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Actualité France - Page 294

  • Heurs et malheurs : fidélité à la mémoire nationale ce 21 janvier prochain

    Par  Lafautearousseau

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgDans une conférence à Marseille le 3 mars 1988 - dont il existe, par chance, une vidéo - Pierre Boutang dit à un moment, comme réfléchissant pour lui-même, au détour d'un raisonnement fulgurant, à sa manière, évoquant sa jeunesse d'Action française et ce qu'il y faisait avec ses camarades dont beaucoup, dans cette génération, merveilleux d'intelligence, d'enthousiasme, de dévouement et de courage : « finalement, lorsque nous restaurions le culte de Jeanne d'Arc, c'était peut-être ce que nous faisions de mieux ». Humilité du vrai militant. Le pays, miné par les vices du régime, roulait alors vers la guerre tragique que Maurras pensait perdue d'avance,  désastre qui advint en juin 40. 

    images.jpgBoutang considère un demi-siècle plus tard, que cette actualité poignante, quelles que soient les passions légitimes et les combats justes qu''elle suscitait alors, passerait ; que la France traverserait les terribles épreuves qui manqueraient la tuer ; mais que restaurer le culte de l'héroïne nationale, la pure figure du patriotisme français, salvifique dans le pire malheur, était, finalement, ce que l'on pouvait faire de mieux. Ce qui était le plus important. Ce qui ne passerait pas. Maintenir vivants pour la France les plus anciens symboles de sa capacité à survivre aux pires épreuves et à renaître plus forte y compris en faisant appel au secours de la transcendance, voilà ce qui primait. Et Boutang poursuit sa réflexion : il y a aussi la figure de nos rois et ce qu'il en subsiste de profond dans la mémoire populaire. Que celle-ci retrouve, qu'elle invoque et qui la rassemblent, dans les périodes difficiles de son histoire. Et Boutang d'évoquer ses modèles successifs : Louis XIV pour la grandeur et la force ; Louis XI pour la ruse, que prône Machiavel ; Henri IV pour la concorde restaurée, la vaillance, son sens du peuple ...

    saint-louis-roman.jpgEn définitive, avec l'âge et la maturation de son esprit, il dit mettre Saint-Louis plus haut que tout, ce roi saint qui pourtant n'a pas craint de guerroyer, d'aller porter au loin la Croisade, de s'opposer au pape, lorsqu'il le fallait pour la défense du Royaume. Saint-Louis, le Prince chrétien par excellence, archétype d'un pouvoir juste et fort. 

    Ces hauts symboles français sont vivants dans la mémoire populaire. Ils ressurgissent dans nos épreuves. Et c'est sans-doute ce qui explique les dizaines et dizaines de Messes, de conférences, de débats, de manifestations diverses, qui sont prévus à travers la France dans cette deuxième moitié du mois de janvier. [Voir plus loin]. 

    1005466-Louis_XVI.jpgLa mort de Louis XVI guillotiné, n'est pas symbole de victoire ni de gloire françaises. Et de fort loin.  Elle en est même le contraire. Elle constitue dans notre histoire nationale un acte singulier de rupture tragique avec nous-mêmes qui a bouleversé la France et le monde, les jetant dans une suite interminable de révolutions et de guerres dont nous ne nous sommes  jamais relevés. 

    À aucune époque ultérieure, cet événement si hautement symbolique n'a été vraiment oublié. Dans cette période chaotique où nous sommes de nouveau plongés, restaurer le lien historique qui nous rattache à notre histoire et à nos rois, dont le malheureux Louis XVI, c'est sans-doute, là encore « ce que nous pouvons faire de mieux ». Partout en France, soyons présents. Justement, pour l'avenir de notre Patrie. LFAR  

  • Le Prince Jean de France : Voeux pour une France apaisée

     

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    En ce début d’année, je souhaiterais vous adresser tous mes voeux pour 2019.

    Je ne reviendrai pas sur l’année difficile que notre pays vient d’avoir avec, comme je l’ai écrit dans mon dernier message, un mouvement des gilets jaunes qui cristallise toutes les fractures de notre société mais avec des Françaises et des Français qui restent, me semble-t-il, demandeurs d’un projet social commun sur un socle partagé.

    J’aimerais donner à tout cela de la perspective, en évoquant trois principes qui sont essentiels à la poursuite d’un bien commun social : la paix, la justice et l’autorité.

    La paix – on pourrait dire la concorde – c’est l’effet. Sans paix sociale, sans relations apaisées entre les différentes composantes de notre société, nous ne pouvons avancer. Pour cela nous devons changer de philosophie politique et passer de cette volonté de satisfaire les désirs individuels à une vraie recherche du bien commun en mettant en avant, dans la relation sociale, la confiance et non la défiance comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.

    La justice c’est la première condition. Sans justice, notamment à l’égard des plus démunis, pas de paix possible, car il y aura toujours le sentiment d’être lésé. Pour y arriver il faut pouvoir s’appuyer sur des règles simples comprises par tous. Le millefeuille de nos lois et règlements est certainement pour beaucoup dans le rejet des réformes nécessaires.

    L’autorité, c’est la deuxième condition. Sans autorité, pas de saine dynamique qui fait avancer les choses. La notion de service doit être remise à l’honneur, le respect des libertés individuelles et publiques doit permettre aux corps intermédiaires d’agir en subsidiarité. Il faut donner au chef de l’Etat un autre rythme institutionnel pour qu’il puisse travailler dans la continuité aux réformes de fond, et cela, sans autoritarisme.

    Voilà quelques principes qui permettraient à notre pays d’avancer vers la paix sociale nécessaire, avec plus de justice à l’égard des Françaises et des Français et avec un Etat qui a retrouvé son autorité. Espérance !

    Bonne et nouvelle année à vous tous vos familles et vos proches. ■   

     

    Jean de France, Duc de Vendôme

    Domaine Royal de Dreux, le 15 janvier 2019 

    Le site officiel du Prince Jean de France

    Pour retrouver les messages du Prince sur Lafautearousseau ...

    Famille de France, Prince Jean de France

  • Mathieu Bock-Côté : « Éloge de l'héritage »

    « La grande obsession de Terra Nova est de liquider le vieux monde, comme si nos sociétés devaient renaître en abolissant le principe de continuité ». [Palais du Louvre]

    Par Mathieu Bock-Côté 

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    Terra Nova vient de publier un rapport qui préconise une hausse massive de l'impôt sur les successions. Mais favoriser une fiscalité confiscatoire sur les héritages a sans-doute pour but et aura pour effet de sectionner les liens entre les générations et de lacérer le lien social. De cet article de Mathieu Bock-Côté [Le Figaro, 12.01] nous extrayons trois idées-force qui se rattachent directement à notre école de pensée : « Une société en guerre contre l'héritage est en lutte contre elle-même » ; « Il fallait liquider une France nostalgique de son identité passée et en faire naître une nouvelle, mieux adaptée aux appartenances hybrides, à la fluidité identitaire et à la mondialisation » ; « Un homme ne devrait plus se soucier de sa lignée ou chercher à transmettre plus qu'il n'a reçu ». LFAR

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    Terra Nova s'est fait connaître depuis 2008 à la manière d'un think-tank à l'avant-garde du progressisme.

    On lui doit d'avoir théorisé la stratégie invitant la gauche française à rassembler les différentes minorités identitaires et les élus de la mondialisation dans une nouvelle majorité politico-idéologique, censée convertir la France d'hier au génie de la société diversitaire. Les classes populaires devenues culturellement conservatrices étaient abandonnées. Il fallait liquider une France nostalgique de son identité passée et en faire naître une nouvelle, mieux adaptée aux appartenances hybrides, à la fluidité identitaire et à la mondialisation. Telle serait apparemment la loi de l'hypermodernité: rien ne devrait plus être comme avant.

    Il faut garder cela à l'esprit quand on se penche sur la nouvelle contribution du think-tank à un « grand débat » dont les termes demeurent étrangement incertains. Terra Nova vient ainsi de proposer dans un rapport une augmentation massive de l'impôt sur les successions, comme le notait Virginie Pradel le 8 janvier dans Le Figaro . Je n'entends pas ici revenir sur les aspects techniques de la proposition de Terra Nova, mais sur l'arrière-fond philosophique qui pousse les « progressistes » à favoriser une fiscalité confiscatoire en matière de succession au nom de la lutte contre les inégalités.

    Dans la perspective progressiste, un monde juste serait un monde mis à plat régulièrement, empêchant que ne se forment au fil des générations des hiérarchies toujours condamnables. On trouve ici une utopie qui sans cesse se recompose, celle d'une société capable de remettre le compteur à zéro à chaque génération, autrement dit qui parvienne à faire table rase en étendant sans cesse l'application du principe égalitaire. On comprend que la grande obsession de Terra Nova est de liquider le vieux monde, comme si nos sociétés devaient renaître en abolissant le principe de continuité.

    Faut-il le dire, c'est aussi dans cet esprit qu'on a assisté, depuis plus d'un demi-siècle, à la déconstruction progressive de l'école et de l'éducation. Selon le vocabulaire consacré, il fallait abolir la figure de l'héritier, comme si la modernité devait correspondre à une perpétuelle nuit (d'abolition) des privilèges. On connaît le résultat: plutôt que relever le niveau culturel des milieux défavorisés, c'est l'idée même de culture générale qu'on a fait exploser. Une société en guerre contre l'héritage est en lutte contre elle-même, et se prépare à se confier à des planificateurs sociaux à l'imagination hasardeuse.

    Mais c'est la nature humaine qu'on heurte ainsi. Le progressisme se laisse aller à une agression anthropologique. Il réduit le désir de transmettre à une forme d'égoïsme pathologique, lié à la persistance de valeurs familiales régressives qui rendraient l'homme étranger au bien commun. Un homme ne devrait plus se soucier de sa lignée ou chercher à transmettre plus qu'il n'a reçu. Il ne devrait plus travailler pour céder un monde meilleur à ses descendants puisqu'il contribuerait ainsi à l'injustice sociale. Pour le dire autrement, il ne devait travailler qu'à l'horizon de sa propre vie. La modernité, ici, révèle sa tentation nihiliste.

    Une véritable ascension sociale

    La transmission du monde est la condition de sa sauvegarde, et rien ne dure sans le désir de durer. Qui veut sectionner les liens entre les générations lacère en fait le lien social. Dès lors, on ne saurait œuvrer consciemment à la neutralisation programmée de la transmission familiale sans condamner la société à un double mouvement de collectivisation aliénante et d'individualisation abstraite. L'individu détaché de ses appartenances, coupé de sa communauté, éloigné de sa famille, se retrouve finalement bien seul devant une administration qui prétend mieux savoir que lui comment gérer sa vie et le voit comme un pion dans son système. Cette société planifiée quadrillant tout le réel pour éviter que quoi que ce soit ne lui échappe est au fond d'elle-même hostile aux libertés les plus fondamentales.

    La lutte contre les inégalités est essentielle et la colère révélée par les « gilets jaunes » rappelle que la réactivation de l'ascenseur social est une nécessité vitale. Le combat pour la justice sociale rappelle aux hommes qu'ils forment une communauté où chacun est appelé au bien commun et qui donne aux enfants de tous les milieux l'occasion d'une véritable ascension sociale. Nul n'est assez bête, non plus, pour croire qu'elle repose sur le seul mérite individuel, sans que ne pèsent sur elle de puissants déterminismes sociaux. Chacun doit contribuer selon ses moyens à la construction d'institutions valables pour tous.

    Mais rien de tout cela ne doit obligatoirement se penser à l'aune de l'utopie de la table rase, qui pousse la quête égalitariste à jeter à terre tout ce qui l'entrave, en créant une horizontalité morne, qui rapetisse l'homme en croyant le libérer.   

    Liens
    Les classes populaires devenues culturellement conservatrices
    Virginie Pradel le 8 janvier dans Le Figaro
    Mathieu Bock-Côté 
    Le-nouveau-regime.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politiqueaux éditions du Cerf [2016] et le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017). 
  • Sérotonine, de Michel Houellebecq. Le Oui et le Non à la vie

     Par Javier Portella

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgJusqu'ici Javier Portella nous avait remarquablement éclairés sur les événements d'Espagne, nous permettant d'ajouter ses réflexions très documentées aux nôtres. Mais nous constatons qu'il a bien des cordes à son arc. Voici en effet qu'il vient de produire un article superbe et profond [Boulevard Voltaire, 13.01] sur le dernier livre-événement de Michel Houellebecq. Nous avons déjà dit que nous reviendrions sur ce dernier opus. Et nous n'en avons pas fini car son importance n'est pas - si l'on peut dire - seulement littéraire. Lisez donc !    LFAR

     

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    Il m’a laissé à la fois heureux et accablé, le dernier roman d’Houellebecq. Heureux ? Non. Quel bonheur peut apporter une histoire qui, aussi réjouissants que soient ses sarcasmes à l’encontre des bobos, baigne dans une tristesse si épaisse ? Oublions le bonheur, le plus usé (et faux) des mots. Ce que cette histoire m’a apporté, c’est la plénitude déchirée – ce n’est pas pareil : c’est infiniment mieux – qu’apporte tout grand chef-d’œuvre.

    Et celui-là en est un. C’est peut-être la plus grande des œuvres qu’Houellebecq nous a offertes. C’est, en tout cas, la plus déchirée et décharnée, la plus nihiliste et désespérée. Nul espoir n’y est permis. Cent ans de solitude, disait García Márquez. Pas cent ans, cent siècles, semble dire Houellebecq, en songeant surtout au nôtre : au siècle dont les hommes tombent plus seuls et plus nus que jamais dans l’abîme où halètent échec, ruine et décomposition.

    Et pourtant…

    Si ce n’était que cela ; si Houellebecq se bornait à cela ; si tout se réduisait à un plaidoyer sur la noirceur du monde et le non-sens de la vie, ni ce livre n’aurait rien à voir avec l’art, ni je ne m’y serais plongé à fond. C’est toujours la même chose qui m’arrive avec Houellebecq – et avec Céline aussi, cet autre génie auquel il ressemble à tant d’égards.

    En un sens, je suis profondément en désaccord avec ses idées. Ma sensibilité, si différente, ne peut que se soulever face à une vision tellement désolée du monde. Comment pourrais-je y adhérer quand, tout en souffrant et tout en combattant cette désolation, je fais mien l’amor fatinietzschéen : l’acceptation – non résignée : offensive – des desseins du sort ; le grand vitalisme qui conduit Nietzsche à s’exclamer : « Je veux en toute circonstance être celui qui dit Oui »« le grand Oui à toutes les choses élevées, belles, téméraires, le grand, le sacré Oui à la vie ».

    2051844117.jpgEt face à cela, le grand Non à la vie que balbutient les personnages d’Houellebecq, notamment ce Florent-Claude Labrouste dont les actions… ou non-actions charpentent Sérotonine. Ce qui se passe, c’est que le Non d’Houellebecq n’est jamais univoque. Il l’exprime avec un tel humour et un tel art qu’à travers lui grouille toute la contradictoire complexité d’une vie qui, avec ses mille tendresses et mesquineries, ses mille amours et désamours, ses mille bontés et méchancetés, souffle et se débat face au grand Néant qui prétend l’engloutir.

    À l’occasion – et elle est cruciale –, la vie souffle même en prenant la hauteur d’un combat politique où Houellebecq manifeste toutes ses sympathies. Elles vont à l’ancienne et aujourd’hui dépossédée aristocratie rurale, ainsi qu’aux paysans – les seuls à se sauver du grand désastre postmoderne – en butte à la spoliation entreprise par Bruxelles et par les grandes entreprises du capitalisme mondialisé.

    Non, le désarroi qui anéantit les personnages d’Houellebecq n’est pas seulement un désarroi psychologique, intime, individuel. Ou, s’il est individuel, c’est dans la mesure où il est individualiste. Ce qui les accable, c’est le désarroi qui fait chavirer les hommes dépourvus d’amour érotique, et d’attaches familiales, et des liens d’un peuple, et de l’enracinement dans des traditions, et de la fermeté d’un ordre donnant un sens à la vie vouée à la mort.

    S’il en est ainsi, si se déploient dans l’œuvre les deux moteurs qui, s’affrontant, poussent le monde – le Oui et le Non, la vie et la mort –, qu’importe alors que la littéralité de l’œuvre privilégie celui des deux moteurs qui ne serait peut-être celui qu’on tendrait à privilégier ? ■  

    Écrivain et journaliste espagnol

  • L’arroseur arrosé

    par Louis-Joseph Delanglade 

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    La faute de M. Macron dans cette affaire est d’avoir pensé qu’il pouvait critiquer voire insulter des hommes politiques étrangers en raison de leurs idées alors même qu’ils exerçaient le pouvoir.

    Ce faisant, il s’en prenait de fait à des pays, à des peuples, à des États. On se rappelle ainsi qu’en juin dernier, dans une vie politique antérieure à l’avenir plutôt serein et prometteur, il avait choisi l’Italie comme tête de Turc, notamment à propos de l’Aquarius, ce navire qui satisfaisait conjointement négriers et bobos humanistes. Déjà, la réaction de Rome l’avait obligé à mettre un bémol. Il y eut par la suite les attaques misérables de M. Moscovici, commissaire européen certes mais Français tout de même et surtout très proche de M. Macron. Attaques traitées à Rome par le mépris qu’elles méritaient. 

    640_000_15j3yz.jpgToutefois, les Italiens ont la dent dure et sont intelligents. A l’image de M. Macron, c’est-à-dire dans un subtil mélange de politique intérieure (on sait la rivalité des deux partis de la coalition au pouvoir) et de politique européenne (faire de l’Italie l’avant-garde du mouvement populaire qui agite toute l’Europe), MM. Di Maio et Salvini, les deux vice-présidents du Conseil des ministres italien, proclament lundi 7 janvier leur soutien au mouvement des Gilets jaunes.

    maxresdefault.jpgDu coup, Mme Schiappa, en réponse à sa propre question à propos de la cagnotte des Gilets jaunes (« Qui finance les violences, qui finance les casseurs ? Il faut savoir si des puissances étrangères financent ces casseurs. » - France Inter, jeudi 10) Mme Schiappa donc nomme explicitement et prioritairement l’Italie. C’est peut-être vrai, cela relève peut-être de ce délire complotiste qui semble s’être emparé du gouvernement (on se rappelle les premiers propos de MM. Castaner et Darmanin, début décembre, sur les « factieux » et la « peste brune » en parallèle aux images de ces Gilets jaunes défilant au cri de « Salvini ! Salvini ! »). C’est à coup sûr une nouvelle version de la faute commise par M. Macron. 

    XVM8153c940-f72e-11e5-b1ee-e22b0efeb22d.jpgQuoi qu’il en soit, l’ambition européenne de celui-ci se retrouve ainsi fortement compromise. Pour « refonder l’Europe » (Sorbonne, septembre 2017), il lui faut, selon sa propre feuille de route, obtenir une victoire éclatante aux élections de mai 2019, de façon à favoriser l’émergence au Parlement européen du groupe central à vocation majoritaire qu’appellent de leurs voeux les Bayrou, Juppé, Raffarin et autres vieux crabes de l’européisme militant. D’où le retour à des listes nationales, mode de scrutin  jugé plus favorables aux « marcheurs » ; d’où l’exacerbation du clivage progressisme-populisme qui avait plutôt bien fonctionné lors de la présidentielle. Mais cela, c’était avant. Avant la succession de problèmes et déconvenues du second semestre de l’année 2018. Désormais, le scrutin de mai, en raison même du mode choisi, risque fort de virer au référendum pour ou contre M. Macron, bien loin donc d’être gagné 1482558-madrid-nombreux-drapeaux-espagnols-ornent.jpgpour le président. Quant aux attaques visant les pelés, les galeux (M. Macron lui-même parlait de « lèpre » - Quimper, juin 2018), elles sont contre-productives : non seulement le populisme continue de monter un peu partout en Europe (dernier exemple : la percée en Andalousie du parti Vox, ouvertement de « droite réactionnaire », percée qui le place dans une position incontournable) mais, désormais, à l’initiative de M. Salvini, les populistes tentent de s’organiser au plan européen dans la perspective du prochain scrutin, faisant ainsi du Macron contre M. Macron, lequel risque de se retrouver dans la fâcheuse situation de l’arroseur arrosé. ■

  • Justice de classe ?

    Par Aristide Renou

    Dettinger2-800x360.jpgChristophe Dettinger, le boxeur de la passerelle Léopold-Sédar-Senghor, a été mis en détention provisoire en attendant son procès, le 13 février. 

    Jugé en comparution immédiate, Christophe Dettinger aurait pu connaitre sa sentence le jour-même mais son avocat a demandé le report de son procès pour préparer sa défense. D’où la détention provisoire, que le parquet a justifié notamment par « un risque de réitération ». Soit.

    Chacun est dans son droit, à la fois au sens légal et au sens moral. Il est normal que l’avocat puisse demander un délai pour préparer la défense de son client, et il est normal que certains prévenus soient mis en détention provisoire en attendant le procès. Je ne conteste pas le principe. Je ne conteste même pas que les actes commis par Dettinger mériteraient, dans une société civilisée, une sanction assez lourde.

    Simplement, je lis dans la presse le même jour le fait divers suivant : un homme de 19 ans soupçonné de trois cambriolages a été arrêté à Vénissieux. Il aurait déjà à son actif 54 antécédents judiciaires (tout en gardant bien à l’esprit que la justice ne connait jamais qu’une partie des méfaits commis par ce genre de multirécidivistes). « Lors de sa garde à vue », précise le journal 20Minutes, « le suspect a reconnu les faits. Laissé libre, il devra s’expliquer devant la justice le 17 septembre prochain ».

    Ai-je besoin d’en dire plus ?

    D’un côté un homme au casier judiciaire vierge, « risque de réitération ». De l’autre côté un délinquant chronique, connu pour tel, qui reconnait les faits pour lesquels il a été arrêté, mais là, apparemment, pas de risque de réitération. Donc pas de détention provisoire. Et à votre avis, à quoi va s’occuper ce charmant jeune homme en attendant son procès (si tant est qu’il s’y présente, bien sûr) ? Vous croyez qu’il va vivre de la vente de crayons et de cartes postales ?

    Coupons court : je dirais en substance exactement la même chose que ce que j’ai dit lors du procès d’Esteban Morillo et Samuel Dufour : « une sévérité en elle-même justifiée devient absolument insupportable lorsqu’elle apparait comme une exception au milieu d’un océan de laxisme et de mépris pour la vie humaine de la part de la « justice » française. »

    Comment voulez-vous que le procès à venir de Dettinger, tout comme celui de Morillo et Dufour, n’apparaisse pas comme un procès politique ? Comme l’expression d’une odieuse justice de classe ? On voudrait hâter une révolution sanglante qu’on ne s’y prendrait pas autrement.   ■

    Aristide Renou

     

  • Actualité • « Nous avons désespérément besoin de quelqu'un qui décide de manière salvatrice »

     

    Nous détachons des nombreux commentaires de qualité reçus ces jours derniers sur Lafautearousseau, celui-ci signé d'Antiquus. 

    « Nous avons désespérément besoin de quelqu'un qui décide de manière salvatrice dans les circonstances exceptionnelles qui sont les nôtres. Si cet homme était l'héritier légitime du royaume, alors il refonderait la souveraineté et nous n'en serions pas à ratiociner sur un roi muet et immobile, sans opinion ni volonté. Mais le temps presse. Il nous reste trente ans pour conserver la France en vie. »

  • Macron, le double échec

     

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    Il doit arriver un moment dans l'existence humaine mais aussi sociale, où  rien ne réussit plus, où les petites et les grandes choses de la vie privée ou publique se soldent toutes ou presque par des échecs, des incompréhensions, des déconvenues plus ou moins profondes ou stupides.

    Tout se ligue, y compris le hasard, pour que les catastrophes s'accumulent. Chance et malchances  jouent aussi sur la vie des hommes et des États comme leurs  mérites ou leurs bévues, leur paresse et leurs errements. Quand tout s'en mêle pour enclencher un processus de descente aux enfers, il semble que rien ne l'arrêtera plus, que la loi des séries est imparable, que le retour à bonne fortune est impensable. 

    800px-Kairos-Relief_von_Lysippos,_Kopie_in_Trogir.jpgIl est bien possible que ce soit ce qui arrive à Emmanuel Macron et, très accessoirement, à l'équipe inconsistante qu'il a mise en place - de concert avec les oligarques, pour sauver le Système mis à bas par ses prédécesseurs. Le Macron actuel est passé sous l'empire de l'anti-kairos.  

    Les causes de son échec tiennent sans doute d'abord à l'inadéquation de sa politique aux réalités nouvelles de la France et du monde. Il s'est refusé à prendre en compte que le vent avait tourné en Amérique (Nord et Sud), en Europe, en France et ailleurs, entre les mois de pure exaltation européiste, mondialiste, néolibérale, caricaturalement élitiste de sa campagne, et les changements de fond intervenus depuis le Brexit ; la rupture nationaliste et populiste opérée par Donald Trump, les progrès du même populisme partout en Europe, le grand retour des nations, du politique, la reprise en mains de l'économique par ce dernier, sur tous les continents. Macron ne veut pas démordre de ses options originelles désormais obsolètes. Et, de pure évidence, il est en train de le payer fort cher. 

    661_magic-article-actu_761_1c4_98f1c8609b3047048290c95cd6_travail-europe-et-anecdotes-macron-devoile-son-jeu-dans-un-discours-enflamme_7611c498f1c8609b3047048290c95cd6.jpgSon échec – qui semble consommé - tient sans-doute en second lieu à sa propre personne, laquelle avait plu de prime abord, parce qu'il était un outsider, qu'il incarnait le dégagisme tant souhaité, qu'il rompait, par son intelligence, sa culture, sa prestance, en bref par un certain charisme, au moins d'apparence, avec la trop évidente médiocrité de ses prédécesseurs et qu'il semblait porter la promesse d'un changement de régime. Cela aussi est désiré des Français. Dans l'opinion publique, la confiance en ces belles qualités d'Emmanuel Macron a fait long feu. La révélation progressive de son arrogance, de son élitisme méprisant pour qui n'est pas de ses amis, ses étrangetés, ses mauvaises fréquentations et finalement les conséquences douloureuses pour nombre de Français de ses décisions politiques, a retourné son image de plutôt positive à très négative et mué l'empathie bienveillante et curieuse des débuts en détestation ou même en haine. Cette seconde cause d'échec nous paraît bien plus grave que la première. On peut changer de politique. Pas vraiment de personnalité. Celle-ci chez Macron s'est dévalorisée pour une raison plus subtile, plus profonde, et somme toute irrémédiable, qu'Emmanuel Todd a exposée avec finesse : depuis ses frasques de l'été dernier (affaire Benalla, fête de la musique de l’Elysée, équipées à Lagos et dans les territoires d'Outre-Mer) son image a désormais les traits de l'enfance. Mais d'un enfant volontaire et capricieux, incapable d'autorité, parce que cette dernière emprunte toujours plus ou moins à l'image du père. Et cette perception dégradée est sans-doute la plus irrémissible de toutes. Luc Ferry a traduit cela de la façon suivante : « nous avons envoyé un gamin à l'Élysée, nous allons le payer très cher ». D'autant que ce gamin n'a pas l'innocence de l'enfance : il a subi le formatage de Science Po et de l'ENA, de profs de même acabit et de quelques gourous visionnaires aux idées très fausses et très nuisibles, dont l'archétype est son mentor, le fumeux Jacques Attali. On ne peut guère trouver pis.  

    Retrouvez l'ensemble des chroniques En deux mots (112 à ce jour) en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Étrangers terroristes, fichiers, décision

    Par  Xavier Raufer

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgXavier Raufer est criminologue, essayiste, expert en questions de terrorisme Il a publié des ouvrages consacrés à la criminalité, au terrorisme et à l'insécurité urbaine.

    Il participe régulièrement à diverses publications de presse ou émissions télévisées.

    On lira avec intérêt les réflexions, informations, explications et détails évidemment intéressants, qu'il a publiés récemment. LFAR

    Par  Xavier Raufer 

    xavier-raufer-810x456.jpg

    L'appareil d'Etat français dispose de nombre de fichiers administratifs  judiciaires ou de renseignement, voués à cibler et suivre tous types de criminels, terroristes, escrocs, aliénés, etc. En vrac : STIC (système de traitement des infractions constatées), Fichier des personnes recherchées (FPR) dont les « Fiches S » sont une subdivision ; Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ; Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT), etc. 

    Répondant à divers besoins, gérés par maintes instances du continuum régalien de l'Etat, ces fichiers lui donnent la cruciale profondeur stratégique en matière de menaces et permettent le suivi d'individus problématiques ou dangereux. 

    Or ces fichiers sont immenses : FPR, environ 400 000 individus, Fiches S, 25 000, dont un peu moins de 10 000 pour les  djihadis-salafis, FSPRT, environ 20 000, etc. Ils sont aussi complexes : les fiches S comportent 16 catégories, pour autant de profils. Ainsi, le récent terroriste de Strasbourg, Cherif Chekatt, était-il fiché S11 (surveillance basse). 

    Le premier danger est donc ici de retomber dans un travers ainsi décrit, vers 1968, par des humoristes : « La France compte 20 000 gauchistes, dont 100 000 fichés par la police ». 

    FIJAIT-ELGARRETARATZEA.jpgDe plus, ceux qui garnissent ces fichiers retiennent souvent d'impalpables critères de sélection, comme la radicalisation qui, dans la tête d'un individu, va du raptus sans lendemain à l'engagement d'une vie. Il est donc délicat de décider du sort d'un individu ciblé sur la seule inscription, plus ou moins durable, dans un fichier visant d'abord à la surveillance et l'alerte, et moins ou pas du tout, à évaluer une dangerosité. Admettons cependant que le criblage fin de tous ces fichiers révèle un socle récurrent de quelques milliers de fanatiques résolus et dangereux. Qu'en faire ? 

    Deux cas de figure : ils sont Français, ou étrangers. Pour les étrangers, l'expulsion se peut, s'il y a « menace grave pour l'ordre public ». A fortiori, « très grave ». L'expulsion s'opère alors au cas par cas, et exige des preuves. Le terroriste agissant en réseau avec, par exemple, le Moyen-Orient, peut être aussi jugé en Cour d'assises pour « intelligence avec l'ennemi ». Car bien sûr, le terroriste du terrain préparant un attentat, informe son état-major (disons, al-Qaïda ou l'Etat-islamique) situé dans la zone des combats Irak-Syrie. Ou, si le terroriste est dans l'action directe, on peut le juger pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes ». Mais à titre symbolique, l'intelligence avec l'ennemi est plus redoutable et inquiétante pour le terroriste putatif. Avec l'état d'urgence, elle exprime le conflit grave, lors duquel l'Etat frappe fort et frappe large. 

    Deux obstacles en tout cas : 

     Ces divers processus sont lents et complexes ; certains comme la Cour d'assises, hors de prix. Un haut magistrat a récemment révélé au signataire qu'un procès d'assises coûtait en moyenne 600 000 euros. Ainsi, la France a expulsé vingt fanatiques étrangers - dangereux en 2018. Peut-être irait-on jusqu'à une centaine - mais des milliers, sûrement pas, dans le présent système judiciaire, inadapté et impécunieux. 

     La  justice française vit mal le collectif. Depuis un demi-siècle, la France affronte des criminalités collectives : terrorisme, crime organisé, mais la justice française s'adapte mal à ces nouvelles formes d'hostilité, de prédation ou de conflit « à basse intensité ». Faute de moyens sans doute, mais aussi, de culture criminologique et d'expérience de l'international. Exemple: au fil des ans, le signataire a fréquenté maintes conférences internationales sur le crime organisé, le terrorisme, etc. Or il n'y a croisé qu'une seule fois, un magistrat français s'exprimant couramment en anglais - ou toute autre langue. 

    Venons-en à l'obstacle crucial en matière de lutte antiterroriste : la timidité des dirigeants de la France. Depuis Charlie-Hebdo et l'Hyper-casher, on a vu des gouvernants tétanisés multiplier les actes symboliques, des rites de deuil collectif à l'empilage de lois nouvelles pas toujours utiles. Et hésiter ou renoncer, par bienséance, « antiracisme » mal placé, etc., à prendre des décisions fortes, voire brutales, prouvant à l'ennemi – car ennemi il y a bien - qu'on a fini de rire et que désormais, les coups lâchés font mal. 

    La lâcheté politique s'exprime toujours ainsi : il faut attendre, attendre encore et toujours... il manque un rapport, un article de loi... Tel dispositif est imparfait... Attendre donc, jusqu'au parfait polissage du dernier bouton de guêtre. Or bien sûr, là n'est pas la bonne voie. Mao Zedong, bourreau de son peuple mais grand seigneur de la guerre, a ouvert en la matière deux voies fécondes,  ainsi exprimées « Se lancer dans la guérilla pour apprendre à faire la guerre » et « Oser lutter, oser vaincre ».

    Partant de là, on peut sidérer l'ennemi, lui ravir l'initiative, le refouler hors des frontières.

    Faire jouer à ses dépens le ressort ultime de toute entreprise criminelle, mafieuse ou terroriste : l'effet de déplacement. Quand les braqueurs trouvent les banques trop blindées, ils ne filent pas s'inscrire à Pôle-emploi mais ciblent les supermarchés - ou les particuliers à domicile. Quand les terroristes se brûlent par trop les doigts en touchant à la France, ils ciblent un autre pays - car cette guerre-là est planétaire et donc, frapper les infidèles ici ou ailleurs, peu importe au fond. 

    C'est ainsi que, de 2015 à 2018, domine le sentiment que l'obstacle majeur sur la voie de la victoire contre le terrorisme est l'absence de décision politique forte. Or décider est l'essence même du politique. 

    Alors : expulser des fichés S, ou toute autre catégorie de fanatiques dangereux ? Chasser de France des terroristes, leurs relais logistiques ou propagandistes ? Cibler efficacement les Mohamed Merah et Chérif Chekatt en temps utile - c'est à dire, avant le bain de sang ? Bien sûr ; cela tient à un mot : décider. 

    arton782.jpgIci, pour conclure, le rappel philosophique de ce que la décision a de redoutable – surtout pour qui l'élude : «Les décisions ne s'obtiennent pas du fait de discourir à leur sujet, mais du fait qu'est créée une situation et que sont appliquées des dispositions, au sein desquelles la décision est inéluctable et où toute tentative pour l'éluder revient en fait à la décision la plus grave ». (Martin Heidegger).

    Xavier Raufer 
    Docteur en géopolitique et criminologue.
    Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin) 
  • Justice et justice…

    PAR JACQUES TRÉMOLET DE VILLERS

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    Quand le fait d’être un Français de France rend la justice implacable 

    Au soir d’une longue et belle et pleine existence professionnelle, mon regretté confrère Georges-Paul Wagner constatait que, globalement, la justice pénale était plus sévère avec les gens de droite qu’avec les gens de gauche.

    Depuis, le constat s’est aggravé et il ne porte plus seulement sur la justice pénale. Il y a, dans les affaires civiles, et notamment les affaires familiales, des « profils » humains qui, dès le premier contact, disqualifient l’homme, ou la femme, à qui certains traits les attribuent : catholiques pratiquants, fonctionnaires d’autorité et particulièrement, militaires, chefs d’entreprise ou patrons de P.M.E.…

    Les nouveaux critères

    Nous n’en sommes plus aux « gauche » ou « droite », mais aux « réacs », « fachos », « machos », « nantis », qui se repèrent à leur allure, leur façon de s’habiller, de s’exprimer. Une étonnante séparation se crée entre la vie normale, familiale, professionnelle, sociale et l’appréhension judiciaire de la même existence. Tout ce qui paraît sain et recommandé dans la vie réelle : une bonne tenue, une certaine élégance, une aisance de parole, le goût du travail bien fait, le sens de l’autorité et de la discipline, est pratiquement considéré comme suspect en arrivant devant les tribunaux. Si on y ajoute une raisonnable aisance financière et un nom sentant la vieille France, la cause est entendue.

    CpqnNmWWYAAQFP4.jpgUn bon exemple a été le traitement judiciaire des manifestants de La Manif Pour Tous. On y voyait une différence d’appréciation avec les délinquants habituels et les manifestants des banlieues (photo), mais aussi une étonnante divergence entre le Ministère public, chargé de la répression, requérant parfois avec une violence inouïe, et les magistrats du siège plus raisonnables dans l’appréciation des sanctions.

    Aujourd’hui, avec les Gilets jaunes, il semble que la volonté de réprimer se fasse plus sévère encore. Ici, ce ne sont plus les familles de La Manif Pour Tous, souvent disqualifiées comme bourgeoises, voire aristo-réactionnaires ou catholiques intégristes. Le ton est différent, mais le reproche est le même. Ils ne sont pas « vieille France », mais ils sont « franchouillards » et ressemblent aux manifestants du 6 février 1934 qui étaient, dans leur immense majorité, des gens du peuple.

    Donc, c’est le peuple de France qui est mal vu par la Justice de France qui est pourtant rendue « au nom du peuple français ». Il y a là comme une « contradiction dans l’essence même des choses », aurait dit Lénine, et qui laisse prévoir une explosion. Car la justice se dit aujourd’hui « gérante du contrat social et du pacte républicain ». Si la République et ses juges sont contre le peuple, parce que ce peuple est français et que les « autorités morales » le disent pour cela « homophobe, raciste, xénophobe, etc. », la tension va monter et le pacte républicain voler en éclats. Dès lors, la justice ne pourra pas, même avec une répression sévère, modérer l’exaspération. Au contraire, les condamnations vont entraîner une solidarité… On connaît l’engrenage : provocation, répression, révolution.

    Une justice qui n’existe plus pour les justiciables

    Il est temps de rappeler que, depuis Aristote, la justice veut l’égalité de ceux qui comparaissent devant elle et une harmonie des traitements réservés aux délinquants. On ne peut pas, à Coutances, comme on l’a vu tout récemment, acquitter un violeur au motif que sa culture ne lui permet pas de savoir que la victime n’était pas consentante, et, à Strasbourg, jeter en prison un homme au gilet jaune parce que son entrave à la circulation met en danger la vie d’autrui.

    Déjà, en 1661, notait Louis XIV dans ses Mémoires, « la justice, à qui il appartenait de tout réformer, était la première à devoir l’être », car les jugements rendus au nom du Roi disaient le contraire les uns des autres. Cette unité dans le droit et l’application du droit est la seule garantie d’une société éprise de justice. Elle est aussi la condition de la confiance. Aujourd’hui, en France, les justiciables n’ont plus confiance. Ils vont vers la justice quand ils ne peuvent faire autrement, mais dans la crainte, le tremblement et, surtout, la défiance. Nous avons là un symptôme fort et certain d’une grande maladie sociale. Il ne semble pas que nos « élites » s’en préoccupent. Elles ont tort.

    Le besoin de justice est attaché au cœur de la vie sociale plus fort encore que l’aorte au cœur de l’homme. Qui le contrarie, s’expose au pire des infarctus. Pour un régime aux abois tenté de s’acharner démesurément sur des hommes en colère, le moment est d’en prendre conscience. Avant le collapsus.

    Actu justice : La sévérité des peines prononcées, quand même ce ne serait que du sursis, contraste avec l’étonnante mansuétude dont jouissent les petits malfrats et leurs frasques ordinaires.   

    Jacques Trémolet de Villers

  • Affaire Ghosn, affaire Renault-Nissan, affaire française ?

    Par François Reloujac

    Carlos Ghosn, grand capitaine et citoyen mondial, mettait moins sa fortune au service du bien commun qu’il ne mettait en péril le bien commun pour sa propre fortune. Ou comment la philosophie financière d’un leader en vient à fragiliser une industrie nationale. 

    À la fin du mois de novembre, le monde interloqué a appris l’arrestation au Japon, à sa descente d’avion, du patron du premier groupe automobile mondial, considéré jusque-là comme le modèle de tous les capitaines d’industrie actuels. Il ne s’agit pas ici de porter un jugement sur une affaire en cours dont la justice est saisie mais, à cette occasion, de réfléchir sur ce qu’elle révèle des fragilités d’un système économique mondialisé par la finance.

    Le groupe Renault, fleuron de l’industrie française

    Avec plus de dix millions de voitures vendues en 2017 (9 % du marché mondial), ce que l’on appelle en France le « groupe Renault » est devenu le premier constructeur automobile au monde, devant Volkswagen, General Motors et Toyota. Ce groupe est considéré comme le fleuron de l’industrie française et, pour le maintenir à cette place, l’État en détient 15 % du capital et 22 % des droits de vote. Il désigne un membre du Conseil d’administration et en « propose » un autre au vote de l’Assemblée générale des actionnaires. Mais, à y regarder de plus près, la « nationalité » française du groupe n’est pas aussi clairement assumée. Tout d’abord le capital de l’ensemble se trouve réparti entre le Japon, la France, la Russie, l’Allemagne, tandis que les voitures vendues par le groupe sont commercialisées sous les marques Nissan, Renault, Mitsubishi, Lada, Dacia, Alpine… Il faut y ajouter des filiales, dites stratégiques, qui ont pour but d’optimiser les résultats financiers et la pression fiscale, comme la filiale d’assurance domiciliée à Malte. Mais ce qui est le plus significatif, c’est que la société qui joue le rôle de holding (mais qui est une filiale 50/50 de Renault et de Nissan) est domiciliée à Amsterdam pour permettre au groupe de bénéficier de ce qui est connu dans le jargon des conseillers fiscaux comme le « sandwich hollandais ». Il en résulte qu’en 2017, si l’on en croit les chiffres officiellement publiés, le montant de l’impôt sur les bénéfices payés en France par Renault était inférieur à 15 % du bénéfice. Mais il n’y a pas que l’optimisation fiscale que peuvent s’offrir les grands groupes multinationaux, il y a aussi une optimisation sociale. C’est ainsi que la réussite du groupe Renault-Nissan, sous l’impulsion de Carlos Ghosn, a été en partie due à une « externalisation » de la sous-traitance, à des mises à la retraite anticipées – dont la conséquence première est de faire prendre en charge par la collectivité des rémunérations perçues par ces nouveaux retraités – et à des délocalisations massives. Aujourd’hui, sur les 181 350 salariés que compte le groupe, à peine 48 000 travaillent en France. Et on pourrait continuer la liste de ces avantages ouverts aux seules multinationales, simplement organisées autour de liens financiers et jonglant avec des systèmes juridiques entremêlés.

    Les multinationales au-dessus des droits communs

    Le groupe, tel qu’il est organisé, semble bien, en effet, « optimiser » aussi le droit¹. Il repose sur un système de participations croisées entre Renault qui détient plus de 43 % du capital de Nissan et Nissan qui détient 15 % du capital de Renault. Sans compter que Renault détient 2,17 % de son propre capital (en pratique cette « autodétention » débouche sur un gonflement artificiel du capital nominal, dont le droit dit qu’il est la garantie des créanciers). Au regard du droit français, Nissan n’a donc pas le droit de prendre part aux votes affectant la direction de Renault. Mais on constate que si Nissan détient un poste d’administrateur, privé du droit de vote en vertu de la loi, un autre administrateur est élu « sur proposition de Nissan » ; rien ne s’oppose donc à ce qu’il participe aux décisions. De plus, la « tête » du groupe est la société Alliance BV dans laquelle il n’y a pas de participations croisées et où Nissan et Renault sont à parité. Et c’est Alliance BV qui prend les décisions stratégiques. Cette « optimisation » juridique permet d’éviter nombre de contraintes imposées tant par le droit des sociétés que le droit de la concurrence² (sans parler bien sûr du droit fiscal).

    Que sert à l’homme de gagner l’univers ?

    cover-r4x3w1000-5bf3f56429a3c-b9e10bb0539b41666e194f723d5936e3d7a7e22c-jpg.jpgUne autre information est frappante. Carlos Ghosn est vraiment un homme universel. Il sait tout faire. Ce n’est pas pour rien que, jusqu’au début de l’affaire, il était président de Renault, Nissan, Mitsubishi et Alliance. Mais, au-delà, il était aussi impliqué dans diverses opérations immobilières, notamment au Brésil et dans le nord du Liban, ainsi que dans la gestion d’un domaine viticole. Etant ainsi un homme universel, que l’on voyait un jour à Maubeuge auprès du président Macron, un autre à Moscou avec le président Poutine, un troisième à Pékin avec le président Xi Jinping et un autre au forum de Davos, il partageait son temps entre ses divers domiciles, à Beyrouth, Tokyo, Paris, Amsterdam, Rio de Janeiro, sans compter Beaulieu, sur la Côte d’Azur. On comprend qu’il ait eu besoin d’un avion privé pour pouvoir se rendre rapidement de l’un à l’autre. On comprend aussi que les Libanais, fiers de « leur » enfant, aient émis un timbre à son effigie et que les Japonais reconnaissants aient imaginé un manga dont ce « samouraï » d’aujourd’hui est le héros. On comprend enfin que pour assurer sa défense devant les juridictions japonaises il fasse appel à un célèbre cabinet d’avocats américains. Que restera-t-il de tout cela demain ? En attendant, il bénéficie provisoirement d’une nouvelle résidence, qu’il n’a ni choisie ni fait aménager spécialement pour lui.

    Trois leçons

    De ce rapide tour d’horizon, il y a au moins trois leçons principales à tirer. La première est que, dans un groupe multinational comme Renault-Nissan, un événement – quelles qu’en soient la cause et la nature – se produisant dans un pays entraîne des conséquences qui peuvent affecter gravement l’économie d’un autre pays, sans que les autorités de celui-ci puissent intervenir. La seconde est qu’un Conseil d’administration composé de membres éminents choisis pour leur appartenance à « l’élite » politico-administrative, et comportant presque autant de femmes que d’hommes, est impuissant à comprendre les agissements du président ; en l’occurrence, ils n’ont rien vu venir et ils sont incapables de prendre la défense dudit président qu’ils sont pourtant chargés d’accompagner et de surveiller. Plus grave : s’il s’agit d’un complot proprement japonais au profit de Nissan, qui se grefferait sur l’affaire, ce qui peut évidemment se supputer, voilà les Français dans l’incapacité de réagir !

    Enfin, les entreprises d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles que l’on présente aux étudiants dans les Universités et dont Schumpeter a vanté les mérites. Dans le modèle enseigné, les entrepreneurs étaient des hommes qui risquaient leur fortune personnelle au service d’un projet qu’ils avaient conçu et qui donnait du travail à d’autres pour servir le bien commun ; aujourd’hui, le capitaine d’industrie est quelqu’un qui utilise l’argent des autres en faisant la promotion d’un projet qui lui est extérieur et pour lequel il est prêt à sacrifier de nombreux travailleurs afin d’en retirer une fortune personnelle.   

    1. Nous n’aborderons pas ici le droit boursier car les variations observées sur les cours des actions ne sont pas caractéristiques des sociétés multinationales mais du fonctionnement de ces « casinos » appelés Bourses.
    2. Dans ce domaine, on doit aussi se poser la question de la « coopération » avec l’Allemand Daimler qui détient 3 % du capital de Renault et autant de celui de Nissan.
     François Reloujac
    Journaliste, spécialiste des questions économiques
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    Revers de fortune
  • Incertitudes

    par Louis-Joseph Delanglade 

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    En ce début d’année, rien n’autorise à penser que le pouvoir a pris la bonne mesure du problème posé par l’existence même du mouvement des gilets jaunes.

    Malgré les mesures chiffrées de décembre, malgré l’ouverture de cahiers de doléances, malgré l’annonce d’une grande concertation, le malaise demeure. L’idée d’une crise de régime poursuit sourdement son chemin. 

    jean-michel-aphatie-ne-souhaite-pas-prendre-cette-affaire-serieusement_6141356.jpgCependant, même si le mouvement est susceptible d’avoir des conséquences sur, voire contre, le système, ceux qui pensent pouvoir le récupérer au moins en partie se font sans doute des illusions car il est essentiellement hors système. Les tentatives politiciennes sont grossières (M. Philippot qui dépose l’appellation « gilets jaunes »), ridicules (M. Mélenchon qui croit voir en M. Drouet la réincarnation du terroriste robespierriste de Varennes), ou simplement bien naïves (MM. Jardin ou Lalanne qui sont tentés par l’aventure électorale). Ceux-là n’ont pas compris l’essentiel d’un mouvement dont le surgissement incongru et les manifestations a-politiques sont plutôt le signe d’une réaction salutaire du fameux, mais bien mal en point, « pays réel » et dont le mot d’ordre, pour reprendre la formule de M. Zemmour, serait : « On ne veut pas mourir ! » M. Berger, secrétaire général de la CFDT, ne s’y trompe d’ailleurs pas lorsqu’il déclare sur les ondes de France Inter (6 janvier), que le mouvement est essentiellement « réactionnaire ». 

    e093d72f016017025a97fd18d7dd8cd8-qui-est-stanislas-guerini-le-nouveau-patron-de-la-republique-en-marche.jpgHors système, donc, ce mouvement qui remet en cause le régime de la démocratie dite bien à tort  « représentative », véritable captation de la réalité populaire qui permet à de faux « corps intermédiaires » et autres élites médiatiques et politiques de parler et de penser pour tous les autres sans jamais les consulter vraiment sur les choix civilisationnels et politiques  fondamentaux - ou de ne pas tenir compte de l’avis exprimé, comme ce fut le cas lors du référendum de 2005 (55% de « non » au traité établissant une constitution pour l’Europe), ou même de refuser ouvertement l’idée d’en tenir compte, comme ce M. Guerini (photo), délégué général de La République en marche, qui justifie son hostilité au RIC par le refus de voir les Français décider par exemple de rétablir la peine de mort (BFMTV, 17 décembre). 

    Mais si leur existence est d’abord une remise en cause de cette supercherie, il est cependant évident que les Gilets jaunes ne peuvent apporter au pays la nécessaire re-mise en ordre.  Nous aurons peut-être une crise de régime mais, dans ce cas, l’issue en sera forcément politique et rien ne dit qu’elle soit positive. Aujourd’hui divisées, les « élites républicaines » peuvent se ressouder dans un de ces compromis historiques destinés à permettre la survie du régime, quitte à procéder à un ravalement de façade. Pour l’instant, l’avancée « politique » du mouvement des Gilets jaunes, et elle n’est pas négligeable, est d’avoir fragilisé les certitudes idéologiques du chef de l’Etat, obligé d’admettre explicitement que s’est manifestée une « colère légitime » et peut-être de revenir en conséquence et si peu que ce soit sur son catéchisme euro-libéral.   ■

  • Médias & Actualité • Le général chez les polissons

    par Claude Wallaert 

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    Qu’est-ce qu’un chef ? 

    L’autre jour, j’ai eu très peur en découvrant que le général Pierre de Villiers avait accepté de paraître à l’émission « On n’est pas couché », pour présenter son nouveau livre Qu’est-ce qu’un chef ? édité chez Fayard. Qu’allait-il faire dans cette galère ? Sûrement, il allait subir les questions idiotes habituelles, des plaisanteries anti-troupières éculées et les ricanements énervés du polisson en chef, Laurent Ruquier, sans compter les applaudissements serviles du public sélectionné.

    Par sympathie pour le général, j’ai quand même regardé l’émission. Eh bien, j’ai très vite dû, et agréablement, faire in petto amende honorable. En effet, à ma grande surprise, les polissons se sont bien tenus ! Le chef a en effet ricané, mais gentiment, et il a dirigé l’émission en vrai professionnel, Christine Angot, qui exceptionnellement arborait un sourire aimable, posait de bonnes questions et écoutait les réponses avec attention ; et son comparse Charles Consigny, qui remplace avantageusement le sinistre Yann Moix depuis la rentrée, a été remarquable de pertinence et de courtoisie !

    images.jpgMais le plaisir que j’ai pris est surtout dû à la prestation de Pierre de Villiers qui, dans cette ambiance favorable, a pu donner la pleine mesure de son charisme, faire partager son immense expérience de chef et exprimer en toute liberté les solides convictions qui sont les siennes.

    J’utilise le mot « charisme », car quel a été le message de Pierre de Villiers ? Pendant près d’une heure il a parlé, tantôt avec le sourire, tantôt avec gravité, souvent avec passion, de choses croyais-je dénigrées ou pire encore ignorées aujourd’hui, telles que les notions d’ordre, de discipline, de cohésion, de sens du groupe… Il est vrai qu’il ne les séparait pas dans son discours des valeurs de confiance, de fraternité et de l’expression heureuse du respect infini des personnes, quelles qu’elles soient, qui est le sien. Il a su dire avec des mots simples combien il aime la jeunesse et convaincre de sa sincérité, montrant qu’il ne fait pas acception de personnes, car il voit d’abord en elles leur potentiel de don d’elles-mêmes. Il n’a pas employé le mot subsidiarité, mais son éloge de la confiance à accorder par le chef et de l’obéissance d’amitié relevait parfaitement de cette notion… d’essence chrétienne !

    Je crois aussi que ce qui a impressionné à juste titre son auditoire, c’est la présence d’un grand professionnel, dont personne ne doute de la loyauté et du désintéressement ; en effet, lorsque Villiers parle de la réalité du combat, des menaces qui pèsent sur nous, des conséquences humaines des sauts technologique tels que les cyber-attaques et l’apparition des drones sur le champ de bataille, personne ne songe à ergoter, tout le monde écoute.

    villiers-20170721 (1).jpgEnfin, l’auditoire a été visiblement touché par l’évocation du brusque départ du général au lendemain du 14 juillet 2017 : l’image rappelée de la haie d’honneur spontanée et silencieuse de deux cents militaires et civils, le saluant du regard à sa sortie du Centre de Coordination des Opérations après l’annonce de sa démission, a suscité une sincère émotion sur le plateau.

    Cette émission a eu le mérite de donner la parole à un homme généreux, passionné et en pleine possession de ses moyens, qui, après avoir accompli une brillante carrière, ne demande visiblement qu’à servir encore notre patrie : plaise à Dieu que cette compétence, cette disponibilité et cette chaleur humaine trouvent à s’employer au meilleur niveau !   

  • Société & Littérature • L’éclairage de Houellebecq

     
    Noël à Strasbourg

    par Gérard Leclerc 

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    Étonnante coïncidence 

    Houellebecq, son nouveau roman, paru hier, son génie littéraire et au-delà, proprement balzacien, évoqués, commentés le dernier jour de l'année qui vient de finir.... Nous aurons à y revenir.

    En ce dernier jour de l’année et juste avant les vœux présidentiels, nous vivons dans un drôle de climat, très éloigné des réjouissances habituelles.

    Que va-t-il se passer sur les Champs Élysées dans la soirée et la nuit de la nouvelle année ? Et puis, que sera cette année 2019 ? La révolte va-t-elle se ranimer ? L’autorité de l’État résistera-t-elle à une nouvelle épreuve ?

    16764359.jpgÉtonnante coïncidence : dans quelques jours paraîtra un roman de Michel Houellebecq intitulé Sérotonine, dont tout annonce qu’il sera un énorme succès de librairie. Et cela d’autant plus que l’écrivain est un prodigieux capteur de l’ambiance d’une époque. Et que son génie proprement balzacien, loin de permettre à ses lecteurs de s’évader dans un autre monde, va leur restituer leur monde présent avec une acuité remarquable.

    La critique rappelle le précédent de Soumission, paru le 7 janvier 2015, jour du massacre de Charlie Hebdo et qui se rapportait au défi de l’islam en France. Un confrère, qui ne manque pas d’humour, explique que le romancier, qui était promis au goudron et aux plumes infligés aux importuns, s’était trouvé épargné du fait du coup de poing de l’actualité. Dans le cas de Sérotonine, c’est aussi saisissant. Bien sûr, Houellebecq ne parle pas des gilets jaunes, mais il met en scène une violente fronde paysanne en Normandie, qui offre exactement les mêmes caractéristiques. Le président de la République, dans sa retraite tropézienne, aura-t-il pris le temps de lire Houellebecq, avant de rédiger son message de ce soir ? On le souhaiterait presque, car il importe avant tout aux responsables politiques de bien comprendre la nature exacte de cette révolte qui a bouleversé le pays et déstabilisé le sommet de l’État. Aucun rapport d’expert ne saurait remplacer le diagnostic d’un écrivain qui comprend la société actuelle comme personne et qui établit même une analyse politique et économique, dont les professionnels auraient bien tort de se priver.

    Faut-il rappeler qu’une des victimes de Charlie Hebdo, Bernard Maris, professeur d’économie, avait écrit, en 2014, tout un essai intitulé Houellebecq économiste, où il montrait la pertinence du romancier dans un domaine dont il n’était pas le spécialiste. Oui, on a tout intérêt à prêter attention à l’expertise originale de Michel Houellebecq.   ■ 

    Gérard Leclerc
    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 31 décembre 2018.