Entretien avec Loup Viallet : franc CFA, les mensonges historiques des décoloniaux enfin dévoilés, par Loup Viallet.
Entretien avec Loup Viallet, géopolitologue et économiste, auteur de La fin du franc CFA, VA Éditions, octobre 2020. Son ouvrage est cité en référence dans le dernier livre de l’historien africaniste Bernard Lugan Pour répondre aux décoloniaux, aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance, L’Afrique réelle, 2021.
Pour beaucoup, le franc CFA fait figure, aujourd’hui, de vestige colonial anachronique. Comment alors expliquer qu’il ait pu perdurer jusqu’à nos jours ?
C’est tout le paradoxe de la question du franc CFA. D’un côté, le discours dominant nous présente cette monnaie comme un legs colonial, comme un anachronisme honteux. De l’autre, on constate que depuis la décolonisation, le franc CFA a été majoritairement reconduit par les chefs d’État africains. Si certains pays sont partis, dès les années 1960, comme la Mauritanie, le Mali ou la Guinée-Conakry, d’autres États, qui n’ont aucun lien historique avec la France, ont adhéré à cette monnaie dans les années 1989, comme la Guinée-Bissau ou la Guinée équatoriale. Le Mali lui-même a réadhéré au franc CFA 22 ans après en être sorti.
Tous les États membres du franc CFA sont libres de sortir de la coopération monétaire franco-africaine à n’importe quel moment. Cette possibilité est inscrite dans les accords de coopération de chacune des deux zones et a déjà été utilisée plusieurs fois, notamment par les gouvernements des pays cités plus haut.
Pourquoi les quinze pays africains qui détiennent le franc CFA ont-ils choisi de ne pas suivre l’exemple des pays qui en sont sortis ? Si un pays d’Afrique subsaharienne sur trois utilise encore le franc CFA, c’est, entre autres, parce que ce n’est plus un instrument colonial. La France n’est plus que le garant de cette monnaie, qui est surveillée par les institutions européennes et administrée de manière autonome, dans le cadre des traités, par les banques centrales africaines de la zone franc. La coopération monétaire a considérablement évolué, ces soixante dernières années, en faveur d’une liberté de décision et d’action toujours plus grande pour les pays africains.
Avoir une monnaie stable, convertible et attractive est un atout inestimable pour sortir du sous-développement. Le Cap-Vert et Sao Tomé-et-Principe, deux États africains insulaires, ont quant à eux bien compris les enjeux d’un raccordement à la monnaie européenne. Ils n’ont pas adhéré au franc CFA mais ont noué une coopération monétaire analogue avec l’Espagne, qui garantit la convertibilité et la stabilité de leurs monnaies depuis 1994 et 2009.
Il n’a pas bonne presse. Il exhalerait des odeurs nauséabondes de Françafrique. Il a pourtant quelques vertus ?
La garantie financière française permet à un pays sur trois, en Afrique subsaharienne, d’avoir une monnaie stable, convertible en euros, qui sert en outre de bouclier contre l’inflation d’origine monétaire. C’est la réalité qui nous est cachée par les mensonges d’une propagande néo tiers-mondiste et néo-communiste qui a fait du franc CFA l’un des symboles de ses luttes. Par ailleurs, en attaquant le franc CFA, c’est la réputation de la France qu’on cherche à détruire.
Cette monnaie n’est pas exempte de critiques, mais en faire une « clé de voûte de la Françafrique » ou « une arme de la Françafrique », comme l’ont écrit l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et la journaliste Fanny Pigeaud, relève clairement du pigeonnage et de la volonté de nuire.
Prétendre qu’il existe encore un pré carré français en Afrique est une escroquerie : la France représente 10 à 15 % du commerce extérieur des pays de la zone franc et ces derniers représentent seulement un huitième des échanges de la France en Afrique, soit 0,6 % du commerce extérieur français. Aujourd’hui, le plus grand bailleur du continent est la Chine, pas la France. Les pays du franc CFA ont aussi noué des partenariats militaires avec d’autres puissances comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie… Diaboliser la France permet à certains gouvernants et hommes politiques de masquer leurs échecs ou le vide de leurs propositions, à des entreprises et des États concurrents de gêner l’internationalisation des firmes françaises, à des groupes ennemis de décourager les soldats français et de fournir des justifications à leur harcèlement par les djihadistes.
L’intérêt de la France n’est pas économique, il est sécuritaire. Le franc CFA est partagé par un pays subsaharien sur trois. Sans la garantie française, leurs monnaies seraient aussi inconvertibles que celles de leurs voisins, les deux marchés communs de l’UEMOA et de la CEMAC n’existeraient plus et les taux des nouvelles monnaies seraient soumis aux variations aléatoires des prix mondiaux des matières premières. En l’état actuel des économies africaines, la fin du franc CFA correspondrait à la dollarisation totale de l’Afrique avec des monnaies soumises à la double variation des produits bruts et du dollar américain. Comme si on appliquait le (contre-)modèle économique de la République démocratique du Congo ou du Liberia à grande échelle. Il y a plus adapté pour répondre à l’explosion démographique et aux conséquences désastreuses du réchauffement climatique dans cette région du monde dont les fragilités sont des sources majeures de déstabilisation pour les États-nations d’Europe.