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  • L'aventure France en feuilleton : Aujourd'hui (117), Les cartes de Cassini..

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    "Les cartes de Cassini représentent pour le généalogiste un formidable outil de travail puisqu'elles indiquent géographiquement les lieux des paroisses ou des lieux-dits oubliés ou existants.
    Ces cartes ont été établies fin XVIII et début XIX siècles." (Pascal BENNOIT).

    L'établissement de ces cartes s'est effectuée en trois grandes "périodes", nécessitant un travail de 55 ans :

    1760 : Début des levées de la carte de Cassini.
    C'est à l'initiative de Louis XV, impressionné par le travail cartographique réalisé en Flandre, qu'est levée la première carte géométrique du Royaume de France.
    César François Cassini de Thury dit Cassini III, fils de jacques, est chargé de réaliser ce travail à l'échelle "d'une ligne pour cent toises", soit 1/86400ème.
    La carte s'appuie sur le réseau géodésique que viennent d'établir (de 1683 à 1744) Jean-Dominique Cassini et son fils Jacques (père de Cassini de Thury).
    Les levées commencent en 1760 avec César François Cassini de Thury.

     1789 : Fin des levées.
    Jacques Dominique de Cassini, fils de César François de Cassini de Thury finit les levées. Il aura fallu 30 ans pour effectuer ce travail gigantesque.

     1815 : Publication de la carte de Cassini.
    La publication est retardée par les évènements de la Révolution pour n'être achevée qu'en 1815.

    Quatre générations de Cassini se seront consacrées à la réalisation de la carte qui mérite de porter aujourd'hui le nom de cette famille

    La carte de Cassini servira de référence aux cartographies des principales nations européennes pendant la première moitié du XIXe siècle.

    L'Institut Géographique National (IGN) conserve les originaux.

     

    Pour retrouver l'intégralité du feuilleton, cliquez sur le lien suivant :

     L'aventure France racontée par les Cartes...

     

    lafautearousseau

  • ”L'aventure France” en feuilleton : Aujourd'hui (2) : Mise en perspective...

    (Illustration : un seul exemple de la richesse des sites préhistoriques en France : le nombre de sépultures mésolithiques...)

     

    La France est le pays du monde où l'on peut suivre avec le plus de continuité l'apparition de l'Homme sur la terre; et elle garde de sa Préhistoire des traces importantes : sur plus de 320 sites d'art pariétal paléolithique actuellement connus en Europe, plus de 170 sont recensés en France...

    La Préhistoire correspond au temps qui se situe entre l'apparition de l'homme et les premières formes d'écriture.

    La Préhistoire est constituée elle-même de plusieurs périodes qui se succèdent :
    - le paléolithique,
    - l'épipaléolithique ou mésolithique,
    - le néolithique,
    - l'Âge du bronze
    - l'Âge du fer...

    Les premiers outils en galets découverts en France, plus exactement à Chilhac, dans le département de la Haute-Loire, remonteraient au paléolithique, plus spécifiquement à 1,8 millions d'années.

    C'est en moins 1.200.000 que l'Homo Erectus apparaît dans le sud de la France.

    Quant à la domestication du feu, elle date de moins 500.000 ans.

    En moins 40.000, les premiers Homo Sapiens arrivent en Europe.

    Les premières statuettes et des gravures retrouvées en France remonteraient quant à elle à moins 30.000.

    Le néolithique débute ensuite en moins 7.500 et se termine en mooins 1.800. C'est pendant cette période qu'est domestiqué le mouton (moins 7000) et le chien (mooins 6.900). Les premières poteries néolithiques remonteraient à  moins 5.750.

    En moins 1.800 débute l'Âge du bronze en France, suivi de l'Âge du fer, qui commence en moins 725.

    De la Préhistoire, la France conserve plusieurs témoignages remarquables, comme les grottes de Lascaux, Cosquer ou Chauvet... 

     

    Pour retrouver l'intégralité du feuilleton, cliquez sur le lien suivant : L'aventure France racontée par les Cartes...

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  • « Femmes de djihadistes » : Matthieu Suc, l'homme qui sait écrire un livre mais ignore le sens du mot « martyr » ...

     

    Travestir les mots, en inverser le sens, c'est aussi jouer avec les choses, triturer les réalités, à des fins de subversion. C'est, selon Camus, « ajouter au malheur du monde ». Et c'est, en l'occurrence, prêter la main à notre propre malheur.

    Mur-bleu gds.jpgJournaliste à Médiapart, Matthieu Suc est venu présenter son livre sur France info. Il a tenu des propos surprenants et choquants sur ceux qu'il appelle les « martyrs », propos par lesquels il démontre sa méconnaissance crasse du sens de ce mot.

    Donnons donc un petit cours d'éthymologie à Matthieu Suc : qu'est-ce c'est qu'un martyr ? Du grec « marturos », qui signifie « témoin », ce mot s'emploie pour celles et ceux qui ont souffert la mort pour leur foi religieuse, pour une cause à laquelle ils et elles se sont sacrifiés (historiquement par exemple, les Chrétiens mis à mort ou torturés en témoignage de leur foi, qu'on appelle aussi des « Confesseurs »). Il s'agit donc de quelqu'un à qui on enlève sa vie, mais qui, lui, n'enlève pas celle des autres ; de quelqu'un que l'on tue, pas de quelqu'un qui tue (celui-là est un assassin, comme le sont sont ses complices directs et ceux qui, d'une manière ou d'une autre, même indirectement, l'aident dans son acte); n'est pas martyr celui qui « fait » violence, est martyr celui à qui « on fait » violence, même s'il l'accepte « joyeusement », d'une joie non pas humaine - bien sûr - mais « spirituelle », comme le Père Maximilien Kolbe, qui s'offre joyeusement pour mourir à la place d'un père de famille, qui conservera ainsi sa vie; mais le martyr n'aime pas cette violence, elle lui répugne, et s'il l'accepte c'est par devoir et par esprit de sacrifice; l'autre - non pas martyr mais assassin - s'en réjouit et s'en vante...

    En parlant comme il l'a fait, Matthieu Suc a déformé, défiguré et travesti le sens du mot martyr, jusqu'à lui faire dire exactement le contraire de ce qu'il veut dire en réalité. Il n'est, du reste, pas le seul...  

    « Femmes de djihadistes »est un livre de Mathieu Suc, édité chez Fayard

  • « Nos ancêtres, les Gaulois...» ça les rend fous !

     

    1903076588.3.jpgComme dit Astérix, qu'est-ce qu'on en « rit-Gaule » !

    Nicolas Sakozy ayant déclaré qu'à partir du moment où l'on devenait Français, c'était comme si l'on revêtait un vêtement, et que les ancêtres devenaient, à partir de ce moment-là, « nos ancêtres, les Gaulois », cela a arraché des commentaires allant du goguenard à l'hystérique un peu partout, sur l'échiquier politique.

    Passons sur Bruno Lemaire, qui nous a appris qu'il avait une arrière-grand-mère brésilienne (ce dont, très franchement, tout le monde se fiche éperdument...) et arrêtons-nous plus particulièrement sur deux réactions remarquables - au sens étymologique du terme - mais qui - remarquables - ne le sont certainement pas, dans le sens courant du mot, de nos jours...

    1. Alain Juppé s'est ainsi fendu d'un « c'est nul » devant un journaliste de BFM aux anges (et plus encore, frisant l'extase...), et twittant (à 6h30 du matin, s'il-vous-plaît !) sur « la nullité de la campagne » qui l'effrayait, et dont les « incongruités » l'attristaient.

    2. Le président du groupe socialiste au Sénat, le très illustre inconnu Didier Guillaume, a carrément lâché, lui, un laconique « ça pue ! » !

    Pourtant, on ne se souvient pas d'avoir entendu Alain Juppé dire que c'était « nul » lorsque Chirac avait sorti son himalayenne hénaurmité sur « les racines musulmanes de la France », ni de l'avoir entendu parler à ce propos d' « incongruité », alors que, de toute évidence, s'il y a bien une incongruité, et de taille, c'est bien celle-là : comme dit Cyrano « c'est un pic... c'est un cap ! / Que dis-je, c'est un cap ? ... c'est une péninsule ! »

    Mémoire sélective, sans doute, chez Juppé; ou alors, est-ce la fatigue, l'âge ?...

    Quant à l'illustre inconnu président socialiste etc... etc... il a probablement dû se tromper de débat : il pensait peut-être commenter le procès Cahuzac ! 

  • A Marseille, les « hontes » sélectives de Samia Ghali et quelques autres ...

    La Grande Mosquée de Marseille : le projet ... 

     

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    Samia Ghali est Sénatrice des Bouches-du-Rhône et Maire du huitième secteur de Marseille (Mairie des 15e et 16e arrondissements, c'est-à-dire la moitié des tristement célèbres « Quartiers Nord », l'autre moitié, les 13e et 14e étant tenus par Stéphane Ravier, du Front National...)

    Elle a « honte » pour Marseille parce que le projet de Grande Mosquée ne verra pas le jour. Et pourquoi ne verra-t-il pas le jour ? Parce que les musulmans de la ville sont déchirés entre eux par d'inexpiables guerres « d'origine » (marocains, algériens, tunisiens...) ou de « parrains » (comme dans la Mafia ?) : Arabie, Qatar, Emirats... 

    Et ces frères ennemis, et plus qu'ultra-ennemis, ne parviennent pas à s'entendre, depuis des années, pour utiliser le très spacieux terrain que la Ville a mis à leur disposition. Aucuns travaux n'ont été effectués, et les loyers ne sont plus payés depuis belle lurette. Du coup, Gaudin « reprend » le bien municipal. Fureur - et « honte » - de la sénatrice, et aussi de Roger Ruzé, pour qui, ne pas payer les loyers, ce n'est pas si grave. Tiens donc ! « On nous dit que l'association censée monter ce projet n'a pas payé ses loyers. Qu'est-ce que cela veut dire ? » (Sic !) 

    1849394_7_ad7b_samia-ghali-au-centre-avec-des-femmes-du_31e9a0e2ba377ab713f34e73c1bf9805.jpgNous laisserons ces élus à leur « honte », qui n'est honteuse que pour eux : car, par exemple, ni l'un ni l'autre n'ont honte que Samia Ghali, maire de quartiers paupérisés à l'extrême, vive dans une très belle villa, sur la superbe Corniche, qui est - pour ceux qui l'ignorent - un peu « le seizième arrondissement » de Marseille - bien loin de la misère de ses quartiers nord. Ils doivent sentir trop mauvais à son goût, sans doute ; elle doit leur préférer l'air iodé. Mais, de cela, elle n'a pas honte ; mais, alors, absolument pas. Et Roger Rozé, lui, trouve cela normal... 

    Que voulez-vous ? De même qu'on ne peut pas tout faire à la fois, on ne peut pas « avoir honte » de tout à la fois : alors, on fait des choix... 

  • La confusion des valeurs, par Olivier Perceval.

    D’après la nou­velle loi hon­groise« la por­no­gra­phie et les conte­nus qui repré­sentent la sexua­li­té ou pro­meuvent la dévia­tion de l’identité de genre, le chan­ge­ment de sexe et l’homosexualité ne doivent pas être acces­sibles aux moins de 18 ans ». Ce texte, qua­li­fié mer­cre­di de « honte » par la pré­si­dente de la Com­mis­sion euro­péenne, Ursu­la Von der Leyen, était au cœur du débat à Bruxelles.

    olivier perceval.jpg« La loi ne porte pas sur les homo­sexuels. Elle concerne la façon dont les parents veulent faire l’éducation sexuelle de leurs enfants », s’est défen­du le pre­mier ministre hon­grois, Vik­tor Orban,

    Mais notre pré­sident, qui reven­dique la place le cham­pion de la cause LGBT, n’hésite pas, avec le cou­rage qui le carac­té­rise, à rétorquer :

    « Nous avons des valeurs qui sont notre socle, avant même la construc­tion de l’UE, et qui en consti­tuent le socle fon­da­men­tal. (…) Elles reposent sur le res­pect de la digni­té de cha­cun, et donc la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions. La loi, telle qu’elle est mise sur la table, ne me paraît pas conforme à nos valeurs et à ce qu’est l’Europe. »

             C’est sans appel, mais on se demande dans quel texte de Robert Schu­man catho­lique convain­cu, ou de n’importe quel « père » de l’Europe, le pré­sident Macron a vu évo­quer les valeurs LGBT comme fon­de­ment de l’Europe.

    D’ailleurs, cha­cun sait que l’Union Euro­péenne au moment de sa construc­tion était fon­dée essen­tiel­le­ment sur des « valeurs » éco­no­miques en héri­tage de la CECA (Com­mu­nau­té Euro­péenne du char­bon et de l’acier).

    « Quand on se penche sur le modèle alter­na­tif pro­po­sé, on devrait pen­ser qu’est inclu­sif le fait de vou­loir sépa­rer un enfant de son père dès sa concep­tion. Qu’est éga­le­ment inclu­sif le fait de vou­loir louer un uté­rus fémi­nin pour ensuite arra­cher l’enfant à sa mère. Et on est pris d’un doute : est-ce donc cela, les valeurs fon­da­men­tales de l’UE » ? Nous explique fort jus­te­ment Sabine Faivre sur Bou­le­vard Voltaire. 

             La nou­velle for­mule qui fait flo­rès dans les milieux « macro­niens » pour dési­gner le mal abso­lu est le terme : « illi­bé­ra­lisme ». Si vous êtes affu­blé de cette tunique infâ­mante, vous êtes exclus défi­ni­ti­ve­ment, non pas de la civi­li­sa­tion, car ces gens-là ne se réclament en rien d’une quel­conque civi­li­sa­tion étant don­né qu’ils sont dis­ciple de la décons­truc­tion.  C’est Orban lui-même qui reven­dique fort habi­le­ment ce néo­lo­gisme inven­té par Pierre Rosan­val­lon. L’illibéralisme est, selon Rosan­val­lon, « une culture poli­tique qui dis­qua­li­fie en son prin­cipe la vision libé­rale » et le pro­fes­seur au col­lège de France tient cette option comme une alter­na­tive au libé­ra­lisme capi­ta­liste qui exclut impli­ci­te­ment le peuple des déci­sions qui pour­tant le concernent.

    Il reste que l’offensive éton­nante de l’UE qui consiste à vou­loir contraindre la Hon­grie, pays sou­ve­rain à adop­ter des lois à conte­nu anthro­po­lo­gique, conformes aux vues d’autres pays ayant choi­si la nor­ma­li­sa­tion, voire la célé­bra­tion uni­ver­selle de l’homosexualité, ne semble pas cho­quer les démo­crates indi­gnés, si prompts à mettre le genou à terre devant l’attachement des « mino­ri­tés » à leurs cultures. C’est non-seule­ment de l’ingérence, mais encore une véri­table agres­sion contre un peuple pré­ci­sé­ment atta­ché à sa culture multiséculaire.

    Cette obses­sion des États super­vi­sés par l’oligarchie, d’imposer dans les médias, dans les écoles et par­tout dans l’espace public les pra­tiques bour­geoises « gay », risque à contra­rio d’exacerber une homo­pho­bie de plus en plus rugueuse dans le peuple et d’ouvrir une nou­velle frac­ture sociale et anthro­po­lo­gique. Est-ce le but recherché ?

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Si le coup de « farce » est possible.

    Le billet colo­ré d’Amaury de Perros

    Le 22 jan­vier 2021, un trou­vère (certes, du genre pénible) publiait un billet dans France-Soir, dont nous repro­dui­sons ici la par­tie la plus explo­sive : « De même, et si de besoin, il est du devoir de l’ar­mée fran­çaise pour assu­rer la sûre­té du peuple fran­çais […] de pro­cé­der à la mise à pied des auteurs du coup d’É­tat – c’est-à-dire de l’ac­tuel gou­ver­ne­ment ; et ce, afin de réta­blir le droit répu­bli­cain. ».

    Aux armes, baladins !

    Plu­tôt bien tour­née, cette dia­tribe relève davan­tage de l’inconscience et de la bêtise crasse (j’entends déjà des « même pas éton­né… »). Nous sommes ici forts éloi­gnés d’un Dérou­lède, d’un Roche­fort ou d’un Maur­ras.

    Ceux qui connaissent l’Action fran­çaise, savent que ses par­ti­sans ont une cer­taine appé­tence pour les offi­ciers put­schistes, ces der­niers étant en effet tout indi­qués pour net­toyer les écu­ries d’Augias, à savoir débar­ras­ser la France des sco­ries de 200 années de répu­blique mor­ti­fère (tra­duc­tion : virer la gueuse). Une bonne dic­ta­ture en somme, mais, atten­tion, toute pro­vi­soire. L’objectif étant, in fine, de res­tau­rer la monar­chie et nos liber­tés (Monck, ça vous parle, rassurez-moi ?).

    On se sou­viens qu’il y a 60 ans, un « quar­te­ron » de géné­raux (trop répu­bli­cains, pour le coup) aura pro­vo­qué un réveil pénible au loca­taire étoi­lé de l’Elysée… S’en sui­virent quelques purges au sein de l’institution, à la suite de ces évè­ne­ments d’Algé­rie. L’esprit réac­tion­naire, pour ne pas dire natio­na­liste, n’étant pas tout à fait expur­gé chez les « milis », nous pour­rions tou­jours trou­ver quelques galon­nés ayant la capa­ci­té de don­ner de grands coups de ran­gers dans la pétau­dière répu­bli­caine le jour du « Grand Soir » (ou le soir du « Grand Jour », au choix).

    Reste à choi­sir le bon moment et sur­tout le bon che­val. Car il faut une volon­té de fer et un sens du sacri­fice assez pro­non­cé pour réus­sir un coup d’état. Point déli­cat pour nous, roya­listes, l’insurgé devra impé­ra­ti­ve­ment une fois le sale bou­lot effec­tué, ren­trer dans sa caserne et lais­ser la place à celui qui, légi­ti­me­ment, repren­dra les rênes du pou­voir1. Le dan­ger encou­ru par notre pays étant immense, nous ferions aisé­ment l’économie d’un nou­veau Bou­lan­ger ou de tout autre ambi­tieux gar­dant le pou­voir pour lui-seul.

    Le putsch qui fait pschitt

    Ceci posé, avouons très hon­nê­te­ment que ce coup de semonce de la part d’un sal­tim­banque éner­vé mais musi­ca­le­ment mort, nous ne l’avions pas vu venir.

    Dans cet appel aux cen­tu­rions, notre zapa­tiste Fran­ci­so Lalan­nos, appelle à la « mobi­li­sa­tion géné­rale du peuple fran­çais contre la tyran­nie », vu que « Le chef de l’É­tat et son gou­ver­ne­ment s’es­suient les pieds sur le droit répu­bli­cain comme sur un paillas­son. ». Si nous par­ta­geons ce constat, comme pro­ba­ble­ment nombre de Fran­çais, nous res­tons scep­tiques quant à la méthode employée. De fait, nos rues sont res­tées déses­pé­ré­ment vides de bérets ama­rantes, de treillis F3 bien repas­sés et de chars Leclerc. La capi­tale n’aura pas été non plus sur­vo­lée par des Rafales ou des Tigres2. « Caram­ba, encore raté ! » se désole une fois de plus Ramon, le tueur mal­adroit de l’Oreille cassée.

    Que faut-il rete­nir de ce brû­lot ? Pas grand-chose, en fait. Ques­tion lit­té­ra­ture, la prose employée pour­ra éven­tuel­le­ment pro­cu­rer quelques fris­sons à un lieu­te­nant-colo­nel Teje­ro lisant ce fac­tum 40 ans après sa pres­ta­tion remar­quée aux Cor­tès. D’An­nun­zio peut éga­le­ment dor­mir tran­quille, la lit­té­ra­ture fac­tieuse oublie­ra bien vite ces quelques lignes.

    Sur le fond, le « Grand Livre des Sédi­tions » ne gar­de­ra sans doute pas non plus de traces du rebelle bayon­nais et de son appel aux armes. Il est vrai que faute d’un Fidel Cas­tro gau­lois, nous héri­tons d’une ver­sion beat­nik du Líder Máxi­mo, un bar­bu­dos sans AK47, affu­blé non pas d’un six coups, mais d’une six cordes. Et sur­tout, n’ayant aucun géné­ral Tapio­ca à nous pré­sen­ter pour don­ner un sem­blant de cré­dit à ce pro­nun­cia­mien­to. Le bilan est miti­gé, cher Beni­to Lalan­ni. Com­bien de divi­sions à dis­po­si­tion ? Com­bien de paras ? Où sont les artilleurs ? Com­bien de réser­vistes ven­trus pour au moins faire illu­sion ? Niente. Nada. Pas un gazier. Une gui­tare, une natte bien tres­sée, des bottes de che­val bien cirées et un Opi­nel ne font pas d’un barde, un put­schiste. Sur­tout que ques­tion cré­di­bi­li­té, il y a encore des efforts à faire si on se remé­more son échec pour deve­nir réser­viste de la Gen­dar­me­rie. Gilet jaune et képis ne font pas bon ménage.

    De fait, le Sys­tème qui était la cible de cet atten­tat, n’aura pas trem­blé. Il s’est même pro­ba­ble­ment tapé une sacrée mar­rade à la lec­ture de cet appel à l’insurrection. Ayant bien ri, il aura pris le temps de pré­pa­rer une réplique judi­ciaire, his­toire de remettre en place l’imprudent voca­liste. C’est qu’il ne fau­drait pas adres­ser ce genre de signal aux Fran­çais et leur don­ner le goût du com­plot. Le Par­quet de Paris a donc logi­que­ment ouvert une enquête pré­li­mi­naire pour « faits de pro­vo­ca­tion publique non sui­vie d’ef­fet, à la com­mis­sion d’un crime ou d’un délit por­tant atteinte aux inté­rêts fon­da­men­taux de la nation ». Des faits quand même pas­sibles de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’a­mende. La peine de mort étant abo­lie, c’est un moindre mal (sou­ve­nons-nous que le fort d’Ivry résonne encore de salves qui assas­si­nèrent il y a peu de grands Français).

    La gueuse vient donc de sif­fler la fin du jeu pour notre Cas­ta­fiore du Béarn. Cou­couche panier et retour à la case départ (sans pas­ser par la case Sacem, mais en pas­sant par la case pri­son, donc ?). « La répu­blique gou­verne mal, mais elle se défend bien » et le gugusse chan­tant va l’apprendre à ses dépens. On peut néan­moins comp­ter sur une cer­taine man­sué­tude la part de l’institution judi­caire pour ne pas en faire un mar­tyr. Et les psy­chiatres nous expli­que­ront sûre­ment pour­quoi Lalanne eu un gros manque de dis­cer­ne­ment dans sa cri­tique du macronisme…

    Faut-il pour autant jeter Lalanne et ses bottes de che­val avec l’eau du bain ?

    Pour n’importe quel Fran­çais sou­cieux de sa Patrie, se débar­ras­ser du géron­to­phile ély­séen est un impé­ra­tif, une mesure de salu­bri­té publique et une néces­si­té vitale. Accor­dons-nous là-des­sus. Reste la méthode à employer.

    Les régi­mistes de la (vraie) droite répu­bli­caine espèrent uti­li­ser les pro­chaines échéances élec­to­rales pour ren­ver­ser la clique LREM. Le salut pour­rait venir d’une alliance allant d’un Ciot­ti par exemple, jusqu’à une Marion Maré­chal (l’espérance des déçus de tan­tine). L’union des droites est un ser­pent de mer qui res­sur­git régu­liè­re­ment… Sauf que rien de tel n’est pré­vu à 400 jours du 22 avril 2022, date de la pro­chaine gui­gno­lade pré­si­den­tielle. A ce compte-là, Macron sera en poste jusqu’en 2027 (à moins que tan­tine Marine com­prenne enfin pour­quoi elle est en tête des son­dages et qu’elle agisse en consé­quence. Sinon, ce sera 2032 et Marion). J’évacue évi­de­ment l’hypothèse Zem­mour qui agite en ce moment le lan­der­neau droi­tard, car je n’y crois pas. Qu’irait-il faire dans cette galère, à part ser­vir d’aiguillon droi­tier pour MLP ?

    A gauche, une alter­na­tive poli­tique der­rière un lea­der com­mun reste du domaine du pos­sible et pour­rait mena­cer sérieu­se­ment Macron. Mais vu les égos déme­su­rés chez La France Insou­mise, les éco­los et les sur­vi­vants du PS et vu la qua­li­té du per­son­nel, cette pers­pec­tive semble aus­si tar­ti­gnole que l’union des droites. Res­tons tout de même pru­dents. Après tout, Mit­ter­rand a bien été élu en 1981 avec les com­mu­nistes et les Radi­caux de gauche. Le grand écart chez les pro­gres­sistes est tou­jours pos­sible quand une élec­tion poten­tiel­le­ment gagnable se pro­file à l’horizon. Cer­tains socia­listes conver­tis oppor­tu­né­ment au macro­nisme, pour­raient même faire un retour à la mai­son-mère. Les légis­la­tives quant à elles, devraient être moins à l’avantage de LREM et pour­raient pro­vo­quer une cer­taine para­ly­sie poli­tique, les macro­nistes devant s’y trou­ver logi­que­ment en minorité.

    Une macro­nie pour­sui­vant en 2027 son tra­gique bon­homme de che­min semble l’hypothèse la plus pro­bable. Cette pers­pec­tive ne peut qu’inquiéter ceux qui se déso­lent de la situa­tion de notre pays. Entre muse­lage des oppo­si­tions, res­tric­tion de nos liber­tés, aban­don de nos sou­ve­rai­ne­tés, lais­ser-aller socié­tal, insé­cu­ri­té galo­pante, ghet­toï­sa­tion des ter­ri­toires per­dus, pas­si­vi­té devant l’islamisme et plus glo­ba­le­ment, haine chro­nique de ce qui fait la France par ceux qui n’ont rien à y faire, il y a lar­ge­ment de quoi alar­mer ceux qui se déso­lent devant notre pays livré à l’anarchie et à l’oligarchie libé­rale euro­péiste, monstre qui déman­tèle notre éco­no­mie. Voir sa Patrie se déli­ter et consta­ter que ceux qui devraient lui assu­rer gran­deur et pros­pé­ri­té, sont les acteurs de ce démem­bre­ment, n’autorise pas la pas­si­vi­té. La cote­rie en place ver­rouillant le sys­tème élec­to­ral, il reste peu d’options pour libé­rer la France de ces malfaisants.

    Le putsch : y pen­ser, sou­vent. N’en par­ler, jamais

    Que vou­lons-nous à l’Action fran­çaise ? Un pou­voir fort dans ses aspects réga­liens, mais sou­cieux du bien com­mun, qui rende aux Fran­çais leur fier­té, qui leur redonne le sen­ti­ment d’appartenir à la plus belle des nations, celle qui sera crainte et res­pec­tée. Nous vou­lons un régime qui garan­ti­ra nos liber­tés, qui res­pec­te­ra les valeurs et les tra­di­tions qui ont bâti la France. Nous vou­lons donc un roi.

    Com­ment y par­ve­nir ? Cet objec­tif ne sera évi­dem­ment pas atteint par la voie démo­cra­tique. Si le sys­tème est à bout de souffle, il n’est pas deve­nu sui­ci­daire pour autant. Bien des scé­na­rios res­tent ima­gi­nables et la plu­part sont mal­heu­reu­se­ment tra­giques. Face de graves évè­ne­ments et devant l’atonie du Sys­tème, un appel au roi par les dépu­tés n’est pas tota­le­ment chi­mé­rique pour refaire l’unité du pays. Ces mêmes poli­tiques n’ont-ils pas fait appel à un vieux maré­chal en 1940, pour se sor­tir d’un pétrin où ils avaient mis le pays ?

    Dans une situa­tion d’anarchie, l’hypothèse d’un coup d’état mili­taire n’est donc plus à éva­cuer. Notre pays pos­sède encore suf­fi­sam­ment de res­sources morales, pour que des hommes déci­dés se chargent de virer une équipe qui envoie sciem­ment le navire France vers un ice­berg mor­tel. Il va de soi, que le galon­né en ques­tion n’est pas encore connu et que ce ne sera sur­ement pas un de ceux que cer­tains droi­tards exhibent sur les réseaux sociaux (je rap­pelle que dans ces deux scé­na­rii, le roi nou­vel­le­ment ins­tal­lé devra se rendre indé­pen­dant des fac­tions qui l’auront por­té au pou­voir, affir­mer son auto­ri­té et mettre en place un sys­tème poli­tique qui se péren­ni­se­ra. En somme, s’affranchir de la repré­sen­ta­tion par­le­men­taire et remettre à sa vraie place l’autorité mili­taire. Un tra­vail de longue haleine et déli­cat, qui néces­si­te­ra intel­li­gence et prag­ma­tisme).

    Cette hypo­thèse mili­taire ayant donc les faveurs de notre mélo­diste dégui­sé en his­trion, si ce der­nier réclame l’intervention de la Grande Muette, c’est hélas pour res­tau­rer une répu­blique fan­tas­mée, alors qu’elle est le vrai poi­son. De quoi démon­trer une fois de plus, l’immaturité du per­son­nage en matière politique.

    Autre incon­grui­té : crier haut et fort sur les toits qu’il faut abattre le sys­tème en place par la force. A‑t-on déjà vu un putsch s’annoncer à grands ren­forts d’annonces dans les médias et les réseaux ? Et pour­quoi pas un flash­mob en treillis… dans la longue his­toire des coups d’états, il y eu rare­ment d’avertissements clai­ron­nés. Ragin­pert et son fils Ari­pert, n’ont pas envoyé d’émissaires au roi des lom­bards Liut­pert, pour l’avertir que ses jours étaient comp­tés (encore qu’il dût bien s’en dou­ter, vu les mœurs de l’époque). Fran­co n’a jamais envoyé de télé­gramme pour pré­ve­nir le Frente Cra­pu­lar qu’il allait débar­quer en Anda­lou­sie. John Scul­ley n’a pas envoyé de SMS à Steve Jobs avant de le virer d’Apple. Il me semble donc inutile de pré­ci­ser que le pre­mier gage de réus­site d’un putsch, était de res­ter secret. Lalanne passe donc une fois de plus pour ce qu’il est, une buse, un idiot, un fac­tieux d’opérette, un agi­té inca­pable de réflé­chir avant de par­ler. S’insurger, c’est bien, c’est même plu­tôt sain3, mais il n’est pas néces­saire de s’imaginer com­plo­teur et crier sur les toits « Viva la Revo­lu­ción ! » pour pro­vo­quer un sou­lè­ve­ment. Un com­plot se trame dans des caves vou­tées et humides, flingues et cya­nure à por­tée de main.

    Gar­dons-nous de prendre de haut, ce qui res­semble tout de même à un sui­cide social. Car ce coup de sang, cette sor­tie de route non contrô­lée d’un put­schiste en herbe, est peut-être un signal avant-cou­reur. Une sorte d’éruption cuta­née illus­trant l’exaspération des Fran­çais face au sys­tème macro­nien. Il existe en France une cris­pa­tion, une irri­ta­tion, une colère encore conte­nue chez les gau­lois réfrac­taires. La Covid et sa ges­tion cala­mi­teuse, les pri­va­tions de liber­té, la crise éco­no­mique qui pointe son museau, sont-ils les fer­ments de la révolte à venir ? Si on amal­game à cette crise, les autres graves pro­blèmes ren­con­trés par les Fran­çais, insé­cu­ri­té et chô­mage pour ne citer qu’eux, nous nous diri­geons cer­tai­ne­ment vers une période pré-anar­chique, dont la meilleure illus­tra­tion est la qua­si-impu­ni­té des racailles dans leurs quar­tiers (Blois, hier soir encore). Nos com­pa­triotes pour­raient alors s’insurger et deman­der des comptes aux édiles en place, dans l’hypothèse opti­miste, où ils se déta­che­raient de Net­flix et du « Meilleur pâtis­sier » … (le scru­tin de 2022 sera peut-être la tra­duc­tion paci­fique de ce ras-le-bol).

    Devant une situa­tion insur­rec­tion­nelle, les élé­ments les plus avi­sés devront savoir se struc­tu­rer pour réus­sir. De cette troupe, devra émer­ger un chef qui sau­ra remettre le pays sur de bons rails. Et qui aura l’intelligence de se reti­rer une fois la mis­sion effec­tuée, répon­dant ain­si à nos sou­haits de monarchistes.

  • François Hollande, la rose ou l'épine, par Hilaire de Crémiers

    (Voici l'analyse politique d'Hilaire de Crémiers, parue dans le numéro 104 de Politique magazine, février 2012)

     

    Jamais le système politique français n’a paru plus extravagant que dans ces temps d’échéances électorales. François Hollande peint l’avenir au couleur de sa rose, mais ce qui s’annonce, c’est un paquet d’épines.

            François Hollande s’est déclaré à la nation française : il veut l’épouser. Il l’a dit solennellement au Bourget, le dimanche 22 janvier, devant un parterre socialiste savamment rassemblé. Il a affirmé vigoureusement qu’il se montrerait apte à remplir sa fonction. Il a décliné son pédigree ; il a affiché son passé ; il a su convaincre qu’en dépit de l’envie, dans la conduite de sa vie, se lisait clairement la ligne de son destin : oui, son destin ! 

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            Maintenant quel doute serait permis ? Depuis l’origine, c’était prévu. Est-il besoin de préciser que ce qui était prévu, c’était que François Hollande était prévu ? Exactement comme naguère apparut François Mitterrand, cette figure exemplaire, à jamais tutélaire, dont il recueille aujourd’hui l’esprit, emprunte l’itinéraire, imite les formules et jusqu’aux gestes et jusqu’à la voix. Il en a les accents épiques qui étonnent le monde et qui cependant détonnent dans cette bouche aux nonchalances bourgeoises qu’on croyait plus habituée aux bons restaurants et aux bons mots des discours de compromis. Après tant de mois de luttes fraternelles, c’est acquis : François Hollande qui était pris pour un benêt diplômé, un mou sans envergure, est l’homme que les circonstances imposent, que la République veut, qui va s’unir à elle. C’est une révélation : le mot a été employé.

     

    La gauche éternelle

            Son éloquence en a gagné une violence virile qui effarouche et enthousiasme, le but recherché ! Comme Mitterrand. Il se dresse face à l’histoire dans une posture à la fois protectrice et vengeresse. 

            Comme Mitterrand. Il invective ce qu’il dénonce comme son seul ennemi personnel, la finance, l’argent, « le gros argent ». Sa véhémence alors touche à cette indignation presque sincère où excellait le vieux Mitterrand. Les compagnons et anciens concurrents interloqués en sont venus, au pied du tréteau, à se regarder : l’art du disciple l’égalerait-il au maître ?

            Lui qui a toujours vécu à son aise et sans scrupule en se pliant d’instinct à toutes les roublardises du politicien, et qui par principe ne connaît pas de principes puisqu’il s’est plu à transgresser les mœurs bourgeoises, se hausse ainsi par la parole jusqu’à cette vertu rhétorique qui a toujours fait le succès des agitateurs d’opinion. Lui aussi, toujours comme Mitterrand et comme tant d’autres hiérarques du socialisme à la française, il vient d’une bonne famille où lui ont été inculqués et le souci de la vérité et les règles de l’honnêteté. Un aiguillon intime l’a poussé à la rupture. Ce fut avec détermination qu’il a résolu de se façonner une personnalité de gauche. Il l’a confessé au Bourget : il l’a fait contre son père. Comme d’autres, bien connus, de tout ce petit monde des hauts dignitaires socialistes. Qui ne compâtirait ? Ce n’est ni la faim, ni la soif, ni la misère, ni la vue du dénuement, ni le dévouement aux misérables, ni la dureté de la vie, ni le besoin d’amour et de solidarité qui l’ont rendu socialiste. Non, c’est l’épreuve d’une conviction personnelle qui a su très vite repérer que la voie socialiste était celle de sa réussite politique et qui s’est heurtée – avec quel courage – à la tradition de ses pères ! Douloureuse épreuve et qui mérite sa récompense.

             Des journalistes émus ont su noter qu’il a évoqué cette souffrance avec pudeur et discrétion. Comment ne pas être sous le charme d’une telle vergogne qui interdit le moindre sourire ? Il n’est pas douteux que, de telles épreuves, ne peuvent sortir que des personnalités trempées.

    Le projet

            Aussi l’homme adhère-t-il au « projet ». Il ne fait qu’un avec lui. Le « projet » ! Répété à l’infini, ce mot est sacré. 

            Voici qu’il l’endosse comme un ornement sacerdotal ! Oui, « le projet » investit toute sa personne et l’élève à une dignité inviolable. Cependant il a précisé à l’entourage que ce « projet » était sien, même, bien sûr, et pourtant autre que le « projet » confectionné par le parti et les partisans. L’ambivalence du propos embrasse toutes les nuances du programme, de la rigueur la plus nette au laxisme le plus coulant. La conception générale, d’une générosité débordante, englobe tout le système qu’il ne s’agit que de régénérer, ce bon vieux système républicain qu’il a appris à aimer lors de son ambitieuse jeunesse, mis à mal aujourd’hui non par l’usure du temps, ni par la vieillerie de ses rouages trop compliqués, ni par la tempête actuelle qui secoue sa carcasse démantibulée, mais uniquement, exclusivement – il le répète – par les agissements irresponsables et criminels du président en exercice. Aussi se fait-il fort de le remettre en état et en marche, de lui redonner brillant et dynamisme. Il a certifié avec ce sourire qui lui est si caractéristique et qui se veut finaud, que ce serait tâche facile.

            Il résoudra tous les problèmes existants ; mieux encore : il les résoudra sans problème. Dans cette aisance se reconnaît cette force tranquille qui revendique « la normalité » et devant laquelle toutes les difficultés s’aplanissent. Il y a du prophétisme dans pareille assurance : égaliser les chemins, tous les chemins, c’est bien ce à quoi appelle cette voix qui crie son message de salut. Et aussitôt qui ne sent que le désert va fleurir ? Aucun roman d’anticipation n’a fait rêver pour la société à venir d’une plus parfaite platitude : tout sera raboté ; pas le moindre monticule sera épargné. Le nouveau messie peut passer. Cette égalité universelle à laquelle la France et l’Europe et le monde sont appelés par la voix exigeante de l’homme qui a su s’identifier à cette suprême loi morale, est devenue la norme absolue qui uniformise et harmonise toutes ses fameuses propositions aussi longues que larges : les deux barres du signe « égal » deviennent son logo de campagne. Il a même décidé, d’avance, de rabaisser sa rémunération de président. Qui fait mieux ?

     

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     l’art du disciple l’égalerait-il au maître ?

     

    L’avenir en rose

            Aucun obstacle ne saurait résister à pareille détermination. 

            C’est déjà tout vu, tout dit, tout chiffré. La crise de la dette sera résorbée en cinq ans, calcul à l’appui. Toute la question de l’Éducation nationale sera traitée d’un seul coup en y mettant les moyens et les emplois qu’il faut et sans coûter un sou de plus. 

            Il n’y aura plus de problème de logement : l’offre sera multipliée, les prix encadrés, les mairies des « riches » contraintes à bâtir sous peine d’amendes. Travail, chômage, tout sera réglé par de nouvelles lois qui donneront au code du travail ce poids supplémentaire qui lui permettra d’écraser définitivement les problèmes sociaux. La Sécurité sociale trouvera naturellement les recettes suffisantes pour que ses avantages soient garantis indéfiniment et étendus, même au-delà de nos frontières, le modèle français ayant une vocation à l’universalité. Mais en même temps les PME seront soutenues : des fonds seront créés à cet effet. L’immigration sera conçue comme le régime normal d’accès à la citoyenneté, ce qui enlèvera tout prétexte de se manifester aux émeutiers et aux incendiaires.

            Il est certes reconnu que les chefs socialistes qui n’ont pas le privilège de vivre dans les zones de non-droit et de goûter les plaisirs raffinés qui s’y pratiquent, n’ont pas su évaluer l’importance de la sécurité pour « les petites gens ». Pour eux, par condescendance, il est admis que la sécurité doit aussi avoir la séduction d’une certaine rigueur. Cette audace du candidat n’a pas manqué d’être saluée. 150 000 emplois-jeunes viendront dynamiser les zones de pauvreté. L’argent sera pris sur les familles françaises qui sont toutes soupçonnées à fort juste titre d’être riches. Impôts, taxes, prix des services, tout sera établi au prorata des revenus et des patrimoines qui seront par conséquent constamment vérifiés, inspectés, contrôlés, pesés.

            Nicolas Sarkozy ayant disparu et François Hollande étant au gouvernail, la croissance sera immédiatement au rendez-vous. Evidence incontestable et qu’il n’est pas besoin de démontrer. L’Europe subjuguée se convertira aux recettes hollandaises ; les traités seront révisés pour enregistrer ces merveilleuses trouvailles dans une unanimité telle que les sommets ne seront plus que de convention. 

            L’Amérique, la Chine, les pays émergents dont le masochisme est bien connu, se mettront avidement à l’école du nouveau président de la République française qui les flagellera de ses règles dont le nombre incalculable les fera gémir de volupté. Les islamistes n’auront pour la France que des sourires : ils n’auront plus à conquérir ce qui leur sera gracieusement offert. Par anticipation, l’islam sera reconnu comme la religion majoritaire en France. Il n’y aura donc plus de terrorisme et de guerre. La France retirera ses troupes d’à peu près partout et le budget de la Défense, déplacé vers l’Éducation nationale, ne sera maintenu que pour le minimum du défilé du 14 juillet. Les réformes sociétales, dans une conception hardie de l’écologie, favoriseront tout ce qui est contre nature, et comme il convient, au nom d’une implacable liberté, interdiront non seulement d’encourager mais même de penser le contraire !

     

    L'épine

            Toute la presse soutenue, payée par « le gros argent » de gauche – inutile de donner les noms – et pour qui curieusement Hollande n’éprouve que de la sympathie, fera campagne pour lui ouvertement.

            À l’heure actuelle, sauf, renversement de tendances, c’est le candidat qui est donné vainqueur. Mélenchon, malgré ses coups de gueule, lui donnera ses voix, quitte à les monnayer pour les législatives. Dans cette hypothèse, la France se retrouvera intégralement à gauche, de haut en bas, alors qu’elle n’est pas de gauche ; elle l’est artificiellement, les vrais politologues le savent bien.

            Nicolas Sarkozy, dimanche soir 29 janvier, après que ces lignes seront écrites, expliquera les réformes qu’il propose pour essayer de sortir de la crise mais dont les effets ne pourraient que s’étaler dans le temps. Et le temps lui manque ! Et son bilan, c’est ainsi en France, ne plaidera pas pour lui. Il est mal pris dans une mécanique institutionnelle qui le broie : plus il en fera pour se montrer actif jusqu’au dernier moment, plus l’opinion le critiquera, et s’il n’en fait pas assez – et cette même opinion jugera que, vu les circonstances, il n’en fait pas assez ! – il sera tenu pour responsable de tous les échecs. À quoi s’ajoute l’écrasement impitoyable d’un étau électoral : François Bayrou qui joue maintenant le patriote, lui rafle le centre droit, avec des airs de juge et de maître, et Marine Le Pen ramasse à pleines pelletées un électorat populaire qui n’en peut plus d’une situation dont la classe politique est considérée comme responsable.

            Que peut-il sortir d’un pareil imbroglio, alors que l’affaire grecque pourrit la finance européenne, que malgré les 400 milliards avancés par la BCE aux banques, en attendant l’équivalent bientôt, ni le problème portugais, ni le problème italien, ni le problème espagnol ne sont réglés, loin s’en faut ? Quant à la France, elle a beau protester contre les dégradations de ses finances et de ses institutions financières, elle est dans une situation qui la livre au bon vouloir allemand, lui-même, malgré les apparences, fort fragile.

            Les élections présidentielles et législatives ne résoudront rien. 

            S’il est une solution, elle est ailleurs. C’est d’abord d’une autre conception politique que la France a besoin. À quand un État qui soit capable de dominer les évènements ? ■

  • La révolution copernicienne de l'enseignement par Jean-François Mattéi (V/V)

    3 L’ouverture de l’école

     

            Si l’on veut comprendre la spécificité de l’institution scolaire, dans son rapport aux impératifs de la connaissance et à la vocation de l’homme à réaliser son humanité, on doit abandonner ce que les théoriciens des sciences de l’éducation appellent le « triangle didactique ». Ses trois angles seraient, dans le langage convenu de la pédagogie nouvelle, le « savoir », « l’apprenant », et le « formateur », ou, mieux encore, selon la logomachie prétentieuse des pédagogues actuels, « l’épistémologie de référence de la discipline considérée », « la psychologie cognitive » et « les contraintes de la situation de formation » (18). On voit mal d’ailleurs comment l’élève pourrait occuper le centre du système éducatif dès lors qu’on confine l’apprenant à l’un des angles de ce triangle pédagogique.

            Si l’on veut opérer cette révolution copernicienne de l’éducation qui consiste à revenir à la réalité elle-même, il faut comprendre l’originalité de l’école en tant qu’institution spécifique afin de saisir ce qu’il y a en elle de permanent et de légitime pour offrir aux hommes une ouverture vers la culture véritable.

            Si l’étymologie du grec skholé est obscure, on sait que le premier sens de ce terme est l’« arrêt » dans le cours du temps, d’où les sens de « repos » et de « loisir », comme on le voit chez Pindare dans les Néméennes (10, 85). Les expressions skholen echein ou skholen labein signifient couramment « faire une pause » ou « se donner du loisir ». Platon prendra ce terme dans le sens plus large de l’occupation propre à un homme de loisir, celui qui suspend un temps les processus vitaux et sociaux pour se consacrer à la discussion et à l’étude. À la différence des hommes qui traînent dans les tribunaux et les lieux publics, toujours à l’affût d’une méchante plaidoirie, les philosophes « ont toujours présent ce bien, le loisir (skholé), et les propos qu’ils tiennent, ils les tiennent dans la paix et à loisir (en eiréné epi skholês) » (19). Aussi doit-on distinguer deux types d’hommes, celui qui vaque aux affaires courantes, contraint par la nécessité, et celui « dont l’éducation s’est faite dans une liberté et un loisir réels (en eleuthería te kaì skholé) » (20), le philosophe ami du savoir, c’est-à-dire l’homme cultivé.

            La skholé est donc, grâce à cette pause dans l’urgence de la vie quotidienne, la plénitude d’une réflexion studieuse menée avec d’autres hommes dans un lieu spécifique que l’on nommera bientôt « école », et dont l’Académie de Platon est le premier exemple connu. Il n’y a de culture possible, de paideia – et l’on sait que ce terme est formé, au même titre que paidia, le « jeu », sur paîs, l’« enfant » – que grâce à ce moment de « repos », skholé, où l’esprit de l’homme se confronte aux grandes questions de l’existence en acceptant la discussion avec les autres. La véritable éducation, dont Platon expose la nature dans l’allégorie de la caverne, ne revient donc pas à se refermer sur ses propres ombres ; elle consiste à sortir de soi et de son absence initiale d’éducation, l’apaideusia, à la suite d’une contrainte tout extérieure, pour s’ouvrir au monde et s’orienter vers la lumière de la connaissance. La skholé est bien l’origine de cette « ouverture » de l’âme en laquelle Comenius, et, à notre époque, Jan Patocka (21), décèleront la marque de l’humanisation véritable.

            Ce que l’on appelle l’éducation traditionnelle, cette éducation libérale que l’éducation progressiste cherche à supprimer sous le prétexte de souscrire aux intérêts de la société, à défaut de satisfaire aux exigences de l’élève, a toujours conservé cet héritage philosophique dont est issu le courant humaniste. Aussi avait-elle davantage le souci de la culture de l’âme, la cultura animi de Cicéron (22), que celui de la condition sociale ou de la situation économique.
    En abandonnant la sphère de l’humanisation, qui est celle de la liberté, pour se vouer à la sphère de la socialisation, qui est celle de la nécessité, notre culture démocratique, héritière de la culture classique et « censée être le rempart de la civilisation contre la barbarie », selon la formule de Léo Strauss, « est de plus en plus pervertie en instrument de retour à la barbarie » (23). Il y a barbarie, en effet, dès que l’on renonce à reconnaître l’humanité dans l’homme ou dans ses œuvres, et à conduire le mouvement d’hominisation en fonction de sa propre fin, pour mieux activer les processus sociaux.




            Or, l’humanisation n’est possible qu’à la condition que la société, et le pouvoir politique qui la commande, distingue clairement ce que Hannah Arendt appelait la « relation au monde » et la « relation à la vie ».
    Pour que l’enfant, quelles que soient ses origines familiales et sociales, puisse s’arracher aux déterminations qui sont les siennes et entre dans le monde public où il deviendra un citoyen, il faut laisser à l’école ce statut intermédiaire entre le domaine de la famille, tissé de processus vitaux, et le domaine de la cité, tissé de processus sociaux. Il faut interrompre un temps – le temps de la connaissance – le mouvement cyclique de la vie et de la société pour laisser sa place à cette pause originale de la skholé dans laquelle l’enfant va se confronter à l’extériorité de la culture. Cette notion d’extériorité, combattue par le pédocentrisme de la pédagogie moderne depuis John Dewey, est pourtant depuis toujours la marque de la culture et de l’éducation.

            Giorgio Colli écrivait en ce sens dans ses Cahiers posthumes :

            « Fondements de la civilisation : reconnaître ce qui est au-dehors de nous, ce qui est différent de nous. Ce qui s’appelle religion, nature, société, culture. Le signe de la décadence, c’est l’intériorisation, le fait de tout rapporter à nous : philosophie et science moderne » (24).

            Il convient donc de séparer l’éducation de la vie familiale et de la vie publique et de distinguer soigneusement les deux axes, horizontal et vertical, qui gravitent autour de l’école. Sur le premier, l’axe de la vie, on reconnaît les pôles complémentaires de la famille, refermée sur l’intimité de la vie privée et la nécessité de la reproduction biologique, et de la société, exposée à la lumière de la vie publique et à la nécessité de la production économique. En ce sens, on peut admettre que l’école est un lieu de vie, au même titre que les autres lieux, sur cet axe de socialisation où l’institution scolaire tient le milieu entre l’institution familiale et l’institution sociale.
            Mais cet axe institutionnel ne concerne que la socialisation formelle de l’enfant, considéré ici comme un sujet. Un second axe, celui de son humanisation substantielle, met en présence autour de l’école deux nouveaux pôles, le pôle de la politique qui permettra à l’enfant, devenu citoyen, d’accomplir son action dans la cité, et le pôle de la science qui autorisera l’élève à se hausser au niveau de la connaissance. Sur cet axe de la pensée, qui recoupe verticalement le précédent, l’école n’est plus un lieu de vie, mais un lieu de réflexion où l’élève, excentré de lui-même, peut devenir à la fois un homme et un citoyen.

            Entre ces quatre pôles, famille et société, politique et science, l’école est le lieu ouvert, mais autonome, où s’enracine et se développe la pensée. L’enfant ne pourra connaître et agir s’il ne commence par apprendre à penser afin de réussir ensuite à penser ce qu’il a appris. Et si la fin de la connaissance, dans l’ordre de la science, est la vérité, la fin de l’action, dans l’ordre de la politique, est la justice. C’est l’institution scolaire, comprise en ce sens, qui peut offrir à l’enfant la possibilité de s’ouvrir à la vérité et à la justice.
            Mais ce n’est pas l’élève, ni d’ailleurs le maître, moins encore l’État, qui se trouve au centre du système éducatif : l’école elle-même, comprise comme école de pensée, est seule habilitée à occuper son propre centre.

            Telle est la source légitime et inconditionnelle de sa liberté et de son autorité. Tant que le débat sur le système scolaire ne reviendra pas sur la stratégie de rupture envers l’autorité légitime du savoir, dans le sens défini plus haut, nous ne pourrons pas rectifier les échecs endémiques de l’éducation, ni édifier une pédagogie qui permette à tous les enfants d’accéder à leur humanité.

    Hélas ! Il est à craindre, si nous n’entreprenons pas cette révolution copernicienne de l’école, que l’illusion politique de demain ne vienne renforcer l’illusion pédagogique d’aujourd’hui. En renonçant à sa vocation de libération, l’État n’aura alors pas osé accomplir ce que Bachelard appelait, en conclusion de La Formation de l’esprit scientifique, l’inversion des « intérêts sociaux » : faire la Société pour l’École et non pas l’École pour la Société. (25) 




    Notes


    18 : P. Meirieux, Qui a peur des sciences de l’éducation ?, Se former +. Pratiques et apprentissages de l’éducation, bimestriel, n° 9, 1991, p. 11-12.

    19 : Platon, Théétète, 172 d 4-5, trad. L. Robin légèrement modifiée.

    20: Platon, Théétète, 175 e, trad. L. Robin.

    21 : J. Patocka, « Comenius et l’âme ouverte » (1970), l’Écrivain, son objet, Paris, Presses Pocket, 1992.

    22 : Cicéron, Tusculanes, II, 5, 13 : « cultura animi philosophia est ».

    23 : L. Strauss, le Libéralisme antique et moderne, op. cit., p. 100.

    24 : G. Colli, Philosophie de la distance. Cahiers posthumes I, Paris, Éditions de l’Éclat, 1999, p. 31.

    25 : G. Bachelard, la Formation de l’esprit scientifique



    ***************




  • Gravité de la Crise : L'heure de la politique... par Hilaire de Crémiers.

                Toutes les solutions possibles et imaginables pour sortir de la crise sont mauvaises. Et, de toutes façons, ne résoudront pas cette crise, au fond.

                La solution est donc politique, au sens fort et premier du terme, donc institutionnelle...

                C'est ce que pense Hilaire de Crémiers, qui l'écrit dans son article paru dans Politique Magazine - Juillet/Août 2010 (n° 87) :

                L’heure de la politique - Il n’est pas sûr que les Français sachent ce qui les attend, ni ce que devrait être une politique française....

    L’heure de la politique

    Il n’est pas sûr que les Français sachent ce qui les attend, ni ce que devrait être une politique française.

                Nul ne peut plus y échapper : la rigueur est maintenant …de rigueur. C’est un changement de mentalité qui va devoir s’imposer. Pendant des décennies, une, puis deux générations d’hommes de nos pays occidentaux, essentiellement dans les classes dirigeantes, ont cru au progrès indéfini que rendait possible le prodigieux développement des sciences et des techniques. Et ils pensaient que la croissance économique qui en était le fruit, serait également indéfinie. Dans leur esprit, il suffisait de toujours la doper par des procédés habiles pour obtenir les résultats escomptés.

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    Le mythe

                Et comme, dans leurs croyances, cette croissance était la fin de toutes choses, le seul but recherché de l’activité humaine, l’unique conclusion de tous leurs raisonnements, en quelque domaine que ce fût, la politique elle-même n’était plus qu’un outil subordonné. Les hommes politique, en somme, n’étaient plus chargés que d’organiser la société des loisirs, de l’abondance, du bonheur, au fond d’assurer la répartition des richesses. C’était les thèmes des campagnes électorales. Certes, il était reconnu que cette machinerie économique provoquait des dégâts sociaux et environnementaux ; il était même concédé que ces dégâts pouvaient être dramatiques, mais il suffisait d’intégrer un souci écologique, une préoccupation sociale dans les programmes électoraux pour justifier l’utilité de l’action politique. Le devoir de l’homme politique était, en fait, d’atténuer les inconvénients du système,  d’améliorer la qualité de vie, de créer des filets sociaux pour rattraper les laissés-pour-compte de la merveilleuse croissance, de la mirifique mondialisation.

                Les regards étaient détournés de la dégradation morale et sociale de quartiers entiers, de zones de plus en plus nombreuses et lépreuses, des effroyables conséquences humaines d’une immigration incontrôlée, mais aussi bien, et sans doute encore plus gravement, des fractures profondes d’une société qui ne se reconnaissait plus dans les principes qui l’avaient constituée. Peu importait : il fallait avancer toujours dans la même direction.

                Les disputes sérieuses n’éclataient que sur des questions de pilotage de la société, la plus essentielle étant de savoir qui la piloterait ! Lui, elle, ou moi ! Question primordiale !

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    Une classe politqiue qui, insensiblement mais inexorablement, s'éloigne de plus en plus des préoccupations immédiates des Français...
    Qui pilotera : lui, elle ou moi ?...

                En France, les 35 heures, la retraite à 60 ans participaient de cette croyance. L’Etat pourvoyait et continuerait à pourvoir à tout. Pour tous.

                La gauche faisait son beurre des progrès économiques et les transformait en acquis sociaux. La droite ne revenait jamais sur ces avancées ; elle ne faisait que les aménager. Le slogan de Nicolas Sarkozy en 2007 était « travailler plus » : c’était « pour gagner plus ». Il n’était jamais dit que c’était tout simplement nécessaire.

                L’essentiel des débats de fonds portaient sur les choix dits sociétaux : affirmation indéfiniment répétée du droit imprescriptible de dire et de faire n’importe quoi, de sa vie, de la vie des autres, avec pour seule norme morale et politique de ne jamais enfreindre les règles du « politiquement correct » qui servent d’armature à cette société politique en déliquescence.

                Tout cela a été admirablement dit et décrit par quelques philosophes sociaux, insuffisamment écoutés parce que leurs propos dérangeaient : des Jean-François Mattéi, des Chantal Delsol, pour ne citer qu’eux.

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     "...avec pour seule norme morale et politique de ne jamais enfreindre les règles du « politiquement correct » qui servent d’armature à cette société politique en déliquescence..."

    …et la réalité

     

                Et puis voilà que la réalité aujourd’hui, explose. Et cette réalité ne correspond plus au schéma habituel. Il est instructif de voir l’attitude des gouvernants français. Ils voient…et ils ne voient pas ; ils savent…et ils ne savent pas. C’est comme un refus d’examiner la réalité qu’ils sont cependant dans l’obligation d’examiner.

                Qui ne se souvient de Nicolas Sarkozy qui, au début de cette année 2010 si tragique, voulut rencontrer des Français sur un plateau de télévision pour répondre publiquement à leurs questions : oui, disait-il, « ça » allait mal ; mais « ça » irait mieux, question de volontarisme. La croissance allait reprendre, la chère croissance, et le chômage baisser et tout s’arranger ; l’épreuve serait de courte durée !

                Impossible de tenir pareil discours aujourd’hui ! Et pourtant, en ce début d’été, les calculs gouvernementaux s’accrochent encore à des hypothèses de croissance de 2,5 % pour les années à venir. C’est que le gouvernement a besoin de ce chiffre pour que son compte soit bon : rentrées de recettes fiscales, amélioration des comptes sociaux ; 35 milliards, grâce à cette prévision, arriveraient dans les caisses de l’Etat, lesquels s’ajouteraient à 65 milliards récupérés sur les restrictions budgétaires, les niches fiscales, l’arrêt des crédits de relance. Et voilà, croit-on, les 100 milliards atteints qui sont nécessaires au rééquilibrage des comptes de la nation et à la réduction des déficits qui est exigée tant par les marchés que par les instances européennes et mondiales !

                Mais si…Oui, si…si « ça » ne se passe pas ainsi, comme, étant donné la crise, c’est plus que prévisible…Si les manettes qu’on s’imagine tenir, ne fonctionnent plus, si la croissance se dérobe, si la baisse des recettes fiscales se poursuit, si les déficits du coup s’aggravent, si la dette devient de plus en plus chère, ce qu’elle est en passe de devenir, si les taux s’élèvent dangereusement, si la situation n’est plus tenable, si…

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     "Mais si…Oui, si…si « ça » ne se passe pas ainsi, comme, étant donné la crise, c’est plus que prévisible…Si... si... si..."

                La France a cru échapper à la rigueur ! Ne pas employer le mot, ne pas imaginer la chose est tout à fait caractéristique d’un certain état d’esprit. Mais voici que le spectre de cette rigueur abhorrée se profile à l’horizon de la rentrée : elle s’annonce en même temps que la réforme des retraites, car les déficits sociaux de 35 milliards qui ne peuvent aller, eux aussi, qu’en augmentant, ne permettent plus d’atermoyer ou de tergiverser. En même temps, le gel des dépenses frappera tous les ministères. Il a été question du gel des salaires des fonctionnaires. L’Etat n’assurera plus – et de loin – les dotations dont les collectivités territoriales ont besoin pour assumer toutes les charges dont les compétences leur ont été transférées, surtout en matière sociale. Ces mêmes collectivités territoriales sont endettées et, pour beaucoup, chargées de mauvaises dettes aux taux qui ne font qu’empirer, impossibles à gérer, que l’imprévoyance politicienne a laissé s’accumuler.

                Tout arrive en même temps : c’est dit, c’est  non dit. Quelques hauts fonctionnaires voient… quelques hommes politiques, extrêmement rares… Claude Guéant a voulu signifier à la communauté financière dans un entretien au Financial Times à la mi-juin que la France avait quelque conscience du drame qui se jouait.

                La Commission européenne dans ses recommandations du mois de juin souligne l’insuffisance des ajustements français qui sont fondés, dit-elle, « sur un scénario macro-économique beaucoup trop optimiste » ; la croissance ne sera pas à 2,5 %, mais au mieux à 1,5 %. Et le commissaire Olli Rehn, chargé des affaires économiques et monétaires, d’insister sur les risques relatifs à de fausses hypothèses de croissance et de rentrées fiscales.  Les conséquences de la crise et les décisions prises vont peser sur l’endettement français qui atteindra les 88 ou 89 % du PIB en 2011, et sans doute plus en 2012, si des corrections ne sont pas apportées. Plus de 100 % ?

                Autant dire que le plan Fillon, comme la plupart des plans, ne correspond déjà plus à la situation.

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     "...le commissaire Olli Rehn "voit" des prévisions françaises basées "sur un scénario macro-économique beaucoup trop optimiste ; la croissance ne sera pas à 2,5 %, mais au mieux à 1,5 %..."

     La politique à l’heure de vérité

     

                Au mois d’avril dernier, Papandréou avait tenu aux Grecs un discours d’union nationale. Il affirmait gravement que c’était l’avenir même de la Grèce qui était en jeu. Mais ce discours était tenu trop tard : la tempête due à l’irresponsabilité démocratique et à l’endettement massif ne pouvait plus être détournée.

                La crise sonne l’heure de la politique responsable. L’économie et les finances, aussi importantes soient-elles, sont subordonnées à la décision politique. C’est ce à quoi s’essaye Barak Obama, malgré ses propres préjugés, en affirmant, autant qu’il le peut, une autorité souveraine face au défis du monde : sauver les Etats-Unis, sauver la nation, voilà la règle. À l’heure de la marée noire et des risques financiers majeurs, c’est une évidence. La Chine dans sa volonté de puissance ne connaît que ce seul but national et c’est la raison de toutes ses décisions, y compris d’ajustement monétaire.

                La chancelière allemande, malgré sa situation politique difficile, s’est fixé pour objectif, comme toute son équipe gouvernementale, de tirer l’Allemagne de la crise, de défendre ses intérêts. Elle sera implacable. Elle a imposé sa loi à l’Europe sur les budgets, sur les règles, sur les plans, sur les sanctions. L’Allemagne ne garde, ne gardera l’euro qu’à ces conditions. Elle a décrété son propre plan d’économies de 80 milliards sans prévenir personne. Nicolas Sarkozy se trouve refait sur ses prétentions à une gouvernance économique européenne dont l’Allemagne ne veut pas plomber son redressement. Elle sait où sont ses intérêts et ses zones d’influence. N’a-t-elle pas la suprématie en Europe, même dans l’agro-alimentaire où, maintenant, elle efface la France ?

                David Cameron et son chancelier de l’Echiquier, George Osborne, ont présenté leur projet de « budget d’urgence » qui est le plan d’austérité le plus stricte qu’ait connu la Grande-Bretagne depuis la Seconde Guerre mondiale : 88 milliards de livres (106 Mds d’euros) sur les quatre ans qui viennent, dont 34 milliards de livres (41 Mds d’euros) dès la première année. Réduction drastique de toutes les dépenses , augmentation de tous les impôts…C’est qu’il faut absolument éviter une dégradation de la notation de la dette souveraine. L’Angleterre en est là, mais elle le sait. Et l’Angleterre ne pense qu’à l’Angleterre et tant pis, même pour les Etats-Unis qui ne s’y retrouveront pas.

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    Au G 20 de Toronto.
    Anglais, Chinois, Allemands, Etats-Uniens... pensent à eux, et à eux seuls.
    Et la France ?
    "Ce qu’elle semble vouloir sauver, c’est l’euro, la zone euro, la gouvernance européenne…la gouvernance mondiale…et son système de retraite par répartition !"

                L’Espagne, l’Italie, le Portugal n’arrivent pas à donner la même impression d’énergie. L’Espagne est terriblement grevée par l’état de ses banques et par les actifs douteux du secteur immobilier. Les taux de ses obligations d’Etat à 10 ou 30 ans ne cessent d’augmenter ; la barre des 5 % est ou est sur le point d’être franchie ; et il lui faut trouver 110 milliards d’ici la fin de l’année.

                Et la France ? Terrible question. Ce qu’elle semble vouloir sauver, c’est l’euro, la zone euro, la gouvernance européenne…la gouvernance mondiale…et son système de retraite par répartition !

                Au G20, à Toronto les 26 et 27 juin, elle prétend briller et imposer ses vues. Mais ses partenaires décideront sans elle, y compris sur les taxes bancaires et les régulations financières, en fonction de leurs intérêts : ce sera déjà fait quand ce magazine paraîtra.

                La BCE, dans son bulletin mensuel de juin, a signalé le risque d’une insolvabilité de plusieurs grosses banques européennes : « La probabilité d’un défaut simultané d’au moins deux groupes bancaires importants et complexes de la zone euro a fortement augmenté le 7 mai à des valeurs plus hautes qu’au lendemain de l’effondrement de Lehman Brothers… ». Autant dire que la crise est devant nous. A bon entendeur, salut.

                Dans de telles circonstances il faudrait un gouvernement français qui ne pensât qu’à la France. La politique française retrouverait quelque grandeur.

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  • Une guerre des monnaies ? Non, la guerre économique ! par François Reloujac

            Depuis qu’en août 1971 le président Nixon a décidé de rompre le lien qui unissait le dollar à l’or, toutes les monnaies du monde « flottent ». 
     
           Elles flottent les unes par rapport aux autres, mais aussi par rapport à toute valeur externe intrinsèque. C’est ainsi que le but a été atteint : les États ont pu continuer à faire croître, comme jamais auparavant, leur masse monétaire nationale sans risquer de relancer l’inflation. Cette croissance de la masse monétaire a essentiellement bénéficié à l’envol de la valeur des actifs financiers détenus par les grandes entreprises multinationales qui ont ainsi pu devenir plus riches et plus puissantes que bien des États. Grâce au libre échange et à l’activisme de l’Organisation mondiale du commerce, l’accès libre aux produits en provenance des pays où la protection sociale et les retraites sont inexistants ont permis de contenir les salaires. Mais on a aussi rompu le lien entre la croissance de la masse monétaire et l’envol généralisé des prix et salaires. On n’a pas pour autant changé les lois économiques.

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    Christien Lagarde au sommet des Grands argentiers, à Séoul : "La guerre des monnaies n'aura pas lieu...". A voir !

            L’augmentation de la masse monétaire a conduit à une dévalorisation généralisée des monnaies qui se traduit par un envol de la valeur des produits financiers, par une augmentation sans fin des prix de l’immobilier et par un gonflement sans précédent des prix des matières premières. Comme on a dévalué le prix du travail (par un maintien de la pression du chômage grâce à l’abolition des frontières) en même temps que la valeur de la monnaie (par une augmentation sans précédent de la masse monétaire), on a donné l’illusion d’une disparition de l’inflation. Du coup, la valeur des biens qui n’étaient pas atteints par cette dégradation générale, a paru s’envoler dans un phénomène de bulles. Désormais, il existe apparemment deux sortes de bulles : celles qui résultent d’une véritable spéculation et celles des produits rares mais indispensables. Seules les premières peuvent exploser à tout moment. Les secondes ne font que traduire le gonflement artificiel de la masse monétaire et donc la dévalorisation continue de toutes les monnaies. 

      

            Comme il n’y a plus de monnaie de référence ni de véritable monnaie internationale indépendante, toute baisse intrinsèque de la valeur d’une monnaie passe dans un premier temps totalement inaperçue. Dans un monde ouvert, une monnaie faible – par rapport aux autres – favorise les exportations et défavorise les importations ; elle devient donc une arme qui remplace les anciennes barrières douanières. Le « franc fort », autrefois cher à Monsieur Trichet, favorisait les importations et permettait ainsi de peser sur le marché du travail, ce qui, par contre coup, permettait de freiner l’inflation affichée en limitant la hausse des salaires… mais favorisait aussi la hausse de la valeur des actifs financiers spéculatifs.  

     

    Le meneur de jeu 
     

            Puis la crise est arrivée. Les montants de crédit non remboursés dans l’affaire des subprimes étaient très largement supportables, sauf que, du fait de la titrisation, on ne savait plus quel établissement financier allait y perdre. Dès lors, les banques ne se sont plus fait confiance entre elles et la circulation financière s’est arrêtée… ce qui n’a pas fait l’affaire des États qui comptaient sur celle-ci pour continuer à dépenser plus que n’y autorisaient les impôts prélevés. La machine à s’endetter s’est alors emballée tandis que l’effondrement des valeurs financières a produit ce que l’on appelle un « effet pauvreté ». Les ménages, se voyant moins riches, ont commencé à freiner leurs dépenses. Le commerce s’est enrayé. Or, comme les populations des pays qui se croyaient riches ne consomment plus, que le taux de chômage augmente et que l’envol de la dette publique ne permet plus aucun plan de relance et risque même de conduire à un effondrement des subventions et autres prestations sociales, il ne reste plus qu’une voie : relancer le commerce international. Pour cela il faut faire baisser la valeur de sa monnaie par rapport à celle des autres. 

            Dans ce modèle économique ce qui compte le plus ce n’est pas véritablement la production de richesses nouvelles mais le commerce et surtout les échanges monétaires et financiers. Or, comment mieux stimuler ce commerce qu’en incitant à la consommation, fut-ce au prix d’un endettement toujours plus important ? Peu importe que des ménages surendettés ne puissent plus rembourser leurs emprunts, pourvu que la masse monétaire en circulation soit devenue telle que la valeur des actifs financiers soit incomparablement supérieure à celle des biens réels. Pour tenir l’équilibre, il suffit d’autoriser les banques à spéculer pour leur propre compte. Avec l’affaire Kerviel, la Société Générale a perdu en une seule fois la valeur de plus de 20 000 crédits immobiliers accordés à des clients qui n’auraient pas commencé à rembourser un centime de capital. 

             L’inconvénient pour les Américains est que leur principal partenaire commercial, la Chine, a arrimé la valeur de sa monnaie à celle du dollar, comme Dupond s’était accroché à Dupont dans la fusée qui les emmenait vers la lune… jusqu’à ce que Tintin réussisse à y rétablir la pesanteur ! Mais la Chine n’a pas l’intention de laisser le yuan tomber tout seul. « Les États-Unis ne peuvent pas, pour des raisons intérieures, faire supporter à d’autres pays leurs problèmes économiques et d’emploi », a ainsi déclaré le porte-parole du ministère chinois du Commerce, Yao-Jian. Dans la chute, la Chine sait que les États-Unis seront toujours en dessous et qu’ils amortiront le choc. Mais elle s’emploie aussi à desserrer l’étreinte. Depuis quelques temps déjà, elle se défait des Bons du Trésor américain pour acheter des yens, acculant ainsi les autorités nippones à ramener à zéro leur taux directeur ! La Chine sait qu’au-delà des incantations politiques américaines, les réactions psychologiques des agents économiques sont plus complexes et les conséquences économiques moins assurées. Elle vient d’ailleurs d’en administrer la démonstration le 19 octobre 2010 en décidant unilatéralement, et par surprise, de relever de 0,25 % les taux des dépôts et crédits en banque. Cela aurait dû faire monter le cours du yuan ; cela a fait monter le cours du dollar, chuter le cours du baril de pétrole et le cours des Bourses européennes et australiennes. Il semblerait que les programmes informatiques qui déclenchent automatiquement les opérations sur les marchés financiers sont tels que lorsque le yuan s’apprécie, ils anticipent un risque de ralentissement de l’économie chinoise conduisant à une diminution des exportations allemandes et à une baisse des exportations australiennes de matières premières. 
     
    On a toujours les conséquences 

             En fait, ce sont les États-Unis qui continuent à mener le jeu comme l’a expliqué Martin Wolf dans Le Monde du 19 octobre : « Les États-Unis voudraient pousser le reste du monde à l’inflation tandis que le monde cherche à engager l’Amérique dans la déflation ». Cela tient au rôle exorbitant que joue le dollar dans l’économie mondiale. Dans une politique qui oblige les Américains à ne pas pomper la richesse des autres États par une « dévaluation concurrentielle », le G 20 réuni à Gyengju en Corée du Sud, n’a pu que « suggérer » aux États de « s’abstenir de toute dévaluation compétitive » ! Quant au ministre brésilien des finances, Guido Mantega, il n’a pu que dénoncer cette « guerre des monnaies » ! Non, Monsieur le Ministre, il ne s’agit pas simplement d’une « guerre des monnaies », mais d’une « guerre économique » totale ; les monnaies ne sont que l’arme actuellement la plus utilisée. Cependant, elle paraît tellement inefficace qu’Ulrich Leuchtmann considère que la situation actuelle « crée l’impression que la Fed est impuissante et prise de panique au lieu d’instiller la confiance sur sa politique monétaire ». Cette utilisation de l’arme monétaire n’a de raison d’être que dans la mesure où elle permet de gagner du temps pour préparer une véritable contre-attaque économique. Mais pour cela il faut faire un bon diagnostic. Pascal Lamy vient de se féliciter du fait que, depuis le début de la crise, les États n’ont pas succombé aux sirènes protectionnistes telles que le relèvement des barrières tarifaires ou, pire, la lutte contre le dumping social (sic). Dans la mesure où ses États reconnaissent que leur première priorité est de donner à leurs populations les conditions qui leur permettent de vivre dignement de leur travail, alors que l’idéologie du moment leur interdit toute mesure qualifiée de protectionniste, il ne leur reste plus que l’arme monétaire. La consommation domestique de populations surendettées dans des pays où la dette publique explose, ne permet plus de soutenir la « croissance ». Celle-ci ne peut plus venir que des exportations et donc des « dévaluations compétitives ». Or cette arme n’est utilisable que si la production globale du moment est adaptée aux besoins réels de la population, à l’exploitation non prédatrice des ressources naturelles et à la répartition harmonieuse des fruits de l’activité économique entre les producteurs et les consommateurs. 

     

            Le professeur Hülsmann n’a-t-il pas raison, lui qui pense que ce qui est en cause, c’est d’abord notre actuelle structure de production ? Pour lui, nos industries « qui sont aujourd’hui en difficulté ont fait des investissements qui ne se rentabilisent que dans le monde des richesses imaginaires » de la spéculation financière. Ils ne se rentabilisent pas dans le monde de l’économie réelle. Donc, lorsque les États soutiennent par des mesures financières artificielles ces industries en difficulté, ils ne font qu’aggraver la crise au lieu de permettre d’en sortir. Cette vision peu optimiste des choses devrait pousser les Européens à s’interroger sur les conséquences inéluctables du système mis en place avec le Traité de Maastricht et conforté par celui de Lisbonne. Car ce système conduit inexorablement à une surévaluation relative de l’euro par rapport aux autres monnaies du monde, au prix d’une rigueur interne sans précédent. Cela fragilise les exportations des États européens vers les autres pays (et pèse donc sur l’emploi intérieur) et, en même temps, freine considérablement la demande interne. Tous les ingrédients d’une récession durable sont réunis. Le président Sarkozy, qui doit prendre ce mois-ci la direction du G 20, va-t-il réussir à réformer le système monétaire international, ainsi qu’il l’avait promis voici maintenant deux ans ?

    Publié dans le numéro 90 - novembre 2010 - de Politique Magazine.

  • Livres • Bienvenue dans le pire des mondes ... Plongée dans les abysses de la pensée dominante

     

    Par Jean-Paul Brighelli 

    Du Brighelli comme on l'aime : plume alerte, directe, détendue; analyses sans concession, percutantes, justes; intelligence en éveil au sens critique redoutable; et, volens nolens, ici résolument antimoderne. Instructif et délectable.  LFAR

     

    2304514035.2.jpgLe 23 ou 24 novembre dernier, j’ai acheté le Monde — je me souviens à peu près de la date, parce que l’événement est tellement rare qu’il fait tache : je n’ai pas trop à cœur de financer l’un des journaux officiels (avec Libé) de la mondialisation décomplexée.
    Gaïdz Minassian y étalait sa bêtise et sa collaboration à la pensée unique dans une critique du livre tout frais sorti, signé du Comité Orwell, Bienvenue dans le pire des mondes (chez Plon, qui a cru vendeur de mettre Natacha Polony sur la couverture : du coup, elle est l’invité préférentielle, et même quand elle est à l’antenne avec Jean-Michel Quatrepoint, c’est elle que Ruquier fait parler, alors même qu’elle n’a pas, dit-elle, « écrit les meilleures parties du livre »).

    Le Comité Orwell est composé de journalistes de tendance souverainiste — entendons qu’ils revendiquent la souveraineté de la pensée, au service de la souveraineté de la France.
    (Et déjà, j’ai bien conscience de ce qu’a d’incongru une telle phrase, à une époque où parler de « la France » est une offense à la diversité, aux communautés, aux indigènes de la République et au libre droit des individus à cracher à la figure de Marianne — et à choisir la servitude volontaire).
    Ils ont souvent côtoyé, justement, Marianne — le magazine, du temps où il n’était pas patronné par cette cornegidouille de Renaud Dély, qui y a ramené tout ce que l’Obs, où il sévissait auparavant, a de boboïsme vendu. Tant pis pour les amis que j’y ai encore, et qui font le gros dos en attendant que…
    Le Comité Orwell, qui compte donc quelques belles intelligences, a rassemblé ses idées en un corps de doctrine, et balaye en 200 pages serrées les questions d’éducation (louanges à un livre qui explique benoîtement aux politiques aveugles que c’est la pierre fondamentale, et que Najat Vallaud-Belkacem est le bon petit soldat de l’apocalypse molle dans laquelle nous entraîne le « soft totalitarisme » — c’est le sous-titre de l’ouvrage — mis en place par la mondialisation, l’Europe bruxelloise, et l’empire américain), d’économie — analyse tout à fait lumineuse —, la démocratie, « nouvel habit de la tyrannie », et de « l’art de dissoudre les peuples » dès qu’ils ne votent pas comme vous voulez. 

    Revue de détail.

    Orwell est convoqué — c’est bien la moindre des choses — dès les premières lignes : « Parler de liberté n’a de sens qu’à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre ». C’est que le radical de liberté a été pas mal galvaudé ces derniers temps, comme s’amuse à le faire (c’est un ouvrage très bien écrit, par des gens cultivés à l’ancienne, autant en profiter) la troisième phrase du livre : « Face à une idéologie dominante « libérale-libertaire », qui fait du libre-échange mondialisé un horizon indépassable et du primat de l’individu sur tout projet commun la condition de l’émancipation… »
    Disons tout de suite que c’est là la ligne de force du livre : l’atomisation du bien commun en appétits individuels, l’exaltation de l’individu afin de mieux l’asservir à ces appétits qui ne sont plus même les siens, mais ceux des firmes qui les concoctent et les leur vendent, et la combinatoire létale du néo-libéralisme (rien à voir avec le libéralisme tel qu’on le trouve par exemple chez Stendhal, où c’est essentiellement un refus de la monarchie constipée de la restauration : le néolibéralisme est « un modèle de libre-échange total et global »), et de cette pensée libertaire, nourrie de déconstruction, de « relativisme culturel » et de pédagogisme, qui s’est infiltrée dans ce qui fut jadis la Gauche et qui est aujourd’hui l’idiot utile de la dissolution nationale et du communautarisme (un gouvernement sensé commencerait par dissoudre le Parti des Indigènes de la république, dont le livre souligne assez qu’il tient un discours raciste). De la vraie liberté, plus de nouvelles. D’où « le sentiment que, par bien des aspects, nous ne sommes plus tout à fait dans ce qu’on peut appeler un régime démocratique ». Bref, la liberté, c’est l’esclavage — mais qui a lu 1984 était au courant.
    Comment ? Vous n’êtes pas pour l’ouverture ? Vous êtes donc pour la fermeture ? Le repli sur soi ? Le pouvoir a le pouvoir de manipuler les mots, il a tout ce qu’il faut de journalistes aux ordres et d’intellectuels auto-proclamés pour ça. Et ceux d’en face, ceux qui ne lèchent pas les cols de chemise de Bernard-Henry Levy, ne sauraient être que des « pseudo-z-intellectuels », comme dit l’autre.

    Pourquoi « soft totalitarisme » ? Par extension sémantique du « soft power » qui a pris le pouvoir dans notre monde sans guerre (sans guerre chez nous, quoique…) en diffusant un modèle culturel unique afin de mieux vendre un système économique unique. La grande réconciliation de Marx et de Gramsci. Le « It’s the economy, stupid » de Bill Clinton nappé d’une sauce TF1 / M6, afin que vous ne réalisiez pas que ce que vous mangez vous mange. Et de convoquer cette fois Huxley : « Un état totalitaire vraiment efficient serait celui dans lequel le tout-puissant comité exécutif des chefs politiques et de leur armée de directeurs aurait la haute main sur une population d’esclaves qu’il serait inutile de contraindre, parce qu’ils auraient l’amour de leur servitude. La leur faire aimer — telle est la tâche assignée dans les Etats totalitaires d’aujourd’hui aux ministères de la Propagande, aux rédacteurs en chefs des journaux et aux maîtres d’école. » C’est dans le Meilleur des mondes, et ça date de 1932. Avant même que le Propagandaministerium donne sa pleine puissance. Le soft totalitarisme est la revanche de Goebbels. La Boétie, je t’entends ricaner dans ta tombe !
    Bien sûr, c’est l’imminence de l’élection présidentielle qui a rendu urgentes la rédaction et la parution de ce livre. « Parce que la France ne peut se permettre de jouer une élection pour rien. Parce qu’elle est au bord de l’implosion, prise en tenailles entre le totalitarisme islamique et le soft totalitarisme dont la première caractéristique est qu’il ne se soucie nullement de cette barbarie qui n’entrave en rien sa progression. » Citoyen, si en avril prochain tu ne fais pas de ton bulletin de vote un pavé à lancer au visage de l’oligarchie qui ronronne aux manettes, il ne te restera plus qu’à te noyer dans le sirop d’oubli que te déversent le GAFA — Google / Apple / Facebook / Amazon — et Microsoft, qui n’entre pas dans l’acronyme, mais qui a su s’offrir l’Education Nationale française pour une poignée de cacahouètes.

    « L’Ecole fut le lieu de baptême de la démocratie ; elle en sonnera le glas ».
    L’accent mis sur l’oral (qui remonte quand même aux années 1960, sous la férule, à la DGESCO, d’un certain René Haby), la répudiation de toute culture autre que le fast food pour neurones atrophiés, et jusqu’à la réforme du collège et son cortège d’EPI, tout concourt à « la destruction des barrières culturelles freinant le déploiement généralisé du néolibéralisme et de son corollaire, la globalisation », et au « formatage des individus pour qu’ils adhèrent avec ferveur au modèle qui leur est proposé dans une insistance toute bienveillante ». Voilà comment en trois décennies ont a transformé en cancre un système éducatif qui fut le meilleur du monde — mais l’élitisme, c’est mal. L’éducation, rappelle les auteurs, fut jadis libérale — rien à voir avec les abus ultérieurs du terme : « Cette expression désigne une conception humaniste de la transmission des savoirs à travers l’étude des grandes disciplines » — voir la lettre de Gargantua à Pantagruel : « Maintenant toutes les disciplines sont restituées, les langues instaurées, le grec sans lequel il est honteux qu’une personne se dise savante, l’hébreu, le chaldéen, le latin. Des impressions fort élégantes et correctes sont utilisées partout, qui ont été inventées à mon époque par inspiration divine, comme inversement l’artillerie l’a été par suggestion du diable. Tout le monde est plein de gens savants, de précepteurs très doctes, de librairies très amples, tant et si bien que je crois que ni à l’époque de Platon, de Cicéron ou de Papinien, il n’y avait de telle commodité d’étude qu’il s’en rencontre aujourd’hui. » Du XVIème au XIXème siècle, magnifique progression. Du XXème au XXIème siècle, remarquable régression. Voici que l’éducation, via les « compétences » imposées par la Stratégie de Lisbonne en 2000 (« les compétences sont la version moderne et technocratique des ces « savoir-faire » et « savoir-être » que des pédagogues bienveillants ont voulu substituer aux savoirs jugés élitistes et discriminants »), n’a plus pour but que de développer l’employabilité des futurs consommateurs — un mot qui commence mal. L’employabilité, mais pas l’emploi effectif. Dans le cauchemar climatisé des transhumanistes, l’espèce humaine se robotisera ou disparaîtra. Déjà Lactalis ne fabrique plus l’infâme truc plâtreux et pasteurisé appelé « camembert Président » qu’avec deux employés. Le reste, c’est le tour de main de la machine.
    Et contrairement à ce que nous serinent la plupart des politiques, « la globalisation n’a pas oublié l’éducation, c’est même son terrain de jeux prioritaire ». Parce qu’il est de toute première urgence de fabriquer les citoyens modèles d’un monde où la volonté des multinationales s’est substituée déjà au pouvoir des Etats — et que c’est l’un des enjeux centraux des échéances à venir : soit vous votez pour des partis qui veulent restaurer l’Etat et la Nation, soit vous êtes morts en croyant être vivants.
    La cible de choix de ses processus déstructurants, ce sont les classes moyennes, dont la lente émergence avait constitué l’histoire du XVIIIème au XXème siècle. Parce que c’est l’envie de culture, associée à l’envie de mieux-être de ces classes mouvantes qu’il faut éradiquer — et qui est le noyau dur de la résistance à la mondialisation. Se cultiver, c’est entrer dans le champ illimité du libre-arbitre. Déculturer le peuple, c’est ce à quoi se sont ingéniées toutes les politiques éducatives depuis trente ans ou quarante ans : le livre analyse en détail ces trois temps forts que furent la renonciation à la convertibilité du dollar en 1971, le tournant de la rigueur en 1983 et la célébration du bicentenaire en 1989, coïncidant avec les premières tergiversations sur le voile islamique et à trois mois près avec la chute de la maison Russie. La méritocratie permettait à quelques fractions du peuple d’accéder à l’élite — qui n’entend plus aujourd’hui laisser la moindre part de gâteau à des enfants exogènes à l’oligarchie dominante. Voter pour les mêmes, c’est se condamner, et condamner vos enfants, à stagner à tout jamais — en fait, à régresser sans cesse jusqu’à ce qu’un salaire universel minimum — les Romains faisaient déjà ça très bien dans les cirques où étaient célébrés les jeux du cirque et de TF1, avec distributions de blé afin de nourrir les (télé)spectateurs — leur permette de végéter sur les mages d’un système qui se goinfrera sur leur dos. On y est presque — la Finlande, ce modèle des anti-modèles qu’on nous sert depuis quinze ans que PISA décide de nos destinées, vient de s’y mettre.
    J’avais pris une foule de notes supplémentaires — c’est un livre très dense, dont chaque phrase fait mouche et ouvre la pensée sur les abysses de la pensée dominante. Jamais Cassandre n’a parlé avec tant d’éloquence. Mais je vais en rester là — vous n’avez qu’à l’acheter, vous ne serez pas déçus. 

    Jean-Paul Brighelli
    Enseignant et essayiste, anime le blog « Bonnet d'âne » hébergé par Causeur.

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    Comité Orwell

  • Le mépris du peuple et L'insécurité culturelle : les livres que doit lire Manuel Valls ... Selon Alexandre Devecchio *

     

    Alexandre Devecchio voit dans les résultats des départementales la preuve de la rupture entre la gauche et le peuple. Il conseille au Premier ministre la lecture de deux essais qui analysent ce qui se passe dans les tréfonds de la France populaire. Ce ne sont pas là des analyses ou des thèses réactionnaires, au sens de la tradition, ou de ce que nous nommons ainsi. Ce sont néanmoins des réflexions en parfaite réaction contre le Système. Et si nous n'en acceptons pas nécessairement tous les éléments ni toutes les conclusions, force est de constater, selon l'expression d'Alexandre Devecchio, leur caractère subversif du dit Système. Et ce, avec beaucoup d'autres ! Un flot ! Une vague ! Nous n'aurons pas lieu de nous en plaindre, Raphaël Glucksmann dût-t-il en être effrayé encore davantage. Lafautearousseau    

     

    Ce soir, les formations républicaines ont tenu leur place. Ce soir, l'extrême droite, même si elle est trop haute, n'est pas la première formation politique de France », a martelé Manuel Valls après le premier tour des départementales. Et de souligner: « Je m'en félicite car je me suis personnellement engagé. Quand on mobilise la société, quand on mobilise les Français, ça marche ». Une autosatisfaction qui ne doit pas masquer la réalité de ce scrutin. Certes, la déroute de la gauche a été moins lourde que ne le prévoyaient les sondages et le Premier ministre obtient un sursis politique jusqu'aux régionales. Mais le PS reste le grand perdant de la soirée. Avec moins de 20% des suffrages exprimés selon CSA, il est évincé d'environ 500 cantons dès le premier tour. Quant au FN, il obtient le meilleur score de son histoire et s'enracine dans les territoires de la France périphérique. Les classes populaires, raison d'être de la gauche, se détournent de celle-ci au profit du parti de Marine Le Pen. Entre les deux tours, Manuel Valls a pourtant décidé de persévérer dans l'incantation antifasciste qualifiant le « Ni-ni » de Nicolas Sarkozy de « faute morale et politique ». Si cette stratégie peut s'avérer payante dans l'immédiat, elle ne règle pas le problème de fond : la gauche a perdu le peuple. Pour certains observateurs, cette troisième défaite du PS après celle des européennes et des municipales est synonyme de mort lente. Manuel Valls, le 5 mars dernier, déplorait le silence des intellectuels. On lui conseillera de lire deux essais qui tentent d'analyser ce qui se passe dans les tréfonds de la France populaire : Le mépris du peuple, comment l'oligarchie a pris la société en otage de Jack Dion (Les Liens qui libèrent) et L'insécurité culturelle de Laurent Bouvet (Fayard).

    ● Le mépris du peuple

    Dans Le mépris du peuple, fidèle à son style incisif, le directeur adjoint de la rédaction du magazine Marianne, adopte le ton du pamphlet. « Marine Le Pen serait bien inspirée d'envoyer un message de remerciement à tous les idiots utiles qui lui ont fait la courte échelle, de BHL à Harlem Désir et à Jean-Christophe Cambadélis - les parrains de SOS racisme - en passant par quelques étoiles de moindre écla t» écrit Dion. Car pour le journaliste, la montée du FN est avant tout le résultat de trois décennies de diabolisation. Loin de l'avoir fait reculer, celle-ci est au contraire devenue sa principale arme: « Le bulletin FN est celui que l'on jette à la figure des notables (…) Nombre de salariés humbles, oubliés, déclassés, humiliés, abandonnés, ont fini par se dire que, si la caste politico-médiatique - celle qui fait l'unanimité contre elle - tape sur le FN, c'est que ce dernier n'est peut-être pas si pourri que ça ! ».

    La deuxième clef pour comprendre l'attrait des classes populaires pour le parti de Marine Le Pen, est, selon Jack Dion, l'alignement du PS sur les thèses néo-libérales. L'auteur regrette la métamorphose de François Hollande après son élection: « L'ennemi déclaré de la finance», s'est mué en «ami des grands argentiers », « l'homme de gauche critique à l'égard du lobby bancaire » s'est transformé en « partisan acharné de la non-réforme bancaire ». S'il achève de briser le lien de confiance entre les citoyens et les politiques, le virage à 180 degrés de François Hollande n'est guère surprenant. Comme l'explique Dion, il s'inscrit dans une lente évolution du PS depuis le tournant de la rigueur de François Mitterrand en 1983. « La première loi bancaire au monde ayant mis fin à la séparation entre banques d'affaires et banques de dépôt a été votée en France le 24 janvier 1984 par le président socialiste.», rappelle le journaliste. Suivront en 1986, la loi Bérégovoy sur la déréglementation financière généralisée.

    La même année, l'Acte unique européen consacre la libre circulation des personnes, mais aussi des biens et des capitaux. Pour Dion, « les marchés ne remercieront jamais assez le PS, avec l'aide efficace de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne à Bruxelles.». Non seulement, l'avènement de l'Union européenne marque le triomphe de la finance sur la politique, mais aussi celui de la technocratie sur la démocratie. « Faute de construire l'Europe des peuples dont rêvait Fernand Braudel, on a bâti l'Europe contre les peuples, en instaurant le pouvoir conjoint des oligarques et des eurocrates », conclut Dion. Et gare à ceux qui osent remettre en cause ce système. Les voilà immédiatement rejetés dans le camp des populistes, comme si « peuple » était un gros mot et qu'en faire usage était la preuve d'une dérive contraire aux valeurs universelles. Ainsi, d'après l'auteur, le débat sur le traité constitutionnel européen de 2005 a été ramené à un « clivage entre les gens de biens, membres d'une avant-garde éclairée, et les gens de peu, ignorants, bêtes et revêches ».

    Dix ans plus tard cette fracture entre l' « élite » et le « peuple » perdure et bénéficie essentiellement au FN. Plus encore que l'UMP, le PS en subit les conséquences, sans doute parce que depuis la quasi disparition du Parti communiste, celui-ci était censé incarner l'espérance des plus modestes. Manuel Valls ferait bien de méditer ce constat qui rejoint celui d'autres intellectuels de gauche: Régis Debray, Jean-Claude Michéa, Christophe Guilluy ou Jean-François Kahn. On regrettera cependant que Jack Dion élude certaines problématiques : la question de l'immigration est évoquée au détour de quelques lignes tandis que celles de l'islam ou du mariage pour tous sont tout simplement passées sous silence. L'analyse de l'auteur est fondée sur une grille de lecture marxiste des évènements où l'économie et le social priment sur les enjeux sociétaux. Si celle-ci s'avère souvent pertinente, elle ne permet pas de comprendre entièrement la singularité d'une crise dont les ressorts sont également profondément identitaires.

    ● L'insécurité culturelle

    Manuel Valls pourra donc compléter cette lecture par celle de L'insécurité culturelle de Laurent Bouvet. Le style du politologue est plus consensuel et apaisé que celui de Dion, mais son propos n'est pas moins subversif. Pour l'auteur, la crise économique ne suffit pas à expliquer la montée du FN: « elle témoigne aussi d'un doute profond et insidieux sur ce que nous sommes, sur « qui » nous sommes ». Bouvet défend ainsi la notion d' « insécurité culturelle ». Celle-ci mêle deux inquiétudes nées de la mondialisation et de l'ouverture des frontières chez les classes populaires : la peur économique et sociale du déclassement mais aussi l'angoisse identitaire de voir disparaître leur héritage culturel. Pour Bouvet, l'insécurité culturelle se trouve notamment « dans les craintes exprimées à longueur d'enquêtes d'opinion par ceux que l'on nomme trop facilement les « petits Blancs », parce qu'ils rejettent l'immigration au nom de leur survie économique ou l'islam au nom de la volonté de préserver leur mode de vie».

    La grande force du FN est de répondre à cette insécurité culturelle à travers un programme qui articule à la fois protectionnisme économique et protectionnisme culturel dans une sorte de souverainisme intégral. « Le contrôle étroit des frontières que Marine Le Pen propose s'étend de manière continue des capitaux aux personnes. », souligne Bouvet. Cela explique pourquoi Jean-Luc Mélenchon ne parvient pas à concurrencer le Front national malgré un programme économique très proche. Si le leader du Front de gauche rejoint Marine Le Pen dans sa critique de la construction européenne, il se montre en revanche beaucoup plus libéral en matière de mœurs et d'immigration. Quant au PS, pris en étau entre les exigences imposées par Bruxelles et les aspirations sociales de son aile gauche, il parvient à séduire une partie de la bourgeoisie urbaine des grandes métropoles protégée économiquement et favorable aux réformes sociétales, mais est désormais rejeté en bloc par les classes populaires

    Pour Laurent Bouvet, la gauche radicale et le Parti socialiste ont pour point commun une vision individualiste et multiculturaliste de la société tournée vers les minorités culturelles. Et c'est finalement la stratégie du think thank Terra Nova, - qui, durant la présidentielle de 2012 recommandait au PS de se tourner vers les jeunes, les diplômés, les femmes et les immigrés, plutôt que vers les classes populaires - qui s'impose. Selon lui, il s'agit d'une faute politique : les intérêts catégoriels des différentes minorités sont trop disparates pour former une coalition électorale stable et cohérente. Mais aussi d'une faute morale : la gauche s'éloigne de son ambition originelle d'émancipation sociale et collective et ouvre la porte aux communautarismes sur fond de choc des civilisations. Injustement accusé de dérive identitariste, Bouvet semble au contraire profondément redouter la guerre du tous contre tous. A travers son livre, il appelle avant tout la gauche à renouer avec un projet commun. Dans une interview récente à l'excellent site Philitt, il rappelait ainsi : « Le « jeune de banlieue » et le « petit blanc » ou « Français de souche » ont davantage d'intérêts communs que divergents, ils ont en commun des intérêts sociaux notamment, et disent la même chose de ceux d'en-haut. Ils leur reprochent la relégation, l'abandon, l'oubli… les choix de politiques publiques.» Manuel Valls les entendra-t-il ? 

     

    ● Le mépris du peuple, comment l'oligarchie a pris la société en otage de Jack Dion (Les Liens qui libèrent)

    ● L'insécurité culturelle de Laurent Bouvet (Fayard).

    * Alexandre Devecchio est journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Chaque semaine, il y observe le mouvement des idées. Passionné par le cinéma, la politique et les questions liées aux banlieues et à l'intégration, il a été chroniqueur au Bondy blog. Retrouvez-le sur son compte twitter @AlexDevecchio

     

  • Culture & Littérature • Alain Finkielkraut : un néo-réac sous la coupole

     

    Par Henri BEC

     

    2015-03-20_155205_bec-village.jpgAlain Finkielkraut a prononcé son discours de réception à l’Académie française (on dit son « remerciement »), où il avait été élu en avril 2014. On se souvient que cette élection avait été accompagnée des cris d’orfraie du petit monde médiatico-bobo, scandalisé de l’élection d’un pareil réactionnaire.

    D’une part elle nous a donné le plaisir d’assister à l’effondrement d’une pensée, et peut-être même d’un système qui ne séduit plus les esprits. Les mouvements de l’histoire sont toujours lents nous a appris Jacques Bainville, ceux de la pensée également. Mais l’Académie s’est une fois de plus honorée de résister au mauvais air du temps.

    D’autre part, le discours prononcé sous la coupole n’en fut pas moins éminent : « Le nationalisme, voilà l’ennemi : telle est la leçon que le nouvel esprit du temps a tirée de l’histoire, et me voici, pour ma part, accusé d’avoir trahi mon glorieux patronyme diasporique en rejoignant les rangs des gardes-frontières et des chantres de l’autochtonie. Mais tout se paie : ma trahison, murmure maintenant la rumeur, trouve à la fois son apothéose et son châtiment dans mon élection au fauteuil de Félicien Marceau. Les moins mal intentionnés eux-mêmes m’attendent au tournant et j’aggraverais mon cas si je décevais maintenant leur attente » .

    Alors il a répondu à leur attente mais il les a déçus.

    La France s’oublie elle-même

    Dans de nombreux ouvrages dont le très controversé L’identité malheureuse, Alain Finkielkraut n’a cessé de déplorer la disparition progressive de notre culture, notre langue, notre littérature, notre religion, nos traditions et tout simplement notre art de vivre, pour en arriver à l’être désincarné dont rêve tout dictateur, notamment le dictateur consumériste américain. Et de regretter que la France « semble glisser doucement dans l’oubli d’elle-même ».

    « Notre héritage, qui ne fait certes pas de nous des êtres supérieurs, mérite d’être préservé, entretenu et transmis aussi bien aux autochtones qu’aux nouveaux arrivants. Reste à savoir, dans un monde qui remplace l’art de lire par l’interconnexion permanente et qui proscrit l’élitisme culturel au nom de l’égalité, s’il est encore possible d’hériter et de transmettre » .

    Fils d’un juif déporté, son remerciement, au terme duquel il devait, selon une belle tradition, faire l’éloge de son prédécesseur, Félicien Marceau, homme de lettres belge, condamné par contumace à 15 ans de travaux forcés pour collaboration avec l’ennemi, condamnation qu’Alain Finkielkraut juge « exorbitante » , était très attendu. « Il n’y a pas de hasard, pensent nos vigilants, et ils se frottent les mains, ils se lèchent les babines, ils se régalent à l’avance de cet édifiant spectacle ».

    Mais il eut été étonnant que Finkielkraut s’abaissât à un jeu malsain.

    Rappelant Richelieu, fondateur de l’Académie, il cite Pierre Gaxotte, l’historien de l’Action française, évoquant Blum : « Comme il nous hait ! Il nous en veut de tout et de rien, de notre ciel qui est bleu, de notre air qui est caressant, il en veut au paysan de marcher en sabots sur la terre française et de ne pas avoir eu d’ancêtres chameliers, errant dans le désert syriaque avec ses copains de Palestine ». Il reprend Simone Weil (la philosophe, pas l’autre) et affirme, comme elle l’avait écrit dans L’enracinement, avoir été étreint par le « patriotisme de compassion » … « non pas donc l’amour de la grandeur ou la fierté du pacte séculaire que la France aurait noué avec la liberté du monde, mais la tendresse pour une chose belle, précieuse, fragile et périssable. J’ai découvert que j’aimais la France le jour où j’ai pris conscience qu’elle aussi était mortelle, et que son « après » n’avait rien d’attrayant » .

    L’hommage à Félicien Marceau

    Puis c’est tout en nuances qu’il analyse l’évolution intellectuelle de Louis Carette, le véritable nom de Félicien Marceau.

    Celui-ci occupait le poste de chef de section des actualités au sein de Radio-Bruxelles, placé sous le contrôle direct de l’occupant. Lorsque la connaissance des mesures prises contre les juifs commence à se répandre, il écrit  « Je puis concevoir la dureté. Je suis fermé à la démence. Je résolus de donner ma démission » .

    « Ce geste ne lui est pas facile » commente Finkielkraut. « Deux hontes se disputent alors son âme : la honte en restant de collaborer avec un pouvoir criminel ; la honte, en prenant congé de laisser tomber ses collègues et de manquer ainsi aux lois non écrites de la camaraderie » . Il explique longuement sa démarche, « révulsé par la guerre immonde qui suscite tout ce qu’il y a d’immonde dans le cœur déjà immonde des braillards » et rappelle que De Gaulle lui a accordé la nationalité française en 1959 et que Maurice Schumann a parrainé sa candidature à l’Académie française.

    Son discours stigmatise tous ceux qui, sans nuance mélangent les époques et les hommes pour ne juger qu’à l’aune d’un moment : « Aux ravages de l’analogie, s’ajoutent les méfaits de la simplification. Plus le temps passe, plus ce que cette époque avait d’incertain et de quotidien devient inintelligible. Rien ne reste de la zone grise, la mémoire dissipe le brouillard dans lequel vivaient les hommes, le roman national qui aime la clarté en toutes choses ne retient que les héros et les salauds, les chevaliers blancs et les âmes noires » …

    … « Car les hommes prennent pour l’être vrai le système formé par la rumeur, les préjugés, les lieux communs, les expressions toutes faites qui composent l’esprit du temps. Cartésiens et fiers de l’être, ils ont le cogito pour credo. « Je pense, donc je suis » disent-ils alors que, le plus souvent, au lieu de penser, ils suivent « Les démocrates, les modernes que nous sommes, prétendent n’obéir qu’au commandement de leur propre raison, mais ils se soumettent en réalité aux décrets de l’opinion commune ».

    Et de déclarer solennellement sous cette coupole, devant les représentants de l’intelligence et de la culture française, protecteurs de la langue : « Je ne me sens pas représenté mais trahi et même menacé par les justiciers présomptueux qui peuplent la scène intellectuelle » …

    Il analyse enfin longuement l’œuvre littéraire de Félicien Marceau : « Félicien Marceau appartient à cette période bénie de notre histoire littéraire, où les frontières entre les genres n’étaient pas encore étanches. Les auteurs les plus doués circulaient librement d’une forme à l’autre et savaient être, avec un égal bonheur, romanciers, essayistes, dramaturges« .

    Contre le prêt-à-penser

    Sa conclusion résume, dans un magnifique raccourci, les pensées distillées quotidiennement par les penseurs-censeurs enfermés dans leurs certitudes, leurs caricatures et finalement leurs erreurs, grands prêtres satisfaits du penser correct :

    « C’est la mémoire devenue doxa, c’est la mémoire moutonnière, c’est la mémoire dogmatique et automatique des poses avantageuses, c’est la mémoire de l’estrade, c’est la mémoire revue, corrigée et recrachée par le Système. Ses adeptes si nombreux et si bruyants ne méditent pas la catastrophe, ils récitent leur catéchisme. Ils s’indignent de ce dont on s’indigne, ils se souviennent comme on se souvient » .

    La place manque ici pour évoquer la magnifique réponse de Pierre Nora. Le directeur des Débats a rendu un hommage appuyé à Alain Finkielkraut après le départ de quelques grincheux. Dans Marianne (oui, oui Marianne !) Laurent Nunez se demande si ces « idiots » (sic) ont bien tout compris.

    Il entretient avec le nouvel académicien, dit-il, « une amitié distante » faite de « tout ce qui nous rapproche et nous réunit : une sensibilité attentive au contemporain, un judaïsme de génération et d’enracinement décalé, un souci de l’école et de la transmission, un rapport intense à la France, à sa culture, à sa langue, à son histoire. »

    Il formule le même constat sur « la désintégration de l’ensemble national, historique et social et même sur le naufrage d’une culture dans laquelle nous avons tous les deux grandi » .

    Mais : « À mon sens, le mal vient de plus loin, de la transformation douloureuse d’un type de nation à un autre que tout mon travail d’historien a cherché à analyser. Ses causes sont multiples et l’immigration me paraît avoir joué surtout un rôle d’accélérateur, de révélateur et de bouc émissaire. En un sens, je suis, en historien, encore plus pessimiste que vous. L’identité nationale, vous disais-je, serait peut-être aussi malheureuse s’il n’y avait pas un seul immigré, car le problème principal de la France ne me paraissait pas la puissance de l’Islam, mais la faiblesse de la République » .

    Et pour finir : « L’Académie française représente, sachez-le, le conservatoire et le condensé de tout ce qui vous tient le plus à cœur : une tradition historique vieille de près de quatre siècles, la défense de la langue dans son bon usage, le respect de la diversité des personnes dans l’unité d’un esprit de famille et le maintien, par-delà l’abîme de nos différences, d’une éternelle courtoisie. La Compagnie vous a ouvert les bras, vous allez connaître avec elle ce que c’est qu’une identité heureuse » .

    Déception bien sûr de ceux qui attendaient une condamnation sans appel, sinon une exécution, de Félicien Marceau d’abord, d’Alain Finkielkraut ensuite. Aussitôt les écrans et les radios se sont fermés, les patrons de la pensée manipulée sont partis pratiquer leur terrorisme intellectuel sur une autre victime, la discrétion s’est abattue sur cette brillante entrée à l’Académie où, faut-il le rappeler, la famille d’Orléans a son siège attitré sous la coupole. Ce fut, pour l’occasion, une fille de feu le comte de Paris qu’une limousine noire aux vitres teintées a amenée jusqu’à la cour intérieure pour respecter cette règle multiséculaire. Il est plaisant de constater que l’Académie n’entend pas rompre le fil de l’histoire. 

    Politique magazine

  • Une semaine libanaise avec Annie Laurent : 2/8, Le Liban centenaire

    Annie_Laurent.jpgAlors que le Liban commémore son centenaire en 2020, le pays connaît depuis quelques mois d’importants soubresauts populaires.

    De quoi s’agit-il précisément, comment analyser la situation profonde du Liban aujourd’hui ?

    Quelle place pour les chrétiens ?

    C’est à ces questions que répond ce dossier.


    par ANNIE LAURENT

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    2/8 : Le Liban centenaire

     


    L’État libanais actuel est né en 1920. Petit panorama de son histoire jusqu’à la !n de l’occupation syrienne (2005).

     

    L’année 2020 est pour le Liban celle du centenaire. C’est en effet le 1er septembre 1920 que, par un discours solennel prononcé à Beyrouth, le général Henri Gouraud, haut-commissaire français, proclama la reconnaissance internationale de l’État du Grand Liban dans ses frontières actuelles.

    Cette naissance plongeait ses racines dans les tragédies survenues entre 1840 et 1860. Soutenus par les Ottomans qui dominaient la région, les druzes perpétrèrent alors des massacres de chrétiens dans la montagne du Chouf et à Zahlé, grande cité de la Bekaa. Le 9 juin 1861, suite à une intervention militaire destinée à secourir les survivants, Napoléon III et ses alliés européens obtinrent des Turcs la signature d’un Règlement organique instituant un « Gouvernement autonome » (Moutassarifat) pour le Mont-Liban. Celui-ci était doté d’un gouverneur nommé par le sultan et assisté d’un Conseil administratif de 12 membres issus des six principales communautés, chrétiennes et musulmanes, peuplant le territoire.

    À partir de 1864, le gouverneur fut obligatoirement un chrétien sujet de l’Empire.

    Une nouvelle étape vers l’indépendance fut franchie à l’issue de la Première Guerre mondiale, dans le contexte de la réorganisation du Levant post-ottoman. Le traité de Versailles (28 juin 1919) créa alors la Société des Nations (SDN); il instaura aussi des mandats, qui bénéficièrent à la Grande-Bretagne et à la France.

    À la première furent attribuées la Mésopotamie et la Palestine tandis que la seconde obtenait la Syrie et le Liban. La mission des puissances mandataires consistait à administrer provisoirement les populations des territoires qui leur étaient confiés en vue de les aider à s’organiser comme États souverains.

    C’est durant les travaux préparatoires du traité de Versailles que furent définis les contours du futur Liban. Dès le 9 décembre 1918, le Conseil administratif vota une motion réclamant la pleine souveraineté sur une superficie élargie englobant des régions vitales comme la plaine fertile de la Bekaa, mais aussi celle du littoral avec ses ports, ainsi que le Djebel Amel (Sud) et l’Akkar (Nord), dont le Liban avait été amputé à diverses reprises dans son histoire.

    Trois délégations officielles se succédèrent à Paris, dont l’une était conduite par le patriarche de l’Église maronite, Mgr Elias Hoayek, pour défendre ces revendications qui furent donc entérinées. Le pays du Cèdre échappait ainsi à son intégration dans divers projets régionaux qui émergeaient depuis la fin de l’Empire turc : royaume ou nation arabe, Grande-Syrie. 


    Rôle décisif de la France


    Les maronites, soutenus par la France, ont joué un rôle décisif dans l’avènement de la République libanaise. Pour eux, comme pour la plupart des catholiques d’autres rites, le Liban avait vocation à offrir aux chrétiens un État où ils seraient pleinement citoyens, ce qui n’était pas garanti par les régimes se réclamant de l’islam où la dhimmitude (protection-assujettissement), bien qu’officiellement abolie par le sultan turc en 1856, pouvait être restaurée puisqu’elle s’inspire du Coran (9, 29).

    Une partie des grecs orthodoxes, héritiers de l’Empire byzantin, préféraient cependant l’incorporation du Liban à la Syrie. Le projet de « foyer chrétien » ne se confondait pas avec un système mono-confessionnel. Les maronites n’envisageaient pas l’exclusion des musulmans (sunnites, chiites et druzes) établis sur les terres pour lesquelles ils revendiquaient la libanité. Mais, si les chiites et les druzes étaient favorables à leur incorporation au Liban, les seconds préférant cependant qu’il fût confié à un mandat britannique, la majorité des sunnites optèrent pour le rattachement du pays à la Syrie, certains allant jusqu’à refuser les cartes d’identité libanaises établies par le Haut Commissariat français.

    L’agrandissement du territoire libanais ne faisait pourtant pas l’unanimité chez les maronites.
    En 1932, Émile Eddé, figure éminente de la communauté et fondateur du Bloc national, remit au Quai d’Orsay une Note sur le Liban dans laquelle il estimait nécessaire l’abandon du Nord sunnite et du Sud chiite. Pour lui, le Liban idéal devait assurer aux chrétiens, tous rites confondus, une écrasante majorité, 80 % si possible.

    Déjà en 1919, il avait attiré l’attention du patriarche Hoayek sur le danger d’intégrer trop de populations qui risqueraient à l’avenir d’en rompre l’équilibre. Les musulmans de ce nouveau Liban devenant un jour majoritaires n’auront de cesse, soutenus par leurs frères des États voisins, de le transformer en État islamique, lui disait-il. « Vous regretterez, Béatitude, cette initiative dans moins de cinquante ans ! » (1).


    Vers l’indépendance


    En 1941, le général Georges Catroux, parlant au nom de la France libre, annonça l’abolition des deux mandats mais le Liban devra attendre deux ans pour obtenir son indépendance effective.

    L’acte fondateur fut négocié en 1943 par les deux principaux dirigeants du pays, le président de la République Béchara El-Khoury (maronite) et le chef du gouvernement Riad El-Solh (sunnite). Ce « Pacte national » prit la forme d’un compromis intercommunautaire : les chrétiens renonçaient à la protection française – d’ailleurs
    devenue pesante car, dans les faits, le mandat s’apparentait à un protectorat – tandis que les musulmans oubliaient leur rêve d’intégration arabe.

    La déclaration de R. El-Solh est significative : « Nonobstant son arabité, il [le Liban] ne saurait interrompre les liens de culture et de civilisation qu’il a noués avec l’Occident, du fait que ces liens ont eu justement pour effet de l’amener au progrès dont il jouit » (2).
    Avec la Constitution de 1926, calquée sur celle de la IIIème République française mais sans mention de laïcité, ce Pacte non écrit a constitué l’ossature des institutions libanaises jusqu’en 1989.
    Il a aussi engendré un système sui generis fondé sur des données confessionnelles, en commençant par la répartition des principales charges de l’État. La présidence de la République est réservée à un maronite, celle du Conseil des ministres à un sunnite et celle du Parlement à un chiite. La répartition confessionnelle s’applique aussi aux portefeuilles ministériels et aux sièges parlementaires. Pour les postes les plus élevés
    de l’administration (diplomatie, armée, justice, etc.) le critère confessionnel prime souvent surcelui de la compétence ou du mérite.
    En outre, chaque religion dispose de sa propre juridiction pour le droit personnel (mariage, filiation et héritage). C’est pourquoi il n’y a pas de mariage civil au Liban; de même, une musulmane ne peut pas épouser un non-musulman, sauf si ce dernier adhère à l’islam, selon une prescription du Coran (2, 221).

    Depuis quelques années, ces dispositions sont contestées par une partie de la population, mais les hiérarchies religieuses tiennent au maintien du statu quo.
    Cette « démocratie consensuelle », comme l’appellent les Libanais, est destinée à permettre aux dix-huit communautés reconnues (13 chrétiennes, dont les Arméniens rescapés du génocide de 1915, 4 musulmanes et une juive) d’être associées au fonctionnement de l’État sans perdre leur identité, ce qui soulève la question de la primauté d’allégeance de chaque citoyen.
    Il s’agit donc d’un système fragile, susceptible d’être ébranlé à la moindre secousse, interne ou externe, comme l’a montré la guerre (1975-1990).
    Celle-ci avait pour cause initiale la question palestinienne. En 1948, la création de l’État d’Israël, refusée par les pays arabes, a déclenché un conflit qui a provoqué l’exode de plusieurs centaines de milliers de Palestiniens, dont 142000 se sont réfugiés au Liban où ils ont été très bien accueillis, en particulier par les Églises.

    La défaite arabe de 1967 entraîna un nouvel afflux d’exilés. Dès 1968, le régime syrien d’Hafez ElAssad facilita leur armement au Liban-Sud sous prétexte de soutenir la guérilla anti-israélienne.
    En défendant la « cause » privilégiée des Arabes, Assad, dont la confession alaouite, minoritaire et hérétique aux yeux de l’islam sunnite, lequel est majoritaire en Syrie, cherchait à obtenir la légitimation de son pouvoir à Damas.

     

    2.jpgBéchir Gemayel (1947-1982), Samir Geagea et le général Michel Aoun, trois fortes personnalités chrétiennes du Liban.

     

     

    L’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), dirigée par Yasser Arafat, multiplia alors au Liban les installations militaires, encercla les grandes villes et organisa sa propagande, notamment auprès des journalistes étrangers. Incapables de s’opposer à cette déstabilisation à cause de la faiblesse de leur armée, les dirigeants libanais crurent pouvoir compter sur la Ligue arabe dont leur pays est l’un des fondateurs, mais celle-ci, invoquant la solidarité arabe, imposa au président Charles Hélou l’accord du Caire (3 novembre 1969) qui consacra la mainmise de l’OLP sur leur territoire. « Les Palestiniens ont fait aux Libanais ce que les Israéliens avaient fait aux Palestiniens : ils les ont transformés en réfugiés sur leur propre sol natal », remarque Jean-Pierre Péroncel-Hugoz (3).


    La guerre de 1975-1990


    C’est dans ce contexte que la guerre éclata. Le dimanche 13 avril 1975, à Aïn-Remmaneh (banlieue de Beyrouth), un commando abattit quatre chrétiens devant une église. Un moment après, un autobus rempli de Palestiniens armés rentrant d’une parade fut pris sous le feu de miliciens chrétiens que l’attentat du matin avait mis en état d’alerte. Vingt-sept Palestiniens succombèrent et la capitale s’embrasa.

    Plusieurs formations politiques chrétiennes, telles que les Kataëb de Pierre Gemayel ou le Parti National Libéral de Camille Chamoun, s’étaient préparées à la résistance armée.
    À partir de 1976, la Syrie s’imposa comme acteur majeur dans le conflit. Sous prétexte de rétablir un ordre qu’elle avait contribué à défaire en s’attachant l’allégeance de partis et personnalités libanais, druzes, musulmans et même chrétiens, Damas déploya son armée dans le pays voisin avant d’y imposer une tutelle qui sera totale de 1990 à 2005.

    Par ailleurs, à deux reprises, Israël intervint militairement chez son voisin du nord : en 1978, il s’agissait de repousser les Palestiniens au-delà du fleuve Litani, zone dont la sécurité fut ensuite confiée à une milice mixte (chrétienne et chiite) contrôlée par l’État hébreu; en 1982, Tsahal, l’armée israélienne, envahit le Liban jusqu’à Beyrouth inclus.
    Le but de l’opération « Paix en Galilée » était double : chasser l’OLP, ce qui advint la même année; signer un traité de paix avec le Liban, ce qui échoua, Béchir Gemayel, allié d’Israël et tout juste élu président, ayant été assassiné le 14 septembre 1982, peu avant sa pri