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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1313

  • Lettre ouverte à Florian Philippot

     

    Par Pierre de Meuse

     

    4172691570.jpgVous voilà maintenant hors du front National. Ce n’est pas, en soi, un drame Mais si les développements de la crise qui vous a amené à en démissionner ont été regardés de l’extérieur en ce qui nous concerne, une analyse de notre part s’impose car le FN a dominé pendant 40 ans les choix des Français attachés au sort de leur patrie. 

    La question principale s’énonce ainsi : pourquoi avez-vous tant d’ennemis dans ce parti ?

    Résumons votre profil politique. Vous êtes antilibéral et patriote, et, répétez-vous, gaulliste. Pourquoi pas ? Vous auriez pu trouver au Front National de nombreux antilibéraux patriotes, pas tous gaullistes il est vrai.  Mais il aurait fallu jeter le regard sur une frange de la droite intellectuelle que vous n’aimez pas tellement : les contre-révolutionnaires, les identitaires et les catholiques sociaux. Ceux-là, croyez-le, ne portent pas dans leur cœur la finance mondialisée, les multinationales et la trilatérale chère à Macron. Il est vrai qu’ils sont minoritaires, mais après tout, vous aussi. Vous auriez pu dialoguer et vos propositions auraient pu être discutées, de façon amicalement critique.  Or, vous avez considéré que ces familles politiques ne méritaient même pas un regard. Lorsque vous avez été interrogé par un animateur de télévision, dans un type de dialogue où vous excellez, sur le sort à réserver au mariage prétendument « pour tous » si le Front gagnait les élections, vous avez répondu en rangeant cette préoccupation avec la « culture des bonzaï ». C’était une grave erreur, d’une part parce que la présidente s’était prononcée clairement sur le sujet, mais surtout parce que ceux qui avaient manifesté contre la loi Taubira et bravé les lacrymogènes pour cela vous ont classé au niveau de leur pire ennemi.

    Vous avez également pris une position fort audacieuse sur la monnaie européenne, soutenant comme une bonne part des économistes que l’euro n’était pas conforme aux intérêts français.  Techniquement, votre analyse était juste, mais elle n’a pas été appréciée par les électeurs, et c’est l’une des raisons pour laquelle le FN n’a pu atteindre le niveau de 40% auquel il pouvait prétendre.  Faut-il admettre que les français sont toujours enthousiasmés par le fédéralisme européen ? Certainement pas, mais votre argumentaire n’attaquait pas l’Europe dans sa conception ni dans ses méthodes, mais seulement son monétarisme. En bref, vous estimiez, comme Jacques Sapir, que la position de moindre productivité de la France exigeait des ajustements monétaires afin de conserver les emplois en France. Il aurait donc fallu dévaluer régulièrement afin d’ajuster la monnaie au marché. Vous proposiez donc implicitement de revenir à la politique de dévaluations qui a marqué la France de 1921 à la fin du XX° siècle.  Vous comprendrez cependant que la perspective de voir l’épargne et les revenus fixes fondre chaque jour un peu plus pouvait ne pas plaire à ceux de vos électeurs qui ont quelques Économies.  Surtout que dans le même temps le FN militait pour le retour de « la retraite à 60 ans ».

    Dans le même temps, vous recommandiez de mettre une sourdine à la dénonciation de l’immigration, dont vous estimiez qu’elle était « anxiogène ». Les premières semaines de campagne de Marine Le Pen ont été menées selon vos directives. Or les sondages firent apparaître un déclin constant des intentions de vote en faveur de la candidate. Il fallut donc redresser la barre pendant les quinze jours précédant le premier tour, faute de quoi elle aurait été éliminée.

    Cette stratégie était en effet absurde pour plusieurs raisons évidentes :

    D’abord elle visait à atteindre un électorat de gauche, grosso modo celui de Mélenchon, avec lequel vous désiriez nouer des contacts, repoussés d’ailleurs de manière blessante par les dirigeants de « La France Insoumise ». Tentative sans espoir parce que l’électorat de Mélenchon, en grande partie composé d’immigrés de la seconde génération, ne pouvait que rester étanche au FN, même « repenti ».

    Ensuite parce qu’elle ébranlait le pilier principal du FN, qui n’existerait plus depuis trente ans s’il n’avait pas su être et demeurer le seul parti politique s’opposant de face à l’immigration de masse.

    Enfin parce qu’au lieu de s’attaquer à la politique de soumission de l’Union européenne à l’égard de ces flux incontrôlés de population, source véritable du brexit, vous vous attaquiez à une question monétaire, sur laquelle les effets d’une rupture n’étaient guère prévisibles. Or cette politique d’ouverture systématique des frontières prônée par Bruxelles avait son origine, de manière très profonde, dans les principes fondateurs des institutions en question, et à l’influence des grands décideurs du capitalisme mondialisé. C’était donc à ces postulats qu’il fallait s’attaquer.

    Mais surtout elle était insensée parce que comme le dit très justement JY Le Gallou, le point nodal qui entraîne la « diabolisation » du FN est justement l’opposition à l’immigration. Et sur ce point, il ne suffit pas de nuancer dans les mots ou dans l’inflexion des phrases. Pour désarmer le parti-pris médiatique. Le système considérera le FN comme fréquentable seulement le jour où il se sera totalement soumis à la société indifférenciée. Autant dire le jour où il se sera suicidé sans retour. A quoi servirait une souveraineté de notre pays, d’ailleurs, si celui-ci n’existe plus ? Cette évolution était comprise par tous ceux qui, à l’intérieur ou à l’extérieur du FN, vous écoutaient et vous lisaient avec inquiétude, mais non par vous-même qui continuiez à incriminer les « rageux », animés par l’envie et la rancune.

    Le Gallou estime que la scission de Mégret n’est pas à comparer avec celle que vous auriez pu faire…si vous aviez eu plus de monde derrière vous. Je pense tout de même qu’il y a une similitude : ni Mégret ni vous ne savaient à quel genre de public ils avaient affaire. Ni sur les tempéraments, ni sur les idées, vous n’étiez averti de la mentalité et de l’héritage intellectuel des hommes dont vous sollicitiez le dévouement et le vote. Pire encore, vous les méprisiez ouvertement, reprenant à leur égard les mots dépréciatifs que les médias du système utilisent quotidiennement. Dès lors, votre sort lors du prochain congrès ne faisait pas de doute, et c’est pour éviter un investissement trop lourd en adrénaline que Louis Alliot et Marine Le Pen ont brusqué la décision en vous acculant à la démission.

    C’est dommage car beaucoup d’efforts ont été perdus. Le choix « ni gauche ni droite » n’était pas nécessairement une impasse, à la condition bien sûr de ne pas céder sur la pensée, y compris et surtout quand elle était frontalement en opposition avec la vulgate construite depuis 1945, et même bien avant. Il est évident en revanche que le modèle que vous cherchiez à imposer n’était qu’une illusion. Il n’y a plus de place en France pour un républicanisme sociétalement individualiste, politiquement étatiste et redistributeur, mais national. Ce rêve de technocrate keynésien avait 50 ans de retard. Philippe Séguin pouvait faire entendre sa voix dans les années 60 ; en 2017, il a atteint depuis longtemps la date de péremption.  •

  • Population : le désert français ... Pourquoi, en 2017, la France aurait dû compter entre 110 et 150 millions d’habitants

     

    Par Ilyes Zouari

    Excellent article - et très instructif - que son auteur nous a fait l'amitié de nous transmettre. Le sujet est d'une extrême importance et, si besoin est, l'on pourra en débattre.  LFAR  

    ilyes zaouari.pngLa France demeure un pays relativement sous-peuplé, qui n’est toujours pas parvenu à rattraper un retard de deux siècles qui lui a coûté cher. Encore imprégnée des idées malthusiennes, elle se doit aujourd’hui de contribuer davantage à limiter le déclin démographique du continent européen.

    Selon les dernières données démographiques fournies par Eurostat en juillet dernier, la France demeure un pays relativement sous-peuplé par rapport à ces grands voisins européens, comme l’avait déjà déploré le célèbre ouvrage « Paris et le désert français » publié en 1947, et qui avait inspiré la classe politique de l’après-guerre. Se classant de nouveau au-delà de la dixième place (15e, hors Turquie) en matière de croissance démographique en Europe, qui souffre elle-même d’une quasi-stagnation de sa population, la situation n’est donc pas prête de s’inverser. Pourtant, la France devrait contribuer davantage à limiter le déclassement du continent.

    Une France relativement sous-peuplée 

    Avec une densité de population de 118 hab./km2, début 2017, la comparaison entre la France métropolitaine et les autres grandes puissances européennes est sans appel. Le Royaume-Uni présente une densité de 271 hab./km2, ce qui lui permet d’être davantage peuplé pour un territoire pourtant 56% moins étendu (65,8 millions contre 64,9). De leur côté, l’Allemagne et l’Italie présentent, respectivement, une densité de 232 hab. /km2 et de 201 hab. /km2. En d’autres termes, l’Hexagone aurait dû compter, à la même date, 149,7 millions d’habitants pour être aussi populeux que le Royaume-Uni, 127,8 millions pour être au même niveau que l’Allemagne, et seulement 110,9 millions pour être comparable à l’Italie.

     

    Ce genre de comparaison peut également être étendu à bien d’autres puissances à travers le monde, comme le Japon (126,7 millions d’habitants, soit 335 hab./km2), la Corée du Sud (50,9 millions, soit 508 hab./km2) ou encore l’Inde (1,34 milliard d’habitants, et 407 hab./km2). Afin d’être proportionnellement aussi peuplée que ces pays, la France métropolitaine aurait ainsi dû compter, respectivement, 184,9 millions, 280,3 millions et 224,7 millions d’habitants en début d’année.

     

    Ce relatif sous-peuplement se révèle également à travers le taux d’artificialisation des sols. Selon l’enquête LUCAS, réalisée tous les trois ans par Eurostat, la part des espaces artificialisés (sols recouverts par des bâtiments, des routes, des voies ferrées, des parkings…) n’était que de 5,4% du territoire métropolitain en 2015.

     

    Au passage, ce taux n’est que légèrement inférieur à celui du Royaume-Uni (6,5%), alors que ce dernier est proportionnellement plus de deux fois plus peuplé (+131%). Ce qui témoigne d’une maîtrise très insuffisante de l’étalement urbain, voire d’un certain gaspillage des espaces disponibles. Le très controversé projet de construction d’un grand aéroport de plus de 1 200 hectares à Notre-Dame-des-Landes est, d’ailleurs, une parfaite illustration de cet état de fait. En effet, l’aéroport actuel de Nantes (320 ha) est à peu près aussi étendu que l’aéroport international de Genève (340 ha), qui a pourtant enregistré une fréquentation 3,4 fois supérieure en 2016 (16,5 millions de passagers, contre 4,8 millions), et tout en étant situé à moins de 4 km du centre-ville. Et lorsque le trafic aura doublé à Nantes d’ici 2030, il aura également doublé pour l’aéroport de Genève…

     

    1750 - 1945 : deux siècles perdus

     

    La situation démographique actuelle puise ses origines dans la très lente progression démographique connue par l’Hexagone deux siècles durant, de 1750 à 1945, alors que le reste de l’Europe connaissait un véritable essor démographique (à la seule et tragique exception de l’Irlande). Au terme de cette période, la population de la France n’a ainsi été multipliée que par 1,6, passant d’environ 24,5 millions d’habitants à 40,1 millions début 1946. Dans le même temps, l’Italie et l’Allemagne multipliaient par trois leur population, passant respectivement, et dans leurs frontières actuelles, de 14 à 45,1 millions, et d’un peu moins de 20 millions à environ 68 millions d’habitants (ou 58 millions sans l’entrée d’à peu près dix millions d’Allemands, chassés de leurs anciens territoires et du reste de l’Europe orientale au lendemain de la seconde guerre mondiale). Même chose pour l’Espagne, qui passait de 9,4 à 26,9 millions d’habitants. De leur côté, les Pays-Bas faisaient plus que quadrupler leur population, passant de 1,9 à 9,3 millions, tandis que le Royaume-Uni, dans ses frontières actuelles, sextuplait la sienne en passant de 8,1 à 49 millions début 1946.

     

    Cette forte croissance démographique de l’Europe se fit pourtant en dépit de lourdes pertes humaines, dues aux nombreux conflits ayant ensanglanté le continent et, surtout, à l’importante hémorragie migratoire en direction du Nouveau Monde qu’ont subie tous les pays, à l’exception de la France. Sur cette période de deux siècles, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie ont eu pour point commun d’avoir ainsi perdu, chacun, entre 20 et 25 millions de personnes, tandis que la France ne subissait qu’une « modeste » saignée d’environ 4 millions de personnes. 

     

    La France a donc longtemps été l’homme malade de l’Europe et du monde, elle qui était, en 1750, trois fois plus peuplée que le futur Royaume-Uni et 2,6 fois plus peuplée que l’Espagne, et qui était aussi peuplée que le Japon au début des années 1800. Le léger baby-boom ayant suivi la seconde guerre mondiale (avec un indicateur conjoncturel de fécondité - ICF - qui n’a jamais dépassé les 3,04 enfants par femme) ne permit de rattraper qu’une petite partie d’un terrible retard accumulé pendant deux siècles.

     

    Ce déclin démographique ne fut naturellement pas sans conséquences sur l’influence de la France en Europe, et contribua dans une large mesure au déclenchement des deux grandes guerres mondiales, qui coûtèrent cher à l’Hexagone. Si les équilibres démographiques étaient restés inchangés, l’Allemagne, moins sûre d’elle, n’aurait probablement jamais été aussi belliqueuse. Et la France, non effrayée par une écrasante infériorité numérique, n’aurait sans doute jamais cherché à mettre à genoux l’Allemagne après 1918, favorisant ainsi l’émergence du nazisme.

     

    Une France toujours imprégnée de l’idéologie malthusienne

     

    Cet affaiblissement de la France a résulté d’une déchristianisation précoce ainsi que d’une propagation bien plus importante que partout ailleurs des biens trop simplistes idées malthusiennes. Idées qui ne cessent d’être infirmées à travers le monde, génération après génération. Il est d’ailleurs intéressant de constater que 12 des 14 pays européens à avoir connu une croissance démographique supérieure à celle de la France en 2016, ont à la fois terminé l’année avec une croissance économique supérieure (tous sauf la Norvège) et un taux de chômage inférieur (tous sauf Chypre). Ce qui n’a pourtant pas empêché bon nombre de nos responsables politiques d’insister sur l’existence d’un lien entre la persistance d’un chômage élevé en France et la croissance de la population du pays.

     

    Au passage, et afin de prendre un peu de hauteur sur les questions démographiques, il est intéressant de savoir que la minuscule île de Groix, située à une dizaine de kilomètres de Lorient, pourrait à elle seule abriter l’ensemble de la population de la France, métropole et outre-mer confondus. À raison d’une moyenne « raisonnable » de 4,5 personnes au mètre carré, ce petit territoire de 14,82 km2, plus petit que l’aéroport d’Orly (15,4 km2), lui-même deux fois moins étendu que l’aéroport Charles-de-Gaulle (32,57 km2), pourrait ainsi accueillir nos 67,6 millions d’habitants, debout côte à côte. Quant à la petite Guadeloupe, ses 1628,4 km2 pourraient simplement abriter toute l’humanité, dans une planète qui pourrait donc très facilement nourrir plus du double de sa population actuelle (qui devrait pourtant se stabiliser autour de 10 ou de 11 milliards d’habitants).

     

    Il est d’ailleurs à noter que ce genre de calcul revient fréquemment dans la presse anglo-saxonne. En 2015, le très sérieux quotidien américain « The Washington Post » avait publié un article intitulé « The entire world fits in New York City » (le monde entier peut être mis dans New York). Mais en se basant sur une hypothèse de dix personnes au mètre carré, valable uniquement pour des personnes « minces » et serrées les unes contre les autres. En 2012, la non moins sérieuse BBC publiait en ligne un article intitulé « The Great myth of urban Britain » (le grand mythe de la Grande-Bretagne urbaine), pointant du doigt le très faible taux d’artificialisation des sols au Royaume-Uni, pourtant censé être surpeuplé. Dans le même temps, force est de constater que l’on ne retrouve jamais ce genre d’article dans les grands médias français. Or le monde n’a jamais appartenu, et n’appartiendra jamais aux peuples craintifs et déconnectés du monde réel. 

     

    Limiter le déclin de l’Europe

     

    La France a pourtant un rôle à jouer dans une Europe en déclin démographique, et qui ne parviendra à maintenir son niveau actuel de population que grâce aux apports migratoires. En dehors de la France, l’UE, à elle seule, a de nouveau affiché un solde naturel négatif en 2016, de 215 000 personnes. L’Allemagne (qui a connu une croissance démographique deux fois supérieure à celle de la France) et l’Italie perdent chaque année autour de 150 000 « autochtones », chacune, soit davantage que le nombre total des victimes de la bombe d’Hiroshima. Avec une importante et grandissante immigration, en réponse à un ICF constamment inférieur à 1,55 enfant par femme dans l’UE, hors France, il y aura donc toujours autant d’habitants en Europe, mais les Européens y seront progressivement minoritaires. Et ce qui est mathématique est incontestable.

     

    Forte de sa taille, et toujours handicapée par un retard de deux siècles, la France doit donc mettre en place une politique familiale particulièrement volontariste. Ceci est d’autant plus nécessaire que le nombre de naissances en métropole a baissé pour la sixième année consécutive, pour s’établir à 747 000 en 2016, soit un ICF égal à 1,89. Ce niveau correspond ainsi à un déficit de 71 000 naissances par rapport au seuil de renouvellement des générations (2,07). D’ailleurs, il est à noter que le nombre idéal d’enfants souhaités est estimé en moyenne à 2,4 par famille, les femmes en désirant même légèrement davantage que les hommes. Or, un ICF de 2,4 enfants par femme correspondrait actuellement à un surcroît d’un peu plus de 200 000 naissances par année, ce qui permettrait à la France de rattraper progressivement son retard, et sans avoir recours à une immigration importante. Mais ceci contribuerait également à limiter le déclin démographique de l’Europe dans le monde, dont la multipolarité doit être préservée.

     

    Enfin, cet accroissement démographique pourrait pousser la France à songer plus sérieusement à développer les énergies renouvelables, respectueuses de l’environnement. Et à rattraper, là aussi, son retard par rapport aux autres pays européens.  

    Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,

    Secrétaire général adjoint de la revue "Population & Avenir" (La revue des populations et des territoires),

    Ex-Administrateur de l'association Paris-Québec,

    Auteur du "Petit dictionnaire du Monde francophone" (L'Harmattan, Avril 2015).

  • Zemmour sur Alstom et STX : « Airbus, que de crimes on commet en ton nom ! »

     

    BILLET - La vente d'Alstom Transports à l'Allemand Siemens et celle des chantiers navals de STX à l'Italien Fincantieri font grand bruit. Eric Zemmour donne son analyse [RTL 28.09]. Le déclin industriel français se poursuit, et, semble-t-il, dans l'indifférence de l'Etat. Il est pourtant l'une des causes du chômage de masse et de l'appauvrissement de la France.  LFAR 

     

     

    Résumé RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge

    « C’est la période des soldes. La grande braderie. Il faut se précipiter : bientôt, il n'y aura plus rien à vendre. Des pépites en veux-tu en voilà : venez, venez braves gens, venez faire votre marché, on liquide !», clame Éric Zemmour. « Mais nos liquidations ont de belles manières. On est français quand même ! », raille Zemmour, qui note que « notre boutique de soldes a pour enseigne 'Au bon Airbus' ! »

    « Les Allemands veulent Alstom ? C'est l'Airbus du TGV. Les Italiens mangent STX ? C'est l'Airbus naval. Quand Nokia a bouffé Alcatel, c'était l'Airbus du téléphone. Demain, si Volkswagen prenait Peugeot, on aurait l'Airbus de l’automobile », tonne-t-il. Éric Zemmour, qui constate « la mort des pure players, rachetés par les conglomérats à l’ancienne », conclut en s'exclamant : « Airbus, que de crimes on commet en ton nom ! » 

    Éric Zemmour

  • Georges Bernanos : « ... tant que votre industrie et vos capitaux vous permettront de faire du monde une foire ...»

     

    Est-ce que je vous empêche, moi, de calculer la précession des équinoxes ou de désintégrer les atomes ? Mais que vous servirait de fabriquer la vie même, si vous avez perdu le sens de la vie ? Vous n’auriez plus qu’à vous faire sauter la cervelle devant vos cornues. Fabriquez de la vie tant que vous voudrez ! L’image que vous donnez de la mort empoisonne peu à peu la pensée des misérables, elle assombrit, elle décolore lentement leurs dernières joies. Ça ira encore tant que votre industrie et vos capitaux vous permettront de faire du monde une foire, avec des mécaniques qui tournent à des vitesses vertigineuses, dans le fracas des cuivres et l’explosion des feux d’artifice. Mais attendez, attendez le premier quart d’heure de silence. Alors, ils l’entendront, la parole - non pas celle qu’ils ont refusée, qui disait tranquillement : « je suis la Voie, la Vérité, la Vie » - mais celle qui monte de l’abîme : « Je suis la porte à jamais close, la route sans issue, le mensonge et la perdition. »   

    Georges Bernanos

    Journal d'un curé de campagne, Plon, 1936

     

  • Le Medef a la vue courte et le regard partiel

     

    En deux mots.jpgUn récent slogan du Medef a fait scandale. Et long feu. Un jeune (ce masculin inclut garçons et filles) dit ceci : « Si l'école faisait son travail, j'aurais du travail ». 

    Tout le secteur scolaire s'est soudainement et solidairement soulevé, indigné, et s'est fait menaçant. Une vraie bronca, comme à Séville ... Le Medef s'est excusé et a retiré son slogan. Pierre Gattaz, le fils d'Yvon, a dû avaler son chapeau. 

    Ce n'est pas que le Medef avait tout à fait tort. C'est qu'il ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. 

    Il est évident que l'Ecole ne fait plus son travail. Les raisons en sont multiples. D'abord la domination déjà ancienne des pédagogistes à qui la gauche déconstructiviste et la droite indifférente l'ont conjointement livrée. Ils ont fait de l'Ecole cette « fabrique du crétin »  que Jean-Paul Brighelli a décrite - après l'avoir ainsi définie - dans un livre à succès. Comme cela fait autour de cinquante ans et plus que cela dure, il ne faut pas se cacher qu'à partir de 1968, au moins, l'inculture ne se limite pas aux élèves. Les professeurs eux-mêmes en sont atteints, méconnaissent qui l'orthographe et la grammaire, l'esprit de la langue, qui l'Histoire, qui les bases de la culture générale. Leur niveau a baissé et le temps qui serait nécessaire pour le relever suffira sans nul doute à Messieurs Gattaz, père et fils, pour passer de vie à trépas. Comment des professeurs eux-mêmes insuffisamment formés, feraient-ils de bons élèves ? C'est l'exception s'il s'en dégage de ce bourbier. Bourbier aussi parce que des classes où les immigrés sont devenus majoritaires ne produisent généralement ni l’homogénéité ni l’excellence. Pauvres professeurs ! Pauvres élèves ! 

    Mais l'inculture scolaire - qui, selon le Medef, prive de l'emploi - n'est pas la seule. Elle n'est pas hors contexte. Certes, elle est une source, mais elle est aussi un reflet. Le Medef l'ignore. Il a la vue courte et le regard partiel. 

    Car il y a aussi, trop souvent, l'inculture et le relâchement moral des parents, déjà à un stade avancé, l'instabilité des couples, la décomposition des familles, leur irresponsabilité, tout ou presque étant désormais attendu de l'Ecole. A l'unisson, le Medef oublie que, pour l'éducation, sinon l'instruction, des enfants, la famille est antérieure et supérieure â l'Ecole. « Si les familles faisaient leur travail, je travaillerais mieux à l'école et ensuite j'aurais un travail » aurait dû dire l’artefact du Medef si ce dernier n'était lui-même promoteur de l'individualisme, moderne ou postmoderne. « Familles, je vous hais, pense le marché. Nations, Etats, racines, communautés, cultures, héritages,Tradition, je vous hais. L'individu-roi, atome réduit à son seul caprice, est bien plus grand et stupide consommateur ! » 

    Tout se tient : la défaillance des familles et de l'Ecole, instaure, sur les jeunes, mais pas seulement, la royauté des écrans : Internet, les réseaux sociaux, les tablettes et les smartphones, qui rendent imbéciles, selon Mathieu Bock-Côté. Sans compter les télévisions et les radios aux programmes presque toujours médiocres, vulgaires et délétères.

    Quant aux « élites » médiatiques et politiques, grandement et notoirement incultes, le spectacle qu'elles donnent aux jeunes n'a vraiment rien qui puisse, pour eux, être formateur. 

    C'est ainsi qu'une société part dans son ensemble en quenouille et sacrifie sa jeunesse, se sacrifie tout entière. 

    Ce que le « jeune » virtuel pourrait objecter au Medef qui l'a imaginé, pourrait se dire ainsi : « Si l'Ecole faisait son travail, cela ne suffirait pas car elle serait la seule. La seule à le faire. Et je serais quand-même chômeur ».  •

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Recherche des causes ... Parmi les principales, les plus effectives ...

  • Référundum catalan : « L'indépendance n'est qu'un slogan »

     

    Par   

    Cet entretien de Paul Gérard avec Benoît Pellistrandi [Figarovox, 25.09] donne un éclairage à la fois informé, argumenté et juste sur la situation grave de la Catalogne et de l'Espagne, à la veille du référendum catalan de dimanche prochain, 1er octobre. Les événements qui s'y passent, dans la polémique, l'agitation, la tension et même l'affrontement, concernent la France. L'Espagne est un pays voisin, latin, comme nous atlantique et méditerranéen, avec lequel nos liens sont multiséculaires et où règne un Bourbon. En aucun cas sa dislocation ne ferait notre affaire. On pourra se reporter à nos propres réflexions sur le sujet,  brièvement données dans notre article Barcelone : « No tinc por », paru à la suite de l'attentat du mois dernier dans la capitale catalane [Lien ci-dessous].   LFAR

     

    maxresdefault.jpgLe Parlement catalan avait adopté le 9 novembre 2015 une résolution visant à créer une république indépendante de Catalogne si le « oui » l'emporte au référendum du 1er octobre. Pourquoi la Catalogne, dont l'autonomie accordée par la constitution de 1978 et augmentée par la loi de 2006, tient-elle à son indépendance ? 

    L'indépendantisme a longtemps été une option politique minoritaire et marginale en Catalogne. Si aujourd'hui les thèses indépendantistes ont gagné du terrain c'est que trois phénomènes majeurs se sont produits ces dix dernières années.

    D'abord, il y a eu la crise économique. Rappelons-nous : entre 2008 et 2012, l'Espagne plonge et se trouve au bord d'une situation comparable à la Grèce. Dans ces conditions, un discours dénonçant le « racket fiscal » auquel l'Espagne soumettrait la Catalogne devient largement audible. Et les responsables catalans de masquer derrière cet argument leurs propres choix budgétaires entre 2010 et 2013. L'indépendantisme se nourrit d'un populisme antiespagnol encouragé par le gouvernement de Catalogne.

    Deuxième élément clef : la crise économique provoque l'affaiblissement dramatique du PSOE (Parti Socialiste). La Catalogne était un traditionnel fief électoral du PSOE: en 2008, aux élections générales, les socialistes obtiennent 25 députés sur les 47 que la Catalogne envoie à Madrid. En 2011, 14 ; en 2015, 8 ; en 2016, 7.

    La Gauche Républicaine Catalane (ERC) a vu l'occasion historique de liquider ce parti national en Catalogne. L'irruption de Podemos a achevé le processus. Si bien qu'a disparu un parti national essentiel à l'articulation des liens entre la Catalogne et le reste de l'Espagne. Le Parti Populaire a toujours été faible en Catalogne et la représentation politique semble être majoritairement nationaliste et indépendantiste.

    Troisième élément : les effets d'une politique culturelle, éducative et audiovisuelle (TV3 est une télévision publique catalane) qui ont véritablement « catalanisé » une génération. Les militants les plus radicaux sont des jeunes de moins de 40 ans… Comme l'estime l'ancien président du parlement européen, le catalan socialiste Josep Borell, « la radicalisation d'une partie de la société catalane n'est pas étrangère à une propagande systématique ». L'indépendantisme est moins une revendication venue de la société catalane qu'une instruction diffusée par les institutions catalanes.

    Le problème de l'indépendance, c'est que ce n'est qu'un slogan. Aucune discussion précise n'a eu lieu pour essayer de penser et de décrire ce que serait une Catalogne coupée de l'Espagne et hors de l'Union européenne. L'indépendance est une revendication passionnelle mais pas un projet argumenté.

    En 2012 le ministre de l'éducation nationale de l'époque José Ignacio Wert avait appelé à « espagnoliser » les jeunes catalans. Y a-t-il donc un tel hiatus culturel entre la Catalogne et l'Espagne ?

    Oui. Aujourd'hui, selon les sondages, 40% des Catalans se sentent aussi Espagnols que Catalans et seulement 25% ne se sentent que Catalans. Ce sont ces 25% qu'on entend principalement. La Catalogne comme région autonome à la compétence des questions éducatives. Elle a aussi des compétences culturelles et linguistiques.

    Tout récemment, le maire de Sabadell a proposé de modifier le nom des rues pour effacer les traces du franquisme. Parmi les noms qu'il fallait oublier, celui d'Antonio Machado (1875-1939), le grand poète libéral et laïque de l'Espagne populaire, mort à Collioure de tristesse à la suite de la victoire de Franco. Son crime : avoir écrit le recueil Champs de Castille, un hymne à l'endurance des populations rurales, humbles et pauvres !

    Une telle ignorance dit à quel point certains Catalans se sont enfermés sur eux-mêmes et vivent dans une représentation biaisée du reste du monde… et d'eux-mêmes ! L'ambition du ministre José Ignacio Wert était de remettre, par l'enseignement, un peu de liens communs entre tous les Espagnols. Il y a eu une « balkanisation » de l'éducation en Espagne qui est très regrettable. On apprend la géographie de sa communauté autonome (pas seulement en Catalogne) et on ignore celle de l'Espagne !

    Alors même que la consultation du 1er octobre a été déclarée inconstitutionnelle par le Tribunal constitutionnel espagnol, les indépendantistes poursuivent leur agenda. En cas de « oui » au scrutin, Madrid peut-elle empêcher la sécession de la Catalogne ?

    Bien entendu. Une déclaration unilatérale d'indépendance aurait un caractère absolument ridicule. Seul le Venezuela s'est déclaré prêt à reconnaître le nouvel État… L'Union Européenne insiste sur le caractère anticonstitutionnel de la démarche de Barcelone. Ce que l'on sait c'est que le gouvernement catalan a préparé une agence fiscale catalane. Il s'est aussi emparé des données de la Sécurité sociale.

    Mais de quels moyens disposerait le nouvel État fantôme ? Ce serait casser encore plus une société catalane qui est déjà fracturée.

    Ce qui est certain c'est que le gouvernement espagnol - je préfère cette expression à Madrid car en opposant Madrid et Barcelone, on oublie l'existence de 47 millions d'Espagnols - n'opposera jamais la violence à l'action des responsables catalans mais toujours les instruments de l'État de droit. Nous sommes en 2017… pas en 1936, malgré les discours délirants et irresponsables de certains.

    Quelle est l'histoire de l'indépendantisme catalan ? Pourquoi a-t-il une telle vigueur aujourd'hui ?

    Il faut distinguer l'indépendantisme et le nationalisme, ou plutôt les nationalismes.

    Ceux-ci précédent l'indépendantisme. Le nationalisme naît à la fin du XIXe siècle à la faveur d'abord d'une renaissance culturelle du catalan. La langue n'était plus qu'utilisée oralement et elle a bénéficié d'une remise en valeur écrite. Sont d'ailleurs à l'origine de ce mouvement des érudits catholiques, souvent très conservateurs ! Puis la bourgeoisie catalane a voulu faire valoir ses intérêts face à Madrid: elle est en effet protectionniste alors que les céréaliers castillans sont favorables au libre-échange. Mais d'un autre côté, le développement d'un prolétariat en Catalogne a donné des forces à la gauche et un nationalisme révolutionnaire s'est développé. Dans les années 1930, ces deux nationalismes sont concurrents… et la banque catalane financera le coup d'État des militaires de juillet 1936 pour écraser la gauche prolétaire !

    En 1977, l'ancien président en exil de la Généralité de Catalogne, Josep Tarradellas, est rétabli dans ses fonctions. C'est un accord avec le président Suárez (chef du gouvernement espagnol de 1976 à 1981). Il s'agit en effet de consolider le centre-droit et la démocratie-chrétienne contre la gauche catalane. L'opération fonctionne et Jordi Pujol (Convergence et Union) dirigera la région de 1980 à 2003 !

    Aujourd'hui, la coalition au pouvoir noue ensemble des nationalismes idéologiquement très distincts : vous avez les héritiers de Jordi Pujol mais aussi les républicains de gauche et surtout les bolcheviques de la Candidature d'Unité Populaire. Ces derniers (10 sièges au parlement de Catalogne sur 135) sont la clef qui donne la majorité absolue et tout se fait par eux, avec eux, grâce à eux et à cause d'eux.

    Or, la CUP veut voir dans l'indépendance l'occasion de la révolution sociale. D'ailleurs, ces jours-ci, les structures catalanes de Podemos rallient la revendication du référendum car les militants et leurs leaders, Pablo Iglesias et Ada Colau (maire de Barcelone) y voient l'occasion de lancer un grand mouvement contre le Parti Populaire au pouvoir à Madrid.

    On est dans une convergence d'aspirations contradictoires. Cela s'est déjà vu… en 1937 : et ce fut une guerre civile dans la guerre civile espagnole. C'est dire comme la situation de confusion est grave et combien faire de l'indépendantisme l'alpha et l'oméga de toute la politique risque de conduire à de rudes désenchantements.

    Madrid a-t-elle selon vous raison de réprimer l'organisation du référendum en allant jusqu'à emprisonner des responsables catalans ?

    Personne n'est emprisonné. La justice espagnole a lancé des procédures contre des hauts fonctionnaires qui, obéissant à un gouvernement qui excède ses compétences, sont dans l'illégalité. Un juge d'instruction (de Barcelone) a lancé une opération judiciaire. Des hauts fonctionnaires ont été entendus dans le cadre d'une garde à vue. Ils sont depuis libérés mais mis en examen. D'autres hauts fonctionnaires sont restés eux dans le cadre de la loi.

    On peut citer le secrétaire général du Parlement de Catalogne qui a refusé d'entériner le coup de force parlementaire du 6 septembre. On doit citer les juges, les policiers qui font leur travail. Comment pourrait-on leur reprocher ? Il faut aussi mesurer l'intimidation politique et administrative à laquelle sont soumis les fonctionnaires catalans. En novembre 2014, quand une première consultation fut organisée, la Généralité de Catalogne ordonna aux proviseurs des lycées d'ouvrir leur établissement. Une proviseure, Dolores Agenjo, a demandé un ordre écrit : elle ne l'a jamais reçu parce que c'était illégal. Mais elle a dû faire face à des pressions considérables. On lui doit un livre très éclairant: SOS. Séquestrée par le nationalisme (2016).

    L'action de l'État de droit espagnol vise tout simplement à protéger les citoyens espagnols en Catalogne face aux dérives d'un pouvoir qui se croit tout-puissant et qui entend forcer la démocratie.

    A-t-il jamais existé, en réalité, une nation espagnole?

    Voilà une redoutable question qui agite les Espagnols, les historiens et les penseurs depuis plusieurs siècles. Quand en 2008, l'Espagne a remporté la coupe d'Europe de football, qu'elle a répété cet exploit en 2012 et qu'entre-temps elle remporte la coupe du monde en 2010, les Espagnols se sentaient fiers de leur équipe. Quand Nadal triomphe sur les courts de tennis, les Espagnols aiment ce champion modeste, travailleur et génial. Quand en 1992, Barcelone a accueilli les Jeux Olympiques, ce fut une fierté nationale.

    Oui, il y a des moments d'unité et les Espagnols savent se reconnaître entre eux. Alors bien sûr, l'histoire de l'Espagne est marquée par des épisodes dramatiques, au premier rang la guerre civile. Les fractures sont énormes. Mais quelle nation européenne n'est pas ainsi lacérée par son histoire et ses mémoires contradictoires ? Croyez-vous que la nation italienne soit une évidence ? Et la nation allemande ? Du coup, le pessimisme historique sur l'Espagne affaiblit un sentiment national difficile.

    Ce qui manque à l'Espagne est une appréciation juste et comparée de son histoire. Trop souvent, elle porte en elle-même une vision exagérée de ses échecs ce qui conduit à un discours sévère sur le pays. Mais c'est manquer de vision : ce pays existe. Attention aux instrumentalisations de l'histoire. Quand la Catalogne a-t-elle été une nation indépendante ? Il y a mille ans… et le concept de nation n'a pas alors le sens qu'on lui donne.

    Une nation, c'est une histoire commune : comment douter qu'existe en Espagne une histoire commune ? Une nation, c'est une culture : comment douter que l'Espagne a fourni une manière de dire la vie, de la traduire et de la comprendre ? Une nation, c'est un peuple : or le peuple espagnol existe, comme réalité politique et constitutionnelle mais aussi comme réalité singulière en Europe. Une nation, c'est également la manière dont les autres pays la voient. Or, qui, dans le monde, doute de l'existence de l'Espagne ?  

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    Agrégé d'histoire et ancien élève de l'Ecole normale supérieure, Benoît Pellistrandi est professeur en classes préparatoires au lycée Condorcet à Paris et spécialiste de l'histoire espagnole. Il a notamment publié Histoire de l'Espagne. des guerres napoléoniennes à nos jours chez Perrin en 2013.

    Lire dans Lafautearousseau ... 

    Barcelone : « No tinc por  »

  • Kurdes et Syriens bientôt face à face à Deir ez-Zor ?

     

    Par Antoine de Lacoste

     

    1456949215.pngDepuis maintenant une semaine, l'armée syrienne a rompu le siège de Deir ez-Zor. L'Etat islamique avait conquis les deux tiers de la ville il y a trois ans et n'a jamais pu prendre le dernier tiers comme nous l'avons expliqué la semaine dernière.

    Aujourd'hui, c'est l'inverse qui se produit et ce sont les hommes de Daesh (dont de nombreux étrangers) qui sont encerclés dans les poches qu'ils détiennent encore, à l'est de la ville.

    La reprise complète de Deir ez-Zor est inéluctable dans un délai finalement plus court que prévu. Cela en dit long sur l'effondrement de l'Etat islamique dont les jours sont maintenant comptés. D'ailleurs de nombreux combattants disparaissent dans la nature, parfois pour rentrer chez eux discrètement mais le plus souvent pour se fondre dans la population des régions sunnites afin de préparer de futurs attentats.

    Dans le même temps, les dirigeants survivants de Daesh se préoccupent des finances du mouvement et organisent le rapatriement, notamment en Europe, de fonds qui serviront à financer des actions terroristes. Les Syriens en auront probablement  fini plus tôt que nous avec l'Etat islamique...

    Ce qui est certain, c'est que l'armée syrienne a repris plusieurs puits de pétrole dans la région de Deir ez-Zor, et que bientôt plus aucun ne sera aux mains de Daesh. Ce sont ainsi 800 millions de dollars annuels qui ne rentreront plus dans les caisses des islamistes.

    Plus au nord-ouest, à 120 km de Deir ez-Zor, le siège de Raqqa, l'ex-capitale de l'EI, se poursuit laborieusement. Les FDS  (coalition de kurdes et de rebelles prétendument modérés), avancent lentement sous la houlette des conseillers américains qui arment et financent tout ce petit monde.

    Le plan américain était ensuite de descendre le long de l'Euphrate pour se rapprocher de Deir ez-Zor et tenir ainsi toute la rive gauche du fleuve. Pris de court par la rapidité de l'entrée de l'armée syrienne dans la ville, les Américains ont changé de tactique et fait progresser des troupes FDS qui ne participaient pas au siège de Raqqa et se tenaient plus à l'est. Elles n'ont eu qu'à descendre plein sud, et sans opposition, pour se retrouver, dans les faubourgs Est de Deir ez-Zor.

    Personne n'a besoin d'elles pour reprendre la ville mais, on l'a compris, ce n'est pas le sujet.

    Les Kurdes rêvent toujours d'obtenir une autonomie dans les zones qu'ils peuplent, c'est à dire le nord de la Syrie. Le régime syrien n'a évidemment aucun intérêt à accéder à cette demande mais les Américains ne comptent pas leur demander leur avis. Ils se sont bien sûr ouverts de leurs intentions aux Russes (ils ne peuvent vraiment pas faire autrement) qui ne voient pas cela d'un très bon oeil. Se donner autant de mal pour sauver la Syrie et ensuite accepter sa partition au profit de Kurdes avec qui ils n'ont rien en commun ne peut entrer dans leur stratégie.

    Le temps joue plutôt en faveur des Russes, surtout depuis qu'ils se sont, fort habilement, rapprochés des Turcs, au grand dam des Etats-Unis qui espéraient rester en bon terme avec Erdogan par le biais de l'OTAN.

    C'est mal connaître la Turquie pour qui la haine des Kurdes dépasse toute autre considération stratégique. Elle occupe d'ailleurs une partie du nord de la Syrie uniquement pour empêcher les Kurdes de tenir l'ensemble de la frontière turco-syrienne. De plus elle vient d'acheter des missiles anti-aériens aux Russes, afin de bien montrer où vont ses préférences du moment.

    Jamais les Turcs n'accepteront un Etat kurde à leurs portes. Il sera intéressant de voir comment les Américains résoudront cette équation insoluble. Leurs promesses faites aux Kurdes resteront-elles lettre morte ? Ce ne serait pas la première fois qu'ils auraient cyniquement utilisé un peuple pour ensuite l'abandonner...

    On ne peut toutefois écarter l'hypothèse d'une incompréhension totale de la situation et de ses rapports de forces dans la région.

    Si les Etats-Unis avaient compris les complexes rapports de force au Proche-Orient, on l'aurait remarqué depuis longtemps...

    En attendant, chacun avance ses pions et veut prendre part à la chute de Daesh. Après, Russes et Américains discuteront mais il est certain que Poutine a plusieurs coups d'avance. C'est avec les Iraniens qu'il aurait pu avoir davantage de soucis tant les chiites sont peu enclins aux concessions après avoir tant investi en Syrie. Si les Américains avaient fait preuve d'un peu de subtilité, ils se seraient rapprochés de l'Iran, afin de compenser leur brouille avec la Turquie et de perturber le jeu diplomatique russe. Mais cela aurait déplu à Riyad et Tel-Aviv. Alors ils ont choisi le rapport de force avec la grande puissance perse laissant ainsi un boulevard à Poutine.

    On ne s'en plaindra pas et les chrétiens de Syrie non plus.   

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans Actualité Monde

  • La guerre du vocabulaire. Ou comment réapprendre à parler sans se soumettre aux censeurs

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Dans cette tribune du Journal de Montréal [19.09], Mathieu Bock-Côté traite des interdits qui pèsent sur certains mots du vocabulaire de notre famille de pensée. A chacun d'eux, il restitue sons sens vrai ; il montre les réalités profondes que ces mots proscrits recouvrent et saisit l'occasion pour rappeler quelques vérités essentielles et profondes. Qui valent dans son Québec natal, comme elle valent en France et en Europe. Mathieu Bock-Côté finit toujours par aller à l'essentiel, par le faire découvrir. Et c'est, pour l'esprit, une joie vraie.  En reprenant nombre de ses publications, tout simplement, nous la faisons partager. LFAR

     

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    De bons amis, soucieux de notre bonne réputation, disent souvent aux nationalistes québécois: n'utilisez pas le mot « identitaire » lorsque vous parlez de votre vision du Québec, il est contaminé par les groupuscules qui le revendiquent. Identitaire serait un mot toxique, à proscrire.

    Ces mêmes amis nous disent : n'utilisez pas le mot « conservateur », il vous fera passer pour des nostalgiques de Stephen Harper. Il témoigne d’une psychologie du repli sur soi, presque antimoderne.

    Ces mêmes amis poursuivent : ne vous dites pas « nationalistes», ce mot, en Europe, est associé à l'extrême-droite.

    Et il arrive même que ces amis nous disent : souverainiste, c'est un mot qui laisse croire que vous êtes fermé à la mondialisation. À tout le moins, en France, on en fait un symbole de fermeture.

    À ce rythme, nous finirons par ne plus rien dire. 

    Certes, le langage est l'objet d'un débat politique. Chacun cherche à imposer son vocabulaire à l'adversaire : on veut survaloriser ses propres mots et dévaloriser ceux du camp d'en face. C’est ainsi depuis toujours et cela ne changera pas demain.

    Mais je constate que ceux qui sont attachés à la cause nationale se laissent intimider par ceux qui cherchent chaque fois à disqualifier leur vocabulaire. Ils se laissent piéger. Ils ne savent plus trop comment parler.

    Retrouvons le sens premier de ces mots.

    Identitaire ? On réfère ainsi à la part existentielle de la communauté politique. On rappelle qu’elle n’est pas un pur artifice juridique et qu’elle s’est nouée dans la culture et l’histoire. On rappelle qu’un corps politique est nécessairement historique et qu’aucune nation ne saurait durer sans le souci de sa singularité, sans le désir de persévérer dans son être.

    Conservateur ? Le conservatisme est une philosophie de l’enracinement, qui rappelle que l’homme est un héritier, et qu’il doit s’inscrire dans une histoire particulière pour accéder à l’universel. Le conservatisme incite aussi à se méfier des fausses promesses de la modernité et de ses dérives, ce qui ne veut pas dire qu’il la congédie en elle-même.

    Nationaliste ? Ce mot est inscrit dans notre histoire. Il désigne une fidélité première au Québec et rappelle que jamais notre existence nationale ira sans combat en Amérique. Je veux bien croire qu’il change de signification en traversant l’Atlantique mais on ne saurait pour cela abolir la culture politique québécoise qui rend compte des singularités de notre aventure collective.

    Souverainiste ? Lui aussi est inscrit dans l’histoire politique du Québec : c’est ainsi qu’on a nommé la quête d’indépendance depuis la Révolution tranquille. Quand on nous invite à utiliser un autre terme parce que celui-là, en Europe, serait connoté à droite, on en vient encore une fois à dissoudre la singularité québécoise dans un contexte qui n’est pas le sien.

    On me répondra : ne nous disputons pas pour des mots. Et pourtant il faut le faire. Parce qu’à bannir sans cesse des mots, c’est la possibilité d’exprimer certaines idées qu’on en vient à censurer. À force de se soumettre à la police du langage, on développe un très fort réflexe d’autocensure, on ne parvient plus à parler librement, et à terme, on en vient à penser contre soi, de peur de heurter les gardiens de la rectitude politique.     

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Où Simone Weil pointe l'une des maladies les plus dangereuses de l'âme et des sociétés humaines ...

     

    « L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine… Le déracinement est de loin la plus dangereuse maladie des sociétés humaines. » 

     

    Simone Weil

    L'Enracinement - Prélude à une  déclaration des devoirs envers l'être humain, Gallimard (Folio)

  • Ce qu’est l’Europe aujourd’hui

     

    par Gérard Leclerc

     

    2435494823.jpgLes résultats des élections allemandes ont donné lieu à des commentaires plutôt convergents.

    La victoire de la chancelière Angela Merkel a un goût d’amertume et son quatrième mandat s’annonce difficile. Je ne sais s’il faut partager le pessimisme extrême de ceux qui lui annoncent des allures crépusculaires. Mais il est incontestable que cette remarquable tacticienne se trouve aux prises avec des difficultés liées à la situation concrète de son pays et à celle de l’Europe. En effet, le régime représentatif reflète forcément l’évolution d’une société et les mouvements de son opinion publique. L’émergence de la formation Alternative pour l’Allemagne ne pouvait surprendre, elle est dans la logique des événements récents. Si l’on peut craindre la dureté de certaines de ses positions, on doit admettre qu’elle s’exprime dans un cadre régulateur qui vaut mieux que l’expression sauvage de certaines peurs et de certains réflexes.

    Force est de reconnaître également que ce qui est vrai pour l’Allemagne l’est aussi pour l’ensemble de l’Europe, et que cela risque de contrarier les projets qu’Emmanuel Macron envisageait de réaliser en accord avec la chancelière. Il faut convenir, même si ce n’est pas une réalité forcément agréable, que l’Europe de l’Est est réfractaire à une politique globale d’ouverture à l’immigration. La Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie sont solidaires à l’encontre d’une volonté qui leur imposerait des quotas d’immigrés. Même des intellectuels que l’on considérait comme participant d’une sorte de consensus progressiste se retrouvent avec les États qui craignent pour leur cohérence interne. Il faut bien comprendre que la République Tchèque, par exemple, ne renie pas forcément l’héritage de Vaclav Havel lorsque elle veut défendre sa spécificité qu’elle considère comme fragile, eu égard au caractère modeste de son État, à sa culture et sa langue minoritaires. C’est de tout cela qu’il faut tenir compte, et les élections sont la meilleure médiatrice pour donner au peuple l’occasion d’exprimer leurs craintes et leurs espoirs. Les élections allemandes sonnent l’heure d’un nouveau défi pour l’Europe.  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 26 septembre 2017

  • Café Histoire de Toulon, ce mercredi 27 septembre, avec Pierre Gourinard

     

    Nous, Prouvençau, avons perdu la mémoire d'un Var des IX° et X° siècles, occupé par l'invasion sarrasine.

    Ces heures sombres sont généralement minimisées ; tout comme la reconquête réalisée sous la conduite énergique du comte Guillaume, surnommé « le Libérateur ».

    Le professeur Gourinard, pénitent gris d'Aix, fera découvrir ce pan occulté de notre histoire, qui donna son essor au Comté de Provence.  

    « Prouveçau e catouli, Nosto fe n'a pas fali ! »

    Le Grall, Pub associatif des missionnaires de la Miséricorde (adhésion 1 €)
    377 avenue de la République , 83000 Toulon
    La soirée pourra se poursuivre autour d’une pizza (Participation aux frais)
    Contact : cafehistoiredetoulon@gmail.com

  • Une victoire si amère que ça ?

    A la Une du Figaro d'hier lundi ... 

     

    En deux mots.jpgIl a fallu bien des années à Alain Minc pour s'apercevoir que les nations, comme les personnes, ont, selon son expression, un ADN. C'est ce que les élections allemandes viennent de nous rappeler. Et de nous démontrer avec la force de l'évidence. 

    Manifestement, Allemands et Français, nous ne sommes pas le même peuple. Nos ADN sont différents, parfois opposés. Malgré De Gaulle et Adenauer, malgré Giscard et Schmidt, Mitterrand et Kohl, malgré les avions, le TGV, Internet, Erasmus, les réseaux sociaux, les interdépendances de tous ordres, notamment économiques ou financières, etc. C'est comme si rien n'était de taille, malgré l'opinion courante, à gommer les différences. 

    Nous avons élu le président de la République il y a à peine un peu plus de trois mois. Mais Emmanuel Macron a surtout été choisi parce qu'il incarnait les apparences de la rupture : par l'âge, la culture, le maintien, l'allure et parce qu'il signifiait le « dégagisme ». C'est à dire l'éviction programmée et rapide de toute une caste honnie dont on ne voulait plus. En l'affaire, l'électorat d'avril dernier n'a pas cherché beaucoup plus loin. Un trimestre a suffi pour que la cote de popularité du Chef de l'Etat soit au plus bas. On sait qu'elle a perdu 24 points en juillet-août et, aujourd'hui, plus de 60% des Français se disent mécontents, dont 20% de « très » mécontents. La rue manifeste, les routiers font mine de bloquer les postes d'essence et Mélenchon invite les jeunes à se mettre « en mouvement ». Il joue son Bolivar ou son Lénine et agite les vieux rêves de la Révolution. 

    Dimanche dernier, les Allemands ont renouvelé le Bundestag qui pour la quatrième fois reconduira Angela Merkel â la chancellerie. S'il n'y en a pas de cinquième, elle y sera restée 16 ans. D'ailleurs, comme Helmut Kohl, son mentor.   

    Merkel gouvernera à la tête d'une coalition ; son parti, quoique largement en tête, ressort légèrement affaibli de la consultation de dimanche. Mais, c'est évident, elle a très largement l'estime et le soutien du peuple allemand. Au reste, l'on a trouvé, Outre-Rhin, les débats Merkel-Schulz terriblement ennuyeux, tant leurs programmes sont proches. L'Allemagne est un pays de consensus. En France, il est rare et éphémère. Amère victoire pour Merkel ? C'est surtout une vision française ...

    Bainville réfléchit dans son Journal, vers 1932-33, sur le « besoin d'être commandés » des Allemands, peut-être plus vif, chez eux, que chez la plupart des autres peuples. Commandés, ils le seront peu après sous une forme extrême, où l'hubris, le romantisme, l'exaltation, l'horreur et, pour finir, l'apocalypse suprême, affecteront, dans un unanimisme peu contestable, ce peuple, d'ordinaire raisonnable, sagement laborieux et uni.  

    Quatre-vingt-dix députés de l'AFD entreront bientôt au Bundestag, véritable lieu de la souveraineté allemande, ce qui brise un peu l'unanimisme dont nous avons parlé, ou, vu autrement, le reconstitue contre une AFD pour l'instant à 13%.  

    L'essor de l'AFD témoigne - et c'est une première - de l'ébranlement des tabous - ou des complexes - allemands d'après-guerre. Ce parti sera-t-il amené à constituer un jour autour de lui une unanimité de substitution ?  On ne peut jurer de rien. Mais dans cette grande et opulente maison de retraite  constitutive aujourd'hui pour partie de la nation allemande, brandir la menace d'une quelconque résurgence d'un mouvement ou d'un climat ayant une vraie parenté avec la période nazie, nous paraît relever d'une propagande de piètre niveau. 

    Rien ne dit si l'Allemagne de l'unanimisme, à tout le moins du consensus, de la stabilité et de la richesse, durera longtemps. Son effondrement démographique l’inquiète et l’affaiblit. Pour l'instant, elle est satisfaite de son sort et en sait gré à ses dirigeants. La guerre qu'elle mène aujourd'hui - c'en est une - est industrielle et économique. Et c'est une guerre lucrative celle-là qui lui rapporte bon an, mal an, 250 milliards.  

    Nous avons gardé notre légèreté, notre inconstance, - essentiellement en politique - et notre manie gauloise des divisions infinies. De sorte que nous vivons, avec les Allemands, de part et d’autre du Rhin, Gaulois et Germains, sous des systèmes non plus ennemis, mais antithétiques.  •

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • À tribord toute  ?

     

    Par François Marcilhac 
     
     
    3466611312.jpgOù va la droite  ? Ou, plutôt, les droites  ? puisqu’il existe toujours plusieurs partis qui s’en réclament… ou refusent de s’en réclamer pour ne plus être qualifiés d’extrêmes.
     
    Tel est le cas du Front national, qui persévère dans une posture post-gaullienne que lui dispute Nicolas Dupont-Aignan. Mais justement, le politologue Guillaume Bernard confiait récemment à notre confrère Boulevard Voltaire  : «  D’abord, il n’y a pas des droites, il y a une droite. Par ailleurs, il y a des partis politiques classés à droite.  » Et d’ajouter que Marine Le Pen a raison de croire que «  tenter une alliance des différents partis politiques qui sont à droite, c’est effectivement une illusion  »  ; «  en revanche, que des personnalités, et des électeurs surtout, se répartissent dans les partis à droite, mais qui sont tous de droite, cela est une véritable réalité  »  ; «  la recomposition pourrait se faire sur cette base-là  ». Dupont-Aignan s’illusionnerait donc en réfléchissant toujours en termes d’appareil, mais Marine Le Pen ne s’illusionnerait pas moins, en réfléchissant, elle aussi, dans les mêmes termes, mais en péchant par orgueil, le FN paraissant un mastodonte par rapport à DLF (Debout la France). Ce qui est vrai, mais justement… ce sont les appareils qui empêchent la recomposition de la droite – Guillaume Bernard a raison sur ce point. Comme sur la nécessité d’une clarification doctrinale. Existe-t-il véritablement une seule droite comme ideal-type et plusieurs appareils qui l’incarnent, mal, lorsqu’ils ne le trahissent pas (suivez mon regard)  ? Peut-être. Ce qui est certain, en tout cas, c’est l’annonce, en quelques jours, de deux bonnes nouvelles  : la droite a une force d’âme et elle n’est plus orpheline.

    L’autre nom du pays réel

    C’est Jacques de Guillebon, ancien conseiller de Marion Maréchal-Le Pen, qui nous a appris la seconde. La droite a été adoptée. Par qui  ? Par un mensuel incorrect, dédié «  à ceux qui espèrent toujours en leur patrie, généreuse, juste, forte et fraternelle  ». Et qui donc pourrait participer de ce mouvement de recomposition de la droite, via un organe rassemblant dans sa lecture des (é)lecteurs disséminés, ou non, dans les différents appareils se réclamant, ou non, de droite et dont les dernières échéances électorales ont censuré l’obsolescence. L’Incorrect semble préférer appeler «  tiers-état populaire  » ce que l’Action française appelle pays réel. Peuple et populaire ont, il est vrai, tant de sens  ! Expression intéressante, en tout cas, quand on sait que l’abbé Sieyès, auteur de la célèbre plaquette Qu’est-ce que le tiers-état  ?, publiée en 1789 et qui favorisa l’ébranlement de la monarchie, assimile le tiers-état au peuple. L’expression «  tiers-état populaire  » n’aurait-elle pas, dès lors, un petit air de pléonasme, comme avaient nos «  démocraties populaires  » de la seconde moitié du XXe siècle  ? Nos marxistes s’en défendaient à l’époque diablement  : essentiellement bourgeoise, la démocratie ne devenait un vecteur de la libération du prolétariat qu’en devenant «  populaire  », c’est-à-dire dédiée aux travailleurs. De même, «  populaire  » dans «  tiers-état populaire  » ramène le «  tiers-état  », confisqué par une élite dénationalisée ou encore une «  minorité gentrifiante  », du côté des «  gens qui ne sont rien  » ou encore des «  fainéants  » (d’après le gentrifiant Macron). Comme l’abbé Sieyès le disait du tiers-état, on peut donc dire  : «  Qu’est-ce que les gens qui ne sont rien  ? Tout. Qu’ont-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique  ? Rien. Que demandent-ils  ? À être quelque chose.  » Ou à l’être de nouveau…

    Pour une clarification doctrinale

    Ce qui suppose, évidemment, une clarification doctrinale. C’est là qu’intervient la première bonne nouvelle. C’est Valérie Pécresse qui, cette fois, nous l’annonce. Non seulement la droite a une force d’âme, mais «  ce qui fait la force d’âme de la droite, c’est d’avoir toujours préféré Charles de Gaulle à Charles Maurras  ». La clarification doctrinale est donc faite depuis longtemps et nous ne le savions pas  ! Valérie Pécresse peut même être proclamée “docteure” de la droite – comme il existe des docteurs de l’Église. Je renvoie aux mises au point que Stéphane Blanchonnet et votre serviteur ont faites sur cette sotte déclaration – elles sont sur le site de l’AF –, ainsi qu’à l’excellent article de Paul-Marie Coûteaux dans Minute du 13 septembre dernier. Si j’y reviens, c’est uniquement pour souligner que Valérie Pécresse a confirmé, sinon l’adage de Guy Mollet, selon lequel la droite française est la plus bête du monde, du moins cette dialectique qui l’oblige à chercher à concilier l’inconciliable, et fait que son histoire politique n’a été, depuis ses origines sur la question du veto royal, et donc sur celle d’une certaine conception de l’État, jusqu’à aujourd’hui, qu’un long et inévitable reniement. Nous parlons bien de son histoire politique, c’est-à-dire de la traduction de son action dans le jeu parlementaire. Car, alors que la gauche se meut naturellement dans le marigot des partis, son objectif étant de faire gagner un camp contre un autre – elle pense en termes de division et d’intérêts particuliers qu’elle universalise, fussent ceux d’une classe plus ou moins mythifiée  : elle est en cela l’héritière de l’abbé Siéyès –, la droite, au contraire, lorsqu’elle est fidèle à elle-même, cherche à faire prévaloir, sur les intérêts particuliers, la notion même de bien commun de la cité, qui passe aussi par la sauvegarde des libertés fondamentales du pays réel. C’est pourquoi elle ne saurait fondamentalement penser en termes de parti – voire d’un paradoxal parti de l’ordre qui a fini par justifier, à plusieurs reprises, contre le bien commun, la défense du désordre établi. Or c’est précisément ce que nous propose Valérie Pécresse en instrumentalisant la figure, quasi rhétorique, du général de Gaulle contre celle de Maurras – car il s’agit bien, ici, d’une opposition de figures plus rhétoriques qu’historiques  ! La droite de Valérie Pécresse est celle de ce nouveau parti de l’ordre qu’elle souhaite – et Laurent Wauquiez comme elle  ? L’avenir seul nous le dira – constituer sur les décombres des Républicains, alors que les Constructifs, à l’Assemblée, ont choisi de jouer la carte du centre-droit, partenaire indocile, et pour l’heure inutile, du Marais. Le drame est qu’il n’y ait plus de droite de conviction – nous dirions légitimiste, c’est-à-dire qui fait de la légitimité le socle de son action   : celle que la clarification doctrinale, si elle avait sérieusement lieu, devrait avoir pour objectif de ressusciter.

    Poser la question du régime

    Lorsque Valérie Boyer, député Les Républicains, rappelle  : «  La France est une république laïque d’influence et de valeurs chrétiennes. Notre histoire s’est construite autour des rois et des Églises  », elle se place naturellement au sein de cette famille politique de conviction, mais à laquelle les institutions, plus encore que les appareils qui n’en sont que les outils, interdisent de se recomposer et finalement d’arriver au pouvoir. La Ve République avait paru un temps trancher le nœud gordien institutionnel. Mais, on ne le voit que trop bien aujourd’hui, sans résoudre à terme la quadrature du cercle que représente, pour la droite, le fait de devoir s’incarner, si elle veut gouverner, dans un système partisan qui contredit sa force d’âme bien plus que Charles Maurras  ! C’est encore et toujours la question du régime qu’il faut poser. Même si, en attendant, l’Action française salue toutes les synergies incorrectes visant à ouvrir les yeux du «  tiers-état populaire  ». Lequel, avec notre aide, finira bien un jour par susciter un général Monck pour la France  !  •

    Action Française 2000 du 21.09.2017

  • Avec Trump, l’Amérique est de retour !

      

    par Gabriel Robin
     
    Chacun sait que nous avons souhaité l'élection de Donald Trump plutôt que celle d'Hillary Clinton. Et ce, seulement en considération des intérêts français. Quelles qu'en soient les raisons, les empêchements qu'il a pu subir, il est non moins vrai que Trump a déçu. Dans la forme, mais surtout dans le fond, c'est à dire par son action politique elle-même, par delà le verbe et les gestes. Quelles sont les apparences et quelles sont les réalités ? Très différemment, mais un peu comme pour Emmanuel Macron, les deux aspects sont difficiles à démêler. Dans cette brillante tribune [Causeur, 25.09], Gabriel Robin, dont nous suivons les publications avec intérêt, tente d'apporter des éléments d'appréciation.  LFAR  
     

    3259321246.jpg« God Emperor Trump », tel est le surnom donné au 45ème président des Etats-Unis par une poignée de fidèles sévissant sur internet. Affectueuse et ironique, l’appellation « God Emperor » trahit pourtant la véritable nature de Donald Trump, parfois plus proche de l’image que l’on se fait d’un personnage de bande-dessinée que de celle du chef de la nation « la plus puissante du monde ». Qui est Donald Trump ? Un patriote américain sincère ? Un businessman ? Un personnage de télé réalité ? Un « entertainer » capable de se produire sur les rings de catch de la WWE de son ami Vince Mac Mahon ? Sorte de synthèse des excès de l’Amérique, qui fascine comme elle répugne, The Donald semble diriger son pays avec la subtilité d’un conducteur de « monster truck » lancé à pleine vitesse dans une arène poussiéreuse en bordure de Las Vegas, prêt à toutes les cascades pour satisfaire un public surexcité.

    America, baby !

    Lors du dernier sommet de l’ONU, le discours du président des Etats-Unis en exercice pouvait parfois rappeler la bande-originale du film Team America, notamment la chanson America, fuck yeah ! dont les paroles écrites par Trey Parker, moitié du duo à l’origine de South Park, multiplient les clichés sur l’Amérique. 

    Cliché, Donald Trump l’est à maints égards, s’attaquant aux « Etats voyous », menaçant de raser purement et simplement la Corée du Nord, cherchant des Némésis à la grande nation des libertés. Il serait pourtant réducteur de circonscrire la parole d’un président si particulier à cette succession de rodomontades agressives destinées à être massivement diffusées sur Twitter.  

    Que retenir, au-delà des images, de cette prise de parole tant attendue ? En premier lieu, le retour d’une dialectique traditionnelle opposant le bien au mal, sorte de poursuite de la Guerre froide dans un monde pourtant plus complexe que jamais. Donald Trump déclare notamment que « le problème au Venezuela n’est pas que le socialisme a été mal mis en œuvre mais que le socialisme a été mis en œuvre fidèlement. De l’Union soviétique à Cuba, en passant par le Venezuela, à chaque fois que le vrai socialisme ou communisme a été adopté, il n’a semé que l’angoisse, la dévastation et l’échec ». Si l’on pourrait y voir une contradiction apparente avec sa vision d’un monde ordonné par les nations souveraines, dans le droit fil de l’école westphalienne, le fait que Donald Trump assume l’hégémon américain, c’est-à-dire sa « destinée manifeste » depuis 1945, prouve que l’Amérique est vraiment de retour après des années Obama marquées par une relative passivité.

    Donald « Schwarzie » Trump

    Au fond, Donald Trump n’a rien apporté de neuf aux principes de politique étrangère édictés par les Kissinger et les Brzezinski. Seule la forme a changé, moins subtile et plus brutale. Un parallèle criant pour ce qui concerne l’accord relatif au nucléaire iranien, le président reprenant peu ou prou l’analyse d’Henry Kissinger dans L’Ordre du Monde, lequel juge l’Iran chiite responsable du réveil de l’ensemble du monde musulman. À cette nuance près que Donald Trump refuse tout dialogue avec l’Etat perse, le rangeant unilatéralement parmi les ennemis de l’Amérique. Par son attitude belliqueuse, Donald Trump prend le risque de renforcer les factions iraniennes les plus dures. Lui et ses conseillers, peut-être trop influencés par l’Arabie saoudite, devraient se poser la question suivante : le Moyen-Orient et le monde sont-ils plus sûrs avec Hassan Rohani à la tête de l’Iran ou avec Mahmoud Ahmadinejad ?

    Pareillement, les déclarations hollywoodiennes de Donald Trump sur la Corée du Nord sont difficiles à prendre au sérieux. Personne, y compris Kim Jong-Un, n’a intérêt à une guerre. Quant aux Coréens du Sud, ils ne peuvent que redouter l’idée d’une réunification, particulièrement coûteuse et difficile. Ici encore, l’Amérique de Trump engage un bras de fer avec le rival chinois, montre ses muscles pour rassurer ses alliés et se rassurer dans un monde perturbé où d’autres puissances peuvent lui contester sa suprématie. Rien de nouveau à l’Ouest ? Oui et non, car Donald Trump a deux énormes avantages. Tout d’abord, il clôt l’ère entamée sous Obama durant laquelle les Etats-Unis étaient constamment présentés en modèles par l’Eglise du politiquement correct. Enfin, il a rompu brutalement avec la doxa globaliste et son sillage de déclarations d’intention larmoyantes. C’est déjà beaucoup.  •

     
    Attaché au groupe « Europe des nations et des libertés » du Parlement européen
     
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