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Réduction de peine : et si on inversait le raisonnement ?, par Yannik Chauvin.

« Mon projet de loi a pour seul but de restaurer la confiance dans la justice » claironne Eric Dupond-Moretti. « Vaste programme ! » aurait répondu un ancien Président. Et de proposer, entre autres mesures, de filmer les procès, comme si la caméra pouvait être l’instrument de l’équité judiciaire ! C’est dérisoire.

3.jpegEn matière pénale, une grande part de l’exaspération des Français vient du constat qu’une peine infligée n’est pratiquement jamais intégralement appliquée. Nous avons, en effet, un régime extraordinaire dans lequel la réduction de la peine infligée est automatique, c’est-à-dire systématique : c’est le principe du « crédit de réduction de peine ». Ainsi, par exemple, un condamné à cinq ans de prison bénéficie, d’entrée de jeu, d’une réduction de peine tarifée de onze mois. S’il se comporte normalement, il ne restera en prison que quatre ans et un mois. Pour qu’un condamné exécute la totalité de sa peine, c’est-à-dire pour que le juge d’application des peines lui supprime son « crédit », il faut qu’il se soit particulièrement mal comporté en prison.

Et si l’on inversait le raisonnement ? 

Tout condamné exécuterait l’intégralité de sa peine, sans remise possible : cinq ans, c’est cinq ans, pas moins.

Alors s’ouvrirait une alternative. Ou bien le condamné s’est comporté correctement en prison : en ce cas, il sort lorsque la durée totale de sa peine est atteinte. Ou bien il ne s’est pas bien comporté : alors, le juge d’application des peines aurait le pouvoir d’augmenter son temps de détention.

Il s’agit d’un renversement total de la logique actuelle. Aujourd’hui, on ne punit pas le mauvais comportement puisque le seul risque encouru consiste à effectuer la peine infligée, ce qui, convenons-en, n’a rien d’une punition. Pour le citoyen ordinaire, une peine doit être exécutée, c’est aussi simple que cela. Imagine-t-on que l’on puisse « négocier » le montant d’une pension alimentaire à verser ou le coût d’une contredanse à payer ?

Dans son projet de réforme, le garde des Sceaux prévoit bien de supprimer les crédits de réduction de peine, ce qui va dans le bon sens, mais maintient l’allègement en cas de bonne conduite, ce qui ne change rien à la logique appliquée aujourd’hui : rien n’empêchera le juge souverain de revenir au système actuel de mansuétude systématique, tant décrié. Difficile de retrouver la confiance en ce cas.

 

Yannik Chauvin

Docteur en droit, écrivain, compositeur

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