’histoire et analysant le présent, que nous pouvons esquisser les contours d’un état garant des libertés locales, garant de la puissance française et garant des pouvoirs régaliens dans ce contexte si particulier de surexploitation de la nature et de mondialisation des échanges. Le royalisme français doit analyser et remonter aux sources des maux qui empêchent l’émergence d’une politique durable.
Jeanne, ce maître politique de l’action française nous livre trois leçons pour notre temps :
Le politique d’abord, en conduisant Charles VII au sacre.
Le principe d’inaliénabilité du royaume et la loi de primogéniture de la Couronne sont ainsi respectés. Jeanne ne vient pas apporter des nuées. Elle ne parle pas de démocratie chrétienne ou de toutes autres constructions idéologiques. Elle fait appliquer les lois du royaume. « Jeanne d’Arc entre harmonieusement dans l’histoire de France, continue le passé et prépare l’avenir. » Jeanne incarne le bon sens, la droiture dans le jugement, la recherche de continuité et de légitimité politique. Elle nous enseigne le sens des choses face aux déchirements des partis, au démembrement politique de notre pays... : il faut restaurer l’Etat et donc sacrer le Roi.
L’espérance politique ensuite dans la France et dans la mission particulière de notre pays depuis le baptême de Clovis.
En signe des temps, l’anneau de Jeanne qui, bien au-delà des procédures judiciaires, a suscité un réel engouement, une ferveur populaire, en opposition « aux errements de ceux qui voudraient réduire l’épopée de Jeanne à leurs élans sociologiques pour la rendre banale. » L’information a été confirmée jeudi, l’anneau restera possession française grâce à l’intervention d’Elisabeth II en personne. L’efficacité monarchique en action…
La décomposition intellectuelle, l’individualisme forcené, le communautarisme ne sont pas des fatalités. « Je ne sais qu’une chose de l’avenir, c’est que les Anglais seront renvoyés de France. » Cette douce prophétie de Jeanne d’Arc à ses juges (en 1430) est ainsi, pour des historiens comme Bainville et Sévillia, le début de la manifestation du sentiment national français.
La restauration du sens, enfin : obéissance à l’Eglise dans l’ordre spirituel et légitime autonomie dans l’ordre politique.
Exemplarité de Jeanne d’Arc, de la fougue de sa jeunesse et de son insoumission au pays légal, en rébellion à l’ordre établi, qui n’hésite pas à contredire les lois de son époque sur sa situation sociale et son sexe… ne prenant pas en compte l’opinion publique, elle conduisit le dauphin Charles à Reims.
On s’interrogeait beaucoup sous Saint Louis sur le fait « d’agir en chrétien ». Aujourd’hui, où les royalistes demandent la reconnaissance des racines chrétiennes de la France et de l’Europe, nous pouvons nous poser la question ‘comment le fait d’agir sur le et la politique dans un pays chrétien peut et doit conditionner nos actions ?‘
En 1793, les révolutionnaires ont interdit les commémorations de la délivrance d’Orléans par Jeanne d’Arc. Bonaparte, en fin connaisseur du besoin d’incarnation des hommes, fit rétablir l’hommage à Jeanne par cet article dans le ‘Moniteur’ : « L’illustre Jeanne d’Arc a prouvé qu’il n’est pas de miracle que le génie français ne puisse produire dans les circonstances où l’indépendance nationale est menacée. »
La monarchie reste une sauvegarde du politique contre les groupes de pression et autres intérêts partisans. Un régime n’a de valeur qu’au regard de son efficacité dans la sphère publique et dans la défense des libertés particulières. Le roi poursuit la tradition de ses pères, il ne travaille pas comme un salarié devant assurer sa simple subsistance mais comme le « dépositaire d’une mission séculaire ». C’est cette continuité de la politique royale qui a permis la constitution de notre nation.
Jeanne est l’illustration vivante de l’espérance politique, au service du politique d’abord elle esquisse une épopée française. Il fallait bien être « fille ainée de l’Eglise » pour apporter au monde ce joyau d’espérance : « la délivrance de tout un peuple par une bergère. »
Dès lors, nous allons multiplier les lieux et forme de contestation du régime en place en promouvant le Projet Capétien pour la France. Cela passe évidemment par une formation intellectuelle et militante exigeante. Il faut développer des carrefours, des colloques, des universités, des lieux de débats où la supériorité de notre projet pour la France soit indiscutable. Le chantier est celui d’une refondation, il faut interroger l’anthropologie actuelle pour restaurer l’Homme au cœur de la cité. Notre projet ne peut être que global.
Pour que vive le Roi, vive Jeanne d’Arc !
Pour que vive la France, vive le Roi. •