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Réseaux sociaux, sections locales... pendant ce temps, l’Action française (re)tisse sa toile, par Clémence Bauduin.

A Compiègne (Oise), la section de l’Action française compte une poignée d'adhérents, mais de nombreux sympathisants.LP/Alexis Bisson

Jouissant d’un regain de popularité auprès d’un public rajeuni,l’association royaliste et nationaliste, revigorée en dépit d’une base idéologique inchangée, enchaîne les ouvertures de sections locales. Elle étend son maillage aux nouvelles plateformes de communication, dans un curieux mélange avec ses convictions traditionalistes.

11.jpg« Attendez, je vais chercher mes notes. Qu’est-ce que j’ai fait de ce carnet...Ah ça y est, le voilà. L’immigration au vu de l’intérêt national. » Il aura fallu quelques instants à Adrien*, 26 ans, pour remettre la main sur un cahier qu’il semble avoir rempli avec beaucoup d’application. « J’avais pris pas mal de notes ce soir-là, il y avait tout un cheminement qui découlait de la pensée maurrassienne, j’ai trouvé ça très intéressant. » « Ce soir-là », en novembre dernier, l’Action française animait une conférence à Compiègne, dans l’Oise.Deux ans d’existence à peine et l’antenne compiégnoise de l’association royaliste fondée en 1898, héritière de la pensée de l’idéologue nationaliste et antisémite Charles Maurras, a su capter une partie de la population locale.Elle vient de créer son propre compte Instagram, lequel recense un peu plusde 200 abonnés en quelques jours seulement. 200 abonnés pour une section locale, mais plus de 12 000 followers sur le compte national - coloré de fleurs de lys et de drapeaux tricolores - de celle que ses fidèles appellent « l’AF ».

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Militants pour le retour d’un roi, ces fervents soutiens de la Manif pour tous,proches de l’extrême-droite bien qu’ils s’en défendent, se refont une santé,boostés par les confinements successifs qui ont accru leur présence sur les réseaux sociaux. Ce succès grandissant sur les réseaux sociaux trouve un écho dans le réel : chaque mois, l’Action française revendique a minima une nouvelle antenne en France.

Caen, Nîmes, Alès... Début mars, au moins trois ont vu le jour. Toutes n’ont pas de locaux à proprement parler, mais des réunions s’organisent dans la limite de ce que permet la crise sanitaire.

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Pas de quoi surprendre Jean-Yves Camus, directeur de l’observatoire des radicalités politiques. « Depuis ses origines, l’Action française a un maillage assez fin du territoire, rappelle-t-il. Avant-guerre, elle avait des sections dans absolument toutes les grandes villes, des fédérations dans tous les départements. » Une implantation qui incombait en grande partie à la vision décentralisatrice de Charles Maurras, mais qui trouve aujourd’hui un nouvel élan insufflé par les réseaux sociaux... Et le confinement.

«Tout le monde est le bienvenu à l’AF »

Adrien en est le parfait exemple. Animé par une défiance à l’égard du gouvernement et des médias, soucieux de porter haut le patrimoine et l’histoire française, promoteur de la bonne chère hexagonale, mais surtout ouvertement nationaliste : le jeune homme avait de quoi intéresser le mouvement antirépublicain.

Son compte Instagram a attiré l’attention de Virgile Dévot qui, à 22 ans,préside la section compiégnoise de l’Action française. « J’avais réagi à des posts sur l’Instagram de l’AF national et il est venu me parler en message privé », explique Adrien. Si le recrutement dans la vie réelle s’effectue dans une apparente décontraction, les recruteurs de l’Action française restent néanmoins prudents. « J’ai rencontré Virgile en juin, il voulait faire connaissance,explique Adrien. J’ai parlé de mon parcours, de mes pensées. Tout le monde est le bienvenu à l’AF, mais Virgile prend soin de rencontrer des gens du secteur pour voir si ça tient un peu la route, si l’on ne va pas décrédibiliser le mouvement. »

Adrien, qui n’a jamais adhéré formellement à l’Action française mais prend à cœur son statut de sympathisant, rencontre alors des gens qui, comme lui,partagent quelques idées communes. « Ce qui est intéressant avec l’AF c’est le côté formation ouverte à tous, pour les membres ou même les simples curieux, estime Adrien. Là par exemple, j’avais assisté à une conférence sur Discord intitulée Qu’est-ce qu’un Coup d’Etat. »

Instagram, Twitter, TikTok, Discord...

C’est justement sur Discord, un réseau social initialement dédié aux joueurs de jeux vidéo, que l’Action française a développé ses conférences en ligne. «C’est notre grande réussite depuis un an et demi, on a monté un Discord qui est à 2000 abonnés, se targue Francis Vicenton, secrétaire général adjoint de l’AF. Sur ce média, l’association royaliste tient une conférence par semaine. «Inscription sur les réseaux en message privé », précise une affiche annonçant une conférence ce samedi.Régulées par les membres de l’AF, ces conférences, qui ont toujours participé de l’identité du mouvement, trouvent un nouveau public. Chacune des réunions en ligne recense au moins 150 personnes. « Régulièrement on dit qu’on est mort et finalement, il y a toujours des jeunes qui arrivent avec des profils très différents, s’enthousiasme Francis Vicenton. Notre visibilité s’est améliorée grâce à ces outils. Aujourd’hui quelques-uns de nos militants se mettent à TikTok, très bien ! Ce qui nous intéresse c’est le pays réel, alors s’il faut passer par certains canaux, pas de problème. »Cette nouvelle formule, qui consiste à utiliser les outils de communication les plus modernes pour véhiculer une idéologie plus que centenaire et éminemment conservatrice, amuse Jean-Yves Camus. « Si la génération des années 1970-1980 voyait aujourd’hui son mouvement communiquer sur Telegram ou Instagram,ils en seraient sûrement absolument navrés», sourit le directeur de l’Observatoire des radicalités politiques.Relayer les actions coups-de-poing. Pour le secrétaire général de l’Action française, François Bel-Ker, concilier traditionalisme et réseaux sociaux n’a rien d’antagoniste. « La communication qu’on emploie aujourd’hui est simplement une caisse de résonance. L’Action française regroupe 2000 jeunes de moins de 20 ans,alors les moyens de communication modernes nous permettent de former,informer, relayer nos actions. » Des actions dont le côté spectaculaire permet là encore d’attiser la curiosité sur les réseaux sociaux.Le 25 mars, des militants AF font intrusion au sein du Conseil régional d’Occitanie pour dénoncer « l’islamo-gauchisme de la présidente de région »,Carole Delga. Les images sont relayées par le mouvement, et parfois par leurs opposants, qui s’en indignent. « Ils sont souvent notre meilleur relais »,ironise Francis Venciton. La communication prend et profite au mouvement royaliste. « Si vous voulez nous soutenir dans nos actions, n’hésitez pas à participer à notre cagnotte », en profite pour glisser l’Action française sur sa publication Twitter.

 

Liberté aux opposants politiques ! Non à l'#islamogauchisme !

Retour en images sur l'action de nos militants, hier au Conseil Régional d'#Occitanie !

Si vous voulez nous soutenir dans nos actions, n'hésitez pas à participer à notre cagnotte : https://t.co/xBWUveLrwFpic.twitter.com/JR4BcG0041— Action Française (@actionfrancaise) March 26, 2021

 

François Bel-Ker revendique « 80 à 100 bénévoles », qui œuvrent tour à tour, en fonction de leurs disponibilités, à « l’aspect technique et au développement d’une charte graphique » propre à l’Action française. En parallèle, la presse papier du mouvement nationaliste, comme sa maison d’édition interne, se mêle sans ciller à cette nouvelle danse.Mais que vaut à l’Action française ce tel regain d’intérêt ? « Un désenchantement clair, un désaveu de plus en plus important de nos concitoyens », veut croire François Bel-Ker, selon lequel son mouvement est l’un des seuls à proposer « des alternatives crédibles et des formations » aux Français.Pour le directeur de l’Observatoire des radicalités politiques Jean-Yves Camus, il faut davantage se tourner vers « des inflexions » qui ont rendu l’adhésion au mouvement moins honteuse au fil du temps, en dépit d’une virulence toujours manifeste. « C’est vrai qu’on lit toujours Maurras, mais des choses ont bougé. L’antisémitisme n’y est fort heureusement plus ce qui était à l’époque traditionnelle», analyse-t-il.

Les réseaux sociaux ont toutefois cela de perfide - ou d’informatif, c’est selon- qu’ils permettent de faire le lien entre les différents profils des usagers etleurs bulles sociales. Récemment, Adrien s’est lancé dans les directs Instagram, sur lesquels il converse avec des jeunes hommes et femmes autour de thématiques qui leur tiennent à cœur. Culte de l’homme fort, de la« bonne bouffe franchouillarde », promotion d’alcool... Un abstrait mélange de plaisirs et d’idéologie anime les vidéos.Adrien n’est que sympathisant de l’Action française, l’association revendique des profils « très divers » dont certains - c’est peut-être le cas de ce jeune homme - ne font que transiter quelques mois dans le mouvement. Mais sur sa dernière vidéo, relayée cette semaine, un clin d’œil à « Générataire identition» (une façon détournée de parler du mouvement Génération identitaire, dissous début mars pour son « discours de haine assumé ») est salué par la porte-parole du groupuscule, Thaïs D’Escufon. Que l’Action française le veuille ou non, la frontière reste poreuse entre certains de ses disciples et des groupuscules radicaux au passif ouvertement raciste et violent.

*Le prénom a été modifié

Source : https://www.leparisien.fr/

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