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  • Servir Politique Magazine, et s'en servir : le numéro de Janvier 2011

            Nous avons de la chance d'avoir un outil de la qualité de Politique magazine. Encore ne suffit-il pas de l'avoir, mais de le faire rayonner au maximum autour de nous. Lafautearousseau ne s'en prive pas, qui, chaque dimanche, rappelle à ses lecteurs et amis l'intérêt et l'urgence qu'il y a à le diffuser - ainsi que La Nouvelle Revue universelle... - et qui, chaque mois, propose à ses lecteurs au moins deux articles de la revue.

            Voici donc l'analyse d'Hilaire de Crémiers, qui sera suivie, mercredi prochain, par la réflexion économique de François Reloujac, elle aussi toujours très attendue..... 

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    La leçon d'Henri IV

    La France s’engage régulièrement dans des drames inévitables, faute de se donner le moyen politique de son salut.

     

     

            L’Europe est devenue un piège et le piège est en train de se refermer. C’est une nasse. Toute décision est sans issue. Et nul n’y peut rien, n’y pourrait rien, n’y pourra rien. Une série d’effets mécaniques s’enclenchent les uns les autres inéluctablement et achèvent de boucler le cercle infernal des dettes souveraines où les États européens se trouvent définitivement emprisonnés. Plus simplement, c’est une affaire de chiffres, d’additions cumulées ou de soustractions combinées ; des chiffres qui pèsent de plus en plus lourd puisqu’ils traînent, chaque jour qui passe, de plus en plus de zéros derrière eux.

            Les financiers ont l’art de trouver des mots qui dissimulent la réalité. Des dettes irrécouvrables, pour la simple raison que, par leur nombre et leur importance, elles sont devenues, toutes proportions gardées, incommensurables, sont appelées des actifs toxiques ou des créances douteuses. La vérité : tout est faux. Les fameux « stress tests » que les grandes banques européennes ont passé haut la main, il y a six mois, n’ont servi qu’à entretenir l’illusion. Il est question de les recommencer : ça ne servira à rien. Tout le système bancaire européen, à quelques exceptions près, est pourri et il n’est nullement besoin d’une expérience comme celle tentée par Eric Cantona pour en avoir la juste appréhension.

     

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    le mécanisme de la dette

     

            Les banques se tiennent les unes les autres ; elles tiennent les États comme les États les tiennent et ce système qui les relie n’est plus un système de placements, d’investissements, de lignes positives gagées sur des réalités : ce n’est plus, sous le terme de crédit, qu’un système de dettes. Système qui a arrangé tout le monde pendant des mois, des années maintenant, grâce auquel les Etats irresponsables se sont défaussés facilement de leurs déficits colossaux et dont certains acteurs – il faut le préciser –  ont profité surabondamment en jouant de façon éhontée, avec la complicité des Etats et des banquiers centraux, des différentiels de taux d’intérêt. Voilà qu’aujourd’hui ce système apparaît pour ce qu’il est, avec des primes de risques qui sont entrées – il faut le faire ! – elles aussi dans le champ de la spéculation : 

    un vaste jeu de poker, constamment perdant pour tous ceux qui ne retirent pas leur mise à temps. Il est vain de critiquer la spéculation quand on a joué soi-même au poker et, au surplus, au poker menteur. Le problème d’un État endetté comme le sont les États européens, c’est qu’il ne peut plus s’arrêter de miser et de remiser sous peine de faire défaut, ce qui accentue à chaque fois son risque de défaillance ! Et il n’agit ainsi que dans l’espoir fallacieux que la situation va se redresser à terme et qu’il pourra engranger quelques milliards qui lui permettront de redonner quelque « crédit » à sa parole. La catastrophe est au bout de cet entraînement mortel.

            Le terrible de pareilles situations tient à ce que l’activité économique des pays pourrait être relativement saine et même connaître des chances de relance – telle l’Allemagne aujourd’hui – mais partout en Europe pareille relance est suspendue à la formidable incertitude de la dette publique, parapublique et bancaire. La question, l’unique question, lancinante, ne porte que sur un point : que valent les Etats, les obligations d’État, les actifs des banques centrales, y compris la BCE, qui doivent se recapitaliser, ceux de toutes les banques qui sont exposées aux dettes souveraines ou aux dettes quasi-souveraines, autrement dit, celles de toutes les collectivités et entités proches des États, aussi malades que les États ?

            Nul ne s’aventure à répondre de manière claire ou ne se risque à prononcer un diagnostic et encore moins un pronostic, mais les économistes avertis, les financiers qui ne mentent pas et les quelques politiques sérieux qui se comptent en France, n’en pensent pas moins. Chacun sait que dire la vérité publiquement, c’est précipiter l’évènement. Alors ? Nul ne veut en porter la responsabilité. Et, d’ailleurs, les quelques-uns qui osent – « les populistes » comme on dit –, sont aussitôt traités d’irresponsables.

    Quoi qu’il en soit par ailleurs de l’activité économique et des marchés autres que les marchés obligataires, l’année 2011 sera grevée pour les États et les banques de la zone euro par la question cruciale des dettes publiques et parapubliques et surtout par celle de leurs refinancements, de l’ordre maintenant chaque année de plusieurs centaines de milliards. Les marchés ne peuvent que faire monter les enchères des taux : ce qui est arrivé à la Grèce, à l’Irlande, au Portugal, à l’Espagne, arrivera à l’Italie et à la France, peut-être même à l’Allemagne. Les agences de notation seront poussées à dégrader de plus en plus les notes des États européens : après la Grèce et l’Irlande, le tour du Portugal, de l’Espagne et de la Belgique est venu et il n’est pas besoin d’être grand clerc ès finances publiques pour être certain que l’Italie et la France seront inscrites sur cette liste fatale. Si le sac de prétendus actifs sur lequel vous avez installé votre comptoir financier, n’est qu’un paquet de chiffons de papiers, ou plus vulgairement encore si vos lignes d’actifs comptabilisés sur votre ordinateur ne sont plus que du passif dissimulé, qu’est-ce qui se passe ? Ce qui s’est passé pour Lehman Brothers et quelques autres banques anglo-saxonnes, ce qui s’est passé en Islande, ce qui a failli se passer aussi en 2008 en Europe et, de nouveau, en mai 2010, ce qui se passera nécessairement demain, un jour ou l’autre. Quand le papier, ou ce qui tient lieu de titre de dette, ne représente plus rien, c’est tout simplement fini : ainsi rue Quincampoix sous la Régence, ainsi sous le Directoire la banqueroute des 2/3 qui marqua la fin des assignats et la liquidation de la dette, dite liquidation Ramel... Ainsi… Ainsi … Les exemples historiques ne manquent pas.

     

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    vers le mur de la dette

     

            Le mur de la dette se rapproche inexorablement. Il est là, bientôt là ; il est infranchissable. Nicolas Sarkozy, au dernier sommet de Bruxelles, a cru bon de tenir un langage ferme. En réalité et fort concrètement, pour tenter de s’en sortir, il arrime la France à l’Allemagne, du moins l’Allemagne d’Angela Merkel, pour donner l’impression de la stabilité et en espérant ainsi bénéficier de la confiance qu’inspire encore l’Allemagne. Il a été convenu que le traité de Lisbonne serait révisé pour autoriser les fonds de soutien européens… Il n’est pas dit que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe qui ne connaît de souveraineté qu’allemande, avalise cette décision. De toutes façons, les Allemands refuseront toujours les euro-obligations, ce qui est dire qu’il n’y a pas d’État européen et qu’il n’est pas question de leur « fourguer » les dettes des autres. Ils se contentent d’exiger de leurs partenaires la rigueur et de leur imposer un contrôle budgétaire a priori. La France, pleine d’illusions, s’imagine encore être la reine en Europe et qu’il lui suffira de proposer des convergences budgétaires, fiscales, économiques et sociales pour qu’enfin apparaisse cette Europe politique unie, vieux rêve des politiciens démocrates-chrétiens et socialo-capitalo-bourgeois, unique pensée politique, intellectuelle et morale de quasi toute la classe dirigeante en France depuis des décennies, Europe grâce à laquelle tous les problèmes – et surtout les problèmes français – seraient facilement résolus ! Il n’en sera pas ainsi. Les dernières rencontres européennes l’ont prouvé amplement. Chacun des partenaires, dans la crise actuelle, ne voit que son intérêt. Si l’Allemagne a consenti à sauver momentanément la Grèce , c’est parce qu’elle était exposée, elle-même, à la dette grecque ; de même son intervention en Irlande se justifie à ses yeux parce que les banques allemandes sont fortement concernées dans les comptes des banques irlandaises ; l’Angleterre intervient pareillement et pour les mêmes raisons. Et, d’ailleurs, l’Irlande joue un jeu dangereux en impliquant à fond sa banque centrale sans prévenir la BCE ni les organes européens. Ainsi agissent les nations et les États.

            L’Europe qui a été faite par des politiciens et des technocrates, n’est pas l’Europe qu’il fallait faire. On le paye aujourd’hui. Les dirigeants français se trouvent dans cette contradiction théorique perpétuelle de toujours pousser à davantage d’intégration européenne, et de protester à chaque moment contre les interventions et les exigences de cette même Europe qui vont et qui iront de plus en plus à l’encontre de intérêts français ! La vérité est qu’il n’y a plus de politique française et par conséquent l’économie française en est elle-même terriblement affectée, même si quelques décisions d’État, reste de vieux réflexes régaliens – c’est-à-dire royaux ! – essayent de sauver encore ce qui peut être sauvé. Des livres paraissent de plus en plus nombreux, de plus en plus décisifs sur la question : entre autres, dernièrement celui de Marie-France Garaud, intitulé comme de juste Impostures politiques (Plon), qui montre que ce que nous vivons est une vieille histoire, celui aussi de Robert Colonna d’Istria, intitulé État, le grand naufrage (Éditions du Rocher), qui est un récapitulatif de toutes les causes du désastre auquel nous assistons et surtout auquel nous allons assister. Même les journaux progressistes comme Le Monde et Libération envisagent l’inévitable : les docteurs ès qualité prennent date ! Il est temps ! Le Figaro s’effraye… en tentant de rassurer le bourgeois ! 

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            Il est vrai que le bilan des quarante dernières années est accablant pour l’ensemble de la classe dirigeante. Cela n’est pas sans rappeler feue la IIIe République et feue la IVe République.

            Qui se souvient encore des bravades de Paul Reynaud en avril 1940 : « La route du fer est coupée »… et dans le mois qui suivit, ce fut le désastre de mai 40. L’histoire recommencerait-elle ? L’erreur serait de croire que « le peuple » – un peuple d’ailleurs bien abstrait – tranchera le débat. Pas plus les élites, ou prétendues telles, que « le peuple », en France, à quelque époque que ce fût, n’ont réussi par eux-mêmes à sortir des crises. Encore moins les partis quels qu’ils fussent !

            Il y fallait une autre force, une autre légitimité historique, celle qui incarne la France dans sa durée et son unité. Puisque se clôt en cette fin décembre l’année Henri IV, pourquoi ne pas se tourner vers cette figure symbolique ? Non pas pour le "folklore", mais pour la leçon politique qu’elle nous suggère, aussi valable aujourd’hui que de son temps. Absurde, irréel, dira-t-on ! Alors l’histoire de France n’est que rêve et absurdité ■

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     L'Europe aujourd'hui ? Politiciens et technocrates m'ont tuer.....

    "L’Europe qui a été faite par des politiciens et des technocrates, n’est pas l’Europe qu’il fallait faire. On le paye aujourd’hui."

     

             Il n’est pas douteux que les esprits commencent à voir. Marine Le Pen, Bruno Gollnisch, Nicolas Dupont-Aignan n’ont aucun mal à dire ce qui est, sauf qu’ils sont dénoncés pour leur volonté supposée de récupérer à leur profit la fureur populaire et ils sont déjà concurrencés à gauche par des Montebourg, des Valls, des Mélenchon. 

  • UN ENTRETIEN D’AXEL TISSERAND AVEC LE PRINCE JEAN DE France : « CONSOLIDER LE TISSU SOCIAL »

            Le blog du CRAF a publié, hier, un intéressant entretien, paru dans AF 2000, entre Alex TISSERAND et le Prince Jean de France. Nous le reproduisons intégralement.

     

    Monseigneur, quel bilan tirez-vous de la publication d’Un Prince français, quinze mois après sa parution ? ?


    prince jean couverture.pngLe livre s’est vendu à quelque 10 000 exemplaires. Comme toujours, les ventes ont été très fortes dans les six premiers mois. La couverture médiatique a été bonne et un quart des ventes s’est effectué dans le cadre des conférences que j’ai données à Paris, en province ou à l’étranger (j’ai fait deux conférences en Belgique). Pour un premier livre, je suis content, d’autant qu’on peut multiplier ce chiffre par deux ou trois pour avoir le nombre de lecteurs. Après mon mariage et la naissance de Gaston, ce livre m’a permis de rester présent en posant un cadre intellectuel à mon action. Loin de tout extrémisme, il reflète ce que doit être la position d’un prince : équilibrée, au service du pays. C’est ce qu’ont retenu, à mon sens, aussi bien les Français que les journalistes, comme l’ont montré deux émissions récentes, sur France 2 («Prise directe») et sur Canal Plus. J’ai en quelque sorte planté le décor. Réflexion et action sont intimement liées, d’autant que le livre est le fruit de dix ans de déplacements. Il ne s’agit pas d’une réflexion éthérée : une matière concrète a servi de base à son élaboration. Il convient désormais d’engager une action dans un domaine où le prince est à sa place.

    Que vous ont apporté vos rencontres avec les Français ?

     

    J’ai cherché tout d’abord à délivrer des messages précis sur un certain nombre de sujets. Ces messages devenaient de plus en plus clairs au fur et à mesure que je les exposais et que je recueillais les réactions des Français.

     

    Ces rencontres m’ont également permis de mieux connaître le public qui s’intéresse à la monarchie. Durant mes dix années de déplacements dans le pays, j’ai pu établir de nombreux contacts qui ont eu prince jean paris rossini.jpgun effet démultiplicateur. A Bordeaux, comme à Paris (photo ci contre, ndlr), j’ai parlé devant plus de quatre cents personnes. Certaines étaient convaincues, d’autres moins. J’ai rencontré la France dans toute sa diversité. J’ai pu engager un vrai dialogue avec des Français de toutes conditions socioprofessionnelles et culturelles, de toutes origines aussi. Ils sont de plus en plus nombreux à réfléchir non seulement à l’avenir du pays, mais également au rôle d’un prince, éventuellement d’un roi, parce que le monde politique a du mal à répondre à leurs attentes, faute de leur donner des perspectives enracinées dans un véritable projet. Il y a de moins en moins de liant : pensons à l’isolement des personnes âgées, au sort des exclus. Chacun vit dans sa bulle : il suffit de voir les personnes dans les transports en commun. Un prince peut être ce liant que recherchent les Français : d’une part, l’histoire de ma famille rejoint notre histoire commune ; d’autre part, mes orientations visent à consolider le tissu social.

     

    Votre expérience vous a permis d’approcher tous les milieux sociaux. De plus, la question sociale est une tradition de la Famille de France (Lettre aux Ouvriers du comte de Chambord en 1865, Le Prolétariat, écrit en 1936, par votre grand-père) : quels sont les grands axes de votre réflexion en ce domaine ? Vous inscrivez-vous dans une tradition et laquelle ?


    La question sociale était la grande préoccupation de mon grand-père : la Fondation Condé, qu’il a créée pour les personnes âgées, en est l’illustration. Personnellement, je me suis toujours engagé auprès des personnes handicapées, le handicap, à travers ma sœur et mon frère, faisant partie de mon quotidien. De plus avant mon mariage, j’allais régulièrement à Lourdes comme brancardier.

    Je souhaite désormais aller plus loin, c’est du reste un des objectifs de l’association Gens de France cette année.

    A Toulon (photo ci dessous, parue dans le JDD, ndlr)., lors de la présentation de mon livre, j’ai eu l’occasion de visiter un quartier «difficile» et d’y observer l’action de l’association Le Rocher, qui vise à rétablir une verticalité et une horizontalité. Lapjjdd.jpg verticalité, c’est la difficulté qu’éprouvent ces populations, installées depuis peu de temps et touchées par le chômage, à s’enraciner. L’horizontalité, c’est surtout le mal-être des jeunes et le divorce des générations, particulièrement sensibles dans ces quartiers. Or un prince a toute capacité à agir sur ces questions.

            En effet qui, mieux qu’un prince, qui incarne l’histoire de France dans toute sa continuité vivante – mon père comme chef de Maison et moi comme dauphin – peut expliquer à ces populations ce qu’est l’enracinement et leur proposer des perspectives de sortie, en faisant de la question éducative au sens large (les relations avec la famille et l’enseignement) et de l’accès au travail des priorités ? Il convient de leur redonner espoir. Ces quartiers, où vivent des populations diverses tant sur les plans culturel que religieux, sont un vivier naturel de réflexion et d’action pour un prince, apte, de par sa position, à leur faire partager un destin commun. Les politiques ne le peuvent pas parce qu’ils défendent des intérêts particuliers. Lui, au contraire, défend le seul bien commun, il est au service exclusif du pays : c’est tout l’intérêt d’avoir des rois et des reines.

     

    Pourtant la situation sociale et économique, aggravée par la crise, semble inciter la jeunesse à perdre confiance dans le pays…


    La situation est difficile, en effet, mais nous restons la cinquième puissance économique mondiale. Dans ces conditions, pourquoi cette morosité ambiante ?

    J’ai la conviction que nous n’avons pas fait les bons choix structurels. Seule une société d’équilibre, dont le centre de gravité est le plus bas possible, peut fonctionner. La clef de la réussite d’un pays comme la France, c’est sa classe moyenne. Plus celle-ci est forte et a la faculté de produire au travers de ses PME, plus le pays a de chances de s’en sortir. Or, dans les années précédentes, on a commis une double erreur : sur le plan économique, on a favorisé les plus riches et, sur le plan social, on ne s’est préoccupé que des plus pauvres. Il faut évidemment conserver nos fleurons économiques : mais n’oublions pas les entreprises familiales, qui sont de vrais gisements d’emplois. Il faut évidemment s’occuper des plus pauvres mais en développant le tissu social à partir des structures petites et moyennes, qu’il s’agisse des entreprises, des quartiers, des paroisses ou des associations, ce qui permettra de donner une forte impulsion au pays. Malheureusement, ce ne sont pas les choix qui sont faits aujourd’hui. Et le secteur productif est insuffisamment encouragé, face à une administration trop souvent paralysante.

    De plus, par clientélisme, les politiques visent à contenter certaines catégories de l’électorat, ce qui leur interdit de prendre les problèmes à bras-le-corps et de les résoudre. Je le répète, il faut faire des structures petites et moyennes, familles, quartiers et PME, ce sont là des priorités pour parvenir à régénérer le tissu social.

     

    Monseigneur, vous avez écrit que «l’impératif humain rejoint l’impératif social» : on parle des suicides à France Télécom, beaucoup moins des suicides de paysans ou de policiers : la souffrance au travail, non seulement physique, mais également psychologique et morale, ne vous paraît-elle pas un véritable phénomène social ?

    Effectivement, mais outre les difficultés particulières vécues par les catégories que vous avez citées, la relation de travail est devenue trop tendue : les patrons cherchent à satisfaire les actionnaires qui cherchent à se remplir les poches. Dans les entreprises, les comportements ne sont plus tournés vers le bien commun, sauf à de rares exceptions près : or les entreprises qui ont fait ce choix sont à la prine jean fields.pngpointe de leur activité tout simplement parce qu’elles ont compris qu’être bien dans son cadre de travail incite à donner le meilleur de soi-même (ci contre, reçu par Michel Fields, ndlr). L’entreprise est souvent à l’image de son patron. Si le patron ne pense qu’à son profit, il en sera de même des salariés. C’est la même chose en politique : si le chef de l’Etat agresse verbalement les citoyens, ces derniers perdront tout respect pour l’autorité publique.

    La notion de service a déserté l’entreprise : on ne pense qu’à son profit personnel. Il appartient aux chefs d’entreprise de poser des règles saines et de montrer l’exemple.

    Il faut par ailleurs assouplir les règles d’embauche, mais dans un cadre juridique strict, pour permettre aux entreprises, notamment aux PME, d’épouser la vie économique. Il convient également de rétablir un climat de confiance : les petits patrons, les artisans et les commerçants ne sont pas tous des exploiteurs ! C’est dans le cadre de ces structures à taille humaine que le respect de l’autre peut le mieux être pris en compte.

     

    Monseigneur, l’immigration, notamment de travail, est encouragée par Bruxelles : n’est-ce pas le type même de la fausse bonne idée du fait que cette immigration pèse sur les salaires, vide les pays émergents de leurs cerveaux et de leur jeunesse, incite les pays développés à la paresse en termes de formation et de débouchés pour leur propre jeunesse, qui s’exile à son tour ? Enfin, elle aggrave les problèmes liés au communautarisme…


    Vous avez raison. Un pays a besoin d’un socle commun. Comme le montrent les banlieues, la France n’est plus un modèle d’intégration, contrairement au sortir de la guerre, où des Français de toutes origines avaient partagé un destin commun. Il faudrait déjà que les diverses composantes de notre pays réussissent à partager des valeurs communes avant que nous ne pensions à en faire venir d’autres. En l’absence de socle intégrateur, il n’y a pas d’immigration réaliste possible. La priorité, c’est de travailler à ce socle intégrateur.

    Alors que 10 % de la population active n’a plus de travail, est-ce en favorisant l’immigration que nous résoudrons le problème du chômage ? Donnons d’abord du travail aux chômeurs. Attention, le vase pourrait déborder ! Absorbons et intégrons les immigrés présents sur notre sol avant d’en faire venir d’autres !

    Quant à Bruxelles, c’est une administration qui se contente de poser des additions sans rien connaître des réalités concrètes des nations qui composent l’Europe.

     

    Qu’en est-il à vos yeux de la représentativité et de l’action syndicales ? Les syndicats ne se contentent-ils pas trop souvent de canaliser les mécontentements ou de servir une clientèle sans être de véritables forces de proposition ?


    Les syndicats sont nécessaires : le monde du travail a besoin de représentants. Le problème, c’est qu’ils sont politiques. L’existence de grandes centrales syndicales au plan national est légitime mais à condition qu’elles orientent leur action en direction des branches et des entreprises. Le rôle des syndicats est de défendre les salariés face à la direction en manifestant des besoins particuliers.

     

    Vous souhaitez une simplification du droit du travail. N’est-ce pas la porte ouverte à de possibles dérives ? C’est souvent au nom de la simplification qu’on dérégule pour, prétend-on, adapter le droit du travail à l’évolution de la société…


    L’homme est sur terre pour travailler : c’est un fait. Parce qu’on n’a pas le courage de traiter les problèmes au fond, on ne cesse de multiplier les aménagements ou les niches, que ce soit dans le domaine social avec les 35 heures qu’on n’a pas osé abroger, ou fiscal avec le «bouclier». Je suis patron de deux entreprises et je dirige une association : les seules questions administratives occupent quasiment un plein-temps. Plus aucun patron, même d’une TPE, ne peut s’en sortir sans comptable ni avocat. Les Français étaient des entrepreneurs, mais comme on ne leur facilite pas la tâche, ils n’osent prince jean tchat provence.jpgplus s’engager dans des projets. Nos structures manquent de souplesse, elles sont figées. Une plus grande fluidité du marché du travail serait également nécessaire (ci contre, tchat avec les lecteurs du quotidien La Provence, ndlr). Certes, l’opinion publique ne sera pas rassurée car depuis trente ans l’assistance l’a emporté sur la prise de risque, mais comme l’Etat est endetté, les mentalités vont devoir changer.

    Personnellement, j’aurais bien voulu créer un emploi, mais, si je le faisais, compte tenu des charges, je mettrais en péril mon entreprise. D’ailleurs, ce qui est en cause, ce n’est pas tant le droit du travail que l’état d’esprit. On accumule de la législation en perdant de vue les principes, ce qui est contraire à notre tradition du droit. La loi devrait se contenter de poser les grands principes gouvernant le droit du travail et de l’encadrer. Cela permettrait notamment de faciliter l’embauche et la prise de risque, d’autant que les entreprises détournent la difficulté en recourant à tous les artifices juridiques pour reculer la signature des contrats d’embauche.

    Dans le cadre de l’association Gens de France, nous travaillons à dégager les conditions de recréation du tissu social et économique français, en portant une attention toute particulière au rôle que doivent jouer les petites et moyennes entreprises dans cette reconstruction : une fois repérées une dizaine de problématiques, nous dégagerons les solutions concrètes permettant au pays de recouvrer son dynamisme.

    Je le répète : la législation doit d’autant plus viser avec simplicité les grands principes qui président à la vie sociale et économique, que l’Europe ajoute aux difficultés en créant de nouveaux étages réglementaires qui ne tiennent aucun compte de la réalité.

  • L’école irréformable, par Jean de Viguerie

                Jean de Viguerie a donné un très intéressant article sur l'enseignement, sur le site de l'Institut du Bon Pasteur, le 30 janvier dernier.

                On peut, en effet, comme il le dit fort justement, trouver de nombreuses causes de la situation actuelle dans mai 68.

                On peut aussi remonter encore beaucoup plus loin. Et inscrire cette époque de 1960 elle-même dans la suite logique du plan Langevin-Wallon (lequel reprenait des théories énoncées pour certaines dès avant la Deuxième Guerre mondiale). Et remonter, ainsi, à la nature même de l’Instruction Publique, incorrectement devenue, de nos jours, Éducation Nationale: l’utilisation de l’école comme moyen de gouverner n'était-elle pas, in fine, la raison des caractères laïc et obligatoire de l’école de Jules Ferry ?.....

                 Et si, comme le pense avec raison l'auteur, "L'Ecole actuelle est irréformable"..... c'est parce qu'elle est idéologique, comme le Système qui l'a générée, lui-même étant irréformable, à son tour, pour cette même raison....

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                L’école irréformable est celle de la République. Je vais m’en expliquer.


                Il y a en France depuis de longues années une crise de l’enseignement, une crise qui dure et qui s’aggrave de jour en jour.
    Cette dégradation et ses innombrables effets malheureux sont reconnus et déplorés depuis plus de vingt ans. Dès les années 80 on entendait partout un concert de gémissements, et nous avions les oreilles cassées de ces cris déchirants : l’école n’est plus l’école, nous criait-on, les enfants ne savant pas lire, les disciplines sont massacrées, l’histoire est morte, le français agonise, les mathématiques sont assassinées. Or, cette lamentation n’a pas cessé. On a même entendu récemment des ministres gémir, MM. Allègre et Ferry par exemple, et plus récemment M. Darcos. Certains éléments du système scolaire, comme la lecture globale, le collège unique et la mixité, sont maintenant l’objet de critiques extrêmement dures.

                Mais en vain. Les pleurs et les critiques n’ont aucun effet. Le système est maintenu et semble devoir être maintenu longtemps. De tous côtés des voix s’élèvent et protestent. Comment, demandent-elles, peut-on continuer un tel enseignement malgré toutes les condamnations portées contre lui ?  Peine perdue : ces protestations ne changent rien.

                Pourquoi ? Je vois au moins deux raisons.

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                La première est que l’on ne veut pas remonter aux causes. Il y a eu entre 1960 et 1977, conduite par les gouvernements de la cinquième république, une « réforme générale de l’enseignement » (c’était l’expression employée alors par le ministère de l’Education Nationale). En même temps on a ouvert le secondaire à tous les élèves sortis du primaire, sans contrôle et sans examen Tout le désordre vient de cette réforme et de cette ouverture. Si l’on ne veut pas reconnaître ces causes, il est inutile de vouloir quelque amélioration que ce soit.

                La seconde raison est que la conscience du désastre n’est pas assez vive. On ne réalise pas suffisamment l’énormité du changement introduit dans les années soixante. L’école a subi alors une révolution comme elle n’en avait jamais connu depuis le début de son existence. Du jour au lendemain on a rejeté les lois fondamentales de la connaissance intellectuelle et de l’apprentissage du savoir. Si l’on prenait vraiment la mesure d’une telle atteinte, on mettrait tout en œuvre pour y remédier.

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                A condition bien sûr qu’il y ait une volonté politique. S’il y avait cette volonté, il suffirait de deux ou trois lois et de quelques instructions et circulaires ministérielles pour revenir à un enseignement digne de ce nom. Je prends un seul exemple. C’est une simple instruction ministérielle (datée du 7 mai 1963), signée René Haby, directeur des services d’enseignement, qui a détérioré l’enseignement de l’histoire dans le secondaire en limitant les programmes du second cycle à la seule histoire contemporaine. Ce qu’une instruction a défait, une autre pourrait le refaire. De même pour toutes les autres disciplines, de même pour la lecture.

                Mais il n’y a pas de volonté politique. Considérons cette dégradation de cinquante années… Combien de politiques l’ont dénoncée ? Un bien petit nombre en vérité. Et toujours pendant les campagnes électorales. Mais l’élection faite, il n’en était plus question. .

                La question se pose alors : pourquoi n’y a-t-il pas de volonté politique ?

                D’abord parce que les hommes au pouvoir aujourd’hui ne diffèrent pas de ceux qui ont détruit l’enseignement dans les années soixante. Ce sont leurs doubles, ce sont leurs semblables. Si une telle destruction était à refaire, ils la referaient. Et je parle de tous les politiques. Je ne fais pas de différence entre la gauche et la droite. D’ailleurs c’est la droite qui a fait la « réforme générale de l’enseignement » des années soixante, c’est elle qui a voté la calamiteuse loi d’orientation des universités en 1968, c’est elle enfin qui a créé le collège unique (réforme Haby de 1977). La gauche voulait ces réformes, mais, le plus souvent, c’est la droite qui les a faites.

    Ce livre délirant dénonce un prétendu complot catholico-gouvernemental contre l'école publique

    Ce livre délirant dénonce un prétendu complot catholico-gouvernemental contre l'école publique

                L’ignorance généralisée, fruit de toutes ces réformes, ne gêne pas les politiques. Non seulement elle ne les gêne pas, mais elle leur profite. On gouverne mieux un agrégat d’ignorants (au surplus abrutis par la télévision) qu’un peuple instruit et formé dès l’enfance au double exercice de la mémoire et de la raison. J’irai même plus loin. Je dirai que cette fausse école mise en place dans le demi-siècle écoulé convient parfaitement aux politiciens. N’est-elle pas un instrument idéal de manipulation des esprits ? On s’empare des enfants dès le plus jeune âge, on les prive de tout repère dans l’espace et dans le temps, on les sépare du passé de leur pays, on les frustre de leur héritage culturel, et pour finir on les persuade que la connaissance et le respect de l’idéologie démocratique passent avant tout autre savoir et tout autre devoir. Cette école enseigne, comme on dit aujourd’hui, les « valeurs de la République ». Elle est vraiment, selon l’expression consacrée, « l’école de la République ». Et c’est bien ainsi, puisque « la République, écrivait il y a quelques années, l’historien  radical-socialiste Claude Nicolet, est ce qui permet aux hommes d’exister pleinement ».

                Nous sommes dans le système de pensée des Lumières, et ce n’est pas un  hasard si les Lumières sont invoquées à tout instant par la classe dirigeante. Ce n’est pas un hasard, et c’est à juste titre. L’éducation nouvelle dont nous subissons aujourd’hui les tristes effets, a été conçue par les philosophes des Lumières. Ces philosophes ont appelé de leurs vœux cette éducation qui s’empare de l’enfant, et au moyen de l’enfant de tout un peuple, et finalement fabrique une nouvelle espèce humaine dont la caste des maîtres et des privilégiés pourra disposer à son gré. A ces êtres fabriqués sur mesure on fera croire qu’ils sont libres, et ils obéiront d’autant mieux… C’est la ruse conseillée par Rousseau au gouverneur d’Emile, et cette ruse dans l’esprit de Rousseau lui-même est applicable au peuple autant qu’à l’enfant : « Qu’il croie toujours être le maître, et que ce soit toujours vous qui le soyez. Il n’y a point d’assujettissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la liberté ; on captive ainsi la volonté même ». Citons également Voltaire : « Il est bon que le peuple soit guidé et non qu’il soit instruit ; il n’est pas digne de l’être ». Ces leçons philosophiques étaient connues depuis longtemps, mais il était réservé à notre époque de les appliquer. Il était réservé aux politiciens de la cinquième république de savoir en comprendre toute la signification et la force. Il ne faut pas compter sur eux pour une amélioration quelconque. Jamais ils ne réformeront le système.

                L’école actuelle est irréformable. Si l’on veut retrouver une école digne de ce nom, il ne faut pas l’attendre de l’éducation dite nationale. A moins que l’Etat ne change de nature, il n’y aura pas dans l’avenir d’autre véritable école que l’école vraiment libre, c’est-à-dire entièrement soustraite à la double emprise de l’Etat et de l’idéologie républicaine.

    Jean de Viguerie, 30 janvier 2010.

  • Autour du Prince Jean ! Le Prince à la rencontre du monde: Entretien avec Jean Gugliotta.

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     Jean Gugliotta est le principal responsable et organisateur des voyages du Prince à l'étranger. 

    Lafautearousseau : Depuis une dizaine d’années, le Prince est très présent dans la vie publique. Au sein de l’équipe qui l’entoure, vous êtes plus particulièrement chargé de l’organisation de ses voyages, notamment de ses voyages à l’étranger. Quels sont les pays qu’il a visités ?

    Jean Gugliotta : Effectivement, depuis 1998, année de la mort du précédent comte de Paris, le Prince a entamé une série de voyages, en France et à l’étranger. Il s’agissait, pour lui, personnellement, de poursuivre l’œuvre de son grand-père et de prolonger la présence de la Maison de France, dans l’espace public, national et international. Je vous rappelle que le prince Jean, à plusieurs reprises, a accompagné les déplacements de son grand-père, en particulier au Québec, à l’initiative du gouvernement français. Durant les dix années écoulées, le Prince s’est rendu, dans l’ordre, en Louisiane, au Québec, au Liban, au Maroc, en Tunisie, en Pologne, en Roumanie et, en 2008, à l’invitation du gouvernement québécois, à Montréal et à Québec, dans le cadre des célébrations du quatre-centième anniversaire de la fondation de Québec, par Champlain, au nom du roi de France.   

     

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    lfar : Au cours de ses voyages à l’étranger, est-ce qu’il a rencontré des chefs d’état ou de gouvernement ? Lesquels ?

    JG : La plupart de ces voyages ont pour origine une invitation des Etats. Souvent à l’occasion d’une célébration qui tenait à l’identité ou à l’histoire de la « puissance invitante ». D’autres voyages ont été plutôt à l’initiative du Prince et pour des raisons personnelles ou familiales. C’est particulièrement le cas pour le Maroc, où le Prince a voulu se rendre pour « mettre ses pas dans les pas de ses ancêtres ». Je vous rappelle que le comte de Paris y a passé sa jeunesse et que le duc de Guise y a été enterré, au cimetière de Larache. Mais quelle qu’ait été l’origine de ces voyages, le Prince a toujours fait l’objet d’un accueil au plus haut niveau. C’est ainsi qu’au Maroc, il a été reçu par le roi Mohamed VI, avec qui il s’est entretenu, au palais royal de Tétouan (ci dessus).  Mohamed VI lui a raconté un souvenir d’enfance : lors d’une réception à Paris, voyant arriver une personnalité qu’il ne connaissait pas, il avait questionné son père, le roi Hassan II. Et le roi lui avait répondu : « c’est le comte de Paris ; si la France était une monarchie, c’est lui qui serait le roi. ». Au Liban, le Prince a été reçu par le président de la république libanaise, Emile Lahoud, dans son palais de Baabda. Au Québec, il a rencontré tout le staff gouvernemental, et, en plus, le Premier Ministre du Canada et Madame Michaëlle Jean, Gouverneur-Général du Canada, représentant la reine d’Angleterre. En Pologne, il a aussi rencontré le président de la Diète, en Tunisie et au Maroc plusieurs ministres, et en Louisiane, il a été reçu par Madame le Gouverneur et le président du Congrès.

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    lfar : Est-ce qu’il a rencontré d’autres personnalités marquantes ? Lesquelles ?

    JG : Des personnalités marquantes, à différents points de vue. Permettez-moi d’évoquer la rencontre en Louisiane, avec les indiens Houmas, les enfants rouges de la France, qui ont rappelé au Prince, documents à l’appui, la visite à leur tribu, au XVIIIème siècle, du fils du duc d’Orléans, le futur Louis-Philippe (ci dessus). Cette même tribu, aujourd’hui, se bat, malgré les difficultés, pour conserver l’usage du français. Au Liban, il s’est entretenu longuement avec le patriarche maronite, Monseigneur Sfeir, et, dans sa forteresse du Chouf, avec le chef Druze Walid Joumblatt. Au Liban, il a aussi rencontré le père  Mansour Labaki, dont l’œuvre, en faveur des enfants, est universellement appréciée. En Pologne, il a rencontré deux personnalités particulièrement marquantes, qui ont été l’une et l’autre, très proches de Jean-Paul II  : Lech Walesa, prix Nobel de la Paix, venu, tout exprès, de Gdansk à Varsovie (ci dessous), et le cardinal Dziwisz, primat de Pologne … L’épouse du président de la république polonaise a aussi tenu à saluer le Prince. Mais au-delà de ces personnalités marquantes, il ne faut pas oublier que le Prince, attaché à la présence de la France, dans ces différents pays, y rencontre aussi un grand nombre de décideurs en matière économique, culturelle ou scientifique.

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    lfar : Quel est le rôle du Quai d’Orsay et des représentations diplomatiques françaises, dans les pays où le Prince s’est rendu ?

    JG : Lors du premier déplacement du Prince, à l’étranger, qui était en Louisiane, le Quai d’Orsay a souhaité être informé des raisons de ce voyage. Le Prince a considéré comme normal que le Ministère des Affaires Etrangères soit tenu au courant. Par la suite, dans tous les voyages, le Quai d’Orsay, pour ce qui le concernait, a toujours facilité les rencontres avec les ambassadeurs en poste. Ces derniers reçoivent le Prince, dès son arrivée, et font, avec lui, un tour d’horizon de la situation locale. A son retour, le Prince tient informé le Quai de ses conversations. Une anecdote : lors de son voyage au Maroc, l’ambassadeur de France, en déplacement, n’a pas pu recevoir le Prince mais il a tenu à lui téléphoner personnellement pour l’informer du décès de sa grand-mère, la comtesse de Paris et l’assurer de sa sympathie. Des représentants de la France à l’étranger, le Prince reçoit toujours un parfait accueil.      

    lfar : Lui est-il arrivé, lors de ces voyages, de rencontrer des personnalités gouvernementales ou politiques françaises ? Et, si oui, comment ces rencontres se passent-elles ?   

     

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    JG : A ce propos, c’est le dernier voyage a Québec qui me permet le mieux de répondre à votre question. Le Prince y a rencontré l’ensemble de la délégation française présente aux cérémonies. En particulier, Alain Juppé qui a regretté de n’avoir pu le recevoir à Bordeaux lors de son dernier voyage et a souhaité une nouvelle occasion. Jean-Pierre Raffarin a témoigné beaucoup de chaleur au Prince. Une autre anecdote à ce sujet. Jean-Pierre Raffarin regrettait qu’en raison de la pluie battante, les participants aux cérémonies dussent se réunir, à l’abri, dans une même enceinte. Le Prince lui a répondu que finalement ce n’était pas plus mal et que cela permettait, au moins, de se rassembler. Avec esprit et répartie, le premier Ministre a répliqué : « Rassembler les gens, c’est bien là votre vocation, Monseigneur. On reconnaît-là votre éducation capétienne ». A cette même occasion, le Prince s’est entretenu également avec Jean-Paul Huchon qui l’a invité à visiter l’exécutif du Conseil Régional d’Ile de France. Il a salué aussi Bernard Accoyer qui préside l’Assemblée Nationale et Ségolène Royal. Tout le monde a vu la photographie de la rencontre entre François Fillon et le Prince (ci dessus, tirée de Gens de France, ndlr), qui lui a présenté les personnes qui l’accompagnaient. Il faut dire, pour finir, que lors de ce genre de dîner officiel, c’est vers la table du Prince que convergent les regards et le mouvement de tous ceux qui veulent venir le saluer.        

    lfar : Vous avez accompagné le Prince, à Rome, pour une visite au Vatican. A-t-il rencontré le Pape ?

    JG : En fait, le Prince souhaitait aller à Rome pour visiter, en compagnie de Monsieur Didier Repellin, architecte, les Pieux Etablissements. Effectivement, au cours de ce voyage, le Prince s’est rendu au Vatican. Mais Benoît XVI venait à peine d’être élu et ne recevait pas, à ce moment-là. 

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    Au Liban, avec l'ambassadeur de France....

     

    lfar : Quelle a été l’atmosphère et la teneur des entretiens que le Prince a eus avec les responsables de la Curie ?  

    JG : Le Prince était impressionné par la noblesse des lieux et la qualité des personnes qui l’ont reçu. Mais ces dernières étaient aussi, manifestement, conscientes de ce qu’il représentait, qui est issu de l’histoire de la Chrétienté. Notamment, lors de la rencontre avec le cardinal Poupard. Le voyage a eu lieu à quelques jours du referendum de rejet par la France du traité de constitution européenne. Le cardinal Ruini demande au Prince s’il est apparenté et quels rapports il entretient avec les familles royales européennes. Le Prince répond en énumérant ses nombreux liens de parenté avec ces familles et les relations qu’il entretient avec elles. Le cardinal s’exclame alors : « Mais, vous êtes à vous seul toute l’Europe, dans ce qu’elle a de plus noble ! ».  Et s’adressant à l’ambassadeur de France, présent pour l’occasion, et lui-même surpris par l’étendue des liens de parenté du Prince, il l’interroge : « qu’en pensez-vous, Monsieur l’ambassadeur ? ». 

    Le cardinal conclue à l’intention du Prince : « ce sont des familles comme les vôtres qu’il faudrait à l’Europe, Monseigneur. Dans vos familles, nous le savons, il y a la durée, il y a de la sagesse, il y a même de la sainteté, parfois, Monseigneur ».    

    lfar : Au fait, en quelle langue ces entretiens, à l’étranger, se déroulent-ils ? Le Prince parle-t-il des langues étrangères ?

    JG : Le Prince parle, effectivement plusieurs langues, en particulier, couramment, l’anglais et l’allemand. Il faut d’ailleurs rappeler que, par sa mère, l’allemand est aussi, pour lui, une langue maternelle. Quant à l’anglais, il l’a étudié aux Etats-Unis, où il a passé plusieurs années, dans une université californienne.  

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    Ci dessus et ci dessous : en Pologne...

     

    lfar : Comment le Prince est-il perçu en général ? Par exemple : Comme une personnalité people ? Comme un vestige de l’Histoire ? Ou comment ?

    JG : Je répondrai encore une fois par une anecdote. Lors d’une réception par la chambre de commerce franco-louisianaise, je me trouvais, à table, auprès d’une jeune femme qui effectuait un post-doctorat, à l’université de la Louisiane. Elle ne semblait pas s’intéresser au débat politique traditionnel. Au cours de la conversation, elle a dit à toute la table, comme un sentiment profond, en même temps qu’une découverte : « c’est bizarre, quand je regarde cet homme, j’ai l’impression que je vois la France ». Nous sommes loin d’une image people ou vestige !

    lfar : Que lui apportent tous ces voyages ? Lors de la dernière assemblée générale de l’association Gens de France que le Prince préside, vous avez développé l’idée que ces voyages constituent « une double pédagogie ? ». Pouvez-vous expliquer ?

    JG : A l’origine, l’objectif du Prince est de s’informer et même, simplement, de se former aux réalités françaises et internationales. Il s’agit, pour lui, d’aller sur le terrain, de rencontrer les gens, de connaître leurs problèmes. Pour lui, ces voyages ont un intérêt pédagogique. Le phénomène de « double pédagogie » que j’ai évoqué réside en ceci qu’au fur et à mesure des voyages, et de l’expérience que le prince en retirait, les personnes qui le recevaient ou qui l’approchaient découvraient elles aussi ce qu’est un Prince et ce qui le différencie radicalement d’un homme politique traditionnel. Je puis vous assurer que cette différence est très perceptible et très vite ressentie lorsque le Prince voyage …

    lfar : Y-a-t-il d’autres projets de voyage ?

    JG : Le Prince fait toujours l’objet de plusieurs invitations, à l’étranger. En particulier, de la part du Japon et de la Hongrie. L’Afrique et la défense de la langue française font partie de ses préoccupations. Le prochain mariage du Prince suspend, pour l’instant ces projets mais sa nouvelle situation, familiale et professionnelle, l’amènera, sans-doute, à affirmer encore davantage son action. 

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  • Tout ce qui est Racines est bon : Le Mont Saint Michel fête ses 1.300 ans…

                On ne présente plus le Mont. Nous éviterons donc d'aligner des images ou des textes que l'on trouve partout, mais nous essaierons cependant de fêter nous aussi, à notre façon, ses 1.300 ans d'existence.

                Nous reviendrons donc un peu longuement sur l'affaire Gouguenheim, le Mont (et son scriptorium) se trouvant évidemment en bonne place dans l'ouvrage fort utile de Sylvain Gouguenheim Aristote au Mont Saint Michel. Les racines grecques de l'Europe chrétienne.
               Le travail de transmission (par les copistes) de la culture antique à l'Occident s'étant pour une bonne part effectué ici, dans le scriptorium du Mont, nous présenterons de nouveau, en la résumant, l'idée centrale de l'auteur, en montrant le lieu où s'est passé une part importante de ce qu'il décrit....
     
     
     
     
     
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    Disons un mot, malgré tout, sur ce lieux extra-ordinaire    http://vinz1966.free.fr/   

               Et sur la non moins extra-ordinaire Nature qui l'environne :  en cliquant sur le lien suivant, on aura une idée de ce qui se passera dans quelques années lorsque les gigantesques travaux en cours auront rendu son insularité traditionnelle au Mont http://www.planet.fr/diaporama/le-mont-saint-michel-de-demain.19590.fr.html

     

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                Et n'oublions bien sûr pas l’essentiel. S’il est bon, évidemment, de connaître l’histoire prestigieuse du monastère, il s’agit de vraiment découvrir ses trésors, « contenant et contenu » si l’on peut dire. C'est-à-dire le bâtiment lui-même dans sa splendeur mais aussi et surtout la beauté de la liturgie. A quoi servirait en effet une abbaye, aussi belle soit-elle, où l’on ne célébrerait pas, ou plus, la liturgie ? Elle serait une coquille vide. Belle, certes, mais vide, surtout. Rien de tel au Mont, où la spiritualité est bien vivante, grâce aux fraternités monastiques de Jérusalem (présentes depuis 2001, l'une de cinq moines, l'autre de cinq moniales)     http://abbayedumontsaintmichel.cef.fr/

                Elle est là, la vraie beauté du Mont. Sa beauté principale, centrale et essentielle, ce ne sont pas ses pierres et ses sculptures ; ou plutôt, ce sont ses pierres et ses sculptures, ordonnées à leur objectif initial et final : nous conduire à Celui qui est au sommet, qui est « le » Sommet. Le Mont fonctionne bien s'il est, et quand il est, route et chemin menant au Vrai, au Beau et au Bien..... 

     

                Venons-en maintenant à l'ouvrage de Sylvain Gouguenheim.

     

                Le point de départ de la polémique est cette question: Quelle est la part de l'apport musulman dans la constitution de la Culture européenne au Haut Moyen-Âge ?

               En mars 2008, Sylvain Gouguenheim, professeur d'histoire médiévale à l'ENS de Lyon, publie Aristote au Mont Saint Michel. Les racines grecques de l'Europe. Sa thèse: "L'héllénisation de l'Europe chrétienne fut avant tout le fruit de la volonté des européens eux-mêmes, elle ne doit rien au monde arabo-islamique".

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    1)         Gouguenheim ouvre son livre sur les thèses qu'il entend contredire: celle des "Âges sombres", concept hérité de Pétrarque et repris au XIXème par l'historiographie anglo-saxonne pour désigner la période comprise entre la chute de l'Empire romain  et l'arrivée en Angleterre de Guillaume le Conquérant, faisant du Haut Moyen-Âge un temps d'obscurantisme et de déclin culturel; celle d'un "Islam des lumières" venant réveiller (culturellement et scientifiquement) les Européens grâce à la transmission d'un savoir grec depuis longtemps oublié, et contribuant à donner à l'Europe des "racines musulmanes". Des thèses qui, selon l'auteur, relèvent "plus du parti idéologique que de l'analyse scientifique", et sont essentiellement celles d'Alain de Libera, présentées dans un ouvrage de référence en 1991, Penser au Moyen-Âge.

                 "L'argument de la dette"des Européens à l'égard du monde arabo-musulman serait cimenté par l'énorme travail de traduction des oeuvres grecques opéré par les intellectuels arabes, qui auraient permis leur diffusion en Europe. C'est "l'intermédiaire arabe" qui expliquerait donc la redynamisation de l'Europe consécutive à la redécouverte du savoir grec. La matrice islamique aurait littéralement donné naissance à la civilisation européenne qui s'épanouit à partir du XIIème siècle. Bien plus, il y aurait "prééminence du monde musulman sur la chrétienté médiévale".....

                  Mais  Gouguenheim fait remarquer que l’on confond souvent arabité et islamisme, attribuant tout le mérite de l’hellénisation du monde européen à l’Islam, alors que "les arabes chrétiens et les chrétiens arabisés" constituaient près de la moitié des habitants des pays d’Islam vers l’an mille. Quant aux savants musulmans du monde abbasside, ils ne s’aventuraient jamais dans l’univers des sciences, se contentant de prospections dans celui de la religion. L’historien récuse le poncif d’une Europe inculte et barbare, tortionnaire d’un monde arabo-musulman exempt de tout reproche....


    2)        Vient ensuite l’exposé de sa thèse : celle des "racines grecques de l’Europe", ou comment "le monde occidental chrétien du Moyen Âge fit de son mieux pour retrouver le savoir grec", tout seul.

              L’ouvrage s’organise ensuite en cinq grandes parties, chacune constituant un pan particulier de la démonstration. Non seulement l’Occident ne perdit vraiment jamais de vue la culture grecque (chap. I), mais la diffusion du savoir grec, de toute façon, a surtout été le fait de Byzance et des chrétiens d’Orient (chap. II). Même en plein Occident, plus particulièrement au Mont-Saint-Michel (ci dessus et ci dessous, le scriptorium), des moines ont joué le rôle de pionniers dans les processus de traduction des textes d’Aristote (chap. III) et de récupération de l’héritage grec avec lequel, de toute façon, l’Islam a toujours entretenu des rapports difficiles, lui qui ne connut qu’une "hellénisation limitée"(chap. IV). Enfin, Gouguenheim évoque les "problèmes de civilisation"permettant de comprendre pourquoi les échanges culturels Islam/Chrétienté furent minimes (chap. V)…

     
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               Le premier chapitre évoque des pans méconnus de l’histoire culturelle occidentale des VIIe-XIIe siècles. Sylvain Gouguenheim décrit les élites intellectuelles carolingiennes avides de savoir grec et soucieuses d’étudier ses dépositaires. De Pépin le Bref, réclamant autour de 760 des livres en grec au pape, à Charles le Chauve, dont les Monumenta Germaniae Historica dirent, en 876, que "méprisant toute l’habitude des rois Francs, il estimait que la gloire des Grecs était la meilleure", on constate qu’effectivement, comme le dit l’auteur, "la brèche [était] ouverte".
     
                Et c’est dans cette brèche que vinrent s’engouffrer, à partir du IXe siècle, les multiples "renaissances" intellectuelles prouvant, s’il en était besoin, que la science antique ne déserta jamais totalement les terres occidentales.

                Le monde byzantin manifesta le même engouement dès le VIIIe siècle, et Gouguenheim nous rappelle, que déjà un siècle auparavant un mouvement de traduction du grec en syriaque – langue sémitique issue de l’araméen –, puis du syriaque en arabe, avait été lancé par les chrétiens d’Orient.
               Le chapitre III  est consacré aux travaux de traduction menés au Mont-Saint-Michel, dans lesquels s’illustra le "chaînon  manquant",Jacques de Venise, clerc vénitien qui y aurait, avant tout le monde, traduit les œuvres d’Aristote.

    3)        Une fois menée ce plaidoyer en faveur de l’Europe pas si sombredes VIIe-XIIe siècle, l’auteur conclut :
               "En tout état de cause, le processus de progrès culturel et scientifique qui anime l’Europe médiévale des VIIIe-XIIe siècles paraît de nature endogène. … L’Europe aurait suivi un chemin identique même en l’absence de tout lien avec le monde islamique. L’intermédiaire arabe, sans être inexistant, n’eut sans doute pas la portée décisive qu’on lui attribue….. »

  • Jean-Louis Caccomo parle de Mai 68...

    200584610.2.jpg          À l’occasion de la sortie du livre collectif "Liquider Mai 68 ?", dirigé par Chantal Delsol et Matthieu Grimpret (Presses de la renaissance), LIBERTE POLITIQUE.COM (le site de la Fondation de Service Politique) ouvre une série de réflexions des auteurs, où chacun, dans son domaine de compétence, livre son analyse des "événements", de leurs conséquences, et de leur célébration.

               Faut-il liquider Mai 68 ? Si non, pourquoi, et si oui, comment ? Le 6 Mai c'était  l’économiste Jean-Louis Caccomo, docteur en sciences économiques de l'université d'Aix-Marseille II, maître de conférences à l'université de Perpignan, qui donnait son sentiment.

               Etant donné l'intérêt de son article, nous le reproduisons intégralement ci-dessous, après ceux de Patrice de Plunkett et de Cyril de Pins, consultables dans la Catégorie "Mai 68".......

    891209176.jpg           Leçon économique : la congélation des droits acquis.

               JE SUIS FIER d’avoir participé à l’ouvrage collectif de Matthieu Grimpret et Chantal Delsol, Liquider mai 68 ?, pour proposer une analyse économique des accords de Grenelle dans une perspective différente de la rengaine convenue. À une époque où l’on se fait fort de défendre le droit des minorités et la diversité des opinions, il est plus que nécessaire de briser le consensus et de pouvoir discuter sans tabou sur des périodes troublées de notre histoire contemporaine avant que la mythification en cours neutralise toute discussion plus objective.

               Car les hommages nostalgiques ont déjà commencé et nous sommes déjà assommés de cantiques obligés de tous les soixante-huitards sur le retour dont la plupart sont devenus aujourd’hui des notables installés ou des hommes de pouvoir sur fond de manifestations lycéennes chroniques. Nous assistons à cette messe tous les dix ans, en 88 et en 98, comme si chaque génération voulait rallumer une flamme éteinte trop vite.

               Mais à défaut d'avoir un avenir, on ressasse le passé en le déformant au passage pour les besoins de la propagande en place. Car il faut bien regarder en face son passé : on ne sait pas où l'on va lorsque l'on ne sait plus d'où l'on vient.

               Les ornières de Grenelle

               Les fameux accords de Grenelle, récemment élevés au rang de mythe inattaquable à l'occasion du Grenelle de l'environnement, ont entériné une pratique politique qui constitue une grave déviance de nos institutions républicaines. Quelle que soit l'issue des urnes, le dernier mot revient à la rue, dans un troisième tour permanent orchestré par les partenaires sociaux qui sortent ainsi outrageusement de leur rôle. Ces derniers participent ainsi au filtrage des politiques économiques autorisées, en les soumettant à des critères qui sont de véritables critères de Maastricht avant l'heure à la différence près qu’ils n’ont jamais été ratifié devant aucun parlement.

               Depuis les (vrais) accords de Grenelle, nos politiques ont toujours suivi la même direction : baisse du temps de travail, accroissement des minimas sociaux, augmentations des salaires sans tenir compte des performances de notre économie réelle. Et toute politique n'appliquant pas ces principes, dans une logique de soutien à la consommation, fut de fait écartée, de sorte que les alternances politiques ne furent qu'un leurre. Il y a les politiques économiques autorisées et celles qui seront définitivement interdites.

               C'est ce format qui nous a interdit d'envisager dans les années quatre-vingt les seules politiques qui s'imposaient dans le monde entier après la fin d'une période fondée sur la progression régulière des gains de productivité (les trente Glorieuses), et qui ont permis à l'Angleterre et les USA de retrouver le chemin de la prospérité. C’est cet héritage qui nous a permis de railler Reagan et de diaboliser Thatcher, alors qu’ils étaient en train de littéralement sauver leur pays du désastre tandis que nous poursuivions sur la voie tracée par les accords de Grenelle avec le passage aux 39 heures, la baisse de l’âge de la retraite et les augmentations de salaires sans rapport avec les gains sectoriels de productivité. Ce sont de telles ornières qui nous empêchent de traiter objectivement et dans toutes ses dimensions le problème du financement des retraites ou la question lancinante d’un chômage massif qui plombe notre société depuis 1973.

               « Une révolte de petits bourgeois »

               Mai 88, mai 98, mai 2008, chaque décennie apporte son lot de célébrations sans se donner la peine d'exposer un regard critique sur les événements ainsi montés au rang de mythe national, devenu aussi intouchables que le front populaire de 1936.

               Pourtant, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître qu’il y a une autre lecture des événements moins complaisante et moins glorieuse. Car les accords de Grenelle n’ont en aucune manière stoppés les émeutes de Mai 68. Malgré les concessions déjà irréalistes arrachées par les syndicats sous la pression de la rue, ce n’était pas suffisant et le gouvernement de l’époque s’est trouvé totalement dépassé, ce qui est le lot de tous gouvernements cédant à la passion de la rue.

               Un mois plus tard, c’est un million de Français qui descendent les Champs-Elysées pour en appeler au Général de Gaulle. Le gouvernement qui venait de signer les accords de Grenelle était ainsi désavoué.

               J'avais cinq ans en 1968... Mais j'ai le souvenir que mon père, qui avait délaissé sa Sicile natale dans un état de grande pauvreté, ne comprenait guère ce qu'il appelait une « révolte de petits bourgeois ». Je reconnais pleinement que ce mouvement a introduit des espaces de liberté individuelle dans une société corsetée et rigide. Mais force est d’admettre que cette société rigide a aussi rendu possible les trente Glorieuses, une période exceptionnelle de rattrapage économique qui a permis de rendre économiquement possible des aspirations d’un ordre supérieur. Les générations qui ont bâti cette prospérité ont connu des temps autrement plus durs, parsemés de guerres mondiales et de crises sociales.

               En comparaison, la génération 68 fut bénie des dieux. Il ne s'agit pas de mettre tout le monde dans le même sac, en collant une étiquette réductrice à toute une génération. Mais les leaders les plus charismatiques du mouvement de Mai 68 ont mangé la soupe capitaliste des trente Glorieuses dans laquelle ils n’ont eu de cesse de cracher au nom d’une critique hystérique du libéralisme révélatrice de leur ignorance fabuleuse des principes économiques. Ils ont connu la révolution sexuelle sans le Sida. Ils ont rejeté des parents qui avaient connu les privations, la guerre et la souffrance. Ils ont laissé pousser des enfants sans cadre sous prétexte de ne rien interdire et d’expérimenter des méthodes pédagogiques progressistes. Ils ont profité de tous les acquis sociaux, s'empressant de partir aujourd’hui à la retraite (avec anticipation) avec le pactole et une espérance de vie en augmentation de sorte que la durée de vie à la retraite sera bientôt aussi longue que la vie active.

               Qui paiera ?

               Qui paiera ? Les enfants et les petits-enfants pardi, lesquels vont hériter de dettes et d’impôts nouveaux !

               Les porte-paroles de cette génération gâtée, non contents d’avoir profité de cette miraculeuse conjonction d’avantages, non contents d’être nés au bon endroit au meilleur moment, terrorisent toujours les âmes, imposent leurs valeurs et leurs références intellectuelles, font régner une police de la pensée inflexible qui ne tolère aucune contradiction.

               Ils sont installés dans les murs de Radio-France où ils professent leur marxisme décalé, débattant doctement de la crise du libéralisme ou de la fin du capitalisme. Ils ont pris les rênes de l’université où ils formatent encore les esprits sans aucune préoccupation de la réalité qui vient pourtant chaque jour démentir ses postulats erronés. Les mouvements lycéens et étudiants font désormais partis des rituels imposés. Et ceux qui ont le malheur de ne pas se conformer à ce format sont immédiatement traités de fascistes ou de réactionnaires. Avec eux, il n’y a pas de demi-mesure ! C'était cela aussi l'esprit de Mai 68.

               Et pourtant, ils devraient faire preuve de plus de modestie. D’abord, ils se sont plantés sur toute la ligne dans leur lecture de l’histoire, cautionnant les pires régimes politiques. La plupart était maoïste au moment où Mao précipitait des millions de Chinois dans la famine au nom de la révolution culturelle.

               Ensuite, ils vivent mieux que leurs parents alors que leurs enfants vivront moins bien qu'eux. Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, une génération a été incapable de transmettre le flambeau de la prospérité, la croyant acquise.Et c’est sans doute parce qu’elle a été incapable de transmettre les facteurs de cette prospérité que sont le capital humain (c’est-à-dire principalement la confiance, la morale, la compétence et la connaissance du monde, de l’économie et de l’homme) et l’épargne. L’Éducation nationale, qu’elle a proprement phagocytée, n’assure plus son rôle de transmission des connaissances. Elle a toujours condamné cette école « bourgeoise ». Pour elle, l’école doit « fabriquer des citoyens solidaires », entendez par là des moutons incapables de penser par eux-mêmes et de se débrouiller sans l’État-berger.

               Quant à l’épargne, elle suffit à peine à supporter la charge de la dette publique. Dans ce contexte, que reste-t-il pour l’investissement productif, pour le financement plus risqué de la recherche et de l’innovation sans lesquels aucune croissance ne saurait être durable ?

              Quelle dignité peuvent avoir des parents qui laissent des factures à leurs enfants alors qu’ils ont eux-mêmes hérités d’un véritable trésor ? Car ils sont nés dans un pays riche et ils laisseront un pays en voie de sous-développement. Mais ils n’auront jamais le courage de l’admettre et ils sauront toujours trouver des boucs émissaires : c’est la faute au grand capital ! Diantre, quelle trouvaille pour ces esprits pétris de dialectique et ces experts en langue de bois.

              Par pudeur, au lieu de célébrer dans la rue cet anniversaire pittoresque, taisez-vous enfin, laissez la place à d’autres, prenez votre retraite, profitez encore de vos vieux jours, mais de grâce, cessez de donner des leçons.

  • La reconnaissance de l’identité française, par Jean-François Mattéi

                Dans la livraison de janvier de Magistro ( www.magistro.fr ) Jean-François Mattéi revient sur le thème de l'identité française. Vous avez été nombreux à apprécier les extraits que nous avons proposé sur ce Blog de son ouvrage magistral (puisqu'on parle de Magistro !...), Le Regard vide. Essai sur l'épuisement de la Culture européenne.

                Vous retrouverez la même hauteur de vue, et la même profondeur de l'analyse, dans le texte qu'il a confié à Magistro, et que nous reproduisons ci-dessous...

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    Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne, de Jean-François Mattéi. Flammarion, 302 pages, 19 euros.

    La reconnaissance de l’identité française, par Jean-François Mattéi

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                Commençons par écarter les malentendus et dissiper les hypocrisies.

                Les adversaires du débat sur l’identité française dénient toute pertinence à la question posée en la jugeant infondée, illusoire ou dangereuse. Ils ne font ici que justifier doublement ce même débat. D’une part, en y participant par leur opposition, ce qui relève de la définition du débat d’idées. D’autre part, en montrant, par leurs réticences, sinon leurs craintes, que ce débat est d’autant plus nécessaire qu’ils ne savent plus ce qu’est l’identité française, ou, plus encore, qu’ils s’en désintéressent. Or, l’identité d’un peuple manifeste l’acte politique par excellence, celui que Rousseau appelait, dans une formule précisément identitaire, "l’acte par lequel un peuple est un peuple". Que cet acte fondateur et permanent soit aujourd’hui oublié par ceux qui, pourtant, tirent leur identité de citoyen de l’identité nationale, témoigne, par son paradoxe, de la nécessité de s’interroger sur lui.


                Aux yeux des censeurs, il est interdit de soulever la question de l’ "identité nationale" comme si l’alliance de ces mots était blessante pour les autres identités. On notera pourtant que ceux-là mêmes qui dénient aux Français le droit d’affirmer leur identité, ou simplement de s’interroger sur elle, se montrent plus tolérants à l’égard de l’identité des autres. On salue avec respect la culture des peuples différents des Français pour mieux critiquer la culture française qui sert de repoussoir avant d’être niée. Ainsi entendait-on récemment Madame Martine Aubry tancer le Président de la République qui "fait honte à la France" parce qu’il aurait instauré un "débat malsain". Or, selon Mme Aubry, "l’identité de la France n’est pas ethnique, pas religieuse, pas culturelle", mais c’est "l’appartenance à des valeurs communes". C’est déjà admettre qu’il y a bien une identité de la France. Mais d’où proviendraient ces valeurs partagées si elles ne sont ni naturelles, c’est-à-dire données par la race, ni culturelles, c’est-à-dire acquises par une histoire commune ?


                Il est vrai que la notion d’identité est délicate à appliquer aux sociétés humaines. Venues des mathématiques où elles se révèlent d’autant plus remarquables qu’elles résolvent les équations du second degré, les identités semblent concerner le seul monde des nombres. Dans l’ordre anthropologique, comme le montrait Lévi-Strauss dans son cours du Collège de France de 1975, l’utilisation de l’identité commence par "une critique de cette notion". La question "qui suis-je ?", en effet, pour un homme comme pour une civilisation, est aussi indécise que la question "que sais-je ?" En posant la dernière question, Montaigne n’avait pas d’autre prétention que de peindre en lui, non pas l’être, mais le passage. Il reste pourtant que Montaigne n’a jamais confondu son identité avec celle de La Boétie – "parce que c’était lui, parce que c’était moi" - et que Lévi-Strauss a reconnu que l’identité est "une sorte de foyer virtuel auquel il nous est indispensable de nous référer pour expliquer un certain nombre de choses". Ces choses ne sont pas minces si elles concernent l’être d’un homme, d’une société ou d’une civilisation.


                Il suffit de ne pas penser ce foyer comme une identité crispée, refermée sur elle-même, pour éviter qu’elle se fourvoie dans l’exclusion des autres. S’il nous est "indispensable", en revanche, de partager une identité sereine, c’est parce que, seule, la distinction de notre identité avec celle des autres peut assurer leur reconnaissance mutuelle. En d’autres termes, et c’étaient ceux de Montesquieu : à la question comment peut-on être Français ?, la réponse est nécessairement : comment peut-on être Persan ?  L’interrogation sur l’identité d’un peuple, et de sa culture, s’avère indissociable de l’interrogation sur l’identité des autres peuples, et des autres cultures. C’est une chose en effet bien extraordinaire pour un Français que d’habiter ce "foyer" identitaire qui s’est forgé à travers l’histoire à partir d’une myriade d’identités disparates, celte, romaine, franque, sarrasine, italienne, plus tard algérienne, portugaise, espagnole ou polonaise. La mosaïque française est formée de tesselles de diverses formes et de diverses couleurs dont chacune assure l’unité d’un dessin identique en s’intégrant en lui. Ce que ne reconnaissent pas les critiques de l’identité française, c’est que toute société, ou toute culture, est contrainte, du seul fait de son existence, à affirmer son être par opposition à celui d’autrui. C’est moins là un processus d’exclusion de l’autre qu’un processus d’inclusion de soi, lequel, paradoxalement, a besoin de l’altérité de l’autre pour assumer sa propre identité.

                Nul ne l’a mieux vu que Jean-Jacques Rousseau. En annonçant déjà Lévi-Strauss, il soulignait que toute société partielle, précisément parce qu’elle n’est pas totale, ce qui la rendrait totalitaire, se révèle différente de la grande, c’est-à-dire du genre humain. Et Rousseau d’énoncer cette phrase décisive qu’il justifie en mettant en cause ceux qui la récusent : "Tout patriote est dur aux étrangers ; ils ne sont qu’hommes, ils ne sont rien à ses yeux". Tout en notant que l’essentiel est d’être bon envers ceux avec qui l’on vit tous les jours, l’auteur de l’Émile concluait par ce conseil : "Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d’aimer ses voisins". L’identité d’un peuple est donc réelle, lorsqu’elle est vécue librement sans se figer sur elle-même, à la condition, non pas d’exclure l’altérité, mais de la reconnaître comme une identité différente. Telle est l’étrangeté de la reconnaissance identitaire qui a besoin du regard de l’autre pour le tourner vers soi. Ce n’est pas là une identité de négation de l’étranger, mais bien une identité d’affirmation du national. La véritable négation serait plutôt celle de cette haine de soi, en laquelle Constantin Castoriadis, dans un article du Monde  du 9 janvier 1999, voyait "la forme la plus obscure, la plus sombre et la plus refoulée de la haine". Elle croit bon de nier son identité pour exalter celle d’autrui au détriment de leur reconnaissance réciproque.

                La polémique à propos de l’entrée au Panthéon d’Albert Camus est un nouvel avatar de ce déni d’identité. Il suffit que le Président de la République propose un transfert des cendres de l’écrivain pour que l’épouvantail d’une récupération politique soit brandi. Récupération de qui ? De l’extrême droite ? Le rédacteur en chef de Combat  aurait-il partagé les thèses du Front national ou d’un autre parti extrémiste ? L’homme de gauche serait-il devenu, parce qu’il préférait sa mère à la justice, c’est-à-dire la vie de sa mère à la justice du terrorisme, un homme d’extrême droite ? Cela ne tient guère. D’où viendrait alors la récupération ? Des Européens d’Algérie dont il faisait partie et qu’il n’a jamais reniés même quand ils l’ont critiqué, sifflé et exclu de leurs rangs ? Ce serait alors exclure, en même temps que Camus, toute une catégorie de Français dont on ne reconnaîtrait pas l’identité. En fait, le débat sur l’entrée de Camus dans un temple consacré à tous les dieux, en termes modernes, à l’universel, est révélateur de la méfiance à l’égard de l’identité française. Né d’un père d’origine bordelaise et d’une mère d’ascendance espagnole, Camus incarnait charnellement, par la générosité de son engagement comme par la fidélité de son enracinement, l’universalité de la culture française. Ce serait une amère ironie de l’histoire que l’auteur de L’Étranger qui vivait de toutes ses fibres l’étrangeté native de l’existence humaine ne puisse incarner, en reposant au Panthéon, l’identité de la France qui est celle de ses œuvres.

                Qu’est-ce que l’identité d’un Français ? Non pas seulement la connaissance de son passé et de ses traditions, comme il en va de toutes les sociétés et de tous les peuples, mais son identification quotidienne à ce qui mérite d’être identifié comme Français. C’est-à-dire son paysage (Vidal de la Blache disait que "la France est un être géographique"), son humanité (Michelet soulignait que si l’Angleterre est un empire et l’Allemagne un pays, "la France est une personne", et, par-dessus de tout, sa culture. La culture n’est pas un dépôt intellectuel, scientifique et artistique assoupi dans les bibliothèques, mais, comme l’indique son étymologie latine, du verbe colere, "prendre soin" (ainsi l’agricultura est le « soin de la terre »), le soin que l’on porte à ce qui est digne d’être soigné afin d'en d'en produire les fruits. Et les fruits de l’identité française sont, avec sa langue, ses œuvres auxquelles chaque Français s'identifie à tout instant, dès qu’il parle et qu’il agit. L’acte par lequel un peuple est un peuple, une personne une personne, et un citoyen un citoyen, n’est autre que ce processus constant d’identification aux œuvres que d’autres Français ont créées avant nous et que d’autres Français, s’inscrivant dans cet héritage, feront plus tard fructifier.
    "Comment peut-on être Français ?", s’étonnent ceux qui, pour se détacher de tout enracinement, n’acceptent plus de l’être. En évitant d’être le seul peuple qui, pour exalter l’identité des autres, croit nécessaire de répudier la sienne.

  • Le Prince à la rencontre du monde : Entretien avec Jean Gugliotta.

    Palais royal de Tétouan, juillet 2003 - le roi Mahamed VI, le prince Jean de France, Jean Gugliotta
     
    La note qui précède (« Le miracle marocain : Un roi, sinon rien »), est illustrée par une photographie de l'entretien qui eut lieu début juillet 2003 au palais royal de Tétouan entre le roi Mohamed VI et le prince Jean de France. Dans quel cadre s'est faite cette rencontre ? Qu'en a-t-il été des voyages du Prince à l'étranger dans cette période ? De leur objet, de leur importance ? Jean Gugliotta - qui en a été l'un des principaux organisateurs - nous avait donné à cet égard de substantielles explications en avril 2009, pour les années 1998-2009. Ainsi, d'ailleurs, que différents exemples vécus, à l'appui de son propos. Nous trouvons opportun de les donner à lire, aujourd'hui, où, s'agissant de l'exemple marocain, l'on constate aisément les bienfaits d’un roi « stabilisateur ». Lesquels manquent si évidemment et cruellement à la France actuelle.         
     
    Lafautearousseau : Depuis une dizaine d’années, le Prince est très présent dans la vie publique. Au sein de l’équipe qui l’entoure, vous êtes plus particulièrement chargé de l’organisation de ses voyages, notamment de ses voyages à l’étranger. Quels sont les pays qu’il a visités ?

    Jean Gugliotta : Effectivement, depuis 1998, année de la mort du précédent comte de Paris, le Prince a entamé une série de voyages, en France et à l’étranger. Il s’agissait, pour lui, personnellement, de poursuivre l’œuvre de son grand-père et de prolonger la présence de la Maison de France, dans l’espace public, national et international. Je vous rappelle que le prince Jean, à plusieurs reprises, a accompagné les déplacements de son grand-père, en particulier au Québec, à l’initiative du gouvernement français. Durant les dix années écoulées, le Prince s’est rendu, dans l’ordre, en Louisiane, au Québec, au Liban, au Maroc, en Tunisie, en Pologne, en Roumanie et, en 2008, à l’invitation du gouvernement québécois, à Montréal et à Québec, dans le cadre des célébrations du quatre-centième anniversaire de la fondation de Québec, par Champlain, au nom du roi de France.      

    lfar : Au cours de ses voyages à l’étranger, est-ce qu’il a rencontré des chefs d’état ou de gouvernement ? Lesquels ?

    JG : La plupart de ces voyages ont eu pour origine une invitation des Etats. Souvent à l’occasion d’une célébration qui tenait à l’identité ou à l’histoire de la « puissance invitante ». D’autres voyages ont été plutôt à l’initiative du Prince et pour des raisons personnelles ou familiales. C’est particulièrement le cas pour le Maroc, où le Prince a voulu se rendre pour « mettre ses pas dans les pas de ses ancêtres ». Je vous rappelle que le comte de Paris y a passé sa jeunesse et que le duc de Guise y a été enterré, au cimetière de Larache. Mais quelle qu’ait été l’origine de ces voyages, le Prince a toujours fait l’objet d’un accueil au plus haut niveau. C’est ainsi qu’au Maroc, il a été reçu par le roi Mohamed VI, avec qui il s’est entretenu, au palais royal de Tétouan (ci dessus).  Mohamed VI lui a raconté un souvenir d’enfance : lors d’une réception à Paris, voyant arriver une personnalité qu’il ne connaissait pas, il avait questionné son père, le roi Hassan II. Et le roi lui avait répondu : « c’est le comte de Paris ; si la France était une monarchie, c’est lui qui serait le roi. ». Au Liban, le Prince a été reçu par le président de la république libanaise, Emile Lahoud, dans son palais de Baabda. Au Québec, il a rencontré tout le staff gouvernemental, et, en plus, le Premier Ministre du Canada et Madame Michaëlle Jean, Gouverneur-Général du Canada, représentant la reine d’Angleterre. En Pologne, il a aussi rencontré le président de la Diète, en Tunisie et au Maroc plusieurs ministres, et en Louisiane, il a été reçu par Madame le Gouverneur et le président du Congrès. 

    lfar : Est-ce qu’il a rencontré d’autres personnalités marquantes ? Lesquelles ?

    JG : Des personnalités marquantes, à différents points de vue. Permettez-moi d’évoquer la rencontre en Louisiane, avec les indiens Houmas, les enfants rouges de la France, qui ont rappelé au Prince, documents à l’appui, la visite à leur tribu, au XVIIIème siècle, du fils du duc d’Orléans, le futur Louis-Philippe. Cette même tribu, aujourd’hui, se bat, malgré les difficultés, pour conserver l’usage du français. Au Liban, il s’est entretenu longuement avec le patriarche maronite, Monseigneur Sfeir, et, dans sa forteresse du Chouf, avec le chef Druze Walid Joumblatt. Au Liban, il a aussi rencontré le père  Mansour Labaki, dont l’œuvre, en faveur des enfants, est universellement appréciée. En Pologne, il a rencontré deux personnalités particulièrement marquantes, qui ont été l’une et l’autre, très proches de Jean-Paul II  : Lech Walesa, prix Nobel de la Paix, venu, tout exprès, de Gdansk à Varsovie et le cardinal Dziwisz, primat de Pologne … L’épouse du président de la république polonaise a aussi tenu à saluer le Prince. Mais au-delà de ces personnalités marquantes, il ne faut pas oublier que le Prince, attaché à la présence de la France, dans ces différents pays, y a rencontré aussi un grand nombre de décideurs en matière économique, culturelle ou scientifique. 

    lfar : Quel est le rôle du Quai d’Orsay et des représentations diplomatiques françaises, dans les pays où le Prince s’est rendu ?

    JG : Lors du premier déplacement du Prince, à l’étranger, qui était en Louisiane, le Quai d’Orsay a souhaité être informé des raisons de ce voyage. Le Prince a considéré comme normal que le Ministère des Affaires Etrangères soit tenu au courant. Par la suite, dans tous les voyages, le Quai d’Orsay, pour ce qui le concernait, a toujours facilité les rencontres avec les ambassadeurs en poste. Ces derniers reçoivent le Prince, dès son arrivée, et font, avec lui, un tour d’horizon de la situation locale. A son retour, le Prince tient informé le Quai de ses conversations. Une anecdote : lors de son voyage au Maroc, l’ambassadeur de France, en déplacement, n’a pas pu recevoir le Prince mais il a tenu à lui téléphoner personnellement pour l’informer du décès de sa grand-mère, la comtesse de Paris et l’assurer de sa sympathie. Des représentants de la France à l’étranger, le Prince a toujours reçu un parfait accueil.      

    lfar : Lui est-il arrivé, lors de ces voyages, de rencontrer des personnalités gouvernementales ou politiques françaises ? Et, si oui, comment ces rencontres se passent-elles ?     

    JG : A ce propos, c’est le voyage à Québec qui me permet le mieux de répondre à votre question. Le Prince y a rencontré l’ensemble de la délégation française présente aux cérémonies. En particulier, Alain Juppé qui a regretté de n’avoir pu le recevoir à Bordeaux lors de son dernier voyage et a souhaité une nouvelle occasion. Jean-Pierre Raffarin a témoigné beaucoup de chaleur au Prince. Une autre anecdote à ce sujet. Jean-Pierre Raffarin regrettait qu’en raison de la pluie battante, les participants aux cérémonies dussent se réunir, à l’abri, dans une même enceinte. Le Prince lui a répondu que finalement ce n’était pas plus mal et que cela permettait, au moins, de se rassembler. Avec esprit et répartie, le premier Ministre a répliqué : « Rassembler les gens, c’est bien là votre vocation, Monseigneur. On reconnaît-là votre éducation capétienne ». A cette même occasion, le Prince s’est entretenu également avec Jean-Paul Huchon qui l’a invité à visiter l’exécutif du Conseil Régional d’Ile de France. Il a salué aussi Bernard Accoyer qui préside l’Assemblée Nationale et Ségolène Royal. Tout le monde a pu voir la photographie de la rencontre entre François Fillon et le Prince, qui lui a présenté les personnes qui l’accompagnaient. Il faut dire, pour finir, que lors de ce genre de dîner officiel, c’est vers la table du Prince que convergent les regards et le mouvement de tous ceux qui veulent venir le saluer.        

    lfar : Vous avez accompagné le Prince, à Rome, pour une visite au Vatican. A-t-il rencontré le Pape ?

    JG : En fait, le Prince souhaitait aller à Rome pour visiter, en compagnie de Monsieur Didier Repellin, architecte, les Pieux Etablissements. Effectivement, au cours de ce voyage, le Prince s’est rendu au Vatican. Mais Benoît XVI venait à peine d’être élu et ne recevait pas, à ce moment-là.  

    lfar : Quelle a été l’atmosphère et la teneur des entretiens que le Prince a eus avec les responsables de la Curie ?  

    JG : Le Prince était impressionné par la noblesse des lieux et la qualité des personnes qui l’ont reçu. Mais ces dernières étaient aussi, manifestement, conscientes de ce qu’il représentait, qui est issu de l’histoire de la Chrétienté. Notamment, lors de la rencontre avec le cardinal Poupard. Le voyage a eu lieu à quelques jours du referendum de rejet par la France du traité de constitution européenne. Le cardinal Ruini demande au Prince s’il est apparenté et quels rapports il entretient avec les familles royales européennes. Le Prince répond en énumérant ses nombreux liens de parenté avec ces familles et les relations qu’il entretient avec elles. Le cardinal s’exclame alors : « Mais, vous êtes à vous seul toute l’Europe, dans ce qu’elle a de plus noble ! ».  Et s’adressant à l’ambassadeur de France, présent pour l’occasion, et lui-même surpris par l’étendue des liens de parenté du Prince, il l’interroge : « qu’en pensez-vous, Monsieur l’ambassadeur ? ». 

    Le cardinal conclut à l’intention du Prince : « ce sont des familles comme les vôtres qu’il faudrait à l’Europe, Monseigneur. Dans vos familles, nous le savons, il y a la durée, il y a de la sagesse, il y a même de la sainteté, parfois, Monseigneur ».    

    lfar : Au fait, en quelle langue ces entretiens, à l’étranger, se déroulent-ils ? Le Prince parle-t-il des langues étrangères ?

    JG : Le Prince parle, effectivement plusieurs langues, en particulier, couramment, l’anglais et l’allemand. Il faut d’ailleurs rappeler que, par sa mère, l’allemand est aussi, pour lui, une langue maternelle. Quant à l’anglais, il l’a étudié aux Etats-Unis, où il a passé plusieurs années, dans une université californienne.   

    lfar : Comment le Prince est-il perçu en général ? Par exemple : Comme une personnalité people ? Comme un vestige de l’Histoire ? Ou comment ?

    JG : Je répondrai encore une fois par une anecdote. Lors d’une réception par la chambre de commerce franco-louisianaise, je me trouvais, à table, auprès d’une jeune femme qui effectuait un post-doctorat, à l’université de la Louisiane. Elle ne semblait pas s’intéresser au débat politique traditionnel. Au cours de la conversation, elle a dit à toute la table, comme un sentiment profond, en même temps qu’une découverte : « c’est bizarre, quand je regarde cet homme, j’ai l’impression que je vois la France ». Nous sommes loin d’une image people ou vestige !

    lfar : Que lui apportent tous ces voyages ? (...) Vous avez développé l’idée que ces voyages constituent « une double pédagogie ? ». Pouvez-vous expliquer ?

    JG : A l’origine, l’objectif du Prince a été de s’informer et même, simplement, de se former aux réalités françaises et internationales. Il s’est agi, pour lui, d’aller sur le terrain, de rencontrer les gens, de connaître leurs problèmes. Pour lui, ces voyages ont eu un intérêt pédagogique. Le phénomène de « double pédagogie » que j’ai évoqué réside en ceci qu’au fur et à mesure des voyages, et de l’expérience que le prince en retirait, les personnes qui le recevaient ou qui l’approchaient découvraient elles aussi ce qu’est un Prince et ce qui le différencie radicalement d’un homme politique traditionnel. Je puis vous assurer que cette différence est très perceptible et très vite ressentie lorsque le Prince voyage … 

     

  • Hervé Juvin : « L'union européenne, une entreprise à décerveler les peuples »

     

    D'après les révélations de Wikileaks, les trois derniers présidents français auraient été mis sur écoute par la NSA. Hervé Juvin voit dans ce scandale le symbole de l'hégémonie américaine et de la naïveté des Européens.

     

    HerveJuvin.jpgVotre livre s'intitule Le mur de l'ouest n'est pas tombé. Comment analysez-vous l'affaire Franceleaks ?                     

    Ne nous faites pas rire ! L'affaire des écoutes américaines des Présidents français, dont il est promis juré qu'elles se sont arrêtées en 2012, en dit plus sur l'état de la France que sur la réalité des écoutes. Partons du principe que tout le monde écoute tout le monde, suggérons avec le sourire que les Français ne sont pas les derniers à le faire, ajoutons que l'explosion de l'espionnage de données par les systèmes américains ne leur assure pas des triomphes stratégiques bien marquants, et regardons-nous !

    Les Français veulent croire que nous vivons dans un monde de bisounours. L'Europe est une entreprise à décerveler les peuples européens, ceux du moins qui croiraient que les mots de puissance, de force, d'intérêt national, ont encore un sens. C'est l'étonnement général qui devrait nous étonner; oui, l'intérêt national américain n'est pas l'intérêt français ! Oui, entre prétendus alliés, tous les coups sont permis, et les entreprises françaises le savent bien ! Oui, les Américains ne manquent pas de complices européens qu'ils savent diviser pour mieux régner ! Oui encore, l'exceptionnalisme américain leur permet d'utiliser tous les moyens pour dominer, pour diriger ou pour vaincre, et la question n'est pas de protester, c'est de combattre !

    Édouard Snowden est en Russie et ces révélations servent objectivement les adversaires des États-Unis. N'est-ce pas tout simplement de la géopolitique ?

    Le premier fait marquant de l'histoire Snowden, c'est que des pays qui se disent attachés à la liberté d'expression et indépendants n'ont pas souhaité l'accueillir, voire se sont alignés sur l'ordre américain visant à le déférer à la justice américaine. Il n'y a pas de quoi être fiers, quand on est Français, et qu'on a été l'un des champions des non-alignés ! Nous sommes rentrés dans le rang ; triste résultat de deux présidences d'intérim, avant de retrouver un Président capable de dire « non ! ».

    Le second fait, c'est que Snowden a révélé un système de pouvoir réellement impérial, qui tend à assurer de fait un empire mondial américain. Nous sommes face au premier nationalisme global. Le point crucial est l'association manifeste d'une surpuissance militaire, d'une surpuissance d'entreprise, et d'un universalisme provincial - une province du monde se prend pour le monde et veut imposer partout son droit, ses normes, ses règles, ses principes, en recrutant partout des complices. Ajoutons que l'affaire des écoutes, celle de la livraison des frégates « Mistral », comme celle des sanctions contre la Russie, éclairent la subordination absolue de ceux que les États-Unis nomment alliés, alors qu'ils les traitent comme des pions ; est-ce la manifestation de la stratégie du «leading from behind» annoncée par Barack Obama dans un célèbre discours à West Point ?

    Le troisième fait est au cœur de mon livre, Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé. Les États-Unis attendent la guerre, ils ont besoin de la guerre extérieure qui seule, va les faire sortir de la crise sans fin où l'hyperfinance les a plongés. Seul, un conflit extérieur les fera sortir du conflit intérieur qui monte. D'où la rhétorique de la menace, du terrorisme, de la Nation en danger, qui manipule l'opinion intérieure et qui assure seule l'injustifiable pouvoir de l'hyperfinance sur une Amérique en voie de sous-développement.

    Quel est, selon vous, le jeu américain vis-à-vis de la Russie ?

    La Russie est l'un des pôles de la résistance à l'ordre américain. Et c'est, à ce jour, la seule puissance militaire réellement capable de faire échec à une agression américaine. Cantonner, encercler, affaiblir la Russie, vient donc en tête de l'agenda effectif des États-Unis. Le général Wesley Clark l'a dit sans ambages ; « il faut en finir avec les États-Nations en Europe ! » Voilà pourquoi, entre autres, l'idéologie américaine nous interdit toute mesure pour lutter contre l'invasion démographique qui nous menace, promeut un individualisme destructeur de nos démocraties et de notre République, veut nous contraindre à une ouverture accrue des frontières, notamment par le traité de libre-échange transatlantique, et nous interdit de réagir contre les atteintes à notre souveraineté que représente l'extraterritorialité montante de son droit des affaires.

    Les États-Unis réveillent le fantôme de la guerre froide pour couper le continent eurasiatique en deux. C'est le grand jeu géopolitique des puissances de la mer qui est reparti ; tout, contre l'union continentale eurasiatique ! Bill Clinton a trahi les assurances données à Gorbatchev par George Bush : l'Otan ne s'étendra jamais aux frontières de la Russie. Les États-Unis accroissent leur présence militaire dans l'est de l'Europe, dans ce qui s'apparente à une nouvelle occupation. Que font des tanks américains en Pologne et dans les pays baltes? Le jeu géopolitique est clair ; l'Eurasie unie serait la première puissance mondiale. Les États-Unis, on les comprend, n'en veulent pas. On comprend moins leurs complices européens. Et moins encore ceux qui répètent que la puissance, la force et les armes ne comptent pas !

    Poutine ne cède-t-il pas au défaut (autocratie, volonté expansionniste) que l'Occident lui prête ?

    Critiquer la volonté impériale des États-Unis n'est pas encenser Monsieur Poutine ! Quand je critique la confusion stratégique américaine, je n'écris rien que des élus américains, comme Elizabeth Warren, comme Rand Paul, comme Jeb Bush lui-même, qui vient de déclarer qu'il n'aurait jamais envahi l'Irak, ont déclaré !

    Je constate simplement que les États-Unis ont eu peur du rapprochement entre l'Union européenne et la Russie, qui aurait menacé le privilège exorbitant du dollar, et qu'ils se sont employés à la faire échouer, comme ils s'étaient employés à affaiblir l'euro. Je constate ensuite que le Président Poutine a tourné la page du communisme pour renouer avec la tradition des tsars ; il a un confesseur, il favorise l'orthodoxie et redonne prestige et autorité à la troisième Rome, il discute avec le Pape François, etc. tout ceci dans un contexte où les États-Unis utilisent les droits de l'individu, sans origine, sans sexe, sans race, sans quoi que ce soit qui le distingue, sauf l'argent, pour dissoudre les sociétés constituées et en finir avec la diversité des cultures et des civilisations, qui n'est rien si elle n'est pas collective. Je salue le fait que la Russie soit un pôle de résistance à l'individualisme absolu, comme l'Inde, comme la Chine, comme l'Islam à sa manière, et qu'elle garde le sens de la diplomatie, qui est celui de reconnaître des intérêts contraires, pas d'écraser ses opposants. La France ne l'est plus. On n'est pas obligé d'être d'accord avec eux sur leur manière singulière d'écrire l'histoire de leur civilisation, pour être d'accord sur le fait que leur singularité est légitime, puisqu'ils l'ont choisie, et mérite d'être préservée !

    La chute de la diversité des sociétés humaines est aussi, elle est plus grave encore que la chute de la biodiversité animale et végétale. Car c'est la survie de l'espèce humaine qui est en danger. Il n'y aura plus de civilisation, s'il n'y a pas des civilisations. Et la Russie orthodoxe, comme l'Islam chiite, comme l'hindutva de Narendra Modi, sont des incarnations de cette merveille : la diversité des formes que l'homme donne à son destin.

    Les Russes savent aussi écouter leurs partenaires et leurs adversaires ?

    Un peu d'histoire. L'invention, l'entraînement, le financement d'Al Qaeda, des talibans, a enfoncé une épine dans le pied de l'URSS, dont elle ne s'est pas relevée. Brzezinski l'a dit avec une rare franchise ; « Al Quaeda a produit des dégâts collatéraux (side effeects) sans importance dans la lutte que nous avons gagnée contre l'URSS ». Partout, y compris pour justifier l'intervention armée en Europe et pour défendre l'islamisation de l'Europe, les États-Unis derrière leur allié saoudien, se sont servis de l'Islam. Ils s'en servent en Inde, en Chine, ils s'en sont servis en Tchetchénie. Et ils se préparent à renouveler l'opération au sud de la Russie, en déstabilisant les États d'Asie centrale et l'extrême-est de la Chine.

    Parmi les preuves multiples, regardons la prise de Palmyre par l'État islamique. Admettons qu'un vent de sable ait effectivement empêché toute intervention aérienne pour la prise de Ramadi, quelques jours plus tôt. Mais Palmyre ! Dans une zone désertique, sans grand relief, Palmyre qui ne peut être atteinte que par des pistes ou des routes droites sur des kilomètres, en terrain découvert ; une armée qui dispose de l'exclusivité aérienne, comme celle de la coalition, peut empêcher toute entrée ou sortie d'un seul véhicule de Palmyre ! L'inaction de la coalition est inexplicable. La diplomatie française, sidérée par les néo-cons qui l'ont envahie, ne semble plus savoir lire une carte de géographie. Mais une France devenue pauvre en monde, livrée à la confusion des valeurs et des intérêts, une France qui n'incarne plus la résistance à l'intérêt mondial dominant qu'est l'intérêt national américain, qui sera peut-être demain l'intérêt chinois, est-elle encore la France ?  

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    Hervé Juvin est un écrivain et essayiste français. Il poursuit un travail de réflexion sur la transformation violente de notre condition humaine qui, selon lui, caractérise ce début de XXIè siècle. Il est par ailleurs associé d'Eurogroup Consulting. Il est l'auteur de Pour une écologie des civilisations (Gallimard) et vient de publier aux éditions Pierre-Guillaume de Roux Le Mur de l'ouest n'est pas tombé.

    Figarovox

     

  • Martinique, ”Vendée créole” : la victoire des royalistes sur les républicains en 1794...

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    Vendée créole - La chouannerie en Martinique, Odile de Lacoste Lareymondie, Via romana, 2015, 89 pages, 15 euros

    Quatrième de couverture :

    Histoire inconnue du grand public et ignorée des manuels scolaires, la victoire de la Vendée créole contre la République en 1794 fut celle des blancs, mulâtres et noirs unis dans une même résistance à la barbarie révolutionnaire.

    Mais quelles furent les motivations, les figures et les campagnes de cette armée fidèle à son Dieu, fidèle à son roi ? Qui connaît encore l'incroyable destinée de son chef, Bernard de Percin, le Charette de la Martinique, celle de Dubuc de Marcoussy le fier artilleur, de Sainte-Catherine et Montlouis Jaham à la tête de leurs compagnies d'hommes de couleur ?

    Odile de Lacoste Lareymondie est la descendante directe de ce Percin-canon dont elle fait revivre l'épopée, ce "triomphe des humbles sur les chimères des coupeurs de têtes jacobins".

    Sa courte monographie se lit très facilement mais, surtout, très agréablement et très utilement, car elle rend bien compte de l'essentiel : dans une société raffinée, sur une île paradisiaque, dans un monde où tout respirait la joie de vivre, l'irruption foudroyante de la folie sanguinaire des idéologues.

    On pense évidemment à Talleyrand : "Qui n'a pas vécu dans les années voisines de 1789 ne sait pas ce que c'est que le plaisir de vivre", mais aussi à ce passage de la correspondance entre Voltaire et Frédéric II de Prusse, que Gustave Thibon aimait à citer, dans lequel Frédéric écrit : "Nous avons connu, mon cher Voltaire, le fanatisme de la Religion; un jour, peut-être, connaitrons-nous celui de la Raison, et ce sera bien pire !..."

    C'est ainsi que commence l'histoire contée par Odile de Lacoste Lareymondie : dans la douceur de vivre, l'insouciance, la légèreté. Puis, très vite, les choses s'accélèrent : de la métropole n'arrivent plus que des nouvelles de fureur, de Terreur; et, surtout, de sinistres représentants d'un pouvoir fanatique, intolérant, brutale et, très bientôt, sanguinaire... :

    Donatien de Rochambeau.jpg(page 78) "...Rochambeau est vainqueur (ci contre; il est le fils du Rochambeau envoyé par Louis XVI  aux Amériques, ndlr). Il est maître de la Martinique, installe toutes les lois de la Convention nationale : tribunal révolutionnaire, guillotine, chasse aux clercs, fermeture des églises, confiscation des biens des émigrés.

    Alors commence une chasse aux esclaves perdus ou enfuis, les nègres marrons, ceux qui n'ont plus de maîtres, plus de maison, et il les fait fermement rentrer dans leur état d'esclaves, et les répartit sur les habitations encore debout.

    La Martinique s'enferme dans la Terreur révolutionnaire, coupée de ses voisins par un blocus décidé par Rochambeau, pour empêcher le retour des émigrés et des Anglais..."

    Mais la Martinique ne va pas se laisser faire, et Bernard Percin va devenir le symbole de la résistance, dont le point d'orgue sera l'action dite "Bataille de l'Acajou", qui se déroula sur les deux jours des 24 et 25 septembre 1970...

    (page 36) : "...Le 24 septembre 1790, un détachement de la garde nationale quitte Fort-Royal : ils sont vingt, commandés par Labarthe, un pharmacien, pour chercher des vivres, des hommes et des mulets... Prévenu par ses guetteurs (...) Bernard attend le signal chez son ami Barthouil, dans la plaine du Lamartinique lamentin.jpgmentin (ci contre) (...) Avec ses mulâtres, il fond sur le détachement. Tapis dans les marais, les hommes tirent et font mouche avec leurs fusils. Plusieurs révolutionnaires tombent; Bernard se réserve Labarthe. Il avance vers lui et, de ses deux pistolets, l'abat. Le reste de la petite troupe s'enfuit..."

    Ensuite, Bernard va tendre un piège aux républicains, venus venger leurs camarades, et les attaquer, exactement comme le faisaient vendéens et chouans :

    (pages 37 à 40) : "...Nous sommes le 25 septembre 1970, en pleine saison des pluies, et le niveau de la mangrove est assez haut (...) et l'ennemi arrive : 1.400 hommes sortent de Fort-Royal pour se diriger sur le Lamentin, puis le Gros-Morne. 600 hommes au Pain de Sucre, sur la côte atlantique, doivent les rejoindre au Gros-Morne sous les ordres de Bacquié. Chabrol, à la tête de 500 soldats, se sépare de la colonne et choisit un autre sentier pendant que Dugommier et ses 900 hommes avancent en direction de l'Acajou où ils doivent faire leur jonction. Les grenadiers sont en tête, quatre pièces d'artillerie suivent; tous ces hommes ont chaud, ils sont moites, et une grosse pluie tropicale s'abat sur eux.

    Arrivés trempés à la Trompeuse, ils s'engagent sur le chemin encombré de débris d'arbres, de cocos, de palmes, d'arbres du voyageur éparpillés. Les habitants (surnom donné aux "locaux", face aux républicains venus de métropole, ndlr) laissent l'ennemi approcher, avancer au milieu de cette barricade, au pas, les chevaux hennissent, leurs pattes empêtrées dans ces obstacles, toute la troupe se retrouve dans ce dédale au ralenti.

    Dugué, fils, les observe, tapi avec ses 150 hommes dans la végétation luxuriante qui marquait la frontière avec la mangrove. Il ouvre le feu sur la queue de la colonne, qui est décimée par les tirs.

    martinique case navire.jpgBernard de Percin, depuis les hauteurs de l'Acajou, assiste au début de l'offensive. Il se met en marche en direction de l'habitation Jorna de la Calle pour attaquer par le flanc et renforcer Dugué. Au grand galop, il tire sur le milieu de la colonne, à la tête de sa petite troupe. (illustration : Case-Navire d enos jours, où vivait Bernard de Percin)

    Courville et Dugué père, à l'Acajou, sur l'habitation Levassor, attendent, prêts à recevoir la tête de colonne qui a pu s'extraire de la barricade. Ils l'accueillent par des décharges de fusil.

    Les patriotes sont en situation critique, harcelés sur trois côtés. Les habitants et les hommes de couleur, tous habiles chasseurs, abrités derrière les arbres, tirent à coup sûr.

    Dugommier crie ses ordres mais les patriotes sont affolés, fuient en désordre, c'est la mêlée puis le carnage. Bernard décharge ses deux pistolets à la fois sur tout ce qui bouge, il brise son épée en combattant puis se lance à la cravache sur les canons; corps à corps, les artilleurs défendent leurs pièces, Lacoste saute sur un soldat, Perrcin prend l'autre et lui casse la tête à coup de crosse de son pistolet puis s'empare du canon. Il le point contre l'ennemi et en abat 22.

    Le chemin est inondé de sang, couvert de cadavres. La moitié de la colonne (470 hommes) reste sur le champ de bataille, l'autre a pris la fuite avec Dugommier... Dugué, Lacoste, Courville, Passerat de la Chapelle ont fait 70 prisonniers. Bernard donne l'ordre à ses hommes de ramasser fusils, sabres, munitions et, fier, avec son canon, remonte au Gros-Morne suivi des trois autres pièces d'artillerie.

     

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    Les canons en service dans l'armée royale, sous Louis XVI, étaient ceux dits "de Gribeauval", très certainement les meilleurs du monde en leur temps (voir notre Ephéméride du 9 mai)...

     

     

    Le gouverneur en les voyant arriver avec leur trophée s'adresse à Bernard :

    - Bernard, vous êtes le plus remarquable des chefs du parti de la campagne, grâce à votre courage, vous avez pris un canon, seul, à la cravache. Nous vous devons la victoire. Cette bataille de l'Acajou va galvaniser nos troupes.

    - Vive Percin, vive Percin-Canon, crie la foule des femmes et des enfants.

    Le camp, couvert de gloire, s'endort dans la nuit tropicale bruissante. Victoire et son père sont rassurés : Bernard est vivant, ils ont gagné, peut-être pourra-t-on rentrer à Case-Navire et reprendre la vie paisible d'avant ? (fin du chapitre, page 40).

    Malheureusement, la guerre civile follement déclenchée en métropole par la folie sanguinaire des idéologues révolutionnaires totalitaires va s'exporter "aux îles"; et il va falloir se battre, encore, pour préserver la liberté de l'homme intérieur contre les fanatiques de la Raison...

    vendee coeur.jpg(page 56) : "...Le 13 décembre 1792, l'Assemblée coloniale déclare la guerre à la France républicaine. Les colons et l'Assemblée, sous l'autorité du gouverneur Béhague, proclament :

    "Autorisés par les princes, frères du roi, ils conserveront le pavillon blanc et ne recevront aucune li ni nouvelles forces de la métropole, jusqu'à ce qu'elle soit en paix, qu'en conséquence de l'état déplorable du royaume, ils ouvrent leurs portes à toutes les nations commerçantes d'Europe et d'Amérique."

    Bernard de Percin et Gallet de Saint-Aurin se regardent, amers, eux qui ont combattu avec leurs pères les Anglais pendant des années, ils sont obligés maintenant de faire appel à eux, pour se protéger de leur mère-patrie, la France, qui les trahit..."

    A partir de là, tout va très vite : le 10vril 1793, les royalistes s'emparent du Fort de la Trinité, après avoir neutralisé les batteries du Fort du Marin, tenues par les républicains. C'est toujours l'héroïque et indomptable Bernard Percin, Percin-Canon, qui mène les assauts victorieux : "Si dans cent ans - dit-il - on exhume mes ossements et qu'on les heurte les uns contre les autres, le son qui en sortira sera celui de "Vive le Roi !"..."

    "...En quelques jours, ils se rendent maîtres de Case-Pilote, du Gros-Morne, de Trinité, du Robert, du François, du Lamentin et du Marin. Une grande partie de la population, restée très attachée aux Bourbons et au clergé, les soutient activement..."(page 66). Bernard Percin a choisi d'établir un camp fixe, où il concentrera ses nombreuses prises (armes, canons, munitions...) : ce sera le Camp-Décidé. Rochambeau vient l'attaquer. Il a fait prisonnier Jaham Desrivaux, fidèle compagnon de Bernard, et l'un des meilleurs parmi les royalistes. L'assaut de Rochambeau est un désastre pour lui : humilié, affaibli par la perte de tant d'hommes et de matériel, il se venge en faisant fusiller Jaham. Pourtant, Bernard Percin était prêt à se rendre, seul, en échange de la vie de son ami et lieutenant... "Au petit matin, on vit avancer sur la savane de République-ville Jaham Desrivaux, escorté d'un détachement de soldats. Sur sa figure régnait une expression sublime et héroïque car il venait de refuser la vie qu'on voulait lui conserver à la condition de renier son parti et ses opinions. Il tomba et mourut comme il avait vécu, brave, et dévoué à Dieu et au Roi..."

    Héroïsme pur, noblesse de l'âme et du coeur, sommets du dévouement : face à la plus ignoble et à la plus implacable des barbaries qu'elle ait eu à connaître dans son Histoire, partout la France suscitait des modèles et des héros; ainsi s'accomplissait, ainsi se vivait cette sentence de saint Paul, "Où le péché abonde, la grâce surabonde..."

    Peu de tempTERREUR.jpgs après, Rochambeau réussit un coup de main sur Vert-Pré : cette défaite obligera Bernard Percin à abandonner le Camp-Décidé. Il faudra même fuir temporairement vers Trinidad (dans une zone appartenant aux Anglais et aux Espagnols) : "...Rochambeau est vainqueur. Il est maître de la Martinique, installe toutes les lois de la Convention nationale : tribunal révolutionnaire, guillotine, chasse aux clercs, fermeture des églises, confiscation des biens des émigrés... La Martinique s'enfonce dans la Terreur révolutionnaire..."

    Mais, heureusement, cela ne va pas durer, et les royalistes vont revenir, bien plus vite que n'aurait pu l'imaginer Rochambeau... Ce sera le 5 février 1794 : les Anglais, contre qui les Français ont si souvent combattu, naguère, et qu'ils ont si souvent vaincus, aident cette fois-ci les royalistes à revenir "chez eux", où Rochambeau ne dispose plus que de 900 hommes, qu'il a fractionnés en trois parties égales.

    "...A peine une année, et les voilà, émus, à nouveau sur leur terre..."

    Il faudra malgré tout quarante-trois jours de siège pour venir à bout du dernier des trois fortins, où s'est retranché Rochambeau : son nom est tout un symbole, Fort-La-Convention ! : "...Ce 22 mars 1794, la Martinique se met sous la protection des Anglais, avec l'accord des colons. Elle garde le drapeau blanc des Bourbons. Cette protection durera sept ans, jusqu'à la paix d'Amiens, où Napoléon Bonaparte signera la paix avec les Anglais et récupèrera ainsi la Martinique.

     "...Grâce à cet épisode, que l'on a appelé la "Vendée créole", et grâce à son chef Bernard de Percin, la Martinique n'aura pas connu longtemps les troubles révolutionnaires. Les idées républicaines n'auront pas eu le temps d'imprégner les esprits... C'est ainsi que, contrairement à la Guadeloupe, la Martinique a gardé pendant tout le XIXème siècle, et longtemps après, des habitudes et coutumes d'Ancien Régime. La plupart des colons ont pu rester sur place, et y sont encore. Cela fait le charme de cette île à l'atmosphère un peu Vieille France..."

  • Société • Marin de Viry : « Comment le tourisme de masse a tué le voyage »

     

    Entretien par Eugénie Bastié 

    Du tour d'Italie de Lamartine au Club Med, Marin de Viry, auteur de l'essai Tous touristes, nous raconte l'avènement du tourisme de masse et comment celui-ci, en tuant la possibilité d'un ailleurs, a rendu le voyage impossible. Une réflexion particulièrement fine et opportune en cet été tragique [Figarovox, 17.08]. Y compris pour le tourisme de masse ...  LFAR 

     

    974767902.jpgVous écrivez dans Tous touristes : « Si le monde est un vaste dance floor sans frontières, quel sens a le mot tourisme ? ». Pouvez-vous expliquer ce paradoxe ? La mondialisation, en tuant la possibilité d'un « ailleurs » par l'uniformisation du monde, aurait-elle tué le tourisme ?

    Le tourisme n'a plus rien à voir avec ses racines. Quand il est né au XVIIIe siècle, c'était l'expérience personnelle d'un homme de « condition », un voyage initiatique au cours duquel il devait confronter son honneur - c'est-à-dire le petit nombre de principes qui lui avaient été inculqués - à des mondes qui n'étaient pas les siens. Il s'agissait de voir justement si ces principes résisteraient, s'ils étaient universels. Un moyen d'atteindre l'âge d'homme, en somme. Le voyage, c'était alors le risque, les accidents, les rencontres, les sidérations, autant de modalités d'un choc attendu, espéré, entre le spectacle du monde et la façon dont l'individu avait conçu ce monde à l'intérieur de sa culture originelle. Au XIXe, tout change : le bourgeois veut se raccrocher à l'aristocrate du XVIIIe à travers le voyage, qui devient alors une forme de mimétisme statutaire. Le bourgeois du XIXe siècle voyage pour pouvoir dire « j'y étais ». C'est ce qui fait dire à Flaubert lorsqu'il voyage avec Maxime Du Camp en Égypte : mais qu'est-ce que je fais ici ? - C'est-à-dire qu'est-ce que je fais à me prendre pour un aristocrate du XVIIIe siècle ? Avec l'époque contemporaine, on a une totale rupture du tourisme avec ses racines intellectuelles. Même chez ceux qui aujourd'hui veulent renouer avec le voyage, pour s'opposer au tourisme de masse, il n'y a plus de profonde résonance, de profond besoin, car le monde est connu, et le perfectionnement de leur personne ne passe plus forcément par le voyage. Là où le voyage était un besoin, au XVIIIe, pour devenir un homme, se former, parachever son âme et son intelligence, il devient quelque chose de statutaire au XIXe, puis une simple façon de « s'éclater » aujourd'hui. C'est devenu une modalité de la fête permanente, laquelle est devenue banale. Le monde est ennuyeux parce qu'il est le réceptacle de la fête, devenue banale. Solution : il faut « rebanaliser » le monde et débanaliser la fête.

    Dans notre monde globalisé, est-il encore possible de voyager ?

    Toute la question est de savoir s'il reste des destinations ouvertes à la curiosité. Or, plus elles sont organisées, balisées par le marketing touristique de la destination, moins elles sont ouvertes à la curiosité. L'exemple du musée Guggenheim à Venise est éclairant. Je l'ai connu avant qu'il ne soit aseptisé, on avait l'impression de visiter en catimini une maison privée, comme si Peggy Guggenheim l'avait quitté la veille, c'est tout juste s'il n'y avait pas un œuf à la coque encore tiède dans la salle à manger. Dans sa version actuelle, avec des faux plafonds traités par des architectes néo-suédois et une signalétique d'aéroport, la curiosité ne fonctionne plus. Ce qui fait qu'on articule ce qu'on est avec ce qu'on voit, c'est que ce que l'on voit n'est pas préparé, organisé de façon à produire une impression prédéterminée. De la même manière dans les musées, les panneaux explicatifs à côté des œuvres ont pris une importance incroyable. Il est devenu impossible d'avoir un regard spontané, vierge, ouvert sur les œuvres, bref de les regarder vraiment, en prenant le risque d'être désorienté et renvoyé à son absence de culture.

    Les dispositifs marketing et commerciaux des destinations ont tué toute possibilité de l'ailleurs, toute curiosité. Pour être un touriste authentique, désormais, c'est dans le quotidien, dans la banalité du réel, qu'il faut se promener. Pour être dépaysé, il faut aller visiter la réalité, des usines, des champs, des bureaux. Le tertiaire marchand est devenu authentiquement exotique. D'une façon générale, le monde réel est plus exotique que le monde touristique définitivement balisé.

    Cette perte de sens n'est-elle pas due tout simplement à la démocratisation du voyage et à l'avènement du tourisme de masse qui fait perdre toute prétention intellectuelle au voyage ?

    Je vais être néo-marxiste, mais je crois que c'est le salariat, plus que la démocratisation, qui change tout. Les congés payés font partie du deal entre celui qui a besoin de la force de travail et celui qui la fournit. À quoi s'ajoute la festivisation, qui est d'abord la haine de la vie quotidienne. Et il est convenu que la destination doit être la plus exotique possible, car la banalité de la vie quotidienne, du travail, est à fuir absolument. Au fur et à mesure de l'expansion du monde occidental, la fête se substitue à la banalité, et la banalité devient un repoussoir. Il n'y a pas d'idée plus hostile à la modernité que le pain quotidien.

    Autour de ce deal s'organise une industrie qui prend les gens comme ils sont, individualisés, atomisés, incultes, pas curieux, désirant vivre dans le régime de la distraction, au sens pascalien du terme, c'est-à-dire le désir d'être hors de soi. Le tourisme contemporain est l'accomplissement du divertissement pascalien, c'est-à-dire le désir d'être hors de soi plutôt que celui de s'accomplir. Promener sa Game boy à 10 000 kilomètres de la maison, si ce n'est pas s'oublier, qu'est-ce c'est ?

    Où, quand et par qui est inventé le tourisme de masse ?

    C'est Thomas Cook qui invente le tourisme de masse. Cet entrepreneur de confession baptiste organise, en juillet 1841 le premier voyage collectif en train, à un shilling par tête de Leiceister à Loughborough, pour 500 militants d'une ligue de vertu antialcoolique. C'est la première fois qu'on rassemble des gens dans une gare, qu'on les compte, qu'on vérifie s'ils sont bien sur la liste, qu'on déroule un programme. Les racines religieuses puritaines ne sont pas anodines. Il y a comme un air de pèlerinage, de communion collective, dans le tourisme de masse. Le tourisme est très religieux. Et il y a en effet quelque chose de sacré au fait de pouvoir disposer de la géographie du monde pour sortir de soi. S'éclater à Cuba, c'est une messe !

    Vous essayez dans votre livre de ne pas tomber dans la facilité qui consiste à opposer « bons » et « mauvais touristes », les ploucs contre Paul Morand, les touristes sexuels de Houellebecq contre les voyages de Stendhal. Est-ce à dire pour autant qu'il n'y a pas de bons touristes ?

    Les poulets de batterie, je veux dire les touristes de masse, ont une âme. Faire une distinction entre un globe-trotter qui fait du « tourisme éthique » et un hollandais en surcharge pondérale et en tongs qui ahane à Venise, c'est d'une goujaterie incroyable vis-à-vis du genre humain. C'est pourquoi je déteste le livre Venises de Paul Morand : c'est un bourgeois du XIXe qui essaie d'imiter l'aristocrate du XVIIIe en crachant sur le peuple du XXe, alors qu'il est moralement inférieur à lui.

    Comme l'homo « festivus festivus » décrit par Muray, qui « festive qu'il festive » et « s'éclate de s'éclater » le touriste moderne se regarde voyager, et il ne semble voyager que pour vérifier que ce qu'il a lu dans son guide est bien réel et pour « prendre des photos ». Que vous inspire cette dimension spectaculaire du tourisme ?

    Nous sommes dans la culture de l'éclate, de la distraction permanente, sans aucune possibilité de retour sur soi. Le monde moderne est une « conspiration contre toute espèce de vie intérieure », écrivait Bernanos. Je crois que le tourisme est une des modalités de destruction de la vie intérieure.

    Prenons l'exemple du « syndrome de Stendhal ». Stendhal s'est senti mal à force de voir trop de belles choses à Rome et à Florence. Trop de beauté crée un état de sidération, puis de délire confusionnel : en Italie, on est souvent submergé par le superflu. C'est l'expérience limite de la vie intérieure : la beauté vous fait perdre la raison. C'est exactement le contraire que vise l'industrie touristique, qui cherche à vendre la beauté par appartements, en petites doses sécables d'effusions esthétiques marchandisées. Elle ne veut pas que ses clients abdiquent leur raison devant la beauté, mais qu'ils payent pour le plaisir. Immense différence.

    Pourquoi faites-vous du romantisme le terreau idéologique du tourisme tel qu'il est pratiqué aujourd'hui ?

    Lamartine écrit Graziella en 1852. C'est l'histoire du tour en Italie complètement raté d'un jeune aristo français. Quand un jeune homme du XVIIIe siècle (car Lamartine appartient encore au XVIIIe, ou en tout cas le voudrait) va tester son honneur de par le monde pour le renforcer, il doit en revenir plus fort, raffermi dans ses principes. Mais Lamartine tombe amoureux d'une jeune fille de 16 ans en Sicile, qu'il n'a pas le courage d'épouser pour des raisons sociales, car elle est fille de pêcheur, et lui d'un comte. Lamartine revient à la niche à l'appel de sa mère et Graziella meurt de chagrin. Le romantisme, c'est l'histoire d'un voyage raté. L'ailleurs devient le lieu, où, au lieu de se trouver, on se perd. L'expérience de la découverte de soi dans le voyage devient une expérience malheureuse. Donc, il faut se venger du voyage en lui interdisant de devenir une expérience intérieure. Les générations suivantes ont parfaitement compris le message.

    Dans La Carte et le territoire, Michel Houellebecq décrit une France muséale, paradis touristique, vaste hôtel pour touristes chinois. Est-ce là le destin de la France ?

    Dans un éditorial, Jacques Julliard écrivait que la France avait 60% de chances de finir dans un scénario à la Houellebecq, 30% de chances de terminer selon le scénario de Baverez, et 10% de chances de finir autrement. Je ne suis pas totalement dégoûté par le scénario de Houellebecq. C'est une France apaisée, bucolique. On retournerait tous à la campagne pour accueillir des cohortes d'Asiatiques et de Californiens. On leur expliquerait ce qu'est une église romane, une cathédrale, une mairie de la IIIème République, un beffroi. Ce serait abandonner notre destin pour se lover dans un scénario tendanciel dégradé mais agréablement aménagé, et nous deviendrions un pays vitrifié plutôt qu'un pays vivant. Nous aurions été détruits par la mondialisation, mais notre capital culturel nous sauverait de l'humiliation totale : on nous garantirait des places de médiateurs culturels sur le marché mondial. Si on pense que Dieu n'a pas voulu la France, ou que l'histoire n'a pas besoin de nous, on peut trouver ça acceptable.   

    Marin de Viry est écrivain et critique littéraire. Il est l'auteur d'un essai sur le tourisme de masse: Tous touristes (Café Voltaire, Flammarion, 2010). Il a publié récemment Un roi immédiatement aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux.

    Cet entretien est une rediffusion.

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    Eugénie Bastié

    Journaliste & essayiste - Sa biographie

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  • Chronique d'une tragédie annoncée

     

    Par le Général (2s) Antoine MARTINEZ

    Le général Antoine Martinez nous a transmis les fort intéressantes réflexions qui suivent, datées du 10 août 2017. Nous en partageons l'esprit et le souci au regard de l'actualité et de l'urgence. Et nous les reprenons in extenso. On ne s'étonnera pas que nous divergions cependant d'avec cette analyse sur trois questions de principe : primo sur les progrès que l'Occident aurait accomplis en tous domaines, au cours des derniers siècles, car si tel était le cas il ne se trouverait pas aujourd'hui dans l'état de faiblesse extrême qui est le sien face à l'invasion démographique et culturelle qui le frappe. Le désordre social, politique et moral qu'il connaît depuis deux ou trois siècles ne peut, selon nous, être considéré comme un progrès. Secondement, nous mettons en doute que les printemps arabes - largement orchestrés de l'extérieur et dont il ne reste presque plus rien aujourd'hui - aient correspondu à un réel désir de démocratie, du moins sous sa forme européenne ou occidentale, de la part des peuples arabes dans leurs profondeurs. Enfin, sur la question des droits de l'homme, aussi, nous divergeons. Non pas que nous niions leur existence en tant que tels, mais parce que sous leur forme idéologique, le droit-de-l'hommisme dominant, ils deviennent un puissant levier contre la cohésion et la capacité de résistance de nos sociétés.  De quoi débattre ! Lafautearousseau    

     

    Quand la Grande Muette prendra la            parole 001 - Copie.jpgIl y a quelques jours, le général italien Vincenzo Santo, interrogé par un journaliste sur la submersion migratoire actuelle, affirmait : « il suffit d'utiliser l'armée pour la mission qui est à l'origine de sa création, celle de défendre nos frontières. Il est tout à fait possible de mettre le holà à cette immigration désordonnée et massive. En quelques jours, l'armée italienne pourrait y mettre fin ».

    Il a parfaitement raison, mais ces propos sont tenus par un officier général, donc un militaire qui comme tout militaire, qu'il soit Italien, Français, Allemand, Espagnol, Belge, Néerlandais, Polonais, Danois, ou Suédois s'est engagé au service de sa patrie pour laquelle il est prêt à se battre. Et il la voit aujourd'hui, pour le plus grand malheur de son peuple, sombrer vers le chaos orchestré par l'irresponsabilité de ses dirigeants politiques inaptes à commander en situation de crise majeure. Car ces dirigeants politiques, et pour nous Français, NOS dirigeants politiques, ne peuvent pas ne pas reconnaître que les propos tenus par ce général italien sont des propos réalistes et de bon-sens. Il suffit, en effet, de vouloir et d'ordonner. Un chef d'Etat responsable doit savoir que l'histoire est tragique mais que gouverner c'est prévoir, anticiper et non pas être soumis à l'événement. En ne sachant pas décider ou en refusant de se déterminer face à l'événement, il ne fait que précipiter la tragédie en marche. Cette catastrophe aurait pu être évitée si, après l'éclatement en décembre 2010 de ce qu'on a appelé « le printemps arabe », des mesures préventives avaient été décidées dès le début de l'année 2011, avec la mise en place d'un « cordon sanitaire naval » face aux côtes libyennes élargi ensuite en Mer Egée, face à la Turquie. Et un général français – au moins un – analysait les conséquences possibles de ce « printemps arabe » et formulait ses inquiétudes dans un éditorial daté du 28 février 2011 (!) qui était transmis à nos parlementaires, députés et sénateurs ! Quelques extraits de ce document prémonitoire sur certains points méritent d'être rappelés ici. La totalité du document est disponible dans l'essai récemment publié aux éditions Apopsix « Quand la Grande Muette prendra la parole » (général A. Martinez), préfacé par Ivan Rioufol. Avec le recul de six années, on constate la faute impardonnable des responsables politiques européens et notamment français qui devraient rendre des comptes. 

    Face à cette révolution du monde arabo-musulman, une nécessité pour les Européens : anticiper ses effets et protéger leurs frontières (Extraits) 

    Une grande partie du monde musulman semble aujourd’hui ébranlée et bousculée dans ses certitudes. Alors que les islamistes proclament que l’islam dominera le monde et qu’ils élèvent le Coran au rang de constitution et la charia à celui de code de justice, un vent de révolte se lève progressivement dans cette frange territoriale qui s’étend du Maroc au Proche et Moyen-Orient. Inattendue, cette révolte qu’aucun expert n’avait prévue ou imaginée peut être qualifiée de véritable révolution qui marquera sans nul doute le XXIe siècle, non seulement à l’intérieur même du monde musulman mais surtout dans ses rapports avec l’Occident et donc avec le monde aux racines chrétiennes.

    … Reconnaissons que l’islam en tant que système politique – car il n’est pas seulement une religion – a prouvé son incapacité à procurer le progrès et le bien-être à ses sujets, maintenant la majorité de ces peuples dans l’ignorance, la pauvreté et le fanatisme. Ce système qui refuse les droits de l’homme au profit des seuls droits de Dieu a des siècles de retard sur le monde réel ce qui a créé un décalage considérable que le citoyen musulman moyen peut aujourd’hui découvrir enfin grâce au développement des moyens de diffusion de l’information et notamment de l’internet. Le résultat ne peut être qu’explosif. Car rejeter pendant des siècles la modernité, les progrès de la science, l’accès à l’éducation et à l’instruction a contribué à instaurer un retard colossal dans le développement de ces peuples et, par voie de conséquence, à entretenir un ressentiment à l’égard de l’Occident qui n’a cessé, lui, de progresser dans tous les domaines.

    ... En réclamant aujourd’hui la liberté et la démocratie, ces peuples révoltés aspirent en fait au bien-être, comme tout être humain libre, et finalement aux valeurs et principes défendus par l’Occident. Ils reconnaissent de fait l’universalité de ces valeurs. On assiste ainsi paradoxalement mais objectivement au triomphe des valeurs portées par la pensée chrétienne à l’origine des droits de l’homme.

    ...Il convient toutefois de rester prudent sur l’évolution du processus en cours et sur ses conséquences impossibles à cerner pour l’instant. Et si cette révolte a surpris tout le monde, les responsables politiques occidentaux, et particulièrement européens, se doivent à présent d’anticiper. Il y a urgence...  il faut être lucide et ne pas accepter de suivre et subir les événements mais les précéder.

    ...L’origine de la révolte est d’ordre social, provoquée par la misère et le chômage, et elle se produit dans des pays conduits par des régimes dictatoriaux ou des monarchies qui n’ont rien à voir avec la démocratie. Cela amène ces derniers à réprimer cette aspiration à plus de liberté avec une violence inouïe pour certains. Ces dictateurs ont maintenu leur peuple dans la pauvreté en stigmatisant l’Occident forcément responsable de leur situation alors que la plupart de ces pays disposent de richesses confisquées par leurs dirigeants. Incompétents, corrompus et irresponsables, ils n’ont rien appris de l’Histoire et leur refus d’accepter l’évidence laisse augurer des lendemains douloureux avec peut-être la mort au bout pour certains d’entre eux ...Mais si les situations des pays concernés sont différentes, des points communs les rassemblent: ces peuples ont été maintenus, pour la plupart, dans la misère et la précarité, sont frappés par des taux de chômage ahurissants et ont été privés jusqu’ici de liberté, notamment d’expression. Le réveil sera donc violent. D’autant plus qu’un autre point commun les caractérise, la démographie, incontrôlée, facteur aggravant et véritable bombe à retardement. L’ensemble de ces points communs doivent rapidement être pris en compte par nos gouvernants, car, alors qu’on aurait pu s’attendre logiquement à ce qu’une partie des Tunisiens installés en Europe et notamment en France rentre au pays après le départ de leur président, c’est un flot de milliers de clandestins tunisiens, poussés par la misère, qu’on a laissé débarquer en deux jours en Europe....Le citoyen européen ne peut pas accepter cela. Imaginons la suite, lorsque les régimes libyen ou algérien auront été balayés. L’Union européenne doit condamner ces dictateurs et aider ces pays mais elle doit vite adopter des mesures concrètes et non pas, comme elle vient de le décider, la création d'un groupe de travail  pour “prendre toute mesure urgente que la situation imposerait”. Des mesures fermes sont justifiées tout de suite par un état d’urgence à décréter en provoquant la réunion d’un Conseil européen extraordinaire. Il convient de coordonner nos moyens et les déployer immédiatement dans des actions préventives et dissuasives de surveillance et de contrôle au plus près des côtes du sud de la Méditerranée et, si nécessaire, d’intervention et de refoulement systématique des clandestins. Renforcer les moyens de contrôle et de refoulement à la frontière entre la Turquie et la Grèce, véritable passoire, est également impératif. Il faut empêcher que ne se réalise le scénario cauchemardesque du “ Camp des saints ” de Jean Raspail. Faire preuve d’attentisme dans ces circonstances serait non seulement coupable mais suicidaire pour nos pays ce qui faciliterait en outre la tâche des islamistes.

    ...De plus, ces organisations islamistes, bien conscientes de l’évolution du monde, ont probablement bien compris que la révolution à laquelle nous assistons aujourd’hui dans les pays musulmans à la périphérie de l’Europe devrait provoquer des changements...ces organisations pourraient donc se radicaliser encore plus et tenter de provoquer le chaos là où elles le peuvent. Et le territoire européen ne sera pas épargné car ces islamistes y sont bien implantés et ils pourraient être beaucoup plus actifs et dangereux...On le voit donc, la situation est volatile et il est impossible pour l’instant de prédire non pas le futur mais le simple avenir immédiat. On sent bien que plus rien ne sera dorénavant comme avant et que ce XXIème siècle marquera l’Histoire...

    A court terme, il faut, de toute façon, prévenir l’envahissement du territoire européen par des hordes de clandestins. C’est pour l’instant une priorité vitale que les gouvernants européens ne peuvent pas ignorer.      

    Six années après la rédaction de cet éditorial, on constate non seulement la confirmation de cette tragédie annoncée pour les peuples européens et concrétisée par cette invasion migratoire – amorcée dès le début de l'année 2011 mais amplifiée par l'Etat islamique à un niveau qui a largement dépassé ses promesses faites à la fin de l'année 2014 – mais on mesure également la lâcheté et la culpabilité impardonnables et condamnables des dirigeants européens et donc français. Non seulement ils ont manqué à leurs devoirs à l'égard des peuples dont ils ont la responsabilité et qu'ils doivent protéger, mais, en étant incapables d'anticiper ce qui était pourtant prévisible, ils aggravent la situation. Alors, devant les drames qui se préparent, la réponse ne réside-t-elle pas dans la révolte des peuples européens qui doivent à présent réagir et forcer leurs dirigeants à inverser le cours funeste des choses ?  •

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    Général (2s) Antoine MARTINEZ

    Coprésident des Volontaires Pour la France

    Volontaires Pour la France

  • 22 août 1914 ... Guerre des nations, guerre des peuples

    Les Allemands sont entrés à Bruxelles et ont exigé le paiement immédiat d'une contribution de guerre de 200 millions. On dit que Guillaume II s'apprête à prononcer l'annexion de la Belgique à l'Empire allemand... Toutes les choses dont on avait dit qu'elles étaient imaginaires ou impossibles se réalisent l'une après l'autre; le programme pangermaniste, roman d'hier, s'accomplit aujourd'hui.

    Les X... arrivent de Hongrie après un voyage de huit jours en troisième classe, - haute faveur due à ce qu'ils étaient dans le même train que l'ambassadeur d'Angleterre et le consul de France à Vienne. Ils ont croisé chemin faisant plus de cent trains de soldats austro-hongrois et disent qu'il leur a paru que la mobilisation autrichienne s'effectuait avec ordre et promptitude. 

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    A Buda-Pest, ils ont vu le comte Tisza, l'homme à poigne calviniste qui est président du conseil et pour autant dire dictateur en Hongrie, et même un peu à Vienne. Tisza prend sur lui toutes les responsabilités du conflit austro-serbe. Il ne se cache pas d'avoir poussé le comte Berchtold - un hésitant -  et l'empereur François-Joseph à envoyer la note comminatoire à la Serbie. Mais il avoue qu'il ne prévoyait pas qu'en voulant "mater" les Serbes, il déclencherait tout le système des alliances. Il avait cru que la Russie laisserait les Serbes en tête à tête avec l'Autriche comme en 1909. Il se dit sincèrement désolé que l'Autriche-Hongrie soit entrée en guerre avec la France... Bref, le comte Tisza fait penser à l'apprenti sorcier de Goethe, qui connaissait bien le mot par lequel les éléments se déchaînent, mais qui ne savait pas celui par lequel on les fait rentrer dans l'ordre.   

    Dans un article du 20 août intitulé la "Guerre des Nations", j'ai essayé d'expliquer le "pourquoi" et le "comment" que le comte Tisza paraît ne pas avoir compris. J'en ai vu, non sans surprise, des fragments importants reproduits dans plusieurs journaux. On me dit qu'il a été aussi très commenté dans divers milieux. Je le reproduis ici, - pour prendre date :

    "Il importe de comprendre à fond et de saisir avec force les causes du conflit européen si l'on en veut pas que la politique française soit exposée à des erreurs, le public à des déceptions. Déjà, de divers côtés, on a fait fausse route, on a tiré des interprétations excessives de certaines paroles comme celle de ce prisonnier allemand qui aurait dit : "Cette guerre est une guerre d'officiers." Méfions-nous des anecdotes et essayons de pénétrer au centre des réalités.

    Si nous remontons à trois mois en arrière, - un peu de temps avant l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, - nous découvrons que la situation diplomatique était la suivante.

    L'Europe se trouvait divisée en deux groupes antagonistes, Triple-Alliance et Triple-Entente, dont l'opposition, en temps normal, avait pour résultante un équilibre, relatif sans doute, mais qui, tel quel, était considéré comme une garantie de paix. Garantie extrêmement précaire, ainsi que l'évènement l'a prouvé. En fait, les deux grands systèmes d'alliance renouvelaient, avec une frappante similitude, les plus célèbres combinaisons de la diplomatie historique, celles qui s'étaient incessamment formées, dissoutes et reformées au XVIIIème siècle et qui avaient causé les interminables conflits de ce temps-là, continués et aggravés par les grandes guerres de la Révolution. Triple-Alliance et Triple-Entente eussent été des conceptions immédiatement familières à Choiseul, Kaunitz ou Frédéric II revenant parmi nous. Cent fois nous avons dit ici que la République française faisait, sans s'en rendre compte, de la diplomatie d'ancien régime dans les conditions d'existence de la démocratie.  

    Quelque dangereux que pût être l'antagonisme de deux groupes de puissance rivalisant d'armements, on pouvait cependant estimer que la paix européenne qui s'était maintenue, à travers des circonstances si défavorables, pendant de longues années, pourrait se maintenir encore.

    Certes, la politique d'intimidation, à laquelle l'Allemagne se livrait sans trêve depuis le coup de Tanger, était dangereuse et risquait à chaque fois d'entraîner la guerre. Chaque fois l'état d'esprit sincèrement pacifique de la Triple-Entente écartait ou différait le danger. La prudence dont on faisait preuve à Paris et à Londres et à Saint-Pétersbourg était telle qu'il était évident qu'il faudrait à Berlin et à Vienne une volonté nettement provocatrice pour troubler la paix.

    C'est à Berlin et à Vienne que cette volonté s'est rencontrée en effet. Mais pourquoi s'est-elle rencontrée en 1914 et non dans les années antérieures ? Pourquoi l'Allemagne a-t-elle, le mois dernier, franchi le large pas  qui sépare la menace de guerre, moyen de chantage diplomatique, de la guerre elle-même avec tous ses risques ? Nous voici au cœur du problème.

    On s'aperçoit, en effet, en évoquant l'origine du conflit, c'est-à-dire l'ultimatum de l'Autriche à la Serbie, que, pour la première fois cette année, depuis la fondation de l'Empire allemand, on aura vu le monde slave résister à la pression germanique. En 1878, au congrès de Berlin, comme en 1912-1913, à la conférence de Londres, le bloc austro-allemand avait fait reculer le slavisme, en avait tenu pour nulles les aspirations. Cette fois le slavisme ne s'est pas laissé faire, et aussitôt l'Allemagne a tenté de le briser.  

    Ainsi, dans son principe, cette guerre était une guerre de Germains contre les Salves. On a pu espérer, à Berlin, que la France l'interpréterait ainsi, se dégagerait de l'alliance russe au moment où l'alliance l'exposait à être attaquée elle-même : la procédure dont s'est servie M. de Schoen prouve bien qu'on a essayé, toujours par l'intimidation et la menace, d'obtenir notre neutralité. Ainsi l'Allemagne eût détruit l'alliance franco-russe et tenu la Russie à sa discrétion : d'une pierre deux coups. Ce calcul, - qui nous réservait de cruels lendemains, - a été déjoué et la guerre est devenue générale. Mais il reste toujours que c'est la résistance du monde slave aux prétentions de l'Allemagne et de l'Autriche dans l'affaire Serbe qui a servi au moins de prétexte aux deux gouvernements germaniques pour se lancer dans la guerre. Imaginez, en effet, la Russie se désintéressant de la Serbie, laissant ce petit peuple aux prises avec l'Autriche, - comme précédemment il était arrivé maintes fois à la Russie de le faire, - et le prétexte cherché par l'Allemagne tombait. Quel que fût son désir mauvais d'ensanglanter le monde, elle devait se contenter d'un "succès diplomatique", comme après l'ultimatum présenté à Saint-Pétersbourg en 1909 par l'ambassadeur de Guillaume II.

    Que s'est-il donc passé entre 1909 et 1914 pour que l'attitude de la Russie ait à ce point changé ? Il s'est passé ceci que la Russie a évolué de l'autocratie pure à un régime où l'opinion fait entendre sa voix. Naguère le tsar autocrate n'avait - pour adopter le vocabulaire républicain - que des sujets : il y a aujourd'hui - toujours pour parler le même langage - un peuple russe. Et ce peuple a ses passions, ses visées. Il a une haute idée de ses droits, dont il a pris conscience, et le droit de vivre, de se développer comme nation, est le premier de tous. Souvenez-vous des séances orageuses de la Douma, où, depuis un an et demi, la politique de prudence, de temporisation et même d'effacement, que la Russie officielle a pratiquée depuis l'annexion de la Bosnie par l'Autriche, a été blâmée avec tant de véhémence. La fin de l'amitié traditionnelle qui régnait entre la cour de Saint-Pétersbourg et la cour de Berlin, c'est, pour la plus large part, à la Douma, c'est à la naissance d'une opinion publique russe qu'il faut l'attribuer.   

    Qu'en devenant un nation, au sens que le mot avait chez nous en 1792, la Russie dût faire une grande poussée de nationalisme, c'est d'ailleurs ce que l'on pouvait annoncer par l'expérience de l'histoire. Comme la Révolution française, l' "évolution russe" aura posé les problèmes de nationalités et de races dans les termes et avec la passion qui déchaînent les vastes chocs des peuples entre eux. Voilà ce qui a servi à faire rompre le fragile équilibre de la Triple-Entente et de la Triplice...    

    A mesure que les idées de libéralisme et de démocratie repassent de l'Occident à l'Orient, ce sont les mêmes incendies qu'elles allument. Guerres de notre Révolution, guerres pour l'unité de l'Allemagne et de l'Italie au milieu du XIXème siècle, guerres pour l'affranchissement et la croissance des peuples slaves aujourd'hui, les unes se sont engendrées des autres avec une implacable régularité. Quelle erreur, quelle hérésie de voir dans le vaste choc  qui met en ce moment les nations aux prises le seul crime des empereurs et des rois : la vague vient de plus loin que les trônes, et parfois c'est la même qui les a emportés. Et quelle imprudence chez ces socialistes français qui croient encore que la République allemande assurerait la paix de l'Europe ! Plusieurs républiques allemandes, et aussi petites que possible, peut-être...  Mais une grande République allemande, qui se battrait avec toutes les ressources accumulées par les Hohenzollern en y mettant l'énergie d'une fureur nouvelle, - celle des républicains de 1793, - une République allemande qui, pour le coup, ne ferait plus une "guerre d'officiers", mais une guerre du peuple, et qui défendrait farouchement son unité... Si les socialistes français croient que cette République-là arrangerait les affaires de la paix, c'est qu'ils ont oublié tout ce que disait Bebel, c''est qu'ils n'ont pas compris pourquoi le camarade Liebknecht, fusillé, avait-on dit, pour refus d'obéissance, a pris le sac et le fusil."

    Des millions d'hommes qui se battent en ce moment en Europe, combien y en a-t-il au fond qui comprennent pourquoi, en vertu de quelles raisons, de quelles idées ? C'est toujours le même mystère de l'histoire, la même complexité de forces, de courants, de nisus, qui président à la destinée du genre humain. Et le peuple souverain, le socialiste conscient se fait casser la tête pour un ensemble de causes si lointaines qu'il pourrait dire au principe des choses comme l'apôtre à la divinité : "Tu es vraiment un dieu caché !"

    Si nous sommes vainqueurs, Viviani sera un grand homme. Si nous sommes battus, il passera au rang d'Emile Ollivier, et son mot à M. de Schoen, - mot qui, en somme, voulait dire : nous choisissons la guerre, - "la France est calme et résolue", ce mot-là pourrait bien prendre place dans l'histoire à côté du "cœur léger".  

     

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  • Marion Maréchal-Lepen dénonce l’obsession républicaine, par Yves Morel*

     

    La récente critique de l’obsession de la République, caractéristique de la classe politique française, par Marion Maréchal Le Pen a déclenché un signal d’alarme dans la presse.
    De quoi s’agit-il exactement ? La jeune femme, député du Vaucluse, a accordé un entretien au trimestriel Charles (numéro 14, été 2015) en lequel elle s’exprimait sur ses relations avec sa tante, Marine Le Pen, et donnait son avis sur une prise de position de son père adoptif, Samuel Maréchal. Elle n’envisageait pas, initialement, d’émettre un jugement sur la République. C’est son explication d’une recommandation de Samuel Maréchal au FN (au cours des années 1990) de mieux prendre en compte l’islam qui l’ y a amenée.

    Une mise au point salutaire

    Marion Maréchal affirme que son père adoptif invitait simplement son parti à intégrer l’importance de l’islam dans son discours, par souci de réalisme. Elle déclare se ranger à son point de vue. Mais, afin de prévenir toute conclusion hâtive, elle précise que, pour autant, elle ne souscrit pas aux idées de ceux qui entendent placer toutes les religions sur un même plan d’indifférence ; elle vise tout particulièrement le politologue Thomas Guénolé qui préconise la laïcisation des jours fériés liés à des fêtes religieuses. Elle affirme, fort justement : « Il (Guénolé) représente bien la tendance de notre classe politique qui voudrait que la république efface la France ». Et, en effet, les gens comme Guénolé font remonter la naissance de notre nation à 1789 (ou à 1792), et la conçoivent comme étant in essentia, et donc in aeternum (mille pardons, Mme Vallaud-Belkacem), une République absolument laïque fondée sur les « Lumières », la raison et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (merveilleusement complétée par le droit inconditionnel à l’avortement et le mariage homosexuel, en attendant la légalisation de la GPA) .

    Marion Maréchal prend donc le contrepied de cette funeste tendance en ajoutant sans barguigner : « Mais la France n’est pas que la République ». On ne peut qu’acquiescer : la France fut fondée plus de mille ans avant la Révolution, vécut sous une monarchie dès Clovis et sous la dynastie capétienne de 987 à 1792. Elle est donc très antérieure à la République et ne se confond pas avec elle. Les valeurs, principes et institutions de la République ne constituent pas le tout, ni même l’essence ou la quintessence de l’identité de la France, de son peuple, de son ethos, de sa civilisation. Notre nation n’est pas née à Valmy le 20 septembre 1792, ni le 14 juillet 1789, ni dans les salons des « Lumières » du XVIIIè siècle ou les locaux de l’Encyclopédie. Avant cela, elle a été spirituellement, intellectuellement et institutionnellement édifiée par le christianisme, l’Eglise et la monarchie (les « quarante rois qui ont fait la France »).

    Du reste, la république française n’a même pas le monopole de cette démocratie dont elle se targue constamment. Marion Maréchal précise qu’ « il y a des monarchies qui sont plus démocratiques que certaines républiques ». On songe évidemment aux monarchies scandinaves et à la monarchie britannique, laquelle a abouti à une démocratie qui ne doit rien, mais alors rien du tout, à nos « Lumières », à notre « grande » Révolution, à 1848, à notre IIIè République. Au contraire, la Révolution est tenue, en Angleterre et dans tous les pays anglo-saxons, pour la manifestation éclatante de la plus criminelle des barbaries, largement à l’origine des totalitarismes du siècle dernier, et notre tradition jacobine y est tenue pour tyrannique.

    Il convient également de rappeler qu’aux Pays-Bas, l’un des principaux partis politiques fut, de 1879 à 1980, le parti antirévolutionnaire (centriste et non extrémiste) appelé ainsi dans la mesure, où quoique libéral et parlementaire, il tenait la Révolution Française comme un anti-modèle, cause de toutes les aberrations politiques contemporaines. Rappelons enfin que la démocratie américaine ne doit rien, tant au niveau de ses valeurs et principes qu’à celui de ses institutions, à la république française, regardée, là aussi, avec méfiance. Voilà qui devrait rendre modestes notre classe politique et une grande partie de notre intelligentsia, qui s’imaginent (ou feignent de s’imaginer) que la France républicaine est le flambeau des nations, guidant celles-ci vers la liberté et un avenir démocratique parfait.

    Une obsession à visée dissimulatrice et conjuratoire

    Il s’agit bien là d’une obsession, comme le dit Marion Maréchal, qui déclare : « Je ne comprends pas cette obsession pour la République ». Une obsession toujours plus envahissante à mesure que notre modèle républicain s’effondre, en un univers mondialisé largement opposé à ses valeurs, ses principes, sa vision de l’homme et de l’histoire, son idéal égalitaire et socialisant et ses lubies. Quand le paquebot sombre, l’orchestre joue à pleine puissance afin de redonner courage aux passagers qui sentent approcher l’heure fatale.

    Et, aujourd’hui, dans notre pauvre pays qui tombe dans la déchéance politique, morale, économique et sociale, nos dirigeants et nos médias s’efforcent de conjurer la « morosité » ambiante en exaltant à qui mieux mieux la république, ses valeurs et son idéal : les partis politiques et leurs ténors se veulent tous plus républicains les uns que les autres ; et, pour faire bonne mesure, on multiplie les célébrations et les commémorations à propos de tous les événements historiques jugés emblématiques du régime (la Révolution, l’abolition de l’esclavage, la laïcité, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la Résistance) ; et on donne dans la manie de la « mémoire », le culte des « lieux de mémoire » et la confection de lois mémorielles.

    En résumé, la France, c’est la République, et la République, c’est la France, point final. Or, la république, censément consubstantielle à la France, est en réalité le cache-misère d’un système politique et social exsangue et en voie de décomposition.

    Voilà pourquoi la déclaration de Marion Maréchal Le Pen a jeté dans les transes les journalistes « républicains ». Les journaux de gauche, comme Marianne ont évidemment donné de la voix et de la plume ; et ceux de droite, comme Le Parisien, n’ont pas voulu être en reste, zèle républicain oblige.

    Une réaction significative

    Mais l’article le plus instructif sur la déclaration du jeune député est encore celui de Bruno Roger-Petit, du 23 juin, sur le site de Challenges, l’hebdomadaire économique bien connu du groupe Perdriel. Son titre en dit long : « Marion Maréchal Le Pen, la sombre tentation catho-royaliste ».

    Nous ne pouvons pas en commenter ici l’intégralité. Bornons-nous donc aux passages les plus significatifs.

    A l’évidence, Bruno Roger-Petit ne peut admettre l’idée, pourtant évidente, suivant laquelle l’identité de la France ne se réduit pas à la République. Selon lui, – et il n’a pas tort – « la députée du Vaucluse renoue avec la tradition classique de l’extrême-droite française », alors que le Front national oscille entre nationalisme cocardier, exaspération poujadiste et souverainisme gaulliste. Elle se rattache « à l’extrême-droite royaliste » et catholique. Elle « est plus proche de l’Action française que de Pierre Poujade »… lequel avait au moins le mérite de base d’être républicain, doit-on comprendre. Pour M. Roger-Petit, toute mouvance politique, fût-elle nationaliste et autoritaire, vaut mieux que le royalisme.

    Notre journaliste voit, dans la crainte de Marion Maréchal que « la république efface la France », la résurgence de « la frayeur de l’extrême droite royaliste qui juge que 1789 (et ses prolongements, 1848, 1905, 1936, 1945 et 1981) est le pire fléau qui se soit jamais abattu sur la France ». Ainsi s’expliquent, à l’en croire, les propos de la petite-fille de Le Pen suivant lesquels la République ne prime pas sur la France et n’est pas toute la France, suivant lesquels l’islam ne doit pas occulter le christianisme, défini par elle comme une « dimension encore vivante » de notre nation, et suivant lesquels enfin, la république n’est qu’un régime politique parmi d’autres, dans le temps et l’espace, ni meilleur ni pire que d’autres, et qui, de surcroît, n’a pas l’exclusivité de la démocratie.

    Sur le second point (la question religieuse), Bruno Roger-Petit discerne, dans les propos de Marion Maréchal, «le regret d’une France qui ne se vit plus comme la fille aînée de l’Eglise de Rome » et « la revendication d’une transcendance nationale reposant sur le fait religieux catholique », ce qui, on en conviendra, est une interprétation abusive des paroles du jeune député. Interprétation qui confirme ce que nous savions déjà de l’idée de la France que se font nombre de journalistes et toute la classe politique : la seule France qui vaille est la France républicaine, fille de la Révolution, égalitariste, athée et anticléricale.

    La critique de la référence systématique à la République, le simple parti pris de refuser à la République un culte et de la considérer comme un régime politique comme un autre, est une infamie qui met au ban de l’Agora tous ceux qui ne font pas preuve de républicanisme affirmé (et mille fois réaffirmé).

    Marion Maréchal manifeste avec une évidence criante son rattachement à la droite monarchiste et catholique dont Bruno Roger-Petit rappelle (horresco referens, encore pardon Najat) les sources doctrinales : « adhésion à la philosophie réaliste héritée d’Aristote et de saint-Thomas, rejet du contractualisme rousseauiste au profit (sic) d’une soumission au droit naturel, déférence envers l’Histoire et l’héritage de nos pères, référence à la pensée contre-révolutionnaire de Maistre, Burke, Bonald ».

    Et de conclure : « Avec Marion Maréchal Le Pen, on est bel et bien de retour dans le salon de Maurras, bien loin de la librairie-papeterie de Poujade [un fils du peuple, lui, produit de l’école républicaine ferryste, sans doute descendant des volontaires de l’an II] ou de la tombe du général de Gaulle [dont se réclament Marine Le Pen et Philippot]». Bref, elle « démasque d’un coup, à l’évidence sans le réaliser [peu galant, M. Bruno], la vérité du Front national », réduisant à néant tous les efforts de dédiabolisation de sa tante.

    Affaire de génération, pense Bruno Roger-Petit :Marion Maréchal incarne la « jeunesse réactionnaire » d’aujourd’hui, apparue au grand jour lors de la Manif pour tous de 2013, et qui « n’aime pas la République ». Et, la jeune femme ayant appelé au dépassement du clivage « droite-gauche », il voit là une réminiscence de ceux qui, dans les années 1930, en faisaient autant, les situant tous à droite, alors que nombre d’entre eux (la Jeune République, Dandieu, Mounier et l’équipe d’Esprit ) venaient du catholicisme libéral et social et se posaient en ennemis résolus de la droite nationale. S’appuyant sur Zeev Sternhell, il nous avertit qu’une telle attitude nous amène à « Pétain à Vichy », occultant le fait que nombre des membres des divers gouvernements de Vichy demeurèrent des républicains coulés dans le moule (Laval, Darlan), et que le Maréchal ne fut jamais monarchiste.

    Nous ne savons si Marion Maréchal « démasque la vérité du Front national ». Mais, assurément, Bruno Roger-Petit, lui, révèle la vérité du régime. Selon cette « vérité », la vraie France a été mise au monde par la Révolution (elle-même fille des « Lumières »), et tout le millénaire antérieur est une période effroyable d’ignorance, d’erreur, d’obscurantisme, d’intolérance, d’injustice(s), de tyrannie dont seuls de fanatiques intégristes catholiques et monarchistes souhaitent le retour, suivant une conception de l’homme et du monde médiévale et inquisitoriale mille fois pire que celle, républicaine, plébiscitaire et cocardière, du libraire-papetier de Saint-Céré (au départ un bon fils de la république).

    Il faut choisir : la république ou l’acceptation de « ce que l’extrême droite a toujours produit de pire depuis deux siècles ». Si vous ne voulez pas être assimilé à ce « pire », vous devez accepter sans sourciller que l’on vous serve la république matin, midi et soir.

    Ambiguïté du Front national

    Pour notre part, nous nous réjouissons de ce qu’enfin, une personnalité politique ait osé critiquer sans précaution oratoire cette référence systématique à la république, qui ressemble à un réflexe conditionné produit par un totalitarisme moral d’autant plus insistant que le système qu’il défend s’effondre chaque jour un peu plus. Les propos de la petite-fille de Le Pen ne révèlent pas l’essence même du Front national.

    Le Front national, – c’est sa force et sa faiblesse – a toujours rassemblé des gens de sensibilité diverses voire opposées, et les républicains cocardiers, jacobins et libre penseurs y ont constamment prévalu sur les catholiques monarchistes. Jean-Marie Le Pen n’a jamais fait partie de ces derniers.

    Son souci d’accroître l’audience de son parti en caressant les électeurs dans le sens du poil l’a même conduit à exalter toujours davantage la République ; on se souvient de son discours commémoratif de Valmy du 20 septembre 2006. Et sa fille s’est toujours présentée comme le meilleur défenseur de la République ; elle a d’ailleurs inauguré son entrée en fonction à la tête de son parti, en 2011, par un discours en lequel elle se réclamait de Gambetta.

    Un début ?

    Il reste que, pour une fois la référence sempiternelle, lancinante, à la république a été critiquée et qualifiée d’obsession, et que la jeune (cela revêt une grande importance) élue qui a osé le faire, a rappelé que la France ne s’identifiait pas à la république et prévalait sur elle. Espérons qu’il s’agit d’un début. 

     - Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de Politique magazine et la Nouvelle Revue universelle.

     

  • Péroncel-Hugoz : une nouvelle rubrique hedmomadaire, dans Lafautearousseau ...

    Péroncel-Hugoz à Salé, en 2014

     

    Vous lisez, pratiquement chaque semaine, les coups de dent de notre confrère Peroncel-Hugoz. Ils sont repris du 360, principal site de la presse francophone en ligne au Royaume chérifien. Notre confrère, qui fut longtemps correspondant du Monde dans l'aire arabe et a publié plusieurs essais sur l'Islam, travaille maintenant à Casablanca, notamment pour le 360. Il tient aussi son Journal d'un royaliste français au Maroc, dont la Nouvelle Revue Universelle a déjà publié des extraits. Nous en ferons autant désormais, en publiant chaque semaine, généralement le jeudi, des passages inédits de ce Journal. Ce seront donc deux contributions hebdomadaires de Peroncel-Hugoz dont nous bénéficierons dorénavant. Et dont nous le remercions confraternellement. Pour mieux connaître, sa personnalité et sa carrière, riche d'expériences, nous reprenons ci-après l'article que lui consacre Wikipédia, dont il nous a assuré qu'il correspond assez bien à la réalité.  Lafautearousseau  •

     

    Article Wikipédia

    Jean-Pierre Péroncel-Hugoz est un journaliste, grand-reporter et essayiste français.

    Biographie

    Jean-Pierre Péroncel-Hugoz est né le à Marseille.

    Enfance et Famille

    Il est d'une famille catholique provenço-savoyarde de juristes et de minotiers. Son nom double est dû aux deux mariages de sa grand-mère paternelle, Jeanne Hospital, épouse Péroncel puis Hugoz ; cette adjonction de nom a été officialisée par un décret du président Albert Lebrun paru au Journal officiel du 21 février 1937. Ancien élève des collèges marseillais Mélizan et du Sacré-Cœur, et des lycées Thiers et Périer, il est diplômé de l'Institut d'études politiques (Sciences-po) de Paris (1962), de la faculté des lettres d'Alger (1965), de l'Institut des hautes études internationales de Genève (mémoire sur Napoléon III et l'Algérie), de l'Institut international des langues du Caire (1975).

    Le journaliste a été l'époux d'Hélène Albertine Cywinska, d'origine polonaise, qu'il connut en Alger, lors de son service militaire effectué, après l'indépendance du pays, en tant qu'administrateur civil au ministère algérien des Finances et du Plan.

    Péroncel-Hugoz est l'arrière-petit-fils du peintre de l'École provençale Pierre Marius Poujol (1858-1925) qui peignit notamment à Marseille et à Tanger (Maroc). Un peintre du XXe siècle, Claude Lagoutte (1935-1990), séjourna plusieurs fois, durant la décennie 1980, dans la famille Péroncel-Hugoz à Artigues (Var) où ladite famille vient depuis 1912 et où elle est propriétaire depuis 1925. Lagoutte s'inspira des paysages alentour pour plusieurs de ses toiles (Centre Pompidou, Musée des beaux-arts de Bordeaux, etc.). L'artiste créa également une croix avec des rails de train pour remplacer celle qui avait été volée au Vieil-Artigues (au sujet d'Artigues et de la région haut-provençale, voir Traversées de la France, 2004). À Marseille, la maison familiale des Péroncel-Hugoz, 312 bis boulevard Chave, rachetée par la Ville, est devenue une "crèche verte" depuis 1987.

    Carrière

    Indépendamment de sa carrière dans la presse, essentiellement dans les colonnes du quotidien Le Monde, quotidien auquel il a collaboré à partir de 1969, notamment comme correspondant au Caire puis à Alger, et envoyé spécial dans une centaine de pays des cinq continents, Péroncel-Hugoz est également essayiste, spécialisé dans les récits de voyages et le monde arabo-musulman. En 2004, il a démissionné de son poste au Monde, tout en restant statutairement membre à vie de la Société des rédacteurs du Monde et donc actionnaire dudit quotidien.

    En 1983, Péroncel-Hugoz publie un essai, Le Radeau de Mahomet, dans lequel il dénonce ce qui, selon ses vues, constituerait un « danger islamiste », dont les manifestations les plus visibles auraient été, à l'époque, la révolution islamique en Iran et l'expansion des Frères musulmans en Égypte.

    Auparavant, en 1981, peu après avoir publié dans Le Monde daté du 5 septembre un reportage révélant le danger pour Sadate représenté par la présence d’islamistes dans l’armée égyptienne (ils devaient le tuer le 6 octobre 1981), Péroncel-Hugoz fut expulsé du Caire manu militari. À d’autres époques à cause de ses articles, il encourut les foudres, avec expulsion ou interdiction d’entrée, de la part des régimes soudanais, syrien, algérien, etc.

    Le 25 mars 1978, le Monde avait donné un article de son correspondant au Caire, Péroncel-Hugoz, intitulé : « Promoteurs contre Pharaons. Osera-t-on construire au pied des Pyramides ? », dans lequel le journaliste décrivait le mégaprojet immobilier de la Southern Pacific Properties de Hongkong, dirigée par l’Hungaro-canadien Peter Munk, ancien financier failli mais enrichi dans le tourisme océanien. Ce reportage déclencha une campagne internationale, UNESCO compris, visant à faire échapper à ce projet dévastateur la seule encore debout des Sept Merveilles du monde antique. Harcelées, les autorités égyptiennes, sur ordre personnel du président Sadate, finirent par suspendre les gigantesques travaux déjà engagés par la SPP sur le célébrissime site. Du coup, Peter Munk attaqua en justice le directeur du Monde et son correspondant en Egypte, pour « diffamation » devant la justice parisienne. La loi française relative à la diffamation est si exigeante sur les preuves à fournir par l’accusé que l’avocat du Monde, maitre Yves Baudelot, eut toutes les peines possibles à prouver la bonne foi du journal. Le témoignage très favorable, devant la cour de Paris, d’une érudite égyptienne, madame Namet Fouad, animatrice au Caire du mouvement d’opinion hostile au projet emporta finalement la décision de la XVIIe Chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, le 5 juillet 1979, relaxant Péroncel-Hugoz et son journal. Peter Munk ayant fait appel de cette décision, il fallut attendre un second jugement du tribunal de Paris, le 9 janvier 1980, pour confirmer la relaxe. Le Monde et son correspondant cairote furent alors l’objet de tous les éloges, notamment de la part de l’UNESCO, du ministre d’État égyptien aux Affaires étrangères, Boutros Boutros-Ghali ou de l’égyptologue française Christiane Desroches-Noblecourt mais cette affaire est à présent oubliée et de nouveaux promoteurs internationaux proposent derechef au gouvernement égyptien de mirobolants projets autour des vestiges pharaoniques de la vallée du Nil…

    Dans le numéro été 1999 de la revue parisienne Panoramiques, Péroncel-Hugoz, grâce à l’ex-ministre d’État français Michel Jobert (natif du Maroc), publia des extraits d’un texte sur les relations euro-marocaines dû au prince héritier chérifien qui devait la même année devenir le roi Mohamed VI. Selon ses dires, Péroncel-Hugoz a reçu de ce monarque deux lettres, en 2010 et 2012, lui exprimant sa satisfaction à propos de son travail éditorial au Maroc.

    En 2007, dans un entretien accordé au mensuel Le choc du mois, il estime notamment que, dans certaines villes et banlieues européennes, se manifesteraient, de la part de populations européennes des « comportements extérieurs » de « dhimmis de l’esprit », et regrette que ceux qu’il qualifie de « dhimmis politiques » n’aient pas répliqué aux propos du colonel Kadhafi, dictateur libyen, qui, selon lui, aurait indiqué que « sans épée, sans fusil, sans conquêtes, 50 millions de musulmans en Europe la transformeront bientôt en continent musulman ». Kadhafi prenait en compte aussi les musulmans de Russie.

    Établi à mi-temps au Maroc depuis 2005, Péroncel-Hugoz, qui se définit comme « islamophile à la Napoléon III, à la Lyautey, à la de Gaulle », y mène une activité éditoriale, dirigeant, de 1995 à 2010 la collection « Bibliothèque arabo-berbère (BAB) » aux éditions Eddif-la-Croisée-des-Chemins, à Casablanca. Cette collection orientaliste ou celles qu’il dirigea en France auparavant (« Islamie », « Nadir ») incluent notamment des auteurs tels qu’Aly Mazaheri, Malek Chebel, Pierre Loti, André Chevrillon, Wacif Boutros-Ghali (ministre égyptien des Affaires étrangères, dans les années 1920, apparenté au futur secrétaire général des Nations unies qui préfaça cette réédition), le maréchal Lyautey, Eugène Aubin, les Frères Tharaud, Youssef Nékrouf, Raymond Charles (préface par Slimane Zeghidour), l’architecte de Brasilia, Oscar Niemeyer, l’ambassadeur Marcel Laugel, le téléaste Eric Revel, Philippe Delorme, Driss Chraïbi, Alexandre Paléologue, Ehsan Naraghi, Roger Arnaldez, François Pouillon, Nicolas Saudray, Pierre Chaunu, René Grousset, Jacques Bainville, etc. Péroncel-Hugoz a réédité en 2012, dans sa nouvelle collection « Maroc » (Ed. Afrique-Orient, Casablanca), un texte oublié d’Alexandre Dumas Père, Escale à Tanger (1846), avec photographies inédites du XIXe siècle, fournies par la Maison de la photographie à Marrakech ; en 2013, Une ambassade marocaine à la cour de Louis XIV (1682), d’après la gazette Le Mercure galant. De 1987 à 2014, en tant que directeur de collections éditoriales, Péroncel-Hugoz a publié, en Europe et au Maghreb, quelque soixante volumes. L’un des derniers en date parus est un essai politique de celui qui était alors chef de l’État tunisien, le docteur Moncef Marzouki, Arabes, si vous parliez… (Ed. Afrique-Orient, 2012). Il prépare maintenant la réedition au Maroc d'un essai historique de Balzac, Rois de France, introuvable depuis plus d'un demi-siècle.

    En 2003 il écrit un texte sur la guerre du Liban (1975-1990) pour servir de préface au livre Je ne suis plus Frère musulman : Confession d'un ancien terroriste. Ce texte est mis à jour en 2014 et traduit en anglais et en arabe.

    La Revue universelle, fondée en 1920 par l’historien royaliste Jacques Bainville a publié dans ses livraisons de l’été 2012 et de l'été 2014 des extraits du Journal arabe, encore inédit, que l'essayiste a commencé à tenir en 2005. Depuis 2003, Péroncel-Hugoz donne une chronique au bi-mensuel La Nouvelle Revue d’Histoire. Il a collaboré à d’autres médias dont l’Idiot international de Jean-Edern Hallier, Historia, la Nouvelle Revue du Caire, Radio-Canada, El Bayane (Maroc), Radio-Courtoisie, France-Culture, Arabies, Radio-Rabat, le Figaro-Histoire, Point de Vue, etc.

    Il a également participé, aux côtés de Charlotte Guigue, à l'écriture du scénario du film Le Soleil assassiné, réalisé par le cinéaste algérien Albdelkrim Bahloul, film sorti en 2004, qui retrace la vie du poète pied-noir Jean Sénac entre l'indépendance de l'Algérie en 1962 et son assassinat à Alger le 30 août 1973. Péroncel-Hugoz avait précédemment consacré un livre à Jean Sénac, en 1983 : Assassinat d'un poète.

    Depuis juillet 2014, Péroncel-Hugoz tient une chronique hebdomadaire dite Coup de dent sur le média numérique marocain généraliste le 360 .

    Pseudonymes

    Péroncel-Hugoz a parfois utilisé pour ses articles, notamment dans Le Monde et la Nouvelle Revue d'Histoire, le pseudonyme de Jean Grondin, et cela à la demande de la police, à la suite des menaces de mort écrites reçues au journal Le Monde pour le journaliste, au printemps 1989, de la part de terroristes anonymes utilisant des formules arabophones.

    Décorations et titres honorifiques

    Le 14 juillet 1993, le ministre de la Culture et de la Francophonie a pris l'initiative d’inviter Péroncel-Hugoz à entrer dans l'ordre de la Légion d'honneur, en qualité de chevalier, pour "28 ans d'activités professionnelles et de services militaires" ; cette décoration a été remise à l'intéressé à l'Élysée par le président François Mitterrand qui a opiné à cette occasion : "Vos articles, qui sont plus que des articles, donnent motifs à réflexion, articles dont l'ensemble constitue une œuvre".

    Auparavant, à l'initiative du président Léopold Senghor du Sénégal et de l'académicien Maurice Druon, l'essayiste avait été intronisé dans l'ordre de la Pléiade, pour "services rendus à La Francophonie".

    • 1985: Prix littéraire France-Liban pour Une croix au Liban (1984).
    1996: Mot d'or du meilleur article de l'année en français (Le Monde du 30 juillet 1966).