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Rechercher : qu'est-ce que le Système

  • Vous ne connaissez pas Charles Maurras ? Ou, vous aimeriez mieux le connaître ? Ce Feuilleton/Album est fait pour vous..

    Nous avons commencé la publication  de ce feuilleton "Une visite chez Charles Maurras" le jeudi 3 novembre 2023, en vue de célébrer, à notre manière, le jour du 70ème anniversaire de l'entrée de Maurras dans la Vie, le 16 novembre 1952. Et nous l'avons poursuivie jusqu'à son terme, le samedi 28 janvier 2023 (avec une seule interruption : le jour de Noël, puisque, c'est bien connu, et "racines chrétiennes obligent !", lafautearousseau fait relâche, trois fois par an, les jours de Noël, précisément, de Pâques et du 15 Août).

    Nous espérons, ainsi, avoir contribué à faire connaître et, si possible, aimer, notre Maître de Martigues. "Le semeur sortit pour semer...", dit la parabole. Nous pensons avoir semé, le reste, maintenant, ne dépend plus de nous...

    Nous proposons maintenant, quotidiennement, ce feuilleton sur la page d'accueil de notre Blog, juste après notre protestation calme et tranquille "Défendez Maurras ! Sauvez sa maison !". Deux autres documents, sur la tartuferie du reproche fait à Maurras et conduisant à son exclusion du débat politique d'aujourd'hui, forment - juste après les deux premiers - une sorte de quadrilatère quotidien sur cette page d'accueil, permettant à ceux qui ne connaissent pas Maurras, ou qui ont été intoxiqués par la des-information du Système à son égard, de se faire leur opinion...

    François Davin, Blogmestre

     

    EN FEUILLETON : UNE VISITE CHEZ

    CHARLES MAURRAS...

     

    Avec, en prime, à la fin de ce feuilleton et pour ceux qui le souhaitent : François DAVIN vous guide dans le jardin de la maison de Charles Maurras, en vous expliquant le sens et les symboles de ce jardin... 

    Première partie, 15'49 :

    Deuxième partie, 16'12 :

  • L'Europe dont les peuples ne veulent plus, par Hilaire de Crémiers*

    Le verdict populaire est sans appel. L’Europe qui était de moins en moins crédible, ne l’est plus du tout, mais tout sera fait pour maintenir le système et continuer dans la même voie. Quant à Hollande, il est devant une crise institutionnelle majeure.

     

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    François Hollande peut-il durer ? Tous les éléments sont contre lui...

     

    Le résultat des élections européennes était prévisible et depuis fort longtemps. Certains se croient obligés maintenant de s’en offusquer. Ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes. L’Europe s’est faite contre les peuples ; les peuples votent contre l’Europe : il fallait s’y attendre.

    Et d’abord par l’abstention, ce qui facilite les interprétations des commentateurs patentés, mais qui est, en fait, un vote de refus et qui, de plus, est clair et net. Pas seulement en France, mais dans toute l’Europe. à quoi s’ajoutent toutes les listes dont les programmes récusent l’Europe officielle, le Front national en tête, puisque tel est le fait qui explose à la figure des gouvernants. L’ensemble regroupe une majorité qui dit ouvertement « non » à ce qui se fabrique à Bruxelles.

     

    Signification du vote

     

    Si ce refus signifie un évident rejet d’un projet qui devient de plus en plus une abstraction de technocrates et de politiciens, il manifeste en revanche une adhésion profonde à des réalités charnelles, vivantes, nationales qui font l’histoire et donnent un sens à la vie sociale. 

    Les peuples veulent rester eux-mêmes et n’acceptent plus d’être méprisés. Ce vote n’a pu s’exprimer dans toute la limpidité de son contenu positif. Et pour cause. L’objet sur lequel il portait est par nature abscons. 

    L’Europe est devenue une machine administrative incontrôlable et, de plus, une machine partisane dont la représentation n’a aucun caractère de véracité. Les peuples en sont concrètement absents. Aussi pareil scrutin n’est qu’un système de plus qui s’ajoute aux systèmes déjà existants et dont les élus sont censés contrôler un autre système, celui de la « gouvernance européenne » d’une complexité qui frise l’absurdité quand il s’agit de politique, avec ses domaines de compétence aux contours indistincts et donc trompeurs entre le régime dit « communautaire » et ce qu’il est convenu d’appeler encore « l’intergouvernemental ». Il est des gens qui vivent de ce « machin » et dont le combat quotidien consiste à grignoter des parts de pouvoir de l’un sur l’autre.

    Cette Europe est littéralement monstrueuse ! Ainsi l’ont voulue les apprentis-sorciers qui ont imaginé, au fur et à mesure de sa construction, cette maison de fous où se côtoient des fonctionnaires d’administrations aux vues totalitaires et incohérentes, des économistes sans responsabilités réelles et, du coup, d’autant plus dictatoriaux dans leurs prescriptions, des politiciens en mal de carrière et qui jouent d’autant plus aux matamores, des prébendiers de la technostructure européenne où sévit l’art de prendre les places – après Barnier, le tour de Moscovici est venu ! –, des malins qui ont fait de ce qu’ils appellent pompeusement l’aventure européenne, leur affaire personnelle, enfin des vagabonds de toutes sortes qui se sont donnés de l’importance, de l’influence et, fort judicieusement, des rémunérations en s’assurant des postes et en usant des groupes de pression qui vivent de, par et pour l’Europe. Ajoutez quelques belles âmes aux élans mystiques de démocrates-chrétiens qui couvrent d’une rhétorique fuligineuse et prétendument spirituelle cet affreux mélange de mercantilisme, d’affairisme, de politicaillerie et de cynisme, qui s’est doté non d’un véritable droit mais d’un appareil juridique aussi immoral qu’implacable, comme toute entité de type idéologique.

    Telle est la réalité de l’Europe aujourd’hui et c’est d’une évidence telle que les gens de bon sens ne veulent plus de cet univers kafkaïen. Il fallait faire l’Europe autrement. C’eût été possible, mais, aujourd’hui, c’est raté et c’est trop tard. Ni Guaino ni Wauquiez n’y changeront rien, malgré leurs éloquentes protestations : ils sont, d’ailleurs, traités de renégats par ceux qui tiennent les rênes de leur parti. L’Europe-diktat, c’est la formule obligatoire, forcée à gauche comme à droite dans les partis dits de gouvernement.

    En dépit de tout, malgré le dégoût manifeste des peuples, dans le mépris total des réflexions de bon sens des meilleurs chroniqueurs, il est interdit de remettre en cause les dogmes de la religion européenne, à quoi il faut tout sacrifier.

     

    Quoi derrière l’Europe ?

     

    Et, pourtant, qui ne voit que la machine échappe à tout le monde. Les Anglais pragmatiques n’ont qu’une idée, la quitter, après en avoir tiré tous les profits possibles et y avoir instillé leur conception du droit privé et du droit des affaires qui annihile notre propre droit de civilisés latins. Les juristes intelligents et honnêtes – ça existe encore – savent parfaitement de quoi il retourne.

    Les Allemands ne se sentent bien dans une telle Europe qu’en y préservant leur propre souveraineté de peuple allemand que leur Cour constitutionnelle établit naturellement en norme supérieure ; ils imposent en conséquence aux autres peuples leur conception de droit public, leur méthode d’organisation économique et de direction budgétaire. L’Allemagne a opéré sa réunification par décision souveraine sur un seul et unique mark, et ce grâce à l’Europe ; et l’euro n’est rien d’autre que sa propre monnaie. Tant que l’Europe servira les intérêts allemands, en particulier à l’Est, l’Allemagne la soutiendra, comme dans l’entre-deux-guerres avant qu’Hitler ne donnât un tour violent à ses revendications. Car Hitler rêvait aussi d’Europe unifiée !

    Les autres peuples d’Europe ont cru dans l’Europe bruxelloise comme à une sorte de songe heureux d’enrichissement facile que l’abus des fonds structurels semblait justifier jusqu’au moment du retournement de situation. Car qu’est la richesse sans le travail ? La Grèce en est le plus bel exemple.

    Quant aux Français – on leur serinait cette leçon –, ils s’imaginaient que l’Europe était leur affaire, leur grande idée, une transposition au niveau international de leur conception républicaine, socialiste autant que libérale, jacobine autant que libertaire, ce modèle que, d’après leur doctrine officielle, le monde entier leur enviait : quoi de plus réjouissant, en effet, dans le genre de conception qui anime nos politiciens et leurs intellectuels stipendiés, que de réglementer, oui, comme en France, encore réglementer, toujours réglementer afin de supprimer toutes les libertés particulières si gênantes et ainsi instaurer l’Égalité dans la Liberté. C’était ça, l’Europe d’abord et aussi ! Le socialisme français ferait l’Europe libérale et l’Europe libérale se plierait aux concepts du socialisme français ! Giscard, Mitterrand, Chirac, Jospin, Sarkozy, Hollande, même combat !

    Quel mécompte ! Schengen, Maastricht, Amsterdam, Lisbonne, ce ne fut successivement que des tours de passe-passe manigancés par des politiciens sans scrupule pour, d’une matrice mal formée, accoucher leur invivable idée européenne aux forceps. Et concrètement la France a été flouée et ses intérêts les plus certains sacrifiés : la voici envahie, jetée dans le chômage,  désindustrialisée, appauvrie, vendue, rackettée.

    Voilà déjà douze ans que dans ces colonnes il était écrit que l’Europe exploserait à cause de ses contradictions et, en particulier, que l’approfondissement et l’élargissement poursuivis concurremment se révéleraient une impossible gageure. Rien n’ouvre les yeux des dirigeants français qui se sont mis à l’abri, quant à eux, des conséquences néfastes de leurs décisions qu’ils continuent d’inscrire et d’accumuler dans le fatras inepte des pétitions de principe qui leur servent de conception politique. Tant que leurs comptes seront garnis en fin de mois, ils ne comprendront rien : ils ne connaissent pas la vie des Français. Il est même des élus aujourd’hui pour le dire. Salutaire prise de conscience !

    Alors que la France crève littéralement du régime des partis, ainsi qu’à peu près tous les pays d’Europe, il faut encore que ce système devienne une norme européenne, comme une prétendue panacée démocratique. Les pays ne sont plus représentés ; la représentation est livrée aux partis ! Il est vrai que pareil système a toujours fait bon ménage avec la pire des technocraties qui n’a rien à en redouter : le réel seul lui fait peur. Rien ne pourra arrêter cette machine folle, sauf l’abîme.

    Le vote partisan, même national, n’est malheureusement pas une solution. Que peuvent faire quelques députés européens ? Rien. Rien ne sera donc fait. Sauf que tout ira de mal en pis.

     

    Hollande vers la fin ?

     

    Dans sa ridicule situation, Hollande a trouvé un « truc » de plus pour tenter d’occuper le terrain : la réforme territoriale que Valls est chargé de mettre en œuvre. Mal conçue, de manière technocratique, pour complaire aux « lobbies » européens, elle sera mal faite et ne visera qu’à supprimer des réalités françaises dont tout ce personnel politicien se contrefiche pourvu que se maintienne son système à lui.  

    De quel droit ce petit monde de gens sans culture, sans attache familiale, sans enracinement historique, sans foi, sans autre loi que leur République abstraite, sorte de déesse qui justifie tous leurs abus de droit et leur passion déréglée du pouvoir, se permet-il de décréter l’existence ou la non-existence des régions de France, de nos provinces, de nos pays ? La France et ses provinces existaient avant eux. Sont-ils nos maîtres à ce point qu’ils en décident en fonction de leurs intérêts électoraux ? Questions financières ? Voire : il est à parier que les machineries qu’ils vont construire coûteront encore plus cher, comme il arrive à chaque fois qu’ils prétendent réformer. En vérité, la centralisation comme la décentralisation sont en France des échecs depuis des décennies pour l’unique raison qu’elles ne sont plus que des instruments du régime des partis. Tout fonctionnaire un peu sagace, tout élu sincère qui se dévoue à sa tâche, le sait parfaitement. Notre décentralisation est devenue aussi monstrueuse que notre centralisation. Hollande ni Valls ni les autres qui ne sont que des hommes de parti, ne résoudront rien. Il faudrait des hommes de gouvernement et, pour l’heure, ça n’existe pas sur le marché des politiciens.

    En revanche, ces politiciens sans morale continuent imperturbablement à détruire la famille française – c’est toujours en cours –, à faire de l’éducation un levier de pouvoir pour leur domination, à corrompre les mœurs et, pire encore, les esprits. Ce qu’ils veulent, une société à leur image qui légitime un pouvoir à leur image : leur pouvoir. De fait les armes du pouvoir sont à leur service. Rien n’est pour eux plus jouissif que de voir les Français, et souvent les meilleurs gens du monde, être obligés d’obéir et de collaborer à leur œuvre de perdition : au nom de l’intérêt national ! Au nom de la France ! Jusqu’à quand ?

    Hollande pour tenir en haleine un pauvre peuple désarçonné, et alors que la France est déjà en déflation, prend le ton prophétique d’un grand pontife en extase : « la courbe du chômage va s’inverser, la croissance est là, les impôts vont baisser ». Le tout assorti de janotismes qui émaillent si habituellement ses discours et qui ajoutent au grotesque de sa mauvaise comédie. Le président devrait méditer sur le sort réservé dans la Bible aux faux prophètes. Le sage Montaigne avertissait : « C’est don de Dieu que la divination : voilà pourquoi ce devrait être une imposture punissable d’en abuser… Ceux qui manient les choses sujettes à la conduite de l’humaine suffisance sont excusables d’y faire ce qu’ils peuvent ; mais ces autres qui nous viennent pipant des assurances d’une faculté extraordinaire qui est hors de notre connaissance, faut-il pas les punir de ce qu’ils ne maintiennent l’effect de leur promesse, et de la témérité de leur imposture ? » (Essai, I, XXXI).

    Hollande n’est qu’au début de sa punition. Hélas, ce sera dur pour tout le monde.  

     

    * Analyse politique parue dans le numéro 130 (juin 2014) de Politique magazine

  • Question financière, question politique, par Hilaire de Crémiers

    (Voici l'analyse politique d'Hilaire de Crémiers parue dans le Politique magazine de septembre, n° 99)

    Malgré les propos d'Alain Minc et de Valéry Giscard d'Estaing, il n'y a plus aucune assurance à avoir dans le système financier et monétaire européen.

          Quelques chiffes : dans l’année qui vient, environ mille milliards d’euros de dettes – vraisemblablement plus –, inscrits dans le système bancaire européen, vont arriver, comme disent les financiers, à maturité. Dans les deux ans qui viennent, selon le dernier rapport du FMI, le besoin de refinancement des banques dans le monde s’élèvera à 3 600 milliards de dollars, sans doute bien davantage, car tout le monde ment ou dissimule. 

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    Les ministres des Finances signent le Pacte de stabilité européen....

            Les  banques européennes sont exposées non seulement à la dette souveraine grecque, pour laquelle elles ont déjà en partie provisionné, mais à toutes les dettes souveraines, toutes, et pour lesquelles elles n’ont pas encore provisionné et pour lesquelles il leur sera tout simplement impossible de provisionner. L’Europe ne pourra y pourvoir ; les États surendettés non plus. La Grèce, l’Irlande, le Portugal ont déjà entraîné le déblocage, tous comptes faits, de près de 350milliards d’euros, soit déjà versés, soit encore prévus. Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), doté de 440 milliards, est dès maintenant au trois quarts entamé. Les mises du Fonds monétaire international (FMI) de 250 milliards, assurées ou seulement garanties, ne pourront jamais former qu’un complément. Quant aux fonds d’urgence de la Commission européenne, ils sont limités nécessairement à 60 milliards d’euros.

             Ces chiffres déjà énormes sont cependant dérisoires par rapport à ceux qui se profilent. Avec ce qui vient les ordres de grandeur changent.  Les chiffres se multiplient par dix, voire par cent. 

    L’Espagne où déjà les premières demandes de recapitalisation des banques s’élèvent à 75 milliards, l’Italie où, pour simple exemple, les banques françaises se trouvent engagées pour plusieurs centaines de milliards d’euros, vraisemblablement 400, en dépit de leur plan d’austérité, de l’inscription de la prétendue règle d’or dans leurs textes constitutionnels, seront évidemment dans l’œil du cyclone qui se prépare. Or les dettes cumulées espagnole et italienne que l’Europe devrait donc soutenir au cas où…, s’élèvent à 2 300 milliards. Qui peut, qui pourra, qui pourrait ?

     

    L’impossible dette française

            Et la France ? Car l’Etat français place sa dette et, même si elle est détenue, en raison de son apparente sécurité et de son rapport, pour une part importante par l’étranger, elle constitue aussi un placement obligé et obligatoire des fonds à la disposition des organismes financiers et bancaires français. Certes, il n’est pas question pour le moment de crier « au feu ». Les intérêts de la dette, déjà colossaux, et qui représentent la part la plus importante du budget annuel de la France, plus de 50 milliards d’euros, sont encore honorés. Mais les montants sont tels,–  plus de 1500 milliards d’euros qui s’accroissent et s’accroîtront nécessairement tous les ans, même en cas de réduction des déficits, sans compter les autres dettes cumulées de tous les organismes publics, parapublics, de toutes les collectivités et de toutes les grandes entreprises nationales –, qu’il n’est pas douteux qu’au moindre ébranlement la panique sera généralisée. 

            Ce qui est arrivé à la Grèce est peu de chose par rapport à ce qui risque de survenir. Et soudainement !

            Le Premier ministre, il y a quatre ans, avec sa fiche de comptes sous les yeux, avait déjà déclaré qu’il était à la tête d’un gouvernement d’un État en faillite. Bien sûr, virtuellement en faillite. Mais le passage du virtuel au réel en ce domaine financier se fait à des vitesses que personne ne peut contrôler. Le savent bien les chefs d’entreprise, les vrais banquiers, les financiers sérieux. Dire qu’un État ne peut pas faire faillite relève de l’utopie économiste. Ce n’est d’ailleurs pas pour ça qu’il doit nécessairement en mourir. La faillite peut être pour lui un assainissement. Cruel, terriblement cruel, en particulier pour les petits… Mais qui peut permettre de se relever… Comme en ont témoigné assez récemment quelques États d’Amérique du Sud.

     

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    Christine Lagarde et François Baroin : passage de témoins ?

     

     

    Vers le krach obligataire

            Le krach boursier de cet été n’est en fait qu’un prélude. Il était d’ordre essentiellement psychologique comme souvent les krachs boursiers qui atteignent des valeurs qui n’ont en elles- mêmes aucune raison d’éprouver de telles pertes. Tout se ramenait à des doutes, mais à des doutes fondamentaux dans une ambiance générale de récession économique et de déclin d’activité. Sauf que les entreprises du CAC 40 continuent à faire des bénéfices mais qui ne reflètent plus l’activité nationale.

            Mais que sera-ce quand frappera le krach obligataire ? Dans ces colonnes cette question est déjà posée depuis deux ans. Les États- Unis sans doute s’en sortiront parce qu’ils sont maîtres de leur dollar qu’ils imposent au monde. La dégradation de leur note n’a pas changé leur taux ni leur capacité de refinancement. Mais l’Europe ? Elle explosera. La BCE se voit contrainte de faire ce qu’elle s’était interdit de faire, injecter des liquidités dans le système bancaire européen pour sauver les banques et les États surendettés, autrement dit faire comme la FED aux États-Unis, racheter massivement des obligations d’Etat, mais qui valent quoi ? 

            La voilà bourrée d’actifs sans valeur qui seront appelés demain toxiques. Rien ne représente l’Europe dans ces papiers qui ne sont que des lignes électroniques, une Europe mythique d’ailleurs ! La prétendue garantie n’est donnée que par des Etats virtuellement en faillite et la caution de la BCE n’y ajoute rien. Le système bancaire européen ne peut que se gripper ; les  stress tests  de juin n’auront servi à rien.

            Christine Lagarde a pris la succession de Strauss-Kahn à la direction du FMI. Malgré les apparences, lui est très heureux d’en être libéré comme d’être libéré d’une présidence possible de la République française, car voilà quelque temps qu’il se doute de ce qui risque d’arriver. C’est à Christine Lagarde qu’il revient maintenant d’avertir. Elle sent la crise venir dans laquelle le FMI est lui aussi engagé. Elle exige, elle supplie que les banques européennes se recapitalisent… car elle sait trop bien qu’une partie de leurs actifs ne représente rien. A la grande fureur et indignation des banquiers français ! Et à l’encontre de tout ce qu’elle affirmait péremptoirement elle-même, il y a peu, quand elle était encore ministre de l’Économie et des Finances en France. Mais où se refinancer ? Comment se recapitaliser ?

     

    L’axe Paris-Berlin ?

            Nicolas Sarkozy aurait voulu que le deuxième plan de renflouement de la Grèce concocté en juillet soit rapidement mis en œuvre. Il le fait vite voter en France par le Parlement. Il s’imagine toujours que « le volontarisme » suffit à relancer la machine. Grave erreur de jugement. Il faut en politique comme en finance l’intelligence du long terme. En 2008, oui, il est intervenu et d’une certaine manière il a sauvé la situation, mais, sans s’en rendre compte, par le fait même, il préparait et aggravait la crise suivante qui faillit tout emporter en 2010 ; car cette fois-là c’était les Etats qui étaient engagés ! Et voici que cette action contribue à accentuer aujourd’hui la crise obligataire qu’il rend du coup inéluctable. Il y a là quelque chose de dramatique et qui devrait inciter à réfléchir pour l’avenir.

            La vérité est que tout le monde la pressent. Les Finlandais réclament à la Grèce la contrepartie d’une garantie réelle, autant dire qu’ils remettent en cause le principe même du plan. Les États européens renâclent ; le ministre néerlandais des Finances, Jan Kees de Jager a fait savoir qu’il s’inquiétait « des conséquences sur la solvabilité des États membres qui se portent garants ». De la Slovaquie à la Pologne, nombreux sont ceux qui refusent ce qui s’apparente à une « Union européenne de la dette ». Les plus violemment hostiles sont naturellement les Allemands, tous partis confondus. Angela Merkel a dorénavant à faire face à une très forte opposition, y compris dans son propre parti où il est jugé qu’elle a fait trop de concessions aux stratégies de Nicolas Sarkozy. Elle-même a été obligée de déclarer que passe peut-être pour la Grèce dont le plan de soutien doit être voté prochainement au Bundestag, mais que l’Allemagne se refuse à augmenter le Fonds européen de stabilité pour subvenir aux cas de l’Espagne et de l’Italie. En attendant, d’ailleurs, la décision de la Cour suprême de Karlsruhe sur le principe même de ces plans.

            Autant dire que la confiance n’y est plus. Et sans confiance, plus d’économie, plus de finance. Non, le volontarisme de Sarkozy ne rassurera plus les marchés. Quand, interrompant ses vacances  en plein mois d’août en raison de la  précipitation de la crise financière, François Baroin, nouveau ministre de l’Économie et des Finances jette comme formule d’apaisement à l’opinion française et mondiale que cette crise ne peut déboucher sur une catastrophe puisque l’Europe, l’euro, la zone euro tiennent grâce à l’axe Paris-Berlin, il ressemble, sans qu’il s’en doute vraisemblablement, aux politiciens de la IIIe République qui se figuraient toujours que les choses finiraient par se plier à leurs vœux… D’où des phrases ronflantes à la Briand, à la Blum, à la Daladier, à la Reynaud… et la catastrophe est venue !

            « Il n’est pire dérèglement de l’esprit, disait fort bien Bossuet, que d’imaginer les choses telles qu’on voudrait qu’elles soient et non de les voir telles qu’elles sont en effet ». Il n’y a pas d’axe Paris-Berlin. Il y a, c’est certain, un axe Berlin-Berlin, peut-être un axe Berlin-Moscou. Paris en sera, une fois de plus dans l’histoire, pour ses frais. L’intégration européenne, telle que la France la souhaite et où elle met tout son espoir actuel pour se sauver elle-même de ses propres erreurs, n’aboutira concrètement qu’à un chaos et se traduira demain par un carcan budgétaire supplémentaire. Dans peu de temps, fort peu de temps, tout lui fera défaut.

            À l’heure où son activité économique ralentit, où son déficit commercial se creuse de manière dramatique, où le chômage ne cesse d’augmenter, où le nombre de créations d’entreprises baisse, où les Français en situation de pauvreté se comptent par millions, la France ferait mieux de songer à elle-même et de compter sur elle- même.

            Certes, François Fillon a proposé un plan de rigueur que Sarkozy a repris sans employer le mot et qui a du moins l’avantage de mettre les Français et les hommes politiques devant une dure réalité. 

            Quelques milliards à gagner encore cette année, dix milliards en 2012, en rabotant, annulant les niches fiscales, en taxant produits et transactions, en augmentant certains impôts et en imposant davantage les plus riches. Soit, ce n’est pas encore voté. Mais le système est si compliqué que, même en croyant bien faire, il peut s’ensuivre des conséquences négatives, à réformer indéfiniment de perpétuelles réformes. De toute façon, il faut se rendre compte que ces chiffres d’économies, sans doute nécessaires, restent dérisoires devant les chiffres évoqués dans cette crise. Réduire nos déficits, c’est bien. Mais est-ce suffisant ?

            La crise qui vient est telle qu’il faudra bien envisager de revoir le système en lui-même. Le déroulement des élections présidentielles dans ce climat délétère ne rendra que plus sensible la vraie question politique : rétablir une légitimité naturelle de l’État qui rétablisse le lien social français que le fonctionnement du système actuel est en train de dissoudre. Alors il sera possible de rétablir des finances saines. Le reste n’est qu’illusion. ■

  • Une réforme jacobine, par Himaire de Crémiers.

    Du libéralisme au jacobinisme et du jacobinisme au totalitarisme, il n’est qu’un pas que Macron franchit sans scrupule.

    Il y a tout lieu de penser qu’il faudra passer par le 49-3. Que de cris, que d’indignation en perspective ! De quoi alimenter la rhétorique parlementaire, d’un côté comme de l’autre ! C’est ce qu’on appelle en France la vie politique. Et si vous souriez ou émettez un doute sur l’intérêt de pareilles institutions, vous serez soupçonné d’entretenir dans vos pensées un antiparlementarisme par définition coupable : vous attentez à la démocratie ! Où est Aristophane ?

    hilaire de crémiers.jpgL’exécutif à cette heure est certainement décidé à user de ce procédé commode qui permet d’arrêter des débats devenus oiseux et de faire aboutir une réforme qui, dans l’état, reste inachevée par principe puisqu’elle suppose par elle-même plus d’une vingtaine d’ordonnances sans compter les décrets d’application. Les 41 000 amendements qui se subdivisent en autant de sous-amendements, n’auront été que des querelles de mots par rapport à un texte indigeste que deux ans de gestation et de concertation n’ont fait qu’alourdir de multiples considérations contradictoires que le législateur prétend réduire peu à peu à une unité factice.

    Niant l’évidence, le gouvernement, pendant quelques jours encore, va s’échiner à déclarer que le 49-3 n’est pas dans son intention puisque nul plus que lui n’a le sens du respect de la démocratie. Quand il passera à l’acte, il se dira donc contraint et forcé. Avec les mines de circonstance !

    La réforme imposée

    Étant donné la situation, la demande d’application du 49-3 viendra très vite et, peut-être même, au moment où ces lignes paraîtront, la procédure sera-t-elle entamée. L’émoi sera aussi grand que la manœuvre grossière. Même stratagème des deux côtés, l’obstruction systématique servant le parti présidentiel dans sa résolution, tout autant que la procédure d’urgence redynamisera l’opposition. Tel est le fonctionnement de la République aujourd’hui, tel il fut depuis toujours ; c’est structurel. Que de farouches attitudes ! Que de lyriques discours ! Quelle hypocrite habileté à profiter ainsi les uns des autres ! Et comme il devient intéressant en ces circonstances de sièger alors qu’à l’ordinaire les gradins sont vides

    Ainsi donc le président et le gouvernement veulent en finir avec cette loi organique et cette loi ordinaire qui portent la réforme du régime des retraites pour en faire un système unique, dit universel, par points. Cette réforme est, selon les dires de la macronie, la plus géniale qui ait jamais été conçue . Elle doit illustrer le quinquennat ; elle est « la matrice des autres réformes », celle qui justifie le mieux la conquête du pouvoir par ces parangons du progressisme.

    Et voilà qu’elle leur pourrit la vie ! Alors même que Macron voudrait maintenant se dégager du temps pour passer, selon ses propres paroles, « au régalien », afin de donner du sens à l’Acte II de son quinquennat : belle stratégie, assurément, où « le régalien » n’est pas exercé pour lui-même dans la plénitude de la fonction du chef de l’État, mais en vue de gagner les présidentielles de 2022.

    En fait, Macron est obligé de faire du Macron, à chaque instant, en politique intérieure comme en politique extérieure. Pour être lui-même électoralement parlant, en vue de s’identifier au pouvoir, dans cet esprit de conquête perpétuelle qui le caractérise.

    C’est toujours ce même mécanisme qui le lie et l’entraîne. Celui qui le pousse, en l’occurrence et en dépit du bon sens, à faire de sa réforme des retraites un enjeu de gouvernement. Immédiat, global et définitif. Or son idée de départ était d’un simplisme si extravagant qu’au contact des réalités et des oppositions légitimes elle se transforme en un système d’une folle complexité, créant autant de régimes que de classes d’âge et de transitions spécifiques que de statuts particuliers. Le Conseil d’État s’est refusé à cautionner un tel texte. D’où la nécessité de procéder par ordonnances et par décrets et, tant qu’à faire, pour l’heure, de recourir au 49-3.

    Dans le même temps pour habiller son message il lui a fallu donner à cette réforme qui aurait dû rester pratique, de hautes raisons métaphysiques, relevant d’une logique théorique où les mots d’égalité et de solidarité servent de normes suprêmes. Rien de plus sophistique : tous sur la même échelle et dans le même cadre ! Qu’y a-t-il de plus républicain ? Chacun sait bien que cette égalité est concrètement toute relative : il est toujours des gens plus égaux que d’autres. Personne ne s’y retrouve, ni les cadres supérieurs surtaxés et non garantis, ni les petits salaires à qui l’État fera la charité s’il le veut bien. Le « minimum retraite » ne saurait fonctionner pour de pauvres gens sans travail ! « Le niveau de vie digne », notion que les parlementaires sont si heureux d’avoir concoctée, n’est qu’un alignement de mots qui juridiquement n’a pas de signification.

    On est allé chercher des modèles à l’étranger, dans des pays beaucoup moins variés et divers que le nôtre et où la structure communautaire est beaucoup plus forte. Nous sommes français ; nous avons une histoire, y compris une histoire sociale, perturbée stupidement par des institutions de guerre civile permanente La Ve République n’y échappe pas. Macron, non plus. Après tout, il n’est qu’un chef de bande qui s’est emparé de l’État, qu’il le veuille ou non.

    Sa réforme est marquée de ce stigmate originel. Il accapare tout ce qui est un enjeu de pouvoir. Il a pris littéralement possession des retraites. Comme du reste. Comme du grand débat. Comme de la Défense, comme de la dissuasion nucléaire qu’il imagine à sa façon, comme de l’Europe qu’il prétend diriger, comme de l’Agriculture où il distribue les bons et les mauvais points, comme de la Santé, comme de tout. Il n’est plus un chef d’État ; il est le monsieur qui répond à tout, qui organise tout, qui sait tout, qui fait tout. Avec tous les revers, les échecs, les désillusions qu’un tel comportement entraîne ! Rien ne semble le corriger. Du coup, c’est toujours la faute des autres…

    Il en est ainsi pour les retraites. Il a la vision d’ensemble du système à laquelle il pense que tout le monde devrait se rallier. Mais voilà : la réalité est tout autre. Comment voulez-vous, pour prendre cet exemple, que les avocats qui ont leur propre régime et leur propre caisse qui fonctionnent bien et qui sont bénéficiaires, renoncent à ce qui leur appartient en propre pour payer des cotisations plus élevées et recevoir des pensions moindres ! C’est un vrai problème, non ? Ainsi des autres… Et comment ménager tout le monde ?

    Car le défaut essentiel du système Macron est qu’il se situe dans la logique continue du système républicain pris en main par les technocrates, formés à cet effet. Macron en est le dernier avatar. La République est à lui ; les retraites sont donc à lui.

    La fin de toute citoyenneté

    La vérité d’aujourd’hui est que leur retraite n’appartient plus aux Français. Cette réforme ne fait que s’ajouter à la série des autres réformes qui toutes allaient déjà dans le même sens. La retraite perd définitivement son caractère d’épargne. Pour parler le langage macronien, on passe d’un monde à un autre. À son origine, fort ancienne au demeurant, la retraite était un prélèvement de salaire pour les vieux jours. Le droit du travailleur français était direct et personnel ; et cette conception dominait encore les esprits jusqu’à récemment. C’est ce que l’État républicain cherche à démolir irréversiblement. Dès le sein de sa mère jusqu’à sa mort, le citoyen doit dépendre de l’État. C’est ce que veut la République ; c’est ce que veut Macron ; et, d’ailleurs, il l’a ouvertement dit.

    En effet, malgré une gestion de plus en plus centralisée, organisée dès 1941 – pour raison d’occupation –, puis après 1945, subsistait cette idée qu’employeurs et salariés, selon leur profession, sous le regard de l’État, fixaient leur régime, leur cotisation, leur pension ; c’était encore leur affaire. Certes la solidarité intergénérationnelle était déjà appliquée selon laquelle une génération payait pour une autre dans une succession qui assurait en principe l’équilibre du système, puisque l’esprit républicain refusait – fort stupidement d’ailleurs – toute capitalisation (encore que…) pour promouvoir la seule répartition.

    La tentation fut alors invincible chez les hauts fonctonnaires, à Bercy, et chez les politiciens de service, avides de domination et donc de systématisation, de tout uniformiser, en jouant démagogiquement sur le fait des inégalités des régimes et des droits dont, d’ailleurs, l’État employeur était le principal responsable. À quoi s’ajoutait le non-remplacement des générations en raison de la question démographique et de l’allongement de la durée de vie, ce qui laissait prévoir un inéluctable déficit budgétaire.

    La réforme Juppé qui se voulait rationnelle, fut la manifestation évidente de cette tentative d’une mise sous contrôle total de l’ensemble du système social français. Bien sûr, sur le moment, devant la révolte populaire et, d’abord, bien sûr, de ceux qui étaient considérés comme les privilégiés des régimes spéciaux, il dut renoncer.

    Mais le même esprit se maintint et la mise en œuvre s’opéra progressivement de Raffarin en Fillon. La loi Macron-Phlippe n’est que l’aboutissement du projet. L’État fait tout, décide de tout, règle tout. Il fixera l’âge d’équilibre, l’âge-pivot si besoin est, la valeur du point, et tout ce qui en dépend. Le budget de la Sécurité Sociale, dont celui des retraites, est désormais entièrement préparé par ses fonctionnaires ; les lois de financement, avec les innombrables arrangements joints et que personne ne voit, sont votés par des députés aux ordres dans des séances qui n’en sont pas. Philippe a concédé une « conférence de financement », temporaire, à des syndicats ridiculisés qui n’obtiendront rien et qui passent leur temps à se disputer.

    Le but, maintenant, c’est de s’emparer des caisses, par une audacieuse opération de captation, pour créer, là aussi, cette unité de caisse si chère à l’État puisqu’il en est le maître exclusif et qu’elle constitue son principe substantiel. Les masses financières en jeu sont telles que nul ne pourra s’aviser de le braver. La République aura l’assurance de sa pérennité. Elle se sera enfin débarrassée des citoyens auxquels elle laisse pour l’amusement la comédie électorale. Elle sera à elle-même et sa cause et sa fin, ce qui fut toujours son but. Il n’est rien de tel qu’un libéral comme Macron, voire ultra-libéral, pour enfermer le peuple dans le pire jacobinisme.

    Et pour donner de l’allure à l’ensemble, il est proclamé que l’État saura tirer profit de cette réorganisation pour voler au secours de la veuve et de l’orphelin, du pauvre et du déshérité. Vu ce que l’on constate aujourd’hui dans les rues de nos villes et dans le fond de nos campagnes où la misère gangrène le tissu social, le croira qui voudra.

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  • FIN DE CYCLE

    Par Pierre Renucci  

    Une réflexion sur la nature des cycles qui constituent la vraie Histoire et sur les évolutions profondes que connaît le monde actuel. Où des motifs d'espérance se dessinent. 

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    Un cycle historique s’achève, entend-on souvent. Probablement. Attention pourtant à cette notion faussement simple.

    Ne nous imaginons pas les cycles historiques comme des assiettes empilées dans le buffet ou soigneusement posées sur une table. Ils ressemblent plutôt à des cercles concentriques, un peu comme des ronds dans l’eau provoqués par un caillou. Et les choses se compliquent quand ils s’entrecroisent avec d’autres ronds provoqués par d’autres cailloux lancés à des époques plus ou moins proches. Par exemple, le capitalisme industriel ne serait pas né sans la grappe d’inventions qui permit le machinisme ni sans les Lumières qui provoquèrent la révolution bourgeoise et l’esseulement de l’individu. Ce que l’on appelle fin de cycle, n’est donc bien souvent que la disparition de segments formés par l’intersection de plusieurs ronds dans l’eau… D’ailleurs, plutôt qu’à des cycles, l’Histoire ne ressemble-t-elle pas à une ligne qui s’incurve, se brise, se redresse au gré des événements ?

    587070524.jpgPartout, mais surtout en Europe, la ligne à peu près droite qui avait débuté en 1945 se tord. Cette année-là s’était achevée une guerre de trente ans entrecoupée d’une fausse paix. Une guerre perdue par l’Europe. Bien sûr, ce conflit mondial étant d’abord un conflit européen, il y eut des nations européennes vainqueurs et d’autres vaincues. Mais à l’exception de la Russie, l’Europe en tant qu’entité était la grande perdante. Vassalisée par les États-Unis et l’Union soviétique, elle entrait dans une longue dormition dont elle n’est encore pas sortie. Quoiqu’antagonistes, les deux suzerains partageaient la même détestation de la vieille Europe et la même croyance en leur propre vocation messianique. Leur objectif était en définitive identique : la création d’un homo oeconomicus standardisé, sans racine, sans culture, sans histoire. Seule la méthode différait. Les Soviétiques entendaient l’asservir à l’État communiste par la brutalité et de la planification. Les Américains, au Marché dominé par eux-mêmes, en diffusant l’american way of life avec sa culture de masse et sa production de masse.

    La ligne commence à se tordre, donc, avec la chute du mur de Berlin en 1989 et la disparition de l’URSS en 1991. Cette inflexion marque la fin du cycle communiste en Europe, mais pas de celui de l’Europe vassalisée désormais soumise aux seuls États-Unis : la ligne s’incurve, elle ne se brise pas. Évidemment, dans un premier temps, la disparition du communisme donna l’illusion de la supériorité de l’Occident, entendu comme le modèle capitaliste américain.

    De fait, jusqu’à l’orée du XXI° siècle, ce néo-libéralisme empreint de libertarisme semblait devoir s’imposer au monde et réaliser les prétentions messianiques des États-Unis. Pour sa part, si l’Europe pouvait se féliciter d’être débarrassée de la tyrannie communiste, le déséquilibre des forces qui en résulta la soumit davantage aux « valeurs »   libéral-libertaires sous lesquelles se cache l’impérialisme du système américain. Cette soumission eut deux conséquences immédiates. D’un côté le suivisme des Européens dans la politique étrangère de leur suzerain : provocation envers la Russie, aventures militaires au Kosovo, en Afghanistan, en Irak. De l’autre et surtout, le façonnage accéléré de l’homo oeconomicus par le Capitalisme au moyen de l’invasion migratoire, de la propagande et de la farce sociétale.

    policiers-autrichiens-migrants.jpgL’invasion migratoire présente le triple avantage d’importer de la main d’œuvre à bon marché mais plus encore des consommateurs subventionnés par l’impôt prélevé sur les indigènes, et de détruire les identités nationales. On sait que l’invasion migratoire - cela fut confirmé par les révélations de Wikileaks de 2010 - est souhaitée et favorisée par les États-Unis pour détruire l’Europe de l’intérieur.

    Bien sûr, l’indigène regimbe un peu. Alors on l’éduque. La propagande commence à l’École, où l’enseignement du dogme de l’Humanité a depuis longtemps remplacé les humanités. Puis la machine politico-médiatique prend le relais, sous l’influence notable d’anciens communistes de toute obédience (trotskystes, stalinistes, maoïstes) reconvertis dans le libéral-libertarisme. Les catéchistes de la nouvelle religion ordonnent leurs prêches autour de deux thèmes principaux. Un, la glorification du dieu Marché et de ses hypostases que sont l’Immigré, le Féminisme, les Minorités ou la Libération Sexuelle. Deux, la culpabilisation du Blanc - surtout européen - responsable sans partage de tous les maux. Quant aux déviants qui s’avisent de contester la bonne parole, ils sont dûment châtiés par la mise à l’index, l’exclusion sociale et si ce n’est assez, par les juges nationaux et internationaux.

    La farce sociétale relève d’un registre plus subtil. Le Système utilise ce dérivé du libertarisme soixante-huitard à plusieurs fins. Sur le plan commercial, il ne s’agit jamais que de technique de « segmentation du marché » pour créer de nouveaux besoins, de nouvelles clientèles et de nouveaux profits. Ainsi s’explique l’émergence de produits de spéculation tel le non-art du type plug annal et emballage du Pont-Neuf, ou de services de satisfaction de l’individu-roi telle la GPA pour tous. Ainsi s’explique aussi le « ciblage » de catégories de population, tels les homosexuels, les communautés ethniques etc. Mais pour que ces  « segments de marché » développent leur plein effet, il faut les intégrer dans la religion de l’Humanité, le mettre sous la protection des droits de l’Homme, ce qui nécessite l’intervention du politique.

    1f34c-1_7ndf97etytbfdmogswz5g.jpgC’est alors que la farce sociétale revêt le masque de l’« opposition progressiste » au Système. On y trouve pêle-mêle les « cultureux » subventionnés par le ministère de la Culture, les minorités activistes (LGBT, indigénistes, ultragauche…), les « féministes 2.0 », bref toutes les chapelles du « jouir sans entrave ». La confrontation est évidemment factice. En réalité, si le Système feint de se démarquer de ces pantalonnades, c’est pour mieux s’en servir : en révolution permanente, le Capitalisme trouve dans les délires sociétaux de l’« opposition progressiste » la caution nécessaire à sa fringale destructrice. C’est pourquoi, après une résistance de bon aloi, il promulgua bien volontiers le mariage pour tous, consacrant du même coup les homosexuels en communauté et en segment de marché, et qu’il érigera bientôt PMA et GPA pour tous en droit de l’Homme.

    Ainsi donc, la monade humaine décérébrée, déracinée, déracisée, voit le jour, zombie dont l’appartenance se résumera à ses segments de consommation et dont le bonheur consistera à satisfaire les désirs soufflés par le Marché.

    Mais le pire n’est jamais sûr. Les échecs américains au Proche-Orient et en Afghanistan, la question identitaire au sein même de la société américaine, la crise financière, l’émergence de la puissance chinoise et demain indienne, le refus de la Russie de se laisser dépecer et vassaliser, ont redonné espoir à ceux qui attendent le réveil de l’Europe. À tout le moins, la vision unipolaire de l’american way pour tous c’est-à-dire du Marché dominé par les seuls Américains a désormais peu de chance de se réaliser.

    La partie s’annonce rude. Les forces de dissolution sont à l’œuvre depuis longtemps. Toutefois le Système n’est plus aussi fort qu’à ses débuts. Le capitalisme financier connaît une crise si grave, qu’il ne survit qu’au moyen d’artifices financiers comme la facilitation monétaire (quantitative easing), la socialisation des pertes bancaires et le recours indéfini aux emprunts.

    ENF-Koblenz.jpgEn Europe, les immigrés se comportent comme le souhaite le Système : ils s’adonnent à la consommation de masse et constituent des communautés qui affaiblissent les nations. Mais leur refus de s’assimiler provoque chez les indigènes une renaissance du sentiment national. Aux États-Unis, le peuple fatigué de l’immigration massive et du capitalisme débridé, élit un président populiste, avouant par là-même l’échec de la domination américaine du Marché. L’Europe de l’Est instruite par des siècles de luttes contre l’empire ottoman et par cinquante ans d’occupation soviétique ne veut ni d’une invasion migratoire musulmane ni de la tyrannie de l’UE, ces deux derniers phénomènes étant d’ailleurs liés. L’Autriche et l’Italie sont maintenant gouvernées par des « populistes » et ouvrent peut-être la voie à l’Europe de l’Ouest. En France le mouvement des Gilets Jaunes, sonne la révolte contre l’oligarchie. Sans doute ne dénonce-t-il pas l’invasion migratoire. Mais ne faut-il pas voir dans ce silence une « pensée de derrière » à la Pascal, dont l’« habileté » serait de taire ce qu’on ne peut encore hurler ? Peut-être, tant la crainte de passer pour raciste obère la parole. Pourtant, quels que soient les défauts de ce mouvement et la récupération dont il peut faire l’objet, on peut espérer que sa spontanéité et son origine éminemment populaire marquent le retour de la nation.

    Ce que nous vivons annonce peut-être une de ces secousses historiques dont les effets se mesurent à l’échelle du millénaire. L’Europe occidentale - l’homme malade de l’hémisphère nord - doit s’y préparer sous peine de disparaître. Royaume-Uni, Belgique, Suède, France sont les plus touchés.

    comte-paris-wikipedia.pngDe ces quatre nations sœurs, on peut espérer que la France sera la première à relever l’étendard du sursaut. Mais son système politique souffre d’un grave manque de représentativité. Contrairement aux Italiens, les Français ne peuvent compter sur aucun parti ni aucune alliance propre à renverser l’oligarchie qui gouverne depuis quarante sous l’apparence d’une fausse alternance. C’est d’ailleurs pourquoi le référendum d’initiative populaire demeure la principale revendication des Gilets Jaunes.

    Dans ce combat qui ne sera gagné qu’en retrouvant nos racines, en nous souvenant de notre héritage spirituel, un authentique arbitre serait nécessaire. Or la France a la chance d’avoir la plus vieille famille dynastique d’Europe et pourrait demander à son rejeton d’exercer cette fonction de roi-conscience.

    Puisse ce prince se faire connaître et se déclarer prêt à accomplir sa tâche : lever l’étendard du sursaut, celui de Saint-Denis !   

    Pierre Renucci
    Historien du droit, des institutions et des faits sociaux 

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  • Fatalité républicaine : des partis discrédités, toujours présents.

     

    Par Yves Morel

    On ne parle que de recomposition, de reconstruction, à gauche, à droite, au centre. On fait comme si du neuf pouvait sortir de l’ancien, comme si le régime des partis était améliorable. Sans tenir compte de la désaffectation criante des Français. 

    Assistons-nous à la fin du règne des partis ? On pourrait le croire. À ce jour, seulement 1% de nos compatriotes adhèrent à l’un d’eux, alors qu’ils se comptèrent jusqu’à 20% durant la période 1945-1978, et encore 10% durant les années 1980. 1%, un chiffre bien inférieur à celui des autres pays comparables au nôtre : Royaume-Uni (15%), Allemagne (7%), Italie (8%), Espagne (9,5%). Et surprenant en une nation gangrenée par la contestation permanente et l’idéologie.

    Mais justement, les Français sont saturés de politique et d’idéologie ; à cela s’ajoutent leurs déceptions à l’égard de gouvernements incapables de résoudre les difficultés dont ils souffrent et qui ont fait perdre au pays ce qui lui restait de puissance.

    Réduits au rôle de machines électorales

    À quoi s’ajoute encore l’évolution du rôle dévolu aux partis sous la Ve République. Cette dernière, selon le vœu de son fondateur, s’est, d’emblée, voulue hostile au « régime des partis » et a fait du Président de la République, élu au suffrage universel direct, le personnage clef de la vie politique, doté de tous les pouvoirs. Et, suivant l’expression consacrée, son élection est devenue le « temps fort » de cette vie politique. Dès l’époque du général de Gaulle, les députés du parti majoritaire sont devenus des « godillots », suivant une autre expression consacrée. Et la réforme du quinquennat a accentué cette tendance. Désormais, les législatives, intervenant immédiatement après la présidentielle, ont pour seul rôle de donner au nouveau maître de l’Elysée une majorité parlementaire. Or, les partis s’affrontent bien davantage lors des législatives que pendant la présidentielle, où les candidatures sont personnalisées à l’extrême. Et, de ce point de vue, les « primaires » n’ont rien arrangé, au contraire, puisque ces élections inconstitutionnelles font s’affronter les caciques d’un même parti, mettant en lumière les profondes divisions qui grèvent les partis; les citoyens finissent par penser que ces derniers n’ont aucune cohérence idéologique et politique. Résultat : ils ne croient plus ni aux hommes politiques, ni aux partis. À leurs yeux, ces partis ne sont plus que de simples machines électorales au service de notables ambitieux.

    Une logique républicaine infernale

    De surcroît, nécessité faisant loi, leurs dirigeants, lorsqu’ils exercent le pouvoir, font tous grosso modo la même politique, Ajetant à la corbeille leurs promesses électorales.

    Car il faut bien promettre ce à quoi aspirent les électeurs pour capter leurs suffrages, même si on sait qu’on ne pourra tenir ces promesses. Un homme politique qui tiendrait le langage de la vérité n’accéderait jamais au pouvoir.

    De même les partis, lesquels n’intéressent plus personne, quand ils n’écœurent pas tout le monde.

    Mais cette crise des partis est tout simplement celle de notre démocratie. Elle en révèle l’absurdité foncière. Des problèmes se font jour ; on ne s’entend pas sur les solutions, pas plus que sur un « projet de société » ; donc, on vote, c’est-à-dire qu’on se prononce pour tel parti qui, concurremment avec ses adversaires, propose son programme ; mais, sauf en période faste (et encore), la réalité ne s’accommode pas des idées et des programmes, il faut composer ; on s’incline devant la loi d’airain de la nécessité, et on opte pour un compromis qui revient à poursuivre peu ou prou la politique du prédécesseur qu’on critiquait ; mais il ne faut pas décevoir l’électorat : on prétend donc avoir tenu ses promesses, en usant d’un discours abscons et emberlificoté, et on continue à mentir pour être réélu ; et ainsi, les gouvernements se succèdent en faisant tous la même chose, sans l’avouer… et en ne résolvant aucun des problèmes en suspens, dans la mesure où ils sont bridés par les échéances électorales, lesquelles les privent du temps et des moyens d’agir efficacement.

    Voilà la logique infernale de notre système politique. Il en va de même dans tous les pays démocratiques, mais, en France, ce travers fondamental se trouve aggravé à la fois par notre tradition étatique qui fait reposer toute la société sur l’État, et par notre tradition révolutionnaire, qui renforce puissamment cette tendance et instille en notre nation un esprit permanent de contestation et de revendication.

    Au terme du processus – et nous semblons y être arrivés –, notre nation est gavée à vomir, épuisée, exténuée. Et les électeurs boudent les urnes : rappelons que le taux d’abstention grimpa à 25 % au second tour de la dernière présidentielle, à 57 % aux législatives qui suivirent. Nos députés sont les élus d’une minorité. La machine politique tourne à vide. La recomposition de la droite, la recomposition de la gauche qui font les choux gras de la presse, ne donneront rien d’autre que des luttes plus acharnées et des divisions plus violentes. Pour quel résultat ?

    Macron et LREM : renouveau de pure apparence

    Emmanuel Macron et ses troupes ont tiré avantage de cette désaffection. Le triomphe de La République en marche (LREM) en procède, avec ses 308 députés qui ont provoqué un renouvellement de 75 % de l’Assemblée nationale. Mais cela ne dure pas : la popularité du nouveau et fringant président s’effondre à une allure vertigineuse, et les nouveaux élus étalent leur inexpérience ; ils font naître doute et irritation chez les Français, en particulier leurs électeurs, lesquels en viennent à regretter leur choix. Et, quoique limitées à un corps électoral restreint, les dernières sénatoriales attestent de cette tendance.

    C’est que, dans une certaine mesure, leur vote du printemps était protestataire. D’une façon moins évidente que celui des électeurs du Front national ou de la France insoumise, mais certaine. En effet, ce scrutin ne signifiait pas vraiment qu’ils tournaient enfin le dos aux idéologies, aux projets de société et programmes utopiques, aux promesses en l’air, et qu’ils optaient en faveur du réalisme. Cependant, dans le vote Macron, se signalait pareillement un rejet du système des partis dont le bénéficiaire a su jouer à sa façon. Mais rien n’était clair. Certes, les électeurs étaient déniaisés, mais ils ne se soumettaient pas pour autant au principe de réalité. Et, lorsque Macron met en œuvre, conformément à ce qu’il avait annoncé, sa réforme du droit du travail, ou quand il prépare un budget d’austérité ou restreint les aides de l’État aux collectivités locales, les Français manifestent leur exaspération à l’encontre des mesures drastiques qu’ils supportent depuis des décennies. Autrement dit, rien de nouveau sous le soleil. Le grand ménage opéré au sein de la classe politique et de l’Assemblée nationale par Macron et LREM, qui ont évincé les vieux caciques et les partis traditionnels, n’inaugure nullement une ère nouvelle empreinte de raison, de réalisme et de courage. La mentalité des Français n’a pas changé. De même le paysage politique. Après tout, que sont les figures en vue de LREM, sinon des notables PS et LR recyclés ? Et la politique conduite par le présent pouvoir ne diffère pas de celle de ses prédécesseurs.

    On ne choisit ni ne change les contraintes du réel

    Et, là, il convient de clarifier la situation. Pourquoi et en quoi cette politique devrait-elle changer ? Les Français changent de dirigeants chaque fois qu’ils sont mécontents des sacrifices que leur réclame une politique destinée à sortir le pays du marasme. Or, ces sacrifices sont inévitables, et cette politique est nécessaire. De plus, elle ne peut pas produire d’effets bénéfiques sensibles avant de longues années, dont la durée d’ensemble excède de beaucoup le temps d’une législature ou d’un mandat présidentiel. Aussi, chaque président se voit conduit à édulcorer et tronquer sa politique de redressement en raison de la contrainte électorale permanente, tout en ayant soin de donner des gages démagogiques à ceux qui veulent le voir prendre le contre-pied de son prédécesseur. D’où une instabilité permanente au sommet de l’État et une politique incohérente et cahoteuse, même si, sous l’empire de la nécessité et de la contrainte extérieure (l’Europe et la mondialisation), elle va toujours dans le même sens (celui de l’austérité et du bradage continu de notre souveraineté et de notre indépendance dans tous les domaines). Nos hommes politiques, aspirant à conquérir ou reconquérir le pouvoir, évoquent « la seule politique possible » et proclament leur refus des promesses mensongères, tout en annonçant une amélioration rapide de la situation du pays et des conditions de vie des Français, du fait de leurs initiatives. Or, l’indispensable redressement ne peut jamais être entrepris et, de toute façon, son déroulement serait long, et ses fruits ne seraient accessibles qu’à long terme, après que deux générations de nos compatriotes auraient mangé de la vache maigre.

    Une illusion obsédante entretenue par le système

    Notre système interdit l’acceptation de cette vérité, pourtant évidente à l’esprit des Français, même des plus contestataires. Il l’interdit en raison de ses principes et de sa dynamique. Ce système dit en effet au citoyen qu’il a le choix entre plusieurs politiques possibles, plusieurs projets de société, plusieurs programmes, que l’on choisit comme parmi des articles d’hypermarché. Et il ajoute que s’il n’est pas satisfait de l’un d’eux, il peut opter en faveur d’un autre, et que cela est on ne peut plus conforme à la logique et à la bonne santé de la démocratie. En clair, il entretient et stimule sempiternellement le mécontentement, la contestation et la revendication. Partant, il empêche les Français de tirer les conclusions de cette vérité que pourtant ils discernent intuitivement : que la situation dramatique de leur pays appelle une œuvre de relèvement de longue haleine, impliquant des sacrifices durables, et pour laquelle il n’existe aucune autre option moins douloureuse. Il n’y a pas d’alternative, contrairement à ce que l’on fait croire, pas de choix.

    Un pouvoir impuissant, des Français enfermés dans leur révolte et leur obsession contestatrice, voilà le résultat – logique, au demeurant – de notre république fondée sur des principes révolutionnaires, individualistes et égalitaires. Jamais le caractère fondamentalement mortifère de ce système n’est apparu avec autant d’évidence qu’à notre époque de déchéance.

    L’opposition frelatée des partis protestataires

    Et, corollaire de cette incapacité de notre nation à se rassembler autour d’un pouvoir fort pour se relever, les formations politiques protestataires continuent de croître et fleurir sur le terreau du mécontentement, lors même que leurs propres sympathisants les savent dans l’erreur. Le « leader » de La France insoumise, vulgaire bateleur d’estrade, est pourtant perçu comme inapte à gouverner par 66 % de nos compatriotes ; et cette proportion est la même que celle des électeurs qui, le 6 juin dernier récusèrent Marine Le Pen, présidente du Front national, au profit de Macron. Et cependant, ces deux « incapables » – à en croire les Français eux-mêmes – représentent la seule opposition visible à Macron. C’est que tous deux incarnent on ne peut plus l’enkystement des Français dans leur imaginaire républicain. Jean-Luc Mélenchon, dans ses harangues, convoque toute les grandes figures de l’histoire républicaine et des mouvements sociaux, à titre de symboles de la France contemporaine née de la Révolution, debout contre le pouvoir macronien qui voudrait l’enterrer. Marine Le Pen, elle, se veut le dernier défenseur de la vraie France républicaine, à la fois patriote, populaire, cocardière mais généreuse, contre la dissolution de son identité dans l’Europe, le néo-libéralisme sans frontières et le melting pot international. Il est permis de préférer ce qu’il y a de plus réellement national. Bien sûr, et le départ de Philippot resolidifie quelque peu un certain électorat, mais pour aller où ? Le patriotisme se doit d’être éclairé. Rien ne sortira de formes frelatées de patriotisme, qui nous enferment dans notre modèle républicain dont la faillite est patente aujourd’hui, et qui nous étiole complètement, nous condamnant à la cécité volontaire et à la mort par paralysie et immuno-déficience.

    La guérison ? impossible ?

    Les Français d’aujourd’hui ne croient plus ni au pouvoir en place, ni à ceux qui le contestent. Ils devraient s’en débarrasser, faire leur révolution, la vraie ! Ils ne la font pas, car notre système a émoussé leur intelligence et les voue à une oscillation constante entre illusions obnubilantes et fatalisme. Et ainsi, subsistent des partis inutiles et décrédibilisés, la révolution que nous évoquions à l’instant se ramenant à congédier temporairement les plus usés d’entre eux en faveur d’un nouveau mouvement (LREM) qui n’est que leur synthèse. Il est sans doute dur de conclure qu’il n’y a aucun avenir dans le cadre des institutions actuelles. Il faut dès maintenant penser au-delà.   •

    Yves Morel

  • Et si la crise actuelle durcissait notre monde néolibéral sans la changer fondamentalement ?, par Yves Morel.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    Le pseudo-libéralisme français a vite retrouvé les vertus de l’étatisme – c’est-à-dire le contrôle étroit du citoyen repeint aux couleurs de la responsabilité sociétale. L’État se perpétue, qu’importe le pays.

    À quoi ressemblera le monde après le grand chamboulement provoqué par la pandémie coronovirale ? En nos précédents articles, dans ces colonnes mêmes, nous nous sommes interrogés sur les changements majeurs que la crise actuelle pourrait provoquer dans notre société et notre système politique. Nous avons mis en avant le procès, découlant de cette crise, du néolibéralisme mondial, le renforcement du pouvoir de l’État, qui retrouve une manière de transcendance, la remise en question de notre mode de vie individualiste et hédoniste, et la nécessité d’une rupture d’avec un ordre politique et économique délétère et suranné.

    Et nous avons marqué également les limites du changement que nous étions en droit d’espérer. Nous avons pensé que les remises en question de notre modèle économique, social et politique, engendrées par la situation présente, ne déboucheraient cependant pas sur la renaissance civilisationnelle qu’elle semblait rendre possible, en raison d’une part de l’absence de renouvellement de nos dirigeants, tous coulés dans le moule libéral d’autre part de la désaffection de nos compatriotes à l’égard de la vie publique. Le scepticisme désabusé et la révolte amère caractérisent les Français de notre époque, et pas seulement eux, du reste.

    L’espoir du changement, à la faveur de la crise

    Les bouleversements de tous ordres, les mesures d’exception et l’élan de solidarité nationale et de dévouement général suscités par le fléau viral que nous venons de subir semblaient devoir entraîner l’édification progressive d’un système politique et social de type holiste dirigé par un État qui aurait enfin retrouvé le sens de sa mission et de la souveraineté nationale, son indépendance à l’égard des pressions mondiales et de la loi du marché, et soucieux de défendre l’intérêt général et les légitimes et élémentaires aspirations de la population à la justice, à la dignité et à des conditions de vie et de travail décentes, excluant la pauvreté et la précarité. La situation semblait mûre pour une telle entreprise, d’autant plus que les Français, non seulement manifestaient alors une générosité et une discipline civique remarquables, mais faisaient bloc spontanément autour du chef de l’État et du gouvernement, acceptaient sans broncher des mesures de restriction de leurs libertés individuelles, et mettaient en sourdine leur perpétuel esprit de contestation. Le président de la République lui-même critiquait – fugacement, il est vrai – le libéralisme sans frein et le « nouveau monde » dont il avait célébré l’existence trois ans plus tôt, faisait l’éloge de cette solidarité nationale et des Français de condition modestes dévoués au bien public (les soignants, notamment), et affirmait la nécessité de réviser fondamentalement toute notre organisation politique, économique et sociale, et affirmait que rien ne pourrait plus être comme avant une fois terminée la crise sanitaire.

    Une mutation décisive semblait donc devoir s’annoncer. Le monde qui s’était imposé à nous tous depuis le début des années 1960, étayé sur la loi du marché, avec pour succédané d’éthique, la poursuite effrénée de la jouissance matérielle, du paraître, tout cela sur fond d’individualisme agressif et cynique, et pour seules valeurs celles cotées en bourse, sans spiritualité, avec une culture asservie au spectacle et au business, semblait avoir perdu une bonne part de sa crédibilité et de son attrait, et paraissait même mis en accusation comme responsable de la crise que nous vivions. On redécouvrait le sens du devoir, celui de la solidarité nationale, de la communauté de destin, l’esprit de dévouement altruiste, le goût du bien commun, les vraies valeurs de la vraie morale, et on découvrait que la vie ne trouve pas exclusivement sa valeur et son accomplissement dans l’hédonisme. Et l’État semblait retrouver son rôle naturel de défenseur des intérêts vitaux de la nation et des hommes et des femmes la composant. Il n’était certes pas certain que les changements de mentalité et de comportement dont nous venons de parler dussent donner lieu à un grand élan de restauration nationale, mais il était permis de l’espérer.

    Le retour à l’ordre néolibéral

    Or, ce que nous observons aujourd’hui atteste de la vanité de cet espoir. Tout d’abord, comme nous le constations dans notre dernier article, nos dirigeants n’ont pas changé. Ce sont les mêmes hommes et femmes qui nous gouvernent, avec les mêmes idées et les mêmes principes que par le passé, ceux en lesquels ils ont été éduqués et qu’ils ont constamment défendus.

    Le président de la République avait prédit, au début de la période de confinement, que rien ne pourrait plus être comme avant et semblait faire, à mots couverts, le procès de ce monde libéral, mercantile, sans frontières et sans contrôle que la situation de crise et la nécessité de l’action pour en sortir semblaient condamner. Aujourd’hui, il appelle à un retour à la logique économique libérale et productiviste de naguère, et convie les Français à redoubler d’ardeur au travail, en faisant bon marché de leurs acquis sociaux. Et il entend relancer les réformes (notamment celles des retraites), du pur jus néolibéral, temporairement mises sous le boisseau durant le plus fort moment de la crise médicale. Par ailleurs, il inscrit plus que jamais son action dans le cadre européen et affirme vouloir relancer la grande machine bruxelloise. Le renouveau national n’aura donc pas lieu avec lui.

    Un peuple exténué, incapable de concevoir une alternative à l’ordre mercantile

    De leur côté, nos compatriotes se révèlent beaucoup plus soucieux de renouer avec leur mode de vie individualiste d’avant la crise que de persister dans le grand effort de solidarité et de discipline communautaire qu’ils ont manifesté durant la période de confinement. Le relatif relâchement à l’égard des règles de distanciation, constaté depuis la fin du mois précédent atteste de cette évolution. Et cela n’a rien d’étonnant. Revenus de toutes les illusions politiques, lassés de toutes les utopies, déçus par tous les partis, tous les programmes et tous les projets de société, massivement abstentionnistes (souvenons-nous du chiffre record de 57 % d’abstentions lors du second tour de la présidentielle de 2017), exténués, ils regimbent devant les initiatives de Macron, mais ne voient (ni ne songent à chercher) aucune alternative au pouvoir actuel, et n’accordent aucun crédit aux oppositions, qu’il s’agisse de celle de Marine Le Pen ou de celle de Mélenchon. Orphelins des idéologies et des utopies passées, ils ont le seul souci, d’ailleurs légitime en soi, du redémarrage de l’économie, condition de leur survie matérielle. Conséquemment, ils ne songent nullement à remettre en question le système car ils n’en conçoivent pas d’autre possible. Nos dirigeants et les médias s’emploient d’ailleurs à les entretenir dans cet état d’esprit. La période de confinement avait à peine pris fin que les journaux télévisés (et autres) insistaient avec force sur la prochaine réouverture des plages et incitaient les Français à préparer leurs vacances, pour relancer les activités de la restauration, de l’hôtellerie et du tourisme, alors encore arrêtées. Le gouvernement suggère à nos compatriotes d’acheter une nouvelle voiture, et de puiser dans leur épargne pour consommer. Notre télévision, nos ordinateurs, nos paysages urbains et routiers restent saturés de publicités tapageuses, et la période de confinement n’a absolument rien changé à cet égard. Et, avant comme pendant et après la plus forte phase de la pandémie et la période de confinement, les spots publicitaires n’ont cessé et ne cessent pas de nous matraquer et de précéder, d’interrompre et de suivre chaque film ou émission de télévision.

    En définitive, il est fort à craindre que la résorption (lente et très difficile) de la double crise, sanitaire et économique, que nous traversons, aboutisse au retour pur et simple au bon vieux nouveau-ancien monde ultralibéral, sans frontières, mercantile, dénué de spiritualité, d’éthique et d’idéal, marqué du sceau de l’individualisme et du matérialisme.

    Le possible durcissement de l’ordre libéral

    Un changement, toutefois, pourrait se produire, peu réjouissant, en vérité : le recul de nos libertés individuelles, et ce sans que l’individualisme foncier de notre société et de notre système économique en soit altéré. Pour enrayer la pandémie coronovirale, l’État a été amené à restreindre nos libertés de mouvement et de travail comme jamais il ne l’avait fait depuis la fin de l’Occupation. Et il pourrait y être nouveau conduit en cas de résurgence du fléau. En Chine, l’État a pris des mesures analogues, plus tôt que la France, et beaucoup plus rigoureuses. De telles mesures sont aisées à prendre en un pays sous régime totalitaire, comme la Chine, précisément. Elles le sont un moins en France, mais notre tradition étatiste, jacobine et autoritaire les facilite. Dans les pays anglo-saxons, de vieille tradition ouvertement libérale, elles sont incomplètement prises et inégalement appliquées, mais tout de même.

    Nous n’entendons pas ici contester la légitimité de ces mesures, sans doute nécessaires car imposées par une situation que nous n’avons pas choisie (encore que nous ayons tout fait pour la provoquer). Ce qui retient notre attention, en l’occurrence, est que la politique dont elle procède n’induit aucunement, si peu que ce soit, la remise en cause du système délétère en lequel nous vivons, responsable de notre déclin dans tous les domaines et des maux (dont la pandémie coronovirale) dont nous souffrons. Au contraire, elle vise sa seule préservation. Préserver le système actuel, mondialiste, mercantile, matérialiste, avec ses institutions politiques usées jusqu’à la corde et boudées par des électeurs désabusés réduits à la triste condition de travailleurs précaires asservis, de consommateurs passifs bassement jouisseurs et de zombies masqués tenus de rester à distance les uns des autres, voilà tout ce que nous semblons capables de faire, nous hommes et femmes de ce premier quart du XXIe siècle. Nous nous révélons incapables d’en sortir, de concevoir un projet politique et social étayé sur un idéal élevé, des valeurs morales authentiques, le sens de la dignité et de la justice et le respect de notre identité nationale et de notre civilisation. Les belles manifestations de dévouement manifestées durant la période la plus forte de la pandémie, les velléités de ressaisissement de ses responsabilités et du sens de sa mission par l’État à cette occasion, resteront sans lendemain, faisant figure de faux espoirs ou de vaines promesses. Tel semble devoir être le résultat de plus de cinquante ans d’avachissement intellectuel et moral, d’abâtardissement consumériste, d’aliénation idéologique gaucharde et de décapage général des valeurs fondatrices de notre civilisation. Notre système néolibéral perdurera avec une orientation moins américaine et un peu plus chinoise.

     

    Illustration : Les fonctionnaires ont enfin réussi à transformer le pays en œuvre d’art totale, la couvrant de conceptuelles bastilles virtuelles.

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  • Jean-Frédéric Poisson : « La prolifération de l’islam ne se nourrit que de la faiblesse de notre propre conviction à déf

    Jean-Frédéric Poisson a été député et maire de Rambouillet dans les Yvelines. Un territoire qui, une fois de plus, a été endeuillé par l’égorgement d’une fonctionnaire de police dans les locaux du commissariat. Quelques mois avant, le même département avait connu l’assassinat du couple de policiers de Magnanville et l’égorgement de Samuel Paty.

    Qui sont les responsables ? Nos principes républicains sont-ils taillés pour faire rempart à la menace islamiste ? La fermeture des frontières suffirait-elle à protéger les Français ?

    Réponses de Jean-Frédéric Poisson au micro de Boulevard .

    Vendredi, la ville de Rambouillet se retrouvait endeuillée. Un clandestin tunisien tout juste régularisé a égorgé une fonctionnaire de police de 49 ans, mère de deux enfants, au sein du commissariat de Rambouillet. C’est la première fois qu’une telle chose se produit dans cette ville.

    C’est la première fois, et si la preuve devait être faite que cela peut maintenant frapper n’importe où n’importe quand et sur n’importe qui, on le savait déjà. On se considère toujours comme un peu à l’écart de ces coups du sort. Il faut avoir en tête que le département des Yvelines n’est pas, non plus, n’importe quel département. C’est le département qui a envoyé le plus grand nombre de en Irak et en Syrie. Dans ce département, il y a des foyers de de l’ conquérant très actifs, des agressions régulières contre les forces de l’ordre et des actes de répétitifs. Les Yvelines ne sont donc pas un département aussi calme et aussi tranquille que ce que nous pourrions croire. Ce département est très bigarré, dans lequel l’ conquérant est extrêmement présent. Les Yvelines ne sont pas épargnées par tout cela. On aurait préféré rester à l’écart de cette folie.

     

    Selon vous, qui est responsable de ce qui s’est passé, vendredi, à Rambouillet ?

    La très belle chanson de Bob Dylan « Qui a tué Davey Moore » est l’histoire d’un boxeur mort sur le ring. Son entraîneur, son adversaire et l’arbitre n’ont pas fait attention et il est mort. Il y a une forme de dilution de la responsabilité. Personne ne peut prétendre sérieusement qu’aucune mesure ne garantira jamais qu’un de cette nature puisse se reproduire. Personne ne peut empêcher quelqu’un de déterminé de donner la mort à quelqu’un d’autre. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas traiter les causes. Je vois deux types de causes.

    La première, c’est la complaisance que nous continuons d’avoir à l’égard de l’islam conquérant, de l’islam tout court comme système politique et comme idéologie. Dans le cœur de l’islam sont inscrits des ferments de violence. Dans la politique de l’islam est inscrite la volonté de dominer tous les esprits et de soumettre, dans la loi islamique, tous les comportements individuels. Dans la diplomatie des États musulmans est inscrit le projet de faire dominer la charia en Europe.

    Le président Erdoğan n’est que le porte-voix d’un certain nombre de pays sunnites qui veulent faire régner la loi islamique sur l’Occident. Nous ignorons tout cela et n’avons pas pris la mesure de ce bras de fer de engagé par l’islam à notre encontre. Nous faisons comme si cette percussion n’existait pas, qu’elle était aimable et comme si elle pouvait être résolue, atténuée ou amortie par des accommodements raisonnables. On nous dit que ces fameux accommodements raisonnables pourraient améliorer la situation. Je n’y crois pas du tout.

    Autant je crois que le dialogue avec les musulmans est indispensable, autant je pense que la conciliation avec l’islam est impossible.

     

    Marine Le Pen face à Gérald Darmanin avait pris grand soin de dissocier l’islamisme et l’islam.

    Cela n’existe pas. Je suis curieux de savoir ce qu’il y a derrière ces termes. Il y a une différence entre l’islam et les musulmans. Il y a l’islam comme système et doctrine d’un côté et, de l’autre côté, le rapport qu’entretiennent les croyants à ce système et à cette doctrine. Politiquement, vous pouvez travailler sur la doctrine si vous engagez un combat culturel contre les idées. C’est cela qui n’existe pas, en France. Malgré les annonces et les coups de menton, la détermination sans faille, etc., on ne voit toujours pas de grands courants orientalistes renaître en France et toujours pas de soutien à ceux qui engagent une critique rationnelle de l’islam en tant que système.

    Par ailleurs, il y a ce qui est à faire contre les foyers de résonance de cet islam conquérant. La loi contre le séparatisme a essayé d’engager deux ou trois choses assez timides. Je ne suis pas certain qu’elles produiront des effets. C’est bien sur cette relation entre les musulmans et le système intellectuel qu’est l’islam qu’il faut travailler. La distinction islam/islamisme n’a aucun sens !

     

    Ce message porté par les gens du printemps républicain démontre que la République telle qu’elle est vue et interprétée aujourd’hui n’est peut-être pas armée pour lutter contre cet islamisme radical ?

    C’est un formidable signe de faiblesse. Quel plus grand signe de faiblesse que de vouloir faire taire celui qui ne pense pas comme vous ? Trouvez-vous que cette attitude est une attitude de force ?

    Pensez-vous que c’est l’attitude de quelqu’un qui est sûr de ses propres principes et qui est à l’aise avec sa propre doctrine ?

    Quelle est cette République, paraît-il, de la tolérance, de la liberté d’expression, de la liberté de croyance et de la liberté d’association ? Quelle est cette République qui, tout d’un coup, se met à interdire ?

    Plus on renonce à traiter cette question et plus on est obligé d’entrer sur un régime d’interdiction, de privation et de contrainte pour expliquer aux musulmans qu’ils ne pensent pas droit.

    On est en train de se rendre compte que ces fameuses valeurs de la République ne veulent rien dire. Pour beaucoup de Français, c’est du vent ! Les valeurs de la République répétées en particulier aux Français musulmans ne leur parlent pas. Je ne dis pas que cela ne parle à personne, je dis simplement que cela n’a aucune efficacité sur le plan de la capacité à refaire corps et à essayer de vivre les uns à côté des autres et, encore mieux, les uns avec les autres.

    Au fond, plus on est faible sur les finalités que l’on doit poursuivre, plus on doit devenir fort sur les procédures et les méthodes. Lorsque vous êtes forts sur les fins que vous poursuivez et lorsque vous savez les énoncer clairement, vous avez besoin de moins de procédures. Je peux comprendre l’agacement des gens qui voudraient voir interdire, une fois pour toutes, le voile dans l’espace public. Mais au nom de quoi ? Je me mets à la place de certains musulmans. Pourquoi des personnes pourraient porter des voiles sur la tête lorsque des processions sont faites dans la rue pour des fêtes religieuses chrétiennes, alors que les femmes musulmanes ne le peuvent pas ? On va me dire que c’est à cause de la civilisation.

    Si vous imaginez la variété des raisons pour lesquelles les femmes musulmanes se mettent à porter le voile, vous seriez surpris. Il n’y a pas qu’une logique de soumission. Il y a aussi une logique de protection, de pudeur et d’affirmation identitaire. C’est parce que nous avons renoncé à notre idéal de civilisation que les gens vont chercher ailleurs. Au fond, la prolifération de l’islam et sa capacité à s’installer en France durablement ne se nourrissent que de la faiblesse de notre propre conviction à défendre notre civilisation.

     

    D’un point de vue très pragmatique, que faudrait-il mettre en place ? Est-ce que la fermeture des frontières et les contrôles d’immigration sont efficaces ?

    Il faut faire tout cela en ayant conscience que ce sont des signaux politiques et que cela ne va rien régler du jour au lendemain. Comme je le disais tout à l’heure, le meurtrier de Rambouillet est en France depuis dix ans. Même si vous fermez les frontières maintenant, cela ne réglera rien pour ceux qui sont déjà rentrés. Mais c’est un signal politique et l’affirmation d’une volonté. Si, effectivement, vous cessez les naturalisations pendant un temps, vous envoyez un signal politique. Si vous décidez de faire une vraie bagarre aux clandestins, et peu importe que vous n’en expulsiez que 2 ou 3 %, cela envoie tout de même des signaux politiques. Cela ne traite pas la question des attentats terroristes, mais cela envoie des messages à ceux venant des pays étrangers qui pourraient considérer qu’ils peuvent être les bienvenus en France. Cela ne peut plus être le cas.

    L’attentat de vendredi est encore une manifestation qui fait suite aux dizaines d’agression, toutes les semaines, sur tout le territoire, contre les forces de police. Un de mes amis m’expliquait que, dans la métropole lyonnaise, les forces de l’ordre sont agressées presque tous les soirs. La seule réponse du gouvernement est de dire « on sera ferme ». Mais lorsqu’on est ferme comme au tribunal de Créteil, lorsque les criminels de Viry-Châtillon ont été blanchis pour certains d’entre eux par la , ce n’est pas formidable en termes d’efficacité. Au fond, c’est la réflexion sur les causes de cette violence et sur la désespérance qui atteint le peuple français et sur le fait que nous sommes en train de toucher la limite d’un système matérialiste et d’un système de consommation. Nous sommes en train de toucher la limite de la vision individualiste du corps . Tout cela n’engendre que de la violence. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de régulation spirituelle, et je ne parle même pas de religion. Nous avons renoncé à notre ferment de civilisation, donc nous n’avons plus de régulation spirituelle. Par conséquent, la violence s’installe.

    Il y a quelque chose de presque mécanique. C’est une constante historique que nous voyons à peu près partout. Qui s’apprête à traiter ce sujet politique ? Qui s’apprête à placer le débat sur ce bon niveau politique ? Les autres sont des enjeux de gestion. Je ne suis pas contre la fermeture des frontières, je l’approuve. Je suis d’accord pour que l’on arrête de naturaliser. Je ne peux pas être accusé de complaisance à l’égard de l’islam comme doctrine. Mais la racine de tout cela est le fait que nous ne savons plus qui nous sommes. Nous sommes diversement entendus. Peut-être que, cette fois-ci, nous le serons un peu plus et, malheureusement, la fois d’après, encore davantage.

     

    Jean-Frédéric Poisson

    Président de VIA | la voie du peuple, candidat à l'élection présidentielle de 2022
  • Frédéric Rouvillois : « Pourquoi les Français sont nostalgiques de la monarchie » [2e partie]

    « FIGAROVOX / GRAND ENTRETIEN - Sondage BVA : près de 40% des Français considèrent qu'un monarque serait bénéfique pour l'Unité nationale. Le professeur Frédéric Rouvillois explique les raisons de cet attachement à la figure du Roi. »

     

    3338857515.jpgQuestion désormais récurrente, même si elle apparaît, pour l'heure, sans effet immédiat ; discussion de principe plutôt qu'efficiente, donc, mais question posée de plus en plus souvent et qui traverse tous les milieux, tous les médias ; évocation - voire invocation - de plus en plus fréquente de la figure du Roi, bien au-delà des cercles royalistes traditionnels et qui surgit des profondeurs de l'opinion sans que les dits cercles royalistes y soient - apparemment - pour grand-chose. Le temps, la crise ouverte du Système politique et idéologique, le désamour des Français pour les politiques, les médias, la doxa dominante, travaillent pour leurs idées plus et mieux qu'ils ne savent eux-mêmes le faire ...

     

    L'incapacité croissante, de plus en plus patente, du régime à surmonter les défis assez terribles auxquels la France doit faire face aujourd'hui, peut transformer cette nostalgie en aspiration, et, en cas de crise, cette aspiration en demande d'un recours, d'une rupture, d'un régime nouveau, qui aurait forme royale - directement ou après une transition dont on ne voit pas encore les hommes ni les contours mais dont on devine qu'elle pourrait devenir nécessité. Impérieuse, évidente, déterminante nécessité. Une société ne tolère pas indéfiniment un régime devenu incapable d'assurer sa pérennité, sa sécurité, son intégrité.

     

    Ainsi va l'Histoire, passent les régimes en place, et s'opèrent les vrais changements.    

     

    C'est ce dont traite - avec la finesse et la pertinence qui lui sont coutumières - Frédéric Rouvillois dans le long entretien qu'il vient de donner au Figaro. [Figarovox, 2.09, dont illustration ci-dessus]. Entretien que nous avons maintenant publié intégralement, en deux parties, hier et aujourd'hui. Les lecteurs de Lafautearousseau pourront en débattre.  LFAR

      

    Entretien par Alexis Feertchak   

     

    Dans les monarchies qui existent en Europe, il y a une scission très forte entre la représentation du pouvoir qui incombe au Roi et son exercice qui est confié à un Premier ministre, responsable devant le Parlement. Le modèle de la monarchie parlementaire n'est-il pas un gage de stabilité ?

    Est-ce un gage suffisant de stabilité? Une monarchie parlementaire permettrait-elle de répondre non seulement aux attentes de la population manifestées par ce sondage, mais aussi aux défis impérieux auxquels doivent faire face les grands systèmes politiques? Pour répondre aux grandes crises qui frappent l'Europe et plus largement le monde, est-ce qu'une monarchie à la hollandaise, à la britannique ou à l'espagnole serait davantage pertinente? J'ai beaucoup travaillé ces derniers temps sur l'encyclique du pape consacrée à l'écologie intégrale. Le pape nous dit quelque chose d'essentiel: un problème fondamental comme l'écologie ne peut pas se résoudre à court, ni même à moyen terme. Seule une action pensée à long terme peut apporter des solutions viables. Et les rythmes de la démocratie représentative et du régime parlementaire, y compris de type monarchique, ne sont pas pertinents pour se projeter dans cet horizon du temps long. Les grandes décisions stratégiques ne peuvent se concevoir par rapport à des rythmes de quatre ou cinq ans, qui sont ordinairement ceux de tels régimes. Et ce qui est vrai pour l'écologie l'est aussi pour toutes les réformes fondamentales. Prenons l'immigration: cette crise ne sera pas résolue en quatre ans ou en cinq ans! Prenons encore l'agriculture: le monde paysan ne peut être sorti en un seul quinquennat du marasme terrifiant dans lequel il se trouve. Nous pourrions encore citer le cas de l'éducation. Bref, les grands sujets de notre époque -ceux qui intéressent vraiment les Français! - ne sont pas compatibles avec le rythme trop rapide de nos démocraties parlementaires.

    Je me tourne donc vers un autre modèle politique, qui est celui du Maroc contemporain. C'est un système dans lequel la monarchie et la démocratie se trouvent totalement combinées l'un à l'autre. Contrairement à la Reine d'Angleterre, le Roi du Maroc conserve un vrai pouvoir d'orientation stratégique. La figure du Roi permet ainsi d'inscrire les grandes réformes relatives au système social, aux droits des femmes, au modèle économique dans le temps long nécessaire à leur réalisation. C'est ce modèle à la fois monarchique et démocratique qui a permis au Maroc d'échapper aux tempêtes du Printemps arabe. Le royaume marocain a alors réussi à faire sa propre mutation, voire sa propre métamorphose au moment même où les républiques voisines, qu'il s'agisse de la Tunisie, de l'Égypte ou de la Libye, voyaient leur avenir tourner à la catastrophe.

    Notre monde se trouve confronté à des défis absolus qui engagent son existence même. Les démocraties parlementaires, qu'elles soient républicaines ou monarchiques, ne permettent pas de les résoudre. Il n'est pas impossible que l'on se retrouve assez vite dans une situation politique telle que ce problème deviendra crucial et manifeste. Le sondage de BVA atteste d'un courant en profondeur qui va dans cette direction: le bon sens des Français leur permet de percevoir ces signes d'une crise politique profonde. Les Français n'en peuvent plus de changer d'orientation politique tous les cinq ans. Pouvoir changer, c'est bien gentil, mais si l'alternance nous conduit à faire deux pas en avant, deux pas en arrière, alors on n'avance pas.

    Alors que seulement 20% des sympathisants de gauche estiment qu'un Roi aurait une influence positive sur l'unité nationale, ils sont 50% à droite et même 55% au FN. Le clivage gauche-droite d'aujourd'hui garde-t-il les traces de celui qui avait cours au 19e siècle entre les républicains et les monarchistes ?

    Ce qui est curieux, c'est qu'une partie importante des électeurs du Front national sont d'anciens électeurs de gauche! Autrement dit, ces anciens électeurs de gauche, en allant vers le Front national, s'aperçoivent qu'une forme monarchique du pouvoir pourrait s'avérer positive. Quant à la gauche, il y a effectivement des préjugés, des traditions et des survivances anti-monarchistes qui pèsent de façon lourde dans la position des uns et des autres. Il faut se souvenir que le clivage gauche/droite renvoie à un autre clivage, qui serait celui de l'ordre et du mouvement. L'ordre serait plutôt assumé par ce qu'on appelle la droite, le mouvement par ce qu'on appelle la gauche. À droite, il y a une conscience de l'importance de l'autorité et de la figure tutélaire du père ; et au fond, c'est un peu cela que le Roi incarne dans la tradition française.

    En 2015, dans un entretien accordé à Le 1 Hebdo, l'ancien ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, avait déclaré: «Je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort du roi (…) On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d'y placer d'autres figures: ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l'espace ». Macron fait-il un bon monarchiste ?

    Je constate qu'à bien des égards, Emmanuel Macron adopte une position de type monarchiste. L'avantage du Roi est de permettre l'unité. Le Roi n'est ni à droite, ni à gauche. Il est celui de tous parce qu'il n'a été élu par personne et qu'il ne dépend de personne non plus. Il est là pour faire en sorte que les choses aillent le mieux possible et que le bien commun soit réalisé dans la mesure du possible. N'étant ni de droite, ni de gauche, il est en quelque sorte au-dessus de la mêlée. C'est précisément la posture qu'Emmanuel Macron semble vouloir adopter. Il a depuis créé En Marche, qui se veut un mouvement et non un parti. Là encore, ce n'est pas anodin. Un mouvement auquel ont d'ailleurs adhéré rapidement diverses personnalités connues, y compris dans les médias, pour leurs sympathies royalistes.

    Et que pensez-vous de sa phrase: « Je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort du Roi » ?

    Là encore, on pourrait parler de bon sens, mais surtout de simple connaissance de l'histoire. En 1793, juste avant l'exécution de Louis XVI, certains conventionnels ont exigé la tenue de ce que l'on nomme « l'appel au peuple », une sorte de référendum, visant à déterminer si les Français étaient favorables au jugement et à une éventuelle condamnation du Roi. Robespierre, Saint-Just et les Jacobins, a priori très favorables à ce processus référendaire, vont pourtant, cette fois-ci, le refuser farouchement. Ils savent en effet très bien que les Français auraient gracié Louis XVI ! Lorsque le Roi est exécuté, il l'est donc par la volonté d'une infime minorité. Par ses paroles, Emmanuel Macron jette un pavé politique dans la mare, mais sur un plan historique, il ne fait que relater des faits connus.

    Louis XVI a été guillotiné le 21 janvier 1793. Pour la première fois, on n'a pas pu dire: « Le Roi est mort, vive le Roi» comme si, ce jour-là, les «deux corps du Roi » avaient été exécutés. Est-il envisageable d'effacer cette rupture ?

    À l'époque, les choses ne se passent pas ainsi puisque les royalistes sont encore nombreux. Une très grande partie des Français considèrent que le Roi Louis XVI étant mort, c'est le Louis XVII qui le remplace. C'est alors un petit garçon emprisonné par les Républicains dans la prison du Temple, qui mourra ensuite des sévices qui lui sont infligés. Mais pour eux, les choses sont claires : Louis XVII succède à son père le soir du 21 janvier 1793.

    En outre, on peut rappeler qu'au XVIIe siècle, les Anglais avaient eux aussi décapité leur Roi - et cela n'a pas empêché la monarchie anglaise d'être restaurée et de subsister depuis vaille que vaille.

    Mais au Royaume-Uni, la dictature de Cromwell a duré dix ans, la monarchie n'a pas eu à attendre deux siècles …

    Il y a une chose qui est sûre en politique, c'est que rien n'est jamais sûr. On ne sait jamais au fond de quoi sera fait le lendemain. Lorsque l'on scrute l'histoire politique, on se rend compte que les systèmes qui paraissaient les plus solides et indéracinables peuvent s'effondrer en quelques jours, voire en quelques heures, sous le coup d'un événement parfois dérisoire ou de l'action de quelques personnes. On a un exemple français avec la chute de la monarchie de Louis-Philippe. En février 1848, le Roi a tout pour lui : son bilan est plutôt bon, il est soutenu par l'immense majorité des Français et par la bourgeoisie qui domine la vie économique, il a avec lui la police, l'armée, l'administration, la justice, etc. Or, il va suffire de trois heures pour renverser ce régime. Et ce pour une raison très simple : le régime ne croit plus en sa propre légitimité, en son droit à gouverner. Beaucoup plus proche de nous et de manière encore plus spectaculaire, le destin de l'Union soviétique en 1991 était absolument inimaginable quelques années voire quelques mois avant la chute finale. On pensait alors que l'URSS allait durer en s'adaptant certes quelque peu, sous le coup notamment de la pression qui pesait sur les frontières musulmanes de l'Empire dans le Caucase. Mais on ne pensait pas que l'URSS s'effondrerait ainsi. Or, il a suffi d'une « crise de foi » du système soviétique, qui ne croyait plus en lui-même. C'est aussi pour cette raison qu'un sondage comme celui de BVA sur la progression des idées monarchistes n'est pas inintéressant.

    Vous parliez de Louis-Philippe. Ce dernier n'était pas Roi de France, mais Roi des Français. Comment pourrait-on reprendre aujourd'hui le fil de la royauté ? Pourrait-on imaginer que le peuple choisisse un nouveau Roi des Français, à l'image des deux Empereurs, légitimés par un plébiscite ?

    Avec les deux empereurs que nous avons eus, les Français validaient le système par un plébiscite, mais une fois qu'il était validé, l'Empereur n'était pas élu régulièrement par les Français, sinon ça aurait été la Cinquième République! Un système dans lequel, à la suite d'une révolution ou plus modestement d'une évolution, les Français seraient amenés à se prononcer sur une éventuelle restauration de la monarchie est une chose qui n'est pas à exclure. En politique, rien n'est sûr, ni dans un sens, ni dans l'autre. La question, maintenant, serait celle de la forme de ce nouveau régime monarchique. De 1870 à 1875, la Troisième République est créée par des monarchistes qui sont majoritaires à l'Assemblée constituante et qui décident de créer un système qui, le jour venu, pourra redevenir une monarchie parlementaire du type «Louis-Philippe». Ils pensaient qu'il suffirait alors de remplacer le président de la République par le Roi. Trois quarts de siècle plus tard, le Général de Gaulle, quand il crée la Cinquième République, constitue un système dans lequel le président de la République peut facilement, le cas échéant, être remplacé par un monarque. Dans ce cas précis, le Roi incarnerait le pouvoir, prendrait certaines décisions stratégiques avec l'appui du peuple, mais ne se substituerait pas à un Premier ministre, à un gouvernement et à un parlement qui pourraient être élus démocratiquement et qui représenteraient une autre légitimité. On peut parfaitement imaginer cette double légitimité dans le prolongement de ce que le Général de Gaulle avait conçu.

    La légitimité de Napoléon Bonaparte ne s'inscrivait pas dans une lignée: c'est en tant que héros qu'il a été plébiscité par le peuple. Pourrait-on imaginer Roi des Français n'importe quel citoyen que l'histoire mettrait sur le devant de la scène ou, a contrario, pourrait-on imaginer un retour des vieilles familles, qu'il s'agisse d'un Bourbon, d'un Orléans ou d'un Bonaparte?

    N'étant ni devin, ni cartomancienne, je ne peux vous répondre que par un parallèle historique. L'histoire nous montre qu'à certaines époques, des familles anciennes ont pu revenir sur un trône qu'elles avaient quitté quelques décennies voire quelques siècles auparavant. D'autres épisodes historiques nous montrent qu'un grand homme - général vainqueur ou homme d'Etat habi

  • ”Qui n'a pas lutté n'a pas vécu” : parce que la situation est grave, nos voeux ne peuvent qu'être des voeux de réaction

    8 millions de pauvres, 6 millions de chômeurs, pour ne prendre que deux des chiffres les plus alarmants parmi le flot d'exemples consternants qui montrent, tous, et en tous domaines, l'échec patent du Système. Voilà qui n'inciterait guère à un tonitruant "Bonne année !", ni même à parler d' "espérance", mais plutôt de pessimisme... : oui, mais, à condition qu'il soit actif !

    Car c'est justement parce qu'elle souffre, à cause du Système, parce que cette souffrance s'amplifie et que le rythme de son abaissement s'accélère, que nos pensées doivent d'abord aller à la France, au cher et vieux Pays. Là où la malfaisance du Système abonde, il faut, pour paraphraser Bernanos, que la réaction et l'engagement "pour que ça change" surabonde...

    prince jean les quatre.jpgParallèllement, nos pensées ne peuvent qu'aller au recours que représente la Famille de France : le Comte de Paris, le Dauphin Jean, duc de Vendôme, le petit Dauphin Gaston. On parlait de Bernanos, parlons comme Bainville : en se fixant sur ce que représente cette Famille de France, ce qu'elle concentre et synthétise, on voit qu'avec le modèle qu'elle incarne, qu'elle perpétue, qu'elle perénnise, le remède est à côté du mal. Le Prince Jean, dans une conférence donnée à des étudiants de plusieurs grandes Ecoles de Commerce, dans plusieurs villes du pays, n'hésitait pas à présenter la façon dont les Capétiens avaient "mené" la France comme un modèle pour une saine direction d'entreprise, et à parler, en ce sens, de "management capétien". Ce langage, audacieux et inattendu, est heureux : ce n'est pas d'un changement de personnel politique, ni d'un changement de Système dont nous avons besoin, mais d'un changement de Régime, passant par un véritable ré-enracinement, qui nous libérerait de l'idéologie, et nous re-grefferait aux sources vives de nos origines. "Retrouvez les intuitions de vos origines", avait l'habitude de dire Jean-Paull II : "Héritier des siècles" (selon la formule de Chateaubriand), qui, mieux que le Prince peut représenter une réelle vision d'espoir et d'avenir, dans l'échec apocalyptique du Sytème, et l'effondrement absolu des immenses espoirs qu'il avait fait naître ?...

    Car le déracinement des Français continue, par un "changement de peuple", un métissage idéologiquement voulu, prôné et présenté comme "le" modèle idéal, comme la France de demain, mais dont le but réel est de créer des "êtres nouveaux", sans racines ni traditions, ni repères ou attaches bien définies, puisque, en mélangeant plusieurs, ils ne "seront" plus d'aucune, ils ne "sauront" plus véritablement d'où ils viennent. Du moins, c'est ce qu'espèrent et attendent ceux qui poursuivent ce but, en imposant, par un bourrage de crâne quotidien, leur mensonge sur une France qui serait issu d'un métissage permanent, alors qu'elle était, et l'est encore en bonne part, "la plus cohésive", pour reprendre l'expression de Léon Daudet, dont la devise personnelle, "Qui n'a pas lutté n'a pas vécu" sert de titre à ces voeux pour temps de grande crise...

    Or, sur ce point comme sur d'autres, des volontés et des capacités de réaction sont possibles, et sont même à l'oeuvre, aujourd'hui, en France. C'est la raison pour laquelle nous avons volontairement fait suivre ces voeux de deux notes déjà parues sur notre quotidien, mais qui sont - et parce qu'elles sont - des signes de quelque chose d'encourageant, d'un sursaut à épauler et conforter, à amplifier, venu des profondeurs du pays réel :

    manif-pour-tous_440x260.jpg1. le "pourquoi" de notre participation à la prochaine manifestation du 13 janvier, à Paris, pour la défense de la famille contre l'idéologie folle de ceux qui veulent dénaturer ce socle fondamental de notre société;

    2. et la note publiée sitôt après l'excellente "Répliques" de Finkielkraut, où ses deux invités ont souligné que "le vrai clivage est entre une France totalement oubliée (en fait, la "vraie") et celle des bobos-idéologues de Paris et des médias comme Canal + qui confondent volontairement peuple et banlieue, ricanent de tout ce qui, pour eux, n'est que "franchouillardise", prônent le métissage non comme un droit mais comme un devoir et favorisent une hyper-réglementation (normes d'hygiène, de construction, etc.) destructrice et paralysante; ils remarquent que le rejet de la seconde (celle des idéologues) par la première (celle des "pays") est fort, qu'il va en s'accroissant au point d'être dominant dans certains "territoires" et ils semblent penser qu'à l'actuel sentiment de révolte pourrait bien succéder une sorte de lame de fond (qu'on pourrait, en l'occurence, qualifier à juste titre de "réactionnaire")."

    Dans notre Catégorie "Lire Jacques Bainville", la note 35 est consacrée à un article qu'il a écrit dans l'Action française du 31 octobre 1912, il y a donc exactement cent ans, La revanche de Kossovo; dans cet article remarquable, il montre comment, malgré les apparences qui peuvent être - et sont, pour nous, ici et maintenant - contraires; malgré les humiliations, malgré les tragédies, malgré les défaites, les choses peuvent toujours changer, si les hommes le veulent, car, disait-il, "ce qui a été conservé et sauvé ne l'a pas été en vain... Il est toujours des mains pour recueillir et transmettre le flambeau. Et pour les renaissances, il est encore de la foi". En voici deux courts extraits, évidemment applicables, dans leur esprit, à notre aujourd'hui d'inquiétudes:

    "Aux nations qui prennent leur revanche, il faut d'abord des esprits nobles et désintéressés, mainteneurs de la tradition, qui ne laissent pas succomber l'idée. Il faut ensuite que des poètes, des écrivains capables de susciter cette élite enthousiaste qui arrache les peuples à leur torpeur, recueillent l'idée conservée dans les sanctuaires et lui rendent la vigueur de la nouveauté et de la jeunesse. Ni l'un ni l'autre de ces deux éléments n'a fait défaut à la Serbie..."

    Feront-ils défaut à la France ? 

    "Au temps où les vieux rois serbes couvraient le pays de monastères, ils ne se doutaient guère qu'ils élevaient des refuges aux débris de leur nation et qu'en assurant à leur dépouille mortelle un abri contre le vandalisme des siècles, ils assuraient aussi la survivance de leur race. A côté de la lampe qui devait brûler nuit et jour au-dessus de leurs tombeaux, l'Eglise serbe a pieusement entretenu le foyer d'où a jailli l'étincelle patriotique : sous son toit, la vie nationale, à l'abri de la tourmente, a pu se sauvegarder proscrite, mais intacte. C'est elle qui, malgré la servitude et l'ignorance obligatoire, a preservé la patrie serbe de la mort politique et morale."

    Là aussi, "l'étincelle patriotique", la "vie nationale", ce qui a fait notre grandeur et qui est aujourd'hui "proscrit mais intact" feront-elles défaut à la France ? La Serbie, sous le joug, n'a recouvré son indépendance qu'après plusieurs siècles d'humiliation et de servitude, pendant lesquelles cette indépendance non seulement paraissait mais était bel et bien morte. Qui peut dire qu'il ne se passera pas - mutatis mutandis... - la même chose avec la France, et qu'après 137 ans de République idéologique, qui l'ont mise dans l'état critique où elle est à présent, elle ne sera pas sauvée de "la mort politique et morale" ?...

    Puisse lafautearousseau avec vous tous, ses amis, ensemble tout au long de l'année, travailler de plus en plus et de mieux en mieux, "malgré la servitude et l'ignorance obligatoire", en vue de cette évolution des choses, qui serait une vrai révolution; en vue du seul Bien commun, et de cette seule espérance : une France libérée du Système qui l'entrave, de l'idéologie qui l'abaisse, d'un pays légal qui la ruine; et qui pourra, alors, remettant enfin ses pas dans les pas de ceux qui l'ont faite - et faite grande et belle... - reprendre sa marche en avant, en renouant avec l'esprit de ceux qui l'ont créée et ont fait sa grandeur. 

    LOGO 9 LFAR copie.jpg

  • Notre entretien sur Charles Maurras à Martigues, avec Georges Bourquard, du Dauphiné libéré...(IV/V)

    MAURRRAS CANOTIER.jpgL'antisémitisme de Maurras...

    Nous avons surabondamment parlé de ce sujet sur le Blog, en répondant, par exemple, à des articles ou des déclarations d'un Bernard-Henry Lévy, d'un Alain-Gérard Slama ou d'autres....

    Comme pour de précédentes questions, nous avons donc renvoyé Georges Bourquard à ce qui se trouvait sur Lafautearousseau, et notamment à notre PDF M. le Maudit ...

    Nous ne devons pas craindre de parler franchement de l'antisémitisme de Maurras. Au contraire, il faut l'expliquer, le remettre dans son contexte et, le comparant à d'autres, montrer que Maurras fut finalement bien moins antisémite que beaucoup de gens lourdement encensés de nos jours. Et, en tout cas, bien différemment.

    Il faut être sérieux, et, surtout, il faut être juste et honnête. Ce que l'on n'est pas, avec Maurras et son antisémitisme...

    Sans remonter plus loin que lui - ce qui nous fait tout de même presque 2.000 ans... - force est de constater que, depuis que l'Empereur Titus, accomplissant la prédiction de Jésus, a détruit le Temple de Jérusalem, et emporté à Rome tout ce qu'il contenait, l'antisémitisme est une réalité assez largement partagée, qui transcende les époques, les pays, les peuples, les religions, les philosophies, les partis politiques. Celui qui se donnerait pour tâche de collecter les citations antisémites du monde entier, toutes cultures, toutes religions, toutes couleurs de peau, toutes époques, toutes opinions politiques ou philosophiques etc. confondues réaliserait sans peine un gros bouquin. Et l'on serait surpris des gens que l'on y "rencontrerait". D'ailleurs, nous réaliserons ce travail, un jour.

    maurras,chemin de paradisNous avons donc rappelé à notre interlocuteur que Napoléon dispose d'un tombeau grandiose aux Invalides, lui qui déclarait sans sourciller des juifs : "Ce sont des sauterelles et des chenilles qui ravagent la France" ! Et que Voltaire avait, lui aussi, les honneurs officiels, au Panthéon. Il a pourtant bien écrit ceci : "C'est à regret que je parle des Juifs : cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre". (Voltaire, Article "Tolérance" du Dictionnaire philosophique. Il appelle ailleurs les juifs "...ces ennemis du genre humain...", un "peuple barbare, superstitieux, ignorant, absurde", et un "peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent..."

    Vraiment, le Système honore de ces gens, et a de ces fréquentations !

    N'est-il pas étrange, dans ces conditions, d'entendre toujours et à tout bout de champ le refrain "Maurras antisémite", alors que nul ne s'émeut du grandiose hommage rendu à ces deux antisémites que furent Napoléon et Voltaire ? Ou bien on rêve, ou bien on vit dans le mensonge, la tartufferie, l'hypocrise. Et, comme on ne rêve pas, la conclusion s'impose, d'évidence.

    Un exemple éloquent du traitement particulier réservé à Maurras : alors que Léon Poliakov, dans le tome III de son Histoire de l'Antisémitisme, fait de Voltaire "le pire antisémite français du XVIIIème siècle", Roland Desné défend Voltaire : "Ce n'est pas parce que certaines phrases de Voltaire nous font mal que nous devrions le confondre dans la tourbe du persécuteur".

    Ah, bon ? On fait pareil pour Maurras, alors ? Sinon, pourquoi deux poids et deux mesures ? La réponse est claire, ne soyons pas naîfs : c'est qu'il s'oppose au Système sur le fond; qu'il en a fait une critique, au sens propre, radicale, au point que nombre de ses démonstrations, de ses conclusions, sont, en fait, passées dans le domaine public; que ses adversaires, eux-mêmes, en sont imprégnés, s'en servent, les reprennent; et que l'idéologie qui sous tend le système s'en trouve irrémédiablement affaiblie. Est-ce pardonnable ?      

    Ceux qui reprochent son antisémitisme au seul Maurras - et pas aux autres ! - feraient bien de... lire Maurras ! Ils y trouveraient, par exemple, cette phrase : "L'antisémitisme est un mal si l'on entend par là cet antisémitisme de "peau" qui aboutit au pogrom et qui refuse de considérer dans le Juif une créature humaine pétrie de bien et de mal, dans laquelle le bien peut dominer. On ne me fera pas démordre d'une amitié naturelle pour les Juifs bien nés."

    Il est intéressant de rapprocher cette phrase de Maurras de ce cri de "Mort aux Juifs" que l'on entend, aujourd'hui, de façon tout à fait habituelle et banale (et "l'affaire Ilan Halimi" n'est pas si loin...), dans ces 1.500 (et plus...) zones sensibles repertoriées par le Système. Car il s'agit bien là d'un antisémitisme de peau, d'un racisme que, justement, Maurras condamne. Et le parti qui doit se sentir le plus gêné aujourd'hui avec l'antisémitisme, c'est le Parti socialiste, le parti du Président, qui a raflé 93% du "vote muslman" dans ces banlieues où règne et s'étale un antisémitisme chaque jour plus agressif et plus décomplexé.

    La vérité toute simple est que l'antisémitisme existait bien avant Maurras, et n'avait pas eu besoin de lui pour naître, croître et prospérer; de même, l'antisémitisme existe toujours après Maurras, et n'a toujours pas besoin de lui pour continuer sa course.

    Enfin, sur le ton de la plaisanterie, mais appliqué à une chose sérieuse, nous avons rappelé à Georges Bourquart cette phrase de Lionel Jospin, parlant de l' "héritage" de Mitterand, qu'il acceptait "sous réserve d'inventaire". Georges Bourquart se souvenait évidemment très bien de ce moment de télévision, et est convenu que, ce que l'on permettait à Jospin, on devait le permettre aux royalistes et à ceux qui se réclament de Charles Maurras...

    Alors, oui, nous pouvons et nous devons faire un inventaire de l'héritage de Maurras. Que cet inventaire remette en cause son antisémitisme, celui qu'il professait, ou non. Ou d'autres points, de sa pensée ou de son oeuvre.

    Et, lorsque nous nous adressons à des jeunes de 18 ans, quels en sont les aspects qui nous intéressent le plus et que nous leur présentons ? 

    A l'intérieur, c'est le Maurras de L'Avenir de l'Intelligence, celui qui a démonté le mécanisme qui nous a conduits à notre actuel Âge de fer, dans lequel les forces de l'Argent, de l'Or, dominent sans partage et ont tout asservi...

    maurras,chemin de paradisA l'extérieur, c'est le Maurras de Kiel et Tanger, celui qui a montré comment la France, dès qu'elle renouera avec sa politique et sa diplomatie traditionnelle, pourra "manoeuvrer et grandir" : il lui suffira de recommencer à faire ce qu'elle a toujours fait, au cours des siècles, c'est-à-dire fédérer autour d'elle les petites et moyennes nations, qui, seules, ne peuvent s'exprimer, mais, si elles s'unissent à la France, forment - avec elle - un bloc capable de parler aux plus grands empires... 

    Oui, Maurras a encore quelque chose à nous dire ici et maintenant, et sur les sujets majeurs de notre aujourd'hui; oui, on a besoin de Maurras; et ceux qui se privent de son intelligence, et qui privent l'Intelligence française de sa contribution, au motif qu'il professait un certain  antisémitisme – qui, après tout, s’apparente, derrière la violence des mots, à l’attitude politique que De Gaulle et Mitterrand, eurent parfois à l’égard des Juifs - ne rendent pas un bon service au Pays.

    Le second président de la Vème République, George Pompidou, lors d’un discours à l’école libre de sciences politiques, le 8 décembre 1972, cita un passage de Kiel et Tanger : 

    « S’agissant de la France, de sa place et de son rôle dans le monde, il faut d’abord en prendre la mesure. Quelqu’un qui n’a jamais été mon maître à penser, tant s’en faut, Charles Maurras, a, dans Kiel et Tanger, dès 1910, prévu le monde actuel, je cite : « composé de deux systèmes : plusieurs empires avec un certain nombre de nationalités petites ou moyennes dans les entre-deux. Un monde ainsi formé, continue Maurras, ne sera pas des plus tranquilles. Les faibles y seront trop faibles, les puissants trop puissants et la paix des uns et des autres ne reposera guère que sur la terreur qu’auront su inspirer réciproquement les colosses. Société d’épouvantement mutuel, compagnie d’intimidation alternante ». C’est bien là ce que nous voyons, n’est-ce pas ? J’en conclus que l’action de la France, aujourd’hui puissance moyenne typique, est simple et évidente...»

  • La faute aux politiques, l'analyse politique d'Hilaire de Crémiers....

    (parue dans le numéro 100 de Politique magazine, d'octobre 2011)

     

    Les politiques refusent d’endosser leur responsabilité. Pourtant, tout ce qui arrive est principalement leur faute. Et ce sont leurs décisions qui sont la cause initiale de la crise.

     

            C’est la faute aux marchés, c’est la faute à la crise, c’est la faute aux banques, c’est la faute aux Américains, c’est la faute aux Grecs, demain ce sera la faute aux Allemands… Non, c’est la faute aux hommes politiques français. Voilà des hommes qui ont fait croire qu’ils étaient faits pour être des chefs, pour représenter leur peuple, pour agir en son nom. Ce sont eux qui ont pris les décisions. Ces décisions sont allés dans le même sens depuis cinquante ans, quels que soient les hommes et les partis au pouvoir. Ils doivent aujourd’hui assumer leur responsabilité : le désastre qui se pointe, c’est leur œuvre.

            Ils ne l’ont pas voulu, certes, mais, aveuglement, stupidité, manque de réflexion, idéologie, ils sont la cause politique, en raison des choix qu’ils ont faits, de l’enchaînement d’effets calamiteux dont ils font mine aujourd’hui d’être surpris. Quelle inconséquence !

     

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    Le système craque

            Ils faisaient marcher leur machine politicienne dont ils connaissaient le fonctionnement et, approximativement, les rouages. 

            Ils étaient habitués à ses tressautements électoraux qui leur prouvaient qu’elle tournait et c’était ordinairement sans risque. 

            Ils faisaient ce qu’il fallait : ils votaient les lois presque machinalement, ils faisaient des discours, ils menaient des campagnes, ils se disputaient parce que c’est la vie.

            Et puis voilà que tout se dérègle. Comme souvent, comme toujours, une fois que ça commence à aller mal, tout va mal. La vérité : tout va aller de plus en plus mal. Financièrement d’abord : les plus intelligents d’entre eux le savent déjà. Donc économiquement et socialement : certains s’en doutent et même s’en effrayent ; ils ont raison. Que va-t-il se passer quand il n’y aura plus d’argent ? Qu’il ne sera plus possible de rien payer ? Quand les fonctionnaires, quand les hôpitaux, quand l’Éducation nationale, quand les collectivités territoriales, quand les banlieues, oui, les banlieues… Quand les traitements, les subventions, les allocations, les systèmes sociaux seront diminués, supprimés… Quelque-uns y pensent, le redoutent ; ils sont encore rares, ceux-là. 

            L’anticipation n’est pas le don premier du personnel politique, ni des financiers, d’ailleurs, ni des journalistes sauf exceptions. Qui se souvient aujourd’hui de l’avant-guerre ? Le désastre est venu et, à part quelques Cassandres bien connues et qu’il ne fallait surtout pas écouter, personne n’avait rien prévu. Décidément, c’est toujours la même chose… Eadem semper, disait le poête antique.

     

    Les partis à l’épreuve

     

            Seulement, aujourd’hui, ce que perçoit clairement la classe politique, ce sont les craquements sinistres qui ébranlent la machine politicienne. Les uns craignent d’être jetés, emportés ; les autres se livrent à la joie, à la pensée de pouvoir en profiter pour s’emparer des commandes… Qui sait ?

     

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    "Pour la première fois, le Sénat connaît l'alternance", a déclaré le chef de file des sénateurs PS, Jean-Pierre Bel, qui a succédé à Gérard Larcher (UMP) à la tête de la Haute assemblée.

     

            Les dernières élections sénatoriales qui donnent la majorité à la gauche au Sénat pour la première fois de la Ve République, ont été un coup de semonce pour l’UMP. Et, pourtant, où est la surprise ? À force de perdre les élections locales, devait arriver le moment où le grand Conseil des communes de France serait à la couleur de la majorité des collectivités territoriales. L’action du gouvernement, au moment où les difficultés s’accumulent, en deviendra plus difficile. « Les investisseurs » pour parler le jargon financier, n’en seront pas rassurés.

            Voilà ce que c’est que de toujours miser sur les seules élections présidentielles et de ne faire un parti que pour les gagner, ces maudites élections, au service finalement d’une ambition personnelle, forcément toujours démesurée. Immense défaut du système français, si mal adapté aux besoins vrais de la France. Il est prévisible que l’UMP qui n’a été constituée, comme jadis le RPR, que pour Chirac, puis, prise en main à cet effet, pour Sarkozy, va s’y casser. Et peut-être même avant les présidentielles, car le doute s’insinue et sur la personne du candidat et sur l’efficacité de la machine. C’est qu’il y en a d’autres que Sarkozy… Horrible système, destructeur de tout, qui fait penser à la fin de l’Empire romain où les empereurs se succédaient en s’entretuant ou en se faisant entretuer, tandis que les invasions se poursuivaient et que l’économie et la société éclataient ? D’ailleurs, les effroyables réglements de comptes dont les Français sont témoins, dans les sommets de l’État et de la justice, manifestent publiquement l’atmosphère et les mœurs qui y règnent.

     

    droite-populaire2.jpg

     

            L’élection présidentielle est désormais fortement compromise pour la droite, sauf redressement. Les députés qui se sont intitulés de la Droite populaire l’ont parfaitement senti. Réussiront-ils ou, au contraire, la cassure s’effectuera-t-elle avec une UMP centriste qui n’a pas d’autre idée que celle du moment ? Le risque est grand et les élections législatives qui suivent les présidentielles, seront une épreuve encore plus significative.

            Le Front National, pareillement, mise tout structurellement sur les élections présidentielles avec un seul homme, maintenant une seule femme, et quel que soit le talent de la dame dont la cote dans l’opinion est plus haute que ne le disent les sondages trop officiels, le risque est le même. Terrible ! Soulever une espérance pour finir dans un échec.

            Qui pourrait ouvrir les yeux des Français ? Faire qu’ils réalisent à quel point le système dans lequel on les fait marcher – qui, on ? –, est pervers et les dressent constamment les uns contre les autres pour uniquement la satisfaction d’ambitions qui ne sont pas les leurs. En dépit de ce qu’on leur raconte et quels que soient les hommes ou les femmes, leur qualité personnelle n’étant pas en jeu.

     

    Un gagnant perdant

     

            Il y a tout lieu de penser que François Hollande gagnera « les primaires » socialistes (1). Lui, il est de ceux qui se réjouissent de ce délabrement de l’appareil politique français. Il se voit déjà président de la République. Mais c’est tout ce qu’il voit. Son sourire perpétuel le montre assez. Il ne voit rien d’autre. Il est, à proprement parler, sans vision. Fils de famille qui en a toujours pris à son aise, chez qui la misère sociale n’est qu’un thème de discours, il n’est absolument pas armé pour affronter le déferlement d’évènements qui va submerger le pays. De ce point de vue, c’est un niais, mais, après tout, comme tant d’autres. Sait- il que le prochain chef de l’État sera d’abord et essentiellement un syndic de faillite ? Ce n’est pas un sort enviable quand on a le cœur haut.

            Mais arrivera-t-il seulement aux élections présidentielles ? Et Sarkozy ? Et les autres ? Nul ne peut dire ce que sera la situation de la France et de l’Europe dans un mois, dans deux mois, dans trois mois… Gageons que beaucoup de gens prendront leur distance quand le péril viendra. Cependant que les aventuriers, une fois de plus, voudront faire… leurs affaires. ■ 

    (1) ; le numéro est, évidemment, paru avant la fin des primaires socialistes....

  • L’affaire Kouchner, ou la Révolution pour rien…..

             Nous ne sommes pas des charognards, ni des moralisateurs, ni des donneurs de leçons. L’affaire Kouchner, en soi, n’est pas de notre ressort. Laissons l’accusation accuser, la défense défendre, et juger qui voudra, ou qui pourra. A ce stade de « l’affaire » il n’y a rien à dire d’autre….

             Si Bernard Kouchner est (ou était…) attiré par l’argent, voire corrompu, il ne serait ni le premier ni le dernier dans la longue liste, en France et dans le monde, des gens qui auraient confondu (comme on le dit dans la presse actuellement...) leur intérêt personnel  avec le  rôle qu’ils jouent en tant que grands fonctionnaires de l‘État.

    bernard-kouchner-2600607_224.jpg

               Ce qui nous intéresse par contre, dans cette affaire Kouchner, c’est de passer d’un cas particulier au cas général, du cas d’une personne éventuellement corrompue au cas de la République et de la Révolution.

               Mais, pourquoi ? demandera-t-on peut-être; et quel rapport y a-t-il entre les deux ?

               Eh bien, voilà…..

               Quand les révolutionnaires ont massacré leurs opposants, établi le totalitarisme et décrété le premier génocide des temps modernes contre les Vendéens, la raison invoquée par eux pour justifier et même légitimer (!) toutes ces horreurs était qu’ils allaient régénérer, non seulement la France mais l'Europe, et même le genre humain ! Robespierre, Danton, les Conventionnels savaient très bien qu’ils tuaient des innocents (1), mais ils pensaient qu’ils allaient créer un monde nouveau, un Homme nouveau. Lénine, leur héritier-continuateur, n’a-t-il pas dit que la société sans classe serait si belle qu’on ne pouvait même pas l’imaginer ?

                Or, l’on ne peut que constater, deux cents ans après cette funeste Révolution, que rien n’a changé, et que même tout a empiré. La Révolution-mère, et celles qui l’ont suivie (2), ont détruit les antiques pouvoirs traditionnels qui se fondaient sur l’Histoire, sur le Sang – comme disait Maurras dans sa lumineuse démonstration de l’Avenir de l’intelligence… - et qui se reconnaissaient une autorité supérieure par le seul fait qu’ils admettaient la Transcendance.

                La Révolution et ses avatars ont remplacé ces antiques pouvoirs par des idées abstraites, des notions théoriques qui ne pèsent d’aucun poids face à la puissance de l’Argent, de l’Or; ce qui laisse encore plus qu’avant les mains libres à la corruption puisqu’il n’y a plus aucun pouvoir capable, ou simplement désireux, de s’opposer à elle.

                 C’est là, donc, qu’intervient notre critique. Non pas sur une personne, et contre elle (Kouchner, en l’occurrence), non pas sur un cas particulier mais, à travers ce cas particulier, pour remonter au cas général; et pour passer de la critique d’une personne à la critique d’un système. Notons d’ailleurs que la même chose peut être dite pour bien d’autres affaires, de Julien Dray aux carnets noirs d’Yves Bertrand, consacrés aux turpitudes de la République.

                 Des turpitudes et des ministres corrompus, des enrichissements personnels scandaleux, il y en a eu à foison pendant les mille ans de Royauté. Ce n’est donc pas là-dessus qu’il faut, en soi, attaquer le système actuel. Mais c’est sur ce fait précis que la révolution a échoué à changer l’Homme et le monde; que sous la République, issue de la Révolution tout continue comme avant, question corruption, et même avec une échelle démultipliée ; et que donc, de ce point de vue là, la révolution n’a servi à rien, et les faits se sont chargés de contredire Robespierre, Danton et les Conventionnels  qui voulaient régénérer la France, et qui n’ont rien régénéré du tout (3).

                Là est la critique.

                La République et la Révolution sont donc condamnables, là où la Royauté ne l’était pas, en soi. Car jamais, dans aucun texte, aucun Roi n’a promis d'apporter le système qui allaitt éradiquer toute laideur, toute bassesse, toute corruption de la Société. La République, elle, l’a promis/juré. Elle l’a assuré et proclamé, et c’est même pour cela, c’est au nom de cette promesse folle qu’elle s’est autorisée à massacrer et à génocider, en affirmant qu’on allait voir ce qu’on allait voir. Eh bien, justement, on voit : c’est comme avant, c’est même pire qu’avant…

                On voit donc bien, par ces quelques réflexions sur l’affaire Kouchner, que ce qui nous intéresse là ce n’est pas Kouchner en lui-même, son éventuel enrichissement personnel et son éventuelle corruption. C’est la corruption du système, la corruption du pays Légal, la corruption de la République institutionnelle.

                Parce que cette corruption est inadmissible, si l’on se réfère aux promesses de ses origines.

                Ce qui était inadmissible et fou, ce qui est et reste la corruption fondamentale, substantielle, de tout système politique issu de l’idéologie révolutionnaire, c’est, en soi-même, la prétention à changer radicalement l’homme et la société, à engendrer, en un sens quasi-religieux, un homme nouveau, quand il apparaît si difficile de seulement vouloir l’améliorer un peu …

     

    (1)     :       "Les scènes des Cordeliers, dont je fus trois ou quatre fois le témoin, étaient dominées et présidées par Danton, Hun à taille de Goth, à nez camus, à narines au vent, à méplats couturés, à face de gendarme mélangé de procureur lubrique et cruel. Dans la coque de son église, comme dans la carcasse des siècles, Danton, avec ses trois furies mâles, Camille Desmoulins, Marat, Fabre d'Eglantine, organisa les assassinats de septembre.…

                     Danton, plus franc que les Anglais disait, : "Nous ne jugerons pas le Roi, nous le tuerons." Il disait aussi : "Ces prêtres, ces nobles, ne sont point coupables, mais il faut qu'ils meurent parce qu'ils sont hors de place, entravent le mouvement des choses et gênent l'avenir."  (Mémoires d'Outre-Tombe, La Pléiade, Tome I, pages 298/299).

    (2) : toutes sorties d'elle et d'elle seule, qui est l'unique matrice : c'est le mérite de Soljénitsyne de l'avoir bien manifesté dans son discours des Lucs sur Boulogne (que vous pouvez lire dans la Catégorie Grands Textes, en Grands Textes I).

    (3) : Saint Just a tout de même osé dire, et écrire: "Je ne juge pas, je tue" (au procès de Louis XVI) et "Une nation ne se régénère que sur des monceaux de cadavres"...

  • Hé oh, la gauche !

     

    par Hilaire de Crémiers

     

    157e493dd19d0d2ee135205f081739f9_Hilaire.jpgQuand Macron annonce qu’il veut sortir du vieux clivage gauche-droite, il ne fait que répéter une très vieille antienne que Bayrou a reprise en son temps. Mais alors il faut aller jusqu’au bout… et renier un régime qui ne vit que de la lutte des partis. Chiche !

    La France attend l’homme fort. Les sondages, d’ailleurs, confirment, chez les Français, le dégoût du régime et l’attente d’une solution énergique ; pour certains, elle est même militaire, voire monarchique : un chef, un seul, en qui il soit possible d’avoir confiance et qui remette de l’ordre. Cette aspiration est aussi simple qu’essentielle. Il n’est pas besoin d’être grand clerc ni expert en matières politiques pour comprendre cet appel que lance l’âme française aujourd’hui, comme elle le fit déjà dans le passé, de siècle en siècle, chaque fois que le pays traversait une période d’anarchie, subissait l’invasion, allait de désastre en désastre et ne se reconnaissait pas dans de faux chefs qui profitaient de la situation pour s’emparer du pouvoir et pour en abuser. Oui, il est rassurant de penser que 85 % des Français ne font plus confiance aux hommes politiques, aux partis, aux syndicats, aux médias, en un mot au système ; ce mot que tout le monde comprend et emploie tant il est significatif. Nous n’avons plus d’État, nous n’avons qu’un système.

    La république oligarchique

    Certes, ces Français qui protestent en leur for intérieur, ne sont jamais entendus ; cependant, ce sont eux qui font marcher la France effectivement, qui font tourner ses usines, ses commerces, son agriculture, qui livrent des produits remarquables à l’exportation dont le gouvernement peut encore se flatter – avions, navires, sous-marins de haute performance –, qui lui donnent une armée, une gendarmerie, une police qui, en dépit des méfiances et des inepties du régime, effectuent leur service au mieux de leur possibilité. Un général Soubelet qui se fait démettre de ses fonctions, est un cas typique. Dans aucune instance officielle ces Français, en tant que tels, ne sont représentés ou ne peuvent faire valoir leurs justes demandes. Politiquement ils n’existent pas. Partis et syndicats se sont emparés de tous les leviers de pouvoir, de la représentation et des organes de décision.

    On fait croire au peuple que l’élection est un choix ; c’est évidemment archi-faux ; c’est au mieux un exutoire, on dirait maintenant un défouloir. Et, en ce moment, en Europe comme en Amérique, en Autriche dernièrement, irrités par l’incurie de leurs gouvernants, les peuples s’essayent à récuser les élites officielles. Mais ces réactions sont toujours précaires et nul ne sait où elles mènent vraiment. Le jeu électoral, surtout en France, est tel qu’il n’est en fin de compte réservé qu’aux seuls dignitaires du régime ou à ceux qui y font allégeance. Le Conseil constitutionnel, d’ailleurs, contrairement aux principes démocratiques, vient de valider la réforme électorale qui privilégie les candidats du système. Il est impossible d’en sortir. Des coups de boutoir sans doute et tant mieux, mais, comme l’expérience l’a prouvé à toutes les générations, le régime finit toujours par l’emporter. C’est la seule chose qu’il sache fort bien faire : se défendre.

    Quel est donc ce régime qui permet à un Hollande de devenir chef de l’État ? Voilà la vraie question qu’il faut se poser. Quelle est cette moulinette qui transforme les opinions profondes des Français en bouillies électorales dont se nourrissent indéfiniment les partis du système ? Et qui donnent au final une représentation faussée ? Il y a au cœur du problème français une question d’institutions. Chacun le sait fort bien mais personne ne veut le voir ni le dire.

    Cependant, le rejet en est si total que les médias en dissimulent la violence. On feint de croire à l’importance de révoltes gauchardes, comme Nuit debout, qui s’essayent à récupérer l’insupportable malaise français, alors que la Manif pour tous, les Veilleurs, toutes les vraies révoltes du pays réel ont été constamment occultées et vilipendées. Alain Finkielkraut a appris à ses dépens la sordide réalité de cette chienlit. On met en scène les moindres revendications catégorielles – en ce moment les intermittents du spectacle, les cheminots – sans même attacher le moindre regard aux usagers des transports qui pâtissent tous les jours ni à ceux qui triment à longueur de journées pour tenter de survivre.

    La CGT, entre autres, ne représente plus rien, mais c’est elle qui fait la loi. Elle publie une affiche qui insulte les forces de l’ordre ; le gouvernement ne proteste même pas. L’Unef n’est qu’une misérable officine où se concoctent les carrières des futurs élus de la gauche qui y apprennent tout à la fois et « le baratin » à servir pour réussir dans le système et la manière de rafler les mises, y compris financières ; telle était déjà l’Unef dans les années 60 qui a donné les apparatchiks actuels du parti socialiste, telle elle est encore aujourd’hui. Toute cette engeance qui ne vit que de la société et qui s’est installée au chaud dans de belles places garanties et bien payées, s’adonne au jeu de la révolution permanente, mais qui ne va jamais jusqu’à les remettre en cause eux-mêmes… évidemment ! Il n’est pire conservatisme que celui des stipendiés de la révolution totalitaire !

    La fin du régime ?

    L’État n’est plus qu’une administration sans âme dont la lourdeur pèse d’un poids accablant sur le pays : 57 % de la richesse produite est accaparée par un monstre qui ne remplit plus les hautes fonctions régaliennes, mais qui se mêle de tout avec des ministères et des secrétariats d’État aux appellations grotesques. Plus aucune autorité ne se dégage des institutions. Le chef de l’État n’est plus rien qu’un sujet de dérision et qui s’imagine encore être quelqu’un ; quand il s’exprime en public, comme dans sa dernière « prestation » télévisée, il est toujours pitoyable, incapable de s’élever à la hauteur de son rang ; on dirait d’un maquignon content de lui et qui discute du bout de gras. Avec toutes les dernières aventures législatives où l’incohérence le dispute à la pitrerie, de la déchéance de nationalité à la loi El Khomri, il devient de plus en plus légitime de se demander à quoi servent les parlementaires quand on sait comment sont fabriquées et votées les lois ?

    Chacun ne pense plus qu’à son élection ou sa réélection. Stéphane Le Foll lance au service de son chef de parti son dérisoire « Hé oh la gauche ! ». Valls répand la manne de l’État sur la jeunesse pour acquérir ses voix, RSA et bourses à volonté, puis il saupoudrera de subventions et d’augmentations les catégories que la gauche voudrait récupérer. Déjà on annonce, sur un seul chiffre mensuel, la baisse du chômage. On parle de libéraliser le cannabis. Macron fonde En marche pour se mettre à part et se définir comme au-dessus des partis.

    Dans cette atmosphère délétère, on oublie l’état d’urgence qui sera pourtant prolongé ; les forces de l’ordre sont harcelées, moquées, épuisées. Les risques n’ont pas diminué : les attentats, les vagues migratoires que nul au niveau de l’État n’envisage vraiment dans leur ampleur, la crise économique et sociale, peut-être bientôt financière et monétaire. Qui sait ce qui restera de l’Europe dans un mois, dans deux mois ? L’Angleterre ? La Grèce ? L’Allemagne elle-même ? Une question se pose, de plus en plus évidente : la France peut-elle survivre avec un tel régime ? 

  • Déni d'islamisme : le réarmement moral passe par un retour au réel

     

    Par Mathieu Bock-Côté          

    Masqué sous des justifications psychiatriques ou sociales, le déni d'islamisme continue de frapper, constate Mathieu Bock-Côté, pour qui, à force de dépolitiser les attentats, les Occidentaux savent pleurer, mais plus se battre. Nous sommes une fois de plus d'accord. Pourquoi reprenons-nous souvent les tribunes, les analyses, de Mathieu Bock-Côté ? Simplement, parce qu'elles vont au fond des choses, à l'essentiel, aux racines même du Système dominant : racines idéologiques,  mais aussi comportements et méthodes du totalitarisme révolutionnaire, ancien ou nouveau. Ce sont des analyses qu'un contre-révolutionnaire, par exemple maurrassien, eût faites à peu près de la même façon. Et que beaucoup d'autres font aujourd'hui, en dehors de nos cercles, en particulier parmi les jeunes intellectuels. Ce courant de réflexion est, pour nous, d'un intérêt - disons stratégique - tout à fait évident.  LFAR    

     

    3222752275.jpgOn commence à s'y habituer : à chaque attentat terroriste, une bonne partie du système médiatique active le logiciel du déni d'islamisme. Cela a aussi été le cas après l'attentat de Nice. Une chose semble plus importante encore que de pleurer les victimes et d'encombrer les lieux du crime de fleurs et de bougies: c'est de dépolitiser l'attentat. Dans la mesure du possible, on multipliera les hypothèses qui nous éloignent d'un constat pourtant enregistré depuis longtemps dans la conscience populaire : la paix perpétuelle à laquelle nous aspirions dans la dernière décennie du vingtième siècle a été fracassée une fois pour toutes. L'islamisme nous a déclaré la guerre. Il ne nous est plus possible de croire que la guerre appartient à la préhistoire de l'humanité occidentale et qu'il suffirait d'étendre à travers le monde la logique des droits de l'homme pour l'éradiquer une fois pour toutes. Mais le système médiatique travaille fort à nier cette réalité.

    Il y a d'abord la piste psychiatrique. Le terroriste serait un déséquilibré, un fou furieux, un maniaque, un psychopathe, mais pas un islamiste. En un mot, il n'y aurait aucune signification politique à un tel attentat : on devrait le considérer comme une forme de catastrophe naturelle - mais la nature qui se déchaînerait ici sur les sociétés serait la nature humaine et ses failles hantées par de sombres fantasmes de destruction. On ne saurait inscrire le crime dans une trame plus vaste et d'aucune manière, on ne devrait l'expliquer idéologiquement. Le crime n'est plus vraiment un crime : c'est un malheur, une malédiction, un rappel de la part incompréhensible de la condition humaine. C'est ainsi que plusieurs, comme le premier ministre canadien Justin Trudeau, ont parlé d'un acte « insensé » plutôt que de reconnaître dans l'attentat de Nice un épisode dans la guerre de l'islamisme contre l'Occident. Faut-il comprendre, dès lors, que les seuls terroristes qu'on prendra au sérieux sont ceux qui paient leurs impôts à temps, mangent de manière équilibrée et qui ont une connaissance fine du Coran ?

    Il y a aussi la piste de l'exclusion sociale : l'homme qui se rendrait coupable d'un attentat serait en fait une victime de la société où il vit. Seule la désespérance sociale le rendrait sensible aux sirènes islamistes. Plus encore : l'exclusion qu'il subirait le pousserait à cette forme de résistance condamnable mais compréhensible que serait le terrorisme islamiste. Il y a plusieurs années, on avait déjà expliqué ainsi les assassinats de Mohamed Merah. Dans nos sociétés qui marginaliseraient les populations issues de l'immigration, la petite criminalité et la grande devraient être considérées comme des actes de résistance. En un mot, l'islamophobie serait à l'origine de l'islamisme. Peut-être est-ce une manière de garder mentalement le contrôle des événements : se dire coupable, c'est demeurer responsable des événements, c'est conserver une emprise sur eux. Si la civilisation occidentale s'amende suffisamment, la guerre cessera et la paix reviendra. Il faudrait s'ouvrir toujours davantage à la diversité pour contenir et refouler l'islamisme.

    On oublie une part essentielle de ce qu'on pourrait appeler la théorie de la guerre révolutionnaire, qui consiste justement à exciter les marges, les éléments sociaux instables et fragiles, pour faire naître chez eux une vocation au Djihad. Il s'agit justement d'exciter les pulsions morbides et de les convertir en un désir terroriste. Les vidéos relayés par l'État islamique où on voyait ses soldats et militants se transformer en égorgeurs avaient justement cette vocation. Pour le dire autrement, il s'agit de mobiliser les marginaux et les déclassés en les retournant contre l'ordre établi. C'est ainsi qu'un homme qui n'était pas fiché par les services de renseignement peut rapidement prendre un étendard et se retourner contre ses concitoyens qu'il ne voit pas comme des compatriotes. Celui qui se laisse convertir peut ainsi espérer une forme de gloire morbide qui transfigurera son existence en devenant un martyr glorieux d'une guerre sainte contre un Occident malfaisant.

    Cela ne date pas d'hier. Les théoriciens révolutionnaires ont toujours su qu'ils ne pouvaient pas se fier à leurs seuls moyens et qu'ils devaient travailler les contradictions sociales inscrites au cœur des sociétés qu'ils veulent bouleverser. Et le fait est que l'appel au Djihad trouve un écho dans les banlieues islamisées issues de l'immigration qui sont la cible d'une propagande antioccidentale permanente, par ailleurs relayée par un système médiatique qui les entretient dans ce sentiment victimaire. L'islamisme y trouve un bon terreau et pousse ainsi à la guerre civile entre les nations européennes et les communautés issues de l'immigration musulmane. On pourrait pousser plus loin la réflexion : qu'on le reconnaisse ou non, la perméabilité absolue des frontières contribue à ce climat anxiogène. Quoi qu'en disent les théoriciens de la diversité, une communauté politique exagérément hétérogène est appelée à vivre des contradictions culturelles de moins en moins soutenables.

    Le système médiatique semble vouloir préserver à tout prix le fantasme de la diversité heureuse, quitte à se couper du commun des mortels et à s'installer dans un univers parallèle. Il y a quelque chose de navrant à constater la puissance médiatique de ce logiciel contribuant à déréaliser l'agression subie depuis quelques années par la nation française, en la dispersant en milliers de faits divers dépolitisés, auxquels on refusera toute perspective d'ensemble. L'Occident sait pleurer mais ne sait plus vraiment combattre - il ne veut pas accepter qu'en guerre, on ne fonctionne plus comme en paix. Évidemment, ceux qui exigent une politique toute faite à la manière d'une douzaine de mesures bien identifiées contre l'islamisme s'illusionnent : bien évidemment, on peut et doit mener une guerre contre l'islamisme intérieur et extérieur mais elle ne sera pas gagnée en quelques mois. Mais ceux qui parlent du nécessaire réarmement moral des nations occidentales visent juste.

    On se demande encore comment certains ont pu s'opposer à la déchéance de nationalité pour les binationaux coupables de trahison ou de terrorisme. Ne permettait-elle pas de redonner au moins symboliquement une certaine force à l'idée de citoyenneté ? De la même manière, on comprend l'irresponsabilité criminelle de ceux qui consentent à une immigration massive qui crée les conditions d'une fragmentation massive des pays de la vieille Europe. Qui croit encore qu'il faille s'ouvrir à toutes les différences, sans distinguer entre celles qui sont compatibles avec le monde occidental et celles qui ne le sont pas ? Autre question : jusqu'où les sociétés occidentales accepteront-elles de voir la logique des droits de l'homme retournée contre elles, comme si elles devaient s'immoler sur l'autel d'un universalisme si radical qu'il les empêche de se défendre lorsqu'on les agresse ? 

    Le réarmement moral passe d'abord par un retour au réel. 

    Mathieu Bock-Côté         

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d' Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.