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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1156

  • Histoire & Actualité • Guerre et paix, qui n’est pas la paix

    Par Richard de Sèze

    Le Musée de l’Armée, qui avait magnifiquement commencé cette longue commémoration de la Grande Guerre par la remarquable exposition « Vu du Front – Représenter la Grande Guerre », la clôt avec une exposition intelligente, « À l’Est, la guerre sans fin – 1918-1923 ».

    La guerre de 14, qui avait commencé dans les Balkans avant 14, ne se termine qu’après 18, en 1923, dans les sables du Levant. Et les combats qui avaient ravagé la France, se sont développés en Ukraine, en Pologne, en Allemagne… Alors les Européens, qui ont dressé des cartes géographiques, linguistiques, ethnologiques et sans doute minéralogiques pour imaginer des nations viables (concept défendu par E. de Martonne, géographe français), se mettent à écrire des traités, longs et minutieux, ratifiés par des dizaines de pays, dont tous les alliés sud-américains des États-Unis.

    Les vitrines nous présentent d’épais volumes d’où s’échappent des passementeries luxueuses retenant des sceaux de cire protégés par des custodes en métal précieux. Une affiche sobre est l’acte de renoncement de Charles 1er, empereur d’Autriche, placardée dans tout le défunt empire. Sur une autre affiche, le maire de Versailles appelle au calme et à la dignité pour la signature du traité de paix, en 1919, à la Galerie des glaces. Le drapeau bleu-blanc-rouge du Bataillon assyro-chaldéen accueille gravement un griffon et un taureau barbu. Les soldats de Bela Kun posent fièrement autour du cadavre pendu d’un « contre-révolutionnaire ».

    L’exposition parcourt tous les champs de bataille, nous fait vivre chaque changement de frontière avec des cartes animées et exhibe avec émotion des reliques incongrues : la pèlerine ou la casquette de celui qui fut un chef éphémère, la croix de 1ère classe de l’ordre letton de Lāčplēsis, le tueur d’ours, décernée à Foch. La croix est au Musée de l’Armée ; les glorieuses frusques viennent de toute l’Europe – ou de France où ont convergé tous les réfugiés, fuyant leurs propres guerres. Les communistes ont tout raflé, tout détruit, et les Allemands ont pris le reste. La Hongrie a prêté beaucoup d’objets : elle ne célèbre pas 1918 et ses commémorations ne sont pas en concurrence avec les nôtres… Le Quai d’Orsay a beaucoup prêté aussi. À côté des gros traités, un livret d’instruction technique explique comment procéder au « nettoyage de la frontière » en entretenant une bande d’un mètre de large de chaque côté de la ligne hungaro-tchécoslovaque ; et la carte D / P.V. 21 se demande, croquis à l’appui, si la frontière passera entre la maison et la grange de la ferme Szelespuszta. Pendant ce temps, le chaos fait rage dans les empires implosés.

    On comprend tout mais cela reste vertigineux : un monde nouveau est en train de naître de tous ces papiers secs et précis. Qu’en reste-t-il, presque cent ans plus tard ? Un tract du Parti socialiste appelant déjà les travailleurs de France à trahir leur pays au profit de la Russie ; l’étendard rouge de l’escadrille SAL 580, une « unité aérienne française déployée en Pologne en 1919 pour aider l’armée polonaise à lutter contre les bolcheviks » ; et l’étendard du 101e Régiment de tirailleurs russes bolcheviques, trophée polonais pris à la bataille de Varsovie en 1920. Il est tout blanc. Parce que la teinture a passé. C’est sans doute la meilleure leçon à méditer.   

    Richard de Sèze
    « À l’Est, la guerre sans fin – 1918-1923 ». Musée de l’Armée, jusqu’au 20 janvier 2019 

  • Cinéma • Robin des bois

     Par Guilhem de Tarlé 

    A l’affiche : Robin des bois, un film américain d’ Otto Bathurst, avec Taron Egerton (Robin de Loxley), Eve Hewson (Marianne), Ben Mendelsohn (sheriff of Nottingham), Jamie Foxx (Jean), Tim Minchin (Frère Tuck).


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    Robin des bois, qui vole aux riches pour donner aux pauvres... qu'un Melanchoniste pourrait qualifier d'anti Macron, celui qui vole aux pauvres pour donner aux  riches...

    Pour ma part, je considère que Macron vole tout le monde pour donner aux envahisseurs...

    et, précisément, cette version originale de Robin des bois m'a amusé par son actualité brûlante :

    imag1079.jpg• La trahison des élites qui financent les Maures que combattent les Croisés ;

    • Avec, pour ce faire, le « fiscalisme », le racket fiscal qui va jusqu'au péage urbain ;

    • Et, aussi, la corruption de ceux qui prétendent représenter le peuple, dont l'unique conviction est la volonté de prendre le pouvoir ;

    robin-hood-jaime-fox-taron-egerton.jpg• Et enfin, la colère et la révolte populaire, et la violence inéluctable qui l'accompagne.

    J'ai regretté de ne pas avoir mis mon gilet jaune pour aller voir ce film.    

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • De la grande misère des communes françaises

    Par Michel Franceschetti 

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    La France rurale est étouffée par le prétendu aménagement du territoire. Au lieu de capitaliser sur le tissu social des communes, l’État s’acharne à le détruire. Peut-être parce que les communes sont un espace de liberté ? 

    « Service de cardiologie de Sisteron, service d’urgence nocturne d’Embrun, maternité de Guingamp, service des soins de suite et de réadaptation de l’hôpital de Marcigny, service de pédiatrie hospitalière de Sedan, Ehpad du Theil-de-Bretagne, service de psychiatrie de Laragne-Montéglin, maternité de Châteaudun, etc. : voici la liste non-exhaustive des actes de décès signés par les Agences Régionales de Santé ce seul dernier mois ! ». Ce bilan dressé par l’éditorialiste de 36 000 communes, le mensuel de l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF), dans son numéro de juin 2018, montre la disparition galopante des services de santé dans les petites et moyennes villes.

    Services en moins, charges en plus

    En réalité, tous les services publics (écoles, gares, centres des impôts, hôpitaux, bureaux de postes…) sont touchés par cette fuite. La colère, en septembre dernier, du congrès des maires ruraux (communes de moins de 3 500 habitants), qui menace de ne pas organiser les élections européennes, se comprend aisément. Pour ne pas affronter les critiques, le président Macron, contrairement à la promesse faite l’an dernier, n’est pas venu au congrès de l’AMF (association des maires de France) qui s’est tenu en novembre.

    Ces suppressions rendent plus difficile la vie des habitants des petites agglomérations qui doivent multiplier les déplacements pour être soignés ou pour que leurs enfants puissent suivre leur scolarité. Les maires ne peuvent pas aider leurs concitoyens car leurs moyens financiers sont constamment réduits par l’État, notamment sous le quinquennat Hollande où des baisses de dotation drastiques ont fait perdre jusqu’à 13% du budget municipal. L’imbroglio autour de la suppression de la taxe d’habitation fait craindre le pire.

    Résultat : la DGF (dotation globale de fonctionnement) attribuée aux communes rurales s’élève à 156 euros par habitant contre une moyenne nationale de 174.

    Pourtant, la population concernée n’est pas négligeable : 21,4 millions d’habitants (un Français sur trois) résident dans une commune rurale.

    Regroupement avant disparition ?

    L’étranglement financier est accentué par le regroupement des communes au sein des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale). Vanté pour être un moyen de réaliser des économies, le regroupement de communes entraîne souvent des frais de fonctionnement supplémentaires pour cette structure qui agrandit la distance entre citoyen et services publics.

    Ainsi, la taxe sur les ordures ménagères a souvent fortement augmenté.

    Le pouvoir au sein des EPCI est pratiquement toujours entre les mains du maire de la ville la plus peuplée alors qu’ils étaient censés, à l’origine, représenter toutes les communes. La loi du nombre ne favorise pas une répartition harmonieuse.

    De toute façon, comme l’a dit en août dernier, au micro d’Europe 1, le député LREM de Paris Sylvain Maillard : « Garder ces maires de petites communes, de plus en plus isolées et sur qui pèsent de lourdes charges, n’est plus vraiment cohérent avec notre époque ». De nombreux élus sont complètement démunis devant les demandes de leurs administrés, ce qui explique que plus de mille édiles ont démissionné de leurs fonctions depuis les élections municipales de 2014. Près de la moitié n’a pas l’intention de se représenter au prochain scrutin, comme René Raimondi qui abandonne la mairie de Fos en écrivant le 29 novembre à ses électeurs: « Les collectivités territoriales peuvent aujourd’hui être perçues comme de simples variables d’ajustement des politiques nationales, voire des boucs émissaires. Les élus locaux, les maires en premier lieu, sont de moins en moins armés pour assurer le quotidien et rassurer leurs concitoyens ».

    Pourtant, les maires sont les élus les plus appréciés des Français. Ils sont proches des gens et ils connaissent la réalité du terrain. Xavier Lacombe, maire de Peri, près d’Ajaccio, l’illustre par une image militaire : « Maire, c’est un rôle de voltigeur de tête, le premier dans une colonne qui prend la balle mais qui avertit et protège tout le monde et peut sauver la brigade ou la compagnie. » (La Corse, 30 novembre).

    « Une révolution territoriale sans Révolution »

    On assiste à une véritable « révolution territoriale sans Révolution », selon l’expression du professeur Gérard-François Dumont au colloque « Désertification et réanimation des territoires » organisé par la Fondation Res Publica le 27 février 2018. Les quatre lois (1) votées entre 2014 et 2017 (loi Maptam, loi sur la délimitation des régions, loi NOTRe, loi sur le statut de Paris) ont bouleversé l’architecture administrative française.

    Il existe désormais vingt-deux métropoles formées par la transformation des EPCI regroupant plus de 400.000 habitants. Certaines sont de taille démesurée.

    La métropole Aix-Marseille recouvrant l’ensemble des Bouches-du-Rhône, sauf le pays d’Arles dont les élus s’opposent à cette annexion, sa concordance avec le département devient de plus en plus évidente. Le Grand Paris, avec Paris et sa petite couronne, ressemble beaucoup à la région Ile-de-France.

    Le département est désormais dirigé par un conseil départemental dont les membres sont élus en binômes, afin de garantir la parité hommes-femmes. Le canton n’est plus qu’une simple circonscription électorale et personne ne se sent représenté par ces duos artificiels.

    Après la suppression de neuf régions, les régions actuelles sont complètement en dehors de toute réalité historique ou géographique. En Occitanie, le seuil de Naurouze séparera toujours les anciens Languedoc et Midi-Pyrénées.

    Ce véritable charcutage s’est accompagné de multiples réattributions de responsabilités qui sont passées inaperçues aux yeux des Français. Du coup, le simple citoyen ne sait plus à qui se plaindre pour signaler un trou dans la chaussée de sa rue. L’administration paraît bien plus lointaine qu’autrefois. Elle est physiquement éloignée dans les régions qui ont fusionné et où joindre la capitale régionale nécessite un temps de trajet bien plus long qu’auparavant.

    Quant aux économies, elles ne sont pas au rendez-vous. Le transport scolaire ayant été transféré du département à la région, les parents des Hautes-Alpes devront désormais verser 110€ pour le car de leurs enfants contre 15€ l’année précédente.

    La recherche aberrante de l’excellence

    Ces aberrations n’ont aucune importance pour la révolution territoriale qui a été voulue dans le but de répondre à la compétitivité internationale et à la mondialisation.

    Le discours dominant depuis la fin des Trente Glorieuses énonce qu’il faut fournir aux « investisseurs » mondialisés l’organisation territoriale que l’on pense correspondre à leurs attentes, et que ce cadre doit être le plus large et le plus dense possible. L’économiste Olivier Bouba-Olga appelle cette pensée « la mythologie CAME (Compétitivité, Attractivité, Métropolisation, Excellence) ». L’État doit concentrer ses efforts sur quelques pôles d’excellence, renforçant les inégalités socio-spatiales. Toutes les politiques publiques sont sous-tendues par cette croyance depuis quarante ans, quel que soit le parti au pouvoir. Or, Bouba-Olga montre, notamment dans Dynamiques territoriales : éloge de la diversité, que des initiatives innovantes peuvent exister dans de petits territoires, quand ceux-ci sont bien équipés, mais elles ne sont pas assez connues. D’autre part, les fameux « investisseurs » ne sont pas toujours au rendez-vous des pôles d’excellence érigés pour eux.

    Les nouvelles citadelles

    Il serait faux de qualifier cette évolution de recentralisation. Tout à son rêve CAME, l’État abandonne carrément les zones non rentables pour la mondialisation : territoires ruraux, petites et moyennes villes.

    Comme l’écrit le sénateur Pierre-Yves Collombat, fondateur de l’association des maires ruraux, dans le bulletin d’octobre de cette association, « Les territoires sans avenir doivent être abandonnés à leur destin, aux soins palliatifs de plus en plus maigres, tant qu’ils ne seront pas politiquement négligeables ».

    Tout est mis dans les métropoles qui sont, comme le dit Christophe Guilluy dans Le Figaro du 18 novembre, « de nouvelles citadelles médiévales, avec une bourgeoisie qui se claquemure derrière ses remparts ». Cette population a un mode de vie différent du reste des Français : « Dans ces espaces clos, les habitants ont simplement besoin de liaisons pour sortir – avions, TGV – et la voiture est, pour eux, obsolète. » Les métropoles n’ont même pas de grands liens économiques avec le reste de la population : « Aujourd’hui, Paris est beaucoup plus éloigné de l’hinterland français que de Londres, Barcelone ou Amsterdam ». Les périphéries ne servent à rien pour construire le nouveau paradis mondialisé.

    Les ploucs qui, selon Benjamin Griveaux, « fument des clopes et roulent en diesel » habitent loin de leurs lieux de travail et des administrations ? Ils n’ont qu’à utiliser internet et le téléphone portable. Mais les zones blanches, où les ondes ne passent pas, sont encore nombreuses, surtout en zones montagneuses. Et le contact direct est nécessaire pour expliquer des cas difficiles à un fonctionnaire ou à un médecin.

    Sauver le maillage communal

    La France a l’originalité d’avoir un maillage très étroit avec ses 36 000 communes héritées de la paroisse médiévale. Il y a là un atout important dont les technocrates ne se rendent pas compte. Les décisions parisiennes s’appliquent uniformément alors que notre pays est très divers. Si les municipalités étaient écoutées, des adaptations seraient possibles. Le meilleur exemple est l’obligation de limiter la vitesse à 80 km/h sur toutes les routes secondaires alors que des modulations étaient possibles selon la géographie locale.

    Le regroupement systématique et autoritaire des communes est tout aussi absurde que la création de régions artificielles. Le découpage territorial est à refaire entièrement mais en gardant l’unité communale de base.

    Le système électoral est à revoir car il n’est pas neutre. En PACA, la liste de Marion Maréchal-Le Pen avait obtenu plus de 42% des voix en 2015 mais ses élus au conseil régional n’ont été que 34% du total. Ces élections se font au scrutin de liste à la proportionnelle avec deux tours, ce qui empêche la représentation de nombreux courants d’idées politiques. Pour récompenser les socialistes de s’être désistés pour lui, Christian Estrosi, le président LR de la PACA, remplacé ensuite par Renaud Muselier, avait bien inventé une assemblée représentative consultative mais elle ne fonctionna jamais.

    Le scrutin de liste est dangereux car il institue des élus hors-sol et entièrement soumis aux partis, et non pas des représentants du terrain.

    Alors que la législation ne voit que les individus, elle devrait considérer l’espace et ses particularités aussi bien pour les élections que pour la fiscalité et les aides financières.

    La France a besoin de diversité législative.

    Les élus et les citoyens ont besoin de pouvoirs nouveaux et concrets ancrés d’abord sur la commune. Comme l’a écrit Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique : « C’est dans la commune que réside la force des peuples libres ».

    Tant que le Français des campagnes ne sera pas aussi bien considéré que le Français des villes, il faut s’attendre à ce que le mécontentement s’exprime de plus en plus fort dans les urnes, dans les réseaux sociaux et dans la rue.  

    LOI n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite loi Maptam).
    LOI n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
    LOI n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe).
    LOI n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. 
  • Attaque chimique imputée aux islamistes en Syrie, un grand silence en retour

    Par Antoine de Lacoste 

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    Il y a deux types d’attaques chimiques en Syrie : celles imputées au régime (sans aucune preuve mais passons) et celles venant des islamistes.

    Les premières engendrent un concert d’indignation suivi, selon l’humeur de Donald Trump, de représailles d’une ampleur variable et d’une inefficacité invariable.

    Les secondes provoquent un grand silence à peine rompu par quelques articles dubitatifs mais un peu gênés tout de même.

    6100377_alep_1000x625.jpgRappelons les faits. Samedi 24 novembre une centaine d’habitants de l’ouest d’Alep arrivent précipitamment à l’hôpital en état de suffocation. Leur quartier a subi un bombardement d’obus de mortier. Le diagnostic est facile à établir : les obus contenaient du chlore.

    L’origine ne fait aucun doute, tous ces obus venaient de la même position, à l’ouest d’Alep, aux confins de la province d’Idlib, un des deux chaudrons islamistes subsistant en Syrie.

    De nombreux groupes islamistes se partagent le pouvoir dans cette province d’environ 6000 km2. Une partie d’entre eux est passée sous contrôle turc. Leurs combattants (plusieurs dizaines de milliers) sont armés et payés par la Turquie qui les a regroupés sous le nom de Front National de Libération. Ils sont censés maintenir l’ordre et servent de chair à canon contre les Kurdes, comme à Afrin.

    Front_national_de_libération_(Syrie).jpgLa constitution de ce FNL a été autorisée par la Russie en échange du retrait de ses armes lourdes et de son strict contrôle par l’armée turque. C’est le résultat d’une rencontre bilatérale entre Poutine et Erdogan qui voulait éviter un assaut général sur Idlib.

    Oui, mais allez expliquer cela à HTC, Hayat Tahrir al-Cham (l’ex front al-Nosra). Ses dirigeants se moquent d’accords de ce type et, forts eux-aussi de leurs dizaines de milliers de combattants, campent fièrement sur leurs positions avec chars et artillerie.

    Le FNL a aussitôt démenti être à l’origine du bombardement au chlore sur Alep. Certes, mais c’est vers HTC que tous les regards se tournent à commencer par ceux des Russes.

    Le porte-parole du Ministère russe de la Défense a clairement accusé ce groupe et l’aviation russe a mené des raids intensifs contre ses positions dans la province d’Idlib.

    Au-delà de la nouvelle constatation  du traitement totalement partial de l’information par nos médias, cet évènement aura peut-être des répercussions. En effet depuis deux mois que l’accord entre Poutine et Erdogan a été passé, les Russes ont ordonné aux Syriens de ne pas bouger et de ne rien tenter contre les positions islamistes d’Idlib. Cette situation ne plait évidemment guère au pouvoir syrien qui fait de la reconquête de cette province un objectif majeur.

    Russes et Turcs vont devoir se parler à nouveau et prendre des décisions concernant HTC. Quoi qu’il en soit chacun sait que le statu quo actuel ne durera pas.   ■

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.

  • RÉVOLTE POPULAIRE : mépris de l'Histoire, issue désastreuse

     

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgXavier Raufer est un essayiste, expert en questions de criminalité. Il a publié des ouvrages consacrés à la criminalité, au terrorisme et à l'insécurité urbaine.

    Il participe régulièrement à diverses publications de presse ou émissions télévisées.

    On lira avec intérêt l'entretien qu'il a donné à Atlantico le 4 décembre. A l'avant-veille d'une nouveau samedi de révolte qui pourrait, dans un sens ou dans un autre, être crucial. LFAR 

    Par  Xavier Raufer 

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    Après le marasme de samedi en sommes-nous  vraiment arrivés à un  moment où les  forces de  l'ordre ne peuvent plus contenir un mouvement  insurrectionnel  ?

    Si, elles le peuvent bien-sûr, et ce qui advient depuis  trois samedis est une honte. 

    Pillages et déprédations sont le fait, d'une part des Blacks Blocks et de l'autre, des racailles de banlieue. 

    Voyons tour à tour ce qu'il en est.

    A Paris et alentours (92, 93, 94) opère la Direction  du renseignement de la préfecture de police (DRPP, ex-RGPP), l'outil de  renseignement civil le plus ancien de France - et sur son territoire, le plus affuté. 

    L'auteur est formel : la DRPP connaît un par un les deux ou trois cents pires anars  et Black blocks et peut aisément, sur instruction, les cueillir au nid avant émeute  (dans les beaux quartiers ou divers squats...) pour les isoler quelques heures ; les  codes en vigueur le permettent. 

    En prime, ces milieux anarchistes grouillent d'indicateurs. En Ile-de-France, la PP connaît ainsi en détails les préparatifs d'une émeute. 

    Et l'Europe du renseignement existe : quand trente émeutiers allemands (les plus  aguerris), belges ou italiens, partent pour Paris se joindre à la « fête », un  signalement nominal est fourni. Ces alertes donnent l'immatriculation des  véhicules, des itinéraires, etc. (les « indics », toujours...). Dans ce  cas, un barrage  filtrant règle le problème.

    Ainsi, tout gouvernement français peut, sinon neutraliser une  émeute - du moins,  en  limiter à 90% les  dégâts. Exemple : avant l'élection présidentielle, les Black  blocks voulaient ravager le secteur du Zénith le 17 avril 2017, lors d'une réunion  du Front national. Prévenue (comme  d'usage), la police agit et l'affaire avorte. Or  cela, elle le peut toujours - même en décembre 2018.

    Racailles : voulant pourrir la situation et salir les manifestants, les autorités ont  rouvert le RER - Champs-Elysées le premier samedi de  manifestation des  « Gilets-Jaunes ». C'est alors que les pillages ont commencé. De la banlieue nord,  des bandes ont investi les « beaux-quartiers ». Policiers et gendarmes de terrain  l'affirment tous : c'est en fin de journée que les racailles surgies du RER ont pillé.  Voilà la réalité.

    Le gouvernement ne prendrait-il pas un risque à amalgamer les casseurs et  les gilets pour des  raisons purement politiques, étant donné le pouvoir de  nuisance des ultras et casseurs observé à Paris ?

    Agir ainsi est une folie politique. Le président Macron, son  Premier ministre et leur  cour ont négligé une règle cruciale, s'agissant de la France et du peuple français.  Règle que TOUS les présidents de la Ve République ont sinon  observée  avec  soin : attention aux peuples régicides. Sur les quelques cent vrais Etats-nations au  monde, trois ont tué leur souverain - non attentat ou accident, mais exécution  délibérée : l'Angleterre, Charles Ier, janvier 1649 ; la France, Louis  XVI, janvier  1793 et le Tsar, juillet 1918. Ces peuples-là subissent, courbent l'échine, acceptent  tout - soudain, un jour comme un autre, renversent violemment la table. 

    le Président Macron et sa cour n'ont pas vu la révolte arriver. Ils ont négligé  l'effrayant avertissement de Tocqueville, dans L'ancien régime et la révolution : « Il  est curieux de voir dans quelle sécurité étrange vivaient ceux qui occupaient les  étages supérieurs de l‘édifice social au moment même où la Révolution commençait, de les entendre, discourant entre eux sur les vertus du peuple, sa douceur, son dévouement, ses innocents plaisirs ; quand déjà 93 est sous leurs  pieds : spectacle ridicule et terrible ».

    En définitive, jusqu'à quel point la gestion par le ministère de l'Intérieur de cet événement est-elle à mettre en cause ?

    Chacun sait - d'abord les dirigeants de la police et de la gendarmerie - que M.  Castaner ne connaît rien à la sécurité ni au maintien de l'ordre et que M. Nunez  est le de facto ministre. Cela importe car le général en chef jouit d'un crucial pouvoir  d'impulsion sur toute bataille sérieuse. Mais en l'occurrence, après les trois  samedis terribles vécus par la capitale, tous les doigts accusateurs sont pointés  sur le préfet de police. 

    Manipulations obscures visant à piéger les manifestants, à les égarer et  discréditer ; à faire pourrir la situation, comme déjà dit plus haut.  En privé, les syndicats de  police sont furieux - et inquiets de l'avenir proche. A mesure que les samedis  passent,  ils voient se multiplier les demandes d'arrêt-maladie, dans les forces de  l'ordre du terrain. 

    De l'épuisement, bien- sûr - mais aussi un sourd dégoût, un refus de réprimer  ceux d'en face - qui comme eux, sont aussi de la France d'en bas, partagent leurs  frustrations et colères. Comme déjà souligné, la IVe République s'effondra suite à  une grève de la police. Là encore, l'histoire existe ; la négliger est lourd de  conséquence.     

    Xavier Raufer 
    Docteur en géopolitique et criminologue.
    Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin) 
  • Gilets jaunes : d'accord avec Patrice de Plunkett

    Un billet de Patrice de Plunkett

    Il y a certains sujets importants sur lesquels nous sommes aujourd'hui en parfait désaccord avec Patrice de Plunkett. Nous partageons pourtant tout à fait son analyse de la situation du pays dans l'affaire des Gilets jaunes, ses causes, ses conséquences qui ont tout l'air d'un effondrement du Système sur lui-même. LFAR  

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    Toute violence est déplorable. Mais déplorables aussi sont les causes de la violence !

    L’intervention de casseurs de tout poil, et la « radicalisation » de gilets-jaunes, sont inévitables puisque la vague de manifestations perdure. Et elle perdure parce que la rage des manifestants vient de loin ; que leurs griefs sont multiples ; et que la Macronie leur répète qu’il n’y a rien à négocier. Ce qui équivaut à dire qu’il n’y a pas d’issue… Ce matin à la radio un LRM prend des airs offusqués :  « Les gilets-jaunes sont incapables de négocier ! » Quoi : ces losers refusent de venir à une non-négociation, ils disent qu’on ne les écoute pas ? ils restent fâchés au point de se donner ENCORE rendez-vous à Paris, pour des manifestations donnant fatalement lieu à plus de violences ? Tout ça paraît méprisable aux supporters éclairés de M. Macron : « produits finis » de la « théologie du management » et du dogme « néolibéral »  [*], ces gens considèrent que l’humain digne de ce nom commence au diplômé d’HEC ou de l’Essec ; un peu comme le chancelier Metternich considérait que « homme commence au baron ».

    Mais Metternich avait plus de lucidité que les jeunes arrogants de la Macronie. Il disait :  « Le plus grand don de n'importe quel homme d'État n'est pas de savoir quelles concessions faire, mais de reconnaître quand les faire. »  L’Elysée avait entre les mains le moyen d’une concession apaisante, puisque M. Macron – le 27 novembre – avait évoqué un délai de “trois mois” pour élaborer des méthodes d’accompagnement : il aurait suffi de dire que cela impliquait un moratoire du prix des carburants... Cette manœuvre retardatrice aurait donné aux gilets-jaunes le temps de désigner de vrais délégués et de mettre au point des doléances concrètes... Mais non !  La Macronie ne discute pas ! Mue par la Main Invisible, elle a été placée là pour libérer les winners du vieux boulet de la solidarité avec les losers.  Elle le fait sentir.  Et les Français qui le sentent, se sentent par là méprisés. Et ça a donné le jour de fureur du 1er décembre.

    Pendant que le chaos se déployait dans Paris à la barbe de M. Castaner, je quittais Dijon après des heures passionnantes aux 7èmes « Universités de la famille » (thème de ce colloque 2018 : Famille et écologie). A la gare il y avait les gilets-jaunes, très combatifs. Ils me disent : « Macron fait la politique de ceux qui vont bien en se foutant de ceux qui vont mal ! ».  Au guichet, une dame énervée déblatère contre « ces imbéciles de gilets-jaunes ». Je lui demande :  «pourquoi ‘imbéciles’ ? » – « Parce qu’ils ne comprennent rien à l’économie ! »  – « En êtes-vous sûre ? » –  « Monsieur, je suis dans une société financière et je sais ce que je dis. » Cette dame a dû prendre un plaisir vengeur, ce matin, en lisant la diatribe élyséenne du Journal du dimanche.

    Entre le micro-milieu de ceux qui vont bien et la masse de ceux qui vont mal, ou (pour reprendre la formule de David Goodhart) entre « les individus de n’importe où », mobiles et bankables, et « le peuple de quelque part » lié à un territoire et un mode de vie, il n’y a plus de langage commun. De l’executive woman de la gare de Dijon à M. Castaner annonçant qu’il n’y a rien à négocier, 25 % des Français tournent le dos à tous les autres : voilà l’effet du néolibéralisme sur la personne humaine... Je laisse ce point de méditation à la bourgeoisie catholique de l’Hexagone.  

    Patrice de Plunkett : le blog

  • Café Actualité d'Aix-en-Provence avec Pierre de Meuse, jeudi 6 décembre. A ne pas rater ... C'est ce soir !

     
    Café Le Festival, 1 cours Mirabeau
    18 h 45 : accueil. Entrée libre.
    19 h : conférence et débat animé par Antoine de Crémiers
    20 h 30 : fin de la réunion.
    Participation sous forme de consommation.
    Consommations à commander et régler au bar en arrivant. Merci !
    Inscriptions et renseignements : 06 16 69 74 85

  • Paix, paix, où est la paix ?

    Par Hilaire de Crémiers 

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    Comment le 11 novembre fut détourné de son sens et vers quel but. 

    Ce n’est pas celui qui dit : Seigneur, Seigneur, qui entrera dans le royaume des cieux ; chacun connaît la leçon évangélique.

    Quant à ceux qui disent : paix, paix, les vrais prophètes de l’Ancien Testament préviennent qu’il convient précisément de ne pas se laisser abuser par eux, car c’est là le langage distinctif qui signale les faux prophètes. C’est-à-dire ceux qui veulent se faire aimer des foules égarées, flatter leurs oreilles, endormir leurs cœurs et leurs esprits afin de mieux asseoir leur pouvoir et d’en tirer la gloire personnelle dont ils vivent. Leur paix est si peu la paix véritable qu’à force de tromper et d’émousser la vigilance des bons, elle laisse prospérer les forces du mal jusqu’au moment où elles se déclarent telles qu’elles sont et se mettent à exercer leur ravage. Belle leçon, aussi vieille que l’humanité où la révélation biblique se rencontre avec la sagesse antique. Qui n’a lu Le Maître de la terre de Robert-Hugues Benson ? Son anti-héros est un modèle du genre. Il définit le faux prophète des temps modernes. Il tient le langage de la paix qui réconcilie toute l’humanité au-delà des nations, des religions, des différences de sexe, de race, de milieux sociaux, en assurant à chaque individu son épanouissement et à la collectivité sa prospérité dans la plus large fraternité. Quoi rêver de plus ? La terre devient le paradis. Les morts du passé, sacrifiés aux vieilles chimères des nations et des religions, n’ont finalement et heureusement servi qu’à créer et à rendre indispensable cette société nouvelle où chacun et tous ensemble recevront au-delà de leurs besoins. L’humanité est en attente de l’homme qui saura tenir le langage de cette seule et vraie modernité. Quand il paraît, quel frémissement ! Et lui sait bien quel il est.

    L’utopie à la tête de l’État

    La France n’a pas de chef de l’État : un dirigeant qui veille concrètement sur les intérêts français et qui incarne la France dans son histoire et son avenir. En lieu et place, elle a un prophète, très exactement un faux prophète, qui vaticine à longueur de discours du haut de son autorité.

    La paix est son leitmotiv lancinant. Quelle paix ? Nul ne sait. Celle qu’il décrète ou plutôt qu’il imagine au rebours de la réalité.

    L’homme a réussi à transformer le 11 novembre en une célébration toute à sa gloire personnelle au nom de la paix dont il se fait le héraut. Plus de commémoration militaire ; plus de victoire des armes françaises ; plus de soldats français se battant et mourant pour leur pays, leur foyer, leur clocher, leur terre et leurs morts ; plus de chefs qui ont conçu avec toutes les difficultés du moment la défense et l’attaque ; plus de généraux, plus de maréchaux dont les noms ne figurent même pas dans les discours officiels, mis à l’écart tout simplement, évoqués juste dans de petites phrases idiotes pour répondre aux plus médiocres polémiques à propos du maréchal Pétain qui reste pour l’historiographie militaire l’un des plus sûrs vainqueurs de la Grande Guerre et dont le nom serait, paraît-il, imprononçable…

    Rien pour la réconciliation nationale, rien pour la nation, rien pour la gloire de la France historique. Le devoir de mémoire aurait été rempli par une « itinérance mémorielle », expression choisie sans doute pour éviter le mot vrai de « pèlerinage », et qui relève pour les gens avertis d’un vocabulaire d’initié et de pasteur méthodiste. Cette « itinérance mémorielle » devait manifester l’intérêt porté par le prophète aux lieux de mémoire, mais servait « en même temps » de prétextes à des rencontres avec le peuple français ; les morts prêtaient leur caution aux propos de l’homme politique qui a besoin de se refaire une popularité auprès des électeurs.

    La confusion des genres fut d’un effet pitoyable. L’Angleterre, la Pologne ont su mieux honorer leurs héros. Ils y ont mis la dignité qui convient.

    Rassemblement autour de Macron

    Puis ce fut le discours sous l’Arc de Triomphe, le jour du 11 novembre où quelques soixante-dix chefs d’État et de gouvernement se trouvèrent rassemblés. Pour écouter quoi ? Une homélie au style emphatique d’un clerc de la religion pacifiste qui voile de patriotisme son utopie prétendument humaniste. Du Hugo et du mauvais, du sous-Briand, du piètre Sangnier : un enfilement de mots qui, prononcés sentencieusement, font le succès des sophistes et des rhéteurs… pour le malheur des peuples. L’évocation des morts, avec ce qu’il faut de trémolos, dissimulait dans une harangue amphigourique une série de pensées qui allaient toutes à la critique de ce qui fut l’histoire vraie et à l’exaltation d’un vague idéal de fraternité mondiale. C’était un « suicide », une « folie », des « fosses communes », de la « rancœur », de « l’humiliation », du « nationalisme » qui est « la trahison du patriotisme ». Mais, heureusement, grâce à Clemenceau, la France est devenue « la combattante du droit », « la combattante de la Liberté » ; « La France serait toujours et à jamais le soldat de l’idéal. »

    La leçon pour aujourd’hui ? C’est simple : renonçons au repli, au nationalisme, ouvrons large les esprits et les cœurs au grand idéal que propose hic et nunc…qui ? Eh bien, Macron !

    Il faut « se délivrer de nos guerres civiles », lutter contre le réchauffement climatique, l’obscurantisme, les injustices et les inégalités… Tout y est. Il y a, d’un côté, les bons qui sont « invités à mener ensemble le seul combat qui vaille : le combat de la paix, le combat d’un monde meilleur ».

    Merkel avait l’air grave, Trump s’ennuyait, Poutine souriait. Tout le monde comprenait que Macron préparait sa prochaine campagne électorale européenne.

    Le soir, il remit ça à son Forum de Paris sur la paix dont il dit qu’il « a vocation à se reproduire chaque année et à rassembler les chefs d’État et de gouvernement – et je veux remercier toutes celles et ceux – ça, c’est dans la grammaire à la Macron ! – qui sont ici présents et qui se sont mobilisés (!) – mais également les représentants des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, des pouvoirs locaux, des associations, des entreprises, des fondations, des intellectuels, des journalistes, des activistes, comme vous l’avez dit, chère Trisha, toutes celles et ceux (encore !) qui font aujourd’hui le monde et qui peuvent le changer ». Avez-vous remarqué ? Il n’y a plus de peuples ni de nations. Surtout il n’y a plus de France. Macron l’enterre le 11 novembre. Et si bien qu’il décide de faire inaugurer son Forum de Paris sur la paix par Angela Merkel à qui il donne en premier la parole. Évidemment Trump était absent !

    Comment finit le rêve ?

    Deux communiqués conçus par l’Élysée sanctionnaient ces belles visées d’avenir. Ils sont écrits, comme souvent, en patagon. Le premier fait intervenir le Président français et la Chancelière allemande dans les élections – « soi-disant » élections, dit le communiqué en son galimatias – qui se déroulent dans les régions de Donetsk et de Louhansk en Ukraine. Le second réunit tout le gratin de la gouvernance internationale pour souligner que le progrès et la paix « ne sont durables » qu’au moyen « d’approches multilatérales ».

    Macron poursuit ainsi sa stratégie personnelle avec laquelle il pense mettre en défaut tous ceux qui ne s’y rangeraient pas. Voici le but :

    « Nous partageons une volonté fondamentale d’investir dans les citoyens du monde et de répondre à leurs besoins et à leurs attentes, ainsi que de relever les défis mondiaux. Nous sommes déterminés à travailler ensemble pour construire un avenir sain, prospère, durable et juste pour chacun. »

    Que voulez-vous répondre au Maitre de la terre ? Ne doutez pas qu’il va poursuivre sur sa lancée. Peu lui chaut le souci des Français, leur épuisement, leur exaspération. Il tient à son idée fixe. Il est sûr de sa stratégie. Il s’est identifié à son utopie, il lutte pour elle, en fait pour lui. Il ignore que le briandisme fut la cause directe de 1940. Il n’envisage pas que ses discours et ses vues puissent mener la France à un désastre. Son monde se délite, sa chère Allemagne même s’en retire. Il continue… Jusqu’où ?    

    Hilaire de Crémiers

  • Réveil de l'Espagne !

     Par Javier Portella

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgCe sont des circonstances et des raisons d'espérer en une réaction de sa patrie que Javier Portella expose ici alors que depuis si longtemps et encore récemment l'Espagne s'est continûment satisfaite des illusions européistes et de l'idéologie immigrationniste la plus naïve et la plus affirmée. Mais ce sont aussi des raisons d'espérer pour la nôtre et pour toute l'Europe pour qui une réaction espagnole à l'européisme bruxellois et à la vague d'immigration massive serait de la plus haute importance. Le vent tourne sur ces sujets en différents pays européens. L'Espagne finira-t-elle par les rejoindre ? Voilà qui importerait et qui ne nous est pas indifférent ! Javier Portella nous éclaire ici une fois de plus - comme lors de la crise catalane - sur les événements d'Espagne, de sa compétence, de sa connaissance des dossiers et du terrain. [Boulevard Voltaire, 4.12]  LFAR

     

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    Marine Le Pen a été la première à réagir. Lors des élections régionales en Andalousie, dimanche dernier, un seul sondage venait juste d’être publié que la dirigeante du RN envoyait déjà ses félicitations les plus chaleureuses à Santiago Abascal, le président de Vox, le jeune parti identitaire espagnol qui a remporté le succès le plus éclatant et inattendu, par son ampleur, de ces quarante dernières années.

    Tout le monde a, en Espagne, le sentiment d’avoir vécu une journée historique – que ce soit pour s’en réjouir ou pour en pleurer. Ce n’est pas tous les jours, en effet, qu’un parti – persécuté, vilipendé, insulté par l’ensemble de la bien-pensance – passe, tout d’un coup, de rien à 400.000 votants et de 0 à 12 députés. Lorsque Podemos, à partir de rien, lui aussi, mais comptant avec la bienveillance et l’accueil des médias du Système, est entré, il y a un peu plus de quatre ans, au Parlement européen, il n’a obtenu que cinq députés. Et cela a été jugé, à juste titre, comme un succès inouï.

    Le succès de Vox est d’autant plus extraordinaire que les moyens financiers dont il a disposé pour sa campagne ont été tout simplement dérisoires par rapport à ceux des partis du Système. Ceux-ci n’en croient pas leurs yeux, même si les deux partis libéraux de droite (Partido Popular et Ciudadanos) se réjouissent de la déroute des socialistes du PSOE et des communistes de Podemos, dont une partie des votants a penché, comme partout en Europe, pour la droite populiste.

    Après 40 ans de mainmise socialiste sur l’Andalousie, ce qui a engendré un régime clientéliste dont la corruption a atteint des dimensions ahurissantes, ce sera la droite libérale qui sera aux commandes de la région. Pour y accéder, il lui faudra les 12 voix de Vox, sauf si les socialistes, afin d’établir un cordon sanitaire autour d’un si méchant loup, préfèrent s’abstenir ou même voter pour un gouvernement présidé par Ciudadanos.

    Une telle possibilité permettrait que Vox ne se voie nullement compromis avec le nouveau gouvernement, ce qui pourrait avoir, pour lui, un avantage considérable. Une fois les socialistes délogés de Séville (et de Madrid, bientôt), ce sont, en effet, les autres partis du Système qui deviennent les adversaires à abattre dans ce qui apparaît comme le début de la résurgence – une véritable nouvelle Reconquista – de l’Espagne. Une Espagne qui, étant devenue le seul pays européen dépourvu d’une force populiste, identitaire et opposée au Grand Remplacement, semblait, jusqu’à il y a quelques mois, moribonde, voire morte, dans son élan national (le drapeau était presque interdit ; le mot patrie, imprononçable ; les attaques des sécessionnistes, privées de réponse…).

    Comment expliquer un si profond, un si soudain changement ?

    « L’imprévu dans l’Histoire » dont parlait Dominique Venner a certainement joué, encore une fois, tout son rôle. Mais ce rôle est toujours aidé par des facteurs objectifs. Le coup d’État perpétré l’année dernière par ceux qui tiennent les Espagnols pour « une race inférieure, avilie » (ce sont des mots écrits noir sur blanc par l’actuel président de la Generalitat catalane), le fait de voir la patrie au bord du gouffre et du déchirement : c’est là, sans doute, le fait majeur qui a contribué au réveil de l’Espagne qui a, pendant ces quarante dernières années, été plongée dans la léthargie. ■  

    Écrivain et journaliste espagnol

  • Nous disons avec Mathieu Bock-Côté: « Non au pacte mondial sur les migrations »

    Par Mathieu Bock-Côté 

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     « La crise migratoire frappe toutes les sociétés occidentales et même la propagande la plus sophistiquée ne convaincra pas les peuples qu'elle porte en elle un avenir radieux ». C'est ce qu'écrit ici Mathieu Bock-Côté [Le Figaro, 30.11] au moment où Emmanuel Macron s'apprête à signer à Marrakech le pacte mondial sur les migrations de l'ONU. Quand la contestation et la colère grondent en France et que Paris vit une forme d'insurrection permanente contre sa politique, ce n'est sûrement pas ainsi que le président de la République se conciliera l'estime du peuple français.  LFAR

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    Il aura fallu un certain temps avant que le pacte mondial sur les migrations de l'ONU, qui doit être adopté à Marrakech les 10 et 11 décembre, trouve sa place dans le débat public.

    Sans trop de surprise, pourrait-on dire. Le droit international s'élabore rarement, pour ne pas dire jamais, dans les paramètres de la souveraineté populaire et nationale, mais il s'impose ensuite aux peuples, qu'on morigène sans gêne lorsqu'ils rechignent à se soumettre aux « engagements internationaux » pris en leur nom. On leur explique qu'ils ne sauraient s'y soustraire, d'autant que les grandes migrations seraient fondamentalement positives et contribueraient à l'enrichissement matériel et moral de l'humanité, ce qu'affirme aussi sans rire le pacte. Il ne serait plus possible, aujourd'hui, de stopper les grandes migrations, ni même de les contenir : on pourrait au mieux les encadrer. C'est dans cet univers mental qu'il faudrait impérativement évoluer.

    ob_6a91e9_pacte-mondial-immigration-non.jpgConcrètement, avec ce pacte, il s'agit de jeter les bases normatives d'un futur droit à la migration. Il s'agit aussi, et cela n'est pas un détail, d'encadrer le plus possible les termes du débat public en le soumettant à une pédagogie diversitaire de plus en plus contraignante. Le pacte sur les migrations invite ainsi les gouvernements à cesser d'« allouer des fonds publics ou d'apporter un soutien matériel aux médias qui propagent systématiquement l'intolérance, la xénophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants, dans le plein respect de la liberté de la presse ». Quand on sait que, du point de vue des théoriciens du multiculturalisme, il suffit souvent de critiquer leur doctrine pour se rendre coupable de racisme ou de xénophobie, il y a de quoi s'inquiéter. L'ONU plaide ici pour un langage médiatique formaté par l'idéologie diversitaire - par exemple en remplaçant la figure de l'immigrant illégal par celle du migrant irrégulier.

    Pourtant, le parti immigrationniste avance sans assumer son projet, en prétendant que ce texte est strictement symbolique et n'a aucune portée pratique. Pris de panique devant les critiques qui se multiplient contre le pacte, ses défenseurs nous expliquent que chacun pourra l'interpréter à sa guise dans le plein respect de sa souveraineté. C'est ce que faisait la Canadienne Louise Arbour jeudi dans les pages du Figaro. D'ailleurs, certains exégètes autoproclamés du vrai et du faux présentent l'éventualité d'une perte de souveraineté comme une rumeur relevant des fausses nouvelles. C'est à se demander pourquoi la nomenklatura diversitaire se mobilise autant pour un texte aussi désincarné. Dans les faits, elle travaille sans l'avouer à vider de sa substance la souveraineté nationale, pour ensuite placer les peuples devant le fait accompli.

    Mieux vaudrait parler un langage de vérité. La crise migratoire frappe toutes les sociétés occidentales et même la propagande la plus sophistiquée ne convaincra pas les peuples qu'elle porte en elle un avenir radieux. La caravane de migrants qui s'est levée au Honduras, a traversé le Mexique et campe actuellement à la frontière américaine donne un exemple convaincant des effets anxiogènes d'une immigration de masse non désirée. Il suffirait que l'Amérique consente à l'ouverture même partielle de ses frontières dans les circonstances présentes pour provoquer un appel d'air qui deviendra vite incontrôlable, d'autant que nous sommes témoins d'un détournement à grande échelle du droit d'asile, qui n'a pas été pensé pour réguler de tels flux migratoires. Dans les faits, le droit d'asile a surtout pour fonction de disqualifier moralement le concept de frontière, comme si celui-ci avait seulement vocation à s'effacer - il serait même inhumain de penser le contraire. À terme, il faudrait vider de tout contenu la différence entre le citoyen et celui qui ne l'est pas pour que naisse une humanité nouvelle.

    Les migrations de masse sont en train d'atteindre des proportions telles qu'elles relèveront de la submersion démographique, quoi qu'en disent certains statisticiens militants qui jouent avec les mots et les chiffres pour nous convaincre que cette grande révolution qui se déroule sous nos yeux n'a pas lieu. C'est un thème récurrent de la pensée progressiste du dernier siècle: le réel serait une machination réactionnaire. Mais les États sont en droit de vouloir reprendre un contrôle politique sur le fait migratoire. De ce point de vue, on ne peut qu'applaudir les gouvernements occidentaux qui, depuis quelques semaines, annoncent qu'ils ne signeront pas ce traité. Ils montrent ainsi que le « sens de l'histoire » n'est qu'une illusion idéologique dont peuvent se déprendre ceux qui désirent orienter autrement leur destin. Et, pour le dire franchement, Emmanuel Macron ne devrait pas être un des rares à se sentir obligé de signer ce pacte. C'est en se délivrant des filets d'un « droit international » instrumentalisé idéologiquement que les nations retrouvent la substance de la démocratie.   

    Mathieu Bock-Côté 

    Le-nouveau-regime.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politiqueaux éditions du Cerf [2016] et le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017). 
  • Saccage de l’Arc de Triomphe : et si on osait dire la vérité ?

     

    Par Gabrielle Cluzel 

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    Il est de bon ton – allumez votre poste sur France Info, vous comprendrez – d’imputer les violences et la casse de samedi « à l’utra-droite, à l’ultra-gauche et à des gilets jaunes radicalisés ». Tout le monde est renvoyé dos à dos, un partout, la balle au centre, c’est bien pratique.

    Sauf qu’il y a les faits.

    François de Sales est le patron des journalistes, mais un autre saint bien connu pour son scepticisme et ses pieds sur terre pourrait aussi faire l’affaire. Saint Thomas : « Je crois ce que je vois. »

    Et qu’ai-je vu, samedi, sur les Champs-Élysées ? Un mélange hétéroclite de paysans de l’Aveyron ou d’employés bretons – sans doute capables, poussés à bout, de violentes colères comme souvent les taiseux – et de casseurs professionnels suréquipés, arborant (au choix ou en même temps) dreadlocks, capuches noires rabattues ou gilet jaune frappé du « A » anarchiste. Donc, soit Bob Marley est devenu tendance à « l’utra-droite », soit il n’y avait, là où je me trouvais, que des groupuscules de l’autre bout de l’échiquier. Peut-être, après tout, l’ultra-droite s’était-elle donné rendez-vous ailleurs ? Admettons.

    Mais il y a l’Arc de Triomphe.

    À l’Arc de Triomphe aussi, nous explique-t-on très sérieusement, il faut incriminer TOUS les ultras. Eu égard à leur antimilitarisme viscéral, on penserait plutôt à la gauche ? Non, on aurait trouvé des preuves de coresponsabilité : ces ennemis jurés, qui ne peuvent se croiser à une vente Fred Perry sans qu’il advienne un drame, auraient tagué tranquillement de concert, côte à côte : sur l’Arc de Triomphe, on a trouvé le « A » de « anarchie » entouré d’un cercle, « nik l’État », « classe contre classe », « pas de guerre entre les peuples et pas de paix entre les classes », « gilets jaunes antifas », « vive les enfants de Cayenne » ou encore « justice pour Adama », toutes luttes dont on connaît la coloration politique.

    Selon le site du Point, pourtant, « l’ultra-droite est parvenue à signaler sa présence sur le monument : « L’Ultra-droite perdra Manu », ont relevé les policiers »* (sic). Très forts, les policiers. Mais peut-être un peu daltoniens ? À moins que ce ne soit au journaliste du Point qu’il faille offrir des lunettes pour Noël ? Car la photo de l’Arc de Triomphe tagué parle d’elle-même : il est écrit, en haut, « L’ultra-droite Perdra » – encre noire et écriture scripte – puis, en bas, « MANU MA TUER », en encre rouge et en majuscules, ce qui laisse supposer à tout observateur, même frais émoulu du cours préparatoire, qu’il s’agit de deux tags différents, bien sûr, et non de la même phrase. Si l’on s’en tient à la thèse du Point, pourtant, notre tagueur d’ultra-droite se serait interrompu au milieu de sa phrase pour changer de couleur et de style d’écriture, et aurait ensuite écrit un « MA TUER » sans queue ni tête, puisqu’il n’y a plus de sujet, « MANU » fonctionnant avec la phrase du haut…

    Mais, me direz-vous, pourquoi ratiociner sur ce sujet ?

    Parce que la mise à sac de l’Arc de Triomphe est une action hautement symbolique qui a profondément indigné et sur laquelle il importe de ne pas raconter n’importe quoi.

    Parce qu’incriminer tout le monde, c’est n’incriminer personne. Surtout pas ces groupuscules d’extrême-gauche au modus operandi bien huilé, on les avait vus à l’œuvre dans les universités, à l’endroit desquels les gouvernements successifs, de gauche par sympathie, de droite par trouillopathie – pathologie autrement nommée syndrome Malik Oussekine – ont fait preuve d’une incommensurable indulgence, et qui aujourd’hui infiltrent et radicalisent les gilets jaunes.

    Enfin parce que quiconque a couvert ces manifs le sait : les journalistes accusés de décrire non pas ce qu’il voient mais ce qu’ils aimeraient voir sont, pour les gilets jaunes, une profession démonétisée. Leur faire retrouver crédit passe par une implacable quête de vérité.

    C’est bien l’ultra-gauche qui a mis à sac, sinon la totalité du quartier, au moins l’Arc de Triomphe. Et elle l’a signé.  

    Ecrivain, journaliste
    Son blog
  • Un pont trop loin

     

    par Louis-Joseph Delanglade
     

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    L’arraisonnement musclé de trois navires de guerre ukrainiens dans le détroit de Kertch, dimanche 25 novembre, a immédiatement suscité l’ire des médias et politiciens « occidentaux ».

    915bf4d87237d27ecff2449dd013119fbe1dea1c.jpgM. Poutine, forcément dans le mauvais rôle, est accusé d’avoir « annexé » la Crimée en 2014, puis construit un pont de 18 km entre Taman et Kertch, pont qui a pour effet visible de clore la mer d’Azov et de faire de celle-ci une sorte de mer intérieure aux côtes contrôlées aux trois-quarts par la Russie. Remarquons d’abord que personne ne s’émeut des ponts turcs qui enjambent déjà le Bosphore ou de celui qui sera ouvert en 2023 dans les Dardanelles - mais il est vrai que la Turquie est dans l’Otan, du bon côté donc. Rappelons surtout que la Russie n’a pas occupé et annexé unilatéralement un territoire étranger : c’est bien la majorité des Criméens (les deux tiers) et de leurs représentants qui ont initialement fait sécession d’une Ukraine à laquelle un décret soviétique de 1954 avait rattaché leur péninsule, la séparant ainsi arbitrairement de la mère patrie russe. 

    XVM2088b270-f199-11e8-aaaa-72154de5404a.jpgExiste une seconde interprétation, qu’il est difficile, même pour les moins objectifs, de passer sous silence. Il s’agirait en fait d’une énième provocation de Kiev, après de nombreux incidents maritimes. Les autorités ukrainiennes incitant même à dynamiter le fameux « pont de Crimée », on peut comprendre que les garde-côtes russes se soient montrés intraitables : on peut passer mais à certaines conditions, la première étant de ne pas pénétrer sans autorisation dans les eaux territoriales russes. Cette interprétation est d’autant plus plausible que le président ukrainien, M. Porochenko, donné archi-battu à l'élection présidentielle de mars prochain, peut voir dans l’incident l’occasion d’endosser la tenue toujours valorisante de chef militaire. C’est sans doute pourquoi il dramatise la situation, prédisant une « invasion terrestre », voire une « guerre totale » et  faisant en conséquence instaurer la loi martiale pour trente jours dans les zones frontalières.  

    M. Porochenko est un oligarque multi-milliardaire qui bénéficie d’un régime de faveur dans les médias occidentaux. Est avérée dans la gestion des événements successifs qui ont agité l’Ukraine depuis le début du siècle sa proximité avec M. Soros, ce financier apatride et ultra-mondialiste qui ne déteste rien tant que tout ce qui pourrait rappeler notre bonne vieille Europe. Dans les faits, l’Ukraine n’a bien évidemment pas les moyens d’une guerre totale avec la Russie. Excellent prétexte pour en appeler à l’Otan. Après tout, la stratégie de cette organisation, aux ordres des Etats-Unis qui la financent pour l’essentiel, est toujours la même : hostilité à Moscou, alors que l’Union Soviétique n’existe plus. D’où cet étau qui, des pays baltes à la Turquie enserrerait la Russie, n’étaient Biélorussie, Moldavie et Ukraine, lesquelles forment un glacis protecteur. Cet étau est le résultat de l’adhésion à l’Otan de la quasi totalité des pays de l’ex-« Europe de l’Est », et ce en dépit des promesses de MM. Busch (père) et Clinton au bien naïf M. Eltsine. 

    Dans un entretien accordé au quotidien allemand Bild-Zeitung, M. Porochenko demande donc l’intervention de l’Otan en général, de l’Allemagne en particulier, pour faire face à la Russie en mer d’Azov. France et Allemagne ont jusqu’à présent cherché à apaiser les choses, appelant les parties à la modération. M. Trump a lui aussi fait un geste : par solidarité avec l’Ukraine, il a d’abord annoncé qu’il renonçait à discuter avec M. Poutine lors du G20 de Buenos Aires, pour finalement le rencontrer mais « brièvement » (Reuters). Une intervention militaire « occidentale » paraît donc pour l’instant peu probable. De toute façon, M. Le Drian, faute de diriger une politique étrangère cohérente et indépendante, ne pourra que suivre le mouvement, par exemple sur de nouvelles sanctions contre la Russie - même si celles de 2014 ont eu pour effet une baisse d’un tiers des parts de marché françaises en Russie, à comparer avec une petite augmentation des parts de l’Allemagne… 

    guide-kiev.jpgOn sait que le récit national russe fait de Kiev (photo) le berceau historique de la Russie. M. Poutine, d’abord préoccupé par la sécurité de son pays, considère que l’Ukraine ne peut pas être alliée d’une organisation militaire dirigée contre la Russie. Il n’a nullement besoin de jouer les matamores pour être pris au sérieux. Comme le déplore manifestement M. Haski, le chroniqueur de France Inter (géopolitique, 8h17), l’armée russe est « une armée en état de marche »  et la Russie « une puissance majeure qui sait se faire respecter » - ce qui est, convenons-en, plutôt rassurant pour les Russes. L’avenir dira si M. Porochenko a eu tort de penser qu’il pouvait aller trop loin, un pont trop loin en quelque sorte, en envoyant ses navires titiller les garde-côtes russes.