Sur, et contre, le fascisme italien...
Ceux qui hurlent si volontiers, et si hypocritement, contre le "fâchisme" oublient volontairement - ou alors ils l'ignorent... - que Mussolini était un homme de gauche, venu du parti socialiste, et qu'une idéologie totalitaire, quelle qu'elle soit, n'est jamais pour nous, par définition, qu'une théorie intellectuelle et abstraite; et donc forcément en oppositions avec les réalités concrètes et charnelles, héritées de l'Histoire, dont nous partons toujours : notre humble réalisme, qui consiste à commencer par observer les faits tels qu'ils se présentent, afin d'oeuvrer patiemment - mais à partir du réel - pour un monde meilleur, nous protège de l'orgueil insensé de ceux qui prétendent inventer le meilleur des mondes (comme l'ont fait stupidement et criminellement les révolutionnaire idéologiques de 1789)...
Aucun accord possible, donc, dans le domaine des idées, entre un totalitarisme (ici le fasciste italien) et le "royalisme" venu du fond des âges et "prouvé par l'histoire" que propose l'Action française; comme le montre bien Léon Daudet dans le court passage suivant.
Ceci étant, et pour en revenir au contexte des années 35, la guerre venant, il fallait chercher des alliés contre la puissance allemande qu'un Pays légal républicain criminel, sabotant la victoire si chèrement acquise en 1918, avait laissé se reconstituer.
Or, Mussolini, malgré ses bravades et fanfaronnades effectivement, parfois, ridicules, pouvait parfaitement - avec toutes les réserves et les reproches que l'on pouvait par ailleurs lui faire sur le plan doctrinal - être "fréquenté" pour créer un large front d'opposition à un Hitler sans cesse plus agressif : n'est-ce pas Mussolini qui s'opposa à Hitler, et le fit reculer, en mobilisant ses troupes sur le Brenner en 1935 ? Hitler venait de faire assassiner le chancelier Dollfuss, en vue de l’annexion de l’Autriche, l'Anschluss.
Le 25 juillet, lorsque Mussolini envoya ses deux divisions sur le Brenner, Hitler recula...
C'est dans cet esprit que l'Action française souhaitait que l'on s'alliât avec Mussolini : évidemment pas par affinité ou par proximité idéologique, mais uniquement par pur intérêt stratégique, immédiat et pressant.
Dans la même optique que François Premier s'alliant avec le Grand Turc après sa déroute de Pavie, au moment où il semblait que Charles Quint et les Habsbourgs allaient écraser la France : il est bien évident qu'en s'alliant avec le Grand Turc - alliance qui prenait Charles Quint à revers... - François premier ne songeait nullement à se convertir lui-même à l'Islam, ni à faire de la France une nation musulmane et à la couvrir de mosquées !...
Seule le guidait une vision politique et puissamment réaliste des choses, ainsi qu'une vision claire de l'intérêt national.
Mutatis mutandis, c'est dans le même esprit que l'Action française envisageait les choses, vis-à-vis de Mussolini, juste avant la guerre : il nous fallait des alliés, fussent-ils, par ailleurs, loin de nous "idéologiquement" : la République préféra, justement pour des raisons idéologiques, jeter finalement Mussolini dans les bras d'Hitler, alors qu'il avait commencé par le combattre ! Aveuglement criminel des idéologues, qui ne raisonnent pas à partir des faits mais de leurs abstractions.... Mais, au final, c'est toujours "la France qui paye" !
De "Député de Paris", pages 176/177 :
"...La méconnaissance de l'immense mouvement qu'est le fascisme italien, de ses racines dans le passé, de son animateur, comptera comme une des grandes bévues de la République finissante française.
Nous somme séparés du fascisme par l'immense fossé de la religion d'État - religion politique, s'entend - dont nous a dispensés le régime le plus souple et le plus évolué de l'Histoire, la monarchie française.
Nous ne croyons pas, organiquement parlant, à la congestion indéfinie du centre, avec anémie consécutive de la périphérie, ou plutôt nous connaissons les dangers de cette forme du jacobinisme et de la politique du poulpe.
Une des raisons décisives qui m'ont amenées à Maurras, c'est sa formule de décentralisation administrative, si décongestionnante et si claire, dont nous n'avons cessé de nous émerveiller, ma femme et moi, depuis les inoubliables articles de la Gazette de France, de 1902 à 1908.
Ce que je redoute dans le Syllanisme fasciste, par ailleurs séduisant, c'est la décompression presque fatale d'un tel système, le jour de la disparition de son chef, comme il arriva précisément pour Sylla.
A la centralisation étatiste, même louis-quatorzienne, il faut la main d'un homme de génie.
S'il s'en va, on risque le jacobinisme ou l'anarchie, ou un fléau dans le genre de Bonaparte, mêlé d'étatisme et d'insanité.
Je m'excuse de ces considérations qui, touchant à la politique italienne, aujourd'hui rapprochée de l'Allemagne par notre faute, peuvent sembler accessoires, et je reviens à la politique française, mais hélas parlementaire, de l'année de la Ruhr..."
Il est souvent intéressant et instructif - et, parfois, presque amusant, comme ici... - de rapprocher des textes émanant de personnes que tout oppose : ainsi, après avoir lu ce passage de Daudet, peut-on trouver matière à réflexion dans... "Le Populaire" du 25 octobre 1934, où Léon Blum écrit ceci :
"Quand on place avant tout autre l'intérêt de la stabilité gouvernementale, on est monarchiste.
On l'est consciemment ou inconsciemment, en le sachant ou sans le savoir, mais on l'est ! Seule la monarchie est stable par essence, et encore la monarchie totale, où le roi gouverne en même temps qu'il règne.
Les dictatures fascistes ne sont pas stables; même si le dictateur évite les cataclysmes analogues à ceux qui l'ont porté au pouvoir, il reste une cause d'instabilité majeure qu'il ne peut éluder : sa succession."