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  • Société • Marin de Viry : « Comment le tourisme de masse a tué le voyage »

     

    Entretien par Eugénie Bastié 

    Du tour d'Italie de Lamartine au Club Med, Marin de Viry, auteur de l'essai Tous touristes, nous raconte l'avènement du tourisme de masse et comment celui-ci, en tuant la possibilité d'un ailleurs, a rendu le voyage impossible. Une réflexion particulièrement fine et opportune en cet été tragique [Figarovox, 17.08]. Y compris pour le tourisme de masse ...  LFAR 

     

    974767902.jpgVous écrivez dans Tous touristes : « Si le monde est un vaste dance floor sans frontières, quel sens a le mot tourisme ? ». Pouvez-vous expliquer ce paradoxe ? La mondialisation, en tuant la possibilité d'un « ailleurs » par l'uniformisation du monde, aurait-elle tué le tourisme ?

    Le tourisme n'a plus rien à voir avec ses racines. Quand il est né au XVIIIe siècle, c'était l'expérience personnelle d'un homme de « condition », un voyage initiatique au cours duquel il devait confronter son honneur - c'est-à-dire le petit nombre de principes qui lui avaient été inculqués - à des mondes qui n'étaient pas les siens. Il s'agissait de voir justement si ces principes résisteraient, s'ils étaient universels. Un moyen d'atteindre l'âge d'homme, en somme. Le voyage, c'était alors le risque, les accidents, les rencontres, les sidérations, autant de modalités d'un choc attendu, espéré, entre le spectacle du monde et la façon dont l'individu avait conçu ce monde à l'intérieur de sa culture originelle. Au XIXe, tout change : le bourgeois veut se raccrocher à l'aristocrate du XVIIIe à travers le voyage, qui devient alors une forme de mimétisme statutaire. Le bourgeois du XIXe siècle voyage pour pouvoir dire « j'y étais ». C'est ce qui fait dire à Flaubert lorsqu'il voyage avec Maxime Du Camp en Égypte : mais qu'est-ce que je fais ici ? - C'est-à-dire qu'est-ce que je fais à me prendre pour un aristocrate du XVIIIe siècle ? Avec l'époque contemporaine, on a une totale rupture du tourisme avec ses racines intellectuelles. Même chez ceux qui aujourd'hui veulent renouer avec le voyage, pour s'opposer au tourisme de masse, il n'y a plus de profonde résonance, de profond besoin, car le monde est connu, et le perfectionnement de leur personne ne passe plus forcément par le voyage. Là où le voyage était un besoin, au XVIIIe, pour devenir un homme, se former, parachever son âme et son intelligence, il devient quelque chose de statutaire au XIXe, puis une simple façon de « s'éclater » aujourd'hui. C'est devenu une modalité de la fête permanente, laquelle est devenue banale. Le monde est ennuyeux parce qu'il est le réceptacle de la fête, devenue banale. Solution : il faut « rebanaliser » le monde et débanaliser la fête.

    Dans notre monde globalisé, est-il encore possible de voyager ?

    Toute la question est de savoir s'il reste des destinations ouvertes à la curiosité. Or, plus elles sont organisées, balisées par le marketing touristique de la destination, moins elles sont ouvertes à la curiosité. L'exemple du musée Guggenheim à Venise est éclairant. Je l'ai connu avant qu'il ne soit aseptisé, on avait l'impression de visiter en catimini une maison privée, comme si Peggy Guggenheim l'avait quitté la veille, c'est tout juste s'il n'y avait pas un œuf à la coque encore tiède dans la salle à manger. Dans sa version actuelle, avec des faux plafonds traités par des architectes néo-suédois et une signalétique d'aéroport, la curiosité ne fonctionne plus. Ce qui fait qu'on articule ce qu'on est avec ce qu'on voit, c'est que ce que l'on voit n'est pas préparé, organisé de façon à produire une impression prédéterminée. De la même manière dans les musées, les panneaux explicatifs à côté des œuvres ont pris une importance incroyable. Il est devenu impossible d'avoir un regard spontané, vierge, ouvert sur les œuvres, bref de les regarder vraiment, en prenant le risque d'être désorienté et renvoyé à son absence de culture.

    Les dispositifs marketing et commerciaux des destinations ont tué toute possibilité de l'ailleurs, toute curiosité. Pour être un touriste authentique, désormais, c'est dans le quotidien, dans la banalité du réel, qu'il faut se promener. Pour être dépaysé, il faut aller visiter la réalité, des usines, des champs, des bureaux. Le tertiaire marchand est devenu authentiquement exotique. D'une façon générale, le monde réel est plus exotique que le monde touristique définitivement balisé.

    Cette perte de sens n'est-elle pas due tout simplement à la démocratisation du voyage et à l'avènement du tourisme de masse qui fait perdre toute prétention intellectuelle au voyage ?

    Je vais être néo-marxiste, mais je crois que c'est le salariat, plus que la démocratisation, qui change tout. Les congés payés font partie du deal entre celui qui a besoin de la force de travail et celui qui la fournit. À quoi s'ajoute la festivisation, qui est d'abord la haine de la vie quotidienne. Et il est convenu que la destination doit être la plus exotique possible, car la banalité de la vie quotidienne, du travail, est à fuir absolument. Au fur et à mesure de l'expansion du monde occidental, la fête se substitue à la banalité, et la banalité devient un repoussoir. Il n'y a pas d'idée plus hostile à la modernité que le pain quotidien.

    Autour de ce deal s'organise une industrie qui prend les gens comme ils sont, individualisés, atomisés, incultes, pas curieux, désirant vivre dans le régime de la distraction, au sens pascalien du terme, c'est-à-dire le désir d'être hors de soi. Le tourisme contemporain est l'accomplissement du divertissement pascalien, c'est-à-dire le désir d'être hors de soi plutôt que celui de s'accomplir. Promener sa Game boy à 10 000 kilomètres de la maison, si ce n'est pas s'oublier, qu'est-ce c'est ?

    Où, quand et par qui est inventé le tourisme de masse ?

    C'est Thomas Cook qui invente le tourisme de masse. Cet entrepreneur de confession baptiste organise, en juillet 1841 le premier voyage collectif en train, à un shilling par tête de Leiceister à Loughborough, pour 500 militants d'une ligue de vertu antialcoolique. C'est la première fois qu'on rassemble des gens dans une gare, qu'on les compte, qu'on vérifie s'ils sont bien sur la liste, qu'on déroule un programme. Les racines religieuses puritaines ne sont pas anodines. Il y a comme un air de pèlerinage, de communion collective, dans le tourisme de masse. Le tourisme est très religieux. Et il y a en effet quelque chose de sacré au fait de pouvoir disposer de la géographie du monde pour sortir de soi. S'éclater à Cuba, c'est une messe !

    Vous essayez dans votre livre de ne pas tomber dans la facilité qui consiste à opposer « bons » et « mauvais touristes », les ploucs contre Paul Morand, les touristes sexuels de Houellebecq contre les voyages de Stendhal. Est-ce à dire pour autant qu'il n'y a pas de bons touristes ?

    Les poulets de batterie, je veux dire les touristes de masse, ont une âme. Faire une distinction entre un globe-trotter qui fait du « tourisme éthique » et un hollandais en surcharge pondérale et en tongs qui ahane à Venise, c'est d'une goujaterie incroyable vis-à-vis du genre humain. C'est pourquoi je déteste le livre Venises de Paul Morand : c'est un bourgeois du XIXe qui essaie d'imiter l'aristocrate du XVIIIe en crachant sur le peuple du XXe, alors qu'il est moralement inférieur à lui.

    Comme l'homo « festivus festivus » décrit par Muray, qui « festive qu'il festive » et « s'éclate de s'éclater » le touriste moderne se regarde voyager, et il ne semble voyager que pour vérifier que ce qu'il a lu dans son guide est bien réel et pour « prendre des photos ». Que vous inspire cette dimension spectaculaire du tourisme ?

    Nous sommes dans la culture de l'éclate, de la distraction permanente, sans aucune possibilité de retour sur soi. Le monde moderne est une « conspiration contre toute espèce de vie intérieure », écrivait Bernanos. Je crois que le tourisme est une des modalités de destruction de la vie intérieure.

    Prenons l'exemple du « syndrome de Stendhal ». Stendhal s'est senti mal à force de voir trop de belles choses à Rome et à Florence. Trop de beauté crée un état de sidération, puis de délire confusionnel : en Italie, on est souvent submergé par le superflu. C'est l'expérience limite de la vie intérieure : la beauté vous fait perdre la raison. C'est exactement le contraire que vise l'industrie touristique, qui cherche à vendre la beauté par appartements, en petites doses sécables d'effusions esthétiques marchandisées. Elle ne veut pas que ses clients abdiquent leur raison devant la beauté, mais qu'ils payent pour le plaisir. Immense différence.

    Pourquoi faites-vous du romantisme le terreau idéologique du tourisme tel qu'il est pratiqué aujourd'hui ?

    Lamartine écrit Graziella en 1852. C'est l'histoire du tour en Italie complètement raté d'un jeune aristo français. Quand un jeune homme du XVIIIe siècle (car Lamartine appartient encore au XVIIIe, ou en tout cas le voudrait) va tester son honneur de par le monde pour le renforcer, il doit en revenir plus fort, raffermi dans ses principes. Mais Lamartine tombe amoureux d'une jeune fille de 16 ans en Sicile, qu'il n'a pas le courage d'épouser pour des raisons sociales, car elle est fille de pêcheur, et lui d'un comte. Lamartine revient à la niche à l'appel de sa mère et Graziella meurt de chagrin. Le romantisme, c'est l'histoire d'un voyage raté. L'ailleurs devient le lieu, où, au lieu de se trouver, on se perd. L'expérience de la découverte de soi dans le voyage devient une expérience malheureuse. Donc, il faut se venger du voyage en lui interdisant de devenir une expérience intérieure. Les générations suivantes ont parfaitement compris le message.

    Dans La Carte et le territoire, Michel Houellebecq décrit une France muséale, paradis touristique, vaste hôtel pour touristes chinois. Est-ce là le destin de la France ?

    Dans un éditorial, Jacques Julliard écrivait que la France avait 60% de chances de finir dans un scénario à la Houellebecq, 30% de chances de terminer selon le scénario de Baverez, et 10% de chances de finir autrement. Je ne suis pas totalement dégoûté par le scénario de Houellebecq. C'est une France apaisée, bucolique. On retournerait tous à la campagne pour accueillir des cohortes d'Asiatiques et de Californiens. On leur expliquerait ce qu'est une église romane, une cathédrale, une mairie de la IIIème République, un beffroi. Ce serait abandonner notre destin pour se lover dans un scénario tendanciel dégradé mais agréablement aménagé, et nous deviendrions un pays vitrifié plutôt qu'un pays vivant. Nous aurions été détruits par la mondialisation, mais notre capital culturel nous sauverait de l'humiliation totale : on nous garantirait des places de médiateurs culturels sur le marché mondial. Si on pense que Dieu n'a pas voulu la France, ou que l'histoire n'a pas besoin de nous, on peut trouver ça acceptable.   

    Marin de Viry est écrivain et critique littéraire. Il est l'auteur d'un essai sur le tourisme de masse: Tous touristes (Café Voltaire, Flammarion, 2010). Il a publié récemment Un roi immédiatement aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux.

    Cet entretien est une rediffusion.

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    Eugénie Bastié

    Journaliste & essayiste - Sa biographie

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  • Michel Onfray: «Le mal français, c’est d’abord la haine de soi dont presque tout dépend», par Vincent Trémolet de Viller

    «Aimer la France est nécessaire pour en finir avec ce qui la tire vers le fond. L’aimer c’est croire en la possibilité de lui redonner un lustre avec ce qui fit sa grandeur», avance Michel Onfray. Philip Conrad/Photo12 via AFP

    Sources : https://artofuss.blog/

    https://www.lefigaro.fr/vox/

    http://www.gaullisme.fr/

    Dans cet autoportrait politique, le philosophe, qui a lancé avec fracas et quelques polémiques une revue trimestrielle rassemblant souverainistes de tous bords, rappelle son amour de la France, celle de Corneille à Robespierre, et de Bossuet à Sartre.

    «Populaire» dans toute la polysémie du mot, le philosophe, essayiste, écrivain, professeur et désormais directeur de publication a lancé avec fracas et quelques polémiques une revue trimestrielle qui entend rassembler les souverainistes de tous bords. Proudhonien de gauche mais aussi proudhonien de droite, Michel Onfray choisit de Gaulle contre Mitterrand. Dans cet autoportrait politique, il se moque des étiquettes comme de ceux qui veulent à tout prix lui en donner, et rappelle son amour de la France, pas celle d’un homme ou d’un camp, mais tout à la fois celle de Corneille et de Robespierre, de Bossuet et de Sartre.

    LE FIGARO. – Vous avez lancé une revue dont le titre «Front populaire» emprunte à la gauche un des événements les plus importants de son imaginaire. Vous vous êtes toujours affiché comme un homme de gauche. Quelle est votre filiation: Marx? Proudhon? Jaurès? Péguy?

    Michel ONFRAY. – Le titre renvoie à deux choses: la première ce sont les images du Front populaire, celles de Willy Ronis par exemple, qui montrent des gens simples et modestes heureux de découvrir la campagne, la montagne, la mer, les plages, les bals populaires, le camping, le vélo et le tandem grâce aux avancées sociales du Front populaire qui n’ont pas fait couler une seule goutte de sang – au contraire d’autres moments de l’histoire de la gauche, je songe plus particulièrement à 1793.

    La seconde, au sens second de ces termes: faire un front qui soit populaire afin de l’opposer à un front qui existe déjà, mais qui est populicide, et qui est celui de la droite de gauche et de la gauche de droite qui communient dans une même idéologie, celle de l’européisme maastrichtien et qui a été fédéré par Emmanuel Macron. Ma filiation est simple: c’est la gauche proudhonienne antimarxiste.

    Homme de gauche, vous avez des lecteurs et des soutiens à droite et même à la droite de la droite, quelle serait votre filiation à droite: Joseph de Maistre, Tocqueville, Aron?

    Proudhon… Car son socialisme n’a pas déplu à la droite parce qu’il était pragmatique, empirique et qu’il refusait l’idéologie. Proudhon est pour la propriété privée, pour la liberté d’entreprendre, pour l’initiative et la responsabilité individuelle, mais aussi pour le mutualisme, pour la coopération, pour le partage des profits, pour l’autogestion. De même, il ne souscrit pas à l’idéologie du progrès et encore moins à sa religion, le progressisme. Il est conservateur de ce qui doit être conservé et révolutionnaire pour ce qui peut être dépassé. Un conservateur sans la révolution et un révolutionnaire sans le conservatisme incarnent l’un et l’autre deux modalités de la barbarie. Il y a les deux chez Proudhon.

    Entre le général de Gaulle et François Mitterrand, votre esprit balance?

    Il ne balance pas du tout: c’est clairement oui à de Gaulle dont la grand-mère, qui écrivait, avait publié un éloge de Proudhon. Son projet de référendum sur la participation, pour répondre à Mai 68, a été torpillé par la droite conservatrice et refusé par la gauche opportuniste. Or ce texte est fortement inspiré par le socialisme français du XIX° siècle dont de Gaulle disait par ailleurs du bien.

    Mon de Gaulle est celui de Malraux et de Gary, de Simone Weil et de Kessel, de Mauriac et de Maurice Clavel

    Michel Onfray

    Le paradoxe de ces deux-là est que de Gaulle fut un homme de gauche soutenu par la droite et Mitterrand un homme de droite soutenu par la gauche. Mon de Gaulle est celui de Malraux et de Gary, de Simone Weil et de Kessel, de Mauriac et de Maurice Clavel. Mitterrand n’eut que Jean Guitton, un philosophe pétainiste, à mettre en face…

    Le couple de Gaulle-Mitterrand a fait/défait la France du XXe siècle. Je raconte tout cela dans un livre à paraître à la rentrée qui s’intitule Les Vies parallèles

    Vous vous présentez comme souverainiste. Cette notion n’est-elle pas réductrice? Celui qui aime son pays est patriote, il sait que la souveraineté n’est jamais absolue et que la vie d’une nation est faite de dépendances, d’alliances, de contraintes extérieures avec lesquelles il faut composer…

    Bien sûr mais faites-moi la grâce de ne pas souscrire à la définition idéologique qu’en donnent ses ennemis! Le souverainisme n’est pas l’autisme de la nation mais la possibilité pour elle de recouvrer ses esprits.

    Le souverainisme n’est qu’un préalable: il est l’art de reprendre en main le gouvernail d’un bateau qui part à la dérive. Ce qui n’augure en rien d’un cap qui s’avère le second temps.

    Une première perversion des maastrichtiens ennemis de la France est qu’ils sont parvenus à associer le mot souverainisme à une insulte, ce qui veut dire qu’ils font de son contraire une vertu. Or le contraire de souverainisme c’est vassalité, soumission, dépendance, assujettissement, tutelle! Je ne crois pas pour ma part que la servitude soit une vertu…

    Le souverainisme s’appuie sur la conception gaullienne de l’Europe qui défend une Europe des nations

    Michel Onfray

    Une deuxième perversion est qu’ils sont également parvenus à faire croire que le souverainisme c’était la nation, donc le nationalisme, donc la guerre! Rappelons que les deux guerres mondiales ont moins concerné les nations que les empires! Car c’est l’impérialisme qui est la guerre. Or, cet impérialisme c’est celui de l’Europe de Maastricht et non de la France. Un entretien entre BHL et Philippe de Villiers récemment paru dans vos colonnes a permis à BHL de revendiquer pour l’Europe la nécessité d’imposer «un pôle “impérial” alternatif» – les guillemets sont de lui…

    Une troisième perversion consiste à faire croire que l’Europe c’est l’Europe libérale et que, si l’on est contre l’Europe libérale parce qu’elle est libérale, c’est qu’on est contre l’Europe tout court, donc, je me répète, car ils se répètent: c’est qu’on est pour les nations, donc pour le nationalisme, donc pour la guerre! Mais l’Europe n’existe pas en soi: Charlemagne, Napoléon, Hitler et Jean Monnet l’ont également voulue!

    Le souverainisme s’appuie sur la conception gaullienne de l’Europe qui défend une Europe des nations. Personne ne peut croire, sauf mauvaise foi polémique, que le souverainisme ce soit le repli autiste sur son carré de luzerne national…

    Le souverainisme n’a-t-il pas tendance à chercher des causes externes à ce qu’Alain Peyrefitte appelait «le mal français»? En d’autres termes reprocher à Bruxelles un certain nombre de défaillances (bureaucratie, État social trop prodigue, pression fiscale…) qui sont de notre fait et pas du fait de l’Union européenne?

    La construction de cette Europe américaine voulue par la CIA, Jean Monnet, Mitterrand, puis les maastrichtiens de droite et de gauche, s’est faite sur la haine de la France. Le mal français est moins caractérisé par la bureaucratie, l’administration, l’assistanat, les impôts que par la haine de soi dont presque tout dépend. Cette haine de soi fut vendue comme condition de possibilité de l’amour de l’Europe.

    Aimer la France est nécessaire pour en finir avec ce qui la tire vers le fond. L’aimer c’est croire en la possibilité de lui redonner un lustre avec ce qui fit sa grandeur

    Michel Onfray

    Or, aimer la France est nécessaire pour en finir avec ce qui la tire vers le fond. L’aimer c’est croire en la possibilité de lui redonner un lustre avec ce qui fit sa grandeur: un mélange de vertu austère, Corneille et Racine, et de romantisme échevelé, Hugo et Delacroix, un mixte de christianisme sévère, Champaigne et Bossuet, et de jacobinisme intransigeant, Robespierre et Bonaparte, un amalgame d’idéalisme éthéré, Sartre et Boulez, et de pragmatisme tragique, Camus et Aron.

    Vous êtes très sévère avec la sphère médiatique et politique et pourtant vous continuez à y prendre part. Vous qui avez consacré un essai à Thoreau, êtes-vous hanté par la «tentation de la cabane» ou tout au moins la poursuite d’une œuvre philosophique et littéraire loin du débat public?

    Je suis sévère parce que je parle d’expérience… Lors de la parution de mon livre sur Freud et la psychanalyse, en 2010, alors que l’ouvrage était à peine en libraire, j’ai vu fonctionner «cette sphère médiatique» qui, comme un seul homme, a lancé une curée contre moi. Il était interdit de lire l’œuvre complète de Freud et d’effectuer des variations, pendant cinq cents pages, sur un thème fourni par Freud lui-même selon lequel la psychanalyse était «un blanchiment de nègres» – cette expression est de lui. Cette expérience fut pour moi comme une porte ouverte sur la salle des machines du système! J’ai depuis accumulé les campagnes de presse contre moi… Je connais donc leurs logiques.

    Faudrait-il pour autant se taire? Je ne le crois pas. Les tenants de cette boutique l’aimeraient tant! Je crois au contraire à la nécessité de raconter sans cesse comment fonctionne la machine à décerveler, à embrigader, à gaver, à abrutir, à hébéter, à insulter, à mépriser – en un mot: à fabriquer du consentement.

    Le peuple n’a pas toutes les vertus mais il s’en prend plein la figure depuis des décennies…

    Michel Onfray

    Par ailleurs, je poursuis une œuvre philosophique (un certain nombre de textes, dont trois volumes de chacun plus de 500 pages, Brève encyclopédie du monde), historiographique (une douzaine de livres d’histoire de la philosophe avec ma Contre-histoire), poétique (une dizaine de recueils de poésie…), esthétique (une vingtaine de monographies consacrées à des peintres vivants) – ce dont la presse se moque absolument puisqu’elle veut absolument m’arraisonner à l’avatar qu’elle a fait de moi et qui ne correspond en rien à ce que je suis vraiment, un avatar sur lequel elle tape à bras raccourcis…

    Pour autant, je n’exclus pas un jour de recourir à la tentation de la cabane. Mais disons pour l’heure que l’ardeur de certains politiques, en Normandie et à Paris, à détruire l’université populaire de Caen afin de me réduire au silence était un mauvais calcul: ça m’a plutôt rendu plus bavard! D’où la création de Front populaire avec mon ami Stéphane Simon, mais également d’autres projets auxquels nous travaillons…

    Vous voulez vous faire le porte-voix du peuple mais la dialectique peuple-élite n’est-elle pas faussée et mortifère? N’y a-t-il pas un danger à habiller le peuple de toutes les vertus et les élites de toutes les turpitudes? Camus, que vous admirez, est parvenu à passer de l’école communale au prix Nobel de littérature, du «peuple» à «l’élite»…

    Je ne pense pas comme ça… Le peuple n’a pas toutes les vertus mais il s’en prend plein la figure depuis des décennies… Les élites ne sont pas toutes condamnables, mais la plupart sont souvent du côté de ceux qui portent les coups au peuple.

    Je n’essentialise aucune de ces deux catégories et j’ai pu, dans un livre sur les «gilets jaunes», Grandeur du petit peuple, dire à plus d’une reprise combien je ne me sentais pas solidaire de telle ou telle exaction commise par des «gilets jaunes», mais aussi combien j’approuvais les intellectuels qui défendaient les «gilets jaunes» tels Emmanuel Todd ou Jean-Claude Michéa, et ce factuellement, sans jamais généraliser.

     

    Par ailleurs, à l’époque de Camus, un enfant de pauvre pouvait s’en sortir grâce à l’école. Je témoigne que pour moi, qui suis né en 1959, c’était encore également possible. Je crois simplement qu’aujourd’hui il devenu très très improbable, sortant du petit peuple, d’accéder au monde des élites.

    Raphaël Glucksmann, François-Xavier Bellamy sont passés de l’arène philosophique à l’arène politique et électorale. Est-ce une tentation pour vous? Allez-vous y céder?

    Non, pas du tout. Je crois qu’on peut faire de la politique autrement qu’en devenant le porteur d’eau d’un parti politique.

  • Mila: le plus bel âge de la vie, par Céline Pina.

    Mila au tribunal à Paris, le 3 juin 2021 © Francois Mori/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22573239_000003

    Selon Céline Pina, le procès Mila apporte la preuve que la propagande des islamistes et leur vision du monde se diffusent au-delà de leur cible musulmane. L’amalgame entre blasphème et racisme est au cœur de leur stratégie de sape obscurantiste. Quant au débat sur le caractère néfaste des réseaux sociaux, il permet d’occulter les vrais problèmes… Analyse.

    Mila a 18 ans et comme avant elle, Paul Nizan, elle pourrait écrire « Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie ». Incitations au suicide, menaces de mort, de viols, propos orduriers, voilà ce que subit cette toute jeune femme depuis maintenant deux ans. Son « crime », avoir critiqué de façon véhémente l’islam, après avoir été lourdement draguée puis insultée par un jeune musulman. Cette histoire qui n’aurait pas dû dépasser le stade d’une embrouille de cour d’école est pourtant devenue virale. Mila est devenue une cible, un symbole à détruire physiquement et moralement. La harceler devient identitaire, un moyen d’affirmer sa foi ou son soutien à une idéologie.

    Je vous demande de vous arrêter

    L’ouverture du procès de 13 de ses harceleurs, loin de calmer le jeu a au contraire relancé les attaques. D’abord parce que le sentiment d’impunité des prédateurs de Mila sur les réseaux et dans la vraie vie est tel qu’ils ont l’impression aujourd’hui d’avoir gagné : ils ont imposé leur loi, rétablit le délit de blasphème et fait la preuve que les élites républicaines préféraient abandonner les enfants des classes moyennes aux minorités radicalisées, plutôt que de défendre la liberté d’expression. Le fait que la ministre de la Justice de l’époque a accrédité une partie des éléments de langage des islamistes en présentant la parole de Mila comme portant atteinte à la liberté de conscience, a légitimé la violence qui s’exerçait contre la jeune fille. Or Mila n’a commis aucune infraction en usant de sa liberté d’expression. Au vu de la situation, une toute jeune fille innocente, dont la vie est gâchée suite à une persécution mise massivement en œuvre sur les réseaux, on s’étonne de ce que toute la classe politique ne se tienne pas debout derrière Mila. Pourtant, on a du mal à imaginer plus juste cause que la sienne. Eh bien non. La pression de tous les représentants de l’islam, qu’ils soient franchement islamistes ou représentants du culte musulman a fait de la défense de Mila, un tabou politique. Le président de la République, qui aime tant se mettre en avant, la soutient à peine et la plupart de nos représentants nationaux sont très discrets sur la question. Dans cette histoire, le problème n’est pas Mila, mais l’islam, car si Mila avait déclaré solennellement « mettre un doigt » dans le fondement de Jésus-Christ, elle mènerait aujourd’hui une vie parfaitement normale. Cela tout le monde le sait très bien, mais il est malvenu de le dire clairement.

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    Nicole Belloubet, en janvier 2020 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA Numéro de reportage: 00940194_000005

    Quant au procès en cours, le premier message que la Justice semble tenter d’envoyer est dramatique pour l’image des enquêteurs comme l’image de ladite justice est effrayante pour tout justiciable. La première impression que l’on a est celle d’une manipulation : plus de 100 000 messages violents, appelant à la haine, au viol et au meurtre ont été déversés sur une jeune fille de 16 ans qui n’avait commis aucune faute et au bout de deux ans, il n’y a que 13 accusés à juger ? Certains d’entre eux n’ont fait qu’un seul tweet et leurs profils semblent délibérément sans relief afin d’accréditer l’idée que tout cela serait la faute des réseaux. Sur 100 000 messages à caractère violent, seuls 13 auteurs auraient été identifiés ? Si oui, alors la France est une invitation à la cyber-criminalité. Visiblement, l’État comme la justice n’auraient ni les moyens ni le personnel qualifié pour identifier des cyber-harceleurs. Ils seraient aussi d’une immense naïveté. Ils ne savent pas remonter un filon jusqu’à sa source ? La plupart des journalistes, quant à eux, ne paraissent pas s’interroger sur le fait qu’il est rare que 100 000 personnes attaquent spontanément une inconnue dans un laps de temps très court, mais ils répandent l’idée que les profils des accusés mettent à mal la thèse de l’influence islamiste. Le problème, c’est que pour qu’une inconnue se retrouve avec de telles attaques de masse, il faut qu’elle ait été signalée via des réseaux communautaires, des personnes d’influence et des sites activistes liés à l’islam politique. On l’a vu avec le meurtre de Samuel Paty : il y a eu assassinat parce que de nombreuses personnes ont fait monter la sauce communautaire et que l’islam politique s’en est mêlé. Contrairement à ce que l’on imagine, rien n’est moins spontané que les réseaux et le viral est souvent un construit.

    Regarder la réalité de l’islamisme en face

    Là on peut se demander si le but n’est pas de nier la dimension idéologique de ce que subit Mila parce qu’alors que se rapproche l’élection présidentielle, on ne voudrait surtout pas regarder en face la réalité et encore moins se mettre à dos des relais électoraux utiles pour activer un vote communautaire. L’emprise islamiste peut aussi avoir ses avantages en politique…

    Le choix des accusés comme le peu d’enquête sur les réseaux qui ont amené à ce harcèlement de masse montre que l’affaire Mila embarrasse le pouvoir. Les islamistes l’ont compris. Mila témoigne d’ailleurs de la violence des attaques qu’elle subit à nouveau et montre à quel point la justice n’agit pas : « L’un de ces sinistres individus, jamais poursuivi et encore moins condamné, s’est vanté sur TikTok de torpiller mes comptes en usurpant mon identité et en achetant des abonnés par milliers. Ces types ne me lâcheront jamais ». Il faut dire qu’en ne cherchant pas à les poursuivre ou en ne ciblant que les lampistes, la Justice est en train d’offrir un totem d’immunité aux entrepreneurs de l’islam politique. Le but est-il de dédouaner la propagande islamiste des violences qu’elle induit parce qu’en période de présidentielle, il faudrait mettre la réalité sous le tapis pour ne-pas-faire-le-jeu-de-l’extrême-droite ? Y aurait-il volonté d’écarter tout ce qui pourrait laisser entendre que les islamistes étaient bel et bien à la manœuvre dans cette histoire ? Si oui la démonstration n’en est pas moins ratée. 

    En effet, si les accusés apparaissent comme très divers voire anodins et a priori loin du milieu islamiste, en revanche leur ligne de défense lors de cette première audience est unique, quel que soit leur profil. Or leur choix de défense et les motivations qu’ils donnent à leurs actes montrent et démontrent l’influence des représentations et de la vision du monde des islamistes et le rétablissement du blasphème par ensemencement des esprits. Lors du premier jour d’audience, avant que le procès ne soit reporté, cette défense consistait en un amalgame qui rend hommage involontairement à la qualité de la propagande islamiste et montre que leur vision du monde se diffuse au-delà de leur cible musulmane.

    Culture tribale

    Cette propagande assimile le blasphème au racisme et la critique d’une religion, à la persécution des croyants. Du coup, user de sa liberté d’expression devient un acte raciste et offensant, une atteinte à l’honneur collectif et cela mérite donc le pire des châtiments : viol et meurtre. On est là dans des représentations qui n’appartiennent ni à notre culture ni à notre espace mental. Dans le règne de la tribu le bien et le mal n’existent pas, seul compte ce qui est bon ou mauvais pour le groupe. Mais dans nos civilisations on distingue la peau et la chemise, l’intérêt général de la poursuite des intérêts particuliers et des croyances personnelles. Ainsi la critique et l’offense à une croyance, une religion, un Dieu, un prophète ou un personnage mythique ou historique relève de la liberté d’expression. En revanche appeler à la haine ou au meurtre à raison de l’appartenance ethnique, religieuse ou sexuelle est condamnable. En vertu de ce principe, les catholiques, qui pourtant n’étaient guère fans des caricatures de Charlie n’ont jamais eu l’idée d’appeler au meurtre des dessinateurs pour venger leur honneur et aucune de leurs ouailles n’est passée à l’acte. Or pour Mila, certains leaders islamistes, et même le CFCM ont jeté de l’huile sur le feu. La destruction de la vie d’une gamine de 16 ans n’était rien à côté de leur volonté d’imposer le retour de la condamnation du blasphème à l’égard de leur religion sur notre sol.

    C’est cette logique, qui place le religieux au-dessus des lois de la cité, qui est une véritable inversion de nos valeurs, de nos principes et de notre lien social. Or cette inversion et l’amalgame entre blasphème et racisme font partie des éléments de langage des islamistes et des racialistes. Cette propagande et cette logique sont surreprésentées dans les lieux où se tissent les représentations comme l’université, les médias, le monde politique associatif et syndical alors qu’ils émanent d’un courant de pensée totalitaire et obscurantiste. La stratégie des Frères musulmans, la secte islamiste la plus puissante chez nous, cible les lieux de pouvoir et la jeunesse. Et cela marche. Certains jeunes adoptent une vision du monde très loin de notre civilité et cela se ressent dans la dégradation des rapports hommes/femmes, dans la volonté d’imposer l’interdiction du blasphème, dans un racialisme qui se traduit en haine du blanc et un décolonialisme qui se traduit en haine de la France et de ses principes… Quant aux lieux de pouvoir, l’influence de l’islamo-gauchisme empêche de tenir un discours clair, de nommer et de désigner l’ennemi donc de le combattre efficacement. 

    Résultat : aujourd’hui en France, une des personnes les plus menacées et les plus protégées est une jeune femme qui a 18 ans et dont le « crime » aux yeux d’arriérés est d’avoir insulté leur religion. Et ceux qui la menacent ne viennent pas d’Afghanistan. La plupart ont grandi en France, mais ils vivent dans un univers de rancœur, de violence décomplexée et de haine qu’ils n’ont pas construit tout seul. Alors ce procès va-t-il ouvrir les yeux de ceux qui nous représentent, ou est-il là pour noyer le poison islamiste dans la dénonciation des réseaux sociaux pour préserver un clientélisme électoral qui est en train de nous détruire collectivement ? 

     

    Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

    Source : https://www.causeur.fr/

  • El-Azhar, Vatican de l’islam ?, par Annie Laurent

    Annie_Laurent.jpgLe 4 février 2019, le pape François et le grand imam Ahmed El-Tayeb, recteur de la Mosquée-Université d’El-Azhar, située au Caire, se sont retrouvés à Abou Dhabi, capitale des Émirats Arabes Unis, pour signer ensemble un document à portée universelle intitulé La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune. Cet événement a pu donner l’impression d’une équivalence entre le Vatican et El-Azhar comme autorités suprêmes respectives du catholicisme et de l’islam sunnite.

    Or, tel n’est pas le cas. Cela résulte de différences sur des aspects fondamentaux : origine des deux institutions, primauté dans l’autorité pour l’interprétation des textes sacrés, l’enseignement et le gouvernement des fidèles.

    Mais, avant d’examiner la fonction exacte d’El-Azhar, il a semblé utile à Annie Laurent de présenter dans cette Petite Feuille Verte (n° 79) la manière dont l’islam – présenté ici dans sa vision sunnite - conçoit la légitimité d’une autorité religieuse. La PFV suivante traitera de son rôle dans l’islam contemporain.

    El-Azhar, Vatican de l’islam ?

    Une tendance fréquente en Europe consiste à appliquer à l’islam les principes qui régissent le christianisme. Cela se vérifie non seulement pour la doctrine mais aussi pour l’organisation de la religion. Le regard porté sur l’Université-Mosquée d’El-Azhar, située au Caire, en est une illustration particulièrement éloquente. Cette institution n’est-elle pas perçue par bien des Européens, chrétiens ou pas, comme l’équivalent du Vatican ?

    Il convient donc de clarifier ce qui apparaît comme une réelle confusion. Pour bien situer la question, nous commençons par une vue d’ensemble concernant la manière dont l’islam définit l’autorité magistérielle. Nous nous limitons ici à la version sunnite, en raison de sa primauté numérique au sein de l’Oumma (la communauté mondiale des musulmans), car c’est d’elle que relève El-Azhar. Le statut de cette dernière et son rôle dans le monde musulman d’aujourd’hui feront l’objet de la prochaine PFV.

     

    LE CALIFE, LIEUTENANT D’ALLAH ?

    L’histoire officielle de l’islam retient l’institution du califat comme organe chargé de gouverner l’Oumma. Toutefois, selon la tradition, de son vivant Mahomet n’a désigné aucun successeur et n’a créé aucune institution destinée à assurer la pérennité de sa mission, à veiller à l’élaboration du dogme de l’islam et à la fidélité aux enseignements du Coran. Ce dernier, bien qu’étant considéré comme émanant directement d’Allah, ne donne aucune indication à ce sujet, même si tout musulman est appelé à être khalifât Allah (« lieutenant de Dieu »).

    Allah a promis à ceux d’entre vous qui croient et qui accomplissent des œuvres bonnes d’en faire ses lieutenants sur la terre, comme il le fit pour ceux qui vécurent avant eux. Il leur a promis aussi d’établir fermement leur religion qu’il lui a plu de leur donner et de changer, ensuite, leur inquiétude en sécurité (24, 55).

    L’expérience califale

    Ce sont les quatre premiers successeurs de Mahomet, choisis parmi ses parents et/ou compagnons (Abou Bakr, Omar, Othman et Ali), qui, de 632 à 661, auraient posé à Médine les fondements d’un pouvoir politico-religieux appelé califat, raison pour laquelle ils furent par la suite appelés les « califes bien guidés » (ou « dirigés »).

    Ce fut une période troublée, ponctuée de trahisons et de violences, épisodes dont la réalité est assumée par la tradition islamique sous l’appellation « Grande Discorde » (Fitna el-Kubra) et sur lesquels l’universitaire tunisienne Hela Ouardi apporte des éléments historiques nouveaux et aggravants. Cf. Les derniers jours de Muhammad ; Les Califes maudits, t. 1 et 2 (Albin Michel, 2016 et 2019).

    Historiquement, on ne peut en fait pas vraiment parler de califat avant 685, date de l’avènement d’Abd el-Malik, issu du clan omeyyade. Il est le premier dont on ait la preuve réelle qu’il a porté le titre de calife d’Allah, comme en témoignent ses monnaies.

    Drachme frappée par Abd el-Malik vers 694-95 ; il figure, la main sur l’épée, avec la mention en arabe khalifat allah (calife de Dieu) et amir el-muminin (commandeur des croyants)

    Les divisions et rivalités n’ont jamais cessé au cours de l’histoire. « La plus grande source de discorde au sein de l’Oumma est le califat. Jamais principe religieux n’a fait couler autant de sang en islam », remarquait au Xème siècle à Bagdad le juriste Abou el-Hassan el-Achari. Le politologue Nabil Mouline, chercheur au CNRS, a choisi cette citation pour introduire son livre Le Califat, histoire politique de l’islam (Flammarion, 2016), dans lequel il retrace ces péripéties qui ont engendré l’éclatement de l’Oumma en confessions antagonistes, le sunnisme et le(s) chiisme(s), auxquelles s’ajoutent les dissidences surgies au sein de ce dernier (kharijisme, alaouitisme, druzisme).

    Suite à la période initiale, au fil des siècles, le siège califal a été occupé par des dynasties de diverses obédiences, le plus souvent sunnites (Omeyyade à Damas, Abbasside à Bagdad). A partir de 945, une dynastie chiite, les Fatimides, a dominé le califat au Caire jusqu’en 1055. Celui-ci est revenu au sunnisme avec la victoire de Saladin (1171), puis celle des Mamelouks égyptiens (1261). Il y eut parfois des titulaires concurrents (Bagdad, Cordoue, Le Caire). Enfin, les Turcs ottomans, après avoir conquis l’Égypte (1517), installèrent le califat à Istamboul où il restera jusqu’en 1924, date de son abolition par Atatürk, fondateur de la république turque. Plusieurs souverains (El-Hussein ibn Ali, émir de La Mecque, et Fouad 1er, roi d’Égypte) ont alors essayé de s’emparer de l’institution califale pour leur propre compte, mais sans succès. Cf. la frise chronologique ci-dessous.

    Malgré ces échecs, une grande partie des musulmans sunnites se sentent comme orphelins du califat. Parmi eux, les islamistes actuels portent sur lui un regard idéalisé, voire mythifié dans sa supposée perfection originelle. Cela explique le succès de l’éphémère pseudo-califat établi en Irak et en Syrie en 2014 sous le nom d’Etat islamique (Daech) jusqu’à sa chute en 2019.

    « Restaurer le califat bien dirigé demeure un rêve qui taraude les esprits de nombreux intellectuels et militants jusqu’à nos jours. La plupart des écrits religieux et littéraires – et maintenant les séries, les émissions, les documentaires et les films – continuent à affirmer que le califat bien dirigé est le meilleur des régimes bien qu’il n’ait jamais existé en réalité » (Mouline, op. cit., p. 145).

     

    Mission et attributions du calife

    Le calife est « le représentant et le délégué d’Allah » ; il est aussi le « commandeur des croyants », titre que le roi du Maroc, qui revendique son appartenance à la lignée généalogique de Mahomet, a emprunté au deuxième calife, Omar ibn el-Khattâb, et qu’il porte encore.

    La tradition affirme que pour diriger les affaires temporelles et spirituelles des « croyants » le calife reçoit l’inspiration divine et un pouvoir surnaturel qui font de lui « un être exceptionnel, quasiment infaillible ». « Son statut est donc sacré, son pouvoir est absolu et sa puissance est universelle » (Mouline, op. cit., p. 61).

    Il résulte de recherches récentes que le calife Abd el-Malik (685-705), évoqué ci-dessus, fut le premier à prendre le titre de khalîfat Allah (« lieutenant de Dieu »). C’est lui qui canonisa le Coran et imposa le mot « islam » (soumission à Allah), peu usité jusque-là, ainsi que la langue arabe, consacrant alors la religion préfigurée par Mahomet « comme la religion définitive qui efface et accomplit le judaïsme et le christianisme – autrement dit qui les rend caducs, aussi bien sur le plan de la foi que sur le plan de la loi » (Guillaume Dye, « Questions autour de sa canonisation », Le Coran des historiens, Cerf, 2019, t. 1, p. 904).

    Après lui, malgré le pouvoir exorbitant revendiqué par les « lieutenants d’Allah », ses successeurs califes eurent très tôt à affronter la concurrence des oulémas, montre le jésuite Henri Lammens, historien et islamologue. Ces savants en sciences religieuses, « héritiers des prophètes » auxquels revient, selon un hadîth (propos attribué à Mahomet), « la mission de nouer et de dénouer », ont, dès les premiers siècles, servi de guides aux califes (L’Islam, croyances et institutions, Dar el-Machreq, Beyrouth, 1943, p. 125). Puis, ils les ont dépossédés de leurs prérogatives doctrinales et même de leurs titres religieux, remettant définitivement en cause les prétentions théocratiques du califat. A partir du Xème siècle, les califes « ne peuvent plus intervenir directement dans le processus de définition du dogme et de la Loi ». Il ne leur reste que la gestion des affaires temporelles (cf. Mouline, op. cit., p. 102-106).

     

    L’ISLAM SANS MAGISTÈRE AUTHENTIQUE

    Pour l’interprétation des textes sacrés, notamment ceux qui concernent le droit religieux, l’islam dispose du consensus (ijmâ) en vertu d’un propos (hadîth) attribué à Mahomet selon lequel « ma communauté ne s’accordera jamais dans l’erreur » (cité par Lammens, op. cit., p. 124). L’Oumma serait donc infaillible.

     

    Un consensus impossible

    Mais ce principe se heurte à plusieurs obstacles, explique Henri Lammens. D’abord, « quels en seraient les témoins, les interprètes qualifiés ? L’absence d’une hiérarchie dûment autorisée, placée au-dessus de toute contestation, n’a jamais permis de s’entendre pleinement sur cette matière » (op. cit., p. 125).

    Ensuite, il s’agit d’un « phénomène spontané », « une manifestation de ce qu’on peut appeler l’instinct religieux du peuple croyant ». Lammens conteste l’idée selon laquelle « cette souplesse pouvait être utilisée pour adapter la charia aux besoins modernes » et qu’un consensus antérieur pourrait être modifié par un autre, comme le pensent des modernistes musulmans. L’accord doctrinal n’établit rien. On ne peut que constater son existence. Il regarde en arrière et non en avant, non pas l’avenir mais le passéQuand il arrive aux docteurs de l’invoquer, c’est uniquement pour justifier et légitimer des innovations qui se sont imposées, pour les rattacher laborieusement à la “Sunna (Tradition) des pieux ancêtres”, c’est-à-dire à une législation considérée comme immuable et non pour contester la perpétuité de la TraditionIl semble donc téméraire de vouloir envisager l’ijmâ comme un instrument éventuel de réformes à introduire dans la charia, en vue de l’adapter aux besoins du jour » (ibid., p. 128-129).

    L’échec de la raison

    Il y eut en outre la parenthèse du moutazilisme (de motazil, qui s’isole), ce courant de pensée apparu à Bagdad au IXème siècle, qui prônait le libre-arbitre et le recours à la raison dans le rapport au Coran. D’abord reconnu officiellement par le calife Abdallah el-Mamoun (813-833), il fut déclaré hors-la-loi par l’un de ses successeurs, Ala Ilah el-Moutawakkil (847-861), initiative qui préluda à la fermeture de la porte de l’ijtihâd (effort d’interprétation) décidée par le calife Bi Ilah el-Qadir (992-1031). Sur ce sujet, cf. A. Laurent, l’Islam pour tous ceux qui veulent en parler (Artège, 2017, p. 24-25).

    « Il semble que le point doctrinal qui a attiré le plus le souverain vers ce courant soit l’affirmation que le Coran est une création de Dieu. Cela veut dire de manière schématique que ce texte reflète un moment historique bien déterminé. Par conséquent, il ne peut répondre aux besoins des croyants dans des réalités spatio-temporelles différentes. Le calife, en tant que guide inspiré qui pratique l’ijtihâd, peut jouer le rôle d’intermédiaire entre l’homme et Dieu » (N. Mouline, op. cit., p. 102).

    Le dogme du Coran incréé a mis fin à cette ouverture. « Depuis lors, savants et fidèles sont tous réduits au taqlîd, la soumission aveugle et sans restriction aux décisions d’une des quatre écoles orthodoxes », remarque Lammens (op. cit., p. 129).

  • À la découverte du fonds lafautearousseau (10) : sur Taine...

    lafautearousseau, c'est plus de 28.000 Notes ou articles (et autant de "commentaires" !), 22 Albums, 48 Grands Textes, 33 PDF, 16 Pages, 366 Éphémérides...

    Il est naturel que nos nouveaux lecteurs, et même certains plus anciens, se perdent un peu dans cette masse de documents, comme dans une grande bibliothèque, et passent ainsi à côté de choses qui pourraient les intéresser...

    Aussi avons-nous résolu de "sortir", assez régulièrement, tel ou tel de ces documents, afin d'inciter chacun à se plonger, sans modération, dans ce riche Fonds, sans cesse augmenté depuis la création de lafautearousseau, le 28 février 2007...

     

    Aujourd'hui : sur Taine...

    (tiré de notre Éphéméride du 5 mars)

    (retrouvez l'ensemble de ces "incitations" dans notre Catégorie :

    Á la découverte du "Fonds lafautearousseau")

    1893 : Mort d'Hippoyte Taine

     

    Hippolyte_Taine_with_cat.jpghttp://www.academie-francaise.fr/les-immortels/hippolyte-taine

     

     

    Voici quelques extraits fort intéressants d'une sorte de présentation de Taine, écrite par Jean Bourdeau, dans Les maîtres de la pensée contemporaine : 

                
    "En 1819, ayant vingt et un ans, j’étais électeur et fort embarrassé." Ne sachant pour qui voter, Taine nous dit dans sa préface qu’il prit cette immense détour, qu’il a dû faire cet effort considérable de travailler vingt ans dans les archives et d’écrire dix volumes, pour apprendre ce dont le dernier des politiciens de village croit posséder la science infuse. Voter semble à nombre de gens la fonction la plus simple, et ils ne verraient là qu’un excès de scrupule : autant vaudrait dire que pour digérer il est indispensable de connaître l’anatomie et la physiologie de l’estomac. Mais combien dans cette ignorance suivent une mauvaise hygiène ! Nous savons quel est le régime qui nous agrée, mais non celui qui nous convient. Nous ne l’apprenons qu’à nos dépens. Et assez de fois, depuis un demi-siècle, le suffrage universel s’est pris et dépris, engoué et dégoûté des partis et des hommes : ses erreurs nous ont coûté cher.

    "La forme sociale et politique dans laquelle un peuple peut entrer et rester n’est pas livrée à son arbitraire, mais déterminée par son caractère et son passé... Dix millions d’ignorants ne font pas un savoir. Un peuple consulté peut, à la rigueur, dire la forme de gouvernement qui lui plaît, niais non celle dont il a besoin ; il ne le saura qu’à l’usage."

    C’est dans le goût des théories abstraites, dans notre rationalisme, dans notre absence de sens historique et de sens pratique, que Taine signale le vice radical de l’esprit français, qu’il a si merveilleusement analysé sous le nom d’esprit classique, esprit singulièrement dangereux, si on l’applique au gouvernement des sociétés, non plus aux idées, mais à la chair vivante. La Révolution a été avant tout une erreur de psychologie. Ses précurseurs et ses théoriciens considéraient l’homme naturel comme un être essentiellement raisonnable et bon, accidentellement dépravé par une organisation sociale défectueuse, qu’il suffirait de détruire de fond en comble pour ramener la paix idyllique de l’âge d’or. L’expérience a été faite, et à peine les chaînes de l’ordre légal tombaient-elles avec fracas, que l’homme bon et raisonnable nous est apparu sous les traits d’un sauvage hideux et féroce : "Tout est philanthropie dans les mots, tout est violence dans les actes et désordre dans les choses."

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     Rousseau : "L'homme est naturellement bon, et c'est la société qui le déprave..."
     
     
     

    On a reproché à Taine d’avoir représenté de préférence les émeutes et les jacqueries, dans toutes ces pages d’où s’élève comme une buée de sang, d'admirables eaux-fortes, que l’on parcourt avec le même frisson que Les Désastres de la guerre d’un Goya. Schérer, M. Challemel-Lacour, s’émerveillent de cette découverte, que la Révolution ne s’est pas faite à l’eau de rose. Du moins, comme on l’a dit, le résultat de cette érudition microscopique, qui met en lumière le rôle des petits dans la vie sociale, rôle aussi important que dans la nature, devrait être de préserver de la légende cette grande époque, de l’affranchir de la superstition et du fanatisme.

    Taine suit à travers la Révolution la marche éternellement monotone que la nature humaine imprime aux troubles civils. C’est un mécontentement populaire, exploité par des énergumènes, puis par des ambitieux qui, au nom des idées les plus généreuses, font la conquête du pouvoir et déplacent les abus à leur profit. Voilà l’histoire de la secte jacobine. "Le dogme qui proclame la souveraineté du peuple aboutit en fait à la dictature de quelques-uns." Les Jacobins deviennent, au nom de l’égalité, une nouvelle aristocratie. On en retrouve parmi les grands dignitaires de l’empire, d’autres fondent des dynasties républicaines.

    Des réformes étaient urgentes, on entreprenait de les accomplir, lorsque le soulèvement populaire est venu les entraver. Du bilan de la Révolution, il ressort que les gains n’ont pas compensé les pertes. Ceux-là même au profit desquels les Jacobins prétendaient tout bouleverser ont été les premiers à pâtir. Combien périrent sur les champs de bataille de l’Europe ! L’effort de Taine est d’ébranler ce préjugé infiniment redoutable, que le progrès politique et social n’a été réalisé dans le passé et ne pourra l’être dans l’avenir que par la violence.

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     "Le dogme qui proclame la souveraineté du peuple aboutit en fait à la dictature de quelques-uns." 

               

     

    L’histoire des Origines de la France contemporaine paraît écrite sous l’influence d’une philosophie purement pessimiste, et bien des pages justifieraient en apparence cette opinion. Taine a de la nature humaine, de ses folies et de ses dangers, de sa méchanceté surtout, une conception tragique ou sombre, qui dépasse parfois en force et en éloquence celle d’un Swift, et qui contraste étrangement avec la douce quiétude, l’ironie souriante qui éclaire l’œuvre de Renan. "Que l’homme est bon, Messieurs !"

    Taine est aux antipodes de l’optimisme humanitaire de Condorcet et de Rousseau. Vous admirez le silence, la paix de la nature : si vous aviez seulement la vue assez pénétrante, vous n’y verriez qu’un carnage et qu’un charnier ; si votre ouïe était assez fine, vous entendriez surgir un gémissement éternel, plus douloureux que celui qui monte de l’enfer de Dante : "La condition naturelle d’un homme, comme d’un animal, c’est d’être assommé ou de mourir de faim."

    L’homme par sa structure est une bête très voisine du singe, un carnassier. Il est mauvais, il est égoïste et à moitié fou. La santé de l’esprit, comme celle des organes, n’est qu’une réussite heureuse et un bel accident. Dans la conduite de l’homme et de l’humanité, l’influence de la raison est intime, sauf sur quelques froides et lucides intelligences. Au vice de l’intelligence se joint d’ordinaire le vice du cœur ; à l’imbécillité s’ajoute l’égoïsme : il n’y a peut-être pas un homme sur mille dont la conduite soit déterminée par des mobiles désintéressés. La brutalité, la férocité primitive, les instincts violents, destructeurs, persistent en lui, et il s’y ajoute, s’il est Français, "la gaieté, le rire, et le plus étrange besoin de gambader, de polissonner au milieu des dégâts qu’il fait".

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     Taine est aux antipodes de l’optimisme humanitaire de Condorcet et de Rousseau 
     

                

    Malgré ces citations, que nous pourrions multiplier, il n’est pourtant pas exact de dire que Taine soit un pessimiste. Pessimisme et déterminisme se concilient mal ; les choses sont ce qu’elles sont ; peu importe le blâme ou la louange que le spectateur, qui est aussi acteur et victime, leur attribue. Taine n’est pas seulement observateur de détail, il s’élève à des vues d’ensemble. Ce n’est pas assez d’une observation exacte, il faut encore une observation complète, et le spectacle du présent n’est pas vrai sans le souvenir du passé. Mesurez le point de départ et le chemin parcouru, songez que le gorille féroce et lubrique, dans la lente évolution des âges, s’est élevé à l’idée de pitié, de pureté, de justice, qu’il en a réalisé quelques parcelles, que son intelligence débile a fini par créer l’art et la science. Si le présent est encore plein de misères, l’homme d’autrefois en soutirait bien davantage. L’expérience agrandie a diminué la folie des imaginations, la fougue des passions et la brutalité des mœurs. Chaque siècle voit s’accroître la science et la puissance de l’homme, sa modération et sa sécurité.

    Mais ne nous laissons point bercer par les chimères, réduisons le progrès à sa mesure et à ses limites. Notre bien-être grandit notre sensibilité. Nous soutirons autant pour de moindres maux ; notre corps est mieux garanti, mais notre âme est plus malade... Une seule chose s’accroît, l’expérience, et avec elle la science, l’industrie, la puissance ; dans le reste on perd autant qu’on gagne, et nous devons nous y résigner... L’homme n’est point transformé, il n’est qu’adouci. Jamais la nature et la structure ne laissent effacer leur premier pli : l’homme est un carnassier; comme le chien et le renard il possède des canines, et il les a enfoncées dès l’origine dans la chair d’autrui. Le bienfait de la civilisation serait d’en faire un carnassier apprivoisé et domestiqué, de lui tenir soigneusement limés les dents et les ongles.

    De cette idée de l’homme découle logiquement la philosophie politique de Taine. Le pur pessimisme, à la façon de Hobbes, conclut à la nécessité du despotisme, le pur optimisme à la façon de Rousseau mène droit à l’anarchie. Taine éprouve une égale horreur pour la tyrannie et pour le désordre. Les hommes ont besoin d’être contenus ; c’est la fonction de l’État de les empêcher de se ruer les uns sur les autres, et c’est la seule. Qu’il soit bon gendarme et bon chien de garde, hors de là il est malfaisant. Que les hommes se groupent donc en dehors de lui selon leurs affinités naturelles, qu’ils se créent dans des associations de toute sorte, formées selon leur libre initiative, des tutelles volontaires, qu’ils choisissent des guides expérimentés, mus par le sentiment de leur responsabilité individuelle, mais que l’État, cet être si aisément corrompu et si corrupteur, ne se mêle ni de l’éducation ni de la religion, ni de l’industrie ni du commerce, ni de l’art ni de la science. Son incompétence générale fait son incompétence spéciale..."

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     C’est un mécontentement populaire, exploité par des énergumènes, puis par des ambitieux qui, au nom des idées les plus généreuses, font la conquête du pouvoir et déplacent les abus à leur profit. Voilà l’histoire de la secte jacobine.
     

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  • Dans votre quotidien cette semaine...

    LAFAUTEAROUSSEAU sans inscription.jpg= Après le sujet d'actualité du lundi de Louis-Joseph Delanglade, qui exprime notre position sur les sujets importants du moment, et fixe la position de notre quotidien, nous continuerons à évoquer d'autres sujets de l'actualité immédiate : l'école (avec les aberrations de la théorie du genre et le test Pisa);  la défense du dimanche (une réflexion prévue pour la semaine dernière, mais qui a dû être reportée, vu l'abondance de l'actualité); cette omerta qui gangrène logiquement et de plus en plus tant et tant de parcelles de notre pays, dans lesquelles, solidement installées maintenant, les Mafias issues de l'immigration croissent et prospèrent : Qousque tandem...?, jusques à quand... ?; ces journalistes, qui pratiquent allègrement le "deux poids deux mesures" selon que l'on porte un prénom "traditionnel" ou bien "issu des minorités" (!)...

    Le tout, assaisonné des Grains de sel de Scipion, qui en sera, lundi, à son 82ème !...

    IMG_0096.jpg= Mardi, afin d'élargir les horizons et de traiter d'encore plus de sujets - et comme nous l'avons fait plusieurs fois déjà... - nous jeterons un oeil sur les liens partagés sur notre Page Facebook Lafautearousseau Royaliste et sur les liaisons établies grâce à notre compte Twitter A.F.Royaliste (dont les tweets sont, c'est à noter et c'est bon signe) de plus en plus repris et partagés; mais il n'y a pas que sur Facebook ou Twitter que nos lecteurs disent des choses intéressantes : il y a d'abord les "commentaires" au quotidien qui, très souvent, sont de très bonne qualité, comme, par exemple, celui de Rosalie K, suite à notre note sur Ecrit par un communiste athée, un inattendu L'Adieu aux Rois , une note qu'Hélène Richard-Favre a également appréciée, elle qui donne le lien de l'émisssion de France info, Le livre du jour (animée par le toujours excellent Philippe Vallet), consacrée à Valère Staraselski... Ces deux contributions méritent de ne pas rester simplement dans la colonne des "Commentaires", mais d'être mises en avant, ce que nous ferons ce mardi... 

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    Mercredi, on donnera la vidéo de l'homélie prononcée lors de la Messe pour Louis XVI organisée à Marseille, depuis des lustres, par la Fédération Royaliste ¨Provençale, associée maintenant au Cercle Bourbonien.

    Les vidéos des homélies prononcées lors des précédentes Messes restent, évidemment, disponibles dans notre Catégorie Vidéos, audios (I) : vidéos , notamment celle du 21 janvier 2010, prononcée en l'église des Réformés, et en présence du prince Jean, de la princesse Philoména et du prince Gaston, par le Père Michel Zanotti-Sorkine... 

     


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    NRU 2014 1.jpg= Jeudi, Christian Franchet d'Espèrey donnera une première présentation du dernier numéro de La Nouvelle Revue universelle (n° 34) qui traite, en première ligne, du Moyen Orient où semble se préparer un véritable renversement d’alliances (avec un gros plan sur la Syrie, un pays auquel aucun Français ne peut rester indifférent); de la Russie, dont la politique actuelle nous fait entrevoir de quoi se nourrira, demain, notre propre renouveau; du libéralisme, qui fait tout ce qu’il peut pour empêcher qu’on lui torde le cou… mais nous ne lâchons rien…; et de la France, capétienne à la racine même de son être, et du nôtre, et qui ne cesse de nourrir l’actualité du monde de l’édition; et encore de la crise économique et financière qui nous place au bord d’un gouffre mortel; qui fait, enfin, un détour plus qu’utile par la ville hollandaise d’Utrecht, où fut signé en 1713 – il y a 300 ans… – un traité aux suites riches d’enseignements.

    Avec les signatures de Gilles Varange, Antoine Assaf, Yvan Blot, Patrick Brunot, Pierre Chalvidan, Jean-Baptiste Donnier, Yves Floucat, Patrick Germain, Georges Rousseau, Clément Lescat, Claude Wallaert, Christian Tarente…

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    LOUIS XVI MESSE.jpgEnfin, vendredi, on s'effacera devant France info et France 2, pour "Ces voix qui s'élèvent pour dénoncer les dérives du Système..."

    Suite au questionnement de RN/VAR, dans trois de ses "commentaires", nous avons tâché de préciser, la semaine dernière, "Qu'est-ce que le Système ?".

    Or, par deux fois, ces derniers jours, on a entendu des voix autorisées dénoncer des abus flagrants de ce Système : l'une était celle d'un général de Gendarmerie, dénonçant courageusement le laxisme de la Justice (sur France 2), qu'il accuse de se faire, concrètement, un allié objectif de la délinquance dans de très nombreux cas; l'autre était une "page" de France info sur cette déferlante des "normes" qui ne cessent d'entraver la France et les Français qui entreprennent : "Normes : la France au bord de l'asphyxie" (un sujet que nous évoquons d'ailleeurs régulièrement ici...) 

    Nous critiquons assez souvent la partialité d'un grand nombre de journalistes pour ne pas saisir, à chaque fois qu'elle se présente, l'occasion de montrer ce qu'ils disent et font, lorsque cela nous semble aller dans la voie du bon sens et de l'honnêteté intellectuelle... 

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    =Et, bien sûr, on réagira "en temps réel" à l'actualité immédiate, et on parlera de tout ce dont on ne sait pas encore que l'actualité nous amènera à évoquer... Et toutes les notes précédentes seront accompagnées de notes plus courtes, plus ramassées, permettant de réagir et de donner notre sentiment face à tel propos, tel fait, tel article qui feront la "une" de la semaine à venir... 

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    capture d'ecran blog.jpg= On aura aussi, comme d'habitude le samedi, notre note en deux parties :

    1. D'abord, une revue des Blogs, de Facebook, des magazines  et d'ailleurs;

    2. Et, ensuite, on donnera les liens que des lecteurs ont envoyés :

    N'hésitez pas à nous faire parvenir des liens sur des sujets qui vous ont paru importants...   

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    CONCORDE 2.JPGOn aura, évidemment, les Ephémérides, car c'est "tout cela, tous ceux-là, aussi, la France" : du début de l'insurrection générale de la Gaule contre César au premier vol de Concorde ... en passant par : Claude, né à Lyon, qui devient le 4ème Empereur romain; la naissance du futur Charles V; le sacre de François premier, sa visite à Marseille où il décide la construction du Château d'If et du Fort de la Garde; le début du Tour de France de Charles IX; le Bugey, la Bresse et le Pays de Gex qui deviennent Français; Louis XV qui crée l'Ecole militaire et qui, avec Maupeou, renvoie les Parlements; l'assassinat de Louis XVI, acte fondateur des Totalistarismes modernes (écouter le Requiem de Cherubini (V - Sanctus) : Ambrosian Singers Philharmonia Orchestra Riccardo Muti - Requiem a la memoire de Louis XVI in C minor V. Sanctus.mp3); les Colonnes infernales qui commencent la destruction systématique de la Vendée; la capture de la flotte hollandaise par... la cavalerie française de Pichegru !; la découverte de la Terre Adélie; la béatification de Jeanne d'Arc; Georges Claude qui dépose le brevet de la lampe à néon; le lancement du satellite Spot 2; la mort de Gustave Thibon...

    Sans oublier les naissances de Gassendi, Orry, Mansart, Chauveau-Lagarde, Stendhal, Ampère, Manet, Cézanne, Weygand; 

  • L’impossible équation d’Hollande, par Hilaire de Crémiers*

     hollande et XI JINPING.jpg

    Xi Jinping et François Hollande : l'un est l'empereur d'un pays conquérant, l'autre un médiocre politicien...

     

    Nos institutions sont en ruine, voilà le constat qui s’impose aujourd’hui. Le dernier scrutin ne fait que le révéler. Les prochains seront encore plus démonstratifs. 

    Hollande ne peut plus gouverner. Quoi qu’il fasse et quelque « truc » qu’il invente, il est dorénavant dans l’impossibilité pratique de réussir personnellement à redresser la situation ; en aurait-il l’intention, il n’a plus la capacité de faire aboutir quelque projet que ce soit, sur tous les points où les Français sont en attente des réformes nécessaires. Lui et son gouvernement d’idéologues, en deux ans, n’auront fait que casser la France davantage, détruire les familles, briser les liens sociaux, épuiser les patrimoines, accabler les entreprises, tuer même l’esprit d’entreprendre, décourager les braves gens, appauvrir le peuple, désespérer la jeunesse qui n’est plus éduquée, ni formée, ni élevée, abandonnée aux sinistres pitreries d’un prétendu grand maître éducateur, aggraver les souffrances matérielles et morales des Français dont cette petite bande de paltoquets sans cœur, sans envergure d’esprit, centrés sur leur « moi » de médiocres politiciens aussi prétentieux que vains, se moque éperdument.

    D’ailleurs, pour aller jusqu’au bout de ce qu’il convient de signaler, Hollande était tout simplement aux ordres de quelques pervers « friqués » dont il est inutile de donner les noms, ses amis intéressés, pour certains ses copains de toujours, d’autant plus de gauche qu’ils se sont constitué des fortunes sans scrupule. Ce sont eux qui ont fait sa campagne électorale de 2012 et qui en ont assuré la trésorerie, sans que personne n’ait osé se pencher sur ce point litigieux, « l’affaire Cahuzac » servant opportunément de rideau de fumée. Hollande est donc totalement lié à cette clique d’hommes qui se croient tout permis, tandis qu’eux l’ont berné, le soutenant comme la corde soutient le pendu, l’ayant utilisé pour faire passer leur ensemble de lois et prêts à le lâcher à son triste sort de pauvre type, le nœud coulant au col, dans les semaines qui viennent, comme on jette un mouchoir souillé, dont on ne peut plus se servir, et comme lui, d’ailleurs, le grand humaniste, jette les femmes après usage.

     

    Des institutions en ruine

    Telle est la réalité du gouvernement de la France aujourd’hui. Les Français en comprennent assez pour en avoir le dégoût. C’est l’explication principale du vote-sanction des dernières élections municipales. Ce point essentiel n’a pas été assez souligné, les commentaires s’attachant toujours à des justifications grossières et superficielles. Ce n’est pas seulement un gouvernement d’une nullité évidente qui est rejeté, ce sont des comportements, des manières d’être, des mauvaises mœurs , des mensonges et, enfin, des institutions qui ne représentent plus les Français et qui ne sont plus que des instruments au service d’appareils partisans, donc des procédés de gouvernement aussi scandaleux que néfastes, en un mot un régime dans sa totalité avec ses modes de fonctionnement et ses hommes stipendiés qui sont condamnés. Tant mieux !

    L’abstention massive, le discrédit où s’enfonce le Parti socialiste, la montée du Front national sont des signes qui ne doivent pas tromper. Le PS n’est jamais qu’un parti de « bobos » qui réussit encore à duper – mais de moins en moins – quelques électeurs qui s’imaginent être de gauche par sentimentalisme mal placé.

    Est-ce encore un parti de gouvernement, ce qu’il se flattait d’être dans le cadre de l’alternance républicaine ? La question mérite d’être posée. Il sait si peu gouverner qu’à l’heure où s’écrivent ces lignes, nul ne connaît le sort du Premier ministre, pas même lui-même ! Ce pitoyable Ayrault ressemble à une peau de banane balancée au bout des doigts dont on se demande à quel moment elle sera expédiée dans le vide-ordure.

    Les institutions de la Ve République sont réduites aujourd’hui à néant. Le chef de l’état n’est plus qu’un ectoplasme qui répète « moi, moi, » pour se persuader vraisemblablement qu’il existe et dont les conseillers ne servent à rien, sauf ceux qui sont chargés des basses œuvres du parti et des règlements de compte personnels ; le Premier ministre mal assis, mal placé, mal pris, ne sait plus s’il est le bras exécutif du patron de l’Élysée ou la tête de la majorité parlementaire qui, elle-même, n’a plus aucun centre de gravité et qui n’est qu’un éparpillement de volontés sans ordre ni raison ; les ministres ne pensent qu’à leur mince personne et tirent, chacun, à hue et à dia avec des plans toujours plus absurdes ; les ténors du parti et les hommes de l’appareil ne sont préoccupés que de leur avenir. Quel tableau !

    Qui va remplacer Ayrault est la grande question politique du jour. La semaine prochaine, quand paraîtra Politique magazine, ce sera peut-être chose faite, Hollande ayant été bousculé, car, s’il n’en tenait qu’à lui, il userait jusqu’à la corde l’homme qui ne lui faisait pas trop d’ombrage. Mais peu importe, Valls, Le Drian, même la Royal ou l’Aubry ou le Fabius ou quelque autre du même acabit, rien ne changera, car le remplaçant, fort ou faible, n’aura pas plus de moyens de redresser la situation. Les institutions ne s’y prêtent plus, elles offrent le spectacle d’un champ de ruines. L’homme qui aura cédé au goût du pouvoir, s’y perdra, allant de murs branlants en murs branlants et découvrant partout des trous béants que personne ne voudra ni ne pourra combler. Quand l’esprit est parti, la chair se décompose ! C’est vrai des sociétés comme des hommes.

     

    La fin d’une époque

    Les élections européennes en mai, par un nouveau séisme d’amplitude plus forte, ébranleront encore davantage ce système déjà dévasté. Toute la question est de savoir à quel moment Hollande jouera la carte de la question de confiance sur son pacte de responsabilité. Mais, là aussi, rien ne va plus, le pacte se détricotant au fur et à mesure que le gouvernement prétend le tricoter. Il est probable que ce stupide plan se réduira dans peu à une médiocre manœuvre politicienne auprès de la majorité socialo-écologique… « Ou vous votez la confiance pour redonner du souffle au pâle mais nécessaire Hollande ou vous provoquez une dissolution que le non moins pâle Hollande sera dans l’obligation de décider ». Et tant pis pour vous, car les législatives qui suivront ne feront qu’accentuer le mouvement de bascule en cours : terreur et frémissement ! Une cohabitation, alors ? À quelque Juppé ou autre de service de prendre le bâton bréneux, pour parler comme Rabelais. Mais rien n’ira mieux, et pour les mêmes raisons, sauf que François Hollande pourra jouer encore à Mitterrand et à Chirac, ses maîtres avoués, retranché dans l’Élysée, adonné à ses plaisirs en tous genres et convoquant la presse de temps en temps pour juger de la politique de son Premier ministre de cohabitation. Dans tous les cas de figure envisagés, quel horizon politique pour la France ! Une agonie du système entretenue à dessein par une classe politique qui en vit. Alors que la France en meurt.

     

    Penser en long terme

    Motion de confiance ou pas, le pays, lui, n’a plus confiance et ce manque de confiance se traduira par une nouvelle dégradation. La crise n’en repartira que de plus belle, s’il est possible d’ainsi s’exprimer. Jusqu’au jour où l’étranger et l’investisseur habituel perdra aussi confiance dans un tel régime. Doute et spéculation sur la dette, sur toutes les dettes cumulées, et l’affaire est malheureusement classée. Qui veut prendre dans de telles conditions ?

    A côté d’une UMP, elle-même tiraillée, le Front national veut devenir le troisième parti de cette Ve République moribonde, parti non de contestation, mais d’adhésion, partenaire obligatoire, dédiabolisé, parfaitement républicain. Il y est parvenu ou presque : ce fut une politique réussie de Marine Le Pen et de ses acolytes. Est-ce un avenir ? Concrètement, ce n’est pas que les Français souhaitent être gouvernés par le Front national en tant que tel ; non, ce pour quoi ils ont voté, ce par quoi ils sont attirés, c’est l’expression d’une réaction nationale affichée et déterminée ; tout le reste est secondaire. La France manifeste une volonté de vivre face aux forces de mort, comme, rappelons-le, cette même volonté a éclaté de manière surprenante depuis plus d’un an dans toutes les manifestations de protestation contre les lois immondes de destruction de la famille.

    Un parti, quel qu’il soit, ne saurait être une fin en soi. Ce que réclame la France profonde, ce sont d’autres institutions, ainsi que tous les sondages le prouvent : un chef de l’Etat qui soit un vrai chef, indépendant des partis ; un gouvernement resserré qui gouverne la France sur l’essentiel et qui arrête de prétendre tout régenter et donc de mal diriger ; une représentation qui représente la réalité française, territoriale, économique, écologique, spirituelle, culturelle ; des libertés instituées, vivantes, non étatisées, couvrant toute l’activité humaine et assurant la prospérité du pays.

    Il faut penser dès maintenant pour la France en long terme puisque Hollande et son petit monde sont dorénavant dans le court terme, dans le très court terme. Qu’Hollande passe et que la France demeure !

  • Face à la crise ... le bon sens du peuple, et l' ”opinion” : rien à voir....

     

    L’on aurait sans-doute raison de distinguer le bon sens du peuple français, dans ce qui lui reste de tradition et d’enracinement, qui s’exprime encore, parfois, en certaines circonstances particulières et sur des sujets concrets, de façon nette et conforme à la simple sagesse ou à l’instinct de survie, de ce que l’on nomme abusivement l’opinion qui est, en fait, une création pure et simple du conditionnement médiatique au jour le jour et se caractérise par la frivolité, la superficialité, le caprice, la tyrannie de l’immédiateté, l’inconséquence. Ou, pour parler plus simplement, tout bonnement la sottise. On pourrait dire, en ce sens, que le sentiment populaire est sage et que l’opinion est stupide, conformiste et serve. Et le « système » veille en permanence à étouffer le sentiment spontané du peuple français au profit de son contraire qu’il crée, façonne, manipule à l’envi et qui est l’opinion. Le peuple, il s’en méfie. L’opinion, c’est sa chose, sa créature. Elle va toujours, comme lui, et il fait tout pour cela, dans le sens de la dissolution, de la médiocrité, du vulgaire.  

     

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    Ainsi, dans la crise qui ébranle, en ce moment, toutes les économies du monde, le réflexe habituel des Français, du moins d’une bonne partie d’entre eux, s’est exercé : épargner davantage, se «  serrer la ceinture » pour quelques temps, et attendre des jours meilleurs, qui ne manqueront pas de revenir, parce que la terre tourne et que les jours succèdent aux nuits. Ce n’est pas de la haute stratégie économique, mais c’est le bon sens et c’est sans-doute, en pareille situation, où nous ont mis les puissants et les intelligents du « système », tout ce que peut faire le commun des mortels. Ce réflexe d’épargne qui reste dans le fond du tempérament d’un grand nombre de Français, ne contribue d’ailleurs pas à la sortie de crise. Mais vivre sur des montagnes de dettes, qui sont d’ailleurs, le plus souvent, des dettes à la consommation (dont une bonne part de gadgets) et non des dettes d’investissement, est-ce la sagesse, est-ce le bon sens ?     

      

    Les médias, le « système » l’entendent autrement : « l’opinion » veut à tout prix savoir quand la crise va finir. Cette unique question, à laquelle, pourtant, personne ne peut répondre sérieusement, est posée en boucle, comme on dit aujourd’hui, aux nombreux économistes, les compétents et les autres, ou aux responsables politiques qui se succèdent, sur les plateaux de télévision ou les studios de radio. S’ils ont le malheur de fixer un terme de quelques mois, les mines des journalistes s’allongent, la désapprobation se manifeste, sévère : c’est demain matin ou, tout au plus, après-demain que l’on aimerait entendre car, n’est-ce pas, l’opinion le veut. 

     

    Tout le monde aimerait bien, dans le « système », que les choses reprennent leur train : le crédit facile ; l’immobilier que l’on peut acheter sans en avoir vraiment les moyens parce que sa valeur doublera nécessairement en cinq ou six ans ; les voyages pour tout le monde, à bon marché, très bon marché, même s’ils sont nuls et le plus souvent sans but, ni enrichissement, ni intérêt pour les voyageurs, considérés comme des troupeaux en simple transhumance ; la gadgétisation à outrance des biens de consommation, par une profusion de produits dont l’utilité pour la plupart est fort contestable et qui grèvent les budgets, au détriment de ce que l’on estimait, jusqu’à présent, l’essentiel ; les délocalisations, en Europe de l’Est, en Chine, ou en Inde, qui dopent momentanément la compétitivité des entreprises et qui nous permettront bientôt de ne plus travailler – ou presque – de nos mains, d’être tous des « cerveaux », des petits ordinateurs « intelligents » ; et puis les trente-cinq heures, les RTT ; les défilés de la CGT, comme en 36, les lycéens ou les étudiants ignares, mais dans la rue, avec leurs profs, devenus guère plus savants, en tout cas guère plus sages … ; et puis la confusion du monde politique avec celui du show-biz, la politique spectacle, le Bling Bling, et tout le reste, que l’on est contraint de mettre un peu en sourdine, pour un temps, le temps d’une crise que l’on aimerait très courte ; et, en contrepartie, les petits jeux de bourse pour tout le monde, pour adultes, ou même pour ados, qui donnent l’illusion que l’on peut gagner – et conserver - une fortune, en quelques semaines, en quelques clics d’ordinateur ; et puis, les stock options distribuées à profusion, les salaires mirobolants même en cas d’échec, les parachutes dorés. Et cetera … Nos anciens se méfiaient de « l’argent qui n’est pas transpiré » et sans-doute avaient-ils raison. Mais l’idéologie du « système » est tout à l’inverse : en tous domaines, financier ou autre, c’est, en quelque sorte, toujours la dette qui est prônée ; c'est-à-dire la consommation au présent des richesses accumulées dans le passé et la primauté de l’immédiat sur le long terme.

     

    Il paraît assez normal que nous sortions de la crise et qu’une reprise intervienne à terme plus ou moins rapproché, ne serait-ce qu’en raison des liquidités considérables que les banques centrales et les Etats ont injectées ou qu’ils ont garanties - dans des entreprises du secteur financier puis industriel qui, sans cela, auraient été placées inéluctablement en redressement judiciaire ou liquidées. En un certain sens, il aurait été sain qu’elles le soient. C’eût été au détriment des actionnaires, mais surtout des épargnants et, plus généralement, de l’activité économique elle-même. Mais les immenses volumes de dettes qui auraient été épongés par des redressements judiciaires ou des liquidations, ne se sont pas évanouis : ils ont été, en fait, transférés et pris en charge, ou, à tout le moins, garantis, par les Etats, qui ont creusé d’autant leurs propres engagements ou leurs propres dettes, souvent déjà considérables et excessives. Il faudra bien les payer un jour et c’est ici, après que nous soyons sortis d’une première crise, grâce à l’intervention financière de la puissance publique, que nous entrerons assez probablement dans une seconde crise qui sera bien, alors, celle des Etats.

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    Il n’y a pas beaucoup de moyens pour un Etat, lorsqu’il lui devient difficile d’emprunter, de réduire ou contenir sa dette. Il n’y en a même guère que deux, à notre connaissance : le recours à l’impôt et l’inflation, ou à l’un et l’autre. Le bon sens nous suggère que le recours à l’impôt sera difficile, du moins en France, parce qu’il y atteint déjà des niveaux record et parce qu’il pénalise immédiatement l’activité économique. L’inflation est plus indolore et ses effets sont différés. Elle rogne essentiellement l’épargne, souvent détenue par des personnes d’un certain âge, et les rentes de divers ordres, notamment les retraites, alors que la pression sociale, en période d’inflation, permet généralement aux salariés d’obtenir au moins le maintien de leur rémunération.

     

    Ici, les Français qui en ont fait l’expérience, d’ailleurs du temps des trente glorieuses qui furent une ère de grande prospérité, savent que l’on peut vivre avec l’inflation et s’en accommoder un certain temps, comme l’on peut vivre avec du cholestérol ou du diabète. Elle n’ira pas toutefois, en l’occurrence, sans conflits et difficultés substantielles. Sur le plan international, par exemple, la Chine accepterait-elle sans se considérer gravement lésée, que la dette américaine soit financée par la dévaluation du Dollar, dont elle détient des stocks considérables, en bons du trésor américain ? Sur le plan intérieur, les épargnants de tous les âges et les retraités français – qui sont en partie les mêmes - n’ignorent pas qu’ils seraient sans-doute les premières victimes d’un retour à l’inflation.

     

    Peut-être faudra-t-il, comme en certaines périodes difficiles, que les Français, du moins un certain nombre d’entre eux, les plus touchés, recourent au complément d’un deuxième emploi et que des retraités reprennent un travail, pour compenser l’insuffisante revalorisation de leurs retraites, face à l’inflation. Le mouvement est déjà amorcé, notamment par les dispositifs Novelli qui viennent d’être mis en place.   

     

    Si ces perspectives – ou hypothèses - plutôt pessimistes, ont quelque réalisme, l’infantilisation de l’opinion par les médias et le « système » en général a quelque chose de dérisoire et de coupable qui finira bien par apparaître un jour, parce qu’ils se heurteront au mur des évènements et de situations nouvelles, sérieuses et graves. Les journaux télévisés devront bien alors, au moins pour quelques temps, « ouvrir » sur autre chose que sur le petit garçon, si triste que ce soit, qu’un chien a mordu grièvement … ou sur la petite fille franco-russe ou russo-française enlevée par sa maman et retrouvée par son papa, à la frontière austro-hongroise …  

     

    Le très vieil homme, mais très sage, très expérimenté et très noble qu’est l’archiduc Otto de Habsbourg l’a dit récemment, à propos de la crise : les problèmes d’argent ne sont pas les plus graves ; ce n’est pas d’eux dont on souffre le plus, encore moins ceux dont meurt.

     

    Mais de quels maux est-ce donc que l’on meurt ? Et comment le « système » qui n’est préoccupé que de savoir quel mois, quel jour nous « sortirons de la crise » pour que le monde mercantile, médiocre et dérisoire qui est le sien reprenne sa course sans souci, comprendrait-il un tel langage ?    

     

  • Jean-Paul Brighelli parle du film La journée de la jupe…

                 On ne présente plus Jean-Paul Brighelli, celui qui a le mérite –et surtout le courage, car il en faut…- d’appeler un chat un chat, et un crétin, un crétin. Dans La Quinzaine Universitaire - l'organe du Snalc - (n° 1312, 4 avril 2009) il a publié un article qui nous parait valoir le coup, mais que nous aurions peut-être laissé passer si un lecteur ne nous l’avait communiqué.

                 Nous vous le communiquons à notre tour, en remerciant ce lecteur. Vous aussi, si vous souhaitez voir un sujet évoqué dans ce blog, qui veut être aussi le vôtre, n’hésitez pas à nous envoyer vos suggestions, avis, commentaires en tous genres, et des documents comme celui-ci… Toute participation de nos lecteurs sera toujours la bienvenue….

                 Première précaution: Attention, publier un article de lui ne signifie évidemment pas que nous soyons toujours d'accord sur tout avec Jean-Paul Brighelli. Nous souhaitons seulement, comme d'habitude, ne pas rester dans notre tour d'ivoire et aller voir un peu ailleurs ce qui s'y passe, et s'il y a, par ci par là, quelques touffes d'herbe bien verte...

                Deuxième précaution: Attention, âmes sensibles s’abstenir ! Brighelli ne fait pas dans la dentelle : c’est une charge, c’est polémique. C’est donc, forcément, parfois un peu excessif. Mais, malheureusement, tellement vrai par tant d’aspects ! Certes,  à Henri IV ou Louis le Grand, on n’en n’est pas (pas encore…) là. Mais pour beaucoup, on y est en plein ; et pour les autres, un peu de patience, on va y arriver…

                Quant au style de Brighelli, il faut le prendre comme il est ! On aime ou on n'aime pas: c'est un peu comme pour Céline (toutes proportions gardées, bien sûr...). L'important n'étant ni le style, ni la personne, mais bien le sujet qu'il évoque, et le coup de gueule qu'il pousse. A-t-il raison ? A-t-il bien fait ?...

                 Place donc à Jean-Paul Brighelli, La Journée de la jupe. Et, peut-être, à vos commentaires....

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    « Crétin ! »

    Elle l’a dit. Elle l’a dit ? Elle l’a dit.

    Qui ? Sonia Bergerac. Bergerac comme Cyrano. Sonia comme toutes les beurettes pour qui leurs parents jouent al carte de l’assimilation, de l’intégration dans la communauté culturelle française. Bergerac, vous êtes sûr ? Une beurette ? Elle l’est – on ne le saura qu’à la fin, entre un père muet de l’avoir trop aimée, et une mère en larmes. Quand il sera trop tard. Quand elle aura été abattue par une police qui tire toujours trop vite. On achève bien les profs.

    Crétin. Adjani l’a dit.

    Adjani ? Allons donc ! Cette star si rare, invisible, qui, d’interviews en interviews, explique qu’elle a inscrit son fils dans le privé, pour éviter la catastrophe qu’est devenu l’enseignement privé en France…. Sortie de sa thébaïde pour jouer dans un film à petit budget, un objet télévisuel –qui a permis à Arte de battre des recors d’audience….

    Elle n’a pas lu Meirieu, Adjani. Elle ne sait pas que si ça va mal c’est qu’on n’a pas assez détruit. Pas assez pédagogisé. Pas assez donné de pouvoir aux IUFM, aux syndicats crypto-cathos, aux profs qui se réfugient dans les sciences de l’éducation faute de connaître leur propre discipline, aux « professeurs des écoles » qui font le Connac dans l’Hérault et ailleurs, parce qu’ils ne savent pas enseigner le b-a-ba (1), et qu’ils n’ont rien à dire aux élèves de GS.

    Crétins !

    Elle l’a dit, Sonia Bergerac . Comme moi. Avec violence et passion. Avec beaucoup d’amour pour ces élèves impossibles, suppôts d’imams, serial violeurs, barbares ! Comme tous ces élèves parqués dans des ghettos scolaires installés grâce à la Gauche (si !) dans des ghettos sociaux construits par la droite. Elle l’a dit avec beaucoup de tendresse et de colère, avec – encore à ce moment du film – un geste caressant du bout du Beretta tendu de sa main malhabile vers le groupe d’élèves pris en otage afin de leur faire, enfin, un cours de Français qui ressemble à quelque chose. Des élèves enfin terrorisés pour de bon,  parce qu’ils ne sont plus dans un mauvais jeu électronique, mais dans la vraie vie – la leur, celle où l’on n’apprend rien dans les collèges à tarif intellectuel unique, où seuls ont le droit de hurler les caïds et leurs sous-fifres. Rien. Pas même le vrai nom de Molière.

    Cette fois, ils vont le savoir. Jean-Baptiste Poquelin ! Répétez  après moi ! Ou je flingue !

    JOURNEE DE LA JUPE 2.jpg

    « Mais à quoi bon ces savoirs morts ? » demande le Crétin –le vrai, pas l’élève, mais le Crétin qui a inspiré la réforme Jospin, le Crétin qui a inventé les IUFM, le Crétin de la réforme Viala, de la loi Lang, de l’amendement Ségolène, le crétin des Sciences de l’Education, le Crétin qui a refusé de siéger dans la commission qui a finalement accouché –il était temps !- de la loi 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école… « A quoi bon Molière (ou la Princesse de Clèves, dirait… qui, déjà ?), à quoi bon Racine –m’dam, Racine ! Vous vous rendez compte ?  - à quoi bon Corneille (« comme le chanteur ? ») –à quoi bon La Bruyère –« m’dam, comme la plante dont on fait les pipes ? » « M’dam, Rachid, il a dit pipe ! » « Toi, sale pute… »

    -Comment tu m’as appelée ? demande alors Adjani en lui mettant un coup de boule.

    Si ! Un coup de boule ! Elle a bien fait ! Sartre expliquait dans « Réflexions sur la question juive » que les racistes, il n’y a pas moyen de leur expliquer, ils sont inaccessibles à la raison, autant commencer et finir par le coup de boule….

    « La Journée de la jupe » est un grand film anti-raciste. Le véritable anti-racisme. Celui qu’il faut enseigner. Celui que les organisations bien pensantes vomissent. L’anti-racisme d’Emmanuel Brenner (2) , de Iannis Roder (3), ou le mien (4).

    Une ministre plus dépassée que nature –un mixte improbable d’Intérieur et d’Enseignement Supérieur, beau cul bon genre- ne comprend rien à la revendication de cette prof déjantée . Comment ça, une journée de la jupe ? Mais nos mères se sont battues pour avoir le droit de porter un pantalon !

    Oui, mais voilà, dans certaines banlieues, si vous portez une jupe, vous êtes une pute. Une salope. Une taspé.

    « M’dam ! Le mec, sur le blog, il m’a traitée ! »

    Pitié pour les filles ! C’est ainsi qu’il y a trois ans (putain, trois ans et il faut encore se battre !) j’avais intitulé une Note sur ce blog (5), qui prenait la défense de ces gamines qui se voilent pour échapper à l’opprobre des cités. Pour échapper aux fantasmes des tarés-frustrés-péteux incapables de séduire, parce qu’on ne leur a pas appris les mots –et à quoi voulez-vous que servent les mots, que serve l’Ecole, si ce n’est à séduire Chloé ou Myriam, Anthony ou Peter ? Incapables –impuissants, qui relookent en douce, sur leur portable, une scène hard bricolée en interne… Eh non, chers parents de la FCPE , un portable ne sert pas à vous appeler entre deux cours, d’ailleurs, on ne vous appelle pas, ça sert à filmer Fadela ou Camille obligée à faire une pipe dans les chiottes du bahut, et à se l’envoyer entre copains, -la fille et le film. Heureusement que de plus en plus de lycées interdisent les portables !

    JOURNEE DE LA JUPE 1.jpg

    Alors, la Sonia Bergerac, elle est vachement vénère ! Elle porte en elle l’exaspération de ses collègues –enfin, de certains de ses collègues : parce qu’il y a les collabos, les pactiseurs de barbarie, ceux qui viennent au lycée culotte baissée, ceux qui se trimbalent avec le Coran dans le cartable, qui le connaissent mieux que leurs élèves même –et qui s’en vantent !

     

    (1)    Rachel Boutonnet, Pourquoi et comment j’enseigne le b-a-ba.

    (2)     Emmanuel Brenner, Les Territoires perdus de la République.

    (3)    Iannis roder, Tableau noir – la Défaite de l’école.

    (4)    Jean-Paul Brighelli, Une école sous influence.

    (5)    http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2006/07/13/pitie-pour-les-filles.html

  • POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE ”MARIAGE POUR TOUS” (9) - Danièle Masson : ”Paradoxe et mensonges du mariage pour tous

    A9R54B0.jpgNous mettons en ligne, aujourd'hui, le texte de l'intervention de Danièle Masson* lors du meeting contre « le dit mariage pour tous » qui a eu lieu à Marseille, le samedi 2 février.

    Trois autres contributions suivront encore. Notre dossier, désormais à la disposition de tous, comportera donc, en fin de compte, un total de douze documents  : "POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE "MARIAGE POUR TOUS" **. 

    Christiane Taubira nous dit du projet qui porte son nom qu’il s’agit d’une «réforme de civilisation». Nous disons, nous, qu’il s’agit d’une « rupture de civilisation»… car toutes les sociétés organisées ont défini le mariage comme l’union légitime d’un homme et d’une femme. Même l’antique cité grecque, si ouverte à l’homosexualité, qu’on l’appelle l’amour grec, n’a jamais dénaturé le mariage.

    C’est pour sauvegarder cette civilisation que les familles de France se sont rendues au rendez-vous historique du 13 janvier 2013, en un mouvement qui a dépassé en ampleur la grande manifestation pour l’école libre de 1984, malgré le mensonge d’État sur les chiffres.

    Et d’ailleurs, le mariage pour tous est un paradoxe, un mensonge, une imposture, une tartufferie.
    - Un mensonge, parce qu’il n’est pas pour tous, puisqu’il n’est pas encore ouvert à l’inceste et à la polygamie.
    - Un mensonge, parce qu’il n’est pas un mariage, mais une parodie de mariage.
    Le mariage était, nous disait-on, dépassé, démodé, ringard. Pourquoi est-il devenu un droit si passionnémentrecherché ?
    Caroline Mecary, chef de file du groupuscule LGBT (lesbiennes, Gays, bis, trans, pour les noninitiés), en fait l’aveu. Je la cite : «il faut achever la sécularisation du mariage, en supprimantl’obligation de fidélité et la présomption de paternité». Et Clémentine Autain, en 2004, dans Libé : «l’ouverture aux Gays et aux Lesbiennes serait un pied de nez à la conception traditionnelle du mariage, le brouillage des identités».
    Quel aveu !
    Le brouillage des identités, nous y sommes.
    Pour Caroline et Clémentine, ce qui compte ce n’est pas le sexe réel mais l’orientation sexuelle, à chacun de choisir son sexe, au point que chacun peut se construire, se déconstruire, se reconstruire. Là est la véritable homophobie : réduire l’être à ses pulsions, et lui refuser la liberté de devenir ce qu’il est. C’est le moment de relire Aldous Huxley et son Meilleur des mondes : « à mesure que diminue la liberté économique et politique, la liberté sexuelle a tendance à s’accroître par compensation […]. Le dictateur fera bien d’encourager cette liberté-là […], elle contribuera à réconcilier ses sujets avec la servitude qui sera leur sort. ».
    Le paradoxe est que les écologistes, pourfendeurs des OGM et autres pollutions réelles ou supposées, au nom du respect de la nature, soient favorables à toutes les manipulations, à tous les bricolages, quand il s’agit de la nature humaine.
    Eh bien, nous, nous croyons à l’écologie humaine, et qu’il faut respecter, aussi, la nature humaine.

    L’imposture, le mensonge atteignent des sommets quand il s’agit des enfants. Séparer le mariage de l’adoption? Mais le mariage par lui-même donne droit à l’adoption. Christiane Taubira, dès le premier jour du débat, mardi 29 janvier, a dit, je la cite : « les couples homosexuels auront le droit d’adopter dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels».
    Mensonge encore, parce que ne pouvant adopter, ils auront recours, pour les femmes, à la PMA, pour les hommes, à la GPA… (Procréation Médicalement Assistée, Gestation Pour Autrui)… c’est-à-dire l’instauration d’une relation clients-fournisseurs, et la marchandisation des corps. On est proche du Meilleur des mondes d’Huxley, des bricolages génétiques, et pourquoi pas, prochaine étape, du clonage reproductif.
    C’est au nom du droit des enfants – droits élémentaires d’avoir un père et une mère – que nous souhaitons le retrait pur et simple du projet de loi. Caroline Fourest vient de nous dire ceci : «prétendre qu’un enfant nait d’un père et d’une mère, c’est arrogant » ! Eh bien, Caroline, c’est au nom du réel que nous revendiquons cette arrogance, pour que des enfants ne deviennent pas des enfants de seconde zone, parce que l’on leur aura menti en leur faisant croire qu’ils ont deux papas ou deux mamans.
    On ne ment pas aux enfants. Et le paradoxe est que l’on revendique l’égalité des droits pour les individus et que l’on propose un projet de loi discriminatoire et injuste pour les enfants. Faut-il rappeler les paroles de Lionel Jospin le 16 mai 2004: « l’enfant n’est pas un bien que peut se procurer un couple hétérosexuel ou homosexuel, il est une personne née de l’union d’un homme et d’une femme ».
    Mais, dans le grand marché aux puces des droits, on exige le droit à l’enfant en ignorant les droits de l’enfant. Eh bien, rappelons que le mariage n’est pas un droit mais une institution, et qu’il n’appartient pas au Parlement d’en redéfinir les contours.
    Le mariage homosexuel, ce serait un monde indifférencié où l’altérité des sexes disparaîtrait au profit de la parentalité. Taubira avait affirmé que les termes père et mère ne disparaîtraient pas du Code civil. Mais sur Canal+, le 11 janvier, elle rectifiait : « chaque fois que cela a été nécessaire, nous avons effectivement remplacé les mots père et mère, parce que nous ne faisons pas semblant de faire des réformes».
    Déjà, sur les nouvelles demandes de cartes SNCF de famille nombreuse, les termes père et mère ont été remplacés par parent 1 et parent 2. Déjà, des professeurs des écoles renoncent à évoquer la Fête des Mères, pour ne pas heurter ceux qui n’ont que deux papas.

    Alors que faire ?

    Demander un référendum ? Mais nos banderoles affirmaient: « tous nés d’un homme et d’une femme », et «un père, une mère, c’est élémentaire», c’est le bon sens, c’est l’évidence, c’est la loi naturelle, et l’on ne met pas aux voix la loi naturelle. Mais si stratégiquement c’est l’argument de la dernière chance alors oui demandons que soit donnée la parole au peuple.
    François Hollande avait promis de consulter les Français sur les questions sociales. Le mariage homosexuel ne serait-il pas une question sociale? Non, nous répondent-ils doctement, c’est une question sociétale… et donc un référendum serait anticonstitutionnel. L’ennui est que Dominique Bertinotti, ministre délégué chargé de la famille – des familles préfère-elle dire – est sous tutelle du ministre des Affaires sociales ! Et d’ailleurs le mot “sociétal“ n’existait pas en 1958, au moment de l’écriture de la Constitution.
    En vérité ce gouvernement pense ce qu’avait prédit Bertold Brecht : «Quand un peuple n’est pas d’accord, il faut changer de peuple». Si tout moyen de nous faire entendre nous est refusé, les urnes de l’alternance nous offriront une solide possibilité d’appel, car on ne combat pas durablement les lois politiques par une posture d’apolitisme de principe.
    On pouvait lire sur une banderole de contre-manifestants, à Marseille, le 17 novembre: «notre modèle social est mort…bienvenue à Sodome et Gomorrhe ! »…Seulement, Sodome et Gomorrhe, ça finit mal…
    Une société peut survivre à une crise économique, elle ne peut pas survivre à une crise qui remet en cause ses structures et ses fondements.
    Nous avons la responsabilité historique de préserver notre État-civil, notre société, notre humanité…assumons-la :


    Non à la culture de Sodome et Gomorrhe, oui à la civilisation de la vie !

    -------

    * Danièle Masson : agrégée de l'Université.

    ** Précédentes mises en ligne :

    > 14.01.2013 : Jean-François Mattéi article du Figaro : "Mariage pour tous et homoparentalité".  

    > 22.01.2013 : Chantal Delsol, entretien avec Jean Sévillia (Figaro Magazine).

    > 29.01.2013 : Thibaud Collinarticle dans Le Monde du 15 janvier. 

    > 5.02.2013 : Hilaire de Crémiersnote parue sur le site de Politique Magazine, le 15 janvier.   

    > 12.02.2013 : Sylviane Agacinski, conférence dans le cadre des Semaines sociales. (VIDEO) et entretien sur Europe 1 (VIDEO).

    > 19.02.2013: Bruno Nestor Azérot, député de la deuxième circonscription de la Martinique (GDR), discours prononcé le mercredi 30 janvier  à l'Assemblée Nationale(VIDEO).

    > 26.02.2013 : Daniel Godard, professeur de Lettres Classiques, une réflexion dont l'originalité est de se placer d'un point de vue linguistique qui fait entendre, dans ce débat, "la voix de la langue française".  

    > 06.03.2013 : Bertrand Vergely, le point de vue du philosophe et théologien, la question du mariage gay appelle dix remarques.

  • Après l'immense manifestation d'hier, une réflexion de fond s'impose (1) Lire Jean-François Mattéi ...

    1144909.jpgLes images, les photographies, les comptes-rendus, les commentaires sur l'immense manifestation nationale d'hier, à Paris, ont envahi les ondes, la presse, la toile. Il est clair qu'il s'est agi là d'une réponse forte d'une grande partie de la France réelle au projet idéologique du gouvernement, un projet qui divise et trouble la société française, qui n'en avait nul besoin. Déjà largement déconstruite, elle est prise de vertige à la perspective de poursuivre dans cette voie, de descendre un échelon de plus ...    

    Sur cette grande manifestation, tout a été montré, tout a été dit, tout sera dit, encore, dans les jours qui viennent. Nous n'y reviendrons pas, en cet instant.

    Reste la question de fond. Elle dépasse largement la seule affaire du mal nommé mariage pour tous. Nous aurions tort de nous y enfermer. Car, très en amont, c’est la famille dite traditionnelle elle-même, qui est, depuis bien longtemps déjà, en crise (cf. l’inexorable montée des divorces : aujourd’hui plus de 50% des ménages sont concernés !). C’est donc une réflexion de fond sur la famille, minée par l’individualisme, par l’égoïsme contemporains et, en un sens, c’est une contre-idéologie qu’il faut opposer à l'idéologie radicalisée qui sous-tend le projet de loi gouvernemental. C'est ce qu'il faut lancer, ce qu'il faut être capable d'entreprendre maintenant. Car c'est à cette condition que la grande campagne en cours trouvera un prolongement, durera, s'amplifiera et aura, en définitive, été efficace.

    C'est ce qu'a commencé de faire Jean-François Mattéi *, dans un important article du Figaro.  Vous pourrez le lire, en lisant la suite ... 

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    Le philosophe - membre de l'Institut universitaire de France - met l'accent sur les paradoxes qui se dégagent du projet de loi.

    Camus disait que « mal nommer un objet, c'est ajouter au mal­heur de ce monde » (1). Le « ma­riage pour tous » et l' « homo­parentalité » contribuent à leur tour à ce malheur sémantique, ces deux expressions étant de pauvres oxymores. Elles entraînent une cascade de paradoxes que l'on masque prudemment sous les discours édifiants des bonnes consciences. Mais le paradoxe a beau deve­nir une nouvelle doxa, et donc un préjugé, il n'en reste pas moins un défi au bon sens.

     

    Paradoxe du sexe. La « théorie du gen­re » (gender theory) prétend que la primauté accordée à l'hétérosexualité culpabilise les pratiques homosexuelles, bisexuelles et plurisexuelles. Dans la mesure où le sexe biologique ne déterminerait pas le genre sexué, les sexualités LGBTQI (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels, queer et intersexe) seraient égales aux pratiques hétérosexuelles: Le sociologue Eric Fassin ne s'en cache pas : « Ce qui est en cause, c'est l'hétérosexualité en tant que norme. Il nous faut essayer de penser un monde où l'hétéro­sexualité ne serait pas normale. » Le trait final de la conférence de Monique Wittig sur La Pensée straight, en 1978, anticipait déjà cette croyance dans l'indifférence des sexes : « Les lesbiennes ne sont pas des femmes. » Elles ne sont pas non plus des mères parce que toutes les femmes sont nées d'une mère sexuée, et non d'un genre grammatical.

     

    Paradoxe du mariage. Au lieu d'aimer leur compagnon ou leur compagne de façon autonome, certains homosexuels veulent convoler en justes noces. Les homosexuels mariés vivront ainsi aux dépens des hétéro­sexuels mariés en leur empruntant la céré­monie civile, le sacrement religieux et la symbolique maritale, dont la robe blanche de l'un des conjoints. S'il est vrai qu'un parasite est une personne qui vit aux dépens d'autrui, les homosexuels mariés auront un double comportement parasitaire. Le pre­mièr à l'égard des hétérosexuels dont ils imiteront l'alliance juridique. Le second à l'égard de la famille hétérosexuelle dont ils parodieront la filiation biologique. Dans les deux cas, le mariage et la filiation seront virtuels, mais non actuels, puisque la dualité sexuelle et l'engendrement d'un enfant par un homme et une femme seront vécus comme des simulations.

    Paradoxe de l'imitation. Ce prétendu droit au mariage et ce supposé droit à l'en­fant, créances tirées sur une société qui n'en retire aucun bénéfice, proviennent de ce que René Girard a qualifié de « crise miméti­que » . Le désir triangulaire met cette fois en scène le couple homosexuel, le couple hétérosexuel et l'enfant désiré. Mais comme ce dernier ne peut être conçu que par l'union d'hétérosexuels dont la différence est féconde, les homosexuels dont l'identité est stérile compenseront leur impuissance en imitant les précédents. Les moyens détournés pour élever des enfants feront appel à la procréation médicalement assis­tée (PMA), à la gestation pour autrui (GPA) qui nécessite l'usage du sperme d'un don­neur et la location du ventre d'une mère porteuse, ou à l'adoption d'un enfant déjà né d'un homme et d'une femme. Dans tous les cas, le modèle homosexuel restera sous la dépendance du modèle hétérosexuel.

    Paradoxe de la parenté. Avec cette nouvelle norme maritale, imposée par des minorités, la famille homoparentale sera privée d'aspect procréatif. Les adultes homosexuels seront à tort nommés « pa­rents », le terme latin parens étant issu du verbe pario, « accoucher, enfanter », alors qu'ils ne peuvent engendrer sans l'intervention sexuée, et non gendrée, d'un tiers, homme ou femme, ce qui fait trois person­nes, ou d'un autre couple dont la femme portera l'enfant, ce qui fait maintenant quatre personnes. La neutralisation des différences sexuelles entraînera la neutrali­sation de tous les statuts généalogiques et la privation de tous les repères de filiation : la parentalité l'emportera sur la parenté.  

    Paradoxe de l'enfant. Quant à l'intérêt supérieur de l'enfant, dont on se préoccupe peu tant le désir de l'adulte est devenu despotique, il ne concerne plus qu'un pro­duit médicalement et socialement détermi­né. L'identité d'une fille ou d'un garçon, est une construction complexe qui implique, avec une double détermination généalogi­que, celle de son père et de sa mère, des apports familiaux d'ordre affectif, intellec­tuel et social. Mais cette construction cultu­relle ne saurait faire l'économie de cette section primitive qu'implique le mot latin sexus, à partir de laquelle, non seulement la masculinité et la féminité voient le jour, mais également la paternité et la maternité.

     

    Avec la dissociation de la sexualité et de la procréation, nous entrons dans un Monde de stérilité dans lequel l'enfant, devenu une denrée rare, sera pris dans le cycle économique de la marchandise. Le malheur se déclinera demain sous des formes juridiques plus subtiles qu'aupara­vant. Mais il concernera toujours l'être humain conçu comme un moyen, et non comme une fin, c'est-à-dire, selon les cas, comme un objet bien ou mal nommé.

     

    (1) Camus, « Sur une philosophie de l'expression » , Poésie 44, 1944.

    On notera que, dans les travaux sur le genre, le terme de « sexe » revient comme un retour du refoulé pour indiquer le rapport charnel qui implique l'usage de l'appareil reproducteur de l'homme et de la femme.

    V. Margron et E. Fassin, Homme, femme, quelle différence ? Paris, Salvator, 2011, p. 25.

     

    * Jean-François Mattéi, est professeur de philosophie grecque et de philosophie politique. Il est professeur à l'université de Nice Sophia Antipolis, et membre de l’Institut universitaire de France.

     

  • Des institutions à l’encan, par Hilaire de Crémiers

     

    H D C - Copie.jpgLes élections donnent lieu à des commentaires infinis et la plupart sans intérêt. Car la vraie question est de savoir si la guerre électoraliste et partisane est bonne pour la France. 

    A quoi servent les élections ? Dans le cadre actuel de nos institutions, à exacerber la lutte des partis. Tel est le résultat le plus évident des élections dites départementales qui viennent de se dérouler. 

    Soit, la plupart des départements sont repassés à droite, mais qui ne voit ce qui se passe au vrai, au-delà de ce basculement. Il ne s’agit plus de représenter les Français, leurs territoires, leurs intérêts ; mais alors plus du tout ! D’ailleurs, dans l’état présent du projet de loi sur la nouvelle organisation des territoires de la République, il est impossible de rien prévoir : le texte est illisible comme maintenant toutes les lois, tant elles sont mal rédigées, et, de fait, personne, sauf les quelques élus spécialisés, n’a lu ce salmigondis technocratique et démagogique dont les tours et les détours compliquent encore plus les échelons et les compétences de l’imbroglio territorial français.   

    Et Hollande ose parler de « choc de simplification » et le gouvernement a appelé les électeurs à voter alors que la loi est en cours d’élaboration et de remaniement. C’est littéralement grotesque, mais peu leur chaut. Car la seule chose qui les occupe et les préoccupe, c’est la lutte des partis. Voilà leur unique passion. La mécanique institutionnelle est telle que la Ve République est maintenant pire que la IVe et la IIIe ; et faut-il évoquer les précédentes qui s’achevèrent dans l’épuisement des factions ? Mourantes, toutes s’en sont remises à un pouvoir personnel : encore faut-il qu’il y ait une personne. 

    La France livrée aux partis 

    La Ve République en est là. Sous son nom règnent non pas des hommes d’état, mais de médiocres politiciens. Les partis se partagent la France, du Conseil constitutionnel jusqu’à la moindre commission culturelle, sociale, administrative. Le département est un lieu de pouvoir qui n’échappe pas à la mainmise des partis. Serait-il possible un jour de choisir des représentants en fonction d’autres critères que l’étiquette d’un parti, la compétence, le dévouement par exemple ? 

    Ainsi n’a-t-il été question dans les commentaires, avant, pendant et après le dernier scrutin départemental, que de savoir quel parti l’avait emporté, jusque dans le moindre canton. Non pas les personnes, mais le parti. Car c’est le parti qui « empoche », qui « rafle » les cantons, les départements. Il en était déjà ainsi en 2014 aux élections municipales : les villes, les communes, les moindres villages sont quasi dans l’obligation d’appartenir à un parti. Bientôt, en fin 2015, il en sera de même aux élections régionales – et de manière vraisemblablement plus violente avec le scrutin de liste à la proportionnelle et la prime majoritaire. 

    Sortir un jour du système 

    Tout n’est donc plus politiquement que calcul en vue des présidentielles. Les états-majors partisans, après chaque scrutin, font leur compte en public et sur les plateaux de télévision : les déclarations, les altercations ne roulent que sur les villes prises, les départements conquis, les régions emportées ou conservées ; on parle de bastions, de résistances, de percées, d’alliances, de ruptures, de stratégies, de contournements. Chaque camp mobilise, explique, se fait pédagogue auprès des troupes rétives, calcule, suppute, crie enfin victoire : ils ont tous gagné ! C’est dérisoire ! 

    Comment se fait-il que les Français supportent un tel régime et s’habituent à de telles mascarades ? Car une telle analyse relève du simple bon sens. La malfaisance est éclatante et personne n’ose la dénoncer. Il est pourtant d’une évidence aveuglante que nos institutions sont totalement corrompues par le régime des partis, ce régime qui fut toujours, à toutes les époques, même sous l’Ancien Régime, le vice des Français et qui ne leur valut que des malheurs et des revers. Tous les grands hommes de France l’ont réprouvé. La grandeur française, les renouveaux français ne furent possibles qu’en rupture avec un tel régime. Pas un Français sérieux et quelque peu éduqué qui ne le sache.    

    Il faut noter, d’ailleurs, que ce qui fait si peur aux partis dits de gouvernement dans l’incontestable montée du Front national, ce n’est pas le fait qu’un troisième larron viendrait réclamer des places et un jour pourrait accéder à son tour au pouvoir. C’est qu’il est clair, pour tout analyste objectif, que derrière le vote FN, il y a, en fait, non pas tant un vote d’adhésion à Marine Le Pen, à des personnes ou à un programme, qu’un rejet profond de la classe politique existante, de ses pompes et de ses œuvres, comme, d’une manière générale, de la classe dirigeante qui s’acoquine avec le système, journalistes, financiers, conseillers, hommes d’affaires formant l’entourage des hommes de pouvoir. 

    L’implacable logique de parti 

    Un nombre de plus en plus grand de Français – en fait une majorité comme l’ont révélé les enquêtes – n’a plus confiance en ses dirigeants. Un certain nombre d’entre eux, en raison du langage du FN sur quelques sujets cruciaux, accordent leur bulletin à cette formation politique qui tranche avec les autres. En réalité, il est facile de déceler sous ce vote un refus du régime des partis ; et le paradoxe de la situation tient au fait que plus le FN engrange ce genre de voix, plus il se croit obliger, pour rassurer, de se montrer « normal » et donc « républicain », c’est-à-dire adepte du régime que les Français qui votent pour lui, récusent. La fureur d’un Valls s’explique par la compréhension qu’il a du phénomène : d’où ses injures. La défaite électorale le met tout à coup en présence d’une France qu’il croyait disparue. 

    Il a raison de s’inquiéter. Toutefois, malgré la stratégie de ses dirigeants, le FN s’illusionne s’il croit que le système lui laissera une place. Toutes les expériences passées prouvent le contraire. 

    L’implacable logique de parti entraîne Sarkozy sur les pas de Valls. Mais c’est pour lui une grave erreur, car l’UMP compte dans ses rangs nombre de militants qui ne demandent qu’à sortir des visées de parti. Il apparaît, de plus en plus, qu’au-delà des divisions partisanes de droite comme de gauche, comme le disent et le montrent des Guilluy, des Zemmour, des Bercoff, des Delsol et comme le démontre l’analyse des chiffres électoraux, les Français se retrouvent sur des sentiments communs de frustration, de trahison, de destruction de leur être et de leur nation. 

    Au fond, que veulent-ils ? Retrouver leur souveraineté, leur patrie, leur nationalité, leur fierté, leurs libertés réelles et, dans un monde dangereux, la sécurité intérieure et extérieure, tout ce dont le régime des partis les a privés. Ils seraient heureux surtout  de se retrouver eux-mêmes. Il leur faudrait un état simple mais fort qui assure les pouvoirs régaliens, de manière concentrée, avec une armée, une justice, une police de plein exercice et une réorganisation de la représentation nationale sur d’autres bases que ce système partisan qui rend impossible toutes les solutions humaines et durables (Lire la plaquette du cercle Vauban : Des Institutions pour la France, 7 € franco de port, Regalia 1, rue de Courcelles 75008, Paris, chèque à l’ordre de Regalia) 

    Comment ne pas y songer ? Cela viendra comme une nécessité le jour où ce régime funeste, devant la catastrophe financière, économique sécuritaire, morale qu’il aura provoquée, sera obligé de céder la place. Il vient un temps où il n’est plus intéressant d’avoir le pouvoir ; ce jour-là les parasites déguerpissent.

     

  • Le dangereux programme du candidat Macron ... S’il est appliqué, les classes moyennes seront laminées

    Matériel de campagne d'Emmanuel Macron à Marseille, avril 2017. SIPA.

     

    Par Roland Hureaux 

    Après avoir dit notre opposition à Macron, il faut surtout en formuler les raisons Etudier, analyser, avec méthode, précision et lucidité, ses idées, son programme, ses orientations, c'est ce que fait ici Roland Hureaux [Causeur 24.04]. Que nous ne puissions pas voter pour Emmanuel Macron, dans quinze jours n'est pas, alors, le plus important. Ce qui est important, est que, s'il est élu, nous aurons à combattre sa politique pour la durée d'un quinquennat.  LFAR      

     

    1871659358.jpgL’annonce en fanfare du programme d’Emmanuel Macron avait tout pour impressionner:  500 experts, 3000 ateliers avec, paraît-il, la participation de 30 000 Françaises et Français. Fallait-il tant de monde pour aboutir à un résultat aussi creux ?

    Il suffit d’écouter les Français pour connaitre leurs principales préoccupations, finalement assez simples : chômage et baisse des revenus, immigration, éducation, justice et sécurité, lourdeur de la pression fiscale et donc des dépenses publiques, système social pléthorique et désordonné.

    Le pédagogisme toujours roi

    Sur tous ces sujets majeurs, peu ou pas de propositions sérieuses.  Rien sur la justice, rien sur l’immigration (et comment cela intéresserait-il Macron qui a félicité Merkel d’avoir ouvert largement ses frontières ?), aucune réponse aux attentes des « travailleurs pauvres », immigrés compris, qui ont le sentiment frustrant d’être moins bien traités que les assistés. Rien par ailleurs sur la famille et la politique familiale –  et donc aucune perspective de revenir sur sa destruction par les socialistes.1 Et il n’est guère question de politique étrangère : pour quoi faire ? Macron compte poursuivre la politique d’alignement servile sur l’OTAN qui a valu à Hollande le mépris universel. Est seulement proposé un « quartier général européen »: pour faire la guerre à qui ?

    Sur la sécurité, les rares propositions sont d’une pauvreté affligeante : retour à la police de proximité (dite « police de sécurité quotidienne »), « ne plus tolérer les incivilités », plus vite dit que fait. « Toute peine prononcée sera exécutée », mais encore faut-il que ces peines soient prononcées, ce qui n’est pas évident aujourd’hui vu les dérives de la justice, dont Macron ne s’émeut pas.

    Sur l’éducation, à quoi sert de proclamer que l’on donnera « la priorité à l’école primaire » si on n’en change pas les méthodes, ce dont il n’est nullement question ? Ou de donner plus d’autonomie à des chefs d’établissement habitués à ne pas faire de vagues ? Ne sont remis en cause ni les méthodes pédagogiques aberrantes, ni le tronc commun, ni la réforme désastreuse du collège par Najat Vallaud-Belkacem, ni celle des rythmes scolaires, réformes que même Jean-Luc Mélenchon veut abroger.

    Pas question non plus de « la France périphérique », provinciale et rurale, qui souffre et dépérit : on peut imaginer que le quart des départements qu’il projette de supprimer sont de cette France-là.

    L’affaiblissement de l’Etat

    Les Français croulent sous les impôts : le programme prévoit de supprimer la taxe d’habitation, la seule que tous, Français et étrangers, payent. Il prévoit aussi la baisse de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 20 % et, comme Fillon, l’abrogation de l’ISF. Quoique cela ne soit pas dit, Macron envisage de compenser ces baisses par un super-impôt foncier. Moins d’impôts pour le haut et le bas de l’échelle, encore plus pour les classes moyennes, soit les 58 % de Français ayant un bien foncier, qui seront un peu plus laminés.

    Sur les 96 propositions, 27 annoncent une augmentation des dépenses, presque aucune ne tend à les réduire; il est seulement question de « lutter davantage contre la fraude fiscale ou sociale », ce qui laisse supposer que le ministre Macron ne le faisait pas assez. Propositions dépensières : augmenter le minimum  vieillesse de 100 € par mois, augmentation de  l’allocation adulte handicapé de 100 €  aussi, extension du  bénéfice de l’assurance chômage à ceux qui démissionnent, remboursement à 100 % des lunettes et des prothèses dentaires,  plan de 5 milliards pour la santé, de 5 milliards pour l’agriculture,   grand plan d’investissement de 50 milliards, 2% du PIB pour la défense nationale (précisément l’objectif fixé par l’OTAN), soit au moins 20 milliards de plus. Ajoutons : « Nous augmenterons les salaires de tous les travailleurs, des ouvriers, des employés » d’un 13ème mois. Le Fonds pour l’industrie et l’innovation, prévu en sus, sera financé par la vente des participations  de l’Etat dans les industries stratégiques, ce qui va encore affaiblir sa capacité de manœuvre. De politique industrielle, il est à peine question chez celui qui a autorisé la cession d’Alstom à General Electric.

    Comme Marine Le Pen et à la différence de François Fillon, Emmanuel Macron maintient la retraite à 60 ans, sans même exiger, comme elle, 40 ans de cotisation.

     

    L’Europe, l’Europe…

    Macron a beau promettre de « construire une Europe qui développe nos emplois et nos économies », qui « protège nos industries stratégiques », on sait bien qu’elle a fait le contraire jusqu’ici. Il ne servira donc à rien de réunir « des conventions citoyennes pour redonner un sens au projet européen » (toujours le peuple ignare à qui on a mal expliqué les choses !) si le logiciel de l’Europe de Bruxelles n’est pas revu en profondeur.

    François Fillon est pour le maintien de l’euro mais il intègre à son programme les disciplines que cela implique (abrogation des 35 heures, retraite à 65 ans, réduction de la fonction publique). Emmanuel Macron est pour l’euro mais sans les disciplines qu’implique son maintien. Marine Le Pen les refuse aussi mais se propose de mettre fin à l’euro. François Fillon et Marine Le Pen, chacun à leur manière, sont cohérents. Emmanuel Macron, lui, ne l’est pas. Si son programme était appliqué, il ne lui resterait qu’à faire comme François Hollande : attendre le retour de la croissance pendant cinq ans en regardant d’un air désolé grimper chômage et déficits, ce qu’il faisait comme principal conseiller économique de l’actuel président.

    Autres contradictions sur l’Europe : il propose que les agriculteurs « soient payés au prix juste » et ne vivent plus de subventions, alors même que c’est Bruxelles qui a imposé en 1992 la réforme de la PAC laquelle a remplacé la rémunération par les prix par une rémunération par les primes. Comment d’ailleurs concilier ces intentions avec la volonté d’étendre le libre-échange à travers l’accord économique et commercial global (CETA), traité euro-canadien qu’il est le seul candidat à soutenir et qui fera encore baisser les prix ?

    Hollande en pire

    Loin de laisser espérer plus de liberté, le programme d’Emmanuel Macron annonce en outre, entre les lignes, le resserrement de toutes les contraintes bureaucratiques et idéologiques liées à la pense dominante: environnement (50 % de produits bios dans les cantines ou mise à la casse des vieilles voitures), parité à tous les étages, non-discrimination à tout va : « Nous ferons de la lutte contre la discrimination une priorité nationale » ; et même discrimination positive sous la forme d’ « emplois francs » pour les ressortissants de certaines banlieues. Le nom des entreprises ne respectant pas la parité homme/femmes sera rendu publique.  Evaluation systématique des services publics dont on sait le  caractère arbitraire des critères. En perspective, une société orwellienne où la pression du politiquement correct se fera encore plus étouffante. Bonjour le candidat jeune et libéral !

    Tout cela est assorti, ficelle un peu grosse, de quelques propositions ponctuelles clinquantes: interdiction de téléphones portables à l’école primaire et au collège (et au lycée ?), ouverture des bibliothèques le soir et les week-ends, un pass culturel (ce que font déjà beaucoup de maires), remboursement des lunettes et des prothèses dentaires à 100%. L’enseignement du fait religieux à l’école, vieille lune là aussi, fait craindre des abus.

    Rares propositions positives : le rétablissement de classes bilingues, promis aussi par François Fillon, et la limitation des sessions parlementaires.

    En résumé, ce programme, souvent flou et toujours démagogique laisse apparaître le prolongement et même l’aggravation des tendances majeures du quinquennat Hollande : immigration non contrôlée, déclin du système éducatif, explosion de la délinquance, sacrifice des familles et dénatalité, alourdissement des dépenses publiques et de la fiscalité, persistance d’un volant de chômage, système social injuste, police de la pensée. C’est ce qui explique sa pauvreté, mal masquée par le « bling bling » : la société du spectacle, chère à Guy Debord, est plus que jamais « en marche ».

    La philosophie générale de son programme est claire : davantage d’Europe et d’ouverture des frontières (aux hommes, aux marchandises, à la finance), pour une société mondialisée où la France, coupable de crimes contre l’humanité et qui, dit-il, n’a pas de culture propre, ne pèsera guère. Tout ce que demande le peuple… 

     
    * Sauf les familles immigrées principales bénéficiaires des allocations « ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin », les natifs pauvres n’ayant plus guère d’enfants. 

    Roland Hureaux
    essayiste

  • Fin de régime

    La visite de François Hollande à Mont-de-Marsan 

     

    Par Hilaire de Crémiers

    Analyse. Les élections présidentielles ne peuvent déboucher avec les législatives qui suivent, que sur une crise de régime.

     

    Mon bureau 3 Lucs.jpgLes sycophantes mènent leur ballet. Institution éminemment démocratique qui sévissait déjà dans l’Athènes décadente. La dénonciation sort des officines de la Hollandie, file vers les salles de rédaction, excite les magistrats, incendie les réseaux sociaux. Chacun se croit en droit de juger. Le parti socialiste, toute la gauche dite de gouvernement qui joue les offusqués, oublie aujourd’hui les scandales qui ont défrayé la chronique de la Mitterandie pendant plus d’une décennie, après les premières révélations de l’affaire Urba en 1991. 

    Le passé, le présent et le futur

    Ils ont enterré Henri Emmanuelli samedi 25 mars en grande pompe républicaine à Mont-de-Marsan. Tous les caciques de la Gauche installée, prébendée, rémunérée et nourrie – que de pauvres gens ! – étaient là, alignés sur leurs chaises, à côté de François Hollande. À quoi pensaient-ils, tous, avec ces regards perdus, comme affaissés sur de douloureux abîmes intérieurs. Ces beaux messieurs qui affectent avec condescendance l’affranchissement de toute foi religieuse, songeaient peut-être que ce serait, comme dit le poète, bientôt leur tour. Finie la vie ! Les confortables prébendes et la jouissive fièvre de la politique politicienne ! Eux aussi, mais oui, tout comme lui, ils y passeront ! Hollande s’est voulu bravache, selon son habitude. Braver Dieu, en se croyant drôle, c’est son truc depuis ses 18 ans. Comme ses compères, à peu près tous à son image, sortis des bons collèges ! « Si Dieu existe, et que Henri l’a rejoint, il aura fort à faire avec lui. Mais que Henri sache bien – tiens, mais comment pourrait-il savoir ? – que la République aujourd’hui le salue et ne l’oubliera jamais ». La République est-elle donc une divinité ? Parle-t-elle et voit-elle, ou est-ce Hollande qui la fait parler et voir avec son ton de prédicateur ? Ah, les idoles ! Le psalmiste déjà s’en gaussait : « Os habent et non loquentur, oculos habent et non videbunt ».

    Mais cet Henri Emmanuelli dont Hollande a fait l’éloge, avait été condamné en 1997 à dix-huit mois de prison avec sursis et à deux ans de privation de droits civiques. En tant que trésorier du parti socialiste ! Péché pardonné donc. L’onction républicaine couvre tout. Il est bon de se sentir purgé. Les lois d’amnistie, d’auto-amnistie devrait-on préciser, de 1988–1990 sont censées avoir tout mis au net. Grâce soit rendue à la République et à l’efficace de ses sacrements ! Pourtant les faits peccamineux ont continué par la suite, tant du côté socialiste que du côté du RPR et de l’UMP. Faut-il reprendre la longue litanie des « affaires » ? Jusqu’à Cahuzac, Le Roux… ? Et les comptes de campagne pour les présidentielles validés par le Conseil constitutionnel pour le bon ordre républicain, ainsi que l’a révélé Dumas ? 

    Politique d’initiés

    Hollande lui-même, avec tous ses réseaux, n’a-t-il pas pratiqué avec délectation ces arcanes du pouvoir, en mystérieuses initiations ? Tous les livres qui paraissent sur lui, écrits pour la plupart par des journalistes de gauche, prouvent sa suffisance autant que sa maîtrise en la matière. Il met toute sa vanité dans cette manière d’être : je suis celui qui sait. Le ridicule n’est pas loin.

    Ce n’est pas pour rien qu’il est allé en pèlerinage rue Cadet le 27 février dernier, premier chef de l’État à rendre ainsi une visite officielle au temple des temples. Il s’agissait, bien sûr, de rendre grâce... à la « divinité », mais aussi d’appeler à l’aide avec grande imploration, selon la tradition des loges, dans l’implacable lutte contre toute résurgence dans la vie publique nationale du moindre soupçon de tradition française et chrétienne. Lutte acharnée qui autorise tous les coups et dans laquelle lui-même se dit, jusqu’en ses déplacements à l’autre bout du monde, totalement investi comme d’une mission supérieure et qu’il a bien l’intention de poursuivre après la fin de son mandat. Il n’est pas inutile d’écouter le baragouin de cet homme, par ailleurs profondément inculte et qui n’a réussi sa carrière qu’en ayant l’intelligence mécanique de réciter, aussi sottement qu’il le fallait, tous les poncifs de la croyance officielle. 

    Ce que voudrait la France

    La question aujourd’hui, à quelques jours maintenant de l’élection présidentielle, est parfaitement claire. Le peuple français, dans la mesure où il en reste encore un, est majoritairement dans un état d’esprit que l’analyse électorale qualifie de droite. Il veut l’ordre, la justice, la paix sociale, l’arrêt de la submersion migratoire, le respect des libertés, la sauvegarde des familles, la protection du patrimoine tant public que privé, l’intégrité du territoire national et la garantie des frontières, la fin de la bureaucratie inutile, la liberté d’entreprendre, de vivre et d’éduquer, le changement radical dans la conception même de l’Europe dont l’anniversaire du traité fondateur n’a suscité aucune liesse, la sortie des filets contraignants de Bruxelles, la relance économique pour en finir avec le chômage de masse. Bref une France souveraine et fière qui retrouve son indépendance et capable d’effectuer au-delà des partis les réformes indispensables ; et il y en a beaucoup à faire qu’aucun parti au pouvoir ne fera jamais. Voilà ce que pense au fond une bonne partie des Français qui, sans le dire ni même sans se le dire de manière consciente, ne croient plus dans les institutions telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui ; il est, d’ailleurs, quelques enquêtes d’opinion – rares mais sûres – pour le manifester clairement.

    Ce qui se passe en Guyane est sur ce point révélateur. Le gauchisme taubiresque n’a rien à voir avec le problème qui, toutes proportions gardées, ressemble à celui de la France et de toute son outre-mer. Territoires abandonnés, au motif de politiques aussi stupides que prodigues en gabegies insensées ! Telle est la réalité partout. Ça commence à se savoir et à ne plus se supporter. La dérisoire visite des deux ministres de l’Intérieur et des Outre-mer, deux fantômes du moment aux noms inconnus, Fekl et Bareigts, ne changera rien au fond de la situation guyanaise.

    Alors cette France va voter. Et comme prévu, mécaniquement, elle va se diviser ou s’abstenir par dégoût. La simple addition des chiffres montrera mathématiquement qu’elle est, selon la terminologie partisane, profondément de droite. Fort mal représentée et encore plus mal gouvernée. Et tout est fait en ce moment pour que ça continue. Comme avant. Le poids du régime écrasera toutes les velléités d’en sortir. Macron qui prétend s’en libérer, n’y arrive pas plus que les autres : les ralliements à son En marche ! sont autant d’entraves pour demain. Tout le monde veut être de la partie qui se jouera avec les législatives. Les vieux apparatchiks tentent de se refaire une jeunesse. Aucun candidat à l’élection présidentielle – si déterminé soit-il – n’est en état de dominer la situation. Ne parlons ni d’Hamon ni de Mélenchon qui ne songent qu’aux recompositions futures. Macron n’est flou que de son incapacité totale de gouverner et d’avoir une majorité. Fillon se heurtera aux obstacles de la machine républicaine dont les premiers seront dressés par son propre camp : composer ou se casser. Marine Le Pen aura contre elle tout l’établissement qui tient l’administration et enserre presque la totalité de la vie politique et culturelle du pays.

    C’est littéralement sans solution. S’imaginer que le système changera parce qu’on en prendra la tête – à la place des autres, bien sûr – est un rêve. Il va encore coûter cher. La désillusion et le désespoir qui s’ensuivront, et désormais très vite, aggraveront la crise de régime. Car, maintenant, la question politique se pose avec une violente acuité : ce n’est plus une question de système comme l’affirment tous les candidats ; c’est une question de régime.  • 

  • Jean-Michel Quatrepoint : « Un super État islamique aux portes de l'Europe est possible »

     

    ENTRETIEN - L'effondrement du régime d'Assad est désormais une hypothèse plausible pour le journaliste Jean-Michel Quatrepoint, vice-président du Comité Orwell. De même qu'un Etat islamique durablement installé aux portes de l'Europe. Dans cet entretien réalisé par Alexandre Devecchio pour Le Figaro, Jean-Michel Quatrepoint développe des analyses réalistes à l'opposé de la diplomatie idéologique conduite aujourd'hui par les Etats dits « occidentaux ». Nous n'avons jamais rien dit d'autre dans Lafautearousseau.  

                 

    4163199303.jpgLe 21 mai dernier, la cité antique de Palmyre tombait aux mains de l'État islamique. Cela a-t-il marqué un tournant géopolitique? Bachar el-Assad est-il menacé ? 

    Bachar el-Assad tente d'organiser une zone de défense dans le réduit alaouite sur le littoral. Mais Daech progresse inéluctablement. Au sein du régime d'Assad, c'est un début de sauve-qui-peut. L'armée est épuisée. Les hauts dignitaires se disent qu'il vaut mieux partir trop tôt que trop tard. Les Russes commencent à évacuer leur personnel, ce qui n'est pas bon signe. L'affaiblissement du régime ne renforce pas les opposants dits démocratiques, qui ne représentent pas grand-chose, mais bien la seule force offensive de la région qu'est Daech. 

    Lorsqu'il y a des mouvements révolutionnaires, ce sont toujours les extrêmes qui l'emportent dans un premier temps: la terreur jacobine contre les modérés girondins, les bolcheviks contre les mencheviks. On ne peut plus exclure aujourd'hui que Daech prenne, dans les semaines ou les mois qui viennent, le contrôle quasi-total de la Syrie. L'État islamique aura ainsi un territoire qui s'étendra sur la Syrie et la moitié de l'Irak. Le Liban, mosaïque ô combien fragile, va également être totalement déstabilisé. Enfin, Israël a joué avec le feu en appuyant la chute de Saddam Hussein et peut-être bientôt celle de Bachar el-Assad, et en faisant de l'Iran et des chiites ses principaux adversaires. Les combattants du Hezbollah ou du Hamas sont des enfants de chœur à côté des djihadistes de Daech. Les Occidentaux vont regretter Bachar el-Assad comme ils regrettent Saddam Hussein ou Kadhafi. Le regard des Européens est encore tourné vers la Russie alors que la véritable menace se trouve de l'autre côté de la Méditerranée avec Daech. Il faut bien comprendre que l'État islamique est messianique et a pour but de nous islamiser. C'est toute la différence entre chiisme et sunnisme. Les chiites ne sont pas messianiques, hors de la sphère musulmane. L'Iran n'a pas de volonté de conquête. La vraie ambition des sunnites fondamentalistes est au contraire d'aller toujours plus loin. 

    Le Maghreb pourrait-il à son tour être affecté ? 

    La Tunisie est une poudrière. En Algérie, la gérontocratie au pouvoir est en bout de course malgré le souvenir de la guerre civile qui fait que la population algérienne reste très hostile aux islamistes. Au Maroc, le roi commandeur des croyants a encore une légitimité auprès de sa population. Mais en profondeur l'islamisme radical gagne du terrain partout. À terme, toutes les frontières de la région pourraient exploser et laisser place à un super État islamique aux portes de l'Europe. 

    Pendant ce temps-là, nous débattons pour savoir si être islamophobe, c'est être fasciste. Le problème n'est pas là. À l'intérieur de l'islam, il y a désormais une faction qui recrute massivement et qui a décidé d'imposer sa propre vision du monde et de la société. Le fascisme d'aujourd'hui, c'est le djihadisme. Et il est à nos portes. La communauté musulmane doit en être consciente et prendre ses responsabilités. Elle se trouve, toutes proportions gardées, dans la même situation que les Allemands à la veille de l'arrivée au pouvoir d'Hitler. 

    L'avancée de Daech au Moyen-Orient est-elle inéluctable? Qui pourrait s'y opposer ? 

    Apparemment personne. Les frappes de la coalition, plus de quatre mille, ont été non seulement inefficaces, mais aussi contre-productives. Les djihadistes ont appris à se camoufler. À chaque dégât collatéral, les populations sunnites se rangent du côté de Daech. Les Kurdes sont les seuls jusqu'à maintenant à avoir pu réellement s'opposer à Daech et à avoir reconquis un petit territoire à Kobané. Mais il serait suicidaire pour eux d'aller affronter Daech hors du territoire kurde. Ils tiennent leur territoire et n'iront pas au-delà. L'Iran, bloquée par la Turquie, ne peut pas faire passer de troupes. Ce ne sont pas les Saoudiens ou les Turcs qui vont lutter contre Daech. L'ambiguïté turque et saoudienne demeure très importante. Le jour où adviendra un super État islamique, on peut être certain que la Turquie et l'Arabie saoudite continueront de composer, voire au-delà, avec eux. Daech est en train d'asphyxier tous ses adversaires. 

    Une intervention militaire au sol n'est-elle pas envisageable ? 

    Personne ne veut ou ne peut intervenir au sol. Barack Obama ne souhaite pas se mettre à dos son opinion publique et désire réduire le budget militaire. La défense européenne est entièrement soumise à l'Otan qui n'a aujourd'hui qu'un ennemi potentiel, la Russie. Quant à l'armée française, elle est exsangue et ne peut pas multiplier les opérations. Nous sommes au Mali et avons quelques forces spéciales ailleurs. Mais cela fait vingt ans que les gouvernements successifs réduisent le budget de la défense. Nous en payons le prix aujourd'hui. Les frappes de la coalition sont entièrement pilotées par les États-Unis. Les Américains manipulent les drones avec leurs opérateurs. Les autres membres de la coalition, dont l'Union européenne, ont seulement le droit à un petit bureau avec un poste de travail et deux écrans. Leur rôle se limite à un travail de présence et de surveillance. 

    L'instabilité de la région conduit les migrants à fuir en masse d'autant plus que la Libye est également en plein chaos. Comment résoudre le problème ? 

    Les opérations conjointes des marines européennes pour bloquer les flots de migrants sont une aimable plaisanterie. Les réseaux de trafiquants n'affrètent plus de gros bateaux, mais de petites embarcations. Ils ne mettent plus leurs hommes aux manettes, mais nomment un chef de groupe parmi les migrants qui sait vaguement conduire le bateau. Ils lui donnent le numéro d'urgence des gardes-côtes et au milieu de la Méditerranée, ces derniers viennent les sauver pour les ramener en Europe. Les trafiquants sont tranquilles et empochent des sommes considérables sans prendre de risque. 

    Deux solutions complexes sont avancées par les professionnels. La première est d'effectuer des frappes ciblées ou des raids par des commandos des forces spéciales pour détruire les navires au repos avant l'embarcation des passagers. Des problèmes risquent néanmoins de se poser: celui du cadre juridique -autorisation des dirigeants libyens, résolution de l'ONU- et celui des dégâts collatéraux. Est-ce que les médias et les opinions publiques européennes sont prêts à accepter des victimes innocentes parmi les migrants et dans les villages libyens? On peut se poser la question, mais on ne fait pas de politique avec des bons sentiments et une mentalité de bisounours. 

    La deuxième solution complémentaire est de tarir les flux à la source. Les réfugiés empruntent des pistes qui passent par le Mali, le Niger, le Tchad puis la Libye. Ils sont convoyés par des passeurs: les mafias, mais aussi l'État islamique, qui joue un rôle de plus en plus important. Les Européens doivent faire pression sur les pays africains, qu'ils aident, pour mettre de l'ordre. Si ces derniers n'en sont pas capables, ce sera à nous le faire. À long terme, il faudra également enfin mettre en place une vraie politique de développement en Afrique. Malheureusement pour le moment, les Européens se contentent d'accueillir toute la misère du monde et de faire pleurer dans les chaumières. Cela ne résout rien.    

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. Il a travaillé entre autres au Monde, à la Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir.

    Dans son dernier livre, Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde ? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maitres sur la mondialisation : les Etats-Unis, la Chine et l'Allemagne.

    Alexandre Devecchio - Le Figaro