Les États-Unis, par exemple, ont le souci de la Liberté sans l’Egalité et Cuba celui de l’Egalité sans la Liberté. La droite aime la Liberté mais ne se soucie guère de l’Egalité; la gauche vénère l’Egalité mais se moque bien souvent de la Liberté.
Mais qui parle de la Fraternité? Qui et quand? C’est le parent pauvre de la République, or ce devrait être la valeur cardinale autour de laquelle réconcilier les français des deux bords et d’ailleurs. Si l’on veut, comme c’est mon cas, défendre la liberté comme la droite et l’égalité comme la gauche, alors une politique de la Fraternité permet de réunir les deux rives du même fleuve.
Le covid révèle nombre de choses sur l’état de notre pays, de l’Europe et de notre civilisation, dont cette évidence que la Fraternité est devenue le cadet des soucis de la plupart. On sait que le gouvernement au service de l’État maastrichtien a failli. La débandade de cet empire néo-libéral en formation apparait désormais dans le plein jour de l’Histoire: les pays se sont repliés sur eux-mêmes pour faire face au traitement de la pandémie. A la première pluie, chaque État est rentré chez lui pour se sécher… Face à l’Italie qui sombrait et la France qui perdait pied, l’Allemagne a retrouvé le chemin du nationalisme intégral.
Le chef de l’État français a tergiversé, c’est le moins qu’on puisse dire… Depuis janvier 2020, il y a donc tout juste un an, quiconque voulait savoir pouvait savoir: ce serait bel et bien une pandémie planétaire, la Chine n’aurait pas, sinon, confiné une ville de onze millions d’habitants…
Macron n’a pas protégé les Français, aveuglé par son idéologie doublée par son incroyable égotisme: il donne l’ordre d’aller chercher les expatriés français en Chine et offre une permission aux militaires ayant assuré le rapatriement sanitaire; il laisse les avions en provenance d’un pays contaminé effectuer leurs innombrables rotations en déversant chaque jour des centaines de touristes chinois potentiellement contaminés sur le territoire français; il proclame avec force l’inutilité des masques parce que l’impéritie des gouvernements maastrichtiens, dont il est solidaire, a renoncé aux stocks; il aurait pu affirmer que cette pénurie dont il n’était pas directement responsable nous obligeait à fabriquer des masques maisons à partir d’un tuto fourni par le ministère de la santé, c’eut été une variation sur le thème des taxis de la Marne, il ne l’a pas fait; il n’a pas fermé les frontières sous prétexte que le virus les ignorait, aujourd’hui il reconnait les frontières: entre les individus, entre les villes, entre les régions, entre les pays, entre les continents; il décrète l’interdiction des remontrées mécaniques au sport d’hiver et celle des salles de spectacle en même temps qu’il autorise l’entassement dans les avions et les aéroports, mais aussi dans les gares et dans les trains; il laisse les supermarchés ouverts, il ferme les petits magasins; il décrète une vaccination massive avant d’inviter à se hâter lentement faute d’avoir prévu, là encore, l’achats des doses; il décide seul dans un bunker entouré de Diafoirus à la Légion d’honneur dans un total mépris des élus (maires, conseillers départementaux, conseillers régionaux, présidents de région, députés, sénateurs), et dans le plus profond mépris et de la démocratie et de la république; il contracte le virus dans une soirée de politique politicienne donnée à l’Élysée qui jette par-dessus bord les mesures sanitaires - plus nul que ça, tu meurs…
On dira que la Fraternité n’est pas le souci prioritaire de ce président de la République. Il est vrai que cette vertu suppose sympathie, empathie, estime d’autrui, affection, et que toutes ces qualités ne passent pas pour saillantes chez cet homme glacial quand on n’a pas un genou en terre devant lui.
Mais il est plus étonnant de voir que cette Fraternité semble également le cadet de soucis du moraliste André Comte-Sponville assez remonté (contre moi à qui il a envoyé un mail de remontrance très professoral…) qu’on comprenne bien, hélas, ce qu’il dit! Car il n’a pas été fuyant, il écrit et parle clairement, c’est d’ailleurs l’une de ses vertus, quand il s’adresse aux jeunes dans la matinale d’Europe 1 en leur disant: «Ne vous laissez pas faire! Obéissez à la loi mais ne sacrifiez pas toute votre vie à la vie de vos parents et de vos grands-parents. Résistez au pan-médicalisme, au sanitairement correct et à l'ordre sanitaire qui nous menace.» Avant de conclure: «On ne peut pas sacrifier indéfiniment les libertés à la santé des plus fragiles, donc des plus vieux.» (15.X.2020)
Il remet le couvert à France-Info: «On vit dans une société vieillissante. Or, plus on vieillit, plus on est fragiles en termes de santé. On a donc tendance à faire passer la santé avant tout, car nous sommes à mon âge plus fragiles que les jeunes. Il y a un cercle vicieux: puisqu’on fait de la santé l’essentiel, on privilégie les plus fragiles, c’est-à-dire à nouveau les plus âgés. Mais l’avenir de nos enfants est pour moi encore plus important. Je me fais davantage de souci pour l’avenir de nos enfants que pour ma santé de quasi septuagénaire.» (10.XI.2020)
Pas besoin d’être agrégé de philosophie pour comprendre qu’André Comte-Sponville invite les jeunes à ne pas se sentir concernés par «l’ordre sanitaire», autrement dit: le confinement, les gestes barrières, le port du masque, l’usage du gel hydro-alcoolique. Certes, en bon sophiste qui manie à ravir la rhétorique normalienne, il a pris soin de préciser en amont qu’il fallait obéir à la loi. Mais comment obéir et résister en même temps? Sans la citer, il emprunte cette idée au philosophe Alain, dont il est l’un des disciples, et qui, dans l’un de ses célèbres Propos d’un Normand daté du 4 septembre 1912, invitait à «obéir en résistant». Or, on sait par la récente publication de son Journal longtemps inédit qu’Alain obéissait plutôt sans vraiment résister ce qui lui fait opter pour de mauvais choix dans les années d’Occupation… Sachant cela, on devrait éviter d’utiliser l’outil d’Alain, il est ébréché, émoussé, pas fiable.
Quand l’impératif catégorique sponvillien lancé à destination des jeunes est: «ne vous laissez pas faire», que croit-il que les jeunes en question vont comprendre eux qui ne possèdent pas les Propos d’un Normand sur le bout des doigts?Qu’ils vont obéir en résistant? Il se trompe lourdement, voilà qui est trop subtil et d’ailleurs intenable, sauf à résister mentalement tout en se soumettant dans les faits… Non, ils vont résister en désobéissant et ils auront pour eux la caution de l’auteur du Petit Traité des grandes vertus.
Par ailleurs, André Comte-Sponville écrit: «On ne peut pas sacrifier indéfiniment les libertés à la santé des plus fragiles, donc des plus vieux.» Autrement dit: d’abord la liberté, ensuite la santé des vieux. Ce qui veut dire, plus clairement: je revendique l’exercice de ma liberté, c’est-à-dire le pouvoir de faire ce que je veux, fut-ce au détriment de la santé des vieux! S’ils doivent mourir, ils mourront, il est de toute façon pour eux l’heure d’y songer prestement. Et le philosophe de faire semblant de se sacrifier en rappelant qu’il est quasi septuagénaire et qu’il «préfère attraper la covid-19 dans une démocratie plutôt que de ne pas l’attraper dans une dictature». Mais il ne lui est pas venu à l’esprit qu’il pouvait aussi préférer ne pas attraper le covid dans une démocratie qui l’en protégerait? Il semble que non…
Car on ne peut exciper du peu de morts dus au covid, comme le fait André Comte-Sponville pour asseoir sa démonstration, et oublier que, c’est justement parce qu’il y a confinement et politique sanitaire planétaire qu’on peut à cette heure, fin janvier 2021, ne déplorer que deux millions de morts dans le monde. C’est une erreur de causalité de dire: la mortalité étant très basse, cessons donc cette politique sanitaire qui ne sert à rien puisque c’est très exactement cette politique sanitaire qui produit ce taux de mortalité bas. Paralogisme dirait-on rue d’Ulm. Nul besoin de mettre le chiffre des morts du covid en relation avec ceux de la peste au moyen-âge, des morts par cancer, des accidents vasculaires cérébraux ou des infarctus contre lesquels il n’existe pas de prévention possible, sauf salamalecs de nutritionnistes et prêches des vendeurs de statines… Quant à confisquer les morts de faim, il n’est pas très cohérent de les déplorer quand on proclame son engagement aux côtés des socio-démocrates en général, et de Macron en particulier, une sensibilité libérale dont les morts par malnutrition dans le monde sont le cadet des soucis puisque la paupérisation est le premier de ses effets!
La même logique anime Nicolas Bedos qui, le 24 septembre 2020, publie un texte explicite sur les réseaux sociaux: «Vivez à fond, tombez malades, allez aux restaurants, engueulez les flicaillons, contredisez vos patrons et les lâches directives gouvernementales. Nous devons désormais vivre, quitte à mourir (nos aînés ont besoin de notre tendresse davantage que de nos précautions). On arrête d’arrêter. On vit? On aime. On a de la fièvre. On avance. On se retire de la zone grise. Ce n’est pas la couleur de nos cœurs. En ce monde de pisse-froids, de tweets mélodramatiques et de donneurs de leçons (!), ce texte sera couvert d’affronts, mais peu m’importe mes aînés vous le diront: vivons à fond, embrassons-nous, crevons, toussons, récupérons, la vie est une parenthèse trop courte pour se gouter à reculons.» Il avait raison, probablement au-delà même de ce qu’il imaginait: ce texte de donneur de leçons fut en effet couvert d’ordures par les donneurs de leçons…
Inutile d’en rajouter. L’argumentation s’avère toujours préférable.
On ne saurait comme le fait Nicolas Bedos opposer la tendresse et les précautions parce que, pour nos aînés justement, la tendresse est une précaution et la précaution une tendresse.
De même, quand il invite à ne pas respecter le confinement, sauf avec des parents très fragiles, il oublie qu’il n’y a pas que soi et les parents au monde quand on est avec eux, car il y a aussi sur son visage, ses mains, ses vêtements, ses cheveux, sa peau, les virus du restant du monde qu’on aura côtoyé, touché, caressé, tripoté, croisé, palpé, trituré avant de visiter ses anciens qu’on risque ainsi de contaminer. Dans le tête-à-tête avec un parent âgé, il y a entre lui et nous ce que l’on aura rapporté du métro, du taxi, des poignées de portes, des boutons d’ascenseur, des touches de digicode, des pièces et des billets récupérés chez les commerçants, des courses rapportées du marché, du journal: la charge virale mortelle pour les plus fragiles, mais pas seulement.
Idem pour Frédéric Beigbeder qui, dans Les Grandes Gueules (5.V.2020), affirme: «Je ne comprends pas cette soumission des citoyens qui ont obéi de manière aussi docile… En voulant se protéger de la mort, on supprime la vie en ce moment. Cette trouille nous empêche de vivre alors moi je pense que… on l’a fait pendant deux mois, c’était très utile, c’était très bien, (…) mais maintenant ça fait deux mois ça fait plus qu’au Moyen Age les gars, au Moyen Age c’était quarante jours, là on en est à cinquante! Il faut exiger de récupérer toutes nos libertés le plus tôt possible, le prix à payer est trop cher pour cette maladie: je prends un exemple, quand y’a eu des terroristes qui ont descendu tout le monde au Bataclan et qui ont attaqué les terrasses des cafés, qu’est-ce qu’il s’est passé, on a continué à vivre comme avant, on n’a pas arrêté d’aller aux terrasses des cafés. Pourquoi est-ce qu’un virus obtient plus de résultats que des terroristes assassins, y’a un moment il faut prendre conscience de ce qu’on est en train de perdre!»
Laissons de côté l’usage un peu obscène de la tragédie terroriste du Bataclan effectuée par l’écrivain, car elle n’a pas causé deux millions de morts sur la planète et ne menace pas d’en faire autant si rien n’est fait - comparaison n’est pas raison, ici, c’est même franchement déraison. Frédéric Beigbeder ajoute: «Ne supprimons pas toute notre civilisation pour une pneumonie»! On peut se demander: qu’est-ce que «toute (sic) notre civilisation» pour l’auteur de 99 euros? Il donne sa réponse même s’il glisse de la civilisation à la culture (les philosophes allemands n’aimeraient pas…): «C’est la fin de la culture des bars, des terrasses, des discothèques.»
Si la civilisation ici confondue à la culture ce sont les bistrots où l’on picole la «vodka haut-de-gamme» écoresponsable qu’il vient de mettre au point et qu’on trouvera, nous dit-on, à La Closerie des Lilas, les terrasses germanopratines où l’on mate les filles et les discothèques où l’on sniffe de la coke, en effet, le confinement est blâmable comme la prison des fascismes rouges ou bruns parce qu’il met en péril nos libertés fondamentales de boire, de draguer, de se camer, autrement dit: de se civiliser et de se cultiver selon la définition qui s’en trouve donnée dans les beaux quartiers de Paris!
Que périssent en effet les plus fragiles si les plus forts peuvent vivre à leur guise, boire, manger, sortir, danser, flamber leur argent, sniffer de la poudre, en confondant licence, qui est revendication de faire ce qu’on veut, quand on veut, comme on veut, et liberté, qui est pouvoir de faire ce que la loi issue de la souveraineté populaire a édicté ou n’a pas interdit. La licence est le tropisme de l’enfant roi; la liberté, la conquête du citoyen après que la révolution française eut aboli la théocratie et le pouvoir des seigneurs sur leurs serfs.
Autre philippique contre le confinement, le court livre de BHL, moins de cent petites pages avec gros caractères qui semblent destinés aux malvoyants: Ce virus qui rend fou. La thèse est simple: ce virus n’est pas le problème, le problème c’est «le virus du virus», autrement dit la réaction inappropriée du monde entier avec ses mesures sanitaires pensées, via Foucault abondamment sollicité, comme une menace pour les libertés fondamentales.
On a vu que, chez Nicolas Bedos ou Frédéric Beigbeder, ces fameuses libertés fondamentales qui, menacées, autorisent qu’on en appelle à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et, c’est nouveau chez BHL, à La Boétie, sont: la possibilité de s’installer aux terrasses des cafés pour y boire de l’alcool, celle de craquer son argent dans des restaurants, celle de danser et de draguer, sinon de se camer dans des boites de nuit, ajoutons à cela celle de prendre des avions pour voyager partout sur la planète tout en invitant à en prendre soin bien sûr... La trace carbone, c’est tout juste bon pour ces nazis de Gilets Jaunes!
BHL écrit sous quel signe il réfléchit aux raisons de «cette extraordinaire soumission mondiale». Révolutionnaires de tous les pays, amusez-vous, voici une révélation, c’est Lui qui parle: « j’avais avec moi, toujours précieux, mon (sic) Discours de la servitude volontaire d’Etienne de La Boétie». J’aime que, dans son domicile de Saint-Germain-des-Prés, son Ryad marocain, son appartement new-yorkais, son autre domicile à Tanger, l’ancien nouveau philosophe qui affirme « J’ai trop de maisons et il y a trop d’endroits où il me faut être dans le monde», nous apprenne qu’il ne se déplace jamais sans son La Boétie dans la poche. Lui qui ne côtoie que des puissants, on imagine qu’il se sert souvent de cet auteur que les puis
Ce texte qui n’a pas pris une ride, trouvé sur le site : « Maurras.net » date de 1908 et bien qu’écrit dans un contexte de tension six ans avant la grande guerre , ou plutôt à cause de cela, doit inspirer aux militants actuels qui peuplent à nouveau nos cercles et permanences, une profonde et saine réflexion sur l’état d’esprit de l’Action française,depuis sa création, qui reste inchangé. (NDLR)
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Obscurément, mais patiemment, avec la persévérance de la passion, voilà bien des années que l’Action française travaille : elle n’a jamais cessé de redire qu’elle s’adresse au Peuple français tout entier.
Elle l’a dit dans sa Revue. Elle l’a enseigné dans son Institut. Elle l’a crié dans ses réunions et sur ses affiches. En tête du journal destiné à propager quotidiennement sa pensée, l’Action française a le devoir de répéter qu’elle n’a jamais fait appel à un parti. Vous sentez-vous Français ? Traitons des affaires de France au point de vue des seuls intérêts du pays. Voilà le seul langage que nous ayons tenu. Ce sera notre langage de tous les jours. Il ne s’agit pas de mettre en avant nos préférences personnelles, nos goûts ou nos dégoûts, nos penchants ou nos volontés. Nous prenons ce qu’il y a de commun entre nous — la patrie, la race historique — et nous demandons au lecteur de se placer au même point de vue fraternel.
Ni les rangs sociaux, ni la nuance politique ne nous importent. La vérité se doit d’avancer dans tous les milieux. Nous savons qu’il y a partout du patriotisme et que la raison peut se faire entendre partout. Quelles que soient les différences des mœurs ou des idées, il existe des principes supérieurs et des communautés de sentiment plus profondes : là disparaît l’idée de la lutte des classes ou de la lutte des partis. Toutes nos conclusions politiques dérivent de ce principe fondamental : il faut que notre France vive, et de cette question posée non point par nous mais par les circonstances : comment la préserver de toutes ces forces de mort ? #
Assurément, comme nos camarades de la presse nationaliste et conservatrice, nous mènerons de notre mieux la guerre à l’anarchie. Si tout patriote français nous est ami, si toute idée sérieuse nous paraît digne d’examen et de discussion, nous ne ferons aucun quartier aux idées, aux hommes, aux partis qui conspirent contre l’intérêt du pays. Vive l’unité nationale ! Périssent donc tous les éléments diviseurs ! Nous n’épargnerons ni cette anarchie parlementaire qui annule le pouvoir en le divisant, ni l’anarchie économique dont l’ouvrier français est la plus cruelle victime, ni l’anarchie bourgeoise qui se dit libérale et qui cause plus de malheurs que les bombes des libertaires.
Nous combattrons, comme nous le fîmes toujours, cette anarchie cosmopolite qui remet à des étrangers de naissance ou de cœur le gouvernement de la France, l’anarchie universitaire qui confie l’éducation des jeunes français à des maîtres barbares, lesquels, avant d’enseigner parmi nous, devraient eux-mêmes se polir au contact de la civilisation, de l’esprit et du goût de la France. Nous montrerons dans la clarté qui suffit à leur faire honte, les plaies d’anarchie domestique, tuant l’autorité des pères ou l’union des époux, et, la pire de toutes, l’anarchie religieuse acharnée à dissoudre l’organisation catholique ou tentant de refaire contre l’Église une unité morale en la fondant sur des Nuées.
Allons au fond du vrai : parce que, au fond, ce qui nous divise le plus est le régime républicain et parce que cet élément diviseur par excellence est aussi celui qui organise, qui règle et qui éternise l’exploitation du pays qu’il a divisé, l’Action française appelle tous les bons citoyens contre la République.
Mais, dit-on, quelques-uns croient encore à la République. — Possible : ils se font rares. Ces derniers croyants perdront vite leur foi dès qu’ils nous auront accordé quelques minutes de l’attention et de la réflexion qu’un électeur doit accorder à la chose publique. Sans y passer huit heures par jour, comme Louis XIV, tout Français intelligent comprendra bien que ce qu’il y a de mieux à faire est de donner sa démission de souverain et de se décharger des besognes d’État sur quelqu’un de plus apte et de plus compétent. L’évidence lui fera dire, comme à l’un des plus grands amis de l’Action française : « quand je songe que j’ai été républicain, je me battrais. »
Ce regret si noble est d’un ancien radical qui lutta contre le second Empire et la politique du maréchal 1. Et nous pourrons citer des regrets du même ordre émanant d’anciens libéraux, ou d’anciens collectivistes, ou d’anciens démocrates plébiscitaires. Ne les appelez pas convertis de l’Action française : ils sont des convertis du bon sens français. Nos vérités politiques ne sont tirées d’aucun fonds d’imagination qui nous soit personnel. Elles vivent dans l’âme de nos auditeurs et de nos lecteurs. La seule chose dont on puisse se prévaloir ici, c’est d’avoir obligé le lecteur patriote à découvrir au fond de ses propres pensées et de ses propres sentiments élevés au maximum de la conscience lucide… — Quoi donc ? — La nécessité d’un recours au Roi.
Qui veut bien quelque chose en veut la condition. La condition de ce qu’on veut quand on réclame le respect de la religion, ou la paix sociale, ou la restitution de la France aux Français, cette condition préalable, c’est le Roi. Pas de Roi, pas de puissance nationale, pas de garantie pour l’indépendance de la nation. Pas de Roi, pas d’anti-maçonnisme efficace, pas de résistance à l’étranger de l’intérieur, pas de réformes bien conduites ni sérieusement appliquées.
C’est en cela précisément que réside le nationalisme intégral. Il met en ordre les problèmes français, il permet de les comprendre, et ce qu’ils peuvent offrir de contradictoire sans lui s’accorde en lui parfaitement ; par exemple, un Pouvoir central très fort et des Villes, des Provinces, des Corporations entièrement libres, au lieu de se détruire comme en République, se prêtent un appui réciproque et se consolident par l’opération de la monarchie.
C’est un fait ; nous le ferons voir. Mais c’est un autre fait que beaucoup de gens en sont frappés. C’est un troisième fait que, en tout temps, nos Princes, du fond de leur exil, ont senti cet accord et l’ont inscrit dans leur programme, qui n’a pas été fait pour les besoins de nos polémiques de 1908. Nos querelles du mois courant seraient réglées par l’application d’un principe posé, posé voici dix, vingt ou quarante ans, dans une lettre du comte de Chambord, du comte de Paris ou de Monseigneur le duc d’Orléans.
Les Français à qui cette évidence deviendra claire feront honneur à la vivacité d’esprit de leur race. Ensemble, diront-ils, nous avons fait une sottise noire en nous séparant de nos Rois : puisque rien de sérieux ne saurait se faire sans eux, le plus simple est de nous dépêcher de les rappeler, et avec eux, de nous remettre le plus tôt possible au travail.
À ce langage de bon sens, on n’objecte que la prudence des timides, ceux qui tremblent que la monarchie ne signifie « pour le public » le gouvernement des nobles et des curés (simple sottise de primaires), ou ceux qui (moins ignorants et plus imprudents) savent combien ce préjugé est faux, mais qui en craignent la puissance. Nous ne craignons, pour notre part, aucune puissance d’erreur. Notre devoir est de les réduire l’une après l’autre en leur opposant l’évidence. Mais une évidence militera, dès l’abord, en notre faveur : c’est le recrutement du personnel de l’Action française.
Ceux que le nationalisme intégral rallia nous sont venus de toutes les classes et de tous les mondes. Ces hommes qui, depuis des années, travaillent, sans un désaccord, à la même œuvre de reconstitution nationale, sont le produitsd’éducations et de milieux aussi différents que les Jésuites et la Sorbonne, le barreau et l’armée, l’Union pour l’Action morale et la Gazette de France. On pourrait dire qu’ils ne s’accordent sur rien, hors de la politique, et que, en politique, ils s’accordent sur tout. Car non seulement leur politique économique ou militaire, mais leur politique morale, leur politique religieuse est une. On a remarqué, dans leurs rangs, des hommes étrangers à la foi du catholicisme. On n’en signale pas un seul qui n’ait mille fois déclaré que la politique religieuse de notre France est nécessairement catholique et que le catholicisme français ne peut être soumis à un régime d’égalité banale, mais y doit être hautement et respectueusement privilégié. De sorte que l’accord intellectuel et moral déterminé par le nationalisme intégral de l’Action française peut être envisagé tout à la fois comme le dernier mot de la tolérance et comme le triomphe du Syllabus.
Et ces deux aspects ne sont pas contradictoires. Nous apportons à la France la Monarchie. La Monarchie est la condition de la paix publique. La Monarchie est la condition de toute renaissance de la tradition et de l’unité dans notre pays. C’est pour l’amour de cette unité, de cet ordre, que commence aujourd’hui notre guerre quotidienne au principe de la division et du mal, au principe du trouble et du déchirement, au principe républicain.
À bas la République ! et, pour que vive la France, vive le Roi !
Henri Vaugeois,
Léon Daudet,
Charles Maurras,
Léon de Montesquiou,
Lucien Moreau,
Jacques Bainville,
Louis Dimier,
Bernard de Vesins,
Robert de Boisfleury,
Paul Robain,
Frédéric Delebecque,
Maurice Pujo.1. Patrice de Mac Mahon. (n.d.é.)
Source : https://www.actionfrancaise.net/
![Annie_Laurent.jpg](http://lafautearousseau.hautetfort.com/media/00/00/1919484265.2.jpg)
En votre nom à tous, je remercie Annie Laurent, qui vient de me transmettre cet article paru dans la Revue Politique et Parlementaire – « Hommage au Liban » - n° 198 – Janvier-mars 2021.
François Davin, Blogmestre
« L’Église désire manifester au monde que le Liban est plus qu’un pays : c’est un message de liberté et un exemple de pluralisme pour l’Orient comme pour l’Occident ». Cette affirmation bien connue de Jean-Paul II condense la pensée du Saint-Siège à propos du pays du Cèdre. Elle figure dans une lettre apostolique adressée par le saint pape à tous les évêques catholiques du monde le 7 septembre 1989, alors que le Liban connaissait l’une des périodes les plus dures de la guerre qui s’acharnait contre lui et le déchirait depuis le 13 avril 1975. La situation était si dangereuse que le Souverain Pontife avait dû renoncer, trois semaines auparavant, à son projet de voyage à Beyrouth où il désirait proclamer à la face du monde son attachement à cette nation unique et témoigner concrètement de sa compassion pour les souffrances de sa population. Dans la même lettre à l’épiscopat, il émettait aussi cet avertissement : « La disparition du Liban serait sans doute l’un des grands remords du monde. Sa sauvegarde est l’une des tâches les plus urgentes et les plus nobles que le monde d’aujourd’hui se doit d’assumer » (1).
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L’attention particulière que le Vatican porte au Liban et à sa survie ne repose pas sur les critères habituels qui conditionnent les relations entre États (étendue territoriale, position géopolitique, richesses minérales, puissance militaire et/ou idéologique). En effet, la place unique de ce petit pays du Levant dans le concert des nations relève de l’esprit et non de la matière, elle ressort de sa vocation, qui est spirituelle et humaine. Cette identité a été reconnue lors de l’établissement des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le Liban en 1946, soit trois ans après l’accession de ce dernier à l’indépendance (2).
Le premier Libanais nommé à ce poste, Charles Hélou (3), en a témoigné dans le récit où il relate l’échange qu’il eut avec Pie XII au cours de la présentation de ses lettres de créance, le 17 mars 1947. Le diplomate décrivit ainsi le Liban : « Un pays comme le nôtre, dont la tolérance et la charité dans la vie en commun la plus paisible constituent en quelque sorte la raison d’État, et qui, sur le plan international, fonde ses raisons de vivre sur les principes de justice et de fraternité, solennellement proclamés, est lui aussi une illustration de la primauté du spirituel […]. Par là il se présente au monde comme porteur d’une espérance qui ne saurait être trompée, et aussi comme chargé d’un message, d’une mission ». Ce à quoi le Saint-Père répondit : « Votre patrie, comparable dans la variété de ses éléments ethniques et linguistiques, à l’aigle aux ailes chatoyantes de mille couleurs que le prophète Ézéchiel vit planer au-dessus du Liban (Ez 17, 3), semble appelée, par vocation singulière, à réaliser cette douce et fraternelle communauté de vie dont parle le psalmiste (Ps 132, 1) même entre membres différents par l’origine et par la pensée » (4).
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Dès la première année de la guerre, saint Paul VI, qui avait visité le Liban en 1964, a exprimé sa préoccupation pour sa sauvegarde, portant un regard lucide sur les causes du conflit dont il comprenait qu’elles n’étaient pas d’abord internes. « Quiconque a pu connaître et admirer de près l’exemple de “convivance” pacifique donné pendant si longtemps par les populations chrétiennes et musulmanes du Liban, est presque naturellement porté à penser que les explosions de violente hostilité dont il est devenu le théâtre ne peuvent s’expliquer d’une façon satisfaisante sans l’intervention de forces qui sont étrangères au Liban et à ses véritables intérêts » (5). Ces paroles laissent imaginer l’émotion qu’il dut éprouver en canonisant saint Charbel à Rome le 9 octobre 1976, quatre mois après l’entrée de l’armée syrienne au Liban, prélude d’une occupation qui devait durer jusqu’en 2005, avec une pesante tutelle sur l’Etat à partir de 1988.
Revenons à Jean-Paul II dont le long pontificat (1978-2005) a été jalonné par des initiatives nombreuses et variées en faveur du pays du Cèdre. Parmi les démarches diplomatiques qu’il entreprit auprès de l’ONU et des grandes Puissances en vue d’une solution juste au problème palestinien, solution qui aurait ôté toute légitimité à la guérilla contre Israël pratiquée à partir du Liban par l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) soutenue militairement par une partie des Etats arabes, il faut signaler la lettre que le pape adressa dans ce sens au président israélien Haïm Herzog en 1989 alors que l’Etat hébreu n’était pas encore reconnu par le Saint-Siège (6). Israël, qui occupait une partie du Liban-Sud depuis 1978, avait poussé son armée jusqu’à Beyrouth en 1982 pour en chasser l’OLP. Son retrait complet fut achevé en 2000. Le 4 octobre 1989, inaugurant à Rome la Journée de prière universelle pour la paix au Liban, le Souverain Pontife appela au retrait de toutes les forces étrangères du pays, demande qu’il réitéra le 13 janvier 1990. Régulièrement, des émissaires du Vatican se rendaient à Beyrouth pour évaluer la situation politique.
L’une de ces démarches revêt une signification particulière. En juillet 1985, à la demande de Jean-Paul II, le cardinal Roger Etchegaray, président de la Commission Justice et Paix, visita le Liban-Sud où, en avril, plus de 60 villages chrétiens situés à l’est de Saïda, avaient été dévastés par des milices islamiques. Les rescapés s’étaient réfugiés dans la ville de Jezzine, majoritairement chrétienne, qui se trouvait à son tour encerclée et menacée. Un mouvement d’exode se manifestait, risquant de vider la région de sa population chrétienne. Évoquant cette mission dans ses souvenirs, le prélat confia : « Le Liban ! Quel homme d’Église n’éprouve pas tendresse et compassion envers ce merveilleux et malheureux pays ? Je crois qu’il n’y a pas un pays au monde pour lequel Jean-Paul II soit intervenu plus souvent, et auquel il ait adressé plus de messages » (7). Suite à cette mission, le pape nomma le Père Célestino Buhigas comme délégué personnel. Etabli à Jezzine, ce lazariste espagnol joua pendant plusieurs années un rôle providentiel pour enraciner les chrétiens, multipliant dans ce but les œuvres scolaires et culturelles ainsi que la création de structures économiques. Il apaisa aussi leurs relations avec l’entourage musulman, en particulier avec les druzes du Chouf qui, en 1983, avaient anéanti toute présence chrétienne dans cette région. Par ses bonnes relations avec leur chef politique, Walid Joumblatt, le P. Buhigas prépara les retrouvailles druzo-maronites qui furent scellées en 2001 lors de la visite historique du patriarche Nasrallah-Boutros Sfeir à Damour et Deir El-Kamar (Chouf).
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En œuvrant pour le maintien des chrétiens sur leurs terres, Jean-Paul II n’était pas motivé par des desseins partisans ou confessionnels ; il entendait préserver le « Liban-message ». Pour cela, il fallait que l’Église catholique, dans sa diversité locale et à tous les niveaux, cléricaux et laïques, reprenne conscience de sa vocation et de sa mission historique. Telle est la conviction qui présida à la convocation d’une Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Évêques, décision prise en accord avec les responsables des six Églises catholiques présentes dans le pays (maronite, melkite, arménienne, chaldéenne, syriaque et latine). L’annonce que le Saint-Père en fit à Rome le 12 juin 1991, en la fête de la Pentecôte, créa la surprise. Les synodes réunis pour traiter des problèmes de la foi et de la vie de l’Église d’une aire géographique concernent habituellement des continents. Or, voici que Jean-Paul II décidait de mobiliser l’institution synodale et l’ensemble des catholiques sur la situation d’un tout petit pays à peine plus étendu qu’un département français. « Toute l’Église est invitée à vivre cette initiative dans un profond esprit de solidarité, en invoquant l’assistance du Saint-Esprit sur les Pères synodaux comme sur les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïcs libanais qui devront entrer dans une période de réflexion profonde pour le renouvellement spirituel de leur communauté » (8).
Il en indiqua la finalité : « Ce sera un Synode pastoral, durant lequel les Églises catholiques du Liban, devant le Seigneur, s’interrogeront sur elles-mêmes, sur leur fidélité au Message évangélique et sur leur engagement à le vivre » (9). Puis, il confia au cardinal Etchegaray une mission destinée à lancer sa préparation sur place. « Il était important de montrer que le Synode n’était pas préfabriqué à Rome, ou par Rome, et qu’il devait réellement mobiliser les forces vives des chrétiens libanais », a expliqué l’envoyé spécial du pape (10). Il s’agissait donc de rassurer ceux qui, parmi les chrétiens, manifestaient indifférence, scepticisme, voire agacement envers l’initiative pontificale, parfois comprise comme une ingérence du Vatican dans leurs affaires. Au terme de cette étape, le 20 juin 1992, le Saint-Père annonça le thème retenu : « Le Christ est notre espérance : renouvelés par son Esprit, solidaires, nous témoignons de son Amour ».
Un double constat avait conduit Jean-Paul II à convoquer ce Synode : le désespoir et la crise d’identité des chrétiens libanais. Épuisés par seize années de violences, plus divisés que jamais au moment où l’unité était indispensable pour résister aux ambitions hégémoniques du voisinage, découragés après les douloureux combats interchrétiens de 1990 et l’affaiblissement de leur influence au sein de l’Etat suite à la révision constitutionnelle issue de l’accord de Taëf (22 octobre 1989), ils avaient perdu confiance dans leur pays et beaucoup n’aspiraient qu’à l’exode. Par ailleurs, trop souvent installés dans leurs appartenances confessionnelles ou une conception ethnique de la religion, ils étaient tentés par des formules séparatistes qui risquaient de les éloigner de leur environnement arabo-islamique et de priver ce dernier du témoignage de l’Évangile. Enfin, la guerre avait défiguré l’image du christianisme local car ses fidèles n’avaient pas toujours défendu leur existence avec les armes du Christ.
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La grand’messe célébrée au centre-ville de Beyrouth en présence d’un demi-million de personnes et la rencontre avec les jeunes à Harissa, ont constitué les temps forts de la visite de Jean-Paul II au Liban, en mai 1997.
En 1991, les armes s’étaient tues, offrant des conditions propices à une réflexion sereine. C’est donc l’occasion que saisit Jean-Paul II pour exhorter les catholiques à un exigeant travail de fond sur eux-mêmes et en Église. Dans un souci œcuménique, il tenait à associer aux travaux synodaux les « frères des autres Eglises chrétiennes du Liban », quatre orthodoxes (grecque, arménienne, assyrienne, copte) et une protestante (évangélique). « Je fais confiance à leurs prières mais aussi à leurs suggestions et à leur apport concret de réflexions, inspirés par la foi commune dans le Christ » (11).
Jean-Paul II tenait aussi à associer les musulmans libanais à toutes les étapes du Synode. Pariant sur une transparence totale, il voulait les persuader que son initiative n’avait aucune « visée politique » destinée à rehausser la place des chrétiens sur l’échiquier politique du Liban, comme certains l’imaginaient (12). C’est pourquoi, dès l’annonce de l’événement, le pape se tourna vers « les Libanais de foi islamique, les invitant à apprécier cet effort de leurs concitoyens catholiques et à y voir le désir d’être plus proches d’eux, dans une société vraiment conviviale et sincèrement solidaire pour la reconstruction du pays » (13).
L’idée de responsabiliser les musulmans n’était pas nouvelle. Deux ans auparavant, le 7 septembre 1989, en même temps qu’il écrivait aux évêques catholiques du monde (cf. supra), le Souverain Pontife avait lancé « un appel solennel à la solidarité des fidèles de l’islam avec leurs frères du Liban », dans une lettre en arabe destinée au secrétaire général de l’Organisation de la Conférence islamique, Hamid El-Ghabid. « Faites entendre votre voix et, plus encore, déployez tous vos efforts en union avec ceux qui réclament pour le Liban le droit de vivre, et de vivre dans la liberté, la paix et la dignité. Il s’agit d’un devoir de solidarité humaine que votre conscience d’homme et votre appartenance à la grande famille des croyants imposent à chacun de vous » (14). L’ensemble de ces démarches favorisèrent la confiance. Trois représentants de l’Islam libanais, Mohammed El-Sammak (sunnite), Séoud El-Maoula (chiite) et Abbas El-Halabi (druze), ont ainsi été conviés en qualité de délégués fraternels à participer à l’Assemblée elle-même qui se réunit à Rome du 26 novembre au 14 décembre 1995.
Enfin, Jean-Paul II tenait à apporter personnellement aux Libanais son exhortation apostolique post-synodale, Une espérance nouvelle pour le Liban (15), ce qu’il fit en se rendant à Beyrouth les 10 et 11 mai 1997. Ce document a été présenté comme la charte du pays du Cèdre à reconstruire. Un évêque maronite, Mgr Edmond Farhat, en a proposé un commentaire qu’il a conclu en ces termes : « Le voyage au Liban a semé les germes de l’espérance nouvelle. Une espérance solide à l’image du cèdre. Le cèdre met du temps à grandir et à s’épanouir, mais sa force et sa résistance défient les temps et traversent les intempéries » (16). Les vicissitudes politiques et sociales qui ont suivi cet épisode n’ont certainement pas permis la pleine réalisation des objectifs du Synode mais celui-ci reste une étape majeure dans l’histoire contemporaine du Liban.
Convaincu comme son prédécesseur de l’importance du Liban, au double plan symbolique et effectif, Benoît XVI a choisi ce pays pour y délivrer aux représentants de toutes les communautés catholiques orientales, invités à le rejoindre sur place, l’exhortation Ecclesia in Medio Oriente (17). L’événement, placé sous la devise « Pax vobis ! » (« Je vous donne ma paix », Jn 14, 27), s’est déroulé du 14 au 16 septembre 2012. Ecclesia in Medio Oriente concluait le Synode spécial des Évêques pour le Moyen-Orient qui s’était réuni à Rome du 10 au 24 octobre 2010 et concernait 17 pays de l’Orient méditerranéen. En annonçant, le 19 septembre 2009, la tenue de cette Assemblée, le Saint-Père en avait fixé ainsi le thème : « L’Église catholique au Moyen-Orient : communion et témoignage. “La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme” (Ac 4, 32) ». Ici aussi il s’agissait de relever les défis existentiels auxquels était confrontée la chrétienté de cette région où il ne restait alors pas plus de 15 millions de baptisés sur au moins 300 millions d’habitants. Le Saint-Siège ne pouvait évidemment pas accepter la perspective, régulièrement annoncée, d’une disparition de l’Église des territoires marqués par l’histoire biblique et l’Incarnation du Verbe de Dieu, au risque de précipiter leurs peuples dans un chaos toujours plus irréversible. C’est pourquoi, outre les préoccupations liées aux exigences baptismales, le programme du Synode comportait l’examen lucide des conditions concrètes, dans l’ordre temporel, aptes à permettre aux chrétiens d’accomplir leur mission au service de tous (18).
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Messe du pape Benoît XVI, le 16 septembre 2012 à Beyrouth
Le pape François s’est à son tour approprié l’image du « Liban-message » lorsqu’il a eu à s’exprime