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Tempête à venir ou sursaut national ?, par Dominique Soyris.

Le Covid s’est installé dans notre paysage sanitaire et mental. Ses effets dureront bien plus longtemps que ceux de cette prétendue guerre que le gouvernement entend gagner en oubliant des milliers de malades.

Son nom est sur toutes les lèvres. Les enfants eux-mêmes l’ont apprivoisé dans les cours de récréation. « Si tu m’embêtes, je vais te covider. » Chez nos “vieux”, son nom fait peur, il signifie la relégation hors du cercle familial.

3.jpgDepuis des semaines, des mois, un an, nous n’avons eu qu’une saison, la saison des experts. Et jamais autant de voix discordantes. Nous sommes entrés dans l’ère de la tyrannie du « tout sanitaire » contre le Sars-CoV-2. Nous n’allons pas ajouter aux cris d’orfraie ou aux postures indignées, tout a été dit ou presque et son contraire. Bien des mots ont perdu leur sens.

Nous n’égrenerons pas le chapelet sans fin des erreurs ou des fautes anciennes ou des noms des brillants ministres… Faisons nôtre la phrase de Talleyrand « Quand c’est urgent, c’est déjà trop tard » et tentons de nous projeter dans l’avenir proche.

Il y a toujours un après

Après une guerre il est toujours bon de dresser les inventaires des dommages directs et collatéraux. Certes il y a et il y aura encore des morts que nous pleurerons. Nous apprendrons peut-être à avoir un peu plus d’humilité et à replacer la notion de santé à sa juste place. Penser aux vivants est la vocation, la mission des soignants. Hors Covid, le nombre de vivants mal en point a fortement augmenté. Donner la priorité aux malades du Covid dans le champ hospitalier où les manques sont établis a imposé autoritairement le report de soins à des malades qui ne sont pas imaginaires. Le retard de prise en charge de certaines pathologies risque de provoquer une surmortalité non négligeable. Dès novembre 2020, l’agence régionale de santé de la région PACA demandait à tous les établissements hospitaliers de la région de déprogrammer toutes les interventions chirurgicales non-urgentes ou pouvant être différées. Les opérations de « cancérologie, chirurgie cardiaque, neurochirurgie, interruptions volontaires de grossesses, greffes et prélèvements, suivi rapproché des maladies chroniques » seraient maintenues… Et le 12 février 2021, la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale de l’offre de soins (DGOS) signaient conjointement une directive « Organisation de l’offre de soins en prévision d’une nouvelle vague épidémique ». Au motif louable de trouver des lits et du personnel « Covid », déprogrammons les autres opérations…

Remettre à plus tard a toujours des conséquences

Selon le baromètre mensuel de Malakoff Humanis, au mois d’avril 2020, en plein confinement, 34 % des salariés ont reporté ou annulé au moins un soin durant le confinement et 12 % ont posé au moins un arrêt dont 3 % en lien avec le virus du Covid-19. Le Professeur Yves Roquelaure, chef de service au centre de consultations de Pathologie Professionnelle et Santé au Travail du C.H.U d’Angers, faisait part de son analyse : « Comme dans tous les hôpitaux, nous avons observé une diminution très importante des admissions pour maladies chroniques, ce qui a entraîné une chute des hospitalisations pour AVC ou encore des insuffisances cardiaques et cérébrales. Nous nous attendions à un recul des soins concernant les maladies chroniques, mais pas du tout autour des AVC, embolies pulmonaires ou infarctus. C’était très étonnant. Pour les autres maladies comme la leucémie ou le cancer, les soins ont été maintenus afin de ne pas perdre de chance de rémission. Pour les autres, il est probable que les personnes non soignées reviennent dans un état de santé plus grave ou soient même décédées à domicile. Il y a eu un retard de suivi pour les patients atteints de maladies chroniques qui ont besoin de soins réguliers.

Quant au report de soins, ce même professeur ne déborde pas d’optimisme. « Certes, il y a eu report, mais l’offre de soins n’a pas non plus été adaptée. Difficile de faire des injections en télémédecine. Et les effets seront mesurables dans les semaines à venir. […] Nos collègues aux urgences dépeignent un tableau inquiétant. Les malades qui reviennent sont dans une situation beaucoup plus grave qu’à l’accoutumée. Souvent, les patients ont plus peur du Covid-19 que d’un infarctus ou d’un AVC. Ce sont des maladies qui doivent être prises en charge directement. Les traitements thrombotiques n’attendent pas. D’ailleurs, cette peur des soins est encore actuelle. Il faut que les gens viennent se soigner. Les séquelles risques d’être bien plus lourdes, et à moyen terme elles impacteront aussi les entreprises. »

De son côté, la Ligue contre le cancer redoute 30 000 cancers non détectés, ou détectés tardivement du fait du Covid. En septembre 2020, une étude du Service de Biostatistique et d’Épidémiologie de l’institut Gustave Roussy estime que ceux-ci entraîneront une surmortalité par cancer de 2 à 5 %. Le British Medical Journal, revue médicale de renom, a publié le 4 novembre 2020 une étude menée par des chercheurs canadiens et britanniques sur plus d’un million de patients. Sept cancers ont été étudiés. Chaque report d’un mois d’une chirurgie entraînerait une surmortalité de 6 à 8 %. Les résultats seraient encore bien plus alarmants dans les cas de report de certaines radiothérapies ou traitements systémiques comme la chimiothérapie.

La France bénéficierait-elle d’une « exception » ? Les mêmes causes ne produisent-elles pas les mêmes effets ? L’avenir nous le dira mais gouverner n’est-ce pas prévoir ? Surtout, aurons-nous le courage de mesurer ces effets à long terme dans plusieurs mois voire quelques années ?

Plus complexe encore, mais non moins grave, la France déprimée voit ses rangs grossir

S’il est vrai que l’on ne prête qu’aux riches, les Français ont toutefois diminué leur consommation de psychotropes. Reste qu’ils consomment encore trop d’anxiolytiques. La crise du Covid n’a pas amélioré cet état de fait. Selon une étude de Santé Publique France, la prévalence de l’anxiété dans la population française était déjà, en mars 2020, durant le confinement, de 26,7 %, soit deux fois supérieure au taux observé avant le déclenchement du confinement. Les principaux concernés ? Les femmes, les jeunes et les personnes en situation de précarité économique.

Le Pr. Marion Leboyer, directrice de la Fondation FondaMental, pouvait forcer le trait lors de son intervention du 17 novembre 2020 sur France Inter en lançant « L’après-Covid sera psychiatrique ».

Une étude de l’université d’Oxford établit que 20 % des malades du Covid-19 présentent des troubles psychiatriques tels que l’anxiété, les insomnies ou la dépression, dans les 90 jours qui suivent leur infection. Les personnes atteintes d’un trouble psychiatrique seraient 65 % plus susceptibles que les autres de contracter le Covid-19, ce qui expliquerait le nombre de personnes présentant des troubles dans les 90 jours suivant leur infection. Une récente étude italienne (2020) met en évidence un grand nombre de cas de dépression et de troubles anxieux plusieurs mois après l’infection. Une étude américaine, dès 2008, démontrait qu’une épidémie de forte envergure pourrait avoir un réel impact psychique, en raison de l’action directe de l’infection sur le cerveau mais aussi de la réponse immuno-inflammatoire ayant un effet déclencheur sur les maladies mentales. Simon Wessely, professeur de psychiatrie au King’s College de Londres, a déclaré à Reuters le 10 novembre que ces conclusions corroborent des résultats constatés lors de précédentes épidémies.

En France, les services de psychiatrie sont le grand malade de l’hôpital. Comme chaque année, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) fait le point sur l’année écoulée après plusieurs visites d’établissements de santé. Le 3 juin 2020, le CGLPL notait une suroccupation constante des services psychiatriques. En 12 ans d’existence, le CGLPL a adressé des milliers d’observations et de recommandations aux autorités publiques. Et de constater amèrement : « Les recommandations du CGLPL ne donnent pas lieu à une réelle prise en compte opérationnelle par les pouvoirs publics ».

Sommes-nous armés pour faire la guerre ?
Puisque guerre il y a…

Le vocabulaire martial employé à tort et à travers par le gouvernement ne saurait masquer la réalité. Le mal est ancien. Il s’est installé bien avant ce dernier quinquennat. L’hôpital ne se lamente pas depuis mars 2020. Le personnel soignant, toutes spécialités confondues, n’a pas attendu le confinement pour grogner contre la bureaucratie tyrannique. La médecine libérale, si maltraitée, si méprisée pendant ces mois de crise, subit cette défiance depuis des lustres. Le monde de la santé est à l’image des Français. La perte de confiance est bien antérieure à ce virus. C’est aussi un défi majeur à relever. La communication faite par les autorités de tous poils, politiques, médiatiques, et par les « experts », a été catastrophique. Les Français se sont divisés plus encore, pris entre le feu des ayatollahs de tous bords. Toute cette atmosphère sans cap ni projection dans le temps long ne saurait nous mettre en ordre de bataille pour faire face aux crises à venir, qu’elles soient frontales comme ce virus ou insidieuses par ses effets collatéraux.

 Dominique Soyris, ancien médecin psychiatre des hôpitaux

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Source : https://www.politiquemagazine.fr/

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