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République ou Royauté ? - Page 45

  • Contre le règne des partis, quelles institutions ?

    Les Etats-Généraux tels qu'ils se sont ouverts en 1789
     
    Par Jean-Philippe Chauvin
     

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    Les partis politiques sont épuisés, si l'on en croit le nombre d'adhérents à jour de leur cotisation, et l'opposition, sous ses diverses étiquettes, ne semble pas mieux se porter que le mouvement du président actuel : la seule évocation du cas du parti des Républicains, qui est censé regrouper les restes des formations qui se réclamaient du gaullisme et de la droite conservatrice ou libérale, est éloquent, comme le démontre un article paru dans le quotidien L'Opinion ce lundi 24 septembre 2018, sous le titre « A Paris, à peine 6 % des adhérents LR ont moins de 30 ans » : sur 6.099 adhérents parisiens (pour une métropole de plus de 2 millions d'habitants...), certains arrondissements comptent moins d'une dizaine de membres anté-trentenaires ! Et pourtant, ce parti est considéré comme le parti modéré le plus représentatif de la Droite et celui qui peut être appelé à diriger à nouveau le pays dans quelques temps. Mais que dire, aussi, du Parti Socialiste, encore au pouvoir il y a deux ans, ou des autres partis dits de gouvernement ? Quant aux partis contestataires, leurs effectifs ont fortement diminué depuis leurs échecs respectifs de l'année 2017, année durant laquelle le « dégagisme » a porté M. Macron à la présidence de la République, sans troupes véritables mais avec des ambitions certaines. 

    Et pourtant ! La démocratie représentative contemporaine accorde aux partis une place prépondérante, au point que l'on peut supposer que, dans ce système, la démocratie est bel et bien, et uniquement, le règne des partis et de leurs servants, mais aussi de leurs financiers et commanditaires. Cela peut pourtant sembler exagéré et illogique au regard de la faible adhésion à ces partis et de la vacuité de leurs programmes, réécrits à la veille de chaque élection, au gré d'une adaptation permanente qui apparaît plus comme une nécessité électorale que comme un engagement vraiment politique... Il y a de quoi être perplexe devant les réunions d'avant-campagne durant lesquelles il est fait appel aux propositions des militants, celles-ci étant, en définitive, supplantées par des textes rédigés par des comités d'experts ou des technocrates, voire par des communicants pour lesquels la forme importe plus que le fond : en fait, il s'agit de conquérir le pouvoir, parfois sans idée précise de son exercice, ce que signalait, en son temps, François Mitterrand dont le livre fameux (et terriblement bien écrit tout autant qu'injuste pour le fondateur de la Cinquième République...) « Le coup d’État permanent » trouvera sa meilleure illustration durant le double septennat (1981-1995) de l'ancien lecteur de L'Action Française et rédacteur du bulletin royaliste L'Action angoumoise des années 30...

    incident1-1.jpgLe ras-le-bol français s'exprime souvent par une forme, plus verbale qu'active, d'antiparlementarisme et d'antipartisanisme qui, pour être compréhensible, n'en est pas moins proprement inefficace, et cela depuis fort longtemps, ne trouvant pas de débouché politique et confinant à une forme de désespérance qui, en définitive, permet au système d'éternellement perdurer sans trop d'inquiétude... L'abstention, que certains revendiquent comme une forme d'action politique de désaveu du système politicien, si elle peut être parfois fort sympathique et légitime, reste désespérément sans effet sur les politiques menées et les institutions : elle est juste révélatrice du malaise, et elle est évoquée en début de soirée électorale pour être totalement oubliée la minute d'après... Constatons qu'elle représente presque 60 % aux élections européennes sans que cela n'empêche ni la légitimation des élections ni les déclarations de victoire des partis, ni les élus de se déclarer les seuls représentants de la Vox populi, ceux ne votant pas (ou plus) étant renvoyés à leur « absence » et au silence. 

    La tradition royaliste ne refuse pas les partis, mais elle s'inquiète du règne de ceux-ci sur l’État, règne consubstantiel à la démocratie représentative : c'est une des raisons fortes de la nécessité royale pour la magistrature suprême de l’État, ainsi libérée des jeux de partis et des alliances politiciennes par la transmission héréditaire, la naissance ne s'achetant pas et le nouveau-né ne se choisissant pas plus que le jour de la mort de son prédécesseur n'est connu, a priori, de celui-ci et des autres... Cette « incertitude temporelle » qui est bien encadrée par des lois fondamentales de succession tout en restant profondément liée à la nature de l'homme elle-même, est sans doute une manière simple, la plus naturelle qui soit, de ne rien devoir aux partis et d'être le recours à ceux-ci lorsque la situation leur échappe et que le pays est menacé. 

    1654052_731908013552215_8115551183139222608_n.jpgAinsi, au regard de l'histoire tragique de la France au XXe siècle, s'il y a bien eu un de Gaulle en juin 1940 pour dépasser la défaite, il a manqué un roi en novembre 1918 pour gagner cette paix qui aurait permis d'éviter les malheurs du printemps 1940, malheurs dont les partis se sont vite exonérés en refilant le pouvoir défait à un vieux maréchal qu'ils étaient allés chercher dans son ambassade de Madrid... 

    Bien sûr, la Monarchie n'est pas un « sceptre magique », mais elle autorise à penser à une forme de démocratie qui ne doive pas tout aux partis, et qui n'en soit pas la prisonnière et, parfois, la victime expiatoire.  ■  

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Éric Zemmour : « Je suis nostalgique et réactionnaire »

     

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgZemour a publié le 12 septembre un nouveau livre événement. Après plusieurs autres dont le retentissement a été immense. Ce sont les livres encore et toujours  qui font le mouvement des idées et à terme c'est le mouvement des idées qui produit les évolutions politiques majeures. La lecture reste une condition essentielle de la compétence politique !   

    On n'est pas nécessairement d'accord en tout et pour tout avec Éric Zemmour. La proximité de sa pensée avec celle de l'Action française, c'est à dire avec la nôtre, est néanmoins évidente. L'entretien ici - sur RTL, le 10.09 - est court. Le courage intellectuel et le patriotisme d'Éric Zemmour ne sont guère contestables. On ne peut que les saluer et en faire notre profit.  ■  LFAR  

     

    10'20'' 

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  • A propos de cette profession de foi ...

     

    1029710533.JPGNous ne voulons pas manquer de signaler que la déclaration de Choderlos de Laclos que l'on peut lire plus haut a été mise en lumière et commentée par Patrick Barrau* lors d'une intervention au Café actualités d'Aix-en-Provence le 2 décembre 2014, « A propos des Valeurs républicaines », publiée ensuite dans la Nouvelle Revue Universelle

    Patrick Barrau, dans cette conférenceavait apporté les précisions préalables suivantes qui éclairent la profession de foi de Choderlos de Laclos - texte effectivement important, dont le contexte et les circonstances sont ainsi utilement indiquées :

    « Il est bon de rappeler un fait essentiel : après Varennes et le retour du roi fugitif, les Jacobins, et notamment les plus importants d'entre eux, défendent énergiquement le principe de la monarchie. Quand il parle en faveur d'un gouvernement républicain, Billaud-Varenne est hué. Choderlos de Laclos prend alors la parole et dénonce les dangers d'un régime d’anarchie. Parlant des « républicains », il aura, le 1er juillet 1791, ce mot d'une étonnante lucidité : « Je leur demanderai si nous n’aurons pas des empereurs nommés par des soldats. » 

    Mais sa véritable profession de foi – qui rejoint alors les convictions de Robespierre, Danton, Marat, etc. – date du 11 juillet 1791. Le Journal des Amis de la Constitution, organe officiel des Jacobins, la publiera dès le lendemain, dans son n° 33.  

    * Historien du Droit, ancien directeur de l’institut régional du travail.

  • Un météore dans le ciel politique français ?

     

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    Emmanuel Macron ne sera-t-il qu'un météore inattendu, très vite apparu et très vite disparu dans le ciel politique français ?

    La question est récurrente ces jours-ci à l'heure des mauvais sondages, des doutes et des départs plus ou moins fracassants, en tout cas indignes, parmi les plus proches du chef de l'État ; à l'heure des « affaires », qu'elles aient eu ou non l'importance que l'agitation des médias, des partis et des assemblées leur a conférée ; à l'heure des impasses - surtout l'obstination européiste qui ne conduit nulle part parce que personne ne veut vraiment du fédéralisme de Macron en 42854247_1714857268624358_8101024579067052032_n.jpgEurope ;  enfin, à l'heure de la rupture avec les Français sur quelques sujets qui touchent à leur être profond : l'immigration, le multiculturalisme, la repentance, le dénigrement de ce qui est français, les fréquentations douteuses, les photos inacceptables en fort mauvaise compagnie ; sans compter le chômage et la pauvreté ; en bref, à l'heure des déceptions qui font qu'entre Emmanuel Macron et les Français, en tout cas la plus grande partie d'entre eux, le courant ne passe pas ou plus.  

    On a fait quelque crédit au départ à cet homme jeune, brillant et audacieux, comme les Français les ont toujours aimés. Qui 54627661.jpgrecevait Poutine à Versailles et Trump sur les Champs-Elysées pour admirer et applaudir l'armée française. Qui fêtait ses quarante ans à Chambord... Dans l'ombre du roi-chevalier. Un vrai roi, celui-là, pas une apparence ... 

    Ce capital crédit - en attente de voir - consenti au jeune Macron d'il y a un an est donc largement entamé. Mais est-ce qu'il se trouve quelqu'un en position de le recueillir ? Les Français qui, sans savoir du tout qui il était, ont applaudi il y a un an au « dégagisme » opéré par Emmanuel Macron, comme un de ces coups d’Etat légaux dont notre République est coutumière, verraient-ils d'un bon œil le retour des politiques exécrés, évincés hier ? C'est plus que douteux. Les Français ne sont pas si sots. Une majorité considère que ces politiciens faillis ne feraient pas mieux qu'Emmanuel Macron. Ont-ils tort ? Reporteraient-ils alors leur attachement, leurs espoirs et même une certaine adhésion sur les partis dits populistes, en nombre suffisant pour les porter au pouvoir ? Cela aussi, pour l'heure, nous paraît douteux. 

    Alors quid ? Nous nous sommes de fait habitués à être gouvernés par des hommes qui sont en place par défaut. Sans réel consentement, sans adhésion, sans lien affectif quelconque. Nous sommes devenus une drôle de démocratie, si tant est que nous n’en ayons jamais été une. 

    En fait, avec Macron, les Français ont peu ou prou cru ou espéré en une sorte de changement de régime. En tout cas en un « autre chose », fût-il mal défini. Macron s’est gardé de les détromper. Au contraire. 

    Au bout d'un peu plus d'un an, ils constatent que presque rien n'a changé. Ils se disent comme jadis : « Non vraiment c'était pas la peine, non pas la peine assurément de changer de gouvernement ». Et ils retombent dans leur scepticisme, leur indifférence, leur morosité ou, s'ils sont lucides, leur inquiétude et leur colère. Les esprits simplistes se réjouiront ou se lamenteront, selon leur camp, qu'Emmanuel Macron « dévisse » comme il est dit dans les médias. C'est ne pas voir plus loin que le bout de son nez ... Le problème politique français passe largement le cas Macron, X ou Y. 

    laic.jpgLa question du régime n'a jamais cessé de se poser à la France depuis la Révolution, comme en témoignent les dix-huit régimes qu’elle a connus, dont cinq républiques. Cela, Emmanuel Macron lui-même l'a compris. Il l'a dit en termes explicites, inattendus et spectaculaires. Les premiers mois de son quinquennat ne sont, en creux, que l'illustration de ce manque de roi qu'il a en même temps diagnostiqué et tenté de combler dans la forme sinon dans le fond tant il est vain de chercher à concilier un principe et son contraire. Et, l'autre jour, Zemmour avouait considérer que le message républicain est désormais désuet. Macron est la preuve qu'un régime désuet peut s'inventer un renouvellement pour, quoique épuisé, durer encore un peu. Il semble bien que ce ne peut être pour très longtemps, ni pour de bien grandes choses ... Il finit d’ailleurs par arriver un jour ou même les petites deviennent difficiles.   

    Retrouvez l'ensemble des chroniques En deux mots (99 à ce jour) en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Sommes-nous dans les années trente ?

    Edouard Daladier et André François-Poncet, ambassadeur à Berlin (années trente)
     
    Par Jean-Philippe Chauvin
     

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    Les vives polémiques sur les propos et les attitudes de l'actuel président, conjuguées avec les débats non moins vifs sur ce que l'on a le droit ou pas de dire, et qui a le droit, ou non, de s'exprimer, sont la manifestation de cette « dissociété » qui a pris l'avantage sur la communauté nationale (que certains voudraient résumer à un « vivre-ensemble » qui n'existe pas, ou plus) et sur l'agora intellectuelle que d'autres nommaient jadis « la république des lettres ».

    L'hystérisation contemporaine, qui se répand plus vite que du temps de l'imprimé grâce aux réseaux sociaux numériques, est parfois désespérante et elle nuit à la véritable discussion qui nécessite du temps et de la réflexion, ainsi qu'elle autorise la possibilité de se tromper ou d'être convaincu par d'autres arguments que les siens propres. Aujourd'hui, les délateurs, jadis félicités sur les assignats républicains des années 1790, sont les maîtres de jeux de plus en plus sombres et violents. 

    une-plaque-de-nom-de-rue-en-francais-pour-rue-de-la-republique-byb67h.jpgQuand, dans la lignée des inquiétudes « de gauche » médiatisées, quelques historiens et « Insoumis » évoquent les « funestes années trente », je pense pouvoir leur rétorquer quelques choses simples, et ouvrir, au sens noble du terme, la discussion sans préjugé : 

    1. Ces fameuses années furent d'abord, avant de sombrer dans la tragédie, des temps de recherche et de débats intellectuels dont les revues de l'époque, qu'elles se nomment RéactionEsprit,L'Ordre Nouveau ou La Revue du XXe siècle restent les preuves imprimées : les nouvelles pistes de la pensée antilibérale ; la critique de l'Argent et, pour certains, de la Technique ; la réflexion permanente sur les institutions et, au-delà, sur l'esprit du politique ; etc. Tout cela mérite le détour, et les partisans actuels de la décroissance y trouvent certaines de leurs références utiles à la compréhension du monde contemporain, de Georges Bernanos à Jacques Ellul, entre autres. 

    2. La liberté d'expression y était, en France, plus reconnue que dans nombre de pays limitrophes, même si cela s'accompagnait d'une violence de ton et, parfois, d'action, et que la République n'aimait pas toujours la contradiction, au point de faire assassiner, en son nom propre ou par d'autres qu'elle, quelques opposants trop virulents, comme au soir d'émeute du 6 février 1934... 

    3. Si les extrêmes ne sont guère recommandables, il n'y a néanmoins pas de « fascisme français » malgré les pâles copies de l'Italie mussolinienne chez les partisans du « Faisceau » (disparu dès 1927) de Georges Valois ou les « francistes » de Marcel Bucard, plus groupusculaires et mythomanes que vraiment actifs. Sans doute le traditionalisme moderne de Maurras, si critiqué et parfois fort critiquable par ailleurs, a-t-il empêché, et c'est tant mieux, l'éclosion d'un jacobinisme fasciste ou d'un totalitarisme hexagonal. 

    maulnier songeur.jpg4. Les problèmes contemporains, et le contexte général, sont-ils semblables à ceux d'hier ? C'est sans doute là qu'il y a, effectivement, le plus de similitudes avec les années trente : une ambiance délétère sur la scène internationale et une montée des exaspérations populaires dans nombre de pays, y compris en France, avec la rupture entre élites mondialisées et classes populaires et moyennes, entre les métropoles et les périphéries, en particulier rurales ; le retour de la question sociale, très souvent couplée à la nationale ; les « questions sociétales » qui ne sont que l'autre formulation de la crise de civilisation évoquée jadis par Thierry Maulnier (photo), Emmanuel Mounier et Jean de Fabrègues, entre autres. Mais les réponses d'aujourd'hui sont-elles forcément celles d'hier ? 

    Sans doute peut-on constater que les « non-conformistes » des années trente (dont Maulnier et Fabrègues furent « les lys sauvages ») ont échoué à imposer leurs idées à la tête de l’État avant 1958, même si de Gaulle, en bon lecteur des « néo-41U3SlEZAbL._SX235_BO1,204,203,200_.jpgmaurrassiens » (sans en être lui-même, malgré une légende tenace véhiculée par les hommes de Monnet, et reprise par Mauriac), en reprendra ensuite les grandes lignes dans sa Constitution de la Cinquième République et dans sa tentative (avortée) de résolution de la question sociale : l'inachèvement du règne gaullien et ses limites bien réelles, en renvoyant les principales idées des revues « hors-système » aux catacombes, ont enterré presque (ce « presque »qui laisse encore un espoir, n'est-ce pas ?) définitivement les espérances de ceux qui les animaient. Si les royalistes peuvent en concevoir quelque amertume, cela ne doit pas être une excuse pour déserter le combat intellectuel et politique et, au-delà, civilisationnel... « L'espérance, c'est le désespoir surmonté », clamait Bernanos. 

    Alors, que les royalistes de bonne volonté s'engagent, pour que ces nouvelles ou fantasmées « années trente » d'aujourd'hui ne débouchent pas sur le pire comme en 40, mais sur le Roi, « possibilité du Bien commun effectif », tout simplement ! Ce serait bien, tout compte fait, « la revanche de Maulnier », ou celle d'un autre « M » célèbre et controversé...   

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Où Léon Bloy (avril 1914) donne une assez exacte description de notre chienlit

    Léon Bloy (1846-1917)

    Publié le 27 mars 2017 - Actualisé le 2 octobre 2018 

    « Atrophie universelle des intelligences, avachissement inouï des caractères, exécration endémique de la Beauté et de la Grandeur, obsèques nationales de toute autorité humaine ou divine, boulimie furieuse de jouissances, destruction de la famille et vivisection de la patrie, moeurs de cochons enragés, empoisonnement systématique de l'enfance, élection de chenapans ou de goîtreux dans les cavernes de la politique ou sur le trottoir des candidatures, etc., tels sont les fruits de l'arbre de la Liberté ».

            

    Léon Bloy, avril 1914

  • Claude Lévi-Strauss à propos des « idées de la Révolution »

     

    Publié le 3 juillet 2017 - Actualisé le 1er octobre 2018

    « La révolution a mis en circulation des idées et des valeurs. On peut toutefois se demander si les catastrophes qui se sont abattues sur l'Occident n’ont pas trouvé aussi là leur origine. On a mis dans la tête des gens que la société relevait de la pensée abstraite, alors qu'elle est faite d'habitudes, d'usages, et qu'en broyant ceux-ci sous les meules de la raison, on réduit les individus à l'état d'atomes interchangeables et anonymes. »  ■ 

     

    Claude Lévi-Strauss 

    De près et de loin, entretiens avec Claude Lévi-Strauss par Didier Eribon, Odile Jacob, 1988 ; rééd. 2008.

  • Histoire • Saint-Roch : Les canons contre la démocratie

     

    Par Patrick Barrau

     

    LA VEDETTE SOURIANTE.JPGÀ la fin du Directoire, Sieyès, « homme sentencieux » selon Jacques Bainville, murmurait : « Il me faut une épée ! »

    Il constatait par là le rôle essentiel que l’armée, qui constituait avec les révolutionnaires un véritable « parti de la guerre », jouait désormais dans la vie politique de « l’après Convention », d’abord comme bras armé de l’exécutif, puis comme acteur politique direct. Cela allait conduire, après le coup de force du 18 fructidor (4 septembre 1797) au coup d’Etat du 18 brumaire. La première étape Royaliste numero 1150.jpgde cette intervention se trouve dans la sanglante répression de la manifestation des sections royalistes parisiennes du 5 octobre 1795, qui n’est pas, comme on la présente généralement, un coup d’arrêt à une tentative de prise de pouvoir, mais bien la suppression à coup de canon d’une revendication démocratique et une véritable « école du coup d’Etat ».

    Dans la « mélancolie des derniers jours de la Convention » qu’évoque Mathiez et dans le souci affirmé de « terminer la Révolution », la Constitution de l’an III fit l’objet de discussions vives entre le 23 juin et le 22 août 1795. Élaborée par une commission de onze membres, majoritairement modérés, elle confiait le pouvoir à un directoire de cinq membres et l’élaboration des lois à deux assemblées, le Conseil des Cinq-Cents et le Conseil des Anciens.

    La rédaction du texte se fit dans un contexte économique difficile, marqué par la perte de valeur de l’assignat et la hausse du coût de la vie qui frappèrent les masses populaires et les petits propriétaires.

    Lors des débats s’opposèrent le « parti de la guerre » représenté par les militaires affirmant la consubstantialité de l’armée avec la Révolution et le parti de la paix, royalistes et modérés, brocardés par les militaires comme étant « la Faction des anciennes limites », s’exprimant par la voix des sections parisiennes devenues royalistes. Beaucoup de Français aspiraient à l’ordre et à la paix et les concevaient sous la forme d’un retour à la royauté.

    Craignant que les élections aux nouvelles assemblées n’amènent une majorité d’élus royalistes ou modérés, le député Baudin préconisa dans un premier projet de décret** que les deux tiers des membres des deux Conseils, soit 500 sur 750, soient réservés aux membres de l’ancienne Convention. Puis, face aux protestations des sections, il prescrivit dans un autre projet que les assemblées électorales commenceraient leurs opérations par l’élection des deux tiers au début du processus électoral qui devait se dérouler du 20 au 29 Vendémiaire (12 au 21 octobre 1795). Il justifiait cette mesure comme le moyen de garantir un ordre stable et de poser « une barrière contre l’esprit d’innovation ».

    On peut pourtant s’étonner de voir des hommes habitués à gouverner de manière révolutionnaire vouloir gouverner constitutionnellement et constater qu’un régime qui se méfiait du peuple qu’il venait de proclamer « souverain » allait lui imposer ses propres choix.

    On peut aussi, avec Mona Ozouf, être surpris de voir « des constituants être constitués et des mandataires être mandatés ». Il y a une différence profonde entre permettre la rééligibilité et l’imposer sans donner au peuple la possibilité de se prononcer. C’est au nom du « salut public » qu’est justifiée cette atteinte au libre choix des citoyens. Mais peut-être s’agissait-il surtout pour eux, selon la formule de Taine, de « rester en place pour rester en vie ».

    Le premier décret fut adopté avec la Constitution du 5 Fructidor (22 août). Le second fut adopté le 13 Fructidor (30 août). Ces textes témoignent de la désinvolture avec laquelle on traitait le droit d’élire et la souveraineté nationale, portant ainsi la responsabilité du développement d’un courant antiparlementaire. Le 28 Fructidor (6 septembre) les assemblées primaires se déterminèrent au suffrage universel, sans condition de cens, sur la Constitution et les deux décrets. La ratification des deux textes fut plus difficile que celle de la Constitution. Avec un taux d’abstention de 95%, les textes furent rejetés par 19 départements et par 47 sections parisiennes sur 48. Les royalistes, qui espéraient rétablir la monarchie par des voies légales, s’insurgèrent contre ce déni de démocratie et appelèrent à l’insurrection pour forcer la Convention à révoquer ces décrets avant les élections.

    Le soir du 11 vendémiaire (3 octobre) sept sections se déclarèrent en insurrection. Le 13, la Convention, inquiète du mouvement populaire, chargea Barras du commandement des troupes de Paris. Celui-ci proposa à Bonaparte, qu’il avait connu lors du siège de Toulon, d’être son adjoint. Après réflexion Bonaparte accepta en déclarant à Barras : « Si je tire l’épée, elle ne rentrera dans le fourreau que quand l’ordre sera rétabli ». Celui-ci ordonna à Murat de récupérer 40 canons au camp des Sablons qui furent placés au petit jour aux extrémités des rues menant aux Tuileries où siégeait la Convention, en particulier à l’angle de la rue Saint Roch et de la rue Saint Honoré ainsi qu’au couvent des Feuillants pour couvrir la rue Saint Honoré. Les sectionnaires, auxquels s’étaient joints des gardes nationaux, soit 25 000 hommes s’organisèrent en deux colonnes, l’une partant de l’église Saint Roch, l’autre partant du Pont Neuf. À 15 heures les sectionnaires encerclèrent la Convention. À 16 heures 30 Bonaparte commanda aux canonniers de tirer des plombs de mitraille. La canonnade dura trois quarts d’heure et l’on releva près de 300 morts sur les marches de l’église Saint Roch. Ce massacre, qui valut à Bonaparte le surnom de « Général Vendémiaire », constitue la première illustration de la survie problématique d’un régime suspendu à l’intervention militaire.

    L’armée intervint une nouvelle fois le 18 Fructidor an V (4 septembre 1797) lors des élections suivantes qui amenèrent à nouveau une majorité d’élus royalistes à l’initiative de trois directeurs dont Barras. Les militaires dirigés par Augereau, fidèle lieutenant de Bonaparte, occupèrent Paris. Il y eut de nombreuses arrestations, y compris celle des deux directeurs hostiles à l’intervention militaire et les élections furent annulées dans quarante-neuf départements. À nouveau la République était sauvée au détriment de la légalité. Le rôle de l’armée allait s’affirmer après ces deux interventions jusqu’au 18 Brumaire et à la prise du pouvoir par Bonaparte – qui allait poursuivre la guerre révolutionnaire pour les « frontières naturelles ».

    Le 1er juillet 1791, s’adressant aux « Républicains » devant le club des Jacobins, Choderlos de Laclos eut cette phrase prémonitoire : « Je leur demanderai si nous n’aurons pas des empereurs nommés par des soldats. »

    Les 300 martyrs royalistes de Saint Roch témoignent donc du combat pour la défense de la démocratie et de la souveraineté nationale face à un pouvoir méprisant la légalité et les droits d’un peuple en s’appuyant sur la force. 

    * Historien du Droit, ancien directeur de l’institut régional du travail.

    ** Selon Mona Ozouf, l’appellation « décret » serait inadéquate : « Les deux lois […] improprement baptisées décrets des deux-tiers […].» Mona Ozouf, 1996, « Les décrets des deux-tiers ou les leçons de l’histoire » in 1795 pour une République sans Révolution, Rennes, PUR.

    Cet article est paru dans Royaliste, bimensuel de la Nouvelle Action Royaliste, numéro 1150 (10 septembre - 23 septembre 2018). La Nouvelle Action Royaliste rappelle en préambule que les royalistes d'alors préparaient le retour légal à la monarchie royale et que c’est la décision de réserver les deux-tiers des sièges aux anciens conventionnels dans les Conseils des Anciens et des Cinq-Cents pour éviter l’élection d’une majorité de royalistes qui poussa les sections parisiennes à l’insurrection. Il est indiqué que c'est ce mouvement populaire et démocratique que la Nouvelle Action royaliste va commémorer, le 6 octobre, devant l’église Saint-Roch.

  • Zémmour : La candidature de Valls à Barcelone me confirme que le message républicain est désormais désuet

     

    « C’est le grand effacement de l’Histoire pour correspondre au grand remplacement des populations »

    Éric Zemmour sans cris d’orfraie ni indignation orchestrée, c’est possible… sur Boulevard Voltaire. Un entretien apaisé, sans tabou, passionnant et décapant. Écoutez-le !

    Merci donc à Boulevard Voltaire d'avoir réalisé ce remarquable entretien et - bien-sûr - merci à Eric Zémmour pour ces analyses si justes et tellement proches des nôtres* ! LFAR

    * Cf. notre titre

     Durée 11 mn.

     

  • Zemmour ou Astérix le Gaulois ... Par lui-même

     

    « Mes aïeux avaient donné des prénoms français à leurs enfants, lu Victor Hugo et ­endossé les costumes et les robes de Paris...»  

    Éric Zemmour

     

    md22780421731.jpgL'histoire de France coulait dans mes veines, emplissait l'air que je respirais, forgeait mes rêves d'enfant ; je n'imaginais pas être la dernière génération à grandir ainsi. J'ignorais que ma date de naissance serait décisive: je vivais au XXe siècle mais en paix, loin du fracas des deux guerres mondiales, et de la guerre d'Algérie ; je me réchauffais pourtant encore aux ultimes feux de l'école de la IIIe République. J'évoluais entre deux époques, entre deux mondes. Je grandissais dans l'abondance de la société de consommation et pourtant mon esprit vagabondait dans les plaines héroïques d'hier. J'étais abonné au Journal de Mickey, mon corps se gavait de fraises Tagada et de rochers Suchard, mais ma tête chargeait avec les cavaliers de Murat dans les plaines enneigées d'Eylau. Je vivais le meilleur des deux mondes. Je ne mesurais pas ma chance. Nous apprenions tous à lire et écrire selon la méthode syllabique ; mon orthographe était impeccable (à l'exception d'un désamour inexpliqué pour l'accent circonflexe), ma science de la grammaire intériorisée comme une seconde nature ; et l'Histoire attendrait respectueusement que j'entre au collège, à la rentrée 1969, pour cesser d'être une matière à part entière et se contenter du statut marginal d'«activité d'éveil». Notre programme avait été instauré par le grand Lavisse lui-même et ne devait rien à la pédagogie active des « sciences de l'éducation » qui commençaient tout juste à sévir. J'avais encore comme ancêtres les Gaulois, et mon père bénissait cette filiation en se précipitant à la librairie pour acquérir chaque nouvel épisode d'Astérix, qu'il s'empressait de lire avant de me l'offrir. Dans mon école publique de Drancy, banlieue parisienne où mes parents s'étaient installés, on rencontrait pourtant peu de Gaulois authentiques ; un Martin ou un Minot étaient mêlés à beaucoup de noms finissant en i. Je n'ai cependant jamais entendu ces descendants d'Italiens exciper fièrement de leur ascendance de vainqueurs romains pour mépriser ces minables vaincus gaulois…

    2_Soumission.jpgUn jour, mon grand-père paternel me montra un des timbres qu'il collectionnait. Un combattant à la mine farouche, la tête surmontée d'un turban, brandissait un fusil. Un seul nom barrait l'image : Zemmour. C'était une tribu berbère célèbre, m'expliqua le vieil homme. Une des dernières à se soumettre à la France, bien après la prise de la smala d'Abd el-Kader, que j'avais étudiée à l'école. Mon sort se compliquait: j'avais été colonisé par la France, et j'avais même farouchement résisté à l'envahisseur. Comme Astérix face à Rome. Les Gaulois étaient devenus des Gallo-Romains, après avoir pris goût à la paix et à la civilisation romaine. Mes ancêtres à moi étaient devenus des Berbéro-Français, imagesQ1NCSSEN.jpgaprès avoir pris goût à la paix et à la civilisation française. Les Gallo-Romains avaient adopté les prénoms latins et endossé les toges romaines, appris à parler et à lire le latin ; ils disaient: « A Rome, on fait comme les Romains .» Mes aïeux avaient donné des prénoms français à leurs enfants, lu Victor Hugo et endossé les costumes et les robes de Paris, jusqu'à cette minijupe si « indécente » que ma mère arborait dans les rues de Paris, à la place des djellabas et burnous arabes que leurs grands-mères avaient pourtant portés.

    J'avais toujours su qu'être français, c'était précisément ce sentiment qui vous pousse à prendre parti pour votre patrie d'adoption, même si elle avait combattu vos ancêtres. « La patrie, c'est la terre des pères. Il y a les pères selon la chair et les pères selon l'esprit », écrivait André Suarès, autre juif devenu français qui venait, lui, de Livourne, et chez qui je retrouverais, bien des années plus tard, la plupart de mes tourments, de mes analyses et de mes sentiments, rédigés dans une langue d'une pureté cristalline digne de Pascal. Avant même de le lire, j'avais intériorisé sa leçon : être français, quand on n'est pas un fils des pères selon la chair, mais un fils des pères selon l'esprit, c'est prendre parti pour ses pères d'adoption jusques et y compris contre ses pères d'origine. C'est prendre le parti de la raison sur l'instinct, de la culture sur la nature, c'est dire « nous » même quand le nous qu'on est devenu affronte le nous qu'on fut… Je ressentais au plus profond de moi ce que je lirais des années plus tard sous la plume de Raymond Aron: « Je suis ce qu'on appelle un Juif assimilé. Enfant, j'ai pleuré aux malheurs de la France à Waterloo ou à Sedan, non en écoutant la destruction du Temple. Aucun autre drapeau que le tricolore, aucun autre hymne que La Marseillaise ne mouillera jamais mes yeux. »  

    Extrait de son dernier livre - qui vient de paraître

  • Enracinement • Patriotisme

     

    par Claude Wallaert

     

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    L’espace politico-médiatique est envahi par la République et ses prétendues valeurs centrées sur un catalogue de principes abstraits dérivés de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme.

    Essayez de dire à des jeunes gens de vingt à trente ans, même charmants et pleins de bonne volonté, que la République est un accident de l’histoire de France : presque à chaque fois, vous verrez leurs yeux s’emplir de réprobation stupéfaite. C’est qu’en effet, la République est la référence suprême de leur conscience politique, et la France n’est tout au plus qu’une entité géographique, fruit d’une histoire qu’en général ils ne connaissent pas ou très mal, par morceaux épars fortement teintés de pseudo-culture marxisante.

    Mais, fort heureusement, cette imprégnation néfaste des esprits n’est pas totalement victorieuse : il existe des agents « résistants » tels que les liens familiaux, l’expérience des aînés et, bien sûr, ce qui subsiste du socle chrétien de notre nation. Ce terreau bienfaisant nourrit en particulier un certain nombre de catégories professionnelles dont la raison d’être dépasse par essence le banal et vulgaire utilitarisme ; c’est le cas par exemple du personnel médical, des enseignants dévoués à leur tâche (si toutefois ils ne sont pas trop « idéologisés »), des militaires, de certaines associations… Sans oublier le paradoxal et mystérieux engagement des prêtres et des moines contemplatifs. En effet, l’activité de ces personnes favorise des rapports à autrui faits de compétence, de générosité, de capacité d’écoute, de don de soi, voire d’abnégation, dispositions essentiellement subversives par rapport à l’intellectualisme stérile du rousseauisme et aux spéculations du libéralisme marchand.

    L’émotion provoquée par la mort héroïque du colonel Beltrame est un signe patent de cette subversion bienfaisante ; « son sacrifice nous oblige », a dit Emmanuel Macron lui-même lors de son hommage prononcé aux Invalides. Nous oblige, comme « noblesse oblige ». Sacrifice qui réveille notre part de patrie, laissée plus ou moins endormie dans une chambre oubliée. Sacrifice qui, loin d’écraser, rend libre, car il est porteur de cette vérité qui donne du sens à la vie, fût-elle des plus ordinaires.

    Le chevalier d’Assas mourut à la bataille de Clostercamp, en 1760, pendant la guerre de Sept ans ; envoyé en reconnaissance à l’aube, il était accompagné par le sergent Dubois de sa compagnie du Régiment d’Auvergne ; surpris et cernés par l’avant-garde ennemie, ils sont menacés de mort s’ils donnent l’alerte ; et c’est le fameux cri : « À nous, Auvergne, c’est l’ennemi ! ». Le sergent est tué aussitôt. Blessé mortellement, le chevalier répéta plusieurs fois avant de succomber : « Enfants, ce n’ai pas moi qui ai crié, c’est Dubois. » Héroïsme de l’humble sergent, noble élégance de son chef.

    Dans cette histoire, comme dans celle du colonel Beltrame, la France est là, comme elle est présente dans la surnaturelle audace de Jeanne face à ses juges, dans l’extraordinaire abnégation du poilu de Verdun, et dans la vie secrète et donnée au sein des monastères ; cet héritage nous oblige en effet, et dans une dimension totalement absente de celui de la Révolution. 

  • Livres & Histoire • Jean Sévillia : « La famille royale en prison »


    Par Jean Sévillia

    Une recension à lire parue dans la dernière livraison du Figaro magazine [31.08]. Une remarquable leçon d'histoire

     

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    Trois jours après que les Tuileries eurent été prises d'assaut, en août 1792, la famille royale, déchue, était conduite au Temple.

    Elle devait y loger dans le donjon médiéval qui était inutilisé depuis des lustres.

    Dans ce lieu sinistre sont donc enfermés Louis XVI et Marie-Antoinette, Madame Elisabeth, la soeur du roi, ainsi que les deux enfants royaux, Louis et sa soeur Marie-Thérèse.

    Le roi, la reine et Madame Elisabeth finiront sur l'échafaud, tandis que le petit Louis XVII, n'ayant pas résisté aux mauvais traitements, mourra de maladie et d'épuisement. Seule la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, remise aux Autrichiens au début du Directoire, survivra à la Révolution.

    Entre le 13 août 1792, date de l'incarcération des Bourbons au Temple, et le 19 décembre 1795, jour du départ de Marie-Thérèse, plus de trois années se sont écoulées. Un laps de temps plus long que la Convention, plus long que la dictature de Robespierre ou que la Terreur elle-même. La captivité de la famille royale forme par conséquent une séquence historique en soi, dotée d'une logique propre qui interagit avec le développement de la Révolution.

    C'est à analyser cette relation que s'est attaché Charles-Eloi Vial, un jeune historien dont les premiers travaux - une étude de la Cour à la fin de la monarchie et une biographie de Marie-Louise - étaient extrêmement prometteurs.

    534911836d0abb463780f58d8c9c9b04.jpgSur un sujet en apparence rebattu - qui ne connaît les adieux de Louis XVI à sa famille, le départ de Marie-Antoinette pour la Conciergerie ou le martyre de Louis XVII, scènes déchirantes qui ont eu le Temple pour cadre - l'auteur, recourant à des archives inexploitées, parvient encore une fois à offrir des perspectives nouvelles en reconstituant la vie des prisonniers royaux, mais également l'enjeu politique qu'ils ont représenté jusqu'au bout.

    Au-delà de leurs fautes personnelles, Louis XVI et les siens ont en effet été condamnés non pour ce qu'ils avaient fait, mais pour ce qu'ils étaient. Leur captivité a donc été le révélateur d'un système prêt à broyer tous les Français aspirant à la liberté. « Ce rapport entre l'intérieur et l'extérieur de la prison, souligne Charles-Eloi Vial, est essentiel à comprendre : la détention au Temple est l'envers de la Révolution. » Une remarquable leçon d'histoire.   

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    La Famille royale au Temple. Le remords de la Révolution, 1792-1795, de Charles-Eloi Vial, Perrin, 432 p., 25 €.  

  • Royautés • Copenhague, où Emmanuel et Brigitte Macron rencontrent une reine « pour de vrai ». Et le couple héritier ... 

    Emmanuel et Brigitte Macron, S.M. la reine Marghrete II

     

    A lire dans Lafautearousseau ...

    Danemark : Dédié aux royalistes qui croient que les monarchies nordiques ne servent à rien

     Chronique d’une Saint Sylvestre au royaume du Danemark

    Panique au royaume de Danemark, après que la Reine a déclaré refuser le modèle multiculturel40410423_762783667393550_2502241916515516416_o.jpg

    Emmanuel et Brigitte Macron en compagnie du couple héritier du royaume de Danemark ...

  • Littérature - Idées • Tiouttchev poète et contre-révolutionnaire

     

    Par Marc Froidefont 

    Un article qui nous fait découvrir un grand auteur russe pratiquement inconnu en France. Poète et contre-révolutionnaire. Et qui nous renseigne aussi sur la Russie. Sur son âme, sa profondeur.  LFAR

     

    I-Miniature-17255-marc-froidefont.net.htm.jpgLes éditions Interférences viennent de publier un livre, intitulé sobrement Poèmes, et qui est un recueil de quelques poésies de Fiodor Tiouttchev, élégamment traduites par Sophie Benech. Cet ouvrage est remarquable. 

    En tant que livre, on ne peut que féliciter les éditions Interférences pour le soin apporté à la présentation, à la mise en page, à la beauté même du papier utilisé. Remarquable aussi en tant que texte, chacun sait, ou du moins devine, les difficultés qu’il y a à traduire la poésie russe ; les précédents traducteurs de Tiouttchev, tant Paul Garde que François Cornillot avaient déjà averti leurs lecteurs des difficultés d’une telle entreprise. Remarquable, enfin et surtout, est l’idée même d’éditer un livre de Tiouttchev, car, comme l’écrit Sophie Benech dans son avant-propos : « Le nom de Fiodor Tiouttchev est peu connu des lecteurs français, pour ne pas dire totalement inconnu ».

    Le poète

    Cette ignorance du public français est regrettable, car de l’avis même des écrivains et des poètes russes, Tiouttchev (1803-1873) est l’un des plus importants d’entre eux. Tolstoï a été jusqu’à affirmer que « sans lui, on ne peut pas vivre … ». Une telle appréciation est largement partagée, Paul Garde rappelle que Dostoïevski  l’appelait « notre grand poète » et que Tourguéniev disait : « On ne discute pas Tiouttchev, celui qui ne le sent pas ne fait que montrer qu’il ne sent pas la poésie elle-même ». Il est vrai que Tiouttchev n’a jamais cherché la célébrité. Né dans une famille noble, Tiouttchev entre à 19 ans dans la carrière diplomatique, il est en poste pendant de très longues années à Munich, retourne enfin en Russie où il est nommé responsable de la censure au ministère des affaires étrangères. Il a écrit de nombreux poèmes, souvent courts, mais n’a pas cherché ni à les faire connaître ni à les publier. Ce sont d’autres poètes qui ont édité quelques-unes de ses poésies, l’auteur lui-même ne parlant que peu de son œuvre. La renommée de Tiouttchev a donc été relativement tardive et d’abord limitée à un public restreint. Aujourd’hui il est, en Russie, assez connu, certaines de ses poésies ont été accompagnées de musique, et d’autres sont particulièrement célèbres parce qu’elles expriment certains aspects de la nature humaine, mais aussi de la Russie.

    Remercions donc les éditions Interférences de contribuer à faire connaître la poésie de Tiouttchev et félicitons-la du choix qu’elle a fait parmi les poèmes. On peut ainsi lire une nouvelle traduction de Larmes humaines :

    « Larmes humaines, ô larmes des hommes, / Vous coulez au matin et au soir de la vie … / Vous coulez inconnues, vous coulez innombrables, / Vous coulez invisibles et intarissables, / Vous coulez comme coulent les ruisseaux de pluie, / Dans la profonde nuit, à la fin de l’automne. »

    Certes, ce livre contient moins de poèmes que les traductions précédentes de Paul Garde et de François Cornillot, mais si le but est de faire connaître Tiouttchev, l’ensemble est appréciable, et l’on peut même découvrir dans ce recueil une poésie qui n’était pas encore traduite, à savoir celle consacrée à Cicéron.

    Si Tiouttchev a été un grand poète, il a été surtout apprécié en son temps pour ses engagements en faveur de la politique russe, en tant que cette dernière défendait la chrétienté, contre tout ce qui venait de l’influence révolutionnaire. Sophie Benech reconnaît que Tiouttchev était même plus connu en tant qu’écrivain politique qu’en tant que poète : « De fait, ses interlocuteurs, qui font tous partie du grand monde, le connaissent plus pour ses prises de position et ses écrits slavophiles et absolutistes que pour ses vers lyriques ». Le livre édité par les éditions Interférences n’aborde pas cet aspect de l’oeuvre de Tiouttchev, les traducteurs antérieurs non plus, François Cornillot ayant privilégié les poésies se rapportant à la nature, ou plutôt aux éléments de la nature, comme l’eau, l’arbre etc. voyant dans l’évocation de la nature, la présence d’une transcendance, et quant à Paul Garde, tout ce qui est politique a été mis par lui de côté, au prétexte, à notre avis discutable, que les poésies politiques ou de circonstance sont « bien inférieures aux autres ».

    Le penseur contre-révolutionnaire

    Si donc le livre Poèmes de Tiouttchev publié par les éditions Interférences a le mérite d’attirer l’attention du public français sur une partie de l’oeuvre du poète russe, il ne sera peut-être pas inutile, dans les quelques lignes qui suivent, de présenter, brièvement, l’autre aspect de l’oeuvre de Tiouttchev, à savoir ses idées politiques et philosophiques. Tiouttchev a écrit la plupart de ses poésies en langue russe, il a cependant rédigé ses textes politiques dans une langue française pure et élégante, telle qu’on la pratiquait dans les milieux russes cultivés du XIX° siècle. On peut les lire aujourd’hui dans le tome 3 des Oeuvres Complètes de Tiouttchev, éditées à Moscou.

    Par sa position de diplomate russe à Munich, ville dans laquelle il a été en poste pendant vingt-deux ans, Tiouttchev était bien placé pour connaître les événements européens tant politiques que philosophiques. Il a connu personnellement Schelling et d’autres écrivains allemands, notamment Heine avec lequel il fut assez proche, mais c’est surtout à la culture française que Tiouttchev était sensible. François Cornillot, que nous avons cité plus haut comme traducteur, a aussi écrit une thèse volumineuse sur notre poète russe, dans laquelle il note qu’à Munich « On se tenait au courant de tout ce qui se publiait à Paris, on lisait surtout les journaux de Paris […] ». Ce n’est pourtant qu’à son retour définitif en Russie, que Tiouttchev développe ses analyses politiques.

    Il existait alors, si nous nous permettons de schématiser, deux grands courants chez les penseurs russes, ceux qui souhaitaient que la Russie s’inspirât de l’Occident, et ceux qui, à l’inverse, voulaient que la Russie restât elle-même, et fût fière de sa propre culture et de sa religion orthodoxe. Ce deuxième courant regroupait ceux que l’on nommait les slavophiles, dont la figure la plus célèbre a été Khomiakov. Il est à noter que, d’une certaine manière, cette division se retrouvait dans la politique du gouvernement russe, hésitant entre la défense des intérêts de la Russie et une influence non négligeable de l’Occident.

    Tiouttchev se range résolument dans le camp des slavophiles et exalte les valeurs de la Russie en tant qu’empire chrétien :

    « La Russie est avant tout l’empire chrétien : le peuple russe est chrétien non seulement par l’orthodoxie de ses croyances, mais encore par quelque chose de plus intime encore que la croyance. Il l’est par cette faculté de renoncement et de sacrifice qui fait comme le fond de sa nature morale. »

    Le poison de la Révolution

    Contemporain de la Révolution française de 1848, Tiouttchev en dénonce les effets, lesquels ne concernent pas seulement la France, mais l’Europe entière. C’est tout l’Occident qui est contaminé par le poison révolutionnaire : « la Révolution est la maladie qui dévore l’Occident ». Cette révolution cependant n’est que la suite de celle de 1789, c’est donc de cette dernière qu’il importe de montrer le principe, si l’on veut comprendre ses suites au siècle suivant. La Révolution française de 1789 n’est pas seulement un événement politique au sens où il ne s’agirait que d’un changement de régime, elle est bien plus que cela : elle est une insurrection contre la religion.

    « La Révolution est avant tout anti-chrétienne. L’esprit anti-chrétien est l’âme de la Révolution ; c’est là son caractère essentiel. Les formes qu’elle a successivement revêtues, les mots d’ordre qu’elle a tour à tour adoptés, tout, jusqu’à ses violences et ses crimes, n’a été qu’accessoire ou accidentel ; mais ce qui ne l’est pas, c’est le principe anti-chrétien qui l’anime […] ». La Révolution est donc un événement capital dans l’histoire de l’humanité : « Ce qui fait de la première révolution française une date à jamais mémorable dans l’histoire du monde, c’est qu’elle a inauguré pour ainsi dire l’avènement de l’idée anti-chrétienne aux gouvernements de la société politique

    Comment se caractérise cet anti-christianisme ? C’est bien sûr le refus de toute transcendance divine, mais Tiouttchev décrit cela d’une manière saisissante, en empruntant un mot fort employé dans la philosophie de son époque, d’abord par Fichte, puis par Stirner, un mot dont l’usage et les ravages n’ont fait que grandir jusqu’à nos jours, un mot pourtant tout simple : le moi.

    « Le moi humain, ne voulant relever que de lui-même, ne reconnaissant, n’acceptant d’autre loi que celle de son bon plaisir, le moi humain, en un mot, se substituant à Dieu, ce n’est certainement pas là une chose nouvelle parmi les hommes, mais ce qui l’était, c’est cet absolutisme du moi humain érigé en droit politique et social et aspirant à ce titre à prendre possession de la société. C’est cette nouveauté-là qui est appelée la Révolution française. »

    Tiouttchev ne manque pas de fustiger certaines caractéristiques de la mentalité révolutionnaire. L’idée de souveraineté du peuple tout d’abord, laquelle n’est que le corollaire du triomphe du moi, car qu’est-ce que le moi, sinon « cette molécule constitutive de la démocratie moderne » ? La souveraineté du peuple n’est rien d’autre que « celle du moi multiplié par le nombre ». Autre caractéristique de la mentalité révolutionnaire : la prétendue neutralité religieuse de l’État républicain, neutralité qui n’est qu’un mensonge : « Rétablissons donc la vérité des faits. L’État moderne ne proscrit les religions d’État que parce qu’il a la sienne, et cette religion, c’est la Révolution ».

    Selon Tiouttchev, tout l’Occident est corrompu ou va être corrompu par l’idéologie révolutionnaire ; si la France a une grande part de responsabilité, l’Allemagne n’est pas en reste, une philosophie destructive y a « complètement dissous toutes les croyances chrétiennes et développé, dans ce néant de toute foi, le sentiment révolutionnaire par excellence : l’orgueil de l’esprit, si bien qu’à l’heure qu’il est, nulle part peut-être cette plaie du siècle n’est si profonde et plus envenimée qu’en Allemagne ».

    La Russie chrétienne

    Face à cette débâcle, à cet Occident où l’on voit « la civilisation se suicidant de ses propres mains », que faire ? Avoir confiance en la Russie, ou plus exactement dans la mission qu’a la Russie, et cette mission est de sauvegarder la chrétienté. Il s’ensuit qu’entre les idées révolutionnaires venant de l’Occident et la chrétienté russe, il ne peut qu’y avoir conflit. Tiouttchev le dit sans aucun détour :

    « Depuis longtemps il n’y a plus en Europe que deux puissances réelles : la Révolution et la Russie. Ces deux puissances sont maintenant en présence, et demain peut-être, elles seront aux prises. Entre l’une et l’autre il n’y a ni traité, ni transaction possibles. La vie de l’une est la mort de l’autre. De l’issue de la lutte engagée entre elles, la plus grande des luttes dont le monde ait été témoin, dépend pour des siècles tout l’avenir politique et religieux de l’humanité. »

    Que la Russie ait confiance en sa mission, cela implique qu ‘elle soit forte politiquement et militairement, et l’expression de cette puissance doit d’abord être la reconquête par les chrétiens de Constantinople, vœu qui était aussi celui de Joseph de Maistre.

    Tiouttchev espère l’union des deux Églises, la latine et l’orientale, et il va de soi qu’en tant que russe et orthodoxe, cette union est comprise comme le retour de l’Église de Rome vers l’orthodoxie.

    Les événements ont durement éprouvé les idées de Tiouttchev. De son vivant, comme beaucoup d’autres Russes, il a été fort dépité quand, lors de la guerre entre les Russes et les Turcs, le gouvernement russe a finalement laissé Constantinople aux Turcs. Plus tard, l’issue de la guerre entre Napoléon III et la Russie a été aussi amèrement vécue. Qu’eût pensé Tiouttchev s’il avait pu voir les événements de 1917 et l’emprise du communisme en Russie? Sans doute eût-il vu là une épreuve, une douloureuse épreuve. Il est aisé de voir cependant que si Tiouttchev s’est trompé pour ce qui est de l’histoire immédiate, ce qu’il a écrit de son temps n’est pourtant pas sans intérêt pour le nôtre. Le triomphe de l’individualisme, ce que Tiouttchev appelait le moi, est patent en Occident, tout autant que sa décadence spirituelle, bien que les prémices d’un renouveau puissent çà et là apparaître. En Russie, ce renouveau est d’une certaine manière déjà là, ou du moins en marche, puisque le pouvoir politique semble s’appuyer de plus en plus sur la chrétienté. Tiouttchev avait donc raison de croire en la Russie. Une de ses poésies les plus célèbres l’exprime, voici la traduction littérale qu’en donne Sophie Benech :

    « La Russie ne se comprend pas par l’intelligence / Ni ne se comprend à l’aune commune / Elle possède un statut propre / La Russie, on ne peut que croire en elle. »   

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    Domaine natal du poète à Ovstoug

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    Théologie de Joseph de Maistre  de Marc Froidefont  42€

    Marc Froidefont

    Politique magazine

  • Danemark : Dédié aux royalistes qui croient que les monarchies nordiques ne servent à rien