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Actualité Monde - Page 88

  • Moscou va livrer des S-300 à la Syrie

     

    Par Antoine de Lacoste 

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    Israël a-t-il fait le bombardement de trop ?

    La semaine dernière, alors que 4 F16 israéliens attaquaient des positions syriennes près de Lattaquié, la riposte syrienne avait entraîné la destruction d’un avion d’observation russe, un Iliouchine 20, provoquant la mort de 15 militaires.

    L’armée russe, furieuse, avait reproché à Israël de n’avoir prévenu de cette attaque qu’une minute avant les frappes, empêchant cet avion de se mettre à l’abri. Elle était même allée plus loin en accusant les pilotes israéliens de s’être mis à l’abri derrière l’Iliouchine, ce qui n’est pas avéré, et d’avoir indiqué de fausses coordonnées de position d’attaque. L’armée israélienne a protesté disant qu’à aucun moment ses avions n’ont agi ainsi et que lors de la riposte syrienne fatale, ses avions étaient déjà rentrés dans leur espace aérien. Ce n’est pas avéré non plus.

    Poutine avait calmé le jeu, ne souhaitant pas une crise diplomatique avec Israël à un moment délicat du conflit syrien, lié au sort de la province d’Idleb occupée par les islamistes.

    1200px-Official_portrait_of_Sergey_Shoigu_with_awards.jpgLe revirement est aujourd’hui spectaculaire et l’annonce par le Ministre russe de la Défense,  Sergueï Choïgou (photo), de la livraison de S-300 à la Syrie « sous deux semaines » est un vrai tournant.

    Pour l’instant, l’armée syrienne est dotée de S-200, matériel relativement vétuste même s’il a permis la destruction en vol de nombreux missiles israéliens. Un accord entre la Syrie et la Russie en 2010 devait permettre la livraison de la nouvelle génération  des armes anti-aériennes russes, les S-300, à partir de 2013. A la demande pressante d’Israël, Poutine a renoncé à cette livraison, au grand dam de la Syrie, très déçue mais ne pouvant guère reprocher quoi que ce soit au sauveur russe.

    Mais, « la situation a changé et cela n’est pas de notre faute » a solennellement  déclaré Sergueï Chouïgour. Ces S-300 permettront des ripostes d’une portée de 250 km et de frapper plusieurs cibles à la fois. De quoi « refroidir les têtes brulées et empêcher les actes irréfléchis  constituant une menace pour nos soldats » a-t-il conclu.

    Rarement un langage aussi dur n’a été employé contre Israël même si le Kremlin, de son côté, a rappelé que cela ne visait aucun Etat en particulier. Voire.

    1035574114.jpgLa différence de ton entre l’armée et le Kremlin est sans doute la clé de ce revirement. Il semble probable que l’armée, n’acceptant plus de faire courir des risques inutiles à ses militaires, ait fait pression sur Poutine pour que ces S-300 soient livrés. Entre « les informations trompeuses d’Israël » dénoncées par la Défense et « une succession de circonstances tragiques » plaidée par le Kremlin, Poutine a choisi de combler ce hiatus inédit. Il a même choisi d’appeler en personne le Président syrien Bachar el-Assad pour lui annoncer la bonne nouvelle.

    Benjamin Nétanyahou a vivement réagi déclarant que « mettre des systèmes avancés entre des mains irresponsables augmenterait les dangers dans la région ».

    La partie promet d’être serrée.   ■ 

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.

  • Église : sortir de l'ambiguïté

     

    Par Hilaire de Crémiers 

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    Analyse : situation terrible de l'Eglise catholique et terrible analyse - fleuve - dont on pourra débattre.  LFAR

    Mgr Carlo Maria Vigano, ancien Nonce apostolique aux États-Unis, a cru de son devoir de publier le 25 août dernier une lettre signée du 22 août sous forme de témoignage pour mettre le pape François et la hiérarchie de l’Église devant leur responsabilité dans l’effroyable problème que révèle la découverte des innombrables crimes sexuels commis par des membres du clergé et volontairement tenus cachés. 

    “Souvent, Seigneur, ton Église nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toutes parts. Et dans ton champ, nous voyons plus d’ivraie que de bon grain. Les vêtements et le visage si sales de ton Église nous effraient. Mais c’est nous-mêmes qui les salissons ! C’est nous-mêmes qui te trahissons chaque fois, après toutes nos belles paroles et nos beaux gestes. Prends pitié de ton Église… »

    C’était en mars 2005. Jean-Paul II était mourant. Le cardinal Joseph Ratzinger présidait à la place du pape le chemin de croix qui se déroule traditionnellement au Colisée. Nul doute aujourd’hui, pour qui cerne l’histoire de cette période de l’Église, que celui qui était alors encore le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, pensait, en prononçant ces mots terribles, d’abord et surtout, aux crimes d’homosexualité, de pédophilie et d’abus sexuels de toutes sortes perpétrés dans un cadre ecclésiastique au cours des quarante précédentes années et dont s’étaient rendus coupables des membres du clergé à tous les niveaux. Les scandales commençaient à éclater un peu partout sur tous les continents et éclaboussaient jusqu’aux sommets de la hiérarchie qui se taisait.

    Le temps de Jean-Paul II

    Jean-Paul II avait exercé son charisme personnel dans sa fonction pour redynamiser une Église qui en avait bien besoin après les années dites « conciliaires » dont le pape Paul VI, sur la fin de son pontificat, effrayé de résultats qui n’étaient, certes, pas prévus, s’affligeait lui-même. Il en était quelques autres qui avaient joué un rôle important lors du Concile, comme théologiens ou experts, et qui, eux aussi, étaient consternés par une évolution en forme de dégradation doctrinale, morale et liturgique qui n’avait plus rien à voir avec le renouveau souhaité ou imaginé. En étaient, entre autres, le Père de Lubac, le Père Daniélou, promus cardinaux par Jean-Paul II ; Joseph Ratzinger aussi. D’où leur volonté de réformer la réforme afin de l’inscrire dans la continuité de l’Église en éliminant peu à peu les herméneutiques de la rupture.

    Jean-Paul II, en lutteur polonais qui s’était exercé avec succès contre le communisme athée, avait parcouru le monde à grandes enjambées et rassemblé les foules – et surtout les jeunes – pour leur rendre confiance et leur rappeler – pour les catholiques – les articles de la foi et les principes de la morale. De grands textes, souvent, d’ailleurs, inspirés par son cardinal théologien Ratzinger, ponctuaient ce parcours, de Veritatis splendor à Fides et ratio, ainsi que toute une série d’exhortations et d’admonestations. Ce qui ne l’avait pas empêché, en faisant fi de toutes les contradictions, de persévérer, tout autant, dans un œcuménisme sans frontière et dans une vision des droits de l’Homme qui lui servait depuis toujours de fer de lance et qu’il prétendait ramener dans une direction divine en l’incluant dans une vaste conception théologique, philosophique et éthique. Sa philosophie inspirée de la phénoménologie moderne lui permettait des synthèses surprenantes. Joseph Ratzinger ne pouvait s’empêcher sur ces points d’avoir, sinon de manifester, des réticences malgré toute l’admiration, voire la dévotion que portait à son pape le cardinal théologien : en particulier les réunions d’Assise qui, du strict point de vue de l’affirmation de la foi catholique, n’étaient pas acceptables.

    Toujours est-il que Jean-Paul II, tout donné à son lien direct avec le peuple fidèle et à sa relation personnelle avec le monde, ne se préoccupait pas du gouvernement de l’Église. Les services de la curie fonctionnaient par eux-mêmes selon les directions des cardinaux concernés et des autres prélats curiaux laissés à leur jugement… et à leurs calculs ou ambitions. Et de même les Églises locales sous la houlette de leurs conférences épiscopales, leurs bureaux, leurs commissions et on sait ce que ces mots veulent dire. Tout cela est certain et n’a pas manqué d’être noté par les historiens et les essayistes les plus sérieux. Est-il permis de le dire ? Le clergé, du bas en haut et du haut en bas, était livré à lui-même et il n’y a rien de pire. Surtout dans les exaltations malsaines de prétendus changements radicaux qui devaient tout bouleverser ! Et pourquoi pas, après la doctrine, les mœurs ? Précisons qu’il n’y a pas que ce qu’on appelle « la gauche » qui se livrait à ce genre de libération… théologique et éthique. D’autres qui seraient qualifiés « de droite », pouvaient aussi bien tomber dans le même piège de l’autosuffisance et du narcissisme doctrinal et moral. Tout est permis à qui se croit au-dessus.

    En raison de son expérience polonaise dans un régime qui tentait par tous les moyens de la calomnie de déstabiliser l’Église, Jean-Paul II refusait d’envisager la responsabilité pénale du clergé et, mis devant des accusations, les traitait de rumeurs. C’est ainsi qu’il avait soutenu et promu Marcial Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ, dont il louait les œuvres, en effet, impressionnantes alors que des faits certains commençaient à être communiqués au Saint-Siège. La secrétairerie d’État opposait la plus grande inertie. Le cardinal Sodano, tout à sa politique, ne traitait pas les vrais problèmes. L’institution occultait et faisait semblant de tout ignorer. « Et ce n’est pas pécher que pécher en silence… » !

    C’est dans ces circonstances que, sans porter de jugement sur les personnes en responsabilité, avec la discrétion requise, Joseph Ratzinger de sa propre initiative décida d’attraire devant son dicastère les cas qui lui étaient signalés. Il savait donc. Pas tout. À cette époque, loin de là ; mais il fut atterré. La perversité des ecclésiastiques lui était intolérable. Il ne la comprenait même pas ! D’où cette prière d’épouvante lors du Chemin de Croix de mars 2005. Ce ne fut que le début d’une longue agonie. Coepit contristari et maestus esse, pavere et taedere.

    Le temps de Benoît XVI

    Le 2 avril suivant, Jean-Paul II mourait. Doyen du Sacré-Collège, Joseph Ratzinger prépara le conclave. Il en sortit pape. Des indiscrétions – qui, d’ailleurs, peinèrent Ratzinger- –, donnèrent à savoir le nom de son principal concurrent : Jorge Mario Bergoglio.

    Une fois sur la chaire de saint Pierre, celui qui était devenu Benoît XVI mesura peu à peu toute l’ampleur du problème. C’est lui et lui seul qui résolut la terrible affaire des Légionaires du Christ, en sauvant les âmes et en préservant les œuvres bonnes, car l’homme de foi était aussi un homme de charité. Cependant, les faits dénoncés et les plaintes émises se multipliaient de tous côtés ; c’est encore lui qui prescrivit alors les règles de la plus stricte vérité et de la plus rigoureuse justice, y compris devant les institutions civiles. Cependant il s’avéra qu’il avait dans son propre entourage de cardinaux et de prélats des hommes qui par suffisance ou insuffisance – prétention souvent doublée d’incompétence – ne voulaient pas comprendre. Inutile ici de donner des noms : tout est maintenant parfaitement connu des personnes averties. C’est comme si tout avait été fait pour écœurer, pire encore, pour faire tomber Benoît XVI ; aucun mauvais procédé ne lui aura été épargné : stupidité, immoralité, désir de vengeance ; et ce besoin de couvrir les réseaux et de se couvrir soi-même. Il ne s’agissait plus que de l’accabler.

    Toutefois, la gravité extrême des faits posait une question plus profonde. Les dérives des mœurs sont les signes des déviations de la foi. Il est toujours possible pour un catholique de se reconnaître pécheur et donc d’essayer de s’amender. Le mal est sans recours quand on s’accorde la facilité de se faire un Dieu et une religion à sa façon. Le mot « amour » mis à toutes les sauces suffit à justifier tout et n’importe quoi, y compris le pire, en échappant aux vérités de la nature et aux dogmes de la foi. Charles Maurras – eh oui ! – qui a tout vu, de son regard aigu, dès le début du XXe siècle, des conséquences des erreurs progressistes et modernistes dont l’Église allait pâtir pendant plus d’un siècle, écrivait en 1905 : « Dieu est tout amour, disait-on. Que serait devenu le monde si retournant les termes de ce principe, on eût tiré de là que tout amour est Dieu ? »

    C’est exactement la question. Ces messieurs ont tout simplement décidé de justifier toutes leurs amours : l’homme, le monde, leurs choix idéologiques et tout aussi bien, leurs amours irrégulières ou singulières. Or, le problème commence quand on fait la théorie de son cas, pensées, mœurs, passions, goût du pouvoir. Quand on se fait soi-même sa propre théorie du salut, quand on estime qu’on n’a pas besoin de salut ou qu’on est au-dessus, c’est fini. Le salut peut être devant soi, on ne le voit pas, on le méprise, on le dénigre, on le traite de Satan. C’est le péché contre l’Esprit.

    Benoît XVI a donc tenté un redressement de la foi pour opérer un redressement de la barque de Pierre. Et avec quel enseignement de la plus grande précision ! il en a été traité à plusieurs reprises dans ces colonnes. Ce n’est pas le lieu ici d’y revenir. Il voulait renouer tous les fils rompus. Penser juste et vrai, prier en beauté et en conscience aiderait à agir en conformité avec l’Évangile de Jésus-Christ. Eh bien, l’homme qui ne voulait pas être pape,– pour reprendre le titre du beau livre de Nicolas Diat – a pris finalement et personnellement la décision de renoncer au ministère d’évêque de Rome, successeur de saint Pierre ; il arguait de son manque de force. Après tant d’épreuves !

    Le temps de François

    C’est ainsi que le cardinal Bergoglio fut élu. Jésus, le diable et, à l’appui, citation de Léon Bloy, on crut à ses premiers propos aux cardinaux qu’il allait proposer une radicalité évangélique de bon aloi. Il s’y mêla très vite d’autres ingrédients. L’Église eut droit, en plus d’une dialectique sur les pauvres qui prit la forme d’unique spiritualité et qui tourna à la mystique des migrants et, pour parler comme Péguy, à la politique de la migration universelle, à une autre dialectique dite de « l’ouverture » qui devint un système de gouvernement, une méthode politique d’exercice du pouvoir. Tout ce qui s’opposait aux projets pontificaux étaient mis sur le compte d’un esprit de « fermeture », d’obstination dans des doctrines passées et donc dépassées.

    Tout y passa, en effet : cela alla de l’éloge incon-sidéré de Luther qui mettait à mal la foi catholique, aux subtiles transformations de la règle morale par toutes sortes de procédés prétendument démocratiques et évidemment abusifs. Les quelques jésuites sans foi ni loi, et connus comme tels, qui ont tout oublié de saint Ignace et bafouent les Exercices spirituels qui devraient être leur règle de vie, gravitant dans l’entourage du pape, menaient la danse : une casuistique invraisemblable, à faire frémir Pascal, autorisait toutes « les ouvertures ». Cependant le pape se créa à la Maison Sainte-Marthe son propre appareil de gouvernement avec ses hommes à lui, ses cardinaux nommés par lui, en doublon de la curie qu’il se contentait d’invectiver chaque année régulièrement.

    Le dernier voyage de François à Dublin en Irlande, les samedi 25 et dimanche 26 août, fut typique de cette manière de faire. Il écrit, la semaine précédente, une Lettre au peuple de Dieu qui, devant la montée des scandales, dénonce avec une extrême vigueur les abus sexuels sur mineurs, mais ce sont des mots, car la Lettre ne vise jamais le péché en tant que tel des pratiques de l’homosexualité et de la pédérastie ; et il se rend ensuite à la 9e Rencontre mondiale des familles à Dublin dans une Irlande catholique blessée par ces horribles comportements. Là, tout est arrangé pour orienter cette rencontre qui concerne la famille dans sa sainteté, sur « l’accueil des divorcés remariés selon Amoris laetitia » et sur « l’accueil et le respect dans les paroisses des LGBT et leurs familles ». Il fallait l’oser ! Alors à quoi sert de demander pardon, de se lamenter en fustigeant toute l’Église qui n’en peut mais, en dénonçant dans les crimes perpétrés, non pas le péché en lui-même que constitue l’abus sur mineurs, mais ce qui est requalifié de cléricalisme ! Ah, si ce n’est pas précisément du cléricalisme, cette manière de procéder…

    François pour ces journées s’est fait accompagner, comme par hasard, de ceux qui participent du même système : le cardinal Schönborn, archevêque de Vienne, Oscar Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa au Honduras, membre de son C9, Blase Cupich, créé cardinal par lui, archevêque de Chicago, des noms qui ont été cités – à tort ou à raison – dans des affaires de ce genre, comme ceux de Wuerl, archevêque de Washington, et de O’Malley, archevêque de Boston, qui aussi étaient invités et qui ne sont pas venus, car ils doivent faire face eux-mêmes à la tourmente ! Le jésuite américain, James Martin, directeur de la revue America, connu pour ses positions ouvertement LGBT, était bien là, lui aussi, chargé de faire sa propagande ignoble. Et François, là-dessus, au retour dans l’avion essaya de noyer la question en parlant de psychiatrie. Il n’y a donc aucune autorité dans l’Église pour dire : ça suffit ! Alors que tout le monde sait que le mal a ravagé des églises entières, que le procureur de l’État de Pennsylvanie, Josh Shapiro, vient de faire savoir que le Vatican et les autorités ecclésiastiques connaissaient les ignominies commises sur des enfants par près de 300 prêtres dans ce seul État, qu’il en est de même au Chili, en Australie, en Irlande, et encore, et encore…Même s’il s’agit d’une minorité, c’est bien trop ! Ne serait-ce que pour que l’Église hiérarchique et l’ensemble des prêtres qui ont donné leur vie au Christ, ne soient pas compromis dans cet affreux trafic d’influence. Car qu’est-ce d’autre ?

    Il est donc compréhensible que Mgr Carlo Maria Vigano ait cru bon d’écrire sa lettre ouverte au pape. Ancien Délégué aux représentations pontificales auprès de la secrétairerie d’État, puis nonce apostolique à Washington, il fut par ses fonctions informé de suffisamment de faits à la suite de ses prédécesseurs pour se croire obligé d’en référer aux plus hautes autorités, en particulier s’agissant des abus sexuels perpétrés par l’ancien archevêque de Washington, le cardinal McCarrick, doublés de sollicitatio ad turpia et de sacrilèges eucharistiques. Sa lettre est parfaitement documentée, précise ; et les faits monstrueux de perversion sont connus et sont si avérés qu’à la demande de François McCarrick a été obligé de présenter sa démission du collège cardinalice en juillet dernier. Mais, auparavant, qu’en était-il, s’il est vrai que, de fait, Benoît XVI avait déjà pris des décisions à son encontre ?

    Ce n’est pas tout, car Mgr Vigano dénonce tout un système de connivences, de nominations, de réseaux homosexuels qui contamine l’Église. Combien d’autorités impliquées ? Et jusqu’où…

    Le pape François ne saurait d’aucune manière et à aucun titre couvrir de son autorité de telles turpitudes : c’est une évidence. Il en va du respect de sa propre fonction que tout catholique est tenu de respecter, à commencer par lui-même. Le pape est souverain ; il a le droit de ne pas répondre et, bien sûr, de ne pas se plier aux injonctions et aux supplications de Mgr Vigano ; il ne peut pas ne pas en tenir compte.

    Mgr Vigano sera vraisemblablement décrié. On cherchera à anéantir son témoignage qui, comme tout témoignage, a nécessairement des aspects très personnels et donc sujets à contestation. C’est si facile ! Les personnes concernées vont faire front. Il lui sera opposé des haussements d’épaule ou un silence méprisant comme le silence qui voile la honte…

    Il n’est pas bon dans l’Église d’aujourd’hui d’avoir du courage. Pas plus que dans la société civile! Quelques évêques dans le monde, heureusement, américains en particulier, mais pas seulement, ont compris l’importance d’un tel acte qui pourrait devenir salutaire s’il aboutissait à une nécessaire cure de vérité dont l’Église, à l’évidence, a le plus grand besoin. À ceux qui s’affoleraient, car la crise, est de fait, d’une violence inouïe, pourquoi ne pas rappeler la pensée de Pascal : « Bel état de l’Église quand elle n’est plus soutenue que de Dieu ».    

    Hilaire de Crémiers

  • Un avion russe abattu par les Syriens à cause d’une nouvelle attaque israélienne.

     

    Par Antoine de Lacoste 

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    Un avion de surveillance russe, un Illiouchine 20, a disparu des radars dans la nuit de lundi à mardi.

    Il survolait la Méditerranée pour rentrer à sa base aérienne de Hmeimim, à quelques kilomètres au sud de Lattaquié, le fief alaouite.

    C’est la DCA syrienne qui a frappé par erreur cet avion, ce que les Russes ont annoncé assez tôt. On imagine l’embarras de l’armée syrienne d’autant que 14 militaires russes sont morts dans l’accident.

    8aebb94d-49fd-41ad-ae51-6eb3b093515e.jpgMais les autorités militaires russes n’en sont pas restées là et ont imputé une part de responsabilité aux Israéliens. En effet, 4 F16 de l’Etat hébreu attaquaient au même moment plusieurs cibles près de Lattaquié. Ce sont apparemment des dépôts de munition qui étaient visés. L’attaque, qui a fait plusieurs morts dans les rangs syriens, a évidemment entraîné une riposte syrienne massive. De nombreux missiles israéliens ont été interceptés par les batteries S200 fournies par la Russie, mais hélas un des missiles sol-air a détruit l’appareil qui se trouvait là par hasard et, bien sûr, dans le plus grand secret.

    Les raids israéliens sont très nombreux en Syrie et posent de sérieux problèmes de sécurité à l’aviation russe, prévenue au dernier moment. Cette fois, les Russes ont été avertis à peine une minute avant le raid, ne leur laissant pas le temps de prévenir leur appareil afin qu’il change de route.

    La colère des militaires russes contre Israël est grande mais Poutine a préféré calmer le jeu en évoquant des « circonstances accidentelles tragiques ». Il ne souhaite manifestement pas en faire une affaire d’Etat au moment où il privilégie le jeu diplomatique, plutôt que l’escalade militaire. Après tout Israël s’était, pour une fois, montrée souple dans la reconquête récente de la province de Deraa, au sud du pays par l’armée syrienne. Elle avait laissé faire exigeant seulement l’exfiltration des casques blancs (une demande américaine), et la présence de militaires russes sur le Golan.

    La dernière province tenue par les islamistes, Idleb, fait également l’objet de discussions serrées avec la Turquie. Poutine et Erdogan se sont rencontrés à Sotchi pendant 4 heures pour trouver un compromis. Le résultat est encore un peu flou, mais un accord se dessine pour démilitariser une partie de la région, ce qui éviterait aux islamistes soutenus par Ankara de subir les bombardements russes. Mais comme il faudra bien régler son compte à Al-Nosra (devenu Hayat Tahrir al-Cham), le choix des cibles risque d’être un peu complexe.

    L’accord entrant en vigueur mi-octobre, Russes et Turcs ont un peu de temps pour affiner le processus.

    1035916445.jpgC’est un succès pour Erdogan qui évite ainsi l’offensive généralisée qu’il rejetait. Mais aussi pour Poutine qui, méprisé par les Occidentaux, démontre qu’une nouvelle fois, il est le seul à pouvoir parler avec tous les acteurs locaux du conflit syrien.

    Dans ce contexte, une crise avec Israël n’était pas envisageable.

    Mais le droit que s’arroge Israël à bombarder régulièrement la Syrie qui ne la menace pas est tout de même exorbitant. Mais, protégé par l’Amérique, tout est permis.   ■ 

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  • Paris et Alger à couteaux tirés

     

    Par M. M'Hamed Hamrouch

    du journal en ligne marocain le360

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgOn lira cette analyse [21.09] avec le plus grand intérêt. Elle est naturellement menée selon le point de vue marocain. Mais l'inquiétude extrême qu'elle reflète pour la région, la situation algérienne qu'elle décrit et les menaces que contient cette situation qu'elle signale avec vigueur, concernent aussi la France, pour toutes sortes de raisons très évidentes. Elle aussi est menacée ! LFAR   

     

    1964773036.2.jpgL’ancien ambassadeur de France à Alger, Bernard Bajolet, également ex-patron du renseignement extérieur français (DGSE), sonne la charge contre un régime algérien moribond. Décryptage.

    « Le président Bouteflika, avec tout le respect que j’éprouve pour lui, est maintenu en vie artificiellement. Et rien ne changera dans cette période de transition ». Le constat est sans appel et, tenez-vous bien !, il a été dressé par l'ex-patron de la DGSE (de 2013 à 2017). 

    XVMff9f3760-bce0-11e8-b260-bfef21ea63e5.jpgDans une interview au quotidien Le Figaro, Bernard Bajolet, (photo) également ancien ambassadeur de France en Algérie (2006-2008), insinue que le pronostic vital du régime algérien moribond est engagé. Lisez bien que c’est le régime algérien qui « est maintenu « en vie artificielle », Abdelaziz Bouteflika et ce régime ne faisant qu’un seul corps et la maladie de ce dernier implique forcément celle de la nomenclature qui ne doit sa survie qu’à la force de la poigne qu’elle continue de resserrer autour du peuple algérien frère, au nom d’une certaine « légitimité historique » !  « La nomenclature algérienne, issue ou héritière de la guerre d’Algérie, a toujours besoin de se légitimer en exploitant les sentiments à l’égard de l’ancienne puissance coloniale », charge l’ancien patron du renseignement français. 

    Une charge (officieuse) d’une crudité inédite et qui démontre à quel point Paris est agacée par ce régime-voyou, que ses apparatchiks octogénaires tentent, bon an mal an, de maintenir sous perfusion, tout comme Bouteflika qu’ils veulent introniser à vie à la tête de l’Etat algérien, ou ce qu’il en reste, dans le seul but de préserver leurs intérêts, au détriment d'un peuple livré en pâture à l'incurie et en proie à la voracité des hommes en uniforme. 

    La charge de l'ancien patron de la DGSE intervient quelques jours après une vive passe d’armes entre Paris et Alger, qui a ordonné, mercredi dernier, la levée du service de sécurité en faction devant les édifices diplomatiques français en Algérie, dont l'ambassade, les consulats, à l'exception des écoles. Une mesure de rétorsion qui fait suite au refus des autorités françaises de mettre en place une garde statique au niveau de la résidence de « son excellence monsieur l'ambassadeur d'Algérie à Paris, Abdelkader Mesdoua » ! 

    Pour préserver l’intérêt de ce diplomate, le régime algérien est prêt à sacrifier ceux, bien plus importants, de tout un peuple !  Il suffit que l’un des hommes liges de « Fakhamatohou » le Raïs soit inquiété, pour que tout l’appareil de l’Etat, en déliquescence avancée, sonne l’hallali et rue dans les brancards ! 

    L’expérience a démontré que rien ne vaut « Fakhamatohou Monsieur Bouteflika », qui veut battre des records de longévité au pouvoir, pas même l’avenir de son peuple, à plus forte raison celui, commun, des peuples de la région, que ce régime veut séparer, notamment les peuples marocain et algérien frères, en verrouillant systématiquement les frontières, entretenant à coups de milliards de dollars piqués dans « la gamelle du pauvre » citoyen algérien, une entité séparatiste nommée « RASD » et qui n’a d’existence que le nom ! 

    N’est-il pas temps pour ce tant attendu sursaut de conscience collectif du danger que représente ce régime despotique, qui ne peut continuer d’hypothéquer impunément le droit d’une région à la paix, à la stabilité, à un avenir meilleur ? Jusqu’où peut-on laisser ce régime-voyou jouer avec la sécurité d’une région qui a déjà fort à faire avec le péril terroriste, les mafias de la drogue et de la traite des êtres humains ?

    Les rapports de ce régime biberonné à la haine ne sont pas tendus qu’avec la France, ils le sont aussi avec le Maroc, la Tunisie, la Libye, le Mali, le Niger… Alger entretient des relations exécrables avec tout le monde ! A-t-elle raison contre tous ? Qu’attend donc le monde pour sauver l’Algérie et la région de ce régime assassin ?   

    M'Hamed Hamrouch

  • Une France orpheline

     
    par Louis-Joseph Delanglade
     

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    La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017 (publication du ministère des Armées) voit dans « la menace djihadiste » la « menace la plus immédiate et la plus prégnante », la situant ainsi parmi les priorités de défense de la France. Le site France Diplomatie explique que la lutte contre le terrorisme est un des quatre objectifs fixés à l’intervention militaire française en Syrie. Objectif concret, quantifiable même, en rapport avec la sécurité directe de la population et du territoire français. On sait que des résultats ont été obtenus. On peut le penser d’autant plus que M. Hollande lui-même aurait autorisé en 2015 des exécutions ciblées de terroristes présumés en Syrie. Et, si l’on en croit les « indiscrétions » réitérées du partenaire américain, indiscrétions immédiatement reprises par la presse française (dernière en date : cette photo, exhibée par France 24 le 13 septembre, d’un véhicule militaire français dans l’est de la Syrie face à des okok_8.jpgcombattants islamiques, à Deir Ezzor), les forces spéciales françaises sont bien présentes sur les différents théâtres d’opérations. Libre aux naïfs de s’imaginer qu’il s’agit d’aider les amis kurdes de M. Lévy ; nous préférons penser avec M. Lacoste (LFAR, 19 septembre) que les propos de Mme Parly, ministre des Armées de M. Macron (Europe 1, 15 octobre 2017 : « S’il y a des djihadistes qui périssent dans ces combats [pour la libération de Raqqa, alors tenue par les forces de l’Etat islamique], je dirai que c’est tant mieux. ») ces propos sont « courageux » et, ajouterons-nous « prémonitoires ». 

    Objectif spécifique sans doute atteint donc et pourtant la France devrait en toute logique connaître un véritable revers politique et diplomatique. Si l’on considère en effet les trois autres objectifs assignés à l’intervention, on peut dire du quatrième (« poursuite d’une solution politique ») qu’il est d’une niaise évidence et des objectifs deux et trois (« protection des populations civiles » et « lutte contre l’impunité des crimes de guerre ») qu’ils relèvent d’un humanitarisme benoît qui explique le fiasco auquel il faut s’attendre désormais. Dès 2012, et plusieurs fois par la suite, M. Fabius alors ministre des Affaires étrangères avait cru bon d’affirmer que « Bachar ne peut pas être l’avenir de la Syrie ». M. Fabius s’est alors trompé deux fois : la première dans la forme, c’est certain, en traitant un chef d’Etat étranger avec une familiarité ironique totalement déplacée ; la seconde sur le fond, c’est désormais plus que probable, en s’imaginant que la solution serait celle qu’il souhaitait conjointement avec M. Hollande et la quasi-totalité du microcosme politico-médiatique. On sait ce qu’il en est aujourd’hui : la chute d’Idlib, dernière enclave d’importance où se regroupent les factions islamistes, et paraît-il démocratiques, hostiles à l’Etat syrien, est inévitable ; ailleurs, de-ci de-là, notamment dans l’est du pays, subsistent quelques poches tenues par des combattants de l’Etat islamique et promises à une disparition encore plus rapide. 

    BHL-Syrie.jpgBien entendu, ni M. Fabius, ni M. Hollande, aveuglés par leur approche idéologique de la situation, ne pouvaient imaginer que l’affaire pût se terminer par un succès de M. Assad, bien soutenu par ses alliés russe et iranien. Depuis l’arrivée au pouvoir de M. Macron, malgré une certaine dose de réalisme dans l’approche politique, on n’a pas vu grand-chose. Aujourd’hui, la France est bien le seul Etat participant à la guerre dont on ne voit pas très bien ce qu’il peut encore espérer retirer de celle-ci. On comprend ce que veulent Israël, l’Iran, la Turquie ou la Russie. Même les Etats-Unis, pourtant tiraillés entre le désir de M. Trump de se désengager et celui du Pentagone de rester jusqu’au bout, pourront du fait de leur stature internationale faire entendre leur voix. 

    Bien incapable d’avoir seule les moyens de sa politique étrangère démocratique et humanitariste, Paris va devoir payer le prix fort pour ses errements. On n’imagine pas en effet que la diplomatie française puisse se rétablir au point de peser sur l’après-guerre. Parce qu’elle n’aura ni su ni voulu mener une vraie politique régionale, la France est « orpheline d’une stratégie syrienne », selon l’expression de M. Haski, le successeur de M. Guetta sur les ondes de France Inter (chronique de géopolitique, lundi 17 septembre).   

  • Crises et populismes ?

     

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    Le Monde a titré il y a trois ou quatre jours : « la crise de 2008 a nourri le populisme » . Si c'est une découverte elle est tardive. Et l'on savait cela depuis bien longtemps. 

    Toutes les crises économiques, nourrissent les populismes. Les bons et les DnHtSPRXsAEk-yG.jpgmauvais. Elles les nourrissent à proportion de leur gravité. Le Monde a sûrement en tête ce que la crise de 1929 a produit ou du moins contribué à produire en Europe et ailleurs. La seconde guerre mondiale. C'est bien les souvenirs de cette dernière que le titre du Monde entend raviver. 

    La crise de 2008 a été surmontée par la création monétaire, rien d'autre. Et dans une quantité si considérable que la crise de 2008 - et le « remède » en question - pourraient bien en avoir préparé une autre d'une tout autre ampleur. On a simplement renvoyé les échéances à plus tard. Et l'on a continué de les gonfler démesurément. Ce qui n'a empêché ni le chômage de masse de perdurer, ni la croissance de rester faible, ni la pauvreté de s'étaler, ni nos infrastructures de vieillir considérablement, ni nos classes moyennes de s'appauvrir, ni les inégalités de se creuser éhontément,  dans des proportions inégalées dans l'Histoire. Etc. La crise a surtout nourri la crise ... 

    Mais il y a populisme et populisme. Entre lesquels les journalistes et les experts plus ou moins compétents ne distinguent pas. Populisme est un mot fourre-tout, sans définition précise, par lequel on désigne tout ce que l'on n'aime pas, que l'on réprouve, que l'on range dans le camp du Mal. Syndrome moralisateur oblige. On ne dialogue pas avec le Mal. Ces simplismes aussi commencent à vieillir, à lasser ... 

    Rapprocher allusivement les populismes d'aujourd'hui de ceux des années trente du siècle dernier, qui, en effet, conduisirent à la guerre, n'a d'autre but et d'autre effet que de discréditer, salir les populismes actuels. Les rendre « nauséabonds » selon la terminologie en vigueur. 

    Les populismes des années trente furent offensifs, guerriers, expansionnistes ou revanchards, ils tendaient à la guerre entre voisins, ou aux conquêtes coloniales.   Les populismes d'aujourd'hui, que la doxa condamne et que les politiques « progressistes » combattent, sont essentiellement défensifs. L'Italie, l'Autriche, les pays de Visegrad, et même les partis dits populistes, français, allemands, suédois ou autres, n'invitent aujourd'hui à aucune guerre européenne. Ils défendent leur identité, leurs traditions, leurs droits sur la terre où ils sont nés et avant eux leurs ancêtres depuis des lustres. Ils savent que cette terre leur appartient. Il y ont bâti une civilisation. Ce qui les motive et en un sens les unit, bien autrement que n'ont su le faire les fonctionnaires de Bruxelles, c'est leur refus d'une invasion étrangère massive venue d'Afrique ou d'Asie et qui implique leur mort. Ce qui les fonde et les unit c'est le rejet des masses de migrants déjà établis chez eux ou en route pour y venir. 

    Sans en avoir l'air, le Monde pratique là un très contestable amalgame. Pour effrayer, rappeler les mauvais souvenirs. Comme le fait aussi Emmanuel Macron qui se répand en déclarations alarmistes et accusatrices en ce sens biaisé - ce qui est nettement plus grave. Et ce sont des déclarations martiales pour le coup ! Feront-elles beaucoup de dupes ? Ce n'est même plus très sûr.  

     

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    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Des militaires français contre Daech près de la frontière syro-irakienne ?

     
    Par Antoine de Lacoste
     

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    Sous contrôle américain, les FDS (Forces Démocratiques syriennes), viennent de relancer l’offensive contre les débris de Daech. La poche la plus importante demeurant en Syrie est composée d’environ 3000 combattants. Ils sont retranchés dans le sud-est du pays, près de la frontière irakienne.

    De nombreux responsables de l’Etat islamique seraient parmi eux, et peut-être leur chef, Abou Bakr al-Bagdhadi, introuvable depuis de longs mois.

    Les FDS, armés et financés par les Américains, sont essentiellement composés de Kurdes. Il y a également quelques syriens arabes, afin d’entretenir la fiction d’une opposition modérée à Bachar el-Assad.

    Le prétexte à la constitution de cette force était la lutte contre Daech. C’est ce qui a permis aux FDS d’occuper près du tiers de la Syrie au nord et à l’est, au-delà de l’Euphrate. Opportunément, cette zone est celle des puits de pétrole syriens qui sont ainsi occupés par les Kurdes. Le but pour les Américains n’est pas de mettre la main sur ce pétrole (ils en ont bien assez), mais d’empêcher le gouvernement syrien de les exploiter et en tirer des revenus substantiels.

    Les Syriens en savent quelque chose car lorsqu’ils ont franchi l’Euphrate, il y a quelques mois, un bombardement les a immédiatement arrêtés, faisant plusieurs dizaines de morts parmi les soldats et miliciens syriens. Il semble même que plusieurs mercenaires russes aient été tués dans l’affaire.

    Mais depuis plusieurs mois, l’activité anti Daech des FDS était proche de zéro, alors que leurs repaires étaient parfaitement repérés. Empêcher les Syriens de faire le ménage pour ne pas le faire soi-même, cela ne pouvait plus durer.

    Une importante opération vient donc d’être lancée. De nombreux blindés et véhicules militaires ont ainsi été stationnés près de la localité d’al-Soussa, une des trois petites villes encore aux mains de Daech (les deux autres sont Hajine et al-Chaafa).

    Les premiers combats ne se sont pas très bien passés : plusieurs dizaines de FDS sont tombés dans une embuscade et ont perdu une vingtaine d’hommes. Depuis trois jours, on estime que 50 djihadistes et 40 FDS auraient été tués. L’affaire promet d’être difficile.

    c9olwyyxgaa5hoi-1050x600.jpgLes FDS sont naturellement conseillés par des militaires américains, mais il semblerait que des Français soient également sur place. Une photo prise par un Américain montrant des soldats manoeuvrant un mortier laisse apparaître, en arrière-plan, un véhicule blindé. Selon un journaliste de France 24, Wassim Nasr, il serait de type Aravis et utilisé par deux seules armées au monde : les Français et les Saoudiens ; si ces derniers combattaient Daech cela se saurait et il est donc évident que ce sont bien des militaires français qui sont présents. La photo daterait du mois d’août, lors de la préparation de l’offensive.

    sentinelle-parly-20170626.jpgCe n’est d’ailleurs pas une surprise : des membres des forces spéciales françaises sont présents depuis longtemps en Syrie. Cela n’a jamais été officiellement confirmé mais les indices sont multiples et sont corroborés par les déclarations courageuses de la ministre Florence Parly qui affirmait : « Si ces djihadistes périssent dans les combats, je dirai que c’est mieux ».

    Et on n’est jamais si bien servi que par soi-même. ■ 

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  • Société & Actualité • Les tueurs en série des États-Unis (et d'ailleurs)

      

    Par  Xavier Raufer 

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    Le concept de tueurs en séries « serial-killers » tel qu'on le connaît actuellement vient des Etats-Unis. Pourquoi ce pays a-t-il connu une telle flambée de tueurs en série ?

    Ce concept vient des Etats-Unis - et pour cause, car ce phénomène affecte et ne peut affecter qu'un pays-continent, immense et aussi morcelé (50 États...) que désorganisé (pourvoir central « fédéral » faible en interne). Les États des États-Unis sont très jaloux de leurs droits - dont le pénal fait partie. Tout existe en matière de police et de justice dans la fédération américaine, du plus répressif au plus laxiste. Et des lois fort différentes. Plus d'innombrables forces de police. Chaque année, le FBI, police fédérale, publie I'Uniform Crime Report, qui donne les statistiques criminelles nationales des Etats-Unis : les données lui proviennent de plus de 14 000 polices diverses !

    Jusque vers 2000, divaguer d'Etat en Etat et y assassiner qui on voulait était enfantin. Car l'individu américain voyage à son gré dans tout le pays, mais la police urbaine s'arrête aux city limits et la police, disons, du Kansas, stoppe net à la frontière du Missouri - d'autant plus que ces deux États se haïssent depuis la Guerre de sécession.

    Ainsi, un rodeur pouvait trucider cent personnes dans l'Amérique profonde avant d'être repéré et - parfois - arrêté. Notons aussi les plus de 40 (à ce jour) tueurs en série jamais identifiés, désignés par un sobriquet, genre Boston strangler, Zodiac killer, etc.

    Quant au pouvoir central-fédéral faible, songez qu'il a fallu le choc des attentats du 11 septembre 2001 pour qu'on crée à Washington un ministère de l'Intérieur à l'européenne, Homeland Security. De 1800 à 2000, n'existait dans la capitale américaine qu'un Department of the Interior, gérant les parcs nationaux et les réserves indiennes...

    p1017753a.jpgPreuve de l'importance du maillage policier : le Canada est un peu plus grand que les États-Unis mais n'a qu'un nombre de tueurs en série « à l'européenne », dû à l'efficace maillage de la Royal Canadian Mounted Police (RCMP). A un cas près, ces tueurs en série canadiens sont arrêtés après quatre-cinq homicides, d'usage moins de dix, comme en Europe.

    Une situation à l'américaine est bien sûr impossible dans les États-nations européens, au maillage de police-gendarmerie bien plus resserré et réactif. Un tueur en série américain, c'est 40 à 100 victimes, et son homologue européen, dix ou moins. Peut être y a-t-il des tueurs en série aussi prolifiques dans d'autres pays-continents type Russie ou Chine - mais là, la censure veille. Et dans l'Inde au désordre pire encore, hormis les familles, nul ne doit s'en inquiéter la plupart du temps - voire, s'en apercevoir.

    L'article de la BBC pointe du doigt un fort pic du nombre de tueurs en série dans les années 80. Quel contexte a pu favoriser cette « épidémie » ?

    Ca correspond à un nomadisme accru à l'intérieur des Etats-Unis (boom économique... bougeotte des Hippies après le triomphe de Sur la route de Jack Kerouac...) sans accroissement comparable de la police fédérale. Songez qu'aujourd'hui encore, le FBI ne compte que 36 000 personnels, du big boss au dernier balayeur, pour une population de 326 millions d'habitants, un policier fédéral pour plus de 9 000 américains. En France, à la louche, c'est un policier (police nationale) pour 450 habitants.

    Avec une Amérique alors chaotique (agitation des droits civiques... émeutes des ghettos... manifestations anti-guerre du Vietnam... Terrorisme interne du Weather Underground (sorte de Brigades rouges locales) ou de la Symbionese Liberation Army; sans oublier les Black Panthers. Ajoutons-y l'explosion criminelle du début de la décennie 80, due au crack (cocaïne-base à fumer-inhaler) où des centaines de gangs s'entretuaient pour contrôler les territoires stratégiques du nouveau deal. De 1984 à 1991, les homicides connus aux Etats-Unis bondissent d'à peu près 8/100 000 à 10/100 000. Ainsi, la police avait d'autres chats à fouetter que de traquer d'évanescents tueurs en série.

    Le cas de la France est-il comparable ? Les tueurs « français » sont-ils les mêmes que les Américains ?

    Chaque tueur en série a son délire, ses caractéristiques - mais a en commun avec l'ensemble des criminels de ne s'arrêter que quand on l'arrête. Si vous laissez courir un tueur en série, il tuera tant et plus - ceux qui s'arrétent spontanément sont rares. Comme déjà dit, les Etats-nations européens unitaires et quadrillés par une police efficace comptent peu de tueurs en série. Exception l'Allemagne dont le système fédéral fragile laisse passer nombre de tueurs en série (en gros, le double de la France) et d'ailleurs de mafieux. Mais la mafia, c'est une autre histoire...     

    Xavier Raufer 
    Docteur en géopolitique et criminologue.
    Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin) 
  • Zemmour : Retour vers le djihad

     

    « La croisade ne fut pas autre chose que l'instinct de conservation de la société occidentale en présence du plus redoutable péril qu'elle ait jamais couru. On le vit bien quand l'Occident renonça à cet effort. » 

     

    Chatillon_Urbain2.jpgEntre la chrétienté et l'Islam, c'est une histoire millénaire. Qui ne s'unit pas se divise ; qui n'attaque pas recule ; qui ne recule plus conquiert. Qui ne conquiert plus est conquis. René Grousset en a tiré une leçon sur l'importance de la croisade d'Urbain II (photo), qui s'oppose à notre doxa contemporaine. Selon lui, le pape a permis à l'Europe de retarder de près de quatre siècles l'avancée de l'Islam et de préparer la lente émergence d'une Renaissance qui n'aurait jamais eu lieu sous le joug islamique : « La catastrophe de 1453 qui était à la veille de survenir dès 1090 sera reculée de trois siècles et demi… Pendant ce temps, la civilisation occidentale acheva de se constituer et devint capable de recevoir l'héritage de l'hellénisme expirant… La croisade ne fut pas autre chose que l'instinct de conservation de la société occidentale en présence du plus redoutable péril qu'elle ait jamais couru. On le vit bien quand l'Occident renonça à cet effort. »

    AKG969080.jpgPour fonder et justifier leurs attaques meurtrières sur le sol français en 2015, les propagandistes du califat islamique (Daech) sonnèrent l'heure de la revanche contre les « croisés » (photo). Cette appellation fit sourire nos esprits laïcisés et incrédules. Nous avions tort. Cette histoire longue est encore très vivante en terre d'Islam, alors que notre présentisme consumériste et culpabilisateur a tout effacé de nos mémoires. Nous avons oublié qu'Urbain II était français, que Pierre l'Hermite était français, que Godefroy de Bouillon était (pratiquement) français, que Saint Louis était français. Nous avons oublié que, grâce à eux, nous avons échappé à la colonisation islamique et que l'Europe, enracinée solidement dans la raison grecque, la loi romaine, et l'humanisme chrétien, a pu alors s'élever vers le destin inouï et glorieux qui fut le sien. Si nous l'avons oublié, eux ne l'ont pas oublié. 

    Extrait de son dernier livre - qui vient de paraître

    Destin français, d'Eric Zemmour, Albin Michel, 569 p., 24, 50 € 

  • Le nationalisme c’est la vie

     

  • Poutine, Erdogan et Rohani négocient l’offensive sur Idleb.

     

    Par Antoine de Lacoste

     

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    La Conférence de Téhéran s’est déroulée le vendredi 7 septembre. Le Président iranien Rohani y a accueilli Poutine et Erdogan. Aucun autre invité : ce sont ces trois-là qui ont l’avenir de la Syrie entre leurs mains.

    Mais les divergences sont réelles et la Conférence, sans être inutile, n’a pas permis de les aplanir.

    Russes et Iraniens sont à peu près d’accord à court terme : il faut lancer une offensive générale sur la province d’Idleb, occupée à 60% par le groupe islamiste Hayat tahrir al-Cham (HTC), l’ex Front al-Nosra dont tous les cadres viennent d’al-Qaïda.

    HTC et Daech ne sont que les deux faces de la même pièce, comme le rappellent 5b890800dd99a715688b4568.jpgles autres groupes insurgés sunnites (photo), qui tiennent 40% du territoire et qui ont eu des accrochages sanglants avec HTC.

    Le problème, ce sont justement ces 40% restants : ils sont tenus par des islamistes à la solde des Turcs qui ont d’ailleurs plusieurs postes militaires au cœur même de la province.

    Erdogan n’a pas envie de lâcher ses alliés et surtout il ne veut pas que ce soit ensuite l’occasion pour les Kurdes de se réinstaller près de sa frontière, notamment à Affrin, d’où il les a chassés il y a quelques mois.

    Il a pourtant fait une concession importante en qualifiant Hayat tahrir al-Cham de « groupe terroriste ». C’est une première mais il n’est pas allé plus loin : son objectif était d’obtenir qu’un nouveau cessez le feu soit établi et que le mot figure dans le communiqué final. Il n’a pas eu gain de cause. Poutine, sous le regard amusé de Rohani, a déclaré : « Je pense que, globalement, le Président turc a raison : ce serait une bonne chose. Mais nous ne pouvons pas assurer à leur place qu’ils (les islamistes) arrêteront de tirer ou d’utiliser des drones armés. »

    Rappelons à ce sujet que les bases russes installées non loin d’Idleb font régulièrement l’objet d’attaques de drones armés et Poutine ne peut évidemment accepter que cette situation se prolonge indéfiniment.

    Les Iraniens veulent en découdre comme toujours : en face, ce sont des sunnites et, pour la grande puissance chiite, aucune discussion n’est envisageable.

    Pour les Russes, moins concernés par ces divisions internes à l’islam, il s’agit d’un problème stratégique crucial : il est hors de question de laisser 10 000 combattants islamistes administrer une province sur le territoire syrien.

    L’assaut aura donc lieu, mais ce sera une opération délicate : il ne faut pas se fâcher avec Erdogan et donc éviter de lui tuer ses alliés et que faire si Erdogan envoie des renforts, comme l’armée syrienne est en train de le faire ?

    Les occidentaux eux, sont pathétiquement inutiles : les Américains rappellent tous les trois jours qu’une attaque chimique entraînerait une riposte massive de leur part, ce qui est une façon de laisser faire Poutine tout en laissant la porte ouverte à une nouvelle manipulation. La France et l’Angleterre ont confirmé, comme il se doit.

    Les Russes, de ce fait, ont renforcé leur présence navale au large de la Syrie.

    En attendant l’offensive terrestre, les bombardements russes et syriens ont repris. Leur intensité et le choix des cibles (exclusivement des positions tenues par HTC), montrent que le compte à rebours a commencé.  ■ 

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  • Une nouvelle manipulation chimique se prépare-t-elle en Syrie ?

     

    Par Antoine de Lacoste

     

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    C’est John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, qui a lancé l’affaire mercredi : « Si le régime syrien emploie des armes chimiques, nous réagirons très fortement et ils feraient bien de réfléchir un bon moment avant une quelconque décision. »

    Bolton (Photo ci-dessous) évoque ainsi la prochaine bataille qui sera menée par l’armée syrienne : la reconquête de la province d’Idleb, la dernière tenue par les islamistes.

    John_R_Bolton_at_CPAC_2017_by_Michael_Vadon.jpgCette déclaration est inquiétante car ce type d’avertissement est à géométrie très variable : les Américains n’ont jamais évoqué cela lors des reconquêtes de Der ez-Zor, où l’armée syrienne avait Daech en face d’elle, ou de Deraa où ils avaient donné leur feu vert aux Russes et abandonné leurs alliés islamistes. Ils s’étaient contentés de demander aux Israéliens l’exfiltration des casques blancs, ces secouristes très islamistes que l’Occident encense, finance et manipule. Russes et Syriens avaient observé cette évacuation, sans intervenir bien sûr, car il y avait un accord.

    Tout a été différent lors de la bataille de la Ghouta. Cette reconquête de 15000 km2 de la banlieue de Damas n’avait pas le feu vert américain : Daech n’était présent que dans le camp de Yarmouk. La plus grande partie était tenue par d’autres groupes islamistes dont certains avaient été soutenus par les Américains ; de nombreux casques blancs étaient présents également. Surtout, cette bataille était décisive : après la reconquête d’Alep l’année précédente, celle de la Ghouta marquerait un tournant, définitif cette fois, de la victoire de l’armée syrienne et du succès de l’intervention russe.

    Les Américains avaient tenté de dissuader les Russes de mener cet assaut, en vain. Et à deux jours, de la chute du dernier quartier de la Ghouta, à Douma, l’armée syrienne fut accusée d’attaque chimique et les casques blancs firent circuler photos et vidéos d’enfants affublés de masque à oxygène….En outre Trump et Macron affirmaient détenir des preuves de la culpabilité syrienne mais personne ne les a jamais vues. Plusieurs frappes eurent lieu, on s’en souvient.

    Se pourrait-il qu’une nouvelle manipulation ait lieu si l’armée syrienne lance l’assaut contre Idleb ?

    Sentant la menace, les Russes ont réagi samedi. Le porte parole du Ministère de la Défense, Igor Konachenkov,  a dénoncé la préparation d’une « nouvelle provocation pour accuser le gouvernement syrien ». Il a rappelé que le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS pour les intimes), nouveau nom du Front al-Nosra, régnait sur 60% de la province. Ces derniers jours, plusieurs réservoirs de chlore ont été acheminés par HTS vers la ville de Jisr al-Shughur a affirmé Konachenkov  ajoutant que les services secrets britanniques « participaient activement » à cette future manipulation.

    Mais pourquoi préparer un nouveau scénario de ce type puisque le sort de la guerre est jeté ?

    Pour une raison stratégique essentielle : Idleb ne peut être reconquise que si Poutine et Erdogan se mettent d’accord sur l’après : que faire des islamistes hors HTS, soutenus par les Turcs ? ET surtout comment administrer cette province limitrophe de la Turquie ?

    Pour les Américains, qui occupent le reste du nord de la Syrie avec leurs amis kurdes, une entente russo-turque à Idleb serait une défaite diplomatique majeure entraînant inéluctablement leur départ.

    Alors une bonne petite attaque chimique du méchant Assad soutenu par le méchant Poutine…   

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  • L’armée syrienne s’attaque à la dernière région tenue par les islamistes

     

    Par Antoine de Lacoste

     

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    La région d’Idleb, située au nord-ouest de la Syrie, est la dernière tenue par les islamistes. Et ils y sont très nombreux.

    En effet, cette région est devenue, au fil des redditions, le réceptacle de tous les islamistes vaincus refusant les accords de réconciliation et exigeant d’être conduits sous protection russe vers Idleb.

    Les Syriens n’étaient pas très emballés par cette stratégie mais les Russes les ont convaincus que c’était le seul moyen de reconquérir progressivement le terrain perdu en limitant les pertes.

    Mais maintenant que Deir es-Zor, la Ghouta, Hama et Deraa ont successivement été reconquises, il faut bien s’attaquer à Idleb.

    Plusieurs dizaines de milliers de combattants islamistes y sont concentrés avec leurs familles pour la plupart. Toutes les tendances s’y retrouvent : les soi-disant modérés de l’ASL, des Frères musulmans, des salafistes, des Turqmènes, des cellules dormantes de Daech et, le gros morceau, Tahrir al-Cham, le nouveau nom d’al-Nosra. Au milieu de tout cela, l’armée turque, bien embarrassée par la tournure que prennent les évènements.

    C’est peu dire que l’ordre n’a pas régné dans ce chaudron islamiste. Les règlements de compte y ont été permanents pour la plus grande joie des services secrets syriens qui y ont pris une part certaine. Les Turcs ont été également très actifs. Ils ont recruté et armé l’ASL espérant qu’elle prendrait le contrôle de la région ; ils l’ont aussi utilisée comme chair à canon contre les Kurdes, lors de la bataille d’Afrine en mars dernier. Ses combattants se sont d’ailleurs comportés avec une cruauté rare.

    Mais malgré leurs efforts, c’est Tahrir al-Cham qui domine la situation. Les services secrets turcs ont alors changé de tactique et se sont fixés pour objectif de fusionner l’ASL avec l’ensemble des groupes islamistes. Ils ont fait assassiner les principaux responsables de Tharir al-Cham qui s’y opposaient et ont massivement armé l’ASL pour qu’elle devienne le fer de lance de cette fusion. L’objectif est évidemment de présenter un front uni contre l’armée syrienne et de dissuader celle-ci de lancer une grande offensive terrestre.

    Mais que faire si les Syriens attaquent et ne se contentent plus de raids aériens ? Faire tirer sur les alliés des Russes est délicat, surtout si ceux-ci participent à l’offensive. C’est justement la grande inconnue et le comportement russe est observé à la loupe.

    Lavrentiev.gifPour Lavrov, le Ministre des affaires étrangères, pas d’hésitation : « il est nécessaire de porter le coup fatal aux terroristes ». Mais pour Lavrentiev (photo), l’envoyé spécial russe en Syrie, « pas question d’une opération d’envergure pour l’instant. ». Il faut évidemment ménager la bonne entente avec le nouvel allié turc, surtout au moment où celui-ci est en froid avec les Etats-Unis.

    Pour l’instant c’est l’aviation, y compris russe, qui travaille. Et plutôt bien : un important dépôt de munitions de Tahrir al-Cham a été visé avec succès, faisant des dizaines de tués parmi les islamistes.

    Mais nous n’en sommes qu’au hors d’œuvre d’une opération pendant laquelle Poutine et Erdogan se parleront sûrement beaucoup.   

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  • Mathieu Bock-Côté : « L'occupation touristique planétaire est une dépossession »

    Le Mont Saint-Michel rongé par les masses de touristes

     

    soleil.jpgMathieu Bock-Côté s'alarme des méfaits du tourisme de masse qui produit une véritable dénaturation tant du voyage lui-même que des villes et des pays visités, en réalité à la manière d'un flot invasif. [Le Figaro, 10.08]. Peut-on « espérer que le tourisme se civilise après s'être démocratisé. » Force est de constater que nous n'en prenons pas le chemin. Il faudrait, nous semble-t-il, que l'ensemble de l'édifice social se recivilise après s'être démocratisé...  LFAR

     

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    D'une année à l'autre, la belle saison confirme le statut de la France comme première destination touristique mondiale. On a d'abord tendance à s'en réjouir: n'est-ce pas le plus beau compliment que le monde puisse lui adresser ? On se rue vers elle pour admirer l'incroyable travail des siècles sur un territoire modelé par l'homme, qui a su à la fois fonder villes et villages, élever des cathédrales et dessiner des paysages. Si l'Amérique fascine spontanément qui veut contempler la nature sauvage et les grands espaces, l'Europe attire ceux qui s'émeuvent à bon droit de l'empreinte humaine sur la planète. S'ajoutent à cela des considérations prosaïques élémentaires : le tourisme est une industrie extrêmement lucrative. Qui serait assez bête pour se désoler de son expansion et des milliards qui l'accompagnent ?

    Mais on se désenvoûte assez rapidement de ce beau récit pour peu qu'on pense le tourisme de masse non plus seulement comme une opportunité économique mais 9782081365452.jpgcomme un phénomène politique. D'ailleurs, dans La Carte et le territoire, Michel Houellebecq s'était déjà inquiété de ce qu'on pourrait appeler le devenir touristique de l'Europe, soit celui d'une civilisation s'offrant à l'humanité comme parc d'attractions, comme si elle n'avait plus que des vestiges monumentaux mais vidés de toute sève à présenter au monde. En se réinventant par sa promotion du tourisme de masse, elle consentirait à sa muséification définitive. Elle ne serait plus qu'un décor déshabité, témoignant d'une gloire passée qu'il ne viendrait à personne l'idée de restaurer. La gloire témoigne de temps tragiques et nous souhaitons plus que tout habiter une époque aseptisée.

    La logique du circuit touristique planétaire est facile à reconstruire. Lorsque le système du tourisme mondialisé happe un lieu, celui-ci est progressivement vidé de sa population, comme s'il fallait effacer une présence humaine résiduelle, datant de l'époque où la ville était d'abord habitée avant d'être visitée. Les derniers résidents sont de trop, sauf s'ils savent se plier à la nouvelle vocation du lieu.

    Globalement, les habitants seront remplacés par des employés convertis à la logique du capital mondialisé qui sont souvent d'ailleurs habitués à tourner dans son circuit. La population locale en vient même à reconnaître implicitement un statut d'extraterritorialité symbolique aux lieux sous occupation touristique. Elle devient elle-même touriste en son propre pays lorsqu'elle fréquente ces lieux.

    Sans surprise, ce sont les plus beaux quartiers qui sont ainsi arrachés de la ville où ils ont été construits pour accueillir les touristes qu'on peut se représenter comme l'armée de la mondialisation, qui partout, impose ses codes. C'est peut-être une figure nouvelle du colonialisme. Paradoxe : d'un côté, la ville vidée de son peuple est invitée à conserver ce qui la caractérise, à la manière d'un folklore pour ceux qui sont en quête d'authenticité, mais de l'autre, elle doit offrir les mêmes facilités et les mêmes enseignes qu'on trouve partout sur la planète, du magasin de luxe au Starbucks. Il ne faudrait surtout pas que le touriste se sente trop loin de chez lui. S'il égrène fièrement les destinations où il est passé, il ne cherche la plupart du temps qu'un dépaysement soft. S'il était vraiment ailleurs, ce serait probablement pour lui l'enfer. Le moderne vante les mérites de l'autre mais ne le voit jamais qu'à la manière d'une copie du même.

    C'est bien une dynamique de dépossession qui caractérise le tourisme de masse. Et ses ravages sont indéniables. Des masses humaines se jettent à un pas rythmé par les chansons mondialisées à la mode sur des destinations choisies et en viennent à les défigurer complètement. Elles n'ont souvent qu'un objectif: « immortaliser » leur passage avec un selfie destiné aux réseaux sociaux, au point même où la première chose qu'on croise aujourd'hui en voyage, ce sont d'exaspérants badauds qui se prennent en photo. Devant cette sauvagerie molle et souriante, certains en appellent à une résistance politique. On apprenait ainsi récemment que Venise, Barcelone, Dubrovnik ou Santorin cherchent activement des mesures pour contenir le flot humain qui les engloutira. Une chose est certaine : si le monde entier devient une destination touristique, plus personne ne sera chez lui et tout le monde sera chassé de chez soi.

    On voit là comment le système de la mondialisation s'empare du monde. On a beaucoup parlé ces dernières années du concept de France périphérique, formulé par Christophe Guilluy, qui sert à désigner les populations laissées de côté par la mondialisation. On pourrait en élargir la signification en parlant plus simplement des populations qui sont refoulées non seulement territorialement mais symboliquement à l'extérieur du système de la performance mondialisée parce qu'elles ne sont pas suffisamment adaptables, mobiles et interchangeables. On les juge mal préparées aux règles du nouveau monde de la mobilité maximale. Ce sont des populations retardataires, attachées à un lieu, une langue et peut-être même une tradition. Un tel enracinement ne se pardonne pas. On ne saurait jamais, sous aucun prétexte, être en décalage avec les exigences de ce qui passe pour la modernité.

    Ici et là, la critique du tourisme de masse se fait heureusement entendre, même si elle peut aussi devenir agaçante. On brandit facilement, en prenant la pose dandy, une éthique du voyageur qui saurait se glisser subtilement dans la ville, en laissant entendre que le voyage devrait être le privilège exclusif du petit nombre. Mais ce réflexe aristocratique porte une leçon intéressante. Le génie du voyageur authentique tient moins dans la consommation des destinations recherchées où il vivra des expériences préformatées que dans sa capacité à habiter plus d'un endroit dans le monde, en y développant ses habitudes, ce qui implique de prendre le temps de se familiariser avec les mœurs locales. Il n'est pas interdit d'espérer que le tourisme se civilise après s'être démocratisé et que les hommes se rappellent que le monde n'a pas pour vocation à se plier aux désirs de ceux qui fardent leur pulsion de conquête en sophistication cosmopolite.   ■

    Mathieu Bock-Côté        

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, est paru aux éditions du Cerf [2016].

     

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