Action française Chalon sur Saône : HOMMAGE !
Les militantes et militants de L'Action Française Chalon-Sur-Saône ont rendu hommage à leur camarade qui a été rappelé par Dieu dans sa 95ème année.
UA-147560259-1
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Les militantes et militants de L'Action Française Chalon-Sur-Saône ont rendu hommage à leur camarade qui a été rappelé par Dieu dans sa 95ème année.
A Compiègne (Oise), la section de l’Action française compte une poignée d'adhérents, mais de nombreux sympathisants.LP/Alexis Bisson
Jouissant d’un regain de popularité auprès d’un public rajeuni,l’association royaliste et nationaliste, revigorée en dépit d’une base idéologique inchangée, enchaîne les ouvertures de sections locales. Elle étend son maillage aux nouvelles plateformes de communication, dans un curieux mélange avec ses convictions traditionalistes.
« Attendez, je vais chercher mes notes. Qu’est-ce que j’ai fait de ce carnet...Ah ça y est, le voilà. L’immigration au vu de l’intérêt national. » Il aura fallu quelques instants à Adrien*, 26 ans, pour remettre la main sur un cahier qu’il semble avoir rempli avec beaucoup d’application. « J’avais pris pas mal de notes ce soir-là, il y avait tout un cheminement qui découlait de la pensée maurrassienne, j’ai trouvé ça très intéressant. » « Ce soir-là », en novembre dernier, l’Action française animait une conférence à Compiègne, dans l’Oise.Deux ans d’existence à peine et l’antenne compiégnoise de l’association royaliste fondée en 1898, héritière de la pensée de l’idéologue nationaliste et antisémite Charles Maurras, a su capter une partie de la population locale.Elle vient de créer son propre compte Instagram, lequel recense un peu plusde 200 abonnés en quelques jours seulement. 200 abonnés pour une section locale, mais plus de 12 000 followers sur le compte national - coloré de fleurs de lys et de drapeaux tricolores - de celle que ses fidèles appellent « l’AF ».
Militants pour le retour d’un roi, ces fervents soutiens de la Manif pour tous,proches de l’extrême-droite bien qu’ils s’en défendent, se refont une santé,boostés par les confinements successifs qui ont accru leur présence sur les réseaux sociaux. Ce succès grandissant sur les réseaux sociaux trouve un écho dans le réel : chaque mois, l’Action française revendique a minima une nouvelle antenne en France.
Caen, Nîmes, Alès... Début mars, au moins trois ont vu le jour. Toutes n’ont pas de locaux à proprement parler, mais des réunions s’organisent dans la limite de ce que permet la crise sanitaire.
Pas de quoi surprendre Jean-Yves Camus, directeur de l’observatoire des radicalités politiques. « Depuis ses origines, l’Action française a un maillage assez fin du territoire, rappelle-t-il. Avant-guerre, elle avait des sections dans absolument toutes les grandes villes, des fédérations dans tous les départements. » Une implantation qui incombait en grande partie à la vision décentralisatrice de Charles Maurras, mais qui trouve aujourd’hui un nouvel élan insufflé par les réseaux sociaux... Et le confinement.
«Tout le monde est le bienvenu à l’AF »
Adrien en est le parfait exemple. Animé par une défiance à l’égard du gouvernement et des médias, soucieux de porter haut le patrimoine et l’histoire française, promoteur de la bonne chère hexagonale, mais surtout ouvertement nationaliste : le jeune homme avait de quoi intéresser le mouvement antirépublicain.
Son compte Instagram a attiré l’attention de Virgile Dévot qui, à 22 ans,préside la section compiégnoise de l’Action française. « J’avais réagi à des posts sur l’Instagram de l’AF national et il est venu me parler en message privé », explique Adrien. Si le recrutement dans la vie réelle s’effectue dans une apparente décontraction, les recruteurs de l’Action française restent néanmoins prudents. « J’ai rencontré Virgile en juin, il voulait faire connaissance,explique Adrien. J’ai parlé de mon parcours, de mes pensées. Tout le monde est le bienvenu à l’AF, mais Virgile prend soin de rencontrer des gens du secteur pour voir si ça tient un peu la route, si l’on ne va pas décrédibiliser le mouvement. »
Adrien, qui n’a jamais adhéré formellement à l’Action française mais prend à cœur son statut de sympathisant, rencontre alors des gens qui, comme lui,partagent quelques idées communes. « Ce qui est intéressant avec l’AF c’est le côté formation ouverte à tous, pour les membres ou même les simples curieux, estime Adrien. Là par exemple, j’avais assisté à une conférence sur Discord intitulée Qu’est-ce qu’un Coup d’Etat. »
Instagram, Twitter, TikTok, Discord...
C’est justement sur Discord, un réseau social initialement dédié aux joueurs de jeux vidéo, que l’Action française a développé ses conférences en ligne. «C’est notre grande réussite depuis un an et demi, on a monté un Discord qui est à 2000 abonnés, se targue Francis Vicenton, secrétaire général adjoint de l’AF. Sur ce média, l’association royaliste tient une conférence par semaine. «Inscription sur les réseaux en message privé », précise une affiche annonçant une conférence ce samedi.Régulées par les membres de l’AF, ces conférences, qui ont toujours participé de l’identité du mouvement, trouvent un nouveau public. Chacune des réunions en ligne recense au moins 150 personnes. « Régulièrement on dit qu’on est mort et finalement, il y a toujours des jeunes qui arrivent avec des profils très différents, s’enthousiasme Francis Vicenton. Notre visibilité s’est améliorée grâce à ces outils. Aujourd’hui quelques-uns de nos militants se mettent à TikTok, très bien ! Ce qui nous intéresse c’est le pays réel, alors s’il faut passer par certains canaux, pas de problème. »Cette nouvelle formule, qui consiste à utiliser les outils de communication les plus modernes pour véhiculer une idéologie plus que centenaire et éminemment conservatrice, amuse Jean-Yves Camus. « Si la génération des années 1970-1980 voyait aujourd’hui son mouvement communiquer sur Telegram ou Instagram,ils en seraient sûrement absolument navrés», sourit le directeur de l’Observatoire des radicalités politiques.Relayer les actions coups-de-poing. Pour le secrétaire général de l’Action française, François Bel-Ker, concilier traditionalisme et réseaux sociaux n’a rien d’antagoniste. « La communication qu’on emploie aujourd’hui est simplement une caisse de résonance. L’Action française regroupe 2000 jeunes de moins de 20 ans,alors les moyens de communication modernes nous permettent de former,informer, relayer nos actions. » Des actions dont le côté spectaculaire permet là encore d’attiser la curiosité sur les réseaux sociaux.Le 25 mars, des militants AF font intrusion au sein du Conseil régional d’Occitanie pour dénoncer « l’islamo-gauchisme de la présidente de région »,Carole Delga. Les images sont relayées par le mouvement, et parfois par leurs opposants, qui s’en indignent. « Ils sont souvent notre meilleur relais »,ironise Francis Venciton. La communication prend et profite au mouvement royaliste. « Si vous voulez nous soutenir dans nos actions, n’hésitez pas à
Propos recueillis par Gabrielle Monthélie. Pouvant ouvrir à un débat entre maurrassiens et au-delà.
Axel Tisserand continue son travail d’exploration de la pensée de Charles Maurras et publie ces jours-ci, aux éditions Téqui, un livre qui fera date : Actualité de Charles Maurras, Introduction à une philosophie politique pour notre temps.
Il est vrai que Maurras n’est aussi souvent cité qu’à proportion qu’il est honni. Déjà, en 2012, ouvrant un colloque pour les 60 ans de sa mort, je remarquais : « L’aversion à l’égard de Maurras est inversement proportionnelle à son éloignement historique. Plus il devient une figure de l’histoire, plus il est honni. Nous sommes passés d’une condamnation de sa doctrine à une damnation de tout ce qu’il représente… ou plutôt de tout ce qu’on lui fait endosser, de ce à quoi on le réduit. » J’ai pu reprendre ce propos, mot à mot, dans l’introduction de mon livre, puisque, en 2018, le 150e anniversaire de la naissance du Martégal l’a montré, la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire : cet anniversaire a donné lieu à des anathèmes médiatiques et des palinodies officielles, qui n’ont honoré ni le politique ni l’intelligence. Le fantôme de Maurras continue de hanter la mémoire nationale. Comme un remords ? On sait que Maurras, de l’aveu même de ses adversaires les plus intelligents (Mauriac ou Étiemble, et ne parlons pas de l’admiration que lui vouait le résistant Jean Paulhan) a été condamné pour des raisons strictement politiques. Allez sur le site de l’INA visionner le court reportage de janvier 1945 sur le procès de Lyon : le commentaire est édifiant. Quand on sait, en plus, que le dossier d’accusation fut confié à un faussaire…
Ce que j’ai voulu, c’est non seulement en finir, sur des points cruciaux, avec le « mannequin Maurras », mais, plus encore, mettre en valeur la dimension anthropologique de sa philosophie politique, une dimension d’une actualité criante à l’heure du transhumanisme et de l’homme augmenté, c’est-à-dire… privé de son humanité. En quelque sorte, poursuivre dans la même veine que le Un autre Maurras de Gérard Leclerc, même si la comparaison peut paraître présomptueuse. C’est la raison pour laquelle j’ai également décidé de confronter la pensée de Maurras à plusieurs intellectuels contemporains importants, pour mieux montrer toute l’actualité de sa pensée.
Yves Floucat, dans la préface généreuse dont il a bien voulu m’honorer, note ce paradoxe apparent, puisque, grand thomiste, il a été également, comme il l’écrit lui-même, « profondément marqué par la pensée de Jacques Maritain ». C’est qu’on ne retient des relations intellectuelles entre Maritain et Maurras que le divorce, à l’initiative du premier, en raison des sanctions pontificales de décembre 1926 – parler de condamnation est un abus de langage, puisqu’il n’y a eu, comme l’observe Yves Floucat, « aucun texte magistériel […] de la main de Pie XI ». D’ailleurs, les sanctions furent levées en 1939 sans que l’Action française renonce à aucun point de sa doctrine. En 1927, Maritain fut même chargé de justifier ces sanctions sur le plan doctrinal, lui qui, quelques mois plus tôt, avait publié un livre, Une Opinion sur Charles Maurras, montrant en quoi être d’Action française n’était pas incompatible avec la foi catholique. Ne revenons pas sur cet épisode douloureux ni sur les raisons pour lesquelles Maritain a choisi alors, contrairement à Bernanos, l’obéissance jusqu’à brûler ce qu’il avait jusque-là, sinon adoré, du moins justifié. Comme l’écrit fort justement Yves Floucat, « peu nombreux sont ceux qui ont relevé que son rejet de la démocratie rousseauiste, commandant selon lui l’idéologie démocratiste moderne, était resté intact » dans la pensée de Jacques Maritain. C’est une évidence : la rencontre entre Maurras et Maritain, au début du XXe siècle, loin d’être un malentendu, reposait sur un fond commun : Aristote et Thomas d’Aquin. C’est sur ces deux penseurs que, dans une perspective différente, l’une politique, l’autre théologique, Maurras et Maritain se sont rencontrés. Le dialogue a été interrompu mais rien n’interdit de le reprendre. Comme l’écrivait déjà en 2011 Yves Floucat, dans le numéro 55 de Liberté politique : « Il est légitime (audacieux, hasardeux ou utopique diront peut-être certains) de se demander si le moment n’est pas venu, pour les disciples du “Paysan de la Garonne” comme pour ceux de l’auteur de l’Enquête sur la monarchie, de renoncer à tous les apriorismes réciproques et de revisiter avec discernement et un juste esprit critique l’œuvre de leur maître. […] Face à la dérive subjectiviste et relativiste programmée des démocraties selon un horizon idéologique « droit-de-l’hommiste », ils pourraient trouver, dans le seul souci de la justice sociale et du bien commun, quelques points d’entente essentiels.
Ils s’accorderaient sur un antilibéralisme et un antidémocratisme qui, tout en revalorisant les principes d’autorité, de légitimité, de souveraineté, de représentation de la nation dans ses diverses composantes, et d’incarnation du pouvoir, les conjugueraient harmonieusement aux libertés concrètes, et attribueraient ainsi – comme un Pierre Boutang, authentique disciple fidèle et inventif de Maurras, avait su le faire – sa véritable place au consentement populaire ». Rien à ajouter.
Maurras, je viens de le dire, se situe explicitement dans la tradition aristotélo-thomiste. Jean-Louis Lagor (Jean Madiran) avait montré, au sortir de la guerre de 1945, la compatibilité entre le thomisme et la pensée maurrassienne dans un travail remarquable que Maurras avait salué dans une longue lettre-préface. Mon objectif est différent : j’ai souhaité montrer combien la pensée du Martégal est imprégnée, pour le fond comme pour la forme, d’aristotélo-thomisme. Maurras n’a pas pour dessein d’ajouter quelque chose au legs de cette tradition mais de la relire pour son temps, et pour le nôtre, après la rupture anthropologique des Lumières et la volonté de créer un homme nouveau que partagent toutes les versions de la modernité totalitaire – non seulement le communisme ou le national-socialisme, mais le libéralisme contractualiste, qui en est, de ce point de vue, la matrice. Les sociétés occidentales, avec la remise en cause de toute loi naturelle et la volonté non plus de créer un homme nouveau mais de dépasser l’humanité elle-même, en vivent les ultimes conséquences. Pour Maurras, agnostique, il s’agit, avec l’empirisme organisateur, « compromis laïc », d’édifier une philosophie provisoire, au sens cartésien du terme, dont il observe qu’elle correspond en tout point aux exigences de la doctrine sociale de l’Église et aux présupposés thomistes. Ainsi Maurras admet-il ouvertement que le compromis qu’il suggère, par une sorte de ruse métaphysique, est compatible en tout point avec la philosophia perennis.
Il ne faut jamais rien mettre sous le boisseau ! Comme l’Évangile nous l’enseigne, c’est même totalement inutile ! Du reste, d’une manière totalement anachronique et réductrice, Maurras est devenu aujourd’hui un écrivain « antisémite », voire le paradigme de l’écrivain antisémite, alors qu’il était connu auparavant pour être le doctrinaire du nationalisme intégral, c’est-à-dire de la monarchie. Il fallait donc aborder la question de front, ce que j’ai essayé de faire. Je ne saurais trop remercier Pierre-André Taguieff pour la lecture attentive qu’il a bien voulu faire de mon chapitre sur la question, de ses observations et des textes qu’il m’a fait connaître. Oui, Maurras était antisémite, oui, son antisémitisme est la conjonction de l’antijudaïsme chrétien et de l’antisémitisme social propre au XIXe siècle, qui n’a épargné aucune tradition politique de l’époque. Non, Maurras n’a jamais professé un antisémitisme racial – le racisme lui a toujours fait horreur – , non l’antisémitisme n’est pas central dans sa doctrine. Comparer Drumont et Maurras est, de ce point de vue, un contresens complet. L’enkystement intellectuel de Maurras sur la question antisémite permet, paradoxalement, de le localiser dans sa doctrine, pour mieux l’en extirper. L’antisémitisme n’a produit dans sa pensée aucune métastase : il ne constitue pas, aux yeux de Maurras, une explication du monde, contrairement à Drumont. Son antisémitisme est intégré à la question des quatre États confédérés, qui est un refus, avant l’heure, des effets délétères du communautarisme. On peut, on doit regretter cet enkystement sur la question de l’antisémitisme : on ne saurait s’en servir pour condamner dans son ensemble l’œuvre de Maurras pour la simple raison que, de son vivant même, on a pu être maurrassien sans être antisémite : Bainville, qui déclarait devoir tout à Maurras, excepté la vie, en est un exemple frappant. C’est d’ailleurs Maurras qui a éloigné le jeune Bainville de toute tentation raciste. C’est l’antitotalitarisme qui est central chez Maurras : c’est pourquoi j’ai aussi écrit un long chapitre sur sa lecture d’Antigone, figure qui l’a accompagné toute sa vie.
Cette expression est de Pierre Boutang, dans Aspects de la France, à la mort de Maurras. Aïeul ici reprend le sens latin de pater, qui signifie non seulement le père mais aussi le fondateur. Maurras est avant tout, absolument, un fondateur : il a fondé une école et consacré toute sa vie à édifier une défense et illustration des conditions de la pérennité de la France.
« Le combat qu’il soutint fut pour une Patrie, / Pour un Roi, les plus beaux qu’on ait vus sous le ciel. » Il n’y a donc là aucune allusion à un passé qui serait mort, enterré, passé, comme on le dit d’une couleur. Du reste, je cite ce mot de Maurras dans Romantisme et Révolution : « Ce n’est pas parce que la Révolution a prétendu au sceptre de la raison que la contre-révolution devrait le lui céder pour se confiner dans une vérification a posteriori qui ne prophétiserait que le passé. » D’ailleurs, on ne saurait à la fois reprocher à Maurras son modernisme, comme cela a été parfois fait de sa conception de la monarchie comme nationalisme intégral et ne voir en lui qu’un homme tourné vers le passé à moins de considérer a priori que toute défense de la monarchie après 1870 fait de vous un prophète du passé. Maurras a inventé, au sens archéologique du terme, c’est-à-dire découvert, les lois qui, après avoir été à son commencement, commandent la pérennité de la France.
Rappelons-nous ses mots, dans Votre Bel Aujourd’hui : « Je ne dis pas du tout comme les Allemands que ma Patrie soit le vrai, le beau, le bien. Mais mon culte de la patrie me met naturellement en règle avec les grands objets de la connaissance du beau et du bien. » C’est en cela que le nationalisme peut ouvrir sur l’universel. Dépasser les nations, aujourd’hui, c’est lui tourner le dos. Ne nous laissons pas duper par les faux prophètes d’une Europe qui n’a jamais existé. ■
Le Bien Commun, n°7 mai 2019
Face au texte que vous allez lire, la toute première réaction - que nous faisons nôtre en tous points - a été celle de notre ami François Marcilhac :
"Le titre est-il de Frédéric Rouvillois ? Pour le reste, ce qui est gênant, c'est que ni Grünewald ni Rouvillois ne nous disent EN QUOI Maurras n'aurait pas compris la spécificité du nazisme puisque À AUCUN MOMENT ils ne livrent les éléments spécifiques que Maurras (et l'AF en général) n'auraient pas compris. Aussi répéter comme un mantra que Maurras et l'AF n'ont pas compris les spécificités du nazisme ne sert de rien, sinon à satisfaire le politiquement correct."
Nous faisons nôtre aussi la réaction d'Olivier Perceval :
"...Là dessus je me fie aux jugements plus pondérés de Pierre Boutang, Gérard Leclerc, Yves Floucat, Axel Tisserand, Fabrice Hadjaj notamment, lesquels, sont critiques sans se transformer en procureurs uniquement à charge. Tout comme ceux qui n'éprouvent pas le besoin de se laver compulsivement les mains pour en montrer au monde l'éclatante propreté..."
Voici le texte, paru dans Causeur ce 15 décembre...
Auteur du "Petit dictionnaire maurrassien", nous recevions Stéphane Blanchonnet lors du premier confinement sur le serveur discord "Institut d'Action française". Questions/réponses pour s'initier à la pensée de l'Action française, et son influence sur les idées depuis 120 ans.
Affiche des rassemblements royalistes de Montmajour, Saint-Martin de Crau, Les Baux de Provence |60 x 75 cm]
Combien ont été collées de ces affiches, connues de tout le Midi dans les années 1970 et 1980 ? Au rythme de 15 à 20 000 par an, au minimum 400 000, sur une vingtaine d'années.
Montmajour devint, pour un grand nombre de Provençaux et gens du Midi, synonyme de royalisme, de rassemblement royaliste. Les Baux ont ensuite pris la relève. Le vieil insigne des Camelots du Roi en était le symbole - il s'agissait d'un rassemblement d'Action française - et l'affiche sang et or en lettres bâton dessinées, le signe reconnu ...
Début mai, mettant à profit les ponts nombreux qui le ponctuent, les affichages démarraient. Simultanément, à Marseille, Nice, Aix-en Provence, Avignon, Montpellier et à l'ouest jusqu'à Perpignan et Toulouse, au Nord jusqu'à Lyon. Chaque ville et région activait ses équipes qui recouvraient villes, routes et carrefours. Si bien que de Menton à Perpignan, de Marseille à Lyon ou Grenoble, le rassemblement royaliste du mois de juin était annoncé. Partout. C'est ce que constataient ceux qui roulaient en voiture dans le Midi. Parfois des équipes de provenance différente faisaient leur jonction au détour d'une route ou d'un village. Occasion de joyeuses retrouvailles.
Imprimées à Marseille - les premières années en Espagne, grâce au concours d'un ami Valencien, passionné par l'Action française, rencontré en mai 68 dans la multitude carliste du rassemblement de Montejurra - les affiches de Montmajour et des Baux de Provence, par leur esthétique, leur présence massive chaque année, dans les rues et sur les routes du Midi ont été pour beaucoup dans l'écho et la popularité des rassemblements royalistes de Provence ...
Mais elles s'intégraient à tout un système de communication de divers ordres : communiqués de presse, notamment dans Le Méridional, le grand quotidien régional d'après-guerre, au temps de Gabriel Domenech son rédacteur en chef et de Robert Oberdorff; des distributions de tracts par milliers; des caravanes sonorisées, avec musique et annonces. En bref, une campagne de communication globale tous azimuts d'un mois et demi ...
Ajoutons qu'il fallait aussi expliquer et, suivant le conseil de Maurras, donner des raisons. Que voulaient bien dire, politiquement, nationalement, ces rassemblements annoncés partout et dont la presse régionale comme nationale disait ensuite le succès dans de nombreux comptes rendus, articles, reportages, du Monde au Nouvel Obs ? Expliquer, donner des raisons, ce fut l'objet du Manifeste de Montmajour [1971], devenu Manifeste royaliste dans une réédition de 1972 [Illustration]... Il est bien possible que nous y revenions .... •
Comte, Maurras et Houellebecq ont d’abord en commun de voir le jour à des époques de grande césure dans l’histoire de France. On n’exagère pas en disant que chacun d’eux naît presque providentiellement au moment où le pays est plongé dans l’une des trois étapes fondamentales de son déclin, qu’ils se donneront justement pour mission de décrire et, dans des mesures assez différentes, de critiquer, dans leurs œuvres.
Comte naît en 1798, au moment où la France est au sommet de la puissance et du prestige qu’elle a acquis depuis Richelieu, puis Louis XIV, à tous les niveaux : démographique, politique, militaire, linguistique, littéraire, artistique, scientifique. Littéralement, elle règne sur le monde, pour paraphraser Joachim du Bellay, par sa langue, ses arts, ses armes et ses lois. La Révolution et l’Empire vont consommer en un ultime déchaînement d’énergie et de gloire tout ce capital accumulé depuis des siècles par la royauté capétienne, l’Église et le génie du peuple français – le premier peuple moderne à avoir eu la claire conscience, sans doute depuis la fin du Moyen Âge, de former une nation.
Maurras, lui, naît en 1868, deux ans avant la guerre franco-prussienne de 1870, qui verra une France, déjà considérablement affaiblie depuis 1815, se faire battre par une Allemagne qui lui ravira sa suprématie continentale, comme l´Angleterre lui avait déjà ravi la maîtrise des mers. Elle sera en outre amputée de ses provinces de l’Est, que l’Ancien Régime avait si durement arrachées au monde germanique. Enfin, elle connaîtra la guerre civile avec l’épisode de la Commune et un début de crise démographique qui conduira à une première forme de recours à l’immigration.
Michel Houellebecq, enfin, naît en 1956, en pleine décolonisation, processus entraînant la disparition de ce motif de fierté que pouvaient représenter, à tort ou à raison, pour les Français ces immenses taches roses sur les atlas géographiques figurant leur immense empire ultramarin (même s’il était composé en grande partie des sables du Sahara, à la différence du très rentable Empire britannique), mais aussi aux prémices des quatre phénomènes qui allaient entraîner la rupture peut-être la plus profonde dans l’être français puisqu’il ne s’agissait plus seulement de déclin de sa puissance, mais de transformation de sa substance elle-même : la fin des terroirs (et donc de l’enracinement régional), la disparition presque totale de la pratique religieuse catholique (encore majoritaire au début du XXe siècle et qui donnait au pays son armature morale), l’américanisation (ou la mondialisation désormais) des mœurs, de la culture et de l’imaginaire, l’immigration de masse, enfin, et le morcellement qui en résulte – la culture française devenant elle-même un « îlot » parmi d’autres, et de moins en moins majoritaire, dans « l’archipel » hexagonal. C’est dans cette France amenuisée, désenchantée et dévitalisée qu’évoluent les personnages de Houellebecq.
Autre point commun important chez nos auteurs : tous ont perdu la foi chrétienne mais sont restés attachés à certains aspects du catholicisme. Comte affirme dans son testament : « Je me suis toujours félicité d’être né dans le catholicisme, hors duquel ma mission aurait difficilement surgi […] Mais, depuis l’âge de 13 ans, je suis spontanément dégagé de toutes les croyances surnaturelles, sans excepter les plus fondamentales et les plus universelles, d’où les Occidentaux tirèrent tous les dogmes catholiques1. » C’est presque au même âge (à 14 ans) que Maurras, en révolte contre la surdité qui vient de le frapper, mais aussi contre la lecture de Pascal, perd lui aussi la foi. Il est intéressant de noter ce qu’il en dit, bien des décennies plus tard, dans une lettre : « J’étais infirme, soit ! Mais cette vie, je l’aimais, j’aimais la santé et la force. Surdité à part, ma résistance physique, sous des aspects assez modestes et même médiocres, est au-dessus de la moyenne, qu’il s’agisse de marcher, de nager, de veiller dans mon bon temps. […] Pascal est le spectre de la maladie. Cette incompatibilité personnelle ne prouve certes rien contre son magnifique génie. Cela peut expliquer qu’il ne m’ait pas été bienfaisant, quelque admiration que m’ait toujours inspirée sa langue, sa poésie, et, de-ci de-là, sa logique2. » On le comprend, Maurras butte contre le dolorisme chrétien qui enseigne d’accepter les « croix », les épreuves, qui jalonnent nos existences pour mieux s’unir aux souffrances du Rédempteur sur sa propre Croix, dolorisme qui lui paraît en contradiction avec le catholicisme traditionnel, communautaire, joyeux, solaire (d’aucuns diraient « païen ») de son enfance provençale. Houellebecq enfin, dans un livre d’entretien avec Bernard-Henri Lévy, confie avoir fréquenté l’Église dans ses années de lycéen et d’étudiant, au point d’avoir suivi, avant de l’abandonner, une préparation au baptême pour adulte. Il en tire cette conclusion : « Un monde sans Dieu, sans spiritualité, sans rien, a de quoi faire terriblement flipper. Parce que croire en Dieu, tout bonnement, comme le faisaient nos ancêtres, rentrer dans le sein de la religion maternelle présente des avantages, et ne présente même que des avantages. […] Seulement voilà, le problème c’est que Dieu, je n’y crois toujours pas3. »
Dernier point commun : pour des raisons différentes, nos trois auteurs vont sentir la nécessité de retisser un lien avec la religion catholique, mais sur des bases profanes. Pour Comte, il s’agit du cœur de sa philosophie. Il constate que l’âge métaphysique (la modernité) a mis fin à un âge théologique, qui reposait certes sur des croyances à ses yeux irrationnelles, mais qui possédait une cohérence, une dimension organique, hiérarchique, propre à animer (au sens étymologique de « donner une âme »), à faire vivre, une civilisation. La modernité – la Révolution française en particulier – lui apparaît donc comme un moment exclusivement critique, négatif, dissolvant, dont il se donnera pour mission d’arrêter le cours anarchique pour bâtir un nouvel âge organique permettant de concilier Ordre et Progrès : l’âge positif. Et Comte s’inspirera très explicitement du catholicisme pour créer sa nouvelle religion positive, destinée au salut, par la science, de l’humanité tout entière.
Maurras, qui n’a cessé de se proclamer le disciple de Comte, propose sa propre synthèse, apparemment plus modeste. Il ne s’agit plus de sauver l’humanité entière, mais la France (et à travers elle, la civilisation gréco-latine) en s’appuyant sur le catholicisme comme « Temple des définitions du devoir » et comme tradition vivante. À ses yeux d’agnostique, comme à ceux de son maître Auguste Comte, la vérité du dogme chrétien n’est plus intelligible, mais il considère que par sa force, encore immense dans la France de la Belle Époque – la France à laquelle il s’adresse– l’Église doit être défendue comme un élément incontournable de l’identité nationale et le canal à travers lequel nous accédons à la culture antique. Dans un texte fondamental qu’il a consacré à Comte, Maurras tient d’ailleurs à préciser que sa réduction du « Grand-Être » (l’humanité) à la civilisation gréco-latine (qui est, à ses yeux, LA civilisation), n’est pas hérétique d’un point de vue positiviste : « Comme le fait très justement remarquer l’un des meilleurs disciples de Comte, M. Antoine Baumann, humanité ne veut aucunement dire ici l’ensemble des hommes répandus de notre vivant sur cette planète, ni le simple total des vivants et des morts. C’est seulement l’ensemble des hommes qui ont coopéré au grand ouvrage humain, ceux qui se prolongent en nous, que nous continuons, ceux dont nous sommes les débiteurs véritables4. »
Michel Houellebecq, lui aussi disciple revendiqué de Comte, parle, nous l’avons vu plus haut, de la foi de « nos ancêtres » avec une évidente nostalgie. Toutefois, contrairement à Maurras, qui s’adressait aux Français de 1900, il fait le constat que cette nostalgie n’est plus partagée un siècle plus tard que par une petite minorité, même s’il a exprimé sa sympathie pour cette minorité en affirmant avoir été impressionné par l’engagement de la jeunesse catholique lors des manifestations contre la loi Taubira en 20135. L’une des expressions les plus belles et les plus caractéristiques du regard porté par le romancier sur l’ancienne France se trouve dans ce passage d’Extension du domaine de la lutte consacré à la Vendée : « À l’extrémité de la plage des Sables-d’Olonne, dans le prolongement de la jetée qui ferme le port, il y a quelques vieilles maisons et une église romane. Rien de bien spectaculaire : ce sont des constructions en pierres robustes, grossières, faites pour résister aux tempêtes, et qui résistent aux tempêtes, depuis des centaines d’années. On imagine très bien l’ancienne vie des pêcheurs sablais, avec les messes du dimanche dans la petite église, la communion des fidèles, quand le vent souffle au-dehors et que l’océan s’écrase contre les rochers de la côte. C’était une vie sans distractions et sans histoires, dominée par un labeur difficile et dangereux. Une vie simple et rustique, avec beaucoup de noblesse. Une vie assez stupide, également. Je me suis ensuite dirigé vers une résidence plus récente et plus luxueuse, située cette fois tout près de la mer, vraiment à quelques mètres. […] Un sentiment déplaisant a cette fois commencé de m’envahir. Imaginer une famille de vacanciers rentrant dans leur Résidence des Boucaniers avant d’aller bouffer leur escalope sauce pirate et que leur plus jeune fille aille se faire sauter dans une boîte du style “Au vieux cap-hornier”, ça devenait un peu agaçant ; mais je n’y pouvais rien6. » Là où Comte prétendait réorganiser une religion pour l’humanité sur le modèle catholique, mais dont les dogmes seraient désormais scientifiques, là où Maurras voulait s’appuyer sur un catholicisme encore vigoureux, en tant que force sociale, pour enrayer le déclin de la civilisation, Houellebecq ne peut que constater le caractère inéluctable de ce déclin et le regretter, tout en marquant par l’adjectif « stupide », aux connotations péjoratives évidentes, mais qui signifie étymologiquement « immobile », ce qui le sépare de cette époque pour lui définitivement révolue.
Pour conclure cette rapide comparaison de nos trois auteurs, nous pouvons essayer de nous résumer en les associant par paires. Incontestablement, Maurras et Houellebecq se ressemblent et se distinguent de Comte en tant qu’ils sont les disciples et lui le maître, l’inspirateur. Mais Comte et Houellebecq se ressemblent et se distinguent de Maurras, par un intérêt plus marqué pour la science – le thème du clonage et du transhumain hante le disciple d’Aldous Huxley qu’est aussi Houellebecq. Enfin, Comte et Maurras se ressemblent et se distinguent de Houellebecq par un plus grand optimisme : ils prétendent relever le défi de la modernité et instaurer (pour Comte) ou restaurer (pour Maurras) un ordre viable là où Houellebecq paraît plutôt faire le constat froid et clinique d’un nihilisme triomphant et hélas inéluctable – « mais je n’y pouvais rien ».
1 Testament d’Auguste Comte, 1884, p. 9, disponible sur le site Gallica de la BNF.
2 Lettre de Maurras à Leon S. Roudiez, citée par Stéphane Giocanti dans Maurras, le chaos et l’ordre, éd. Flammarion, 2006.
3 Houellebecq Michel & Lévy Bernard-Henri, Ennemis publics, coéd. Flammarion-Grasset, 2008.
4 Maurras Charles, Auguste Comte, 1903, disponible sur www.maurras.net.
5 Entretien avec Marin de Viry et Valérie Toronian, repris dans Interventions, éd. Flammarion, 2020.
Il y a 70 ans de cela, le 16 novembre 1952, Charles Maurras s’éteignait à la clinique Saint-Grégoire de Saint-Symphorien-lès-Tours, dans le département d’Indre-et-Loire, âgé de 84 ans.
Il avait été admis dans cet établissement hospitalier à la suite d’une grâce médicale que le président de la République, Vincent Auriol, lui avait enfin accordée le 21 mars de la même année. Enfin accordée, oui, car, depuis cinq ans, de nombreux intellectuels éminents avaient fait le siège de l’Élysée, individuellement ou à plusieurs, pour tenter d’obtenir une telle grâce. Le chef de l’État, socialiste de toujours, ministre de Léon Blum (éreinté à coups d’articles par le maître de L’Action française), « résistant » (de Londres), s’était jusqu ‘alors montré inflexible : Maurras devait expier sa « trahison » et mourir en prison. Il fallut que l’état de santé du condamné se dégradât au point d’exiger son transfert à l’Hôtel-Dieu de Troyes (tout près de la prison de Clairvaux, où il était détenu) pour que Vincent Auriol consentît enfin à lui accorder sa grâce. Encore s’agît-il d’une grâce médicale, et non plénière. Maurras ne recouvrait pas la liberté ; il se voyait placé en résidence surveillée à la clinique de Saint-Symphorien-lès-Tours pour y être soigné, et ne pouvait pas en sortir ; son état l’en aurait empêché de toute façon. Il mourut d’ailleurs dix mois après son transfert.
Charles Maurras avait été condamné à la réclusion perpétuelle pour intelligence avec l’ennemi par la cour de justice (défense de rire) de Lyon le 27 janvier 1945. Il est dit généralement que le maître de l’Action française fut condamné pour « intelligence avec l’ennemi ». Lorsqu’on songe à la foncière, implacable et définitive germanophobie de Maurras, un tel chef d’accusation donne à sourire, voire, carrément, à rire, et aux éclats.
Plus exactement, l’auteur de l’Enquête sur la monarchie fut inculpé au titre de deux articles du Code pénal : l’article 75 alinéa 5, et l’article 76 alinéa 3. Le premier vise les personnes (ou les groupes) susceptibles d’avoir, en temps de guerre, entretenu avec une puissance étrangère, des « intelligences » en vue de favoriser les entreprises de celle-ci contre la France. Or, répétons-le, Maurras se montra, toute sa vie durant, un ennemi absolu de l’Allemagne, et n’entretint jamais quelque commerce intellectuel ou politique avec ses écrivains et/ou ses dirigeants, quels qu’ils fussent ; et, il observa la même attitude sous l’Occupation (à la différence d’un Sartre ou d’un Malraux), même s’il dut alors, pour ne pas s’exposer à la répression de l’Occupant, éviter d’exprimer ouvertement sa haine du Reich. Rappelons, en outre, que Maurras et son équipe choisirent, après la conclusion de l’armistice de juin 1940, de se replier à Lyon, donc en zone libre, pour éviter de se trouver sous la férule des Allemands, et qu’en août de la même année, ces derniers saccagèrent les locaux parisiens de L’Action française. Rappelons également que Maurice Pujo, en 1944, fut arrêté par la Gestapo et passa plusieurs semaines en prison.
L’article 76, alinéa 3, lui, vise les personnes (ou les groupes) accusé(e)s d’avoir participé sciemment à une entreprise de démoralisation de l’armée ou de la nation ayant pour objet de nuire à la défense nationale. Là encore, l’accusation se révèle plus que discutable : on ne trouve rien, dans les articles, les déclarations verbales et les démarches de Maurras qui soit de nature à démoraliser l’armée ou la population et nuise à l’effort de guerre et à la défense de la France en 1940. Mais les faits ne prouvant rien, les accusateurs les interprètent. Ainsi, ils présentent, de manière partisane, les articles de Maurras parus au moment de la défaite de 1940 comme des actes de démoralisation et de trahison au motif que leur auteur ne manifeste aucune compassion évidente pour sa patrie vaincue et insiste sur la fatalité du désastre, conséquence naturelle d’un régime républicain gangrené par son incurie foncière. D’autres, comme l’historien américain Eugen Weber cherchent à pallier l’impuissance de la Justice et du Droit à établir la culpabilité juridique de Maurras en chargeant celui-ci d’une culpabilité morale supérieure à cette dernière.
« Objectivement, sinon intentionnellement, Maurras avait trahi son pays, il avait travaillé du côté de ce qui devait devenir celui de l’ennemi ; il était coupable dans un sens plus élevé que celui de la Loi », écrit notre historien. Belle conception de la justice et de la morale que celle qui les subordonne à un parti pris politique ! À l’évidence, le procès de Maurras est un exemple éclatant d’iniquité, et cela, de nos jours, ne fait pas de doute.
Cela étant rappelé, il convient de résumer ce que nous pouvons retenir de la pensée et de l’œuvre de l’illustre martégal. On pourrait dire que la raison essentielle de l’acharnement dont a été victime Maurras, jusqu’à nos jours, est que, plus qu’aucun autre « pestiféré », il est inassimilable par le système__ entendons par là la République et son substrat idéologique et pseudo-éthique, à savoir son aspiration à une démocratie universelle égalitaire et indifférenciée sous toutes les latitudes, annihilant toutes les identités nationales, née dans les loges et les société de pensée du XVIIIe siècle, et annoncée par notre grande Révolution. A la différence de Barrès, Rochefort, Déroulède, ou même Drumont, pour ne citer que quelques noms, Maurras n’a jamais reconnu la moindre légitimité ni la moindre grandeur à la France contemporaine, issue des « Lumières » et de la Révolution. Il n’a jamais célébré l’héroïsme des soldats de l’An II, entonné le péan en l’honneur de Napoléon, admiré l’essor économique de la grande industrie et de la haute banque sous le Second Empire, loué l’œuvre coloniale de la IIIe République, et n’a jamais succombé à l’envoûtement romantique, baudelairien ou symboliste, à l’ivresse germanique, au culte débridé, déliquescent et mortifère du moi, n’a jamais dit que Zola, Proust, Romain Rolland, Gide, étaient des romanciers de génie nonobstant leur orientation morale et politique. Maurras, c’est l’opposition sans concession à la France contemporaine, sa négation, sa condamnation ; voilà ce qui explique le formidable retour de bâton que celle-ci lui inflige.
Maurras, c’est le refus de l’abdication de la raison, devant le Sturm un Drang, le cyclone, le maëlstrom, le chaos des sentiments, des passions, des états d’âme, des pulsions préconscientes et inconscientes, des folies de l’âme individuelle ou collective, au motif que toutes ces réalités existent, et que formant le fond de la nature humaine, il convient de leur accorder la prééminence, dans la vie individuelle, la société, les institutions, l’art, la littérature, ou, à tout le moins, de leur accorder une place de choix.
On le sait, Maurras connut les tourments d’une âme blessée, les déchirements et les revendications du moi, la déréliction, la révolte, la tentation nihiliste ou suicidaire, les tendances égocentriques, égoïstes et égotistes, les séductions libertaires, anarchistes, non-conformistes, décadentes et avant-gardistes. Et sa condition physique et psychologique personnelle ne pouvait que l’inciter à y donner libre cours. Il n’en fit rien. Jamais il ne cessa de penser que si les émotions, les sentiments, les pulsions sont l’humus de la création, seule le sens rationnel et supérieur de l’ordre et de l’harmonie opérée par la raison, peut produire de la beauté et élever ainsi l’âme de l’artiste lui-même et de son public, et que l’œuvre d’art, l’œuvre littéraire, s’avilit et avilit celui qui la contemple ou la lit lorsqu’elle est seulement l’expression crue d’un moi chaotique, laid et torturé. Sans doute eût-il pu penser, comme Musset, que « rien ne nous rend grand comme une grande douleur », mais, de là, il ne conclut jamais que l’œuvre d’art dût être le cri strident d’une âme tourmentée.
Et il eut le même type d’exigence en politique. Constatant, étudiant, analysant, critiquant la décadence de la France contemporaine, il refusa toujours de s’y résigner comme à une fatalité, et, plus encore, de s’y complaire, de la célébrer, de s’en délecter avec cynisme ou masochisme. Et il ne cessa de vouloir la conjurer.
La première condition, pour cela, fondamentale, était le courage, la force de ne pas céder au pessimisme. « Le désespoir, en politique, est une sottise absolue », écrit-il, dès 1905, dans L’Avenir de l’Intelligence. Et la raison, là encore, est l’attribut le plus précieux de l’homme, celui qui lui permet d’élever une digue salvatrice contre la crue mortelle de l’affectivité, de penser, d’analyser, de comprendre les causes du marasme, et de les abolir, et, par suite, de construire (ou de reconstruire) un ordre politique et social sain et bienfaisant pour l’individu comme pour la communauté.
Tout ordre politique et social sain est une construction rationnelle, point sur lequel Maurras s’accorde avec Comte. Mais, à la différence de Comte, il ne récuse pas la notion de cause, et juge même indispensable de découvrir les causes de la situation présente pour édifier un ordre durable. Il prend donc appui sur l’histoire, dont, contrairement à Sieyès, il estime les leçons utiles. Si l’ordre politique est une construction de l’esprit, la communauté qu’il régit ne l’est pas et procède d’une évolution multiséculaire opérée par la mémoire collective, le sentiment d’un destin commun et la succession des nombreux événements et états qui l’ont marquée. Une nation est une réalité historique qui excède la raison, même si cette dernière est indispensable à l’édification (ou au maintien) de l’ordre politique, de la société. Et tout l’art de la politique consiste à ordonner cette réalité historique afin de faire d’elle une totalité harmonieuse, grâce à l’œuvre civilisatrice de la raison. C’est ce qu’avaient compris nos rois, qui, au fil des siècles avaient graduellement rassemblé le royaume de France et l’avaient gouverné avec fermeté sans le mutiler ou l’étioler en l’étouffant sous une administration centralisatrice, et en laissant vivre les communautés naturelles et historiques, et les corps de métiers, issus du très haut Moyen Age. Ces rois avaient judicieusement, et comme par instinct, autant que par raison, combiné l’autorité de l’Etat pour les questions engageant le destin de la nation, et les libertés fondamentales naturelles pour la vie de leurs sujets, évoluant dans leurs communautés d’appartenance. Et ainsi, la France, riche de ses différences, mais unie pour un destin commun, avançait sans que sa diversité devînt une source de contradictions paralysantes, au contraire.
Voilà pourquoi Maurras opta de bonne heure pour la restauration de la monarchie. Et voilà pourquoi il devînt l’adversaire irréconciliable de la République. Cette dernière laissa les individus isolés et désarmés face à un Etat jacobin centralisateur, animé par une idéologie égalitaire et matérialiste, et osa se présenter – par, notamment, le vecteur de son école ferryste et de son Université rationaliste et libre-penseuse – comme la continuatrice de l’œuvre d’une monarchie dont le rôle historique aurait consisté, à l’en croire, à préparer – certes inconsciemment – son propre avènement.
Maurras refusa constamment cette fallacieuse reconstruction téléologique de notre passé, imposée depuis la fin du XIXe siècle par nos institutions d’enseignement, nos élites et nos médias. A ses yeux, il n’existe, il ne peut exister, de bonne République, dans la mesure même où ce régime est, in essentia, destructeur de tout ce constitue l’être même d’une nation : la foi, le sentiment de son identité, la culture, la famille, l’ancrage dans son contexte géographique, son ère de civilisation, sa langue, ses communautés organiques naturelles. En conséquence, il n’a cessé de combattre pour la restauration d’une monarchie héréditaire et décentralisée forte, vouée à ses tâches régaliennes desquelles dépendent la vie et la prospérité de la nation (administration de l’intérieur, économie générale et finances publiques, diplomatie, défense), cependant que les administrations de proximité et le social incomberaient, les premières à des institutions régionales, le second à des organismes partenariaux et professionnels forts, certes encadrés et contrôlés par le législateur, mais autonomes. Au lieu que la République nous condamne in aeternum à dépendre d’un Etat aussi impuissant qu’omnipotent, omniprésent, et constamment sollicité et contesté.
Il convient de souligner sans relâche l’actualité brûlante de la pensée du maître de l’Action française, de défendre sa pensée contre toutes les mésinterprétations qu’en ont donné non seulement des adversaires ou des « spécialistes », mais également nombre d’intellectuels de droite qui prétendent faire l’inventaire de l’œuvre de Maurras – critiquant, notamment ses prétendues tendances antichrétiennes, païennes et nietzschéennes – et procéder à un aggiornamento du mouvement monarchiste.
(Article paru dans Politique magazine)
« Le fascisme italien, ses racines dans le passé » Léon Daudet
L'entretien de Frédéric Le Moal avec Eugénie Bastié à propos du fascisme italien - que nous avons publié hier - a suscité un commentaire riche de remarques et de citations intéressantes. En l'occurrence, celui de François Davin. On le lira avec intérêt. LFAR
Le commentaire de François Davin
Ceux qui hurlent si volontiers, et si hypocritement, contre le fâchisme oublient volontairement - ou alors ils l'ignorent - que Mussolini était un homme de gauche, venu du parti socialiste, et qu'une idéologie totalitaire, quelle qu'elle soit, n'est jamais pour nous, par définition, qu'une théorie intellectuelle et abstraite ; et donc forcément en opposition avec les réalités concrètes et charnelles, héritées de l'Histoire, dont nous partons toujours. […]
Aucun accord possible, donc, dans le domaine des idées, entre un totalitarisme (ici le fascisme italien) et le « royalisme » venu du fond des âges et « prouvé par l'histoire » que propose l'Action française ; comme le montre bien Léon Daudet dans le court passage que je vous propose plus bas.
Ceci étant, et pour en revenir au contexte des années 35, la guerre venant, il fallait chercher des alliés contre la puissance allemande qu'un Pays légal républicain criminel, sabotant la victoire si chèrement acquise en 1918, avait laissé se reconstituer.
Or, Mussolini, malgré ses bravades et fanfaronnades effectivement, parfois, ridicules, pouvait parfaitement - avec toutes les réserves et les reproches que l'on pouvait par ailleurs lui faire sur le plan doctrinal - être « fréquenté » pour créer un large front d'opposition à un Hitler sans cesse plus agressif : n'est-ce pas Mussolini qui s'opposa à Hitler, et le fit reculer, en mobilisant ses troupes sur le Brenner en 1935 ? Hitler venait de faire assassiner le chancelier Dollfuss, en vue de l’annexion de l’Autriche, l'Anschluss.
Le 25 juillet, lorsque Mussolini envoya ses deux divisions sur le Brenner, Hitler recula.
C'est dans cet esprit que l'Action française souhaitait que l'on s'alliât avec Mussolini : évidemment pas par affinité ou par proximité idéologique, mais uniquement par pur intérêt stratégique, immédiat et pressant.
Dans la même optique que François Premier s'alliant avec le Grand Turc après sa déroute de Pavie, au moment où il semblait que Charles Quint et les Habsbourgs allaient écraser la France : il est bien évident qu'en s'alliant avec le Grand Turc […] François premier ne songeait nullement à se convertir lui-même à l'Islam, ni à faire de la France une nation musulmane et à la couvrir de mosquées ! […]
Mutatis mutandis, c'est dans le même esprit que l'Action française envisageait les choses, vis-à-vis de Mussolini, juste avant la guerre : il nous fallait des alliés, fussent-ils, par ailleurs, loin de nous « idéologiquement » : la République préféra, justement pour des raisons idéologiques, jeter finalement Mussolini dans les bras d'Hitler, alors qu'il avait commencé par le combattre ! […]
De Léon Daudet, dans « Député de Paris », pages 176-177 :
« La méconnaissance de l'immense mouvement qu'est le fascisme italien, de ses racines dans le passé, de son animateur, comptera comme une des grandes bévues de la République finissante française.
Nous sommes séparés du fascisme par l'immense fossé de la religion d'Etat - religion politique, s'entend - dont nous a dispensés le régime le plus souple et le plus évolué de l'Histoire, la monarchie française.
Nous ne croyons pas, organiquement parlant, à la congestion indéfinie du centre, avec anémie consécutive de la périphérie, ou plutôt nous connaissons les dangers de cette forme du jacobinisme et de la politique du poulpe.
Une des raisons décisives qui m'ont amené à Maurras, c'est sa formule de décentralisation administrative, si décongestionnante et si claire, dont nous n'avons cessé de nous émerveiller, ma femme et moi, depuis les inoubliables articles de la Gazette de France, de 1902 à 1908.
Ce que je redoute dans le Syllanisme fasciste, par ailleurs séduisant, c'est la décompression presque fatale d'un tel système, le jour de la disparition de son chef, comme il arriva précisément pour Sylla.
A la centralisation étatiste, même louis-quatorzienne, il faut la main d'un homme de génie.
S'il s'en va, on risque le jacobinisme ou l'anarchie, ou un fléau dans le genre de Bonaparte, mêlé d'étatisme et d'insanité.
Je m'excuse de ces considérations qui, touchant à la politique italienne, aujourd'hui rapprochée de l'Allemagne par notre faute, peuvent sembler accessoires. »
Il est souvent intéressant et instructif - et, parfois, presque amusant, comme ici - de rapprocher des textes émanant de personnes que tout oppose : ainsi, après avoir lu ce passage de Daudet, peut-on trouver matière à réflexion dans ... « Le Populaire » du 25 octobre 1934, où Léon Blum écrit ceci :
« Quand on place avant tout autre l'intérêt de la stabilité gouvernementale, on est monarchiste.
On l'est consciemment ou inconsciemment, en le sachant ou sans le savoir, mais on l'est ! Seule la monarchie est stable par essence, et encore la monarchie totale, où le roi gouverne en même temps qu'il règne.
Les dictatures fascistes ne sont pas stables ; même si le dictateur évite les cataclysmes analogues à ceux qui l'ont porté au pouvoir, il reste une cause d'instabilité majeure qu'il ne peut éluder : sa succession. » •
(retrouvez notre sélection de "Documents..." dans notre Catégorie "Documents pour servir à une histoire de l'URP"...)
• L'annonce ci-dessus est en "Une" de L'Action française du Jeudi 27 Octobre 1938 (en bas de la cinquième colonne) :
1. Les compte-rendus des deux réunions de Maurras... :
- D'abord, la réunion de Toulon, dans le numéro du Lundi 7 Novembre (en "Une", moitié inférieure de la sixième colonne)... :
Le "compte-rendu détaillé", annoncé par le Commandant Ollivier, ne viendra que cinq jours plus tard, dans le numéro du Samedi 12, annoncé en plein milieu de la "Une" (en bas de la deuxième colonne) :
Dans cette deuxième page, le compte-rendu occupe quasiment toute la cinquième colonne :
- ...puis le compte-rendu de la réunion de Manosque (en "Une" de L'Action française du Jeudi 10 Novembre, signé C. Duneau) :
2. Le compte-rendu de la conférence de Daudet, en "Une" de L'Action française du Jeudi 17 Novembre suivant (en bas de la première colonne) :
Sur l’antisémitisme de Charles Maurras
Charles Maurras et l’Action française sont souvent voués aux pires gémonies sous couvert d’antisémitisme, allant de pair avec la xénophobie, selon la conception de Michel Dreyfus, pratiquant ainsi l’amalgame avec les totalitarismes du XXème siècle.
Pour chacune des neuf illustrations, cliquez une première fois sur l'image, pour l'agrandir; puis cliquez une seconde fois, et utilisez le zoom...