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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Lire Jacques Bainville (XXXII) : Iéna

    (Comme tous les textes publiés dans cette catégorie, celui-ci, aussitôt paru, est incorporé à notre album Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville. - 127 photos)

     

    iena1.jpgHenri Houssaye, au moment où il est mort, mettait la dernière main à un livre qui devait être intitulé Iéna. Comme il sentait que la vie l'abandonnait, il dit un jour à notre confrère Louis Madelin ce joli mot mélancolique : "Je n'irai même pas jusqu'à Berlin !" Louis Madelin y est allé à sa place et tous ses lecteurs y vont de bon coeur avec lui, car Iéna, Auerstadt, l'anéantissement de la Prusse, ce sont quelques unes des meilleures pages de notre épopée nationale. De toutes les victoires françaises, Iéna est une de celles dont nous aimons le mieux nous souvenir, surtout depuis que nous avons eu Sedan.

    Iéna avait été le Sedan prussien. Seulement Sedan n'a pas eu de revanche, tandis qu'Iéna en a eu trois, en 1814, en 1815 et en 1870. Cela donne à réfléchir sur la qualité des victoires napoléoniennes.

    (Illustration : Le soir d'Iéna, par Jean-Baptiste-Edouard Detaille, 1848/1912)

    Vous connaissez le mot de Bonald, dur mais juste, dans sa concision : "Toutes les victoires de Napoléon sont au Muséum." Et il faut entendre par là qu'Austerlitz, Wagram, Iéna, la Moskowa sont de très belles choses du point de vue de l'art militaire, des sujets de tableau de premier ordre, des motifs à littérature épique incomparables, et enfin des souvenirs propres à exalter notre fierté nationale et notre confiance en nous-mêmes. Mais quant au résultat, quant à l'utilité : néant, et même moins et pire que le néant, car le compte de toutes ces brillantes batailles s'est soldé par une perte et un déficit cruels pour la France : deux invasions pour l'oncle, une pour le neveu. Voilà une famille qui a coûté cher à la France.

    Ce qui est prodigieux, c'est qu'après Iéna on pouvait croire qu'il n'y avait plus de Prusse. Les Prussiens eux-même le croyaient et ils acceptaient, avec une résignation qui étonne encore l'histoire, leur conquête par les Français. Berlin, et particulièrement à Berlin, les Berlinoises, accueillaient avec un véritable plaisir nos soldats. Le redoutable État fondé par les Hohenzollern, porté à un haut degré de puissance par Frédéric II, était à peu près rayé de la carte d'Europe. Ce qui a fait dire à Henri Heine son mot célèbre : "Napoléon n'avait qu'à siffler et la Prusse n'existait plus."

    Nous ne savons pas si Napoléon a pensé à donner ce coup de sifflet qui nous eût été joliment utile, mais en tout cas, huit ans plus tard, la Prusse existait encore si bien que ses armées entraient en France et campaient devant Paris.

    C'est que, en fait de coup de sifflet, Iéna en avait été un fameux pour les Prussiens : un coup de sifflet qui les avait réveillés. À leur résignation et à leur torpeur des premiers jours avait succédé chez eux, sous l'influence de quelques hommes énergiques à l'esprit organisateur, une véritable fièvre de patriotisme et de revanche. Si bien qu'aujourd'hui encore, les Prussiens - Bismarck avait coutume de le dire bien haut - considèrent Iéna, non plus comme une honte mais comme l'origine de leur relèvement national. La gloire d'Iéna a été pour nous. Le fruit a été pour eux.

    Il faudrait faire tout un cours d'histoire pour démontrer comment Napoléon, tout en rossant les Allemands, fut leur bienfaiteur et acheva dans l'ordre politique ce que Rousseau avait commencé dans l'ordre des idées en donnant conscience d'elle-même à l'Allemagne. Napoléon - Napolium, comme on dit encore là-bas - se regardait bien plus comme un Empereur d'Occident que comme le chef de la nation française. Aussi rendit-il à l'Allemagne  de nombreux services, et, notamment, celui de commencer son unité; ce qui prépara non seulement la perte de Napoléon, mais la nôtre. C'est ce qu'a très bien dit, dans une page de ses Mémoires, le brave Marbot, dont le métier était d'être soldat et non pas diplomate : "Quoique je fusse encore bien jeune à cette époque, je pensais que Napoléon commettait une grande faute en réduisant le nombre des petites principautés de l'Allemagne. En effet, dans les anciennes guerres contre la France, les huit cents princes des corps germaniques ne pouvaient agir ensemble... Au premier revers, les trente-deux souverains, s'étant entendus, se réunirent contre la France, et leur coalition avec la Russie renversa l'Empereur Napoléon, qui fut ainsi puni pour n'avoir pas suivi l'ancienne politique des rois de France."

    Iéna est une magnifique victoire et le livre d'Henry Houssaye et de Madelin un beau livre. Mais quand, après avoir lu ces pages d'épopée, on relit ces quelques lignes, d'un si solide bon sens, du brave Marbot, cela douche joliment l'enthousiasme...

    L'Action française, 5 juillet 1912. 

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    "...Iéna avait été le Sedan prussien. Seulement Sedan n'a pas eu de revanche, tandis qu'Iéna en a eu trois, en 1814, en 1815 et en 1870...

    ...À leur résignation et à leur torpeur des premiers jours avait succédé chez eux, sous l'influence de quelques hommes énergiques à l'esprit organisateur, une véritable fièvre de patriotisme et de revanche. Si bien qu'aujourd'hui encore, les Prussiens - Bismarck avait coutume de le dire bien haut - considèrent Iéna, non plus comme une honte mais comme l'origine de leur relèvement national. La gloire d'Iéna a été pour nous. Le fruit a été pour eux..." 

  • Oser la France

     

    Par Hilaire de Crémiers 

     

    H D C - Copie.jpgLa route de l’histoire tourne sous nos yeux. Les dirigeants français ne voient pas ce virage, aveuglés qu’ils sont par leurs certitudes. Leur conduite finira dans le fossé. Peut-être plus vite qu’on ne le pense.

    L’État de l’Europe et du monde dans les quelques années à venir sera tout autre que ce que les dirigeants français imaginent encore aujourd’hui. Ils continuent à se réciter entre eux et à débiter en public les cours qu’ils apprenaient, il y a vingt et trente ans, dans leurs écoles et leurs facultés. L’intégration européenne était l’avenir radieux et obligé. Le « toujours plus gros », « toujours plus unifié », « toujours plus riche » étaient la loi d’une évidence qui ne pouvait être contestée.   

    Il fallait les écouter : l’industrie française devait profiter de l’expansion des marchés et de la libéralisation, de toute façon obligatoire (!), des procédures dans le cadre d’une concurrence ouverte et sévèrement surveillée (!). Personne ne songeait aux retournements possibles, aux terribles déconvenues pour les PMI comme pour les entreprises liées par nature à leur destin français. 

    Quant à l’agriculture française, à les entendre, elle serait la grande gagnante en raison de sa position dominante, la politique agricole commune ayant été conçue pour elle ; il suffisait de la mettre aux normes et d’en réduire drastiquement les effectifs, selon le schéma en vogue. D’ailleurs, électoralement, qu’est-ce que ça compte ? Impossible, il y a encore cinq ans, de faire comprendre que cette politique jetait l’agriculture française dans la double impasse de la guerre des prix et de la subvention mortifère. On sait ce qu’il en est maintenant ; l’agriculture française ne cesse de dégringoler, dépassée par l’Allemagne entre autres. Les paysans n’ont plus qu’à se tuer, ce qui laisse indifférent le politicien, surtout de gauche ; son cœur est ailleurs. 

    Le commerce, d’après ces mêmes prophètes, suivrait la même voie, la France et l’Europe devant ressembler de plus en plus aux vastes marchés de l’Amérique du Nord avec laquelle elles étaient vouées à s’unir au bénéfice de multinationales puissantes et donc efficientes, comme le prévoit le traité transatlantique en cours. Il était pourtant prévisible que la loi du plus fort et du moins scrupuleux serait alors la règle, destructrice pour tout le reste. 

    euro = mark 

    La monnaie unique était, dans un tel plan, l’étape intermédiaire nécessaire à la réalisation d’une Union européenne, mécaniquement forcée par ce procédé à s’uniformiser : plus moyen d’en sortir, quoi qu’il en coutât ; c’était, paraît-il, le comble de la liberté, le bien absolu enfin atteint qui interdirait toute transgression. La réunification allemande déclencha la confection de l’euro ; ce fut, selon les gens initiés, une astuce française : l’euro, d’après ce brillant calcul chiraquo-mittérandien, arrimerait l’Allemagne à l’Europe et, donc, à la France. Le résultat aboutit à la situation exactement inverse : une Europe et une France arrimées à l’Allemagne. D’autant plus que l’euro dans l’esprit des Allemands qui sont des gens sérieux, n’est qu’une version du mark sur laquelle ils veillent de plus en plus jalousement. L’euro durera tant que l’Allemagne y aura intérêt. 

    Enfin la libre circulation des personnes devait être, toujours selon le même discours officiel, une chance nouvelle pour la France, terre d’accueil traditionnelle. Les études démographiques convergeaient pour indiquer l’impérieuse nécessité d’une immigration qui dilaterait et assouplirait le marché du travail, aidant aussi à promouvoir un multiculturalisme dont la France figée dans son passé avait un urgent besoin. Tout fut donc fait pour favoriser ces flux continus dont nul ne sait aujourd’hui comment il sera possible de les arrêter. 

    Maastricht, Schengen, Lisbonne, ce dernier traité tenant lieu par un subterfuge inqualifiable de constitution européenne que les peuples « ignorants » refusaient, telle était, telle est encore aujourd’hui la ligne sur laquelle campent les partis dits de gouvernement. Les terribles secousses subies par le système ces dernières années ne les ont pas fait dévier de leur ligne. Au lieu d’envisager une autre conception de l’Europe, ils ne proposent d’autre issue à l’accumulation des complications que de continuer dans le renforcement des corsets du système. Que les peuples en veuillent ou n’en veillent pas, peu leur importe ! 

    Une utopie vouée à l’échec 

    Pourtant chaque jour qui passe apporte un démenti cinglant à leur vaine utopie. Premièrement : Schengen n’est pas seulement une passoire qui oblige la Hongrie à se construire une barrière de protection, c’est la pompe aspirante d’une immigration que plus personne ne peut ni calculer, ni contrôler, multipliant les drames de tous les côtés. L’Europe va se mettre à attribuer des quotas ! Schengen, c’est aussi et évidemment la liberté de circulation pour les terroristes dont l’Europe devient par le fait même complice ; ils n’ont plus qu’à franchir les frontières pour se rendre en Turquie et en Syrie et, au retour, à prendre le Thalys !  

    Deuxièmement : Maastricht est littéralement impraticable, car la zone euro n’est qu’une construction artificielle aux économies divergentes qui ne peuvent former une zone monétaire cohérente et optimale. L’affaire grecque n’est qu’un premier cas tout à fait topique ; la prétendue solution du renflouement perpétuel ne durera que le temps que l’Allemagne l’acceptera. Le ralentissement économique chinois, les nouvelles politiques monétaires dans le monde ne feront qu’aggraver la crise, et la France n’aura plus de marges de manœuvre.  

    Troisièmement : Lisbonne n’a fait que confirmer la suprématie allemande et, corrélativement, le déclin français qui ne cesse de s’accentuer avec un chômage écrasant et, en dépit des incantations de Hollande, une croissance nulle. L’Angleterre va prendre de plus en plus ses distances. 

    L’échec patent de ces politiques depuis maintenant des années devrait conduire à des révisions urgentes. Du fait de cette illusion de monomaniaques qui fausse tous les raisonnements, aucune politique nationale française n’a été menée, ni à l’intérieur pour entraîner la nation sur le chemin du renouveau, ni à l’extérieur, sauf à être obligé d’intervenir parce que la France en raison de son passé ne pouvait faire autrement, soit en Afrique, soit en faveur des chrétiens d’Orient. Mais aucune direction suivie avec énergie et intelligence n’a su donner une dimension proprement française à ces interventions ni apporter des solutions aux énormes problèmes de l’Afrique ou du Moyen-Orient qui permettraient d’agir, d’ailleurs, sur les causes mêmes des flux migratoires. Rien. Tout juste une conférence le 8 septembre organisée par le quai d’Orsay en faveur des « minorités » ! Pourtant les Français sont en attente, les catholiques français sont mobilisés. Nos évêques français n’ont-ils pas fait sonner le 15 août les cloches de leur diocèse pour nos frères martyrisés ? 

    La vérité est que la classe politique par nature n’attache aucune importance à ces questions essentielles, à quelques exceptions près dont les bonnes volontés ne débouchent sur rien. Ce qui préoccupe les politiciens, c’est uniquement leurs élections et l’état, il est vrai, pitoyable de leur République. Ses principes absurdes, son incapacité totale à résoudre les problèmes que son incurie accumule, son laïcisme idiot qui empêche la France d’être elle-même, ses éternelles luttes de partis qui se déchirent à qui mieux mieux et entre eux, en excitant des ambitions aussi forcenées que ridicules, et dont les universités d’été ne sont que des farces grotesques, tout devrait provoquer un formidable et salutaire rejet. Il est là sous-jacent. À quand la vraie réforme et les vrais réformateurs ?  • 

     

  • Dans votre quotidien, cette semaine...

             LAFAUTEAROUSSEAU sans inscription.jpg                                      On vote, aujourd'hui, en Catalogne. C'est un fait. Nous ne manquerons pas de réagir à l'annonce des résultats et de faire nos commentaires : dans l'attente de ce scrutin, nous avions publié deux articles de fond : d'abord Indépendance de la Catalogne : une autre Espagne devrait être possible, de Jorge Soley Climent, puis, il y a quinze jours, une analyse pertinente et remarquablement documentée : L’Espagne à la croisée des chemins. Espagne, où vas-tu ? par Pascual Albert*

              L'abondance de l'actualité (Mali, Syrie...) nous a fait repousser les deux articles de Maurice Calmein - qui traitera du "mariage gay"... -  et de lSuite économique de François Reloujac , qui continue, avec Trente années d'errements... : vous les lirez cette semaine...

             "Moi, j'aime mieux avoir un État français, une nation française" : on visionnera la vidéo de Marie-France Garaud dans laquelle elle développe une argumentation que nous faisons nôtre, en partie... 

              Et vous aurez aussi "le grain de sel de Scipion"; une réflexion sur les propos très surprenants de Manuel Valls sur la laïcité : des propos très justes, mais qui le mettent en contradiction avec "les grands ancêtres" : "affaire" à suivre...; vous en saurez un peu plus sur le nouveau départ de la Nouvelle Revue universelle et sur son dernier numéro....

          On continuera à Lire Jacques Bainvillevendredi : dans l'éloge de "M. Georges Mandel", Bainville dit exactement la même chose que ce que vous pourrez lire bientôt dans notre prochain Album Léon Daudet (en préparation...); et qui montrera aux ignorants que l'Action française toute entière entretenait les meilleures relations avec bon nombre de personnalités de la communauté juive -et non des moindres, de Joseph Kessel à Georges Mandel - l'antisémitisme de peau ayant toujours été rejeté, dénoncé et combattu en tant que tel par le royalisme français.

             Et on gardera le samedi dorénavant, comme on en a pris l'habitude maintenant - autre nouveauté de l'année... - pour une sorte de revue des Blogs, de Facebook et d'ailleurs : cette semaine, Le petit vademecum germanopratin, de Robert Ménard sur Boulevard Voltaire : http://www.bvoltaire.fr/julienmarcel/vade-mecum-germanopratin,3749 ; sur le "mariage homo" (!), après le succès de la Manif pour tous de novembre et avant celle du 13 janvier, on lira Le grand tournant, Éditorial de Famille chrétienne; et, dans Le Figaro magazine, le billet de Zemmour, pour en finir avec la tutelle morale de la Gauche : zemmour pour en finr.JPG ; on aura un D'accord avec... Bertrand Renouvin ?, sur la curieuse et décevante "évolution" d'Hubert Védrine, dans son rapport remis le 14 novembre sur le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan : c'est dans Royaliste (n° 1023, du 26 novembre au 9 décembre 2012) : RENOUVIN VEDRINE.JPG ; enfin, "rayon" Culture, on aura deux reportages sur Patrimoine en Blog : Splendeur des soies religieuses de Nîmes, et La  chapelle templière de Libdeau, en Lorraine, sauvée...   

           On aura, évidemment, les Ephémérides, car c'est "tout cela, tous ceux-là, aussi, la France" : de la mort de Clovis et la fondation de Montpellier à la fin de la conscription obligatoir, décretée par la Révolution : en 2001, l'armée française redevient totalement professionnelle, après une parenthèse de deux siècles. C'est un peu de la Révolution qui disparaît : on ne s'en plaindra pas... On aura aussi le siège de Paris par les Vikings, Jacques Coeur, la paix perpétuelle avec les Cantons Suisses, la pose de la première pierre des Invalides; les naissances de Lulli, Ionesco, Lévy-Strauss, Jules Monnerot; les décès de saint Tugual, Philippe le Bel, du Mareschal des Jardins de la Fontaine à Nîmes et du Maréchal de Saxe, de Berryer, Oscar Wilde, Charles de Foucauld, Leclerc; le sabordage de la flotte à Toulon et l'usine marémotrice de la Rance... En plus de la Table des Matières (pour les 366 jours de l'année, les Ephémérides proposent, en permanence L'Album des Ephémérides : L'aventure France racontée par les Cartes (200 photos)... et aussi... de la MUSIQUE DANS LES EPHEMERIDES.pdf

            Notre rubrique Activités partout en France (mise à jour quotidiennement) propose en permanence une trentaine d'activités diverses : "sitôt reçu, sitôt publié", elle est à votre disposition pour annoncer et répercuter tout ce qui se fait chez vous, "sans nostalgie ni folklore", pour un royalisme intelligent. Lafautearousseau se veut la "maison commune" de toutes les bonnes volontés royalistes, fidèles à la Maison de France.

            Bienvenue à nos nouveaux "Amis", cette semaine, sur notre Page Facebook Lafautearousseau Royaliste

  • Entretien avec Loup Viallet : franc CFA, les mensonges historiques des décoloniaux enfin dévoilés, par Loup Viallet.

    Entretien avec Loup Viallet, géopolitologue et économiste, auteur de La fin du franc CFA, VA Éditions, octobre 2020. Son ouvrage est cité en référence dans le dernier livre de l’historien africaniste  Pour répondre aux décoloniaux, aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance, L’Afrique réelle, 2021.

    3.jpgPour beaucoup, le franc CFA fait figure, aujourd’hui, de vestige colonial anachronique. Comment alors expliquer qu’il ait pu perdurer jusqu’à nos jours ?

    C’est tout le paradoxe de la question du franc CFA. D’un côté, le discours dominant nous présente cette monnaie comme un legs colonial, comme un anachronisme honteux. De l’autre, on constate que depuis la décolonisation, le franc CFA a été majoritairement reconduit par les chefs d’État africains. Si certains pays sont partis, dès les années 1960, comme la Mauritanie, le ou la Guinée-Conakry, d’autres États, qui n’ont aucun lien historique avec la France, ont adhéré à cette monnaie dans les années 1989, comme la Guinée-Bissau ou la Guinée équatoriale. Le Mali lui-même a réadhéré au franc CFA 22 ans après en être sorti.

    Tous les États membres du franc CFA sont libres de sortir de la coopération monétaire franco-africaine à n’importe quel moment. Cette possibilité est inscrite dans les accords de coopération de chacune des deux zones et a déjà été utilisée plusieurs fois, notamment par les gouvernements des pays cités plus haut.

    Pourquoi les quinze pays africains qui détiennent le franc CFA ont-ils choisi de ne pas suivre l’exemple des pays qui en sont sortis ? Si un pays d’ subsaharienne sur trois utilise encore le franc CFA, c’est, entre autres, parce que ce n’est plus un instrument colonial. La France n’est plus que le garant de cette monnaie, qui est surveillée par les institutions européennes et administrée de manière autonome, dans le cadre des traités, par les centrales africaines de la zone franc. La coopération monétaire a considérablement évolué, ces soixante dernières années, en faveur d’une liberté de décision et d’action toujours plus grande pour les pays africains.

    Avoir une monnaie stable, convertible et attractive est un atout inestimable pour sortir du sous-développement. Le Cap-Vert et Sao Tomé-et-Principe, deux États africains insulaires, ont quant à eux bien compris les enjeux d’un raccordement à la monnaie européenne. Ils n’ont pas adhéré au franc CFA mais ont noué une coopération monétaire analogue avec l’Espagne, qui garantit la convertibilité et la stabilité de leurs monnaies depuis 1994 et 2009.

    Il n’a pas bonne presse. Il exhalerait des odeurs nauséabondes de Françafrique. Il a pourtant quelques vertus ?

    La garantie financière française permet à un pays sur trois, en Afrique subsaharienne, d’avoir une monnaie stable, convertible en euros, qui sert en outre de bouclier contre l’ d’origine monétaire. C’est la réalité qui nous est cachée par les mensonges d’une propagande néo tiers-mondiste et néo-communiste qui a fait du franc CFA l’un des symboles de ses luttes. Par ailleurs, en attaquant le franc CFA, c’est la réputation de la France qu’on cherche à détruire.

    Cette monnaie n’est pas exempte de critiques, mais en faire une « clé de voûte de la Françafrique » ou « une arme de la Françafrique », comme l’ont écrit l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et la journaliste Fanny Pigeaud, relève clairement du pigeonnage et de la volonté de nuire.

    Prétendre qu’il existe encore un pré carré français en Afrique est une escroquerie : la France représente 10 à 15 % du commerce extérieur des pays de la zone franc et ces derniers représentent seulement un huitième des échanges de la France en Afrique, soit 0,6 % du commerce extérieur français. Aujourd’hui, le plus grand bailleur du continent est la Chine, pas la France. Les pays du franc CFA ont aussi noué des partenariats militaires avec d’autres puissances comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la … Diaboliser la France permet à certains gouvernants et hommes politiques de masquer leurs échecs ou le vide de leurs propositions, à des entreprises et des États concurrents de gêner l’internationalisation des firmes françaises, à des groupes ennemis de décourager les soldats français et de fournir des justifications à leur harcèlement par les .

    L’intérêt de la France n’est pas économique, il est sécuritaire. Le franc CFA est partagé par un pays subsaharien sur trois. Sans la garantie française, leurs monnaies seraient aussi inconvertibles que celles de leurs voisins, les deux marchés communs de l’UEMOA et de la CEMAC n’existeraient plus et les taux des nouvelles monnaies seraient soumis aux variations aléatoires des prix mondiaux des matières premières. En l’état actuel des économies africaines, la fin du franc CFA correspondrait à la dollarisation totale de l’Afrique avec des monnaies soumises à la double variation des produits bruts et du dollar américain. Comme si on appliquait le (contre-)modèle économique de la République démocratique du Congo ou du Liberia à grande échelle. Il y a plus adapté pour répondre à l’explosion démographique et aux conséquences désastreuses du réchauffement climatique dans cette région du monde dont les fragilités sont des sources majeures de déstabilisation pour les États-nations d’Europe.

     

    Loup Viallet

    Géopolitologue et économiste
     
  • Le Covid-19, une chance pour l’Afrique ?, par Bernard Lugan

    Avant la crise du Covid-19, des dizaines de millions de jeunes africains voyaient l’Europe comme une terre à prendre peuplée de vieillards repus ou épuisés, d’hommes mentalement castrés par les groupes de pression féministes, de femmes n’enfantant plus et dont les dirigeants étaient soumis au diktat de l’émotionnel… Encore plus merveilleux, au nom des « anciennes vertus chrétiennes devenues folles » (Chesterton), le pape « François » les encourageait à s’introduire par effraction dans cette Europe gavée.

    Bernard Lugan.jpgOr, ce n’était pas le jihadisme que fuyaient ces « migrants ». En Afrique, ce dernier provoque en effet trois fois moins de victimes que les morsures des serpents. En 2017, mamba, vipères des sables et autres naja, tuèrent ainsi entre 25 000 et 30 000 malheureux et fait autant d’infirmes (source Slate Afrique). Nous étions donc au terme du processus entre la lente et mortelle asphyxie "soustellienne" de l'intégration et le "radeau de la Méduse" de la laïcité...

     

    Mais voilà que le Covid 19 va peut-être forcer Européens et Africains à revenir au réel grâce au principe de « l’imprévu dans l’histoire » si magnifiquement conceptualisé par Dominique Venner.

    En effet, comme le Covid 19 va demander d’immenses efforts à l’Europe pour se relever, délaissée, l’Afrique va donc devoir se prendre enfin en main. Cela passera par trois grandes mesures :

     

    1) Régler la question démographique

     

    Avec un taux de croissance de 4% la population africaine double tous les 18-20 ans.

    Résultat, d’ici à 2030, l’Afrique va voir sa population passer de 1,2 milliard à 1,7 milliard, avec plus de 50 millions de naissances par an. Puis, en 2100, avec plus de 3 milliards d’habitants, le continent africain abritera 1/3 de la population mondiale, dont les trois quarts au sud du Sahara. Le principal blocage de toute politique familiale étant à la fois culturel et religieux, les dirigeants africains devront donc prendre des mesures très courageuses. Ou bien l’Afrique mourra.

     

    2) Oublier le mythe du développement

    Bloqués par leurs présupposés idéologiques, moraux et religieux, les dirigeants européens qui s’obstinaient à ne pas tenir compte des réalités, avaient choisi de s’accrocher au mythe du « développement », refusant de voir que tout avait déjà été tenté en ce domaine depuis les indépendances. En vain car, en dépit des sommes abyssales déversées pour la faire « démarrer », l’Afrique n’avait cessé de régresser. En effet, comme il fallait une croissance de 7% par an pour simplement commencer à réduire la pauvreté, le calcul était vite fait, année après année, il manquait donc à l’Afrique entre 3 et 4% de croissance, ce qui faisait que loin de se combler, la pauvreté africaine augmentait.

    D’ailleurs, comment prétendre développer l’Afrique quand les investisseurs s’en détournaient ? Dans son rapport de mai 2018, la BAD (Banque africaine de développement) soulignait ainsi que pour les investissements dans le seul domaine des infrastructures, l’Afrique avait besoin annuellement de 170 milliards de dollars d’IED (Investissements étrangers directs), alors que, au total de tous ses postes, elle n’en reçut que 60 mds. Avec le Covid 19, il y a fort à parier qu’elle en recevra encore moins.

    Or, ses besoins seront de plus en plus colossaux car la baisse du prix du pétrole et de presque toutes les matières premières va avoir des conséquences catastrophiques pour des pays tirant entre 75 et 98% de leurs recettes de ces productions. Phénomène aggravant, quand les cours étaient hauts, ces pays pensèrent que la manne était éternelle et ils dépensèrent alors sans compter. Résultat, aujourd’hui, comme ils se trouvent face à des échéances qui ne sont plus couvertes, les voilà donc contraints de s’endetter pour continuer à financer des projets non soldés ou tout simplement pour acheter la paix sociale et éviter la révolution. A peine sortis de la mortelle spirale de l’endettement des années 1980-1990, ils y ont donc replongé.

     

    3) Répudier la religion démocratique et le credo des « droits de l’homme »

     

    Dans les Afriques où la criante nécessité d’Etats forts est une évidence, l’impératif démocratique décrété à la Baule par le président François Mitterrand le 20 juin 1990 a eu des conséquences désastreuses. Le multipartisme y a en effet affaibli des Etats en gestation et réveillé les luttes de pouvoir à travers des partis qui ne sont, dans leur immense majorité, que des habillages ethniques. C’est pourquoi il importe :

     

    - De permettre à l’Afrique de reprendre au plus vite ce « raccourci autoritaire » qui traumatise tant les démocrates européens, mais qui, seul, est susceptible de provoquer une coagulation nationale.

     

    - De répudier le système électoral fondé sur le destructeur principe de « un homme une voix ». Donnant automatiquement le pouvoir aux peuples les plus nombreux selon la loi de l’ethno-mathématique électorale, il fait donc des membres des ethnies minoritaires des citoyens de seconde zone ; d’où d’incessantes guerres civiles.

     

    - D’encourager les Africains à réfléchir à des modes électoraux communautaires et non plus individuels.

     

    En un mot, les Africains doivent se décoloniser mentalement pour revenir à la culture du chef en laissant celle du consensus mou aux donneurs de leçons européens. Le salut de l’Afrique en dépend. Tout le reste n’est que balivernes européocentrées.

     

    L’Afrique qui va être délaissée par les pays dits « riches » doit donc profiter de l’ « opportunité » du Covid 19 pour lancer cette révolution salvatrice[1].

     

    Bernard Lugan

     

    [1] Voir à ce sujet mes livres Osons dire la vérité à l’Afrique et Mythes et manipulations de l’Histoire africaine.

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    Le blog officiel de Bernard Lugan : http://bernardlugan.blogspot.com/

     

    Pour vous abonner à l’Afrique Réelle et recevoir l’intégralité des communiqués et analyses de Bernard Lugan ainsi que les numéros mensuels de l’Afrique Réelle, https://bernardlugan.blogspot.com/p/abonnement-reabonnement.html.

  • Feuilleton : Chateaubriand, ”l'enchanteur” royaliste... (35)

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    Anne-Louis Girodet, Portrait de Chateaubriand,
    Saint-Malo, musée d’Histoire de la Ville et du Pays Malouin.

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

    Aujourd'hui : éloge de Louis XVIII...

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    "...Louis XVIII ne perdit jamais le souvenir de la prééminence de son berceau; il était roi partout, comme Dieu est Dieu partout, dans une crèche ou dans un temple, sur un autel d'or ou d'argile.
    Jamais son infortune ne lui arracha la plus petite concession; sa hauteur croissait en raison de son abaissement; son diadème était son nom; il avait l'air de dire : "Tuez-moi, vous ne tuerez pas les siècles écrits sur mon front."
    Si l'on avait ratissé ses armes au Louvre, peu lui importait : n'étaient-elles pas gravées sur le globe ? Avait-on envoyé des émissaires les gratter dans tous les coins de l'univers ? Les avait-on effacées aux Indes, à Pondichéry, en Amérique, à Lima et à Mexico; dans l'Orient, à Antioche, à Jérusalem, à Saint-Jean d'Acre, au Caire, à Constantinople, à Rhodes en Morée; dans l'Occident, sur les murailles de Rome, aux plafonds de Caserte et de l'Escurial, aux voûtes des salles de Ratisbonne et de Westminster, dans l'écusson de tous les rois ? Les avait-on arrachées à l'aiguille de la boussole, où elles semblent annoncer le règne des lys aux diverses régions de la terre ?
    L'idée fixe de la grandeur, de l'antiquité, de la dignité, de la majesté de sa race, donnait à Louis XVIII un véritable empire.
    On en sentait la domination; les généraux même de Bonaparte le confessaient : ils étaient plus intimidés devant ce vieillard impotent que devant le maître terrible qui les avait commandés dans cent batailles.
    À Paris, quand Louis XVIII accordait aux monarques triomphants l'honneur de dîner à sa table, il passait sans façon le premier devant ces princes dont les soldats campaient dans la cour du Louvre; il les traitait comme des vassaux qui n'avaient fait que leur devoir en amenant des hommes d'armes à leur seigneur suzerain.
    En Europe, il n'est qu'une monarchie, celle de la France; le destin des autres monarchies est lié au sort de celle-là. Toutes les races royales sont d'hier auprès de la race de Hugues Capet, et presque toutes en sont filles. Notre ancien pouvoir royal était l'ancienne royauté du monde : du bannissement des Capet datera l'ère de l'expulsion des rois.
    Plus cette superbe du descendant de saint Louis était impolitique (elle est devenue funeste à ses héritiers), plus elle plaisait à l'orgueil national : les Français jouissaient de voir des souverains qui, vaincus, avaient porté les chaînes d'un homme, porter, vainqueurs, le joug d'une race.
    La foi inébranlable de Louis XVIII dans son rang est la puissance réelle qui lui rendit le sceptre; c'est cette foi qui, à deux reprises, fit tomber sur sa tête une couronne pour laquelle l'Europe ne croyait pas, ne prétendait pas épuiser ses populations et ses trésors.
    Le banni sans soldats se trouvait au bout de toutes les batailles qu'il n'avait pas livrées.
    Louis XVIII était la légitimité incarnée; elle a cessé d'être visible quand il a disparu..."

    (Mémoires d'Outre-Tombe, La Pléiade, Tome I, pages 940/941)

  • Michel Rocard, François Mitterrand : on refait le match

     

    Par Mathieu Bock-Côté     

    TRIBUNE - Un hommage national est rendu ce jeudi à Michel Rocard. Mathieu Bock-Côté réfléchit ici, [Figarovox, 5.07] aux raisons de son destin avorté : homme de raison avant tout, il avait omis, contrairement à Mitterrand, la nature passionnelle et tragique du politique. Et la réflexion de Mathieu Bock-Côté distingue, une fois de plus, pensée traditionnelle et pensée moderne ou post-moderne. Il n'y a guère de doute pour nous que ses propres conceptions - culturelles, sociétales et politiques - le situent parmi les antimodernesLFAR

     

    3222752275.jpgLa mort de Michel Rocard a permis à la classe politique et médiatique de dire le bien qu'elle pensait d'un homme dont tous, à un moment ou un autre, ont reconnu les vertus et les talents. Avec raison, on a louangé un politique honorable. Ces bons mots n'étaient pas exempts de mélancolie: l'homme aurait pu avoir un autre destin et devenir président de la République. La gauche française, avec lui, se serait enfin modernisée et elle aurait même devancé le travaillisme britannique dans la mise en place de ce qu'on appellera plus tard la troisième voie. La France aurait aujourd'hui un autre visage et ne serait pas une société bloquée si la deuxième gauche l'avait pilotée.

    Le grand entretien récemment accordé par Rocard au Point témoignait de la richesse de sa pensée. Il traitait avec finesse bien des problèmes de notre temps, qu'ils touchent la France ou les équilibres planétaires. Qu'on endosse ou non ses analyses ou ses conclusions, on conviendra qu'ils dépassent le cadre étouffant et stérilisant de la pensée Twitter, qui domine aujourd'hui une classe politique aux ordres du système médiatique. Ce n'est pas sans raison qu'on lui prêtait encore récemment allégeance: il demeurait le symbole d'une autre gauche, qui aime se dire moderne et en phase avec son temps. On le révère un peu comme on a révéré Pierre Mendès France.

    Ce regret concernant le destin avorté de Michel Rocard s'accompagnait d'une explication: s'il était doué pour l'exercice du pouvoir, il l'était beaucoup moins pour sa conquête, à la différence de François Mitterrand, qui aura toujours eu le dessus sur lui, en bonne partie parce qu'il comprenait mieux les ressorts profonds et passionnels du politique. Le premier aurait été un super technocrate, le second un animal politique à l'ancienne. Dans la distribution des rôles, Rocard passe pour un perdant magnifique et Mitterrand pour une créature aussi cynique que séduisante. Il n'en demeure pas moins que c'est ce dernier qui passera à l'histoire et qui fascine encore les biographes.

    Mais ceux qui considèrent que la conquête du pouvoir est la part avilissante du politique le comprennent bien mal. Ils l'imaginent à la manière d'une simple instance administrative censée gérer une société faite d'hommes rationnels et raisonnables - ou du moins, d'hommes qui devraient l'être. Au fond d'eux-mêmes, ils rêvent au gouvernement des meilleurs qui devraient pouvoir s'épargner la pénible épreuve de l'élection. Ou oublie l'ancrage anthropologique du politique et les passions qui, naturellement, s'y déploient et poussent les hommes à l'action. La politique n'est pas qu'une entreprise de gestion rationnelle du social: elle met en scène des hommes, des passions et des projets qui jamais, ne pourront parfaitement se réconcilier.

    Rocard jouissait moins du pouvoir en lui-même que de l'action sur la société qu'il rendait possible. Il avait en tête un programme détaillé de réformes à renouveler sans cesse, dans la mesure où il faudrait toujours s'adapter aux exigences de la modernité, qui ne se laisserait jamais enfermer dans une définition étroite ou dans un stade définitif, qu'il faudrait désormais conserver. On ne saurait en dire autant de Mitterrand qui goûtait le pouvoir pour lui-même et qui le désirait en soi, comme s'il transfigurait l'existence, ce qui n'est probablement pas faux. On pourrait dire que ce dandy qui cultivait son personnage avait développé une esthétique du pouvoir, qu'il savait apprécier même sans enrobage idéologique. Cela n'est pas nécessairement très noble.

    Michel Rocard faisait preuve d'un très grand rationalisme politique. Les enjeux symboliques lui échappaient souvent. Sa compréhension peut-être déformée de ce qu'on appelle la question identitaire, qu'il s'agisse de l'immigration massive ou de la présence de la Turquie dans l'UE, à laquelle il était favorable, en témoignera. La France tel qu'il se l'imaginait était moins une patrie charnelle, avec plus d'un millénaire d'histoire, qu'une société moderne à planifier autrement et devant s'inspirer dans la mesure du possible du modèle scandinave. Ici aussi, sa vision du monde tranchait avec celle de Mitterrand, qui croyait aux profondeurs de l'histoire et même aux forces de l'esprit, même s'il s'est jeté aveuglement dans la construction européenne.

    On l'aura compris, il est difficile de revenir sur la figure de Rocard sans multiplier les contrastes avec celle de Mitterrand, tant les deux hommes avaient des visions absolument contrastées du pouvoir et de la nature humaine alors qu'ils se réclamaient les deux du socialisme. Les distinctions peuvent s'accumuler et il n'est pas certain qu'elles recoupent l'alternative trop facile entre le moderne et l'archaïque, comme l'ont souvent voulu les analystes de la politique française. Il est coutumier, aujourd'hui, de rappeler les origines droitières de Mitterrand. La chose s'est moins confirmée sur le plan des politiques que dans la conception de l'homme qui singularisait Mitterrand et dans sa personnalité fondamentalement monarchique.

    On connaît l'anecdote: Rocard, commentant la bibliothèque de François Mitterrand, se désolait de ne pas y trouver d'ouvrages en économie et en sociologie. On a compris qu'il le disait avec quelque mépris: un homme politique inculte économiquement devrait selon lui quitter le métier. Le propos choquait dans une France qui demeure une civilisation littéraire. Mais la perspective mitterrandienne n'était peut-être pas insensée. Avant de connaître la société à la manière d'un ensemble de structures complexes que l'on peut déconstruire et reconstruire technocratiquement, il faut connaître l'homme et les hommes. La littérature et la méditation sur les grands moments de l'histoire éduquent autant le prince qu'un traité des problèmes sociaux ou un manuel d'économie.

    Michel Rocard était admirable et mérite certainement ses louanges posthumes. Il représente une gauche soucieuse du réel et désireuse de le modeler plutôt que le fuir dans une utopie. Mais c'est en méditant sur son destin avorté et son rendez-vous manqué avec la France qu'on comprend mieux à quel point l'homme politique ne doit jamais être qu'un super technicien manipulant avec une science impressionnante les leviers de l'État. Ce qui aura manqué à Michel Rocard, c'était le sens du tragique et peut-être, tout simplement, du politique. En cela, il était le représentant exemplaire d'une gauche moderne, absolument moderne, à laquelle il aura voulu être fidèle jusqu'à la fin, pour le meilleur et pour le pire. 

    Mathieu Bock-Côté  

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d' Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.          

  • Le Hors-série de Marianne...

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                Une fois de plus, ne boudons pas notre plaisir: cette fois, c'est Marianne qui réalise un hors-série intéressant, et de qualité.
     
                Nous avons plusieurs choses à dire sur ce numéro: nous le ferons sous la forme de plusieurs courtes réflexions, une sur chacun des aspects qui nous "interpellent quelque part" (comme on dit, aujourd'hui dans le jargon); il y en aura pour tous les goûts... et nous réunirons l'ensemble de ces réflexions en un Pdf...
     
                La première sera consacrée à Maurras, dont nous ne pensons évidemment pas qu'il soit "philosophiquement nul" : certes, "un" Maurras a bel et bien fait naufrage, et pour toujours. C'est, d'ailleurs, le lot commun de tout écrivain ou penseur : qui lit aujourd'hui la Henriade de Voltaire ou le Moïse de Chateaubriand ? Mais il nous reste le Maurras de L'Avenir de l'Intelligence, celui qui ne passe pas, celui dont le printemps dure toujours, et qui - pour reprendre le mot de Boutang, dans la merveilleuse conférence que nous avons mise en ligne - était bien "le plus jeune d'entre nous..."
     
                Mais, patience, attendez un peu pour avoir nos commentaires... A bientôt !...

  • A ne pas manquer : la prochaine invitation des Epées, ”à la rencontre de Pierre Boutang...”

                Le mardi 28 avril, Les Epées invitent à partir à la rencontre de Pierre Boutang, au cours d'une soirée qui s'annonce prometteuse puisqu'elle réunira -excusez du peu !...- Gérard Leclerc, Jean-François Colosimo et Stéphane Giocanti  : "Un peu plus de dix ans après sa mort, venez à la rencontre de Pierre BOUTANG. Une courte video et des intervenants qui l'ont cotoyé et suivi, nous ferons découvrir ou redécouvrir le philosophe héritier de Maurras dont l'oeuvre directrice, L'ontologie du secret, vient d'être rééditée."

                Voici reproduites ci dessous les informations données par Les Epées pour cette soirée... à ne pas manquer !

     Mardi 28 avril à 20h30
    Salle Pierre Nicole
    9 rue Pierre Nicole - 75005 PARIS
    Entrée libre

     

     

    Jean-François COLOSIMO
    Philosophe, théologien et éditeur, il est depuis 2006 directeur des éditions du CNRS.

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    Stéphane GIOCANTI
    Il s'est intéressé à divers écrivains comme T.S. Eliot, Mistral, et Charles Maurras auquel il a consacré en 2006 une volumineuse biographie, Maurras : le chaos et l'ordre chez Flammarion.

     

     

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    Gérard LECLERC
    Journaliste, philosophe et militant royaliste. 

     

     

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  • Élites nulles

    Benjamin Griveaux - Marc Bloch - Charles Maurras

     

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    Hier matin, Benjamin Griveaux - tout de même ministre et porte-parole du gouvernement - est sur France Inter pour commenter l'interview d'Emmanuel Macron, sur le Charles de Gaulle, la veille au soir. Donc, la situation politique et les propos du président. 

    2221779_ce-quil-faut-retenir-de-linterview-de-macron-depuis-le-charles-de-gaulle-web-tete-060147048591.jpgCe dernier ayant reconnu avoir échoué à réconcilier les Français avec leurs dirigeants, Griveaux opine : « Oui, c'est l'opposition classique Pays Réel - Pays légal, pour reprendre l'expression de Marc Bloch ». Sans commentaire.  

    Celui-ci toutefois : ce n'est après tout pas si grave ni si important que l'expression soit de Marc Bloch ou de Maurras. Ce qui compte aurait dit Pierre Boutang « c'est la chose même ». Sauf que la distinction Pays Réel - Pays Légal s'intègre dans une pensée politique déterminée, en l’occurrence dans ce qu'Albert Thibaudet avait appelé les idées de Charles Maurras. Pas dans celles de Marc Bloch ...  

    On a bien ri dans le landernau où l'on est, du reste, aussi ignorant que Griveaux ; on s’est bien moqué. D'autant que ce jeune Griveaux est, paraît-il, un habitué des bourdes de toutes sortes. Il pourrait sembler aux esprits simples ou irréfléchis que ce n'est pas forcément indiqué pour le porte-parole d'un gouvernement. Mais non, lui dit qu'il « s'en fiche ». Élégante désinvolture ... 

    Ce n'est ni si grave, ni si important, en effet. Mais l'inculture ! L'inculture ! Ça oui !   ■ 

    Retrouvez l'ensemble des chroniques En deux mots (105 à ce jour) en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Trois lectures, sur la page facebook d'Emmanuel Boutang...

    1. "J'ai rencontré beaucoup d'âmes religieuses dans ma vie, et je dois reconnaître, en pesant chaque mot de mon témoignage, que les deux êtres qui m'ont le plus frappé, par leur familiarité avec le mystère et l'inconnu, sont Maurras et Simone Weil. Deux esprits irréductiblement étrangers et même opposés l'un à l'autre sur tous les plans et si miraculeusement ressemblants devant l'innomé et l'ineffable. "(Gustave Thibon, extrait d'une conférence publiée en 1967 dans le numéro 24 des cahiers Charles Maurras)

     

    2. Tiré de l'article de Michel de Saint Pierre sur Léon Daudet (Revue Itinéraires de janvier 1968) le court portrait du docteur Potain : "Au chevet des agonisants, le docteur Potain devenait immatériel, impalpable, telle qu'une lueur de phare sur les flots."

     
    3. "C'est ainsi, par le silence, par l'oubli, que les adversaires de la France, de la civilisation chrétienne et de l'Occident, ont prétendu supprimer jusqu'au nom de Léon Daudet. De même qu'ils ont voulu effacer les syllabes magiques formant le nom de Charles Maurras.

    Car la conspiration du silence n'est pas un mythe aimable, nonchalamment appuyé sur une formule heureuse : c'est un fait " (Michel de Saint-Pierre, janvier 1968)

     

    https://www.facebook.com/emmanuel.boutang

  • Dans le ”Fonds lafautearousseau”, découvrez... : 1. Nos 21 Albums (dont cinq sont proposés également sous forme de Feuil

    Pour l'instant, cinq de nos Albums sont également présentés sous la forme de Feuilletons :
     
    Cliquez sur les titres...
     
     
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    16. Racines (III) : Le vitrail du Miracle de Théophile  

    17. Racines (IV) : Versailles, le Palais-temple du soleil 

     

     

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    18. L'aventure France racontée par les Cartes 

    19. Fleur de lys, fleurs de lys

    20. Rire ou sourire un peu

     

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    21. Un choix de Lettres de Prison, de Charles Maurras...

     

    lafautearousseau

  • Sur Valeurs Actuelles, une tentative de PUTSCH par des militaires ? [Décryptage #12].


    Une tribune signée par 20 généraux et plusieurs milliers de #militaires a remué l'actualité ces derniers jours. Tentative de #putsch, devoir de réserve et châtiments, quel est le vrai du faux dans cette affaire ?

    #valeursactuelles

    La tribune en question :

    Valeurs actuelles. (2021, 22 avril). « Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants » : 20 généraux appellent Macron à défendre le patriotisme. Valeurs actuelles.

    https://www.valeursactuelles.com/poli...

    Autres :

    Armée de terre. (s. d.). Code d’honneur du soldat. Ministère de la Défense.

    https://www.defense.gouv.fr/terre/act...

    Coupeau, M. (2021, 27 avril). Appel des généraux dans : les coulisses de la tribune qui fait trembler la gauche. Valeurs actuelles.

    https://www.valeursactuelles.com/club...

    Devoir de réserve, discrétion et secret professionnels dans la fonction publique. (s. d.). service-public.fr.

    https://www.service-public.fr/particu...

    Éric Coquerel (LFI) : Il y a un droit à l’insurrection, quand un monde injuste s’impose. (2020, 22 janvier). [Vidéo]. YouTube.

    https://www.youtube.com/watch?v=T_ZQ1...

    F. (2021a, avril 26). Tribune de militaires dans « Valeurs Actuelles » : "C’est une insulte jetée à la figure de milliers de militaire. Franceinfo.

    https://www.francetvinfo.fr/politique...

    L. (2018, 9 décembre). « Gilets jaunes » : Mélenchon flatte la révolution. L’Obs.

    https://www.nouvelobs.com/politique/2...

    L. (2021b, avril 27). Tribune de militaires : Jean-Luc Mélenchon veut mener la lutte contre les « factieux ». L’Opinion.

    https://www.lopinion.fr/edition/polit...

    LETTRE OUVERTE A NOS GOUVERNANTS. (2021, 28 avril).

    https://www.place-armes.fr/post/lettr...

    Mestre, A. (2019, 4 novembre). François Ruffin : « Il n’y aura rien sans débordement populaire ». Le Monde.fr.

    https://www.lemonde.fr/politique/arti...

    République française. (s. d.). 1.2 Réserve opérationnelle RO1 et RO2. Gouvernement.fr.

    https://www.gouvernement.fr/12-reserv...

    République Française. (s. d.). Article L4121-2 - Code de la défense - Legifrance. Legifrance.

    https://www.legifrance.gouv.fr/codes/... 

  • « Mieux qu’une race, le peuple français est une nation » (Jacques Bainville)

     

    par François Marcilhac

    500021990.jpgLe déplacement de François Hollande au Parlement européen, le 7 octobre dernier, aux côtés de la chancelière allemande, a été l’occasion d’une passe d’armes avec Marine Le Pen, qui a qualifié le président de la République de « vice-chancelier administrateur de la province France ».

     

    Et, dans la foulée, d’accuser Hollande « de se soumettre aveuglément à une politique décidée à Berlin, Bruxelles ou Washington ».

    Hollande ne s’attendait pas à des attaques aussi virulentes, lui qui, sous le regard du pion Merkel, avait docilement prononcé, dans la veine de Mitterrand, un discours européiste d’un conformisme affligeant. N’était-il pas allé, pour complaire à la chancelière, jusqu’à ajouter un « codicille » à la célèbre sentence du sage de Jarnac — « le nationalisme, c’est la guerre » —, selon lequel « le souverainisme, c’est le déclinisme » ? Malheureusement pour lui, sa réponse constitua un aveu puisque, confirmant les accusations de Marine Le Pen lui reprochant, comme à Sarkozy, de brader la souveraineté de la France, il n’évoqua que la « souveraineté européenne », montrant combien il s’inscrivait, en violation du titre Ier de la Constitution et plus simplement des devoirs de sa charge, dans la négation même de l’indépendance nationale. « La souveraineté européenne, c’est d’être capable de décider pour nous-mêmes », ânonna-t-il, sans bien sûr développer comment nous pouvions « décider pour nous-mêmes » si nous abandonnions notre pouvoir de décision à des instances supranationales travaillant de concert avec Berlin... Il est vrai qu’il n’avait pas défini ce « nous-mêmes »...

    Et le pays légal de se scandaliser, à la radio ou dans la presse écrite, de la sortie « inqualifiable » de Marine Le Pen, qui serait « une honte pour le pays » (Fillon, 8 octobre). « En traitant comme Marine Le Pen l’a fait le président de la République française de vice-chancelier, on attaque la fonction présidentielle et donc on insulte la France » (Sarkozy, 10 octobre) : touchantes préoccupations de la part tant d’un ancien Premier ministre qui, trahissant la mémoire de son mentor Séguin, a accompagné les abandons de souveraineté du traité de Lisbonne, que d’un ancien chef d’Etat dont la vulgarité et la soumission aux Etats-Unis furent une attaque permanente à la fonction présidentielle et une insulte quotidienne à la France. Quant à Jean-Christophe Lagarde, patron de l’UDI, il a dénoncé le fait que Marine Le Pen ait cherché « à humilier notre chef de l’Etat devant des centaines de parlementaires étrangers » (8 octobre). Surprenants accents patriotiques de la part d’européistes patentés qui, lorsque cela les arrange, oublient que les Européens sont devenus leurs « concitoyens » et les requalifient d’étrangers ! Mais c’est Juppé, qui, dans la droite ligne de Hollande, vend la mèche sur son blog (10 octobre), en dénonçant les partis qui « dessinent le visage d’une France [...] barricadée dans d’illusoires frontières nationales ». La France, pour Juppé ... et Hollande ? Le passé d’une illusion...

    Oui, les propos de Marine Le Pen ont pu choquer. Ils étaient pourtant nécessaires. Nous l’avions critiquée lorsqu’elle avait reproché aux parents de Vincent Lambert de s’être adressés pour tenter de sauver leur fils à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) contre le Conseil d’Etat. C’est que, outre sa dureté, une telle attitude cautionnait, involontairement, un mensonge, celui selon lequel, le Conseil d’Etat, en l’occurrence, mais aussi le Conseil constitutionnel ou la Présidence de la république sont toujours des institutions françaises indépendantes, ce qui n’est plus vrai à partir du moment où elles ne jugent ou ne décident plus qu’en référence à des instances étrangères reconnues comme supérieures — Bruxelles, la CEDH ou la Cour de justice de l’Union européenne. Par ses propos, Marine Le Pen a franchi un Rubicon. En apostrophant, comme elle l’a fait, Hollande, mais aussi son prédécesseur, elle a délégitimé aux yeux des Français ce que sont devenues nos institutions, notamment depuis le traité de Lisbonne et le traité budgétaire, mais le sursaut national impose qu’on prenne la mesure de la radicalité de la situation. En termes d’indépendance, notamment par rapport à l’Europe allemande, comme en termes institutionnels, c’est-à-dire en termes de légitimité, en quoi l’actuel Etat français est-il moins fantoche que le gouvernement de Sigmaringen ? En révélant crûment, au sein même de son Temple, l’imposture de la démocratie européenne, de tels propos démolissent également plusieurs décennies de bouillie conceptuelle — sophisme : « la France est mon pays, l’Europe est mon avenir » ; contradiction dans les termes : « Fédération d’Etats-nations », « souveraineté partagée » —, par lesquels l’oligarchie a conduit les Français à la dépossession, de moins en moins indolore, de leur indépendance.

    Une bouillie conceptuelle que pratique allègrement Hollande : deux jours après sa prestation de Strasbourg, il a récidivé le 9 octobre devant l’Ecole des Chartes, pour critiquer la sortie de Morano sur la France « pays de race blanche », en renvoyant l’identité française, qui n’est pas « figée dans le marbre », au « souvenir de nos mœurs, nos rites, nos traditions mais également de toute notre culture. Connaître notre passé, c’est comprendre la diversité de la France, sa multiplicité ». Ou comment, sous prétexte de rendre hommage à notre civilisation et à sa « continuité », la renvoyer à la « nostalgie » au profit d’un « renouvellement permanent » et d’une « multiplicité » indéfinie qui sont la négation même de toute civilisation, par son éclatement dans le communautarisme et le consumérisme, ces deux mamelles du mondialisme. Aussi Natacha Polony a-t-elle raison d’avancer que si le gouvernement veut « tuer » le latin et le grec, c’est pour « pour enterrer la France », car « ils sont notre mémoire, et le plus profond de notre être. Ils sont à la France du XXIe siècle ce que les racines sont à la vigne. » (Le Figaro, 10 octobre) « Racines », mot honni car, si elles sont bien la condition d’un « renouvellement permanent », celui-ci n’est pas laissé aux flux d’un changement indéfini : il perpétue une identité. 

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    D’ailleurs, si Hollande avait vraiment voulu répondre à Morano, il se serait contenté de citer les premiers mots de l’Histoire de France de Bainville : « Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation ». Mais comment l’aurait-il pu, lui qui, précisément, a renoncé à la nation et à ses racines pour une république hors sol, mondialiste et individualiste ? 

    L’Action Française 2000

     

  • La France se défait [3]

     

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    L'impact destructeur de l'invasion migratoire ne toucherait pas aussi durement la France et de façon apparemment aussi irrémédiable, si notre peuple ne s'était pas d'abord lui-même abandonné aux délices de l'auto-dérision ou de l'autodénigrement, à l'oubli, voire au mépris, de ses racines et de ses traditions, et en définitive à l'effacement de sa culture des mémoires populaires et, plus encore, des cerveaux de ses élites ou en tenant lieu. 

    Tout concourt à cet abaissement de la culture nationale : l'éclatement des familles par qui, depuis plusieurs décennies, la transmission intergénérationnelle ne se fait plus ou se fait mal ; la crise de l'enseignement où les savoirs fondamentaux ne sont plus convenablement dispensés, notamment en matière de langue, d'histoire, de lettres, de culture générale, crise qui a abaissé considérablement le niveau des élèves mais aussi celui des professeurs, conduisant à une spirale de l'ignorance ; l'emprise délétère des médias, soit comme dispensateurs de propagande politique, sous forme douce mais remarquablement efficace, soit comme fournisseurs de programmes médiocres ou tout simplement vulgaires, systématiques dénigreurs de tout ce qui est national ; médias dont le président de la République a dit qu'ils sont « une honte » mais qui eux-mêmes sont en passe d'être supplantés par l'addiction - pis encore - d'une part non négligeable de la population française - surtout la plus jeune - aux réseaux sociaux, règne du narcissisme naïf ou psychotique,  de l'image, comme quasi unique moyen de connaissance, et de la formule-cliché plutôt que de la lecture et de la réflexion. Etc. L'ensemble converge pour construire une anticulture de pacotille, posnationale ou antinationale, sur fond d'ignorance. Faut-il s'étonner que la France ne compte plus actuellement de grands écrivains ? Pas plus que de véritables grands peintres ou grands musiciens ?

    S'installent simultanément des sous-cultures de substitution venues d'ailleurs. Régis Debray considère que gallo-romains depuis quelques vingt siècles nous sommes en train de devenir, culturellement, socialement, politiquement, gallo-américains. Tandis que des cités sourd une sous-culture islamisée, orientalisée dont la contagion s'étend... L'une et l'autre sous-cultures pouvant d'ailleurs parfaitement coexister ou se métisser ...

    Existe-t-il seulement une culture française ? On se souvient qu'Emmanuel Macron était allé jusqu'à en nier l'existence au cours de la campagne présidentielle. Que voulait-il dire ? S'il s'agissait de rappeler qu'aucune culture n'est imperméable aux autres, ne vit en autarcie, que la nôtre les avait presque toutes connues et pratiquées, la formulation n'était que malheureuse. Macron oubliait toutefois que les interactions culturelles ne se font pas sans « appropriation ». Lorsque, à la suite de Guillén de Castro, Corneille compose Le Cid, il n'écrit pas une pièce espagnole mais une tragédie d'esprit, de forme, de goût, absolument français, de même lorsque Molière s'inspire de Tirso de Molina pour son Dom Juan. Comme Il convitato di pietra sera italien, le Don Juan de Pouchkine sera russe ... S'il existe une culture européenne, voire au-delà, elle ne s'exprime qu'à travers les prismes, les langues, les génies nationaux. Et la culture française devrait se souvenir qu'elle fut longtemps la culture de l'élite européenne tout entière. La seule à avoir tenu un tel rôle. 

    Oublieuse mémoire ! Encouragée à cette forme d'apostasie par l'idéologie multiculturaliste, diversitaire et mondialiste en vogue en Europe de l'Ouest, par l'incorporation au politique d'un humanitarisme universaliste débilitant, par nos abandons de souveraineté, par un européisme contre-productif, par l'abaissement de notre puissance de jadis dont le sentiment incline à l'abandon et à la soumission, enfin, par la présence dissolvante sur notre sol d'un trop grand nombre d'étrangers. Étrangers au sens le plus radical.

    Éric Zemmour a parlé de « suicide français ». La France se défait, en réalité, de bien des manières et sous l'action d'un faisceau de facteurs concordants.

    Pour en comprendre la cause profonde, le primum movens, sans-doute faut-il remonter là encore, comme Patrick Buisson le fait, à cette rupture radicale de la France avec elle-même que fut la Révolution française. Rupture imposée par une oligarchie, responsable d’un populicide, de la Terreur et de la guerre. Enfin par la décapitation du Roi en qui la nation s'incarnait depuis huit ou dix siècles. Le président Macron a exprimé cette réalité, en pointant « l'incomplétude de la démocratie » et le « manque de roi ».

    La France d'aujourd'hui se résume ainsi dans le vers de Guillaume Apollinaire, tiré d'Alcools*, que Jean-François Mattéi aimait à citer dans nos soirées du 21 janvier en Provence, auxquelles il a si souvent participé. La France d'aujourd'hui, c'est « Soleil cou coupé ».  

    * Zone, Alcools, 1913 

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    En deux mots, réflexion sur l'actualité

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    La France se défait [1]

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