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Actualité France - Page 292

  • D'accord avec Alain de Benoist : « Vive le Gueux ! »

    Un beau chant néerlandais (...) s’intitule « Vive le Gueux ! »   

    Par Alain de Benoist

    Alain de Benoist a donné à Boulevard Voltaire cet entretien auquel nous n'avons rien à ajouter sinon notre accord. [20.01]. Lisez !  LFAR 

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    Pensez-vous qu’on puisse déjà faire un bilan de l’action des gilets jaunes ?

    Le meilleur bilan qu’on puisse en faire est de constater qu’il est encore trop tôt pour en faire un, puisque le mouvement continue et semble même trouver un second souffle. Depuis bientôt trois mois, malgré le gel et le froid, malgré la trêve des confiseurs, malgré les morts et les blessés, malgré les dégâts causés par les brutalités policières (mâchoires arrachées, mains déchiquetées, pieds broyés, yeux crevés, hémorragies cérébrales), malgré les critiques qui ont successivement tenté de les présenter comme des beaufs alcooliques, des nazis (la « peste brune ») et des casseurs, coupables en outre d’avoir ruiné le commerce, dissuadé les touristes de venir en France et même, ô scandale, d’avoir saboté l’ouverture des soldes, malgré tout cela, les gilets jaunes sont toujours là. Ils tiennent bon, ils ne cèdent pas et une majorité de Français continue d’approuver leur action. C’est bien la confirmation que ce mouvement ne ressemble à aucun autre.

    Il y a un autre point sur lequel il faut insister. Les gilets jaunes, auparavant, ne se connaissaient pas. Plongés dans l’anonymat de masse, même quand ils étaient voisins, ils restaient souvent étrangers les uns aux autres. Depuis des semaines, autour des ronds-points, ils se sont mutuellement découverts. Ils ont parlé ensemble, ils ont confronté leurs expériences et leurs espoirs, partagé la même colère et vibré aux même émotions, partagé aussi les mêmes repas, vécu les mêmes journées et parfois les mêmes nuits, bénéficié du même élan de solidarité et de don. Le mouvement des gilets jaunes a, ainsi, fonctionné comme une formidable machine à recréer de la socialité dans une époque où le lien social s’est partout effrité. Il en restera nécessairement quelque chose. Les gilets jaunes savent, désormais, qu’ils ne sont plus seuls à être « invisibles ». Ils ont redécouvert l’importance du commun.

    Mais l’avenir du mouvement ? Peut-on imaginer un vaste front populiste, dont les gilets jaunes pourraient être le creuset ?

    C’est très prématuré, même si certains y pensent. Dans l’immédiat, les gilets jaunes doivent résister à toutes les tentatives de division et de récupération. Ils ne doivent surtout pas présenter de listes aux européennes, ce qui ne manquerait pas d’affaiblir l’opposition. Ils doivent rester insaisissables, nuire le moins possible aux petits commerçants, écarter fermement les casseurs extérieurs au mouvement et, peut-être aussi, concentrer leurs revendications sur les thèmes qui peuvent le mieux fédérer la colère en exigeant, par exemple l’instauration du référendum d’initiative populaire.

    Et le « grand débat national » ?

    Guy Debord disait que, si les élections pouvaient changer quelque chose, il y a longtemps qu’elles seraient interdites. On peut en dire autant du « grand débat » lancé par Emmanuel Macron : s’il était vraiment susceptible de satisfaire les demandes des gilets jaunes, il n’aurait tout simplement pas lieu. Quand les parlementaires veulent enterrer un dossier, ils créent une commission. Pour gagner du temps, Macron propose – c’est à la mode – de « libérer la parole ». Le « grand débat », c’est le divan du docteur Freud : « Allongez-vous et racontez-moi vos misères, après, vous vous sentirez mieux. » Discuter plutôt que décider a toujours été la méthode favorite de la classe bourgeoise. Dans le pire des cas, le « grand débat » finira en eau de boudin. Au mieux, la montagne accouchera d’une souris. On fera des concessions ici ou là (taxe carbone, limitation de vitesse à 80 km/h, etc.) mais on ne touchera pas aux questions qui fâchent. C’est-à-dire à celles qui impliquent un véritable changement de société.

    Ceux qui sont, aujourd’hui, au pouvoir sont incapables de faire face aux demandes des gilets jaunes parce que le monde d’en bas leur est mentalement, culturellement, physiologiquement étranger. Ils s’imaginent qu’ils se trouvent devant des revendications de type classique (des « gens pas contents ») auxquelles on peut répondre par des effets d’annonce et des stratégies de communication appropriées. Ils ne voient pas qu’ils sont, en réalité, confrontés à une révolte proprement existentielle, de la part de gens qui, après avoir perdu leur vie à tenter de la gagner, ont découvert que ce qu’ils gagnent ne leur permet plus de vivre et n’ont donc plus rien à perdre. Au plus fort des manifestations, au moment où un hélicoptère survolait l’Élysée pour exfiltrer Macron en cas de besoin, ils ont pourtant eu peur. Physiquement peur – et cela, aussi, on ne l’avait pas vu depuis longtemps. Aujourd’hui qu’ils ont retrouvé leur mépris de classe, même quand ils s’essayent à l’empathie, ils ne pardonneront jamais à ceux qui leur ont fait peur.

    Les « Gaulois réfractaires » sont les dignes successeurs de ces « Gueux » (Geuzen) qui, dans les Flandres et les Pays-Bas du XVIe siècle, s’étant fait d’un nom péjoratif un titre de gloire, portèrent contre l’autorité du roi Philippe II d’Espagne un mécontentement populaire qui reçut l’appui de Guillaume d’Orange. La guérilla qu’ils menèrent pendant des années, à partir de 1566, finit par aboutir à la totale libération des Provinces-Unies. Un beau chant néerlandais célébrant leur souvenir s’intitule « Vive le Gueux ! » Il mériterait d’être repris aujourd’hui.  ■

    Intellectuel, philosophe et politologue
     Revue Eléments 
     
    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier 
  • L'Union Royaliste Provençale* a rudement bien fait d'inviter André Bercoff pour une conférence-débat brillante ce 21 janvier 2019 !

     

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgParticipants nombreux, salle pleine, ambiance chaleureuse ; assistance captivée par un André Bercorff au parler vrai, direct, nature, informé de tout, plein d'humour et même de drôlerie ; un débat sur la situation explosive de la France et du monde nourri par de nombreuses questions, une excellente organisation de la soirée, un riche buffet où les conversations se sont multipliées, pour clôturer la rencontre ... Nous n'en dirons pas davantage sur cet événement qu'une vidéo mise en ligne dans les prochains jours fera revivre intégralement, notamment pour nos lecteurs qui souhaiteront la regarder en France et ailleurs. Voilà de la bonne besogne, à l'honneur de l'Action Française.  Lafautearousseau

    En attente de la vidéo, nous nous contenterons ici de mettre en ligne les photos qui suivent, précédées de celles de la Messe célébrée auparavant en la Basilique du Sacré-Coeur - église comble - par Monseigneur Jean-Pierre Ellul, recteur de la basilique tandis que l'homélie - belle et profonde - était donnée par le père Antoine Deveaux.  

    Messe en la basilique du Sacré-Coeur

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    Conférence-débat 

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    André Bercoff - Jean Gugliotta, président de l'Union Royaliste Provençale

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    Vue partielle de l'assistance [1]

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    Vue partielle de l'assistance [2]

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    Un groupe de jeunes d'A.F. avec André Bercoff,  J. L. Hueber et G. Bertran de Balanda 

    1939836_498902073553223_1794630765_n - Copie.jpg* L'Union Royaliste Provençale est la fédération régionale du Centre Royaliste d'Action Française, 10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 PARIS

  • Le vrai mal : la République jacobine et oligarchique

    Par Yves Morel

    Le mouvement des Gilets jaunes signe la déchéance représentative du pouvoir politique et, plus gravement, la faillite de nos institutions. Soubresauts violents et résignation contrainte se partagent le cœur des Français et des Gilets jaunes. 

    Les actes V, VI, VII, VIII et autres de la mobilisation des Gilets jaunes ont révélé un essoufflement incontestable du mouvement en même temps qu’un certain durcissement. Les annonces du président Macron ont relativement porté. La stratégie gouvernementale est parvenue à diviser le mouvement et à réduire le courant de sympathie dont il jouissait. Beaucoup de gens inclinent à croire que les mesures annoncées sont de peu de poids, n’auront aucune incidence positive réelle, et, de fait, seront annulées par d’autres initiatives gouvernementales, mais ils doutent que la prolongation du mouvement puisse avoir des retombées fastes et que l’exécutif puisse vraiment mettre en œuvre une politique alternative à celle qui a été la sienne jusqu’à présent. Les Français comprennent les Gilets jaunes, dont ils partagent les conditions de vie et les problèmes pécuniaires, mais ils ne croient pas que leur mouvement, prolongé sine die, puisse contribuer à améliorer leur quotidien. Et les Gilets jaunes eux-mêmes baignent dans cet état d’esprit. Devant les caméras, beaucoup d’entre eux, non convaincus par le discours présidentiel du 11 décembre dernier et par les vœux du 31 décembre, et déterminés à persévérer dans leur action, reprochent à Emmanuel Macron de rester muet sur les moyens de financement des mesures sociales qu’il vient d’annoncer et le soupçonnent, à terme, de vouloir “reprendre d’une main ce qu’il a accordé de l’autre”.

    Le fatalisme face à l’omnipotence du pouvoir économique et à l’impuissance du politique

    Les intéressés n’accordent donc aucune confiance au président de la République quant à l’application des mesures qu’il a énumérées. Et les Français en général partagent cette défiance.

    Fort bien. Mais une pleine et exacte compréhension du discrédit qui atteint ainsi le président, le gouvernement et la classe politique, exige l’élucidation de la nature profonde de cette défiance. En quoi consiste exactement cette dernière ? On peut l’entendre comme une accusation tacite contre ce « président des riches », qui applique une politique favorable aux détenteurs de capitaux et défavorable aux travailleurs, aux petits retraités et aux agriculteurs. Mais on peut également l’interpréter comme une absence de confiance en la capacité de l’État à pratiquer une politique qui ne répondrait pas aux exigences des « riches » et serait plus soucieuse des intérêts des salariés et des petits entrepreneurs. La défiance viserait alors surtout l’impuissance de l’État et du gouvernement – et, pour tout dire, l’impuissance du politique – face au pouvoir économique, qui est le vrai pouvoir, celui qui a la faculté d’imposer sa loi et la prévalence de ses intérêts ; et qui se trouve en mesure d’obliger les pouvoirs publics et toute la population à identifier ses intérêts propres à ceux de la nation… et aux intérêts mêmes des travailleurs, dont le sort dépend de la décision des capitalistes d’investir ou de ne pas le faire, de laisser vivre ou de fermer les entreprises, de maintenir l’emploi sur place ou de délocaliser. Ces deux manières de concevoir la défiance à l’égard de la politique économique et sociale de l’exécutif ne s’excluent d’ailleurs pas. Et les propos tenus par les Gilets jaunes eux-mêmes, et par les Français interrogés sur le mouvement et la situation actuelle, montrent que, dans la tête de la plupart des gens, elles vont de pair.

    8904178-14111076.jpgNos compatriotes inclinent à percevoir le président comme le représentant des maîtres du pouvoir économique, et ne pensent pas que, de toute façon, même s’il le désirait, ou même s’il était remplacé par quelque autre, il puisse mettre en œuvre une politique qui ne satisferait pas les intérêts des détenteurs de capitaux. Ils sont, au fond, pénétrés de cette conviction fataliste que la politique d’austérité est « la seule politique possible », comme disait Alain Juppé, au temps où il était Premier ministre, en 1995. À cette époque, les Français ne se résignaient pas à ce douloureux principe de réalité, et ils partaient en grève à la moindre annonce de réforme de la SNCF ou du régime des retraites. Puis, vaincus par le découragement et par l’expérience vécue de la dégradation continue de leurs conditions de vie, déçus par les mensonges et palinodies des partis (à commencer par le PS), ils ont accepté ce qu’ils refusaient quelque vingt ans plus tôt : la réforme du Code du Travail, la réforme de la SNCF, celle des études secondaires et de l’accès aux études supérieures, etc. Ils ont, certes, montré avec le mouvement des Gilets jaunes les limites de ce qu’ils pouvaient supporter. Mais ils sont néanmoins sans illusion. Et cela explique à la fois la résignation de ceux qui souhaitent un arrêt du mouvement, persuadés de l’inanité de la poursuite de cette action, et la détermination désespérée de ceux qui rechignent à lever le camp, refusant que tout continue comme avant. C’est la révolte de l’impuissance, de tous ceux qui sont écrasés par des forces économiques qui les asservissent, et qui ne voient pas comment s’en délivrer pour améliorer leur sort, et qui croient leurs dirigeants politiques aussi incapables qu’eux-mêmes de changer les choses (les socialistes, en 1981, disaient « changer la vie »), à supposer qu’ils en aient l’intention. Ce que révèle le mouvement des Gilets jaunes, c’est que les Français sont des victimes impuissantes, et qui croient leurs dirigeants eux aussi impuissants. Et ce ne sont pas les derniers événements qui vont infirmer ce jugement. Dernièrement, nous avons vu Ford refuser tout net le sauvetage de son usine de Blanquefort, malgré ses promesses, à la colère de notre ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui ne peut rien faire d’autre que se déclarer « indigné » et « écœuré », c’est-à-dire trépigner d’une rage impuissante. Certes, M. Le Maire, inspecteur des Finances, connaît très bien le monde de l’industrie et du business, et est donc peut-être moins surpris et indigné qu’il ne l’affirme. Mais cette hypothèse confirmerait alors l’idée d’une collusion entre le pouvoir politique et le pouvoir économique (nonobstant certains accrocs), et cela n’est pas fait pour réconcilier les Français avec leurs représentants et dirigeants.

    La nocive illusion référendaire

    Nos compatriotes sont si mécontents de ces derniers qu’ils demandent l’institution d’un référendum d’initiative citoyenne. Ce référendum pourra être législatif (un citoyen ou un groupe propose une loi, soumise au vote national en cas d’approbation préalable par 700 000 signataires), abrogatoire (suivant les mêmes conditions, pour faire abroger une loi), constituant (pour proposer une modification constitutionnelle) ou révocatoire (visant à démettre tout élu de son mandat).

    Ce type de référendum irait beaucoup plus loin que ceux, de nature comparable, existant en d’autres pays, où ils restent encadrés par de strictes conditions d’application. Les partis « extrêmes » (RN, LFI) s’y montrent favorables, ceux « de gouvernement » (LREM, LR, PS) ne le sont guère. Mais, de toute façon, on se demande à quoi cela avancerait. Les grands problèmes demeureraient dans toute leur acuité, et leurs solutions, quelles qu’elles fussent, impliqueraient des sacrifices dont le refus par une majorité d’électeurs se révélerait une source de paralysie et d’enlisement. M. Macron envisage une grande consultation nationale sous les deux formes de cahiers de doléances et de plateformes en ligne, destinés à recueillir les attentes des Français dans tous les domaines. L’idée est nocive : l’exemple des cahiers de doléances de 1789 montre que le pouvoir recourt à ce type de consultation quand il a échoué dans tous ses essais de réforme, qu’il ne sait plus que faire, qu’il se sent acculé au point de s’en remettre à l’expression des desiderata de ses administrés. Et alors ? Soit cela n’avance à rien, soit c’est la porte ouverte à l’irruption des revendications les plus disparates, les plus contradictoires et les plus irréalistes. De là à penser qu’une révolution (avec toutes ses convulsions et ses misères) puisse se produire, comme en 1789, il y a peut-être un pas, mais plus court qu’on pourrait le croire. Un pouvoir qui demande leurs doléances à ses administrés est un pouvoir qui abdique parce qu’il ne se sent plus maître de la situation, ne sait plus gouverner, et sent vaciller son autorité. Tel est le cas de notre pouvoir actuel, coincé entre ce qu’il estime sans doute être « la seule politique possible » (mondialiste, européenne et néolibérale) et la nécessité que Macron reconnaît, depuis les derniers événements de « prendre le pouls de la France », sans conviction, sans savoir où il va, et en essayant de faire baisser la température par des mesures économiques auxquelles il ne croit pas, qu’au fond il réprouve, et qui, de toute façon, ne résoudront rien… si elles n’ont pas un effet délétère.

    Un pouvoir qui a perdu toute légitimité représentative

    1159295351.jpgÀ l’évidence, un tel pouvoir ne peut plus prétendre représenter la nation. Souvenons-nous, d’ailleurs, que M. Macron n’est que l’élu des deux tiers de 43% d’électeurs inscrits, autrement dit d’une très étroite minorité. L’affaire des Gilets jaunes aura aggravé ce déficit de légitimité. Il est d’ailleurs inquiétant de songer à la possible influence de ce mouvement sur notre vie politique. À quoi ressemblerait une république des Gilets jaunes ? À une sorte d’anarchie, sans dirigeants, sans hiérarchie, sans représentants élus. Quelle peut être l’influence des Gilets jaunes sur les élections ? Une phénoménale abstention, ou des listes ou candidatures individuelles de Gilets jaunes absolument dissonantes. Cela promet.

    En définitive, ce mouvement aura surtout fait apparaître en pleine lumière, mais en filigrane, l’inanité, l’épuisement et la faillite finale de notre République d’inspiration jacobine. Il conviendrait de voir là l’occasion d’une refondation de notre modèle politique.     

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle 
  • UN MOUVEMENT QUI REFUSE DE MOURIR

     

    Les tous derniers événements confirment la perte de légitimité du pouvoir actuel.

    1482558-madrid-nombreux-drapeaux-espagnols-ornent.jpgÀ peine Macron a-t-il annoncé, dans son discours de fin d’année, l’ouverture d’un « grand débat national » cadré par une Lettre aux Français à paraître au milieu de ce mois, que le collectif des Gilets jaunes, La France en colère, lui écrit une lettre ouverte, datée du 3 janvier, destinée à expliquer que non seulement son propos ne les a en rien convaincus, mais qu’ils restent plus que jamais déterminés à poursuivre leur action, persuadés qu’ils sont de sa légitimité, nonobstant les sondages. Ce fléchissement, d’ailleurs, quoique important, est relatif, puisque les Gilets jaunes peuvent encore compter sur 55% d’approbations, selon un sondage tout récent (4 janvier) d’Odoxa Dentsu consulting. Sous la plume de Priscilla Ludovsky, Éric Drouet et Maxime Nicolle, le collectif accuse le pouvoir de chercher à endormir les Français, et affirme sa résolution de relancer le mouvement, prévoyant la possible transformation en « haine » de la « colère » populaire, au cas où le président persisterait à ignorer leurs revendications. Et de relancer, dans la foulée, l’exigence de la tenue du fameux référendum d’initiative citoyenne, dont nous avons dit, plus haut, ce que nous en pensions.

    Qualifiant de « mesurettes » les concessions annoncées le 11 décembre (hausse du SMIC, défiscalisation des heures supplémentaires, baisse de la CSG pour les retraités percevant une pension inférieure à 2 000 euros mensuels, annulation des hausses des carburants… en 2019), les Gilets demandent « une baisse significative de toutes les taxes et impôts sur les produits de première nécessité », ce qui exprime leur détresse et leur révolte face à une situation matérielle qui ne cesse d’empirer, et « une baisse significative de toutes les rentes, salaires, privilèges, et retraites courantes et futures des élus et hauts fonctionnaires d’État », ce qui traduit une exaspération face aux faveurs dont jouit la nomenklatura qui nous dirige. Ces avantages sont perçus comme une inégalité de condition jugée non seulement injuste, mais profondément humiliante à l’égard de la masse de nos compatriotes. Le ton de la lettre ouverte est particulièrement virulent, les Gilets jaunes taxant de « piège » la consultation nationale prévue, dénonçant la répression exercée à leur encontre, stigmatisant le mépris du président à l’égard du peuple, et exprimant leur rejet total des dirigeants actuels en exigeant l’intervention, dans les discussions, d’une personnalité non politique et exempte de tout soupçon au plan judiciaire et financier.

    Le mouvement s’essouffle peut-être, mais apparemment, la braise continue à couver sous la cendre, et il n’est pas impossible qu’elle provoque un incendie.  ■  

    YM

  • Prince Jean de France : Réflexion à propos du 21 janvier 1793

     

    2380807990 - Copie.jpg10h22 ce matin à ma montre.

    Comment ne pas avoir une pensée émue pour le roi Louis XVI, victime de la froideur révolutionnaire, le 21 janvier 1793. Père de famille exemplaire, roi très chrétien, il aura été mal jugé de tout temps. On oublie malheureusement et trop souvent, pour laisser parler seulement la caricature, que ce descendant d’Henri IV et de Louis XIV fut un bourreau de travail, entouré de ministres talentueux, et que ses qualités politiques ont contribué à renforcer le prestige militaire et politique de la France avec la guerre d’indépendance américaine.

    En rompant le lien personnel que la monarchie avait avec les Français, ce pacte fort et réel entre le roi et ses sujets, la révolution a précipité les Français dans l’ère des masses, a laissé l’homme seul sans défense face à l’État, a cassé la dynamique d’un pays en sapant avec brutalité ses fondations morales, culturelles et spirituelles au prix de massacres comme le génocide vendéen.

    Combien de réformes, modernes pour l’époque, que ce souverain a initiées, ont été malheureusement oubliées par notre Histoire nationale. Loin d’être ce personnage falot que l’on tente de nous présenter régulièrement, et même s'il fut parfois mal conseillé, Louis XVI fut un roi dévoué à son royaume et soucieux du bien-être des Français à chaque jour de son règne. C’est sa mémoire que j’honore aujourd’hui. Et si je n’exonère pas le vote du duc d’Orléans qui appartient désormais à l'Histoire, je porte avec fierté, en tant que dauphin de France, l’héritage d’une famille, d’un roi, d’un prince, d’un homme que le destin aura rendu à Dieu beaucoup trop tôt. 

     

    Le prince Jean de France
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  • Livres & Actualité • Demain la Dictature

    César, Musée de l'Arles antique

    Un entretien avec Philippe Bornet

    La dictature en France marque la fin d'un cycle. L'analyse du processus dictatorial paraît d'une intéressante actualité. 

    Quelle différence entre une Dictature et une Tyrannie ?

    Le Tyran ne dispose que de la potestas (puissance) ; il règne par la contrainte uniquement sans légitimité. Le Dictateur dispose de la potestas et de l’auctoritas (autorité). Disons même qu’il est le grand restaurateur de l’autorité. Le propre du Dictateur est que sa magistrature est parfaitement légale et qu’il bénéficie d’un large consensus populaire. Paradoxalement, seuls les pays libres connaissent des Dictatures. Seuls les peuples d’esclaves, capables de s’incliner sous le joug de la puissance injuste, les ignorent. Renan l’a dit et expliqué, seuls les Latins ont des Dictateurs. Les peuples germains admettent la loi du plus fort (faustrecht) : celui qui a la puissance a toujours, de facto, l’autorité.

    Le recours au dictateur est-il plus ardemment souhaité par les extrêmes ou par les soutiens de l’ordre établi ?

    Le recours au dictateur commence généralement par une négociation dans les coulisses pour désigner le repreneur d’entreprise en faillite.  Le futur Dictateur se voit présenter un cahier des charges qui consiste généralement à reprendre le personnel politique précédent et à le reclasser. En général, les choses se passent à l’amiable et le peuple n’est convié que pour applaudir. C’est ce qui s’est passé le 18 brumaire où l’abbé Sieyès changea au dernier moment le nom du premier rôle, qui aurait pu être Moreau ou Joubert. Bonaparte était disponible, n’ayant pas d’engagement ailleurs. La question du souhait populaire n’a donc guère d’importance. Il semblerait cependant que contrairement à une idée convenue, les électeurs centristes sont peu imbus de sens démocratique comme le montre les dernières enquêtes d’opinion.

    La dictature est-elle un moment systématique du cycle du pouvoir républicain ?

    Rome a connu 64 dictateurs et plus de dictatures jusqu’à Marius, Sylla, Pompée, César. Paradoxalement Octave Auguste n’a jamais été dictateur, il a même refusé de l’être. C’est dire si cette magistrature, inventée par la république romaine, faisait partie intégrante des institutions romaines. En France, nous avons connu une dictature à chaque fin de République. La dictature marque l’achèvement d’un cycle. Elle peut se transformer en Monarchie ou en une nouvelle République car, contrairement à ce qu’on dit, le Dictateur dépose souvent sa dictature soit parce qu’il se sent trop âgé, soit qu’il est fatigué du pouvoir.

    Y a-t-il en France un climat insurrectionnel ou révolutionnaire qui mènerait à l’instauration d’une Dictature ?

    Oui, la perspective d’une nouvelle Dictature me paraît maintenant inéluctable. Il existe une succession de douze étapes qui mènent à l’apparition d’une dictature : 1. désordre dans la rue, 2. impéritie du gouvernement, 3. mécontentement dans l’armée et la police, 4. guerre ou menace de guerre, 5. échec et peur des élites, 6. prestige d’un général, etc. Nous sommes à la phase 5 et déjà des noms de généraux circulent sur les réseaux. La crise des Gilets jaunes à laquelle personne ne s’attendait il y a deux mois est venue renforcer cette impression. Pour les sept dernières étapes, je me permets de vous renvoyer à mon ouvrage. Tout y est expliqué à partir des exemples antiques et modernes.

    Le Dictateur est-il le méchant du Politique ?

    Certains veulent lui voir endosser ce rôle. En fait, le Dictateur restaure l’autorité. Il fait preuve d’une désobéissance contraire. Contrairement à Prométhée, il ne lève pas l’étendard de la révolte mais refonde un système, ferme une parenthèse ou restaure un régime.

    Le Dictateur est le gentil de l’Histoire. Je dirais même qu’il est une figure christique et Cicéron lui-même écrit dans le De Republica que les Dictateurs vont au paradis !  

     

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    Philippe Bornat

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    Demain la Dictature, de Philippe Bornat, aux Presses de la Délivrance, 250 pages, 22 euros.

  • Vous avez dit la République ?

    Par Hilaire de Crémiers 

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    Incontestablement nos dirigeants ont peur. Et pourtant… 

    Le gouvernement n’en a pas fini. Non seulement avec les Gilets jaunes, mais avec une révolte générale qui, pour le moment, sourd des profondeurs du pays et qui pourrait aussi bien jaillir en flux beaucoup plus violents à la moindre occasion.

    « Manager » la France

    Macron, Philippe, et leurs équipes, quand ils sont arrivés au pouvoir, ont cru que tout se ramenait à une question de gestion ; ils trancheraient avec les prédécesseurs ; ils auraient l’audace tranquille et franche de la direction « managériale » ; leur politique serait celle de bons gestionnaires, loin des discours partisans, des positions idéologiques, transcendant les clivages et s’imposant par son efficacité.

    La liste avait été établie de tous les points névralgiques où il fallait porter le fer de la bonne réforme. L’important était de rénover le système français qui devenait obsolète et, surtout, de dégager l’avenir afin de consacrer temps, argent, capital humain et financier aux richesses du futur dépendant des nouvelles technologies. Ce qui obligerait enfin la France à sortir d’elle-même et de ses vieux problèmes pour s’engager résolument sur les voies de la globalisation et de la mondialisation. A quoi il convenait d’ajouter le souci écologique qui devenait plus que jamais l’une des composantes de la vie et où la France brille singulièrement, comme chacun sait, par l’éclat de ses discours et de ses résolutions chiffrées, actées, trompettées.

    De telles prospectives supposent un maître d’œuvre. Et Macron était là ! Matignon assurerait le quotidien ; l’Élysée maintiendrait la vision. Il devait y avoir à tous les niveaux de direction gouvernementale et administrative un personnel capable de comprendre l’ampleur du dessein pour mieux en assurer l’exécution.

    Le reste était relativement secondaire. L’immigration dans l’imaginaire macronien n’était un problème qu’en raison des idéologies néfastes qui s’emparaient de la question, soit le refus xénophobe et raciste, soit le tout-va immigrationniste. Le réalisme était de comprendre le problème dans toute la complexité de ses données multiples. Il n’était pas jusqu’aux questions dites sociétales qui ne trouveraient leur solution dans un tel état d’esprit. Il n’y avait pas de métaphysique qui tenait ; l’esprit positif du gouvernement, tenant compte des progrès de la science et de la technique comme des revendications juridiquement valides des personnes et des couples, ferait valoir auprès de l’opinion la plus large « les avancées » qu’il était possible d’envisager.

    Restait à mettre les institutions au diapason de cet esprit de réforme générale. Les vieux « trucs » politiciens devaient disparaître devant des propositions claires et simples d’une dynamique modernité : plus de cumul des mandats ; plus de carrières politiciennes qui s’enkystent dans le système avec les reconductions dans les charges publiques ; moins d’élus de toutes sortes ; moins de strates politiques et administratives pour faire des économies d’échelle ; renouvellement dans et par la société civile de toute les fonctions publiques, assurant une participation de tous au débat citoyen et aux décisions collectives ; ouverture de certains scrutins à la proportionelle mais avec une sage pondération pour permettre une plus exacte représentation du corps électoral – et aussi pour finir d’affaiblir les partis traditionnels ! Et, peut-être, dans certains cas, de plus grandes possibilités de référendums.

    gangs-de-filles.jpgEt le président « présiderait » en majesté jupitérienne par la haute dignité de son intelligence –, ça, c’était pour le peuple français –, et, en même temps, en simplicité par son ouverture compréhensive à la vie d’aujourd’hui qui se doit d’accepter presque tout et de jouer le jeu de la vulgarité, s’il le faut jusqu’à la trivialité, avec cette idée qu’on ne perd rien à se mettre au niveau de la voyoucratie à la mode – et ça, c’était pour tous les bobos – dont les Macron font partie à leur manière – et les gars des banlieues qu’on se flattait de séduire.

    Ainsi Macron se faisait-il fort de résoudre le problème français. En cinq ans, avait-il annoncé, le temps d’un quinquennat. Il avait montré sa capacité à vaincre, en France d’abord, le populisme et l’hydre du nationalisme. Il était disposé à manifester la même capacité au niveau européen ; il s’en était expliqué dans un long discours à la Sorbonne ; il s’était engagé en janvier 2018 à Davos à faire de l’Europe, avec essentiellement l’aide de l’Allemagne, un modèle de société ouverte. Ce serait, après la rénovation du « contrat social » français, la restauration du « contrat social européen » dont l’Angleterre ne pourrait avoir qu’envie de redevenir partenaire. Il resterait alors à diligenter « le contrat social mondial », à le rééquilibrer ; et, là aussi, Macron exposait ses idées de multilatéralisme, de justice, de complémentarité, et tout le monde comprenait qu’il était, à ce niveau aussi, l’homme de la situation. Ce qui lui valut à Davos une standing ovation !

    Le divorce consommé

    Voilà donc Macron, tel qu’il est, tel qu’il se pense. Il ne fait, d’ailleurs, que rabâcher ce qu’il a appris dans ses cours, sans prendre de distance, et en se l’appropriant comme sa plus profonde réflexion. Il n’a aucune épaisseur de pensée, aucune profondeur de cœur ; il est figé dans des raisonnements de quatre sous et des considérations aussi générales que répétitives qui ne forment pas une politique. En un an il n’a pas changé ; il ne changera pas ; il ne peut pas changer ; il l’a dit ; c’est sa seule structure mentale et c’est sa psychologie de fond dans le rapport de son moi avec le monde. Ses vœux moralisateurs étaient du même acabit, sans chaleur, sans prise avec le réel : un cours récité.

    Alors, pourquoi faire ou refaire dans ces colonnes pareille synthèse de la pensée macronienne, aujourd’hui, en ce début d’année 2019 ? Uniquement pour montrer le décalage absolu entre la vision du chef de l’État et les préoccupations du peuple français. Il ne suffit pas de le constater et de le dire ; il faut en comprendre les raisons. Les grandes idées inconsistantes et concrètement destructrices des liens sociaux et historiques au motif d’une prétendue modernité ont toujours été rejetées par les peuples. C’est ainsi que la France et les Français ont rejeté toutes leurs républiques depuis plus de deux cents ans. L’État ne saurait être au service de plans concoctés dans des cervelles d’arrivistes plus ou moins intellectuels et qui finissent en chimères ; il se doit d’être le premier fonctionnaire du bien commun, c’est-à-dire de l’intérêt national. Et cela ne l’empêche nullement de s’intéresser aussi aux voitures de demain ! La Ve République subit en ce moment le sort des précédentes. Parce qu’elle ne sert plus maintenant qu’une idée et, avec Macron, une idée fausse.

    faux-gilets-jaunes-casseurs.jpgLes Français demandent à vivre. On les en empêche au nom de vastes considérations dont ils n’ont strictement rien à faire. L’abîme qui se creuse entre les gouvernants et ce qu’il est convenu d’appeler le peuple, est tel que la crise devient naturellement institutionnelle. « Macron, démission ! » n’est pas seulement un cri jeté en l’air. S’il faut déplorer comme tous les honnêtes gens les destructions inutiles qui sont essentiellement le fait de casseurs qu’on laisse faire depuis des décennies, il est en revanche dans les manifestations des actes et des slogans qui signifient clairement le rejet d’un État et de gouvernants qui méprisent la France et les Français. « C’est à la République qu’on s’en prend », reprennent en chœur les Castaner, les Griveaux et autres qui n’ont cessé d’insulter des Français pacifiques en les traitant de voyous. Juste retour des choses. Et d’ailleurs la légitimité de tout ce personnel, d’où vient-elle ? Historiquement, de têtes coupées, mises au bout d’une pique. N’est-ce pas ? Et ils en sont fiers ! Et ils le revendiquent ! Alors ?

    Malgré tous les discours, le pays réel n’est plus écouté par le pays légal. Le divorce aujourd’hui est complet. Le Conseil économique, social et environnemental propose-t-il une consultation ? La majorité des réponses demande en priorité l’abrogation de la loi Taubira. Qu’à cela ne tienne ! C’est traité comme un mauvais coup des réactionnaires ! Pas plus que la pétition des 700 000 signatures en 2014, ces revendications ne seront prises en compte.

    Le président écrit aux Français pour leur proposer un large débat et tout le monde devine que le débat est déjà clos. Il en profitera pour essayer de faire passer quelques points de sa réforme constitutionnelle avec l’aval populaire d’un référendum. On est dans l’astuce politicienne. Le monde nouveau de Macron rappelle étrangement le monde d’hier. La République continue à se ressembler à elle-même. Mais, il est vrai, que faire ? Les malins quittent le navire gouvernemental les uns après les autres. Qu’en sera-t-il quand le pilote arrivera sur l’écueil des élections européennes ? ■ 

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    Hilaire de Crémiers

  • Bon à savoir ? Oui : Des souverainistes de gauche, ex-proches de Mélenchon, veulent lancer leur parti

     

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgC'est Le Figaro du 11 janvier qui nous l'apprend sous la plume de Sophie de Ravinel. Et pour qui participe au débat politique autrement que par voie d'injures et de polémique vulgaire, l'information est importante. Ce n'est pas autrement, mutatis mutandis, que s'est élaborée en Italie une convergence entre souverainistes de gauche et de droite qui a porté les populistes patriotes et eurosceptiques au Pouvoir. Nous n'en sommes pas là. Mais les lignes bougent. Suivons les affaires aussi de ce côté-là de l'échiquier politique !  LFAR  

    avatar-journalistes-defaut.jpgDes souverainistes de gauche, anciennement proches de Jean-Luc Mélenchon, présentent samedi à Paris les contours d'une nouvelle formation politique. Le concept de la nation y sera tout sauf tabou.

    Montage 3.jpgLa réunion est publique. Elle se déroule samedi dans le XIe arrondissement de Paris, rue de Charonne. Deux conditions pour s'y rendre: être souverainiste, et de gauche. Même si le mot gauche pour eux, n'a plus grand sens. Trois personnalités sont invitantes : le philosophe Denis Collin, le journaliste Jacques Cotta mais aussi Djordje Kuzmanovic (Photo, de gauche à droite), un spécialiste de géopolitique et jusqu'à il y a peu proche collaborateur de Jean-Luc Mélenchon sur les questions internationales. Tous trois s'apprêtent à proposer aux participants de monter une nouvelle formation politique. « Nous allons faire des propositions et nous verrons quelles sont les réponses », précise Jacques Cotta, qui souhaite s'orienter vers « un Collectif pour la souveraineté et la justice sociale ». « Ce mouvement sera à l'écoute de ce que dit le pays dans ce temps de crise exprimée par les « gilets jaunes ». Il n'exclura personne, ne niera pas les particularités mais rassemblera ». C'est Djordje Kuzmanovic qui devrait présenter les contours du projet.

    Jacques Cotta, qui a animé une émission à la télévision Le Media, a aussi été proche de Mélenchon. Quant à Denis Collin, son amitié avec le leader des Insoumis remonte à ses jeunes années de l'OCI (l'Organisation Communiste Internationaliste). Il l'a ensuite accompagné au PS et enfin au PG, avant que leurs chemins ne se séparent sur fond de divergences politiques et personnelles. Ce spécialiste de Karl Marx vient de publier Après la gauche aux Éditions Perspectives libres, un essai proche des thèses de Jean-Claude Michea. Sur le blog La Sociale qui rassemble ce clan souverainiste, un « Appel des 100 » a été publié, dans lequel les signataires - au-delà de leurs éventuelles divergences - défendent « la souveraineté de la Nation ». « Une force existe dans le pays pour la république laïque, démocratique et sociale, une et indivisible, une république souveraine au service du peuple de France », écrivent-ils.

    Brenouvin.JPGOn y trouve des personnalités diverses comme l'essayiste Coralie Delaume proche de Natacha Polony, la militante féministe Fatiha Boudjahlat ou... l'ancien candidat royaliste à la présidentielle de 1974, Bertrand Renouvin (photo). Il est à la tête de la Nouvelle action royaliste, la NAR. Un mouvement non maurrassien soucieux d'instaurer une monarchie constitutionnelle en France.

    « Dupont-Aignan et Le Pen ne sont pas en faveur d'une véritable répartition des richesses »

    « Ce qui nous rassemble, c'est notre ADN de gauche antilibérale et un souverainisme assumé », explique Fatiha Boudjahlat. Elle ne sera pas à la réunion samedi mais se dit « très intéressée » par ce qui se construit. « Contrairement à La France Insoumise où Jean-Luc Mélenchon nuit à ses propres idées par son attitude autoritariste, personne ne cherche ici à capter la lumière ». Boudjahlat l'assure, ce projet n'a « rien à voir » avec Debout La France de Nicolas Dupont-Aignan, et « encore moins » avec le Rassemblement national de Marine Le Pen. « Chez nous, contrairement à Dupont-Aignan, le souverainisme n'est pas une fin en soi, c'est le moyen de récupérer l'autorité politique pour réaliser la République sociale ». « Et jamais, poursuit-elle, jamais nous ne nous serions unis à Marine Le Pen qui a une vision exclusive de la nationalité ». « Dupont-Aignan et Le Pen ne sont pas en faveur d'une véritable répartition des richesses », poursuit Cotta. « Quand ils affirment qu'il faut prendre sur les cotisations sociales, c'est-à-dire sur les salaires différés, pour les mettre sur les salaires et augmenter le Smic, ils sont sur une même position que l'Europe et Emmanuel Macron ! »

    Fatiha-inversion-des-valeurs-800x800.jpgReste que ces souverainistes de gauche, chez les « Gilets jaunes » et ailleurs, pêchent dans les mêmes eaux populaires. Avec une réhabilitation volontaire et très nette de la « nation ». « J'aime le mot nation, défend Boudjahlat (photo), c'est le mot qui exprime le mieux l'intérêt général. Le peuple, c'est devenu quantitatif...» Sur son blog La Sociale, Denis Collin vise clairement Jean-Luc Mélenchon. « Ceux qui parlent du peuple sans vouloir la nation (suivez mon regard), ne voient pas le peuple autrement qu'une masse coagulée par le charisme d'un chef, d'un « caudillo » et non pas le peuple politique, apte à délibérer dans le silence des passions ». Il reconnaît qu'il y a « des passions nationales qui peuvent être dangereuses ». Il pointe aussi la « xénophobie » qui à « l'amour de la patrie substitue la haine des étrangers ». Mais il va jusqu'à prétendre qu'« une certaine xénophobie est plus ou moins inévitable ». « Il n'y a pas de nation s'il n'y a pas une forme de préférence nationale », ajoute-t-il encore, avouant avec ironie « dire une horreur ».  

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    Sophie de Ravinel

  • À la « Une » du Figaro d'aujourd'hui qui pour une fois ne fait pas dans l'euphémisme ...

    Et cette brouille, résultat, entre autres, de la politique immigrationniste, européiste et droit-de-l'hommiste d'Emmanuel Macron n'est de l'intérêt d'aucune des parties, dont l'Europe en général ... 

  • Heurs et malheurs : fidélité à la mémoire nationale ce 21 janvier prochain

    Par  Lafautearousseau

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgDans une conférence à Marseille le 3 mars 1988 - dont il existe, par chance, une vidéo - Pierre Boutang dit à un moment, comme réfléchissant pour lui-même, au détour d'un raisonnement fulgurant, à sa manière, évoquant sa jeunesse d'Action française et ce qu'il y faisait avec ses camarades dont beaucoup, dans cette génération, merveilleux d'intelligence, d'enthousiasme, de dévouement et de courage : « finalement, lorsque nous restaurions le culte de Jeanne d'Arc, c'était peut-être ce que nous faisions de mieux ». Humilité du vrai militant. Le pays, miné par les vices du régime, roulait alors vers la guerre tragique que Maurras pensait perdue d'avance,  désastre qui advint en juin 40. 

    images.jpgBoutang considère un demi-siècle plus tard, que cette actualité poignante, quelles que soient les passions légitimes et les combats justes qu''elle suscitait alors, passerait ; que la France traverserait les terribles épreuves qui manqueraient la tuer ; mais que restaurer le culte de l'héroïne nationale, la pure figure du patriotisme français, salvifique dans le pire malheur, était, finalement, ce que l'on pouvait faire de mieux. Ce qui était le plus important. Ce qui ne passerait pas. Maintenir vivants pour la France les plus anciens symboles de sa capacité à survivre aux pires épreuves et à renaître plus forte y compris en faisant appel au secours de la transcendance, voilà ce qui primait. Et Boutang poursuit sa réflexion : il y a aussi la figure de nos rois et ce qu'il en subsiste de profond dans la mémoire populaire. Que celle-ci retrouve, qu'elle invoque et qui la rassemblent, dans les périodes difficiles de son histoire. Et Boutang d'évoquer ses modèles successifs : Louis XIV pour la grandeur et la force ; Louis XI pour la ruse, que prône Machiavel ; Henri IV pour la concorde restaurée, la vaillance, son sens du peuple ...

    saint-louis-roman.jpgEn définitive, avec l'âge et la maturation de son esprit, il dit mettre Saint-Louis plus haut que tout, ce roi saint qui pourtant n'a pas craint de guerroyer, d'aller porter au loin la Croisade, de s'opposer au pape, lorsqu'il le fallait pour la défense du Royaume. Saint-Louis, le Prince chrétien par excellence, archétype d'un pouvoir juste et fort. 

    Ces hauts symboles français sont vivants dans la mémoire populaire. Ils ressurgissent dans nos épreuves. Et c'est sans-doute ce qui explique les dizaines et dizaines de Messes, de conférences, de débats, de manifestations diverses, qui sont prévus à travers la France dans cette deuxième moitié du mois de janvier. [Voir plus loin]. 

    1005466-Louis_XVI.jpgLa mort de Louis XVI guillotiné, n'est pas symbole de victoire ni de gloire françaises. Et de fort loin.  Elle en est même le contraire. Elle constitue dans notre histoire nationale un acte singulier de rupture tragique avec nous-mêmes qui a bouleversé la France et le monde, les jetant dans une suite interminable de révolutions et de guerres dont nous ne nous sommes  jamais relevés. 

    À aucune époque ultérieure, cet événement si hautement symbolique n'a été vraiment oublié. Dans cette période chaotique où nous sommes de nouveau plongés, restaurer le lien historique qui nous rattache à notre histoire et à nos rois, dont le malheureux Louis XVI, c'est sans-doute, là encore « ce que nous pouvons faire de mieux ». Partout en France, soyons présents. Justement, pour l'avenir de notre Patrie. LFAR  

  • Le Prince Jean de France : Voeux pour une France apaisée

     

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    En ce début d’année, je souhaiterais vous adresser tous mes voeux pour 2019.

    Je ne reviendrai pas sur l’année difficile que notre pays vient d’avoir avec, comme je l’ai écrit dans mon dernier message, un mouvement des gilets jaunes qui cristallise toutes les fractures de notre société mais avec des Françaises et des Français qui restent, me semble-t-il, demandeurs d’un projet social commun sur un socle partagé.

    J’aimerais donner à tout cela de la perspective, en évoquant trois principes qui sont essentiels à la poursuite d’un bien commun social : la paix, la justice et l’autorité.

    La paix – on pourrait dire la concorde – c’est l’effet. Sans paix sociale, sans relations apaisées entre les différentes composantes de notre société, nous ne pouvons avancer. Pour cela nous devons changer de philosophie politique et passer de cette volonté de satisfaire les désirs individuels à une vraie recherche du bien commun en mettant en avant, dans la relation sociale, la confiance et non la défiance comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.

    La justice c’est la première condition. Sans justice, notamment à l’égard des plus démunis, pas de paix possible, car il y aura toujours le sentiment d’être lésé. Pour y arriver il faut pouvoir s’appuyer sur des règles simples comprises par tous. Le millefeuille de nos lois et règlements est certainement pour beaucoup dans le rejet des réformes nécessaires.

    L’autorité, c’est la deuxième condition. Sans autorité, pas de saine dynamique qui fait avancer les choses. La notion de service doit être remise à l’honneur, le respect des libertés individuelles et publiques doit permettre aux corps intermédiaires d’agir en subsidiarité. Il faut donner au chef de l’Etat un autre rythme institutionnel pour qu’il puisse travailler dans la continuité aux réformes de fond, et cela, sans autoritarisme.

    Voilà quelques principes qui permettraient à notre pays d’avancer vers la paix sociale nécessaire, avec plus de justice à l’égard des Françaises et des Français et avec un Etat qui a retrouvé son autorité. Espérance !

    Bonne et nouvelle année à vous tous vos familles et vos proches. ■   

     

    Jean de France, Duc de Vendôme

    Domaine Royal de Dreux, le 15 janvier 2019 

    Le site officiel du Prince Jean de France

    Pour retrouver les messages du Prince sur Lafautearousseau ...

    Famille de France, Prince Jean de France

  • Mathieu Bock-Côté : « Éloge de l'héritage »

    « La grande obsession de Terra Nova est de liquider le vieux monde, comme si nos sociétés devaient renaître en abolissant le principe de continuité ». [Palais du Louvre]

    Par Mathieu Bock-Côté 

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    Terra Nova vient de publier un rapport qui préconise une hausse massive de l'impôt sur les successions. Mais favoriser une fiscalité confiscatoire sur les héritages a sans-doute pour but et aura pour effet de sectionner les liens entre les générations et de lacérer le lien social. De cet article de Mathieu Bock-Côté [Le Figaro, 12.01] nous extrayons trois idées-force qui se rattachent directement à notre école de pensée : « Une société en guerre contre l'héritage est en lutte contre elle-même » ; « Il fallait liquider une France nostalgique de son identité passée et en faire naître une nouvelle, mieux adaptée aux appartenances hybrides, à la fluidité identitaire et à la mondialisation » ; « Un homme ne devrait plus se soucier de sa lignée ou chercher à transmettre plus qu'il n'a reçu ». LFAR

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    Terra Nova s'est fait connaître depuis 2008 à la manière d'un think-tank à l'avant-garde du progressisme.

    On lui doit d'avoir théorisé la stratégie invitant la gauche française à rassembler les différentes minorités identitaires et les élus de la mondialisation dans une nouvelle majorité politico-idéologique, censée convertir la France d'hier au génie de la société diversitaire. Les classes populaires devenues culturellement conservatrices étaient abandonnées. Il fallait liquider une France nostalgique de son identité passée et en faire naître une nouvelle, mieux adaptée aux appartenances hybrides, à la fluidité identitaire et à la mondialisation. Telle serait apparemment la loi de l'hypermodernité: rien ne devrait plus être comme avant.

    Il faut garder cela à l'esprit quand on se penche sur la nouvelle contribution du think-tank à un « grand débat » dont les termes demeurent étrangement incertains. Terra Nova vient ainsi de proposer dans un rapport une augmentation massive de l'impôt sur les successions, comme le notait Virginie Pradel le 8 janvier dans Le Figaro . Je n'entends pas ici revenir sur les aspects techniques de la proposition de Terra Nova, mais sur l'arrière-fond philosophique qui pousse les « progressistes » à favoriser une fiscalité confiscatoire en matière de succession au nom de la lutte contre les inégalités.

    Dans la perspective progressiste, un monde juste serait un monde mis à plat régulièrement, empêchant que ne se forment au fil des générations des hiérarchies toujours condamnables. On trouve ici une utopie qui sans cesse se recompose, celle d'une société capable de remettre le compteur à zéro à chaque génération, autrement dit qui parvienne à faire table rase en étendant sans cesse l'application du principe égalitaire. On comprend que la grande obsession de Terra Nova est de liquider le vieux monde, comme si nos sociétés devaient renaître en abolissant le principe de continuité.

    Faut-il le dire, c'est aussi dans cet esprit qu'on a assisté, depuis plus d'un demi-siècle, à la déconstruction progressive de l'école et de l'éducation. Selon le vocabulaire consacré, il fallait abolir la figure de l'héritier, comme si la modernité devait correspondre à une perpétuelle nuit (d'abolition) des privilèges. On connaît le résultat: plutôt que relever le niveau culturel des milieux défavorisés, c'est l'idée même de culture générale qu'on a fait exploser. Une société en guerre contre l'héritage est en lutte contre elle-même, et se prépare à se confier à des planificateurs sociaux à l'imagination hasardeuse.

    Mais c'est la nature humaine qu'on heurte ainsi. Le progressisme se laisse aller à une agression anthropologique. Il réduit le désir de transmettre à une forme d'égoïsme pathologique, lié à la persistance de valeurs familiales régressives qui rendraient l'homme étranger au bien commun. Un homme ne devrait plus se soucier de sa lignée ou chercher à transmettre plus qu'il n'a reçu. Il ne devrait plus travailler pour céder un monde meilleur à ses descendants puisqu'il contribuerait ainsi à l'injustice sociale. Pour le dire autrement, il ne devait travailler qu'à l'horizon de sa propre vie. La modernité, ici, révèle sa tentation nihiliste.

    Une véritable ascension sociale

    La transmission du monde est la condition de sa sauvegarde, et rien ne dure sans le désir de durer. Qui veut sectionner les liens entre les générations lacère en fait le lien social. Dès lors, on ne saurait œuvrer consciemment à la neutralisation programmée de la transmission familiale sans condamner la société à un double mouvement de collectivisation aliénante et d'individualisation abstraite. L'individu détaché de ses appartenances, coupé de sa communauté, éloigné de sa famille, se retrouve finalement bien seul devant une administration qui prétend mieux savoir que lui comment gérer sa vie et le voit comme un pion dans son système. Cette société planifiée quadrillant tout le réel pour éviter que quoi que ce soit ne lui échappe est au fond d'elle-même hostile aux libertés les plus fondamentales.

    La lutte contre les inégalités est essentielle et la colère révélée par les « gilets jaunes » rappelle que la réactivation de l'ascenseur social est une nécessité vitale. Le combat pour la justice sociale rappelle aux hommes qu'ils forment une communauté où chacun est appelé au bien commun et qui donne aux enfants de tous les milieux l'occasion d'une véritable ascension sociale. Nul n'est assez bête, non plus, pour croire qu'elle repose sur le seul mérite individuel, sans que ne pèsent sur elle de puissants déterminismes sociaux. Chacun doit contribuer selon ses moyens à la construction d'institutions valables pour tous.

    Mais rien de tout cela ne doit obligatoirement se penser à l'aune de l'utopie de la table rase, qui pousse la quête égalitariste à jeter à terre tout ce qui l'entrave, en créant une horizontalité morne, qui rapetisse l'homme en croyant le libérer.   

    Liens
    Les classes populaires devenues culturellement conservatrices
    Virginie Pradel le 8 janvier dans Le Figaro
    Mathieu Bock-Côté 
    Le-nouveau-regime.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politiqueaux éditions du Cerf [2016] et le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017). 
  • Sérotonine, de Michel Houellebecq. Le Oui et le Non à la vie

     Par Javier Portella

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgJusqu'ici Javier Portella nous avait remarquablement éclairés sur les événements d'Espagne, nous permettant d'ajouter ses réflexions très documentées aux nôtres. Mais nous constatons qu'il a bien des cordes à son arc. Voici en effet qu'il vient de produire un article superbe et profond [Boulevard Voltaire, 13.01] sur le dernier livre-événement de Michel Houellebecq. Nous avons déjà dit que nous reviendrions sur ce dernier opus. Et nous n'en avons pas fini car son importance n'est pas - si l'on peut dire - seulement littéraire. Lisez donc !    LFAR

     

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    Il m’a laissé à la fois heureux et accablé, le dernier roman d’Houellebecq. Heureux ? Non. Quel bonheur peut apporter une histoire qui, aussi réjouissants que soient ses sarcasmes à l’encontre des bobos, baigne dans une tristesse si épaisse ? Oublions le bonheur, le plus usé (et faux) des mots. Ce que cette histoire m’a apporté, c’est la plénitude déchirée – ce n’est pas pareil : c’est infiniment mieux – qu’apporte tout grand chef-d’œuvre.

    Et celui-là en est un. C’est peut-être la plus grande des œuvres qu’Houellebecq nous a offertes. C’est, en tout cas, la plus déchirée et décharnée, la plus nihiliste et désespérée. Nul espoir n’y est permis. Cent ans de solitude, disait García Márquez. Pas cent ans, cent siècles, semble dire Houellebecq, en songeant surtout au nôtre : au siècle dont les hommes tombent plus seuls et plus nus que jamais dans l’abîme où halètent échec, ruine et décomposition.

    Et pourtant…

    Si ce n’était que cela ; si Houellebecq se bornait à cela ; si tout se réduisait à un plaidoyer sur la noirceur du monde et le non-sens de la vie, ni ce livre n’aurait rien à voir avec l’art, ni je ne m’y serais plongé à fond. C’est toujours la même chose qui m’arrive avec Houellebecq – et avec Céline aussi, cet autre génie auquel il ressemble à tant d’égards.

    En un sens, je suis profondément en désaccord avec ses idées. Ma sensibilité, si différente, ne peut que se soulever face à une vision tellement désolée du monde. Comment pourrais-je y adhérer quand, tout en souffrant et tout en combattant cette désolation, je fais mien l’amor fatinietzschéen : l’acceptation – non résignée : offensive – des desseins du sort ; le grand vitalisme qui conduit Nietzsche à s’exclamer : « Je veux en toute circonstance être celui qui dit Oui »« le grand Oui à toutes les choses élevées, belles, téméraires, le grand, le sacré Oui à la vie ».

    2051844117.jpgEt face à cela, le grand Non à la vie que balbutient les personnages d’Houellebecq, notamment ce Florent-Claude Labrouste dont les actions… ou non-actions charpentent Sérotonine. Ce qui se passe, c’est que le Non d’Houellebecq n’est jamais univoque. Il l’exprime avec un tel humour et un tel art qu’à travers lui grouille toute la contradictoire complexité d’une vie qui, avec ses mille tendresses et mesquineries, ses mille amours et désamours, ses mille bontés et méchancetés, souffle et se débat face au grand Néant qui prétend l’engloutir.

    À l’occasion – et elle est cruciale –, la vie souffle même en prenant la hauteur d’un combat politique où Houellebecq manifeste toutes ses sympathies. Elles vont à l’ancienne et aujourd’hui dépossédée aristocratie rurale, ainsi qu’aux paysans – les seuls à se sauver du grand désastre postmoderne – en butte à la spoliation entreprise par Bruxelles et par les grandes entreprises du capitalisme mondialisé.

    Non, le désarroi qui anéantit les personnages d’Houellebecq n’est pas seulement un désarroi psychologique, intime, individuel. Ou, s’il est individuel, c’est dans la mesure où il est individualiste. Ce qui les accable, c’est le désarroi qui fait chavirer les hommes dépourvus d’amour érotique, et d’attaches familiales, et des liens d’un peuple, et de l’enracinement dans des traditions, et de la fermeté d’un ordre donnant un sens à la vie vouée à la mort.

    S’il en est ainsi, si se déploient dans l’œuvre les deux moteurs qui, s’affrontant, poussent le monde – le Oui et le Non, la vie et la mort –, qu’importe alors que la littéralité de l’œuvre privilégie celui des deux moteurs qui ne serait peut-être celui qu’on tendrait à privilégier ? ■  

    Écrivain et journaliste espagnol

  • L’arroseur arrosé

    par Louis-Joseph Delanglade 

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    La faute de M. Macron dans cette affaire est d’avoir pensé qu’il pouvait critiquer voire insulter des hommes politiques étrangers en raison de leurs idées alors même qu’ils exerçaient le pouvoir.

    Ce faisant, il s’en prenait de fait à des pays, à des peuples, à des États. On se rappelle ainsi qu’en juin dernier, dans une vie politique antérieure à l’avenir plutôt serein et prometteur, il avait choisi l’Italie comme tête de Turc, notamment à propos de l’Aquarius, ce navire qui satisfaisait conjointement négriers et bobos humanistes. Déjà, la réaction de Rome l’avait obligé à mettre un bémol. Il y eut par la suite les attaques misérables de M. Moscovici, commissaire européen certes mais Français tout de même et surtout très proche de M. Macron. Attaques traitées à Rome par le mépris qu’elles méritaient. 

    640_000_15j3yz.jpgToutefois, les Italiens ont la dent dure et sont intelligents. A l’image de M. Macron, c’est-à-dire dans un subtil mélange de politique intérieure (on sait la rivalité des deux partis de la coalition au pouvoir) et de politique européenne (faire de l’Italie l’avant-garde du mouvement populaire qui agite toute l’Europe), MM. Di Maio et Salvini, les deux vice-présidents du Conseil des ministres italien, proclament lundi 7 janvier leur soutien au mouvement des Gilets jaunes.

    maxresdefault.jpgDu coup, Mme Schiappa, en réponse à sa propre question à propos de la cagnotte des Gilets jaunes (« Qui finance les violences, qui finance les casseurs ? Il faut savoir si des puissances étrangères financent ces casseurs. » - France Inter, jeudi 10) Mme Schiappa donc nomme explicitement et prioritairement l’Italie. C’est peut-être vrai, cela relève peut-être de ce délire complotiste qui semble s’être emparé du gouvernement (on se rappelle les premiers propos de MM. Castaner et Darmanin, début décembre, sur les « factieux » et la « peste brune » en parallèle aux images de ces Gilets jaunes défilant au cri de « Salvini ! Salvini ! »). C’est à coup sûr une nouvelle version de la faute commise par M. Macron. 

    XVM8153c940-f72e-11e5-b1ee-e22b0efeb22d.jpgQuoi qu’il en soit, l’ambition européenne de celui-ci se retrouve ainsi fortement compromise. Pour « refonder l’Europe » (Sorbonne, septembre 2017), il lui faut, selon sa propre feuille de route, obtenir une victoire éclatante aux élections de mai 2019, de façon à favoriser l’émergence au Parlement européen du groupe central à vocation majoritaire qu’appellent de leurs voeux les Bayrou, Juppé, Raffarin et autres vieux crabes de l’européisme militant. D’où le retour à des listes nationales, mode de scrutin  jugé plus favorables aux « marcheurs » ; d’où l’exacerbation du clivage progressisme-populisme qui avait plutôt bien fonctionné lors de la présidentielle. Mais cela, c’était avant. Avant la succession de problèmes et déconvenues du second semestre de l’année 2018. Désormais, le scrutin de mai, en raison même du mode choisi, risque fort de virer au référendum pour ou contre M. Macron, bien loin donc d’être gagné 1482558-madrid-nombreux-drapeaux-espagnols-ornent.jpgpour le président. Quant aux attaques visant les pelés, les galeux (M. Macron lui-même parlait de « lèpre » - Quimper, juin 2018), elles sont contre-productives : non seulement le populisme continue de monter un peu partout en Europe (dernier exemple : la percée en Andalousie du parti Vox, ouvertement de « droite réactionnaire », percée qui le place dans une position incontournable) mais, désormais, à l’initiative de M. Salvini, les populistes tentent de s’organiser au plan européen dans la perspective du prochain scrutin, faisant ainsi du Macron contre M. Macron, lequel risque de se retrouver dans la fâcheuse situation de l’arroseur arrosé. ■

  • Justice de classe ?

    Par Aristide Renou

    Dettinger2-800x360.jpgChristophe Dettinger, le boxeur de la passerelle Léopold-Sédar-Senghor, a été mis en détention provisoire en attendant son procès, le 13 février. 

    Jugé en comparution immédiate, Christophe Dettinger aurait pu connaitre sa sentence le jour-même mais son avocat a demandé le report de son procès pour préparer sa défense. D’où la détention provisoire, que le parquet a justifié notamment par « un risque de réitération ». Soit.

    Chacun est dans son droit, à la fois au sens légal et au sens moral. Il est normal que l’avocat puisse demander un délai pour préparer la défense de son client, et il est normal que certains prévenus soient mis en détention provisoire en attendant le procès. Je ne conteste pas le principe. Je ne conteste même pas que les actes commis par Dettinger mériteraient, dans une société civilisée, une sanction assez lourde.

    Simplement, je lis dans la presse le même jour le fait divers suivant : un homme de 19 ans soupçonné de trois cambriolages a été arrêté à Vénissieux. Il aurait déjà à son actif 54 antécédents judiciaires (tout en gardant bien à l’esprit que la justice ne connait jamais qu’une partie des méfaits commis par ce genre de multirécidivistes). « Lors de sa garde à vue », précise le journal 20Minutes, « le suspect a reconnu les faits. Laissé libre, il devra s’expliquer devant la justice le 17 septembre prochain ».

    Ai-je besoin d’en dire plus ?

    D’un côté un homme au casier judiciaire vierge, « risque de réitération ». De l’autre côté un délinquant chronique, connu pour tel, qui reconnait les faits pour lesquels il a été arrêté, mais là, apparemment, pas de risque de réitération. Donc pas de détention provisoire. Et à votre avis, à quoi va s’occuper ce charmant jeune homme en attendant son procès (si tant est qu’il s’y présente, bien sûr) ? Vous croyez qu’il va vivre de la vente de crayons et de cartes postales ?

    Coupons court : je dirais en substance exactement la même chose que ce que j’ai dit lors du procès d’Esteban Morillo et Samuel Dufour : « une sévérité en elle-même justifiée devient absolument insupportable lorsqu’elle apparait comme une exception au milieu d’un océan de laxisme et de mépris pour la vie humaine de la part de la « justice » française. »

    Comment voulez-vous que le procès à venir de Dettinger, tout comme celui de Morillo et Dufour, n’apparaisse pas comme un procès politique ? Comme l’expression d’une odieuse justice de classe ? On voudrait hâter une révolution sanglante qu’on ne s’y prendrait pas autrement.   ■

    Aristide Renou