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Actualité France - Page 300

  • Barbara Lefebvre : « Non, Monsieur Macron, notre époque n'a rien à voir avec les années 30 »

    A droite d'Emmanuel Macron : Remilitarisation de la Rhénanie, 1936

    Par  

    TRIBUNE - Dans ses propos rapportés par Ouest-France, le chef de l'État a comparé la période actuelle avec celle de l'entre-deux-guerres. le contexte est radicalement différent : les États-nations européens ne cherchent pas à s'étendre mais à conserver leur souveraineté. [Figarovox, 01.11]. Et elle le fait non seulement du point de vue de l'Histoire (on pourrait d'ailleurs discuter telle ou telle de ses interprétations) ; mais aussi en remontant aux vices structurels, idéologiques, sociétaux et finalement politiques, les plus profonds et les plus généraux de nos systèmes postmodernes et postnationaux. Une très belle analyse dont on doit saluer le courage intellectuel et la lucidité. Grâce à de tels auteurs une réaction monte peu à peu du pays et une prise de conscience s'opère. Ce ne sera pas sans effets. Bravo ! Lafautearousseau

     

    barbara-lefebvre-1_5858139.jpgPierre Nora avait mis en garde contre « ce moment historique habité par l'obsession commémorative » et la captation de cette belle expression, les « lieux de mémoire », utilisée pour célébrer la mémoire alors que la profondeur du travail historiographique des trois tomes qu'il avait dirigés était précisément de composer « une histoire de type contre-commémoratif ». Les historiens scrupuleux, ceux qui écrivent l'histoire sans tomber dans les pièges idéologiques de leur temps, sont souvent incompris par les technocrates, qui ne s'embarrassent pas de nuances pour rédiger les formules-chocs autrement appelées « éléments de langage ». Le service communication de l'Élysée nous a annoncé une semaine « d'itinérance mémorielle » pour commémorer le centenaire de l'armistice, et elle s'ouvre par une « itinérance historique » du président Macron dans Ouest France suivant un chemin tortueux qui le conduit à une impasse comparative !

    Dans les propos rapportés par Ouest-France, le Président Macron se lance dans des comparaisons historiques pour le moins problématiques : « je suis frappé par la ressemblance entre le moment que nous vivons et celui de l'entre-deux-guerres ». Tout y est: « la lèpre nationaliste »« la souveraineté européenne (sic) bousculée par des puissances extérieures »« la crise économique ». Et dans un élan de prophétie, véritable représentation mécaniste de l'Histoire avec son « H » majuscule grandiloquent, Emmanuel Macron nous révèle sa vision : « on voit presque méthodiquement se réarticuler tout ce qui a rythmé la vie de l'Europe de l'après Première Guerre mondiale à la crise de 1929 ». L'histoire, éternelle répétition du même ? Emmanuel Macron, président-historien après le président-philosophe ? Les permanences et les continuités de l'histoire ne sont pas des répétitions, Monsieur le Président, et les ruptures ne sont en général comprises et analysées qu'une fois survenues. Non l'histoire n'a pas le hoquet, car l'histoire n'est pas une réalité tangible qui s'opère sous nos yeux comme des bactéries visibles sous la loupe du microscope. L'histoire est modeste, elle n'est qu'une écriture, un récit humain qui se modifie sans cesse, se réécrit au fil du temps qui passe. L'histoire n'est pas un point fixe, établie une fois pour toutes. En revanche, on le sait, elle est fort utile pour servir les idéologies, servir la politique politicienne, pour jouer le « sachant » qui éclaire les ténèbres du présent en se donnant des airs de prophète d'un futur, si possible apocalyptique, sauf à suivre la marche du sauveur.

    Comparer l'Europe de 2018 à celle des années 1930 répond à cette inflation inquiétante de la récupération politicienne de l'histoire nationale et européenne, inflation qui s'accentue depuis bientôt vingt ans à mesure que nous produisons des générations d'amnésiques sortis frais émoulus avec un baccalauréat mais ignorants de leur histoire. Il faut faire un détour par l'histoire scolaire actuelle pour comprendre comment de tels propos peuvent être entendus par l'opinion en dépit de leur non-véracité. En effet, elle alimente les élèves en simplismes manichéens depuis plus de trois décennies, depuis que l'histoire postmoderne (donc postnationale) a mis la main sur l'organisation des programmes officiels. Au lieu de transmettre des connaissances simplifiées qui rendent la complexité du passé intelligible pour des élèves âgés de dix à dix-sept ans, on a réduit l'histoire scolaire à une histoire finaliste. Le passé n'est plus qu'un perpétuel combat entre des gentils et des méchants. Ce simplisme autorise tous les anachronismes. Or la simplification n'est pas le simplisme ; la vulgarisation n'est pas la platitude du binaire. L'histoire scolaire qui avait forgé, pendant près d'un siècle, chez des générations de Français - autochtones ou venus d'ailleurs - le sentiment d'appartenance nationale, aussi appelé patriotisme, s'appuyait certes sur des simplifications historiques non exemptes d'une part de mythes, mais elle ne versait pas dans les simplismes actuels où l'idéologie postmoderne affleure sous chaque thématique, où l'histoire nationale n'est plus qu'une histoire criminelle. La France a une histoire nationale. Les mémoires des groupes composant notre nation qui n'est pas fondée sur l'homogénéité ethno-religieuse, ont toujours existé mais jusqu'aux années 1990 elles n'avaient pas été valorisées au point de supplanter l'histoire nationale. En glorifiant les revendications mémorielles, souvent réinventions du passé, contre l'histoire commune, le projet poursuivi est bien la destruction de l'attachement à la nation, à cet héritage forgé par l'histoire et porté par des mœurs et des coutumes communes.

    Ni de Gaulle, ni Mitterrand n'auraient osé une comparaison aussi manichéenne, simpliste, que celle opérée par Emmanuel Macron. Et pour cause, les deux seuls « vrais » Présidents d'après-guerre avaient une vision, car ils étaient d'abord « enracinés » par une ample culture littéraire et historique - la composition de la bibliothèque de François Mitterrand en est l'illustration frappante - et ensuite parce qu'ils avaient connu l'entre-deux-guerres et la guerre. Cela fait toute la différence. Cela explique leur hauteur de vue, eux qui étaient passés par cette épreuve de la guerre, qu'ils connaissaient la complexité de cet avant-guerre, qu'ils ne réduisaient pas cette période à des caricatures binaires. L'un comme l'autre ont vu monter les périls, ils ont eux-mêmes fait des choix politiques qui ne suivaient pas toujours la ligne droite que les politiques actuels ont réinventée pour trier dans cette époque troublée les bons des méchants, pour juger les hommes du passé au regard du confort dans lequel est plongée notre Europe pacifiée, abrutie par la société de consommation.

    Personne ne viendrait nier que Staline, Hitler et Mussolini étaient des dirigeants néfastes pour leurs peuples et pour la paix du monde, que les idéologies portées par les deux premiers en particulier ont conduit à des ravages d'une ampleur inédite en Europe et au-delà et que nous sommes encore héritiers des ravages moraux qu'ils ont constitués pour l'humanité. Néanmoins oser les comparer à Orban, Salvini et pourquoi pas Morawiecki en Pologne et Kurz en Autriche, est non seulement une absurdité historique, mais une opération politique profondément anti-européenne qui attise les colères. Anti-européenne car celui qui aggrave les tensions entre partenaires européens en insultant les peuples qui ont élu les dirigeants précités, c'est le président français. Cette montée en tension n'est pas imputable au seul Emmanuel Macron, elle est à l'œuvre depuis que les progressistes autoproclamés ont décidé que l'Europe se ferait contre les peuples, c'est-à-dire depuis le non au référendum sur la Constitution européenne en 2005 qui ne fut pas respecté. Le mépris du « non », pourtant majoritaire, par les présidents Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron est fondamental pour comprendre la défiance des Français à qui on dénie toute forme d'intelligence politique quand ils ne votent pas comme on le leur prescrit. Cette atteinte profonde au contrat civique fondateur de la démocratie n'est pas le fait des partis « lépreux » que je sache.

    Plus grave, l'énormité historique suivante : l'Europe de l'entre-deux-guerres n'est évidemment pas lisible en termes politiques comme l'Union européenne des 28. Elle était composée d'États-nations souverains qui n'obéissaient pas à une entité supranationale comme c'est notre cas. En outre, aujourd'hui, l'hégémonie mondiale de l'idéologie capitaliste ultralibérale est telle qu'aucun modèle n'émerge pour s'opposer sérieusement à elle, alors que dans l'Europe d'entre-deux-guerres, des idéologies concurrentes puissantes avaient pris forme parmi les peuples (communisme, fascisme, nazisme) et se sont cristallisées politiquement dans trois pays, la Russie, l'Italie puis l'Allemagne. Autre différence et non des moindres s'agissant de menaces pour la paix : l'URSS et le IIIe Reich avaient des ambitions d'expansion territoriale, sinon d'hégémonie planétaire, et il s'agissait de nations hyper militarisées. En quoi les « lépreux » Orban et Salvini - pour ne retenir qu'eux - ont-ils une quelconque ambition belliqueuse de cette nature ? Ils souhaitent simplement se concentrer sur leurs intérêts strictement nationaux, protéger leurs frontières de flux migratoires incontrôlés par l'Europe de Schengen, refuser la société multiculturelle dont ils observent les échecs en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique. C'est un choix de souveraineté politique, leurs citoyens les ont élus pour cette politique et peuvent se dédire aux prochaines élections puisque ni Orban ni Salvini pour l'heure n'ont remplacé la démocratie par l'autocratie.

    Autre aspect de cet absurde raccourci comparatif : dans les trois cas, URSS, Italie fasciste, Allemagne nazie, la prise du pouvoir n'a rien eu de démocratique à la différence des gouvernements italiens, autrichiens ou hongrois vilipendés par Emmanuel Macron. La Russie est devenue l'URSS à la suite de la révolution bolchévique qui fut pour le moins un coup de force, venue d'une minorité politique extrémiste, favorisé par le contexte tragique des défaites militaires russes, la Russie de Nicolas II étant membre de la Triple entente. Staline prit le pouvoir après la mort de Lénine en 1924 après avoir éliminé tous ses concurrents, tout aussi violents politiquement et antidémocrates que lui, mais probablement moins malades mentalement que le Petit père des peuples. Mussolini accéda au pouvoir après une forme d'itinérance au demeurant ratée, la marche sur Rome d'octobre 1922. Cette démonstration de force maquillée a posteriori par le Duce en coup d'État, aura suffi à vaincre une démocratie italienne sans boussole, minée par les conflits internes, qui s'effondrera d'elle-même laissant Mussolini instaurer sa dictature fasciste, qui servira en partie de modèle à Hitler.

    Ce dernier n'a pas été élu démocratiquement, contrairement à la doxa qui sert le discours sentencieux actuel envers les citoyens-électeurs, à grand renfort de « retour des heures sombres » et d'entrisme par les Forces du Mal au sein de notre vertueuse machine démocratique. En effet, dans l'Allemagne de la jeune République de Weimar, née de l'effondrement du Reich en 1918, l'assemblée était élue à la proportionnelle intégrale et jusqu'aux élections de 1932 le NSDAP, le Parti des Travailleurs allemands Socialiste et National, ne dépasse pas les 20 %. Hitler échoue également à l'élection présidentielle de 1932 qui voit la réélection d'Hindenburg. Cette campagne aidera en effet le NSDAP à engranger des voix aux législatives suivantes puisque le parti dépasse les 30 % des suffrages, pour autant il n'est pas majoritaire. La majorité était composée par une coalition de centre-gauche qui n'échappa pas aux luttes intestines largement alimentées par la gauche (SPD et KPD), et empêchera la nomination d'un gouvernement d'union nationale qui aurait peut-être pu réduire la puissance montante du NSDAP. C'est l'incapacité des forces politiques démocratiques (cet adjectif est-il seulement admissible pour le KPD…) à s'entendre pour gouverner ensemble qui explique aussi qu'Hindenburg dût se résoudre à nommer Hitler. Il était après tout le chef du parti qui avait obtenu, seul, 33 % des voix aux législatives, mais les démocrates, en se coalisant durablement, pouvaient faire obstacle à sa nomination au poste de Chancelier. C'est leur faiblesse qui fit sa force, et non pas un imaginaire raz-de-marée électoral laissant penser que le peuple allemand aspirait unanimement à suivre Hitler dans les années 1930.

    Quant à réduire la montée des totalitarismes dans l'entre-deux-guerres à une conséquence de la crise de 1929 comme le laisse croire le président Macron, c'est encore voir l'histoire par le petit bout de la lorgnette. Ce genre de raccourci ne sert à faire comprendre ni le passé, ni le présent, il sert à manipuler l'opinion pour une politique à venir décidée sans le consulter. La crise de 1929 a montré pour la première fois à l'échelle mondiale, où conduisaient le capitalisme financier et sa spéculation sans limite, les prises de bénéfices indignes des gros opérateurs financiers en plein cœur d'une crise sans précédent, son culte de l'argent-roi et déjà l'économie ouverte à tous les vents mauvais. La critique de ce capitalisme amoral, contraire aux intérêts des peuples souverains, destructeur de la nature, asservi aux machines et transformant l'homme lui-même en machine, fut étouffée pendant des décennies par les délires des théoriciens de la lutte prolétarienne. Ils ne firent qu'alimenter la puissance capitaliste qui conduira à la multiplication des crises économiques jusqu'à celle de 2008 dont aucun dirigeant n'a réellement tiré la moindre analyse qui se transformerait en action politique. Au contraire, comme dans une course vers l'abyme on alimente plus que jamais la destruction de tout ce que l'humanité a forgé en plus de cinq mille ans d'histoire. L'homme atomisé machine à consommer est le produit de cette crise, on l'endort en lui promettant comme seul horizon de bonheur « plus de pouvoir d'achat ». Emmanuel Macron est l'homme de ce système : la société ouverte, inclusive, du village global, des flux sans contrôle de marchandises et des hommes - catégories bientôt synonymes. Et pourtant il ose accuser dans ces propos les « grands intérêts financiers qui dépassent parfois la place des États ». On peut être stupéfait quand cela est dit par le fondé de pouvoir de la Commission de Bruxelles ! Mais c'est habile pour convaincre une opinion publique rendue amnésique qu'on la protège des petits Hitler à nos portes, elle qu'on a rendue aveugle aux conséquences de l'irréparable. Cet irréparable est né quand l'économie industrielle au XIXe siècle prit le pas sur la politique au nom du Progrès, quand le capitalisme financier décréta la mise à mort des nations européennes seules capables de circonscrire sa dangerosité tant pour l'humanité que les écosystèmes. Cet irréparable est né quand des experts-comptables au service d'une oligarchie financière mondiale prirent la place des hommes d'État soucieux de défendre les intérêts de leur nation et de protéger leurs citoyens, tous leurs citoyens.   

    41zpjLhBYBL._SX320_BO1,204,203,200_.jpgBarbara Lefebvre est enseignante et essayiste, auteur de Génération j'ai le droit, (éd. Albin Michel 2018). 

     

     

     

    Lire aussi dans Lafautearousseau le dernier Lundi de Louis-Joseph Delanglade  Un président ne devrait pas dire ça

  • Un président ne devrait pas dire ça

     En sommes-nous là ? Impasse comparative ?

    par Louis-Joseph Delanglade
     

    sinistra-italiana_una-nuova-proposta-il-documento_sfondo-rosso-170204 - Copie.jpg

    Alors qu’il commence son « itinérance mémorielle » à l’occasion du centenaire de 1918, M. Macron vient de prouver qu’il est décidément fâché avec l’Histoire.

    Il faut quand même une bonne dose de méconnaissance ou de mauvaise foi ou d’esprit partisan, ou des trois,  pour se dire « frappé par la ressemblance entre le moment que nous vivons et celui de l’entre-deux-guerres » (Ouest-France, mercredi 31). M. Macron nomme ainsi les dangers qui menaceraient l’Europe : d’abord « les peurs, le repli nationaliste, les conséquences de la crise économique » ; ensuite « celui de se démembrer par la lèpre nationaliste et d'être bousculée par des puissances extérieures. Et donc de perdre sa souveraineté » (sic). Commençons par là : en quoi l’Union européenne (car c’est d’elle, et non de l’Europe qu’il s’agit) est-elle souveraine ? Hormis dans le domaine de la monnaie unique dont les bienfaits et les méfaits sont encore discutables, l’Union ne dispose d’aucun des attributs de la souveraineté réelle : elle n’est même pas capable de tenir ses propres frontières. La souveraineté ne relève de toute façon que des Etats et c’est seulement leur entente directe qui peut permettre de fonder une défense commune, au sens large du terme. 

    Pour le reste, et suivant la formule de Mme Lefebvre (Le Figaro, jeudi 1), il s’agit d’une « impasse comparative » ; nous ajouterons : une manipulation scandaleuse de l’Histoire à des fins politiciennes. Dans les années trente, existaient en effet en Europe deux grandes puissances impérialistes et sur-militarisées, l’Allemagne et l’Union soviétique. Des alliances, des blocs, des pays hostiles que tout poussait vers la guerre : rien de cela, aujourd’hui, aucun pays européen ne menaçant un autre pays européen. S’il existe bien une tendance hostile, c’est la réaction commune et légitime contre ce qui est perçu par tous les peuples d’Europe comme le même ennemi : l’islam. Au lieu d’ânonner que « le nationalisme, le populisme l-annee-1929.jpgc’est la guerre », le chef de l’Etat aurait dû ajouter pour dire la vérité « la guerre à l’islam conquérant » qui nous agresse tous. Curieusement, M. Macron n’y fait pas allusion ; pas plus qu’il ne voit de similitude - lui qui aime pourtant les comparaisons -  entre le rôle du capitalisme financier et spéculatif dans la crise de 1929 et celui de ce même capitalisme financier et spéculatif aujourd’hui. 

    Mais il s’agit pour notre président de revendiquer son appartenance au camp « progressiste » (dénomination qui porte sa propre condamnation quand on voit où la religion du progrès nous a menés) et d’opposer dans un manichéisme historique insensé les camps du bien et du mal. Pire qu’une réduction caricaturale, ses propos constituent une insulte inadmissible pour certains de nos voisins, amis et alliés d’Europe. En laissant croire qu’on peut les comparer aux nazis ou aux bolcheviks, dont on sait tout le mal qu’ils ont pu faire ; en les traitant de lépreux, même s’ils ne sont pas nommés. Nommons-les donc : MM. Orban, Salvini, Kurtz, Morawiecki, etc. et les peuples de Hongrie, d’Italie, d’Autriche, de Pologne, etc.. Pour les avoir anathématisés ainsi, M. Macron mérite l’opprobre : lui, le moraliste hypocrite, vient de mettre ses pas dans les pas des tricheurs de 2005, ce pays légal européiste, politiciens de droite et de gauche confondus, qui refusa de respecter le « non » du peuple au référendum sur la Constitution européenne ; il est, écrit encore fort justement Mme Lefebvre, « l'homme de ce système : la société ouverte, inclusive, du village global, des flux sans contrôle de marchandises et des hommes - catégories bientôt synonymes. » Il est donc l’homme d’un système qui porte l’entière responsabilité de l’enchaînement des causes et conséquences ayant conduit l’Union, et avec elle l’Europe, au bord du précipice : invasion migratoire, assujettissement aux marchés financiers, refus de tout ce qui devrait faire notre fierté d’être l’Europe et impuissance induite d’envisager de nous défendre sérieusement. 

    870x489_maxpeopleworld973046.jpgMais M. Macron a quand même compris quelque chose : l’échec de son parti aux élections européennes du printemps prochain pourrait bien lui causer de très gros soucis. S’il tord le cou à l’Histoire, c’est donc bien pour la mettre de son côté. Cette instrumentalisation ne trompe pourtant personne, sauf certains journalistes particulièrement incultes. Pour se rassurer, M. Macron pourra toujours se dire qu’il a le soutien de M. Hollande, lequel vient de dénoncer (Rennes, jeudi 1) le « moment très grave pour la démocratie » que constitue la « vague » populiste actuelle. « Il ne faut jamais croire que la démocratie peut être irréversible », a-t-il ajouté. M. Hollande a parfois du bon sens.  

  • Médias • Le Figaro du jour, comme s'il n'y avait que Donald Trump pour électriser des élections ...

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    La différence est que Trump a quelques chances de gagner les siennes ...

  • Ce libéralisme sans frein qui écrase les pays et les producteurs.

     
    Par Jean-Philippe Chauvin
     

    1262631406.jpg

    Le libéralisme mondialisé paraît aujourd'hui si dominateur que rien ne semble devoir l'ébranler, et la cinglante réplique de Margaret Thatcher aux partisans du keynésianisme, « There is no alternative », a désormais valeur d'idéologie officielle à la tête de l'Union européenne, si bien incarnée par la rigidité technocratique d'un Pierre Moscovici qui s'en prend aujourd'hui aux États espagnol et italien parce que ceux-ci, après des années d'austérité, souhaitent redistribuer plus justement (même si l'on peut discuter des aspects de cette redistribution) les fruits des efforts précédents : après tout, il n'est pas injuste de vouloir redonner un peu d'air à des populations « de base » sur lesquelles ont longtemps reposé les politiques de restriction budgétaires tandis que les grandes sociétés multinationales locales, elles, se sont avérées parfois fort généreuses avec leurs actionnaires... Mais la Commission européenne ne l'entend pas de cette oreille, arguant que les dettes publiques de ces deux États sont trop élevées pour se permettre de faire des « cadeaux » aux contribuables espagnols et italiens, et elle a même rejeté le budget de l'Italie ce mardi. La France pourrait bien, d'ailleurs, faire les frais de cette intransigeance européenne, au risque d'accentuer encore un mécontentement social et populaire qui ne se limite pas aux seuls retraités. La « promesse de l'Europe » semble bien s'être noyée dans les considérations comptables, celles-la mêmes que méprisait de Gaulle, non pour les nier mais pour les remettre à leur place qui ne doit pas être la première. 

    euro-ombre.jpgLe libéralisme actuel de la Commission européenne a, il y a quelques années et encore aujourd'hui, empêché les États de défendre efficacement leurs industries nationales, au nom des droits des consommateurs qui, en définitive, s'apparente plus à ce « devoir de consommation » qui s'impose en société de consommation au détriment, souvent, des producteurs comme de l'environnement. La mondialisation est souvent vantée comme le moyen d'avoir les prix les plus bas, au risque d'en oublier la justice sociale et l'intérêt national bien compris, ce que le royaliste social et corporatiste La Tour du Pin a, dès la fin XIXe siècle, dénoncé avec vigueur à travers articles et publications nombreux. Son monarchisme était « illibéral », non par idéologie mais par souci social, et il serait peut-être encore plus sévère avec un libéralisme contemporain qui, comme hier, veut absolument s'émanciper de toute contrainte et refuse toute notion de limites, au seul profit de l'égoïsme individuel et oublieux de toute réalité environnementale. 

    Bien avant que la mondialisation libérale soit devenue la « norme », La Tour du Pin avait discerné les risques de celle-ci pour les activités productives de notre pays et pour les conditions de travail comme de vie des exploités de ce système qui, en définitive, s'avère l'un des plus grands dangers pour l'équilibre des sociétés et la justice sociale, malheureusement si négligées désormais par les oligarques qui gouvernent l'Union européenne. 

    En quelques lignes, parues dans les années 1880, tout, ou presque, est dit et annoncé : « Le système de la liberté sans limites du capital a-t-il développé la production, comme on le prétend, aussi bien qu'il l'a avilie? Nullement. Il l'a laissée dépérir sur le sol national, en émigrant lui-même, là où il trouvait la main d’œuvre (...) à meilleur marché (...). Les conséquences du système lié à la multiplicité des voies de communication (...) seront de ne plus pourvoir le marché que par les produits des populations les plus misérables; le coolie chinois deviendra le meilleur ouvrier des deux mondes, parce qu'il n'aura d'autre besoin que ceux de la bête. Puis, comme l'ouvrier, l'ingénieur, l'agent commercial, le banquier lui-même seront pris au meilleur marché. (...) Voilà comment une décadence irrémédiable attend, dans l'ordre économique,la civilisation de l'Occident au bout de cette voie de la liberté du travail où elle s'est engagée avec la doctrine de ses philosophes pour flambeau, la science de ses économistes pour guide, et la puissance de ses capitalistes. » 

    la tour du pin gar.jpgExtrait du livre "Vers un ordre social chrétien", rédigé par René de La Tour du Pin, qui fût toute sa vie un ardent défenseur de la Cause monarchique sociale, et qui voyait loin, ce texte paraît aujourd'hui prémonitoire... Pour autant, il n'est pas un appel au fatalisme mais, au contraire, un appel à réagir en condamnant ce capitalisme libéral, règne d'une « fortune anonyme et vagabonde » : réagir, non par l'imposition d'un étatisme tout aussi, bien que de manière différente, dévastateur pour les libertés des producteurs ; réagir par la renaissance du politique qui doit imposer, de par sa présence tutélaire et de par son essence publique, le nécessaire esprit de « devoir social » aux forces économiques et financières de ce pays, et à celles qui prétendent y faire affaire...   

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Destins français ...

    Charles Mauras et Stephen Miller, l'Américain 

     

    580234331.2.jpgOn a beau avoir voulu étouffer la pensée de Maurras sous des reproches d'infamie, avoir cru s'en être débarrassé en le réputant coupable d'une vilaine affaire de trahison à quoi personne n'a pu croire, sa pensée, comme une source dont on voudrait arrêter de force le jaillissement, ne cesse de se répandre, d'exercer, comme jadis, son influence sur les esprits les plus lucides, les mieux informés, les plus agiles et, finalement  les plus influents du moment parmi ceux qui refusent la perspective d'un dépérissement français définitif.   

    Il arrive même que l'impact des idées maurrassiennes atteigne les plus hautes sphères de l'appareil d'État, le sommet des rouages de la République, comme cela fut le cas sous la présidence de Nicolas Sarkozy, lorsque Patrick buisson fut son principal conseiller, en tout cas le plus écouté. En vain, mais la filiation maurrassienne de Patrick Buisson, pour qui l'a lu et a lu Maurras, est des plus évidentes. On sait que même Outre-Atlantique, de grands lecteurs de Maurras, Steeve Banon, Steffen Miller, ont entouré le président Trump, écrit ses discours ...

    Ce n'est pas un hasard si ces penseurs ou ces praticiens de la chose politique prennent les doctrines de Maurras pour l'une de leurs références. Ces gens-là ne sont pas issus des vieilles fidélités maurrassiennes qui, de toute façon, ont déjà quitté ou sont en train de quitter la scène du monde. C'est parce que ces doctrines sont une des clefs de lecture du monde actuel tel qu'il est réellement et non pas fantasmé. L'une des plus fécondes, des plus efficaces pour comprendre nombre de situations et de phénomènes contemporains.

    De sorte que se reconnaître héritiers de la pensée de Maurras, comme nous-mêmes, ce n'est pas se raccrocher au passé, à une pensée d'un temps stupidement dit révolu, c'est parler de l'actualité. Et dans l'actualité.

    Cw4dB_kXEAASYVP.jpgLes trois auteurs de livres politiques de très loin les plus lus, ceux qui font les plus grands tirages, les succès les plus spectaculaires, sont aujourd'hui Philippe de Villiers, Patrick Buisson et Éric Zemmour. Tous trois - quoique très différemment - pétris de culture et d'influences maurrassiennes et bainvilliennes. A en faire frémir d'horreur Raphaël Glucksmann et susciter ses larmes faciles. Lacrimae rerum .. ?

    Éric Zemmour, dans ses textes aussi bien que dans les innombrables débats auxquels il est invité parce qu'il est gage d'audience, ne cesse de se référer à l'Action française, au grand Bainville, à Maurras, reprenant ses analyses, ses expressions, implicitement ou explicitement. Il a même le courage de le défendre jusque dans ses aspects les plus contestés. Courage intellectuel et compétence historique qui manquent à beaucoup et jusque dans les rangs de l'Action française stricto sensu.

    destin-francais-1118916-264-432 - Copie.jpgDans Destin français,  cette présence « Action Française » a aussi ému Laurent Joffrin qui s'est offert le luxe (il est né dedans, dit-on) de publier dans Libération, le 16 octobre, un article intitulé Charles Zemmour et Eric Maurras, reprenant ainsi une formule qu'il doit trouver spirituelle puisqu'il l'avait déjà utilisée en février de cette année. De cet article, la dernière phrase dit tout : « le livre s'appelle Destin français. Il y avait un meilleur titre : Action française. » Une obsession, décidément. Mais oui, pourtant, action française c'est très bien.   

    En somme, si nous parlions moins ou pas du tout de Maurras, comme on nous y invite parfois, nous finirions par être les seuls ... Qu'y gagnerions-nous ? Ni la bienveillance de nos adversaires, ni celle des médias, ni la considération de quiconque. Pas même la nôtre propre.

    Ignorer Maurras, ce pourrait être, après tout, une tactique. On aura compris que ce n'est pas celle que nous retenons.  

    Retrouvez l'ensemble des chroniques En deux mots (101 à ce jour) en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • « Charles Zemmour - Eric Maurras » et ... Laurent Joffrin. Y a pas photo !

    Entre Maurras et Joffrin, la différence est entre un maître de la pensée et un comique-troupier 
    Par Laurent Joffrin
    Libération, 1

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgLibération étant plutôt en perdition - à vendre au premier milliardaire de passage - on est plus habitué à voir Laurent Joffrin sur les plateaux de télévision qu'à le lire dans son journal. Il y donne toujours l'impression de se payer la tête de son voisin, prend l'air supérieur, goguenard, dispensateur de leçons, définisseur du Bien et du Mal, distribue les bons et les mauvais points avec une autorité détachée des choses mineures et parle la langue de bois universelle des bobos friqués de la gauche fraternelle.  

    Nous ne commenterons pas cet article, archétype de polémique langagière et de mauvaise foi. Il faut le lire pour se faire une idée de la chose. Le lecteur appréciera, rectifiera ! Lafautearousseau

     

    logo-LIBERATION.jpgCharles Zemmour et Eric Maurras

    Le livre du polémiste favori de l’extrême droite se présente comme une contre-histoire. Il ressuscite en fait un récit nationaliste et autoritaire, remplaçant la haine des Juifs par la dénonciation de l’islam. 

    652850-france-media-nouvel-observateur-jofrin.jpgCette fois la pensée de droite a franchi la ligne rouge. On le pressentait depuis que l’obsession de l’identité - que certains, hélas, encouragent à l’extrême gauche - a conduit au procès oblique de « l’idéologie des droits humains ». Avec Zemmour c’est chose faite. Son Destin Français, dernier opus du publiciste favori de l’extrême-droite, ne livre qu’un seul message : les libertés publiques sont désormais un obstacle au salut de la nation. Une phrase résume le livre (p. 191) : « Ignorant les leçons du passé et oubliant les vertus de son histoire, la France saborde son État au nom des droits de l’homme et l’unité de son peuple au nom de l’universalisme. » La liberté : voilà l’ennemie.

    Après une introduction personnelle, plutôt bien troussée, Zemmour livre un essai chronologique, de Clovis à nos jours. Le livre se présente comme une contre-histoire qui dégonfle les mythes officiels - ce qui se conçoit. Il déterre en fait l’histoire monarchiste nationaliste telle qu’elle fut diffusée par Maurras, Bainville et quelques autres entre les deux guerres. Une histoire cursive, soigneusement écrite, mais une histoire à œillères, outrageusement partisane.

    Pour Zemmour, l’histoire de France commence avec Clovis. Choix significatif. Bien sûr, le roi franc a étendu par la guerre son petit fief de Belgique à un territoire qui évoque l’actuel hexagone, il a choisi Paris pour capitale et, surtout, il s’est converti au christianisme. Pour le reste, le choix est arbitraire : Clovis n’a rien de français (il s’appelle Chlodowig et parle une langue à consonance germanique) et n’a aucunement l’idée d’un pays qui pourrait s’appeler la France. A sa mort, son royaume se désunit et il faut attendre deux siècles pour que Charles Martel reconstitue une entité hexagonale, elle-même englobée dans l’empire de Charlemagne - Karl der Grosse pour les Allemands, qui le revendiquent tout autant - puis de nouveau divisée après le traité de Verdun de 843. A vrai dire, les historiens s’accordent pour dater de Bouvines, ou de la guerre de Cent Ans, l’apparition d’un royaume qui annonce la future France, avec un début de sentiment patriotique. Le choix de Clovis n’a qu’une seule origine : la volonté de célébrer « les racines chrétiennes » du pays.

    « Pour moi, l'histoire de France commence avec Clovis choisi comme roi de France par la tribu des Francs qui donnèrent leur nom à la France...» 

    Charles de Gaulle, 1965

    Tout est à l’avenant : on met en scène un peuple catholique par nature patriote, opposé à des élites cosmopolites. Jeanne d’Arc mobilise le camp armagnac, plus conservateur, contre les Bourguignons alliés aux Anglais, pourtant tout aussi « français » que leurs adversaires. Louis XIII et Richelieu ont cent fois raison de réprimer les protestants, accusés de séparatisme ; Catherine de Médicis tente la réconciliation pendant les guerres de religion, mais bascule du côté des catholiques avec la Saint-Barthélémy que Zemmour justifie à mots couverts pour approuver ensuite l’instauration de l’absolutisme - éloge ému de Bossuet -, régime régressif qui a pour seul mérite d’unifier la future nation. Louis XIV, autre héros zemmourien, expulse les protestants, œuvre pie. Il a pourtant ruiné son peuple et mené des guerres incessantes et vaines. Pas un mot sur le Code noir et l’essor de l’esclavage organisé par Colbert au nom du Roi-Soleil.

    Louis XIV, des guerres incessantes et vaines ?

    Relire Louis Bertrand ! Et tous les historiens honnêtes … Le Roussillon, l’Artois, la Franche-Comté, l’Alsace … et surtout un prince français sur le trône d’Espagne. Louis XIV a reconnu avoir trop aimé la guerre mais les guerres qu'il a menées n'ont pas été « vaines » ...

    Les Lumières inoculent à la vieille France l’illusion universaliste qui corrompt l’identité française. Le chapitre sur Voltaire (qui avait certes des défauts) n’est qu’une démolition systématique ressuscitant le vieux réquisitoire réactionnaire contre le philosophe et son « hideux sourire ». Robespierre bénéficie d’un éloge paradoxal pour avoir incarné une République impérieuse et nationale. Sans craindre la contradiction, Zemmour porte aux nues l’insurrection vendéenne (classique de la littérature monarchiste) alors qu’elle fut massacrée sans retenue sous l’égide du même Robespierre. Bonaparte est célébré pour avoir mis fin à la Révolution et étendu sur l’Europe une tyrannie dont Zemmour passe sous silence les tares les plus évidentes. Les Anglais puis les Américains sont fustigés comme agents de la mondialisation sans âme. Le Front populaire disparaît, comme sont effacées du récit les conquêtes du mouvement ouvrier. Pétain est réévalué (réhabilité ?) parce qu’il a opposé aux Allemands son « bouclier » complémentaire du « glaive » de la France libre, vieille thèse maréchaliste qui revient à jeter aux orties le travail des historiens contemporains. La théorie du « bouclier » s’effondre d’elle-même quand on remarque que Pétain a poursuivi la collaboration jusqu’au bout pour finir à Sigmaringen après avoir prêté la main à la déportation des Juifs. Drôle de bouclier…

    Pétain a été emmené de force par les Allemands à Sigmaringen. Il y était prisonnier ...

    Bref, Zemmour ressuscite la vieille histoire maurrassienne, autoritaire, traditionaliste et antisémite, se contentant de remplacer la haine des Juifs par la dénonciation de l’islam. Le livre s’appelle Destin français. Il y avait un meilleur titre : « Action française ».   

    Destin français, Eric Zemmour  Albin Michel, 576 pp., 24,50 €

  • D'accord avec Jacques Myard : « Un coup de froid est tombé sur la France, au propre comme au figuré… »

     

    Par Jacques Myard

    Un article où Jacques Myard frappe fort - mais juste, à son habitude. Il a malheureusement raison ; ses diagnostics sont exacts. [Boulevard Voltaire, 14.11]. 

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    Un coup de froid est tombé sur la France, au sens propre et au sens figuré : le gouvernement, qui gouverne visiblement à vue, apparaît dépassé par les événements.

    Certes, Jupiter essaie de reprendre la main qu’il a perdue à la suite de la ténébreuse affaire Benalla et de la diffusion de selfies étonnants avec des repris de justice torse nu aux Antilles – sans doute l’effet de la canicule… Pour reprendre la main, Jupiter utilise une méthode vieille comme le monde : porter le combat sur la scène internationale pour faire oublier le tumulte intérieur !

    Voilà donc Jupiter parti en guerre contre ces mauvais Européens, ces souverainistes, ces populistes champions de la démocratie illibérale qui menaceraient l’Europe dont il rêve et qui relève de la chimère ! On pourrait en rire, sauf qu’il est président de la République française, dont la mission en Europe est de distiller l’apaisement, conforme, justement, à sa vision d’Europe réconciliée avec elle-même après tant de douloureux affrontements. Jupiter fait preuve d’une rare incompétence à ce titre, et voudrait-il faire imploser l’Union européenne qu’il ne s’y prendrait pas autrement ! De l’amateurisme pur jus !

    Cela est d’autant plus inquiétant que la dimension internationale de notre destin devient de plus en plus prégnante et marquante sur les enjeux intérieurs. Quelques exemples :

    – Les Français s’apprêtent à célébrer le centenaire de 14-18, cette guerre qui a frappé toutes les familles, où l’on conserve pieusement le souvenir d’un aïeul engagé dans ce conflit ou tombé au champ d’honneur. V’là-t’y pas, comme aurait dit un poilu gouailleur, que Jupiter décide, pour complaire à la chancelière Merkel, au bord de l’abdication, de ne pas célébrer ce centenaire comme étant une victoire militaire.

    – Les flux migratoires sont aussi un sujet de prédilection pour Jupiter, qui vit les délices de la quadrature du cercle. D’un côté, les préfets font remonter des informations alarmantes sur les banlieues et le ras-le-bol des indigènes (il s’agit des Français) ; le dernier locataire de la Place Bauveau, Gérard Collomb, a très bien traduit la situation : « On vit aujourd’hui côte à côte et bientôt face à face. » De l’autre, les clones de la Macronie aiguillonnés par les révolutionnaires en peau de lapin saluent les exploits de l’Aquarius, oubliant avec une totale hypocrisie sa complicité avec les passeurs mafieux.

    Sur le plan intérieur, la politique économique et fiscale se pimente fortement car c’est une saga de contradictions qui conduit au ralentissement économique et, malheureusement, à la hausse du chômage et, surtout, à une baisse de pouvoir d’achat pour les Français ! Les choses sont pourtant simples : on ne peut pas simultanément taxer les ménages, surtout les professions libérales et les retraités avec la CSG, augmenter les taxes parafiscales sur les carburants et réduire massivement les investissements par une politique de rabot, en supprimant la taxe d’habitation pour les collectivités qui effectuent 70 % des investissements publics, le tout pour rester dans les clous de Bruxelles !

    Mais c’est surtout en matière de sécurité que la situation se dégrade : la réalité est que, chaque jour, les pompiers, les policiers sont caillassés dans les banlieues lors de leurs interventions. Si, d’aventure, des policiers réagissent et utilisent leurs armes, ce sont eux qui sont mis en cause et il leur faudra prouver qu’ils sont en légitime défense. Étrange conception de l’autorité : refuser de s’arrêter à un contrôle de police et se scandaliser que les policiers puissent tirer traduit un incroyable renversement des principes ; à un contrôle de police, on s’arrête !

    Tout cela a un fort parfum de décadence, de remise en cause de l’autorité, principe qui ne se confond pas avec l’autoritarisme.

    Le navire France a le mal de mer, le commandant promu au gouvernail par un concours de circonstances n’a pas de boussole pour un cap clair, malgré les affirmations de ses subordonnés aux ordres.

    Oui, mais ça ne va pas durer, car ça ne peut pas durer !   

    Jacques Myard
    Homme politique
    Député-maire de Maisons-Laffitte
  • Mini-dossier : Le militantisme végan, un nouveau terrorisme ?

     

    Par Philippe Granarolo
     

    4e64ba1f939c6823d708fbf5bae82f44_400x400.jpgComment nier l’indignation qu’ont suscitée les vidéos publiées par le collectif L214 sur les réseaux sociaux, vidéos mettant en évidence l’intolérable violence faite aux animaux dans certains abattoirs ? Y a-t-il cependant le moindre lien logique entre cette émotion légitime et ce qu’on dénomme aujourd’hui « animalisme », autrement dit cet ensemble d’hypothèses selon lequel les humains devraient cesser de se considérer comme des animaux particuliers ? 

    Y a-t-il le moindre lien logique entre l’émotion suscitée par les violences marginales commises dans quelques abattoirs et le fait que des boucheries soient régulièrement attaquées par des militants végan ? Que les professionnels de la viande aient récemment lancé un appel aux autorités pour les protéger peut-il être accepté dans notre démocratie ? Nous allons démontrer qu’il n’en est rien et que le lien supposé est irréel. 

    D’inquiétantes dérives intellectuelles caractérisent tous les courants animalistes, et si des excès doivent bien sûr être dénoncés dans les traitements infligés parfois aux animaux, les excès aussi inquiétants de l’idéologie animaliste doivent l’être avec la même vigueur. 

    Le véganisme : une idéologie inquiétante 

    L’animalisme (1) présente toutes les caractéristiques des idéologies qui ont fait tant de ravages au cours du XXe siècle. En premier lieu, les animalistes constituent une infime minorité de la population, comme ce fut le cas pour les « avant-gardes » idéologiques qui les ont précédés. D’après toutes les études dont nous pouvons disposer, les végétariens déclarés représentent environ 1.4 % de la population française, la part des végétaliens et des véganiens étant proche du 0 %. Or ces minorités, qui ont bien entendu le droit absolu de se nourrir comme elles l’entendent, veulent imposer à tous leur régime alimentaire. Quant à l’hypothèse selon laquelle, en dépit de ces pourcentages ridicules, une forte demande sociale existerait dans la population pour exiger les mesures recommandées par les animalistes, rien ne permet de la défendre. Ce fut précisément le propre des idéologies les plus nauséabondes que de prétendre être la voix de la majorité silencieuse. 

    En second lieu, animalistes et véganiens disposent d’une incontestable caisse de résonance médiatique. D’abord parce qu’ils savent jouer à merveille du « politiquement correct » qui nous submerge. Depuis une trentaine d’années, un brouillage généralisé des différences entre les sexes, entre les civilisations, entre les générations, s’est imposé comme la seule forme de pensée respectable. L’Europe est colonisée par une mode américaine, par cet hyperrelativisme né dans les campus des États-Unis qui, après avoir nié la dualité des sexes (par le biais des fameuses gender studies), s’attaque aujourd’hui aux différences entre l’homme et les animaux (on parle à présent des animal studies sur le modèle précédent). Cet hyperrelativisme qu’a si bien dénoncé le regretté Jean-François Mattei dans ses principaux ouvrages (2) a ceci de redoutable qu’il frappe d’anathème quiconque n’y souscrit pas, nouvelle déclinaison de la vieille stratégie totalitaire invitant à qualifier de « fascistes » tous ceux qui s’opposaient de près ou de loin à l’idéologie communiste. 

    En troisième lieu, on notera que la puissance médiatique de l’hyperrelativisme est d’autant plus grande que nous vivons dans la contestation des compétences et que la parole, à propos de n’importe quel sujet, de tout individu ayant acquis une reconnaissance médiatique (généralement télévisuelle) est considérée comme aussi pertinente et digne d’intérêt que celle d’un spécialiste ayant passé sa vie à explorer le domaine en question. Nier cette équivalence serait faire preuve d’un monstrueux élitisme et d’une atteinte insupportable à l’égalité républicaine. 

    caca.jpgViolents et hypermédiatisés alors qu’ils ne représentent qu’une portion infinitésimale de la société, animalistes et véganiens affichent toutes les caractéristiques des idéologues fascistes.

    Énoncée aussi brutalement, la thèse paraîtra peut-être d’un simplisme grossier. Comment, va-t-on m’objecter, des convictions refusant la violence faite aux animaux pourraient-elles avoir quoi que ce soit de commun avec les idéologies mortifères qui ont ensanglanté le siècle dernier ? Avant d’argumenter, je me contenterai de rappeler que la compassion envers les animaux n’a jamais garanti le respect dû aux êtres humains. Ainsi que le signale avec pertinence Jean-Pierre Digard dans L’animalisme est un anti-humanisme, il faut garder en mémoire « qu’Hitler était végétarien et qu’aucun régime politique n’eut une législation plus favorable aux animaux que le IIIe Reich » (3). 

    Animaux de compagnie et anthropomorphisme 

    La première cause historique de l’animalisme est sans doute l’explosion du nombre des animaux de compagnie qui a débuté au Moyen Âge et qui s’est accentué à partir du milieu du XXe siècle. Les populations contemporaines, très majoritairement citadines, ne connaissent guère le monde animal qu’à travers les animaux de compagnie dont le nombre a augmenté de façon exponentielle. En France, leur nombre a plus que doublé en un demi-siècle, passant de 30 millions en 1960 à 62 millions en 2014 : ils sont presque aussi nombreux que les humains peuplant notre territoire. 

    L’une des conséquences de cette évolution est l’aveuglement à l’égard de la violence faite aux animaux de compagnie. Victimes d’un anthropomorphisme outrancier, quantité de ces animaux de compagnie subissent une violence au moins aussi choquante que les violences dénoncées dans les abattoirs par le collectif L214. Au lieu de cibler systématiquement les éleveurs professionnels, les militants animalistes ne devraient-ils pas s’inquiéter d’abord de la terrifiante maltraitance que subissent dans notre société tant d’animaux de compagnie ? Combien de chiens, pour ne citer que ce seul exemple, servant de substituts aux enfants absents du foyer, présentent des troubles comportementaux gravissimes qui exigent le recours à un vétérinaire comportementaliste ? Combien d’animaux sauvages pris comme animaux de compagnie (amphibiens, reptiles, iguanes, serpents, etc.) meurent-ils d’être enfermés dans des espaces réduits ? 

    Humanisant leur animal de compagnie, à quelque espèce qu’il appartienne, nos contemporains, même très éloignés des convictions animalistes, sont tout près de sombrer dans un dualisme naïf proche de celui professé par les militants animalistes les plus radicaux. Il n’y aurait sur la planète que deux types de vivants, l’Homme et l’Animal. Alors qu’il existe des millions d’espèces animales toutes différentes, avec chacune ses spécificités, son mode de vie, son écosystème, l’animaliste fonde en effet son discours sur la notion aberrante de l’« Animal ». 

    Ceux qui voudraient rapprocher antiracisme et animalisme oublient un « détail » : le racisme est absurde parce que rien ne justifie scientifiquement l’idée de « races » au sein de l’espèce humaine, tandis que les espèces animales sont une réalité indiscutable. L’argument majeur en faveur de cette réalité des espèces est l’impossibilité pour celles-ci de copuler, et si elles le font, d’avoir une descendance qui soit le fruit des deux géniteurs. Tandis que deux humains, à quelque ethnie qu’ils appartiennent, peuvent avoir une descendance, ce qui apparemment n’a guère troublé les esclavagistes qui ont si souvent engrossé des femmes supposées d’une race inférieure à la leur. 

    Évoquer un droit des animaux relève du même anthropomorphisme, car la notion de droits, ainsi que l’ont démontré nos meilleurs philosophes, ne saurait se concevoir sans celle de devoirs. Les humains, dotés d’une conscience morale, ont des devoirs envers les animaux : avant toute chose le devoir de les traiter en respectant leurs particularités, en prenant en compte les caractères de l’espèce à laquelle ils appartiennent. On ne doit pas traiter un chien comme un chat, une vache comme un cheval. Encore faut-il connaître les espèces, et non pas l’« Animal » qui n’existe pas. Et reconnaître l’ineffaçable frontière entre les humains et les animaux, à propos de laquelle la remarque ironique du philosophe Fabrice Hadjadj vaut les démonstrations les plus abouties : « Avouons-le, nous ne rendrons jamais un lion végétarien » (4). 

    L’ignorance de la domestication et de l’élevage 

    Ne connaissant du monde animal que leurs animaux domestiques, nos contemporains ne s’intéressent guère à l’histoire de la domestication. Sans doute nos paysans ne possédaient-ils eux non plus aucune connaissance scientifique de cette histoire. Mais d’une part leur ignorance ne se prenait jamais pour un savoir, et la proximité dans laquelle ils vivaient avec les animaux de la ferme tenait lieu de substitut partiel au savoir qu’ils ne possédaient pas. Rien de tel avec nos animalistes, qui croient connaître l’« Animal » à l’aune de leur chien ou de leur chat. 

    Tout démontre que nos animaux domestiques ont d’une certaine manière participé activement à leur domestication, ce que savaient intuitivement nos paysans qui partageaient leur vie avec leurs vaches, leurs cochons et leurs poules. En spécialiste incontesté de la question, Jean-Pierre Digard nous apprend que « si la domestication a pu être réalisée, c’est que les animaux concernés y ont, en quelque sorte, consenti et même participé. Eux aussi partisans du moindre effort, bovins, ovicapridés, porcins et équidés ont vite perçu qu’en échange de leur liberté, ils s’assuraient nourriture régulière et protection contre les prédateurs : c’est ainsi que l’espérance de vie d’un cheval domestique (une vingtaine d’années) est le double de celle d’un cheval sauvage ». Il ajoute que « le cheval aurait probablement disparu s’il n’avait pas été domestiqué ». 

    Réclamer la « libération » d’animaux vivant en symbiose avec les humains depuis au moins dix millénaires relève sinon de l’ignorance, du moins d’un manque évident d’empathie véritable avec les espèces en question. Ayant passé toutes les vacances de mon enfance à proximité de fermes savoyardes, ayant côtoyé plusieurs mois par an les fermiers de Savoie et partagé leur quotidien, je peux témoigner de l’immense tendresse qu’ils éprouvaient à l’égard de leurs animaux. Ainsi chaque vache du troupeau avait un prénom auquel elle répondait. Pour ces fermiers non seulement l’« Animal » n’existait pas, mais même la « Vache » n’avait pas la moindre réalité, et ils avaient le cœur déchiré quand il fallait se séparer de l’une de leurs bêtes. S’il m’arrivait un jour de croire en la réincarnation, je préférerais mille fois renaître dans le corps d’une vache savoyarde achevant son existence à l’abattoir, que dans celui d’une gazelle africaine fuyant toute sa vie les prédateurs pour finir déchiquetée par une lionne ! 

    Une même ignorance pèse sur le monde de l’élevage. Quiconque a fréquenté ce monde a pu se rendre compte de la passion que les éleveurs ont pour leurs animaux. Et il convient de rappeler que la profession d’éleveur connaît un taux de suicide anormalement élevé découlant de la terrible pression que subissent des professionnels se sentant désignés à la vindicte populaire. Les éleveurs mériteraient de la part des animalistes la même compassion que celle qu’ils prétendent témoigner à l’égard des animaux d’élevage. 

    Les principaux mensonges des véganiens 

    Comme toute idéologie, l’animalisme construit son édifice en opérant un subtil mélange de vérités et de mensonges. Les véganiens voudraient nous interdire toute consommation carnée sous prétexte que les animaux subissent dans de rares abattoirs des violences intolérables. C’est un peu comme si l’on voulait nous interdire de circuler en voiture sous prétexte qu’il y a parfois des accidents, nous interdire l’avion au lendemain d’une catastrophe aérienne, supprimer tous les ponts de la planète après l’effondrement du viaduc de Gênes. Les véganiens en particulier justifient leur violence en sélectionnant, dans l’immense ensemble des élevages, des abattoirs, des transports d’animaux, les quelques faits révoltants qu’ils mettent en exergue. Dénoncer, précisément parce que nous sommes des humains dotés de conscience, les violences injustifiées faites ici ou là, est une chose. Imposer par la violence un régime végan à toute la population en est une autre ! 

    Un autre mensonge est l’affirmation selon laquelle une alimentation végétalienne ou végan serait sans danger. Notre espèce, omnivore depuis plus de deux millions d’années, trouve dans les produits animaux plus de la moitié des protéines nécessaires à son équilibre. Il suffit au demeurant de parcourir les sites de ceux qui prétendent nous interdire la consommation de viande pour découvrir qu’ils recommandent presque tous l’ingestion de compléments alimentaires comblant les carences d’un régime non carné.

    Troisième mensonge : nous serions des consommateurs frénétiques de viande, et cette hyperconsommation expliquerait pour une large part les maltraitances subies par des animaux victimes de notre hubris. Or la consommation de viande dans tous les pays développés n’a cessé de régresser. En France, par exemple, la consommation de viande est tombée de 100 kg par personne et par an à environ 60 kg par personne et par an aujourd’hui. Seule l’explosion démographique est responsable d’une hausse en valeur absolue de la consommation de viande : mais il faudrait alors dénoncer toutes les consommations qui augmentent du fait de l’augmentation de la population. 

    Véganisme et holocauste 

    Terminons notre propos par un raisonnement par l’absurde. Si nous cédions aux exigences des véganiens, quel sort devrions-nous réserver aux dizaines de millions d’animaux d’élevage de la planète ? Faudrait-il les éliminer et pratiquer un holocauste animalier digne des heures les plus sombres du nazisme ? Faudrait-il simplement les stériliser et les laisser vivre sans se reproduire, autre technique chère aux nazis ? Faudrait-il imaginer des maisons de retraite pour bovidés et ovins ? Faudrait-il les relâcher dans une nature sauvage qui n’existe pratiquement plus, et laisser vaches et moutons se faire dévorer par des prédateurs peu sensibles à la compassion ? 

    Le premier de tous les droits pour quelque vivant que ce soit est le droit à l’existence. Imposer à l’humanité entière de renoncer à manger de la viande, c’est retirer à tous les animaux domestiqués le droit à l’existence. Ceci bien entendu au nom de l’amour qu’animalistes et véganiens prétendent leur porter. Laissons une dernière fois la parole à Jean-Pierre Digard : « Ignorant à peu près tout de la réalité des animaux […] les animalistes ne les aiment pas vraiment ; sinon, ils commenceraient par se demander ce que deviendraient les milliards d’animaux domestiques dans le monde ». 

    Le tabou de la viande hallal 

    Les mouvements animalistes, en concurrence les uns avec les autres, se livrent à une incessante surenchère. Ils s’inscrivent par-là dans une tendance caractéristique de notre temps : la tendance à la radicalisation qui pousse les militants de certaines causes à juger insupportable que d’autres puissent avoir des idées ou des pratiques différentes des leurs. Les États-Unis ont classé le terrorisme de type écologiste au deuxième rang des menaces les plus grandes auxquelles le pays est confronté juste après l’islamisme radical. Cette proximité dans les menaces terroristes qui pèsent sur les pays développés serait-elle une simple coïncidence ? 

    Comparables aux islamistes radicaux qui ne veulent que notre bonheur en nous égorgeant, nous épargnant ainsi la monstruosité de la mécréance, les animalistes prétendent incarner une « avant- garde » éclairée agissant pour notre bien. N’y aurait-il pas une certaine connivence des islamo-fascistes et des végano-fascistes ? Comment comprendre autrement le fait que l’abattage hallal, de tous les modes d’abattage le plus barbare et le moins respectueux du bien-être de l’animal, ne soit jamais dénoncé par les militants véganiens ? À chacun de s’interroger …  

    1. Dans cette chronique, nous utiliserons indifféremment les mots « véganisme » et « animalisme », considérant le véganisme comme une forme radicale de l’animalisme. Cet usage sera peut-être jugé contestable : si nous avons fait ce choix, c’est seulement pour éviter de nous lancer dans des subtilités sémantiques qui auraient alourdi notre propos.
    2. Jean-François Mattei a magistralement dénoncé l’hyperrelativisme dans la plupart de ses ouvrages, les pages les plus convaincantes me semblant être celles qu’on peut lire dans La barbarie intérieure (Paris, P.U.F., 2004, p. 241-247) et dans Le regard vide(Paris, Flammarion, 2007, p. 273-275).
    3. L’ouvrage récent de Jean-Pierre Digard L’animalisme est un anti-humanisme (Paris, C.N.R.S. Editions, 2018) est l’étude la plus rigoureuse publiée sur ce sujet ces dernières années. Je recommande la lecture de cet essai auquel ma chronique doit beaucoup.
    4. L’homme est-il un animal comme un autre ? Figaro Littéraire, 23 octobre 2014.
    5. L’animalisme est un anti-humanisme, op. cit., p. 68-69.
    6. Ibidem 96.  
    Docteur d’Etat ès Lettres et agrégé en philosophie, Philippe Granarolo est professeur honoraire de Khâgne au lycée Dumont d’Urville de Toulon et membre de l’Académie du Var. Spécialiste de Nietzsche, il est l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment Nietzsche : cinq scénarios pour le futur (Les Belles Lettres, 2014), Le manifeste des esprits libres (L’Harmattan, 2017) et dernièrement Les carnets méditerranéens de Friedrich Nietzsche. Nous vous conseillons son site internet. Suivre surTwitter : @PGranarolo
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  • La Ve république : Soixante ans

     

    Par Hilaire de Crémiers 

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    Analyse. A-t-elle encore gardé son esprit ? Macron veut l’enserrer dans une réforme technocratique. 

    Notre Ve République a soixante ans. Encore cinq ou six petites années et elle dépassera en durée la IIIe République. Soit le prochain quinquennat. Ça passe vite. On sait comment finit la IIIe République et, d’une manière générale, toutes les républiques dans notre pays au cours des deux siècles précédents. Aucune n’a réussi à instituer, malgré sa prétention, un régime stable, ni dans le gouvernement ni dans la représentation ; aucune n’a été capable d’assumer, aux yeux des Français et en faveur de la France dans le monde, une pérennité et un équilibre dont notre nation, plus que tout autre au monde, a un besoin vital et, pour ainsi dire, substantiel, comme ne le montre que trop son histoire.

    Les Français attendent toujours – et le monde avec eux – que la France soit la France : c’est ainsi ! Ce n’est pas pour rien que, quel que soit leur parti pris, les Français ont l’impression funeste qu’à quelques exceptions près, la France n’est pas à la hauteur de l’idée qu’ils s’en font.

    La question des institutions

    Ce qui repose indéfiniment, en raison des circonstances, qu’on le veuille ou non, la question politique qui est au cœur du problème français depuis plus de deux cents ans : la question même des institutions. Car elle n’apparaît jamais bien posée ni, par conséquent, bien résolue : c’est encore ainsi. On fait semblant de croire que les choses vont pouvoir poursuivre leur course comme avant, en s’adaptant aux nouvelles circonstances politiques et en pliant la constitution aux normes d’une prétendue modernité.

    Les brusques et récents départs de ministres – les plus importants : Hulot, Collomb – ont entraîné un remaniement ministériel qui se présente comme une reprise en main. On verra la nouvelle équipe à l’ouvrage. Castaner à l’Intérieur, Riester à la Culture, il paraît que ça change ! Il est plus que probable que tout continuera comme avant, pour la bonne et simple raison que ce sont les institutions qui sont atteintes dans leur fonctionnement. Ce qui aggrave aujourd’hui dans le peuple français le sentiment d’insécurité politique qui domine – et c’est normal – tous les autres sentiments d’insécurité, et Dieu sait qu’ils sont nombreux : insécurité sociale, culturelle, nationale, économique, financière et tout simplement humaine avec l’immigration. Au point qu’il devient naturel de se demander si Macron, en courant derrière sa chimère d’une France autre qu’elle n’est, ne mène pas le pays vers une crise politique majeure.

    Que reste-t-il de la Ve ?

    Le président de la République a donc célébré, ce mois de septembre, comme il se devait, la constitution de la Ve République, alors que par son comportement et ses choix personnels il ne cesse d’en fausser le sens. Pour se justifier, il assure qu’il se pénètre de l’esprit de la Ve République.

    Photo-actu-1bis.jpgIl a péleriné et s’est recueilli sur les traces de son fondateur, le général de Gaulle, à Colombey-les-deux-Églises ; il a médité au Conseil constitutionnel, haut lieu de la République où est conservée, dans son texte original, dûment scellé du Grand Sceau, la loi constitutive du contrat social qui lie démocratiquement et juridiquement les Français entre eux et qui règle leur vie publique. Cependant, Macron a bien l’intention de la modifier, lui aussi, et profondément, tant il est insatisfait du fonctionnement actuel. Alors ?

    La constitution a déjà été aménagée par de nombreuses révisions, affectant les pouvoirs publics et leur organisation. Il suffit d’examiner les principales de ces révisions pour saisir dans quel sens évolue la Ve République. Elle perd progressivement sa marque originelle qui était fondamentalement, pour le meilleur et pour le pire, un refus du régime des partis et une restauration de l’autorité de l’État sur un cadrage étroit du pouvoir législatif.

    Brièvement et dans l’ordre d’importance. D’abord l’élection du chef de l’État au suffrage universel, ce qui était censé, dans la logique gaullienne, investir le monarque républicain d’une légitimité populaire incontestable, mais ce qui, en revanche, l’établissait comme « le grand gagnant » de « la grande élection », celle qui tranchait le grand « débat » ou le grand « combat » du champ politique. Le chef de l’État devenait le plus habile et le premier des politiciens, obligé d’avoir à son service un parti, si possible majoritaire ou en capacité de le devenir ou de le redevenir, rendant inopérante, sinon douteuse, sa fonction arbitrale, au-dessus des partis.

    Le quinquennat ne fit qu’accentuer le caractère électoral et politicien de la désignation de l’homme du destin français qui ne pouvait plus être que l’homme-clef d’un appareil partisan. Emmanuel Macron qui s’est fait fort de dépasser le clivage gauche-droite, est et sera de plus en plus contraint, lui aussi et quoi qu’il en ait, par la mécanique institutionnelle, de se couler dans le moule d’un chef de parti, ce qu’il fait en ce moment même avec son remaniement ministériel et dans la préparation des prochaines échéances électorales, au risque d’y perdre son apparente originalité.

    Acté par Jacques Chirac, à l’encontre, d’ailleurs, de son sentiment intime, le quinquennat a, de plus et gravement, retiré à la charge du premier et souverain magistrat l’attribut primordial de la représentation durable de l’État, celui d’une sorte de permanence politique qui dominait les aléas de l’histoire et de la vie politicienne. Le septennat s’inscrivait, en effet, dans une conception régalienne, autrement dit royale, du pouvoir suprême, telle que les constituants monarchistes de la IIIe République l’avaient voulue, dans l’attente du Roi qui devait venir et qu’on attend toujours, mystérieusement, sans jamais le dire et même en le niant, encore et encore, se contentant d’hommes dits providentiels, de substituts de rois, en quelque sorte de faux rois.

    Des contradictions mortelles

    Ce court exposé ne saurait s’attarder sur des réformettes secondaires qui étaient imaginées pour donner satisfaction à la personne du chef de l’État et renforçaient, plus ou moins faussement, le caractère américain qu’on prétendait infliger à nos institutions : un président coiffant une alternance !

    L’autre grande affaire constitutionnelle concerne les statuts des collectivités territoriales, tels qu’ils ressortent après les différentes phases des lois de décentralisation où Defferre et Raffarin ont originairement accroché leur nom. Notre République est dite maintenant constitutionnellement « décentralisée », alors même qu’elle conserve ses caractères antérieurs et constituants de République une, indivisible, laïque et sociale, principes consubstantiels, inaltérables et inamissibles, métaphysiques en quelque sorte ! Et nous voilà depuis lors dans des paquets de contradictions majeures qui ne peuvent qu’empirer jusqu’à l’explosion probable.

    Une véritable décentralisation supposerait, d’un côté, un État fort et indépendant, de l’autre, une représentation des intérêts réels qui auraient la liberté de s’exprimer. La France est loin du compte ! Les intérêts locaux sont de plus en plus bafoués et donc les libertés sont de plus en plus mal représentées, comme s’en plaignent justement les autorités représentatives elles-mêmes des régions, des départements, des mairies, singulièrement au cours de ces dernières années et de ces derniers mois. Mais à qui la faute ? La représentation est captée – et les Français le savent – par un régime des partis dont la France crève littéralement, et d’autant plus que ce régime est lui-même en train de crever dans l’esprit et le cœur des Français !

    Alors, Macron prétend porter l’estocade en réduisant encore la représentation, en la ramenant, pour ainsi dire, à une sorte de service de la société civile, en l’émiettant, en recentralisant par ailleurs et en réorganisant sur de grands ensembles, métropoles en particulier, tous les services, en unifiant et en uniformisant et puis en façonnant la loi, comme le législateur lui-même, à la manière des règlements de société sortis d’ordinateurs performants.

    Dans son esprit, c’est ça le progrès et il se définit évidemment comme « progressiste », face à tous les « nationalismes » du monde, face surtout à cette nation française qu’il qualifie de gauloise, et qui demande à vivre selon ses libertés, donc réfractaire à son projet !

    Le prince Jean de France, duc de Vendôme, dans un communiqué, a fait savoir son attachement au caractère monarchique de la constitution de la Ve République qui, épanoui comme il conviendrait, jusqu’à son véritable terme, serait la meilleure garantie des libertés françaises. À quand la vraie réforme ?   

    Hilaire de Crémiers

  • Bainville : « Qu’est-ce qu’une Constitution ? Les peuples ne voient que les hommes ... »

     

    XVM2382f324-05e2-11e5-b131-51c251e5568d.jpg"Qu’est-ce qu’une Constitution ? Aimons-nous beaucoup la nôtre ?

    Pour aimer, il faut d’abord connaître. Et qui donc connaît les lois constitutionnelles sous lesquelles nous vivons ?

    Demandez au monsieur qui passe. Il y a des chances pour qu’il connaisse mieux les règles du football ou des courses que celles qui définissent les rapports du président de la République et du Parlement. À la vérité, les légistes font attention aux textes, les peuples ne voient que les hommes.

    Ils trouvent que celui-ci est courageux et que celui-là est lâche. Ils admirent le plus énergique ou le plus rusé. Un ancien l’avait déjà dit : les chefs combattent pour la victoire, et les soldats pour les chefs. Quand le chef reste sous sa tente, ou quand il a pour armes des plaidoiries, il n’y a plus beaucoup de soldats."

     

    Jacques Bainville
    Doit-on le dire ? (Candide, mai 1924)

  • Exceptionnel un lundi : un dessin mais de qualité, de goût et qui a (toujours) du sens ... Normal : il est de Faizant !

     

    Jacques Faizant, l'homme aux 50 000 dessins

    Le 30 octobre, le dessinateur aurait eu 100 ans. C'est ce jour-là que la Maison Art Valorem mettra en vente 300 de ses dessins à l'hôtel Drouot.

    Publié en 1979 dans Le Figaro, celui-ci met en scène Valéry Giscard d'Estaing et Simone Veil, alors présidente du Parlement européen. Il s'est inspiré d'une réflexion du général de Gaulle datant de 1965 : « On peut sauter sur sa chaise comme un cabri, en disant l'Europe, l'Europe, cela n'aboutit à rien ».  

  • Éric Zemmour face à Patrick Weil (2/2) : Un débat détonnant portant sur des sujets essentiels (suite)

    Rue en Seine-Saint-Denis

     

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgNous mettons en ligne aujourd'hui la seconde partie du débat dont nous avons publié la première partie hier. Cette dernière porte notamment sur l'immigration, l'Islam, la théorie du grand remplacement, la guerre de civilisation, des sujets absolument essentiels pour la survie de la France. En tous domaines, l'on mesurera combien la pensée d'Éric Zemmour est pétrie des thèses - parfois même d'expressions - maurrassiennes et bainvilliennes. Zemmour redresse ainsi avec un remarquable courage intellectuel des opinions reçues, manichéennes et simplistes par ignorance ou pure mauvaise foi. Quand on a lu La Cause du peuple de Patrick Buisson, quand on écoute ou qu'on lit Zemmour, on se rend un compte exact de l'influence que les idées d'Action française continuent d'exercer sur l'Intelligence française. En ce sens, l'on ne peut parler ni de leur échec, ni de leur malédiction. Et surtout, l'on constate quels signalés services elles ne cessent de rendre à la France d'aujourd'hui. Regardez, écoutez, donnez vos avis...  ■  Lafautearousseau  (2ème et dernière partie)

     

     

    La présentation de BFM

    Éric Zemmour face à Patrick Weil (2/2)

    Le journaliste et essayiste Éric Zemmour, en tête des ventes de livres en septembre avec son ouvrage Destin français (Éd. Albin Michel), a débattu face à l'historien Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS, président de « Bibliothèque sans frontières » et auteur du livre Le sens de la République, réédité en collection Folio. - Débat animé par Nathalie Levy, dans News et Compagnie, ce mardi 23 octobre 2018, sur BFMTV.

    En début de soirée, News et compagnie présenté par Nathalie Levy offre une dynamique différente en matière de rendez-vous d'information. Retour durant une heure entière sur les principaux faits d'actualité dans la voix d'une personnalité people, intellectuelle, politique ou encore sportive. Entourée des chroniqueurs Laurent Neumann, éditorialiste politique et Emmanuel Lechypre, éditorialiste économique, Nathalie Levy décrypte l'actualité avec son invité sur un ton décalé placé sous le signe de la bonne humeur.  

    Mise en ligne le 23/10/2018
  • Retour à Maurras : « Ce pays-ci n'est pas un terrain vague ... »

     
    L’hospitalité
     

    2481115609.jpgIl s'agit de savoir si nous sommes chez nous en France ou si nous n'y sommes plus ; si notre sol nous appartient ou si nous allons perdre avec lui notre fer, notre houille et notre pain ; si, avec les champs et la mer, les canaux et les fleuves, nous allons aliéner les habitations de nos pères, depuis le monument où se glorifie la Cité jusqu'aux humbles maisons de nos particuliers.

    Devant un cas de cette taille, il est ridicule de demander si la France renoncera aux traditions hospitalières d'un grand peuple civilisé. Avant d'hospitaliser, il faut être. Avant de rendre hommage aux supériorités littéraires ou scientifiques étrangères, il faut avoir gardé la qualité de nation française. Or il est parfaitement clair que nous n'existerons bientôt plus si nous continuons d'aller de ce train. (…)

    Ce pays-ci n'est pas un terrain vague. Nous ne sommes pas des bohémiens nés par hasard au bord d'un chemin. Notre sol est approprié depuis vingt siècles par les races dont le sang coule dans nos veines. La génération qui se sacrifiera pour le préserver des barbares et de la barbarie aura vécu une bonne vie.

    (…) La jeune France d'aujourd'hui est en réaction complète et profonde contre ce double mal. Elle rentre chez elle. Ses pénates intellectuels, ses pénates matériels seront reconquis. Il faut que l'ouvrier français, le savant, l'écrivain français soient privilégiés en France. Il faut que les importations intellectuelles et morales soient mises à leur rang et à leur mérite, non au-dessus de leur mérite et de leur rang. L'étiquette étrangère recommande un produit à la confiance publique : c'est à la défiance du pays que doit correspondre au contraire la vue de tout pavillon non français. Qu'une bonne marque étrangère triomphe par la suite de cette défiance, nous y consentons volontiers, n'ayant aucun intérêt à nous diminuer par l'ignorance ou le refus des avantages de dehors, mais l'intérêt primordial est de développer nos produits en soutenant nos producteurs. Le temps de la badauderie à la gauloise est fini. Nous redevenons des Français conscients d'une histoire incomparable, d'un territoire sans rival, d'un génie littéraire et scientifique dont les merveilles se confondent avec celles du genre humain.     

     

    Charles Maurras 
    L’Action française, 6 juillet 1912
  • La France et son destin

     

    PAR JACQUES TRÉMOLET DE VILLERS

    Nation. Car il s’agit de savoir si elle peut vivre encore et si les Français sont décidés à la faire vivre. Il faut qu’ils y croient. 

    3444282921.2.jpg

    Le dernier livre d’Éric Zemmour, Un destin français, tranche avec sa production antérieure. Le journaliste est à l’apogée de son talent et sa plume rejoint celle de l’écrivain. Est-il historien ? Les spécialistes diront que non. Mais il connaît l’histoire, la lit et la relit et, surtout, il la met en perspective avec ce que nous vivons. Il lui donne un sens. En somme, il nous instruit.

    Bien sûr, il a son style, fait de raccourcis et de fulgurances. Il a son point de vue, souvent original, mais dont le lecteur découvre, au fur et à mesure qu’il déroule le panorama, qu’il était judicieux et faisait mieux voir que la banalité sans cesse recopiée sur le même sujet. Ce point de vue le conduit souvent à la polémique, car d’un fait ancien rapproché des événements actuels, il fait une charge contre nos inconsciences, nos mensonges et nos lâchetés. L’histoire n’est pas neutre. Clio est une muse terrible. Elle porte le jugement et ce jugement s’exerce, non pas tant sur ceux qui ont fait le passé, mais sur ceux qui font ou défont le présent. A la lumière de notre passé, que pèsent les célébrités d’aujourd’hui ? La leçon est rude. D’où les cris qui jaillissent de tous côtés. Car Zemmour est lucide. Il a le mot juste, donc cruel pour les menteurs et les lâches. Et il aime la vérité qu’il va chercher jusqu’au fond des époques les plus discutées, les plus diffamées : « les heures les plus sombres de notre histoire ».

    D’où parle cet écrivain ?

    Il parle de sa place de jeune juif algérien, berbère, devenu, sous la conduite de ses parents et sous un charme qui l’a saisi, enfant, et ne s’est jamais démenti, un Français éperdument amoureux de la France. « Je ne suis pas un Juif français, disait son père, excédé par cette formule, je suis un Français juif ». Le fils ajoute « de culture catholique ».

    Son chapitre sur Charette se termine par cette phrase, détachée comme une sentence qui résume l’ensemble, ou comme un point d’orgue :

    « Nous sommes tous des catholiques vendéens. »

    Dans cette symphonie tragique, plusieurs mélodies s’entrecroisent mais une revient, comme un thème central qui ressurgit à chaque chapitre – c’est-à-dire à chaque époque… –, les élites, en France, ont une appétence particulière à la trahison. Est-ce leurs grands biens ? Leurs espérances immédiates ? Un souvenir de la féodalité écrasée par le pouvoir central ?

    Les motifs varient suivant les moments, mais la constante se dégage. Que l’ennemi soit espagnol, autrichien, allemand ou anglais, « le parti de l’étranger » est toujours là pour lui donner un coup de main, et ce « parti de l’étranger » est le plus souvent composé des élites en place.

    C’est le peuple, avec son Roi, qui résiste, et, malgré elles, continue l’histoire du Royaume de France. Quand il n’y a plus de Roi et que le peuple, lui-même, se dissout, l’avenir du royaume qui, selon saint Remi, « durera jusqu’à la fin des temps », se fait très incertain.

    Bien sûr, pour Zemmour, il y a des rois de substitution. Napoléon a pris la suite de Capet et la République a voulu continuer, sous d’autres habits, « le roman national ». C’est même elle, la IIIe, qui a forgé avec Ernest Lavisse, ce roman, chargé de remplacer le Roi disparu.

    Chef-d’œuvre d’art politique en péril.

    Le roman national devait être le ciment qui, auparavant s’appelait la fidélité au Roi. Car la France, rappelle-t-il, n’est ni une race ou une ethnie, ni un impératif géographique.

    C’est une construction politique, disons mieux, un chef-d’œuvre comme on le disait des artisans-compagnons qui en faisaient un pour devenir maître, un chef-d’œuvre d’art politique.

    Quand l’art politique n’est plus là, la France se défait.

    On pourra discuter, dans le détail, de telle ou telle appréciation, trouver que le procédé se répète à chaque chapitre, a quelque chose de systématique…, chercher à y mettre quelque nuances. Il n’en reste pas moins que cette charge, conduite au galop – car la plume de Zemmour a quelques ressemblances avec les compagnons de Jeanne dans la plaine de Patay ou les soldats de Napoléon à Austerlitz – finit par emporter l’adhésion du lecteur, même si elle le laisse parfois pantelant et quelque peu essoufflé.

    Ce thème de la trahison des élites rejoint celui de la guerre civile larvée ou éclatée dont même la guerre étrangère ne nous protège pas. Au contraire ! Sauf à quelques moments tragiques et miraculeux – 14-18 –, la guerre étrangère devient la guerre civile. Ceux que Jeanne appelait « les faux Français » jouent le rôle de la cinquième colonne : les intérêts partisans, religieux, économiques, féodaux, idéologiques, l’emportent sur la nécessaire unité nationale.

    Seul un roi, un empereur, un dictateur momentané fait – parfois par la Terreur… - valoir cette unité. Mais, à chaque fois, il y parvient, parce qu’il a, avec lui, le consentement de la nation, ce qu’Homère appelait « le murmure approbateur du peuple ».

    Dans cette cavalcade glorieuse et tragique qui va de Vercingétorix à nos jours, Zemmour mène lui-même sa propre guerre, qui est celle de l’historien. Il rappelle le mot de Fustel de Coulanges selon lequel notre histoire est elle-même une guerre civile.

    Je me souviens d’un fascicule aperçu dans ma jeunesse, sous la signature de Charles Maurras, La bagarre de Fustel. On se battait, à l’époque, dans les réunions des Sociétés savantes, sur la façon de traiter l’histoire… Les adversaires d’hier se sont accordés. Michelet et Fustel, Lavisse et Péguy, après les combats de l’instant, se retrouvent, car ils ont en commun, comme Clemenceau et Daudet, « la passion de la France ».

    Zemmour livre une nouvelle bataille, celle qui pourfend les « déconstructeurs de la France ». Nous n’en sommes plus aux trahisons classiques, ni même aux collaborations avec l’ennemi. Nous en sommes à la volonté de détruire la France, de faire qu’elle n’existe plus, d’abord dans les esprits et dans les cœurs.

    Le rêve de ces déconstructeurs est qu’elle ne soit plus qu’un hexagone sur la carte, un lieu tempéré, au climat agréable, où se retrouvent ceux qui s’y trouvent bien et s’essaient à vivre ensemble. Cette utopie est sanglante. Le rêve devient cauchemar. Le « vivre ensemble » est mortifère.

    Il n’y a donc plus, conclut le lecteur, en refermant le récit saccadé de cette tragédie, qu’à mourir ou qu’à retrouver les promesses de saint Remi au baptême de Clovis, la toujours lumineuse Jeanne, la majesté du roi Louis le quatorzième, le génie de Napoléon…

    Et si, achevant les propos, nous concluions simplement que les rois ont fait la France, qu’elle se défait sans roi, … et qu’il est urgent de travailler, une fois encore, au retour du Roi.  

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    Éric Zemmour, Le destin français, Éd. Albin Michel, 576 pages, 24,50 € 

    Jacques Trémolet de Villers

  • Éric Zemmour face à Patrick Weil (1/2) : Un débat détonnant portant sur des sujets essentiels

    Centenaire de la Grande Guerre

     

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgLe débat que nous mettons en ligne aujourd'hui (1ère partie, 25 mn)) porte sur des sujets absolument essentiels, qu'ils soient historiques ou d'actualité : les deux guerres mondiales, Pétain et De Gaulle, la Résistance, l'immigration et les menaces qui pèsent sur l'identité française, les sujets dits sociétaux. En tous domaines, l'on mesurera combien la pensée d'Éric Zemmour est pétrie des thèses - parfois même d'expressions - maurrassiennes et bainvilliennes. Zemmour redresse ainsi avec un remarquable courage intellectuel des opinions reçues, manichéennes et simplistes par ignorance ou pure mauvaise foi. Quand on a lu La Cause du peuple de Patrick Buisson, quand on écoute ou qu'on li Zemmour, on se rend un compte exact de l'influence que les idées d'Action française continuent d'exercer sur l'Intelligence française. En ce sens, l'on ne peut parler ni de leur échec, ni de leur malédiction. Et surtout, l'on constate quels signalés services elles ne cessent de rendre à la France d'aujourd'hui. Regardez, écoutez, donnez vos avis...  ■  Lafautearousseau  (2ème partie, demain) 

     

     

    La présentation de BFM

    Éric Zemmour face à Patrick Weil (2/2)

    Le journaliste et essayiste Éric Zemmour, en tête des ventes de livres en septembre avec son ouvrage Destin français (Éd. Albin Michel), a débattu face à l'historien Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS, président de « Bibliothèque sans frontières » et auteur du livre Le sens de la République, réédité en collection Folio. - Débat animé par Nathalie Levy, dans News et Compagnie, ce mardi 23 octobre 2018, sur BFMTV.

    En début de soirée, News et compagnie présenté par Nathalie Levy offre une dynamique différente en matière de rendez-vous d'information. Retour durant une heure entière sur les principaux faits d'actualité dans la voix d'une personnalité people, intellectuelle, politique ou encore sportive. Entourée des chroniqueurs Laurent Neumann, éditorialiste politique et Emmanuel Lechypre, éditorialiste économique, Nathalie Levy décrypte l'actualité avec son invité sur un ton décalé placé sous le signe de la bonne humeur.  

    Mise en ligne le 23/10/2018