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Depuis l’annonce par Donald Trump de retrait américain de Syrie, l’effervescence règne parmi les principaux acteurs du conflit.
Les Turcs annoncent qu’ils vont s’occuper des « terroristes » kurdes et ces derniers, très inquiets, viennent d’appeler à l’aide l’armée syrienne. Beau renversement d’alliance !
Il est certain que le lâchage par les Etats-Unis de son allié kurde, s’est fait dans une optique de réconciliation avec la Turquie, toujours membre de l’OTAN. Les Kurdes ne pouvant rester seuls face à l’armée turque beaucoup plus puissante qu’eux, avaient besoin d’un autre parapluie. Ils savent aussi qu’ils ne peuvent compter sur la France, malgré de pressants appels.
L’armée syrienne s’est bien sûr empressée d’accourir et elle a pu pénétrer le 29 décembre dans les environs de Manbij sans avoir à craindre cette fois une agression américaine. Elle n’est toutefois pas entrée dans Manbij même, toujours occupée par les forces spéciales américaines. C’est une nouvelle portion de territoire syrien qui revient ainsi sous la souveraineté de Damas. C’est un succès important pour Bachar el-Assad et une capitulation en rase campagne pour les Kurdes qui espéraient naïvement se tailler là un territoire indépendant sous protection américaine.
Lorsque les Turcs ont annoncé l’attaque de l’enclave kurde d’Afrin en janvier dernier, les Syriens avaient alors proposé aux Kurdes d’en reprendre le contrôle afin de leur éviter une défaite certaine et de rendre inutile l’initiative turque. Les Kurdes, comme souvent, s’étaient obstinés dans un refus hautain alors qu’ils savaient que les Américains ne bougeraient pas. Quelques jours et quelques centaines de morts plus tard, les Kurdes évacuèrent Afrin…
L’expérience a, semble-t-il, porté et les Kurdes savent maintenant que seuls les Russes et les Syriens peuvent empêcher leur écrasement par une attaque turque.
On ne sait d’ailleurs pas très bien quelles sont les intentions précises d’Erdogan qui ne peut évidemment agir sans consulter la Russie. Trump lui a pourtant mis le pied à l’étrier. Dans un entretien téléphonique relaté par l’agence Reuters, le président américain a demandé à Erdogan s’il pouvait en finir avec l’Etat islamique. Devant sa réponse affirmative, Trump a conclu : « Alors faites-le. »
Ce n’est pas si simple. Les derniers réduits de Daech se situent à 250 km de là, dans des déserts entre Palmyre et l’Euphrate d’une part et, plus au sud-est, le long de la frontière iraquienne. On voit mal des colonnes de blindés turcs traverser de vastes zones kurdes puis arabes à la recherche d’un ennemi camouflé et qui refuserait le combat. De surcroît, l’armée syrienne ne le tolérerait pas : si elle se réjouit grandement du retrait américain (qui d’ailleurs n’a toujours pas commencé), ce n’est pas pour laisser l’armée turque s’installer à sa place.
Alors comme toujours dans la région, le dernier mot reviendra à la Russie qui a annoncé une réunion tripartite pour début janvier. Poutine, Erdogan et l’Iranien Rohani devront trouver un modus vivendi. ■
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L'on a appris ces jours derniers qu'invoquant une tradition séculaire, le Japon reprend la pêche à la baleine.
Il en est résulté, a-t-on écrit, un tollé international.
Le très nationaliste premier ministre nippon, Monsieur Shinzö Abe, a annoncé lui-même cette importante nouvelle – du moins importante pour son pays. On y respecte les traditions. L'on y honore l'Empereur. On y chérit la nation. Et l'on se soucie de ses intérêts avec l'ardeur de ceux qui chez nous travaillent à trahir les nôtres. Souci et ardeur ataviques chez les Japonais, on le sait bien. Compte-tenu des rythmes saisonniers, le Japon reprendra donc la pêche - ou chasse - à la baleine en juillet 2019.
Il l’avait abandonnée dans le cadre d'accords internationaux auxquels il avait adhéré naguère (il y a tout juste trente ans). Ils ne lui conviennent plus aujourd'hui. Il a donc annoncé sans ambages son retrait de la Commission Baleinière Internationale. Comme Donald Trump s'est retiré des accords de Paris sur le climat que son prédécesseur venait de signer. Et comme il a déchiré le traité signé par le même Obama sur le désarmement nucléaire iranien. America first !
Cette mince affaire de la pêche à la baleine nous rappelle, si nous l'avons oublié, ce que valent les conventions, accords ou traités internationaux, de quelque nom qu'on les baptise ; et quelle est leur capacité à durer, à résister, quand les réalités, les nécessités, en bref les intérêts des peuples et des nations en lice viennent à s'en trouver contrariés. Le multilatéralisme à vrai dire est en train de s'effondrer, lui aussi, un peu partout dans le monde, comme bien d'autres illusions de notre époque en train de changer.
Les conventions internationales sont en vérité fragiles et de faible durée. Elles s'effacent devant les intérêts nationaux, comme des chiffons de papier que le premier vent contraire emporte. Fruits des palabres et des bons sentiments, elles n'offrent qu'une résistance dérisoire aux réalités pérennes.
Les nations, elles, sont des réalités pérennes. Elles ne sont sans-doute pas éternelles mais leurs impératifs, comme nous le montre le Japon, finissent par triompher un jour ou l'autre des rêves unanimistes. Et - le Japon nous en donne aussi un exemple - elles durent infiniment plus longtemps... Ce qui n'est pas une mince différence. ■
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Cette fois ça a l’air sérieux. Donald Trump avait annoncé pendant sa campagne électorale que les Etats-Unis se retireraient de Syrie. Il l’avait ensuite confirmé mais rien ne s’était passé.
Et puis, après l’attaque chimique de Khan Cheikhoun en avril 2017, imputé sans aucune preuve à l’armée syrienne, un revirement semblait s’être produit. Trump avait ordonné un bombardement de représailles en insultant allègrement Bachar el-Assad. Les faucons de la Maison Blanche reprenaient du poil de la bête et semblaient convaincus d’avoir fait changer d’avis leur Président. Le conseiller à la Sécurité nationale, John Bolton, annonçait encore récemment que les Etats-Unis ne partiraient pas tant que l’Iran serait présent en Syrie.
Autant dire que le tweet de Trump en a surpris plus d’un. Le secrétaire à la Défense, James Mattis, un faucon, n’a pas supporté d’être ainsi désavoué et a annoncé sa démission. La Maison-Blanche est donc en pleine tempête, mais elle a l’habitude.
Bien sûr un revirement est toujours possible avec ce Président sanguin et versatile. Mais la démission de Mattis est tout de même un symbole fort, même si les désaccords étaient nombreux entre les deux hommes.
Au-delà de la promesse électorale tenue concernant une guerre qui n’intéresse pas les Américains, quelle peut être la motivation de Trump ?
Car le retrait de ses troupes est une trahison de son allié kurde qui constituait son infanterie contre Daech. De plus il mécontente Israël et réjouit ses ennemis du moment : la Russie et surtout l’Iran.
Afin de comprendre, il faut se tourner vers la Turquie. Pour Erdogan, mais ce serait la même chose pour tout dirigeant turc, l’ennemi c’est le Kurde (photo). L’alliance américano-kurde l’exaspérait donc. La Russie lui faisait les yeux doux malgré leur fort antagonisme du début de la guerre, et l’achat de missiles russes se profilait à l’horizon. Pour un membre de l’OTAN cela faisait désordre.
Trump était donc confronté à cette alternative : continuer d’occuper un tiers de la Syrie avec 2000 hommes et ses auxiliaires kurdes en creusant l’antagonisme avec Ankara ou lâcher son allié et tenter une réconciliation avec la Turquie. Ce n’est d’ailleurs pas gagné car Erdogan reste persuadé que les Américains sont derrière la tentative de coup d’Etat qui a failli le renverser en juillet 2016.
Trump a donc choisi (s’il va jusqu’au bout) et les conséquences vont être importantes en Syrie. Les Turcs vont probablement attaquer les Kurdes dans le nord et en échange l’armée syrienne aura le droit de reconquérir une partie de la province d’Idleb, tout cela sous contrôle et accord de la Russie qui n’en demandait pas tant.
Pour justifier sa décision, Trump a indiqué que le travail était accompli et que Daech était vaincu. Le problème c’est que ce n’est pas tout à fait vrai. Bien sûr, il n’en reste plus grand-chose et sans doute moins de 5000 hommes sont en état de se battre actuellement en Syrie. Ce n’est pas avec ça que l’on peut reconquérir grand-chose. Mais ces hommes sont toujours là et le fait que leur chef soit toujours vivant montre une capacité de résistance incontestable. Pour les Américains, qui avaient tenu à distance Russes et Syriens sur ce front, c’est en fait un échec.
Daech est très affaibli mais l’islamisme sunnite n’est pas près de s’éteindre.
Malgré cela, les Américains ont mis un tel chaos au Proche-Orient qu’un retrait de leur part est tout de même une excellente nouvelle, au moins pour la Syrie. ■
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Laurent Dandrieu dénonce avec force le soutien du Vatican au Pacte mondial des migrations. Il invite les chrétiens à écouter la souffrance des peuples européens en situation d'insécurité culturelle et à réaffirmer avec conviction le droit de rester dans son pays. [Figarovox, 18.12]. Il déplore le désintérêt du souverain pontife pour les pays qui les accueillent. Lafautearousseau, de son côté (voir lien en fin d'article) a marqué son désaccord avec ces déclarations. Lorsque le Pape empiète sue le terrain politique et lorsque, ce faisant, il nuit gravement à la sécurité ou à la stabilité de notre société, nous n'avons aucunement l'obligation de le suivre et, au contraire, en de tels cas, nous avons le devoir de nous y opposer. LFAR
Depuis le début du pontificat, les prises de position répétées du pape François en faveur des migrants suscitent de nombreuses incompréhensions et critiques chez beaucoup de fidèles, qui les jugent irréalistes, contraires aux règles élémentaires du bien commun ou tout simplement incompatibles avec la survie des nations européennes et avec le droit des peuples européens à la continuité historique de leurs identités.
Et depuis le début du pontificat, ceux qui soutiennent ces positions du pape rétorquent à ses détracteurs qu'il ne s'agirait, de la part de François, que d'une stricte mise en œuvre de la charité évangélique, d'un rappel vigoureux de la parabole du bon Samaritain et des appels de Jésus à accueillir l'étranger, que cela interdirait toute critique et fermerait la porte à tout débat. À mesure toutefois que le pontificat avance et que les textes et les déclarations s'accumulent, cette ligne de défense paraît de moins en moins tenable, les interventions du pape sur le sujet apparaissant de plus en plus clairement pour ce qu'elles sont : des positions qui ressortent de la politique - mais une politique malheureusement colonisée par la morale, et donc étrangère au souci du bien commun.
Déjà, à l'été 2017, le message annuel du pape à l'occasion de la Journée mondiale du migrant et du réfugié énumérait pas moins de 21 mesures proposées aux gouvernements des pays d'accueil qui, si elles étaient appliquées, interdiraient à ceux-ci l'exercice de cette « prudence » dans l'accueil des migrants pourtant théoriquement prônée par le pape, et la possibilité même d'une politique migratoire maîtrisée. Aujourd'hui, le soutien enthousiaste du Vatican au « Pacte mondial des Nations unies pour des migrations sûres, ordonnées et régulières » ne fait que renforcer la conviction que le propos du pape n'est pas seulement de rappeler la dignité à laquelle a droit toute personne humaine, mais bien de promouvoir une vision du monde où la migration constitue l'horizon indépassable de l'humanité, et la voie de son salut.
Preuve de cette adhésion enthousiaste, le pape avait dépêché à Marrakech, pour l'adoption du pacte, rien de moins que son Secrétaire d'État, Mgr Pietro Parolin. Rien d'étonnant à cela, puisque le journal la Croix souligne que « dès le début, le Saint-Siège avait (...) fortement promu le processus d'élaboration de ce pacte, en particulier à travers la section pour les migrants et les réfugiés du Dicastère pour le développement humain intégral, qui avait notamment publié vingt pistes d'action ». Et, sur la place Saint-Pierre, dimanche 16 décembre, le pape François a tenu à saluer l'adoption de ce pacte qui permettra à la communauté internationale « d'œuvrer avec responsabilité, solidarité et compassion envers ceux qui, pour des raisons diverses, ont quitté leur pays ».
Mgr Parolin aura eu beau, à Marrakech, rappeler le droit fondamental « à ne pas émigrer », cela ne sera apparu, comme les appels à la prudence du pape François, que comme une précaution oratoire ou une concession rituelle aux opinions publiques, dans un contexte où il s'agissait d'apporter son soutien à un texte qui postule clairement que la migration est devenue la loi du genre humain, « partie intégrante de la mondialisation, reliant entre elles les sociétés d'une même région et d'une région à l'autre et faisant de nous tous des pays d'origine, de transit et de destination ». Migrations auxquelles il serait d'autant plus absurde de vouloir s'opposer « qu'à l'heure de la mondialisation, elles sont facteurs de prospérité, d'innovation et de développement durable ». Dès lors, même si la souveraineté nationale en matière de politique migratoire est posée en principe et même si les signataires s'engagent à « lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays d'origine », l'objectif prioritaire du texte paraît nettement être moins d'endiguer le flot des migrations que de dégager « une meilleure gouvernance (qui) permette d'optimiser ces effets positifs » qu'elles sont censées engendrer. Il n'est d'ailleurs pas anodin de noter que ce sont les mêmes Nations unies, à l'origine de ce pacte, qui ont inventé dans un texte de 2001, le concept de « remplacement de population » censé pallier par des migrations massives le déficit démographique des nations occidentales.
Au passage, notons que la dénonciation des fake news que constitueraient les craintes sur la nocivité du Pacte, alors que celui-ci, n'étant pas juridiquement contraignant, n'engagerait à rien de précis, est elle-même la plus formidable des fake news: car, que l'on sache, la Déclaration universelle des droits de l'homme n'est pas davantage un texte juridiquement contraignant : oserait-on dire qu'il n'engage à rien les États qui la reconnaissent ? Si demain, la CEDH ou toute autre juridiction intégrait le pacte pour les migrations à sa jurisprudence, ne constituerait-il pas un formidable moyen de pression sur les gouvernements qui l'auront adopté ?
C'est donc à un texte qui, demain, peut devenir directement opposable aux États que le pape François a donné son aval. Il ne s'agit pas de sa part d'une vague et énième pétition de principe, mais bel et bien d'un acte politique. Et d'un acte politique posé d'autant plus aisément que le texte de Nations unies rejoint au moins trois des constantes les plus marquantes du pape sur le sujet. D'abord, l'idée que les migrations seraient, malgré les tragédies personnelles qui peuvent en être l'origine, un bien fondamental pour la marche du monde. Opportunité d'exercer une « culture de la rencontre », « de créer de nouvelles synthèses culturelles », « occasion que la Providence nous offre pour contribuer à la construction d'une société plus juste » : le pape François n'est pas avare d'expressions pour exprimer cette vision, développée à des degrés divers par tous les papes depuis Jean XXIII : les migrations de masse seraient un moyen privilégié de progresser vers cette « unité de la famille humaine » qui est comme une « préfiguration anticipée de la Cité sans frontières de Dieu ». Les migrations, écrit ainsi le pape François, peuvent « ouvrir des espaces à la croissance d'une nouvelle humanité, annoncée par avance dans le mystère pascal : une humanité pour laquelle toute terre étrangère est une patrie et toute patrie est une terre étrangère ».
La deuxième constante est que, dans ce processus censé conduire naturellement à un enrichissement humain et culturel des pays d'accueil, seul l'intérêt du migrant est considéré, puisque, « fuyant la guerre et la faim », comme ne cesse de le marteler le pape François, ce nouveau prolétaire des nations a pour ainsi dire un crédit illimité sur les anciens peuples colonisateurs, coupables de sa misère (le pape a explicitement limité la colonisation à une entreprise de pillage) et confits dans une opulence coupable, qu'ils ne répugneraient à partager que par des réflexes de peur ou de xénophobie. Quand il s'agit des Européens inquiets de l'immigration de masse et de la progression de l'islam, le Qui suis-je pour juger ? n'est plus de mise: la sentence est prononcée, sans même entendre la défense.
Le problème est que cette vision caricaturale véhiculée par les déclarations du pape François ne correspond pas le moins du monde à la réalité. Des réfugiés « fuyant la guerre et la faim » ? Aussi opposés soient-ils sur la lecture politique du phénomène, les démographes s'accordent sur une chose, comme le notait Jean-Pierre Robin dans un récent article du Figaro : « Ce n'est pas “la misère du monde” qui franchit (…) la Méditerranée, mais les mieux formés et les plus argentés qui tentent l'aventure migratoire.» Loin de résoudre le problème de l'inégale distribution des richesses dans le monde, les migrations de masse l'aggravent en réalité, en privant les pays pauvres de leurs forces vives et en les plongeant dans une spirale de l'échec. Des pays opulents qui refuseraient, par pur égoïsme, d'ouvrir leurs frontières aux miséreux ? La récente révolte des Gilets jaunes et l'attention médiatique trop longtemps déniée qu'elle a enfin value à la France des oubliés a rappelé de manière tonitruante que la richesse apparente de nos sociétés masquait la paupérisation accélérée des classes populaires, qui admettent de moins en moins que leurs souffrances soient niées. Dans les innombrables déclarations du pape François sur l'accueil des migrants, on cherchera en vain une attention pour ces souffrances. Comme on cherchera en vain, sinon pour les condamner, une mention des inquiétudes que fait naître la présence de plus en plus massive d'un islam conquérant sur le territoire d'une Europe qui s'est construite comme une terre de chrétienté. « Le phénomène des migrations contribue à cultiver le “rêve” d'un avenir de paix pour l'humanité tout entière », écrivait Jean-Paul II en 2004 : aujourd'hui, communautarisme, dissociété, islamisme radical et appauvrissement généralisé aidant, le « rêve » a tourné au cauchemar pour toutes les parties concernées, mais le pape continue de rêver…
Ce décalage entre ce que vivent les populations européennes et le discours pontifical amène à la troisième convergence entre le pape et les Nations unies : contaminé sans doute par le « en même temps » macronien, le texte du pacte mondial pour les migrations, tout en s'inscrivant « dans le plein respect de la liberté de la presse », n'en propose pas moins aux États signataires d'orienter le débat public en vue d'« amener le public à considérer les effets positifs qu'ont des migrations sûres, ordonnées et régulières » ; pour ce faire, il faudra « sensibiliser » les journalistes « aux questions de migration et à la terminologie afférente » et punir les récalcitrants qui persisteraient à ne pas présenter l'immigration sous un ses aspects les plus positifs, et donc « cesser d'allouer des fonds publics ou d'apporter un soutien matériel aux médias qui propagent systématiquement l'intolérance, la xénophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants ». Ce programme subjectif (on sait avec quelle facilité l'accusation d'intolérance est imputable à quiconque ne cède pas aux sirènes du sans-frontiérisme) et fort peu libéral rejoint les préoccupations de longue date du pape François qui, depuis le début de son pontificat, ne cesse d'admonester les journalistes coupables de propager une vision anxiogène de l'immigration, et à les appeler, au contraire, non pas à informer objectivement, mais à concourir à la « conversion des attitudes et à favoriser ce changement de comportement envers les migrants et les réfugiés ». Un appel à une « information » militante quelque peu consternante pour tout journaliste soucieux de décrire le réel tel qu'il est. C'est avec une consternation similaire que l'on entendait il y a quelques jours l'archevêque de Strasbourg, Mgr Ravel, lors de l'office en mémoire des victimes du récent attentat islamiste, déclarer qu'il ne fallait surtout pas en profiter pour réfléchir à la place de l'islam dans nos sociétés, ou à l'ampleur des migrations, « vieux démons » de division. Quand les disciples du Maître qui a enseigné que « la Vérité vous rendra libres » préfèrent cacher la poussière sous le tapis de peur de nuire au « vivre-ensemble », la belle liberté des enfants de Dieu a dangereusement du plomb dans l'aile.
À l'heure où tous les peuples européens, les uns après les autres, entrent en rébellion contre des élites qui ont voulu les emmener de force là où ils ne voulaient pas aller, il est tragique de constater que le Vatican, comme le montre son soutien au pacte mondial pour les migrations, a choisi de se solidariser avec ces élites hors-sol plutôt que d'écouter les souffrances des peuples, au risque de creuser encore un peu plus le fossé béant qui la sépare désormais des Européens. À cette voie suicidaire, on nous permettra d'opposer les fortes paroles du cardinal Robert Sarah, prononcées lors d'une conférence donnée à Varsovie en octobre 2017:
« Je le redis avec conviction : il s'agit de coopérer ardemment au développement intégral des peuples touchés par la guerre, la corruption et les injustices de la mondialisation. Et non pas d'encourager le déracinement des individus et l'appauvrissement des peuples.
Certains se plaisent à utiliser des passages de la Parole de Dieu pour apporter une caution à la promotion de la mobilité universelle et du multiculturalisme. On utilise ainsi allègrement le devoir d'hospitalité envers l'étranger en déplacement pour légitimer l'accueil définitif de l'immigré. L'Église respecte les médiations naturelles voulues par le Créateur dans sa sagesse. Le génie du christianisme est l'Incarnation de Dieu dans le monde humain, non pas pour le détruire, mais pour l'assumer et l'élever à sa destination divine.»
Rétablir l'équilibre miraculeux, bimillénaire, entre le respect de l'identité des nations et l'appel à la fraternité universelle, convaincre à nouveau les Européens que le catholicisme est l'avenir des peuples et non leur destruction, telle est la seule voie pour que l'Europe et l'Église aient encore un avenir commun.■
Laurent Dandrieu est rédacteur en chef des pages Culture à Valeurs Actuelles. Il a publié Église et immigration, le grand malaise. Le pape et suicide de la civilisation européenne, de Laurent Dandrieu. Presses de la Renaissance, 288 p., 17,90 €.
Les investisseurs broient à nouveau du noir et anticipent un scénario très négatif de ralentissement de la croissance mondiale.
Le CAC 40 perd environ 10 % depuis le début de l’année, tandis que le DAX allemand affiche une chute de l’ordre de 20 %. Les valeurs plus petites et moyennes à la Bourse de Paris ont chuté, elles aussi, d’environ 20 %, avec des baisses spectaculaires de plus de 50 % pour Vallourec, Pierre et Vacances, Derichebourg, Marie-Brizard. Quant à l’indice PMI manufacturier de la zone euro, il est au plus bas depuis août 2016, Allemagne incluse.
Un indicateur suggère que l’activité américaine et mondiale est davantage susceptible de ralentir que d’accélérer : l’inversion de la courbe des taux conduit généralement à la récession. Tout récemment, le taux d’intérêt à cinq ans sur la dette des États-Unis est passé en dessous de celui à trois ans. L’écart entre le taux d’intérêt de la dette à dix ans (2,952 %) et à deux ans évolue à son plus bas niveau depuis 2007. Les taux à trente ans ne s’élèvent qu’à 3,22 %. James Powell, le président de la Fed, a déclaré que les taux d’intérêt actuels se trouvaient juste en dessous de leur position neutre, ce qui laisse penser qu’il va encore augmenter les taux à court terme en décembre 2018, mais sans doute arrêter de les relever ou moins les relever en 2019, contrairement aux annonces précédentes.
Donald Trump, malgré ses taxes punitives sur les marchandises importées, fait face à un déficit commercial record depuis dix ans, en octobre 2018, de 55,5 milliards de dollars, dont 38,18 avec la Chine et 15,05 avec l’Union européenne. Trump juge ridicules les nouvelles hausses de taux de la FED et s’inquiète des banques américaines en difficulté. L’action Goldman Sachs a baissé de 35 % depuis son plus haut historique de février 2018. Le cours de Bourse moyen des 24 plus grandes banques américaines a baissé de 22,5 % depuis le 26 janvier 2018, tandis que celui des petites banques régionales a plongé de 22,3 % depuis le 8 juin 2018.
La Commission européenne a adopté une recommandation visant à promouvoir une utilisation plus large de l’euro dans les transactions internationales et les secteurs stratégiques clés tels que l’énergie, mais tout cela semble relever de vœux pieux, avec un manque de détermination géopolitique. Les ambitions de Macron semblent contrariées puisque le MES (mécanisme européen de stabilité) pourra porter secours à une banque européenne menacée de faillite ou à un État en crise en 2024 au plus tard, avec faculté d’agir en moins de 24 heures, sans attendre un feu vert du Bundestag ; mais les krachs bancaires, boursiers et immobiliers auront lieu bien avant…
Quant à un autre outil européen « anti-crise », le système européen de garantie des dépôts bancaires, il a été reporté, faute d’unité des pays membres. Enfin, de nombreux États restent hostiles au projet de mini-budget de « stabilisation » sur la zone euro, cher à Macron. Trois schémas semblent prévaloir, après les élections européennes de mai 2019 : soit l’Italie met de l’eau dans son vin et se « grecquise », la France la suivant dans la roue, soit l’Italie sort de l’union monétaire, soit l’Allemagne sort de l’union monétaire.
La zone euro est l’objet d’inquiétudes suite à la situation des banques et de l’Italie. Qui achète de la dette italienne depuis 2015 ? Essentiellement la BCE, qui détient aujourd’hui environ 280 milliards d’obligations, tandis que les investisseurs italiens désinvestissaient. 3.000 chefs d’entreprise de la Confindustria viennent de faire savoir à Turin qu’entre la réforme des retraites et le revenu de citoyenneté, le budget coûtait 18 milliards d’euros et « ne faisait rien pour la croissance ». « Ça suffit, la campagne électorale permanente et les politiques qui pénalisent notre capacité à investir ! Basta ! » Un défaut de l’Italie serait dix fois plus grave que la faillite de Lehman et de la Grèce.
Autrefois la France et l’Italie, sans l’euro, auraient fait fonctionner encore davantage la planche à billets et tout serait déjà terminé depuis longtemps par une gigantesque dévaluation qui aurait ruiné tous les épargnants. Macron aurait mieux fait de dire qu’avec l’euro, à défaut de baisser la dépense publique et d’arrêter net l’immigration, l’enjeu de la fiscalité écologique était en fait un faux alibi pour éviter la faillite de la France.. ■
Donné mort à plusieurs reprises, le fondateur et « Emir de l’Etat islamique en Irak et au Levant » est bien vivant. Il l’a prouvé par plusieurs vidéos et, s’il avait été tué, l’Etat islamique l’aurait certainement annoncé et nommé un successeur. D’ailleurs, il y a quelques mois, les Russes ont annoncé avoir tué un de ses fils au cours d’un accrochage dans la province de Homs, et l’EI n’a mis aucune difficulté à le reconnaître et à saluer la mémoire du « martyr ».
Sa localisation approximative est connue : à l’est de la Syrie, non loin de l’Euphrate à l’ouest et de la frontière irakienne à l’est. Cette zone est sous contrôle américano-kurde et les Syriens en sont interdits d’accès. Des mercenaires russes, aidés de milices pro-régime, ont bravé l’interdit il y a plusieurs mois en franchissant l’Euphrate et en se rapprochant de puits de pétrole occupés par les Kurdes. L’aviation américaine (officiellement aviation de la « coalition ») est aussitôt intervenue et les imprudents ont perdu plusieurs dizaines d’hommes.
Très mécontente de ce fiasco et de la perte inutile d’autant de combattants, l’armée russe a alors vigoureusement interdit à tous de franchir l’Euphrate, interdiction respectée depuis.
Ce vaste territoire au-delà de l’Euphrate est donc occupé, sans aucun mandat ni accord de qui que ce soit bien sûr, par des fantassins kurdes encadrés par des « conseillers » américains. Des Français des forces spéciales sont également présents comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire ici. Tout cela sous protection aérienne américaine.
Compte tenu de la portion de territoire assez réduite où le dernier carré de Daech se terre, y compris al-Baghdadi, les Américains étaient assez confiants : cette dernière offensive après la prise de Raqqa (au prix d’ailleurs de sa destruction totale) serait rapide, quelques semaines au plus.
Il a vite fallu déchanter : non seulement les islamistes se défendent avec acharnement mais en plus ils ont conduit des contre-attaques meurtrières, profitant à chaque fois de tempêtes de sable qui empêchaient l’intervention de l’aviation. Les Kurdes ont perdu des centaines d’hommes dans ces opérations et s’ils n’avaient pas un besoin vital des Américains pour éviter des attaques turques dans le nord, il y a longtemps qu’ils auraient plié bagage.
Les Américains, qui n’ont jamais rien compris au Proche-Orient (le chaos irakien est leur œuvre emblématique), n’ont pas mesuré l’impopularité des Kurdes dans cette zone exclusivement arabe. Leur autoritarisme brutal n’a fait qu’accélérer un processus inéluctable : de nombreuses tribus et villages sunnites aident les combattants de Daech par simple haine des Kurdes.
De ce fait, l’affaire traîne en longueur et la zone désertique à cheval sur la Syrie et l’Irak, constitue une cache idéale car ce n’est pas un désert plat et sableux mais tourmenté et caillouteux, parsemé de multiples grottes.
De nombreuses tribus sunnites, situées à l’ouest de l’Euphrate, se sont ralliées à Damas depuis qu’elles ont compris que Bachar avait gagné la guerre. Pour étendre ce processus à l’est, il faudrait laisser l’armée syrienne reprendre le contrôle de son propre territoire.
Mais ce serait un aveu d’échec. Alors en attendant, Baghdadi est toujours vivant. ■
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Les choses commencent à bouger. Au moins dans les paroles, ce qui est déjà un signe. Mme Lagarde : « il faut que les bienfaits de la mondialisation soient partagés par tous et non pas par quelques-uns » (F.M.I., mardi 4) : c’est reconnaître que la mondialisation a produit des méfaits. M. Macron : « Aucun pays n'avance s'il n'entend pas aussi cette part de colère légitime de nos peuples » (Sommet européen, jeudi 13) : c’est reconnaître la légitimité de la poussée populiste en Europe.
C’est l’heure du désenchantement pour M. Macron. Surnommé « l’Européen », un peu trop vite, après son élection, en raison de l’engagement explicite de vingt-six de ses propositions de campagne ; porté aux nues pour ses discours dans des lieux hautement symboliques (la colline de la Pnyx face à l’Acropole, le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, le parlement de Strasbourg, le Bundestag) ; récompensé enfin par le prix Charlemagne dans la salle du couronnement de l’Hôtel de ville d’Aix-la- Chapelle… M. Macron a(vait) foi en l’Europe de Bruxelles et l’Europe de Bruxelles a(vait) foi en M. Macron. Mais, confronté à la réalité des choses en France même, en l’occurrence la révolte de Gilets jaunes qui dénoncent une situation, dont on sait qu’elle est en grande partie la conséquence de l’européisme militant auquel il s’était rallié, M. Macron doit en rabattre un peu.
Un peu ? C’est selon… Quand l’Italie « populiste » - celle de de MM. Conte, Di Maio et Salvini - présente un budget à 2,4% de déficit, elle s’attire les foudres excommunicatrices de la commission de Bruxelles et le mépris d’un M. Moscovici qui, ministre des Finances de François Hollande (jusqu’en mai 14) avait proposé des budgets en déficit d’environ 4% (et, rappelons-le, une augmentation des impôts de 52 milliards d’euros, dont les 2/3 tiers pour - mieux vaudrait dire « contre » - les ménages des classes moyennes). En revanche, quand la France « progressiste » de M. Macron s’apprête, sauf ultime tour de passe-passe technocratique, à franchir sans vergogne la barre des 3% (on parle de 3,4), cela devient pour le même M. Moscovici « envisageable ». Mansuétude suspecte quelles que soient les contorsions justificatrices.
Et preuve évidente que l’idéologie est le fondement même de cette Union aux dogmes pourtant chiffrés. C’est pour ne l’avoir pas compris que M. Macron est en situation d’échec. Le Président français était déjà incapable de convaincre ses partenaires dans sa vision régénératrice d’une Union européenne essoufflée. Il comptait, mais ce fut en vain, sur un soutien allemand. Echec « majeur » donc d’une relation franco-allemande qui devait pallier le départ de la Grande-Bretagne et « redonner du sens à la construction européenne ». En effet, l’Allemagne reste essentiellement soucieuse de préserver ses intérêts commerciaux et financiers. Un seul exemple, précis et d'actualité : son refus de taxer au niveau européen les fameux « GAFA » par crainte de mesures de rétorsion états-uniennes qui pénaliseraient ses propres exportations de véhicules automobiles ; Mme Merkel préfère un très hypothétique « impôt minimum mondial » dont on imagine mal qu’il puisse voir le jour. Du coup, sachant que la Grande-Bretagne envisage une taxe dès 2020, des voix s’élèvent en France qui suggèrent des mesures concertées avec Londres qui, à cette date, ne fera plus partie de l’Union : cherchez l’erreur.
A six mois des élections européennes, les autres pays s’interrogent avec inquiétude sur la France. Si Berlin reste sur une prudente réserve, la presse d’outre-Rhin, et c’est significatif, critique violemment « le chaos » français et dénonce une « nouvelle Italie » (Die Welt). Voilà donc notre président fortement décrédité. On ne s’en plaindra pas car cela pourrait lui permettre de se recentrer sur la France, de comprendre que l’Europe mérite mieux que sa caricature européiste de Bruxelles et de renoncer à sa vision manichéenne et moralisatrice de deux camps (progressiste et populiste). Sinon, il risque fort de recevoir un nouveau camouflet lors des élections européennes de mai 2019, comme le laisse entendre un tout récent sondage.■
Depuis quelques mois les gouvernements syriens et libanais organisent ensemble le retour progressif des réfugiés syriens dans leur pays.
Le processus est bien rodé. La Sûreté générale libanaise passe dans les camps de réfugiés et recueille des listes de volontaires au retour. Ces listes nominatives sont transmises au gouvernement syrien qui, on s’en doute, les examine avec le plus grand soin : pas question de laisser revenir des islamistes. Et ils ne sont pas rares dans les camps libanais.
Une fois les listes validées, des cars sont affrétés par la Syrie et envoyés aux divers points de rendez-vous convenus avec la Sûreté libanaise. Afin d’éviter toute désinformation relative à d’éventuels rapatriements forcés, des membres du HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés, rattaché à l’ONU) assistent depuis peu aux embarquements.
Dix opérations se sont ainsi déroulées depuis le mois de juin. Selon le directeur général de la Sûreté, le Général Ibrahim, 50 000 Syriens sont rentrés chez eux, notamment vers la banlieue de Damas. Le chiffre paraît un peu optimiste car le dernier convoi du 6 décembre était officiellement de 1200 personnes. Et les précédents ne semblaient pas en transporter beaucoup plus.
Beaucoup reste donc à faire car on estime à plus d’un million le nombre de réfugiés syriens au Liban. D’autant que les réfugiés désirant rentrer sont essentiellement des femmes et des enfants. Les jeunes hommes doivent en effet effectuer leur service militaire à leur retour ce qui n’est pas une promenade de santé, la guerre étant loin d’être terminée. Beaucoup laissent donc partir femmes et enfants et attendent des jours meilleurs. Notamment ceux qui ont déserté.
Officiellement, l’ONU n’approuve pas ces rapatriements qu’elle estime prématurés. Mais le poids économique des ces réfugiés est insupportable pour le Liban et le Président Aoun essaye de convaincre la communauté internationale que son pays a été déstabilisé par cet afflux massif. Selon lui, le retour au pays des Syriens est vital pour le Liban.
Alors le HCR a commencé des négociations avec Damas et c’est sans doute dans ce cadre qu’une amnistie présidentielle a été décrétée pour tous les déserteurs le 9 octobre dernier.
La Jordanie commence également à discuter avec Damas de retours au pays. Elle aussi a accueilli plus d’un million de réfugiés sur son sol. Depuis qu’un poste-frontière a été rouvert entre les deux pays, l’affaire devient possible et Amman, malgré son soutien aux islamistes jusqu’en 2017, a pris acte de leur défaite.
Tel n’est pas le cas des pays occidentaux qui, rivés à leurs rigidité idéologique, exigent un changement de régime en Syrie, pudiquement baptisé de « transition politique ». Bachar ayant gagné la guerre et le peuple syrien n’aspirant plus qu’à la paix, cette transition n’est évidemment plus du tout à l’ordre du jour.
Cela permet à l’Europe et aux Etats-Unis de se désintéresser du retour des réfugiés et de continuer à jouer les professeurs de vertus droit de l’hommiste. ■
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Il y a deux types d’attaques chimiques en Syrie : celles imputées au régime (sans aucune preuve mais passons) et celles venant des islamistes.
Les premières engendrent un concert d’indignation suivi, selon l’humeur de Donald Trump, de représailles d’une ampleur variable et d’une inefficacité invariable.
Les secondes provoquent un grand silence à peine rompu par quelques articles dubitatifs mais un peu gênés tout de même.
Rappelons les faits. Samedi 24 novembre une centaine d’habitants de l’ouest d’Alep arrivent précipitamment à l’hôpital en état de suffocation. Leur quartier a subi un bombardement d’obus de mortier. Le diagnostic est facile à établir : les obus contenaient du chlore.
L’origine ne fait aucun doute, tous ces obus venaient de la même position, à l’ouest d’Alep, aux confins de la province d’Idlib, un des deux chaudrons islamistes subsistant en Syrie.
De nombreux groupes islamistes se partagent le pouvoir dans cette province d’environ 6000 km2. Une partie d’entre eux est passée sous contrôle turc. Leurs combattants (plusieurs dizaines de milliers) sont armés et payés par la Turquie qui les a regroupés sous le nom de Front National de Libération. Ils sont censés maintenir l’ordre et servent de chair à canon contre les Kurdes, comme à Afrin.
La constitution de ce FNL a été autorisée par la Russie en échange du retrait de ses armes lourdes et de son strict contrôle par l’armée turque. C’est le résultat d’une rencontre bilatérale entre Poutine et Erdogan qui voulait éviter un assaut général sur Idlib.
Oui, mais allez expliquer cela à HTC, Hayat Tahrir al-Cham (l’ex front al-Nosra). Ses dirigeants se moquent d’accords de ce type et, forts eux-aussi de leurs dizaines de milliers de combattants, campent fièrement sur leurs positions avec chars et artillerie.
Le FNL a aussitôt démenti être à l’origine du bombardement au chlore sur Alep. Certes, mais c’est vers HTC que tous les regards se tournent à commencer par ceux des Russes.
Le porte-parole du Ministère russe de la Défense a clairement accusé ce groupe et l’aviation russe a mené des raids intensifs contre ses positions dans la province d’Idlib.
Au-delà de la nouvelle constatation du traitement totalement partial de l’information par nos médias, cet évènement aura peut-être des répercussions. En effet depuis deux mois que l’accord entre Poutine et Erdogan a été passé, les Russes ont ordonné aux Syriens de ne pas bouger et de ne rien tenter contre les positions islamistes d’Idlib. Cette situation ne plait évidemment guère au pouvoir syrien qui fait de la reconquête de cette province un objectif majeur.
Russes et Turcs vont devoir se parler à nouveau et prendre des décisions concernant HTC. Quoi qu’il en soit chacun sait que le statu quo actuel ne durera pas. ■
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« La crise migratoire frappe toutes les sociétés occidentales et même la propagande la plus sophistiquée ne convaincra pas les peuples qu'elle porte en elle un avenir radieux ». C'est ce qu'écrit ici Mathieu Bock-Côté [Le Figaro, 30.11] au moment où Emmanuel Macron s'apprête à signer à Marrakech le pacte mondial sur les migrations de l'ONU. Quand la contestation et la colère grondent en France et que Paris vit une forme d'insurrection permanente contre sa politique, ce n'est sûrement pas ainsi que le président de la République se conciliera l'estime du peuple français. LFAR
Il aura fallu un certain temps avant quele pacte mondial sur les migrations de l'ONU, qui doit être adopté à Marrakech les 10 et 11 décembre, trouve sa place dans le débat public.
Sans trop de surprise, pourrait-on dire. Le droit international s'élabore rarement, pour ne pas dire jamais, dans les paramètres de la souveraineté populaire et nationale, mais il s'impose ensuite aux peuples, qu'on morigène sans gêne lorsqu'ils rechignent à se soumettre aux « engagements internationaux » pris en leur nom. On leur explique qu'ils ne sauraient s'y soustraire, d'autant que les grandes migrations seraient fondamentalement positives et contribueraient à l'enrichissement matériel et moral de l'humanité, ce qu'affirme aussi sans rire le pacte. Il ne serait plus possible, aujourd'hui, de stopper les grandes migrations, ni même de les contenir : on pourrait au mieux les encadrer. C'est dans cet univers mental qu'il faudrait impérativement évoluer.
Concrètement, avec ce pacte, il s'agit de jeter les bases normatives d'un futur droit à la migration. Il s'agit aussi, et cela n'est pas un détail, d'encadrer le plus possible les termes du débat public en le soumettant à une pédagogie diversitaire de plus en plus contraignante. Le pacte sur les migrations invite ainsi les gouvernements à cesser d'« allouer des fonds publics ou d'apporter un soutien matériel aux médias qui propagent systématiquement l'intolérance, la xénophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants, dans le plein respect de la liberté de la presse ». Quand on sait que, du point de vue des théoriciens du multiculturalisme, il suffit souvent de critiquer leur doctrine pour se rendre coupable de racisme ou de xénophobie, il y a de quoi s'inquiéter. L'ONU plaide ici pour un langage médiatique formaté par l'idéologie diversitaire - par exemple en remplaçant la figure de l'immigrant illégal par celle du migrant irrégulier.
Pourtant, le parti immigrationniste avance sans assumer son projet, en prétendant que ce texte est strictement symbolique et n'a aucune portée pratique. Pris de panique devant les critiques qui se multiplient contre le pacte, ses défenseurs nous expliquent que chacun pourra l'interpréter à sa guise dans le plein respect de sa souveraineté. C'est ce que faisait la Canadienne Louise Arbour jeudi dans les pages du Figaro. D'ailleurs, certains exégètes autoproclamés du vrai et du faux présentent l'éventualité d'une perte de souveraineté comme une rumeur relevant des fausses nouvelles. C'est à se demander pourquoi la nomenklatura diversitaire se mobilise autant pour un texte aussi désincarné. Dans les faits, elle travaille sans l'avouer à vider de sa substance la souveraineté nationale, pour ensuite placer les peuples devant le fait accompli.
Mieux vaudrait parler un langage de vérité. La crise migratoire frappe toutes les sociétés occidentales et même la propagande la plus sophistiquée ne convaincra pas les peuples qu'elle porte en elle un avenir radieux. La caravane de migrants qui s'est levée au Honduras, a traversé le Mexique et campe actuellement à la frontière américaine donne un exemple convaincant des effets anxiogènes d'une immigration de masse non désirée. Il suffirait que l'Amérique consente à l'ouverture même partielle de ses frontières dans les circonstances présentes pour provoquer un appel d'air qui deviendra vite incontrôlable, d'autant que nous sommes témoins d'un détournement à grande échelle du droit d'asile, qui n'a pas été pensé pour réguler de tels flux migratoires. Dans les faits, le droit d'asile a surtout pour fonction de disqualifier moralement le concept de frontière, comme si celui-ci avait seulement vocation à s'effacer - il serait même inhumain de penser le contraire. À terme, il faudrait vider de tout contenu la différence entre le citoyen et celui qui ne l'est pas pour que naisse une humanité nouvelle.
Les migrations de masse sont en train d'atteindre des proportions telles qu'elles relèveront de la submersion démographique, quoi qu'en disent certains statisticiens militants qui jouent avec les mots et les chiffres pour nous convaincre que cette grande révolution qui se déroule sous nos yeux n'a pas lieu. C'est un thème récurrent de la pensée progressiste du dernier siècle: le réel serait une machination réactionnaire. Mais les États sont en droit de vouloir reprendre un contrôle politique sur le fait migratoire. De ce point de vue, on ne peut qu'applaudir les gouvernements occidentaux qui, depuis quelques semaines, annoncent qu'ils ne signeront pas ce traité. Ils montrent ainsi que le « sens de l'histoire » n'est qu'une illusion idéologique dont peuvent se déprendre ceux qui désirent orienter autrement leur destin. Et, pour le dire franchement, Emmanuel Macron ne devrait pas être un des rares à se sentir obligé de signer ce pacte. C'est en se délivrant des filets d'un « droit international » instrumentalisé idéologiquement que les nations retrouvent la substance de la démocratie.■
Ce que l'affaire Carlos Ghosn nous rappelle de plus clair ce sont trois réalités simples.
La première est l'extrême amoralité et l'inextinguible rapacité de la race des très grands patrons d'entreprises de taille mondiale, à laquelle Carlos Ghosn appartient. Cet homme-là gagne 45 000 € par jour, soit 16,5 millions par an. Et il semble assez probable qu'il ait en plus voulu en dissimuler une partie aux autorités fiscales nipponnes.
Il serait certes vain de contester son exceptionnelle compétence ni les résultats que sa gestion a produits pour le groupe automobile qu'il avait savamment construit et dont il a fait le premier du monde. Comme de méconnaître que son niveau de rémunération n'est pas exceptionnel parmi ses pareils dans le monde. Mais est-ce une référence ?
On a tremblé à Boulogne-Billancourt et dans tous les ateliers, tous les services Renault du monde, lorsqu'est tombée la soudaine nouvelle de son arrestation à Tokyo. On s'est ému palais Brongniart ; les cours de l'action Renault ont dans l'instant chuté. Carlos Ghosn était considéré comme un dirigeant à peu de choses près indispensable.
On s'est inquiété dans le monde industriel, boursier, mais aussi jusque dans les hautes sphères gouvernementales comme les colonnes des temples de l'oligarchie mondiale avaient vacillé en 2011 lorsqu'on avait appris l'incroyable arrestation à New-York du président du Fond Monétaire International ; un économiste exceptionnellement doué, assurait-on, membre éminent de la communauté juive internationale la plus fortunée et de l'univers financier mondial, socialiste de surcroît et candidat classé favori à la présidentielle française de 2012.
On avait vu cet homme intouchable mal rasé et menotté, emmené vers son lieu de détention sans égards particuliers et l'on avait alors mesuré la fragilité existentielle des puissants. Débordements de l'appétit sexuel pour Dominique Strauss-Kahn, boulimie de revenus pour Carlos Ghosn, les deux cas se ressemblent. Une même descente aux enfers les a détruits au zénith de leur puissance. Pour l'heure, voici qu'à son tour, Carlos Ghosn est en prison.
Les libéraux professent la régulation du marché par lui-même. Mais l'immoralité foncière des très grands patrons est l'un des symptômes qui infirment cette thèse fort douteuse.
Ce que nous rappelle en deuxième lieu l'affaire Carlos Ghosn, c'est le caractère démesurément inégalitaire des sociétés modernes, malgré leurs prétentions et leurs principes hérités de la révolution française. L'on sait - toutes les études le montrent - qu'un nombre infime de personnes détiennent une part de la richesse du monde proche de 80% ... L'ampleur des inégalités modernes est sans analogue dans l'Histoire. Elles n'ont jamais été aussi grandes ni aussi illégitimes. Car elles ne se fondent plus que sur des comptes en banque et ne sont plus liées comme jadis à un ensemble de codes, de valeurs et de services utiles à la communauté, dispensatrices de qualité et protectrices des plus modestes. On voudra bien désormais lorsque nous discutons des sociétés d'Ancien Régime, nous épargner les habituels : « Ah oui, mais les inégalités ! » ...
Ce que l'affaire Carlos Ghosn nous confirme enfin, c'est la permanence des nationalismes et leur prégnance, même en matière économique, en l'occurrence, industrielle. Sans-doute ont-t-elles pu échapper à Carlos Ghosn, dont, quoique triple, la nationalité est fort incertaine et les racines d'on ne sait où ; mais pas à ses partenaires japonais, pas aux cadres et aux personnels de chez Nissan, ataviquement patriotes. Les bilans du groupe Nissan-Renault font apparaître - les chiffres sont publics - que les profits sont produits par Nissan, tandis que Renault, via Carlos Ghosn, dirige l'ensemble... De quoi attenter à la fierté nationale et â la susceptibilité des nippons. Comme d'ailleurs à leurs intérêts. Ainsi, l'arrestation de Carlos Ghosn à Tokyo a - au moins pour partie - des airs de revanche. Sans-doute a-t-il fauté. Mais, le Japon ne l'a pas raté. Ce quasi apatride d'esprit cosmopolite ne leur correspond guère. Le Japon, lui aussi, a changé. Le gouvernement dont il s'est doté est passé aux mains des nationalistes. Peut-être, dans l'affaire,s'agit-il surtout pour Nissan de reprendre sa liberté, abandonnée pour un temps à la veille d'une faillite, tout en maintenant avec Renault une coopération libre, un partenariat stratégique, rendus nécessaires et utiles par les années passées de vie commune et les imbrications industrielles crées. Sans-doute Carlos Ghosn faisait-il obstacle à ce type d'évolution. Comme Strauss-Kahn à New-York, il est tombé de son piédestal à Tokyo.
L'affaire Carlos Ghosn apporte une pierre de plus à la masse des méfaits d'un certain capitalisme, que l'on se gardera de confondre avec le capitalisme patrimonial, qualificatif dont l'étymologie le distingue radicalement de l'autre, celui, de M. Carlos Ghosn.
Les princes de la Maison de France étaient décidément bien clairvoyants lorsqu'ils dénonçaient en avance sur leur temps « la fortune anonyme et vagabonde ». De nos jours, il lui arrive d'avoir de sérieux revers. ■
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Incroyable ! Le Figaro a décidé de diversifier ses sources et ses analyses sur la guerre en Syrie. Confiné depuis 7 ans dans le politiquement correct, à quelques exceptions près, notre quotidien bien-pensant donne la parole à Sylvain Tesson.
Cet écrivain-voyageur hors norme a roulé sa bosse en Sibérie, sur les traces des évadés du Goulag, le long de la Berezina, à la recherche de la Grande Armée, au bord du Lac Baïkal, dans le silence et la solitude. Et même en France « Sur les chemins noirs » de la ruralité, condamnée par la mondialisation.
Et notre écrivain-voyageur, une fois de plus, ne nous déçoit pas.
Il a arpenté la Syrie où il a vu Damas, Palmyre, Alep, Homs. Il s’est arrêté à Maaloula, le village chrétien martyr. Il a bivouaqué au Crac des Chevaliers, le plus beau château des croisades (photo). C’est l’occasion de rétablir la vérité. Alors que les médias occidentaux nous serinaient que « les rebelles » (appellation commode pour éviter de les appeler islamistes) avaient conquis le Crac, il interroge le conservateur, Hazem Hanna : « Huit-cents terroristes occupaient le Crac. Des Tunisiens, des Tchétchènes, des Algériens, arrivés par le Liban. C’était une plate-forme d’accès vers Homs, comme au temps des croisades ! Ils furent tués au corps à corps. »
Evidemment, quand on écoute les Syriens eux-mêmes et non l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), c’est autre chose.
A Palmyre, il a contemplé les destructions des terroristes de l’Etat Islamique, rappelant opportunément qu’ils n’ont fait qu’appliquer le « 59è verset de la 18è sourate. » Les Russes reconquirent « la perle du désert », donnèrent un concert symbolique dans le théâtre antique et Sylvain Tesson observe que « les puissances occidentales ne pouvaient se contenter d’applaudir Vladimir Poutine et son orchestre. L’OTAN se trouva contrainte de s’engager davantage dans la lutte contre l’Etat Islamique. »
Il aurait pu ajouter que c’était aussi l’occasion pour les Américains d’occuper illégalement un tiers de la Syrie, mais ne soyons pas trop gourmands.
Surtout, Sylvain Tesson nous livre le précieux témoignage de l’archevêque gréco-melkite d’Alep, Monseigneur Jeanbart : « J’ai six chantiers [de reconstruction] en cours. Le monastère de Saint Basile est déjà relevé. Je veux aller vite. Pour l’exemple. Les exilés font une erreur pour eux-mêmes de rester en Europe. L’exil n’est une solution pour personne. »
Comme l’observe finement Tesson, comment lui expliquer que l’Occident aujourd’hui a institué « une mystique du déplacement » : « Elle est davantage célébrée que l’éthique de la résistance ou l’esthétique ulyssienne du retour…Jacques Julliard disait que l’immigré était devenu le prolétaire de substitution pour une classe politique qui ne s’intéresse plus aux petites gens. »
Le vent a tourné. N’en déplaise à Laurent Fabius, le Front al-Nosra n’a pas fait « du bon boulot » et sera vaincu. N’en déplaise à Donald Trump, « l’animal » Bachar est toujours en place.
Et contrairement à la doxa journalistique, c’est la civilisation qui a gagné. ■
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Et si visionner ne vous suffit pas, voici le texte. Tout y est. Rien n'y manque. Sans commentaires... Vous les ferez !
Complément d'information en cours de journée : Inutile de regarder la vidéo. Sans en changer le titre, France Inter l'a fait disparaître d'Internet, et l'a remplacée par une autre anodine et banale, datant du 18.12.2017 ... Y-a-t-il eu des critiques, des protestations ? Lire le texte, tout simplement. Scripta manent. LFAR
« Ce matin dans l’édito carré la publication d’un manifeste consacré aux migrations.
Et c’est le Muséum National d’Histoire naturelle qui est à l’initiative de cet opuscule de 80 pages dont l’ambition est d’apporter un éclairage scientifique sur ce thème universel des migrations qui suscite beaucoup de fantasmes.
Le Muséum a donc réuni une douzaine de scientifiques dans des disciplines allant de la génétique à la démographie en passant par l’archéologie, l’anthropologie et la sociologie pour faire le point sur les résultats de la recherche avec des faits et des chiffres vérifiables autour des formes très diverses de migrations.
Un travail très utile lorsque les loupes médiatiques et politiques nous parlent à longueur de journée de la « crise migratoire » en cours.
Et c’est l’occasion de se rappeler que s’il existe une propriété spécifique à tous les êtres vivants, c’est bien leur propension à se propager dans l’espace et dans le temps. La mobilité est même une condition au maintien de la vie sur terre. Et qu’il s’agisse des plantes, des animaux ou des hommes, la nature et les sociétés se sont construites sur un équilibre entre les déplacements et la stabilité.
Et que nous apprend ce manifeste sur les migrations humaines ?
Eh bien ! d’abord que le phénomène est une constante dans notre histoire.
Les femmes et les hommes bipèdes ont passé l’essentiel de leur temps à se déplacer. Nous sommes d’infatigables voyageurs. Et cela ne date pas d’hier. Il y a 1,8 millions d’années, les premiers représentants du genre homo ont quitté le berceau africain pour migrer vers l’Eurasie.
Ces déplacements qui n’ont plus cessé depuis, nous ont beaucoup enrichis biologiquement et culturellement.
Car une population isolée sans apport migratoire est une société qui s’appauvrit génétiquement au fil des générations. A l’inverse, lorsque les populations se dispersent, se différencient et échangent leur patrimoine génétique avec l’arrivée de nouveaux arrivants ; l’évolution adaptative s’en trouve favorisée.
La dispersion des graines chez les plantes ou des individus chez les animaux est un phénomène dynamique indispensable au maintien des populations. Particulièrement en cas de changement environnemental. Et ils ont été nombreux au cours de l’évolution.
D’autres faits intéressants dans cet ouvrage ?
Oui par exemple pour les phobiques des mouvements migratoires le manifeste précise que 97% des humains, vivent sur terre dans leur pays de naissance et que ce chiffre est étonnamment stable depuis plusieurs décennies.
Il nous rappelle aussi que les termes hospitalité et hostilité ont la même origine sémantique précisant que l’hospitalité est une crête sinueuse où entrent parfois en collision la nécessité d’ancrage des sociétés à des territoires pour construire des identités individuelles et collectives mais aussi la nécessité morale de responsabilité envers autrui fondée sur la conviction d’une humanité commune.
L’éthique de l’hospitalité figure dans l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme signée en 1948. Son 70e anniversaire sera célébré le 10 décembre prochain.
En attendant le Manifeste du Muséum, sur les migrations sort jeudi dans les librairies et je vous le conseille chaudement. ■
NDLR - Nous avons corrigé une foultitude de fautes d'orthographe et de langue, en tout cas celles que nous avons vues. Si, compte-tenu de leur foisonnement, d'autres nous ont échappé, les rédacteurs de Lafautearousseau ayant accès au bureau les corrigeront ou bien nos lecteurs nous les signaleront. A noter que c'est un texte à prétention culturelle et scientifique !
Opposer patriotisme et nationalisme, pacifisme et nationalisme, comme le fait plus ou moins inconsidérément le président Macron, ce sont des mots, des phrases, des idées en l'air et, en dernière analyse, de la propagande. Électorale, rien d’autre.
Il y a des personnes paisibles et il y a des personnes agressives. Ces dernières ne disqualifient pas l’universalité des personnes ...
Il y a ainsi des nationalismes raisonnables et paisibles, comme il y en a d'exaltés et agressifs. Et il y a des pacifismes qui conduisent à la guerre plus sûrement encore que le nationalisme le plus exalté ...
Lorsque Hitler décida de remilitariser la Rhénanie, en mars 1936, contre l'avis de ses généraux, l'Allemagne n'était pas prête à la guerre et il confiera plus tard que si la France était intervenue alors, conformément aux traités et surtout à sa sécurité, l'Allemagne n'eût pas tenu le choc.
Il avait sciemment parié sur l'inertie de la France, sur le pacifisme idéologique de ses dirigeants et la suite lui donna raison. Pari gagné ! Il avait pourtant joué gros car un échec en Rhénanie aurait sans-doute stoppé l'élan de son régime et la marche â la guerre. Le pacifisme des Blum et consorts y conduisit tout droit, tout autant sinon davantage que la soif de revanche de l’Allemagne et son expansionnisme.
Emmanuel Macron aurait raison de faire comme Zemmour, c'est à dire de lire Bainville. Il y verrait comment l'on évite la guerre ou comment l'on y sombre, comment, si l'on ne peut l'éviter, l'on se prépare à la gagner ou à la perdre.Macron a dit et répété que l'Histoire est tragique. Il devrait aussi savoir que ses épisodes tragiques ont toujours résulté d'une rupture d'équilibre des forces entre puissances rivales. Aucun pacifisme, aucun angélisme naïf ne l'en ont jamais sauvée.
Prêcher aux quatre coins du monde que le nationalisme c’est la guerre n'est rien d'autre qu'une sottise. ■
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Une réflexion qui n'a rien à voir avec le libéralisme mondialisé que prêche partout Emmanuel Macron en parfait décalage avec les réalités et les évolutions du monde actuel. Comme nous, Mathieu Bock-Côté prône limites, frontières et enracinement qui n'entraînent nullement un esprit de fermeture aux autres et au monde. mais qui, simplement, répondent au besoin de l'homme « d'habiter un pays qui ne soit pas qu'une page blanche ». [Le Figaro, 16.11]. LFAR
Il n'y avait rien de surprenant à entendre Emmanuel Macron, dans le cadre de la commémoration du centenaire de l'Armistice, dénoncer le « nationalisme ».
Tous y ont vu, sans se tromper, une réponse à Donald Trump, qui s'en est récemment réclamé. Mais Emmanuel Macron faisait aussi tout simplement écho à la définition courante du nationalisme en France, qui l'assimile à l'extrême droite. On se souvient de la formule de François Mitterrand, qui se voulait définitive : « Le nationalisme, c'est la guerre ! »
Mais il suffit de se dégager du contexte français pour constater que le terme « nationalisme » n'a pas partout la même connotation, ce qu'a noté Gil Delannoi dans La Nation contre le nationalisme. Même dans l'espace francophone, sa signification varie, comme on le voit au Québec, où il désigne essentiellement le combat mené au fil des siècles par les Québécois francophones pour conserver leur identité collective dans une Amérique où le fait français est minoritaire. Le nationalisme y est non seulement normalisé, mais valorisé, au-delà de la seule option indépendantiste. On pourrait dire la même chose du nationalisme irlandais, polonais ou de celui des pays Baltes - ces peuples ont dû conquérir leur indépendance. Les petites nations savent très bien qu'elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes pour défendre leur droit d'exister.
Il se pourrait toutefois que la condamnation du nationalisme, chez Emmanuel Macron, aille bien plus loin que sa dénonciation habituelle. Car ce n'est pas la première fois que celui-ci, croyant s'en prendre au nationalisme et ses excès, prend en fait pour cible la nation en elle-même. On se souvient de sa déclaration quelque peu contre-intuitive au moment de la présidentielle, lorsqu'il avait affirmé que la culture française n'existait pas ou plus récemment, de sa caricature de la psychologie française qui serait celle de « Gaulois réfractaires ». Même les pages glorieuses de l'histoire nationale sont gommées, avec l'effacement symbolique de la victoire française lors de la Grande Guerre au profit d'un mythique siècle d'amitié franco-allemande.
Ce zèle antinationiste, pour emprunter le néologisme de Pierre-André Taguieff, se confirme, par effet de contraste, dans l'enthousiasme européen du président. L'appel lancé à la constitution d'une souveraineté européenne, parachevant la désincarnation politique des nations, se complète maintenant avec celui pour une armée européenne. On pourrait voir là un appel à l'Europe puissance, mais l'Europe macronienne semble terriblement décharnée. Elle a moins l'allure d'une civilisation se constituant politiquement que du stade intermédiaire dans la construction d'une cité universelle, où pourrait s'épanouir une « overclass » enfin délivrée de ses obligations envers une communauté politique particulière et se percevant elle-même comme une aristocratie planétaire.
C'est probablement là que se confirme le caractère radical d'un certain progressisme. On y retrouve une conception de la modernité qui présente la diversité humaine, celle des peuples, des religions et des civilisations, comme un moment transitoire dans une longue histoire censée aboutir à une humanité réconciliée sous le signe de la cité universelle. L'homme n'aurait cessé d'élargir au fil des siècles et des époques ses cercles d'appartenances. Viendra un jour où il saura se passer de frontières et de demeure - tel est le pari du progressisme. L'homme trouverait sa rédemption dans une adhésion militante au parti du mouvement, qui le purgerait d'un enracinement qu'on fait rimer avec encrassement.
Mais cette histoire a surtout les traits d'un fantasme destructeur. Gabriel Marcel l'a déjà dit de manière lumineuse : « À la base de l'activité des révolutionnaires […] gît cette conviction monstrueuse : ce que nous détruisons peut se remplacer, nous avons quelque chose à mettre à la place. » Si le conservatisme renaît en notre temps, c'est d'abord à la manière d'une prise de conscience de l'intime fragilité du monde. On ne saurait présenter nos patries comme des constructions sociales purement artificielles, bêtement transitoires, toujours déjà périmées, qu'on pourrait démonter à loisir. L'homme a besoin de croire au monde qu'il habite.
Et si le nationalisme lui-même ne cesse de se recomposer, au-delà des définitions polémiques qu'en donnent ceux qui veulent en finir avec lui, c'est qu'il permet à l'homme d'habiter un pays qui ne soit pas qu'une page blanche - un pays s'inscrivant sous le signe de la continuité historique. Et sachant que l'histoire n'accouchera ni demain ni après-demain d'un monde homogène, les peuples sont en droit de demander à leurs dirigeants de défendre leurs intérêts sans basculer dans une forme de messianisme sacrificiel les poussant à s'abolir pour une idole idéologique déracinée qui n'est qu'une contrefaçon de l'humanité.■