Notre entretien sur Charles Maurras à Martigues, avec Georges Bourquard, du Dauphiné libéré...(IV/V)
Nous avons surabondamment parlé de ce sujet sur le Blog, en répondant, par exemple, à des articles ou des déclarations d'un Bernard-Henry Lévy, d'un Alain-Gérard Slama ou d'autres....
Comme pour de précédentes questions, nous avons donc renvoyé Georges Bourquard à ce qui se trouvait sur Lafautearousseau, et notamment à notre PDF M. le Maudit ...
Nous ne devons pas craindre de parler franchement de l'antisémitisme de Maurras. Au contraire, il faut l'expliquer, le remettre dans son contexte et, le comparant à d'autres, montrer que Maurras fut finalement bien moins antisémite que beaucoup de gens lourdement encensés de nos jours. Et, en tout cas, bien différemment.
Il faut être sérieux, et, surtout, il faut être juste et honnête. Ce que l'on n'est pas, avec Maurras et son antisémitisme...
Sans remonter plus loin que lui - ce qui nous fait tout de même presque 2.000 ans... - force est de constater que, depuis que l'Empereur Titus, accomplissant la prédiction de Jésus, a détruit le Temple de Jérusalem, et emporté à Rome tout ce qu'il contenait, l'antisémitisme est une réalité assez largement partagée, qui transcende les époques, les pays, les peuples, les religions, les philosophies, les partis politiques. Celui qui se donnerait pour tâche de collecter les citations antisémites du monde entier, toutes cultures, toutes religions, toutes couleurs de peau, toutes époques, toutes opinions politiques ou philosophiques etc. confondues réaliserait sans peine un gros bouquin. Et l'on serait surpris des gens que l'on y "rencontrerait". D'ailleurs, nous réaliserons ce travail, un jour.
Nous avons donc rappelé à notre interlocuteur que Napoléon dispose d'un tombeau grandiose aux Invalides, lui qui déclarait sans sourciller des juifs : "Ce sont des sauterelles et des chenilles qui ravagent la France" ! Et que Voltaire avait, lui aussi, les honneurs officiels, au Panthéon. Il a pourtant bien écrit ceci : "C'est à regret que je parle des Juifs : cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre". (Voltaire, Article "Tolérance" du Dictionnaire philosophique. Il appelle ailleurs les juifs "...ces ennemis du genre humain...", un "peuple barbare, superstitieux, ignorant, absurde", et un "peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent..."
Vraiment, le Système honore de ces gens, et a de ces fréquentations !
N'est-il pas étrange, dans ces conditions, d'entendre toujours et à tout bout de champ le refrain "Maurras antisémite", alors que nul ne s'émeut du grandiose hommage rendu à ces deux antisémites que furent Napoléon et Voltaire ? Ou bien on rêve, ou bien on vit dans le mensonge, la tartufferie, l'hypocrise. Et, comme on ne rêve pas, la conclusion s'impose, d'évidence.
Un exemple éloquent du traitement particulier réservé à Maurras : alors que Léon Poliakov, dans le tome III de son Histoire de l'Antisémitisme, fait de Voltaire "le pire antisémite français du XVIIIème siècle", Roland Desné défend Voltaire : "Ce n'est pas parce que certaines phrases de Voltaire nous font mal que nous devrions le confondre dans la tourbe du persécuteur".
Ah, bon ? On fait pareil pour Maurras, alors ? Sinon, pourquoi deux poids et deux mesures ? La réponse est claire, ne soyons pas naîfs : c'est qu'il s'oppose au Système sur le fond; qu'il en a fait une critique, au sens propre, radicale, au point que nombre de ses démonstrations, de ses conclusions, sont, en fait, passées dans le domaine public; que ses adversaires, eux-mêmes, en sont imprégnés, s'en servent, les reprennent; et que l'idéologie qui sous tend le système s'en trouve irrémédiablement affaiblie. Est-ce pardonnable ?
Ceux qui reprochent son antisémitisme au seul Maurras - et pas aux autres ! - feraient bien de... lire Maurras ! Ils y trouveraient, par exemple, cette phrase : "L'antisémitisme est un mal si l'on entend par là cet antisémitisme de "peau" qui aboutit au pogrom et qui refuse de considérer dans le Juif une créature humaine pétrie de bien et de mal, dans laquelle le bien peut dominer. On ne me fera pas démordre d'une amitié naturelle pour les Juifs bien nés."
Il est intéressant de rapprocher cette phrase de Maurras de ce cri de "Mort aux Juifs" que l'on entend, aujourd'hui, de façon tout à fait habituelle et banale (et "l'affaire Ilan Halimi" n'est pas si loin...), dans ces 1.500 (et plus...) zones sensibles repertoriées par le Système. Car il s'agit bien là d'un antisémitisme de peau, d'un racisme que, justement, Maurras condamne. Et le parti qui doit se sentir le plus gêné aujourd'hui avec l'antisémitisme, c'est le Parti socialiste, le parti du Président, qui a raflé 93% du "vote muslman" dans ces banlieues où règne et s'étale un antisémitisme chaque jour plus agressif et plus décomplexé.
La vérité toute simple est que l'antisémitisme existait bien avant Maurras, et n'avait pas eu besoin de lui pour naître, croître et prospérer; de même, l'antisémitisme existe toujours après Maurras, et n'a toujours pas besoin de lui pour continuer sa course.
Enfin, sur le ton de la plaisanterie, mais appliqué à une chose sérieuse, nous avons rappelé à Georges Bourquart cette phrase de Lionel Jospin, parlant de l' "héritage" de Mitterand, qu'il acceptait "sous réserve d'inventaire". Georges Bourquart se souvenait évidemment très bien de ce moment de télévision, et est convenu que, ce que l'on permettait à Jospin, on devait le permettre aux royalistes et à ceux qui se réclament de Charles Maurras...
Alors, oui, nous pouvons et nous devons faire un inventaire de l'héritage de Maurras. Que cet inventaire remette en cause son antisémitisme, celui qu'il professait, ou non. Ou d'autres points, de sa pensée ou de son oeuvre.
Et, lorsque nous nous adressons à des jeunes de 18 ans, quels en sont les aspects qui nous intéressent le plus et que nous leur présentons ?
A l'intérieur, c'est le Maurras de L'Avenir de l'Intelligence, celui qui a démonté le mécanisme qui nous a conduits à notre actuel Âge de fer, dans lequel les forces de l'Argent, de l'Or, dominent sans partage et ont tout asservi...
A l'extérieur, c'est le Maurras de Kiel et Tanger, celui qui a montré comment la France, dès qu'elle renouera avec sa politique et sa diplomatie traditionnelle, pourra "manoeuvrer et grandir" : il lui suffira de recommencer à faire ce qu'elle a toujours fait, au cours des siècles, c'est-à-dire fédérer autour d'elle les petites et moyennes nations, qui, seules, ne peuvent s'exprimer, mais, si elles s'unissent à la France, forment - avec elle - un bloc capable de parler aux plus grands empires...
Oui, Maurras a encore quelque chose à nous dire ici et maintenant, et sur les sujets majeurs de notre aujourd'hui; oui, on a besoin de Maurras; et ceux qui se privent de son intelligence, et qui privent l'Intelligence française de sa contribution, au motif qu'il professait un certain antisémitisme – qui, après tout, s’apparente, derrière la violence des mots, à l’attitude politique que De Gaulle et Mitterrand, eurent parfois à l’égard des Juifs - ne rendent pas un bon service au Pays.
Le second président de la Vème République, George Pompidou, lors d’un discours à l’école libre de sciences politiques, le 8 décembre 1972, cita un passage de Kiel et Tanger :
« S’agissant de la France, de sa place et de son rôle dans le monde, il faut d’abord en prendre la mesure. Quelqu’un qui n’a jamais été mon maître à penser, tant s’en faut, Charles Maurras, a, dans Kiel et Tanger, dès 1910, prévu le monde actuel, je cite : « composé de deux systèmes : plusieurs empires avec un certain nombre de nationalités petites ou moyennes dans les entre-deux. Un monde ainsi formé, continue Maurras, ne sera pas des plus tranquilles. Les faibles y seront trop faibles, les puissants trop puissants et la paix des uns et des autres ne reposera guère que sur la terreur qu’auront su inspirer réciproquement les colosses. Société d’épouvantement mutuel, compagnie d’intimidation alternante ». C’est bien là ce que nous voyons, n’est-ce pas ? J’en conclus que l’action de la France, aujourd’hui puissance moyenne typique, est simple et évidente...»