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Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • Éphéméride du 3 juin

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    1950 : Première ascension de l'Annapurna

     

     

     

     

    545 : Mort de Clotilde, épouse de Clovis 

     

    Chrétienne convaincue - son mari, lui, n'étant pas chrétien au départ... - c'est Clotilde qui se trouve être à l'origine directe de la conversion de Clovis au christianisme, une conversion qui se fit à la suite de la bataille de Tolbiac (voir l'Éphéméride du 10 novembre).

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    Clotilde priant saint Martin, miniature pour les Grandes Chroniques de France, 14ème siècle, BNF 
     
     
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    1098 : Les Croisés s'emparent d'Antioche

     

    La ville est, alors, située en Syrie.

    Les armées croisées sont dirigées par Godefroy de Bouillon, le comte de Toulouse, Bohémond 1er, et le légat pontifical, Adhémar de Monteil. L’année précédente, ils étaient déjà parvenus à conquérir Nicée, mais ayant conclu un accord avec l’empereur byzantin Alexis Comnène, ils furent contraints de lui remettre la ville.

    Peu de temps après, ils remportèrent une grande victoire contre les Turcs, en Asie Mineure, ouvrant ainsi la voie à d’autres conquêtes, dont celle de Jérusalem en juillet 1099.CROISADES ANTIOCHE.jpg

    Dans notre Album L'aventure France racontée par les cartes, voir les deux photos "La route des Croisades (I/II)" et "...et les États latins d'Orient (II/II)"

     

     

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    1749 : Naissance de Jean-Baptiste Lynch

     

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    Le patronyme l'indique assez : la famille Lynch est originaire des îles britanniques. Elle s'est établie à Galway, en Irlande, fournissant 84 maires à la ville ! Le gène du service communal a été, semble-t-il, transmis à Jean-Baptiste, puisqu'il sera nommé maire de Bordeaux par Napoléon, en 1808, devenant ainsi un lointain successeur de Michel Eyquem, seigneur de Montaigne, par deux fois maire de Bordeaux (en 1581 et 1583) et lui aussi familier et soutien des rois légitimes, durant l'époque troublée des Guerres de religion...
    Entre-temps, les Lynch, catholiques, avaient dû fuir les féroces persécutions initiées par Henri VIII, et s'étaient réfugiés à Bordeaux dès le XVIIème siècle : le grand-père de Jean-Baptiste, s'y installa et s'y fit naturaliser en 1710, et son père reçut de Louis XV des lettres de naturalisation, puis, en 1755, des lettres de reconnaissance de noblesse.
    Président aux requêtes au Parlement de Bordeaux sous Louis XVI, Lynch s'opposa vite aux révolutionnaires et, royaliste, il fut emprisonné sous la Terreur.
    Comme beaucoup d'autres, c'est Thermidor, et la chute de Robespierre, qui le sauvera, in extremis...
    Nommé maire de Bordeaux en 1808, il jouera un rôle très actif - dès que la fin de l'Empire apparaîtra évidente - pour éviter à la France le démembrement auquel pensaient plusieurs des coalisés, et pour réinstaller le roi légitime, Louis XVIII, sur le trône (voir l'Éphéméride du 12 mars : Bordeaux proclame Louis XVIII roi de France...)
     

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    Jean Baptiste Lynch est le deuxième nom, tout en haut de cette stèle des "maires de Bordeaux au XIXème siècle", apposée sur la place Pey Berland, pour l'année 1809...

     

    En mars 1814, les Anglais approchent de Bordeaux, arrivant d'Espagne et du Portugal.

    Ironie cruelle de l'Histoire : c'est pour obliger le Portugal à appliquer le Blocus continental (voir l'Éphéméride du 21 novembre) que Napoléon s'était engagé dans la folle Guerre d'Espagne, en 1808, qui marqua, bien avant la catastrophique Campagne de Russie, le commencement de la fin. Les Anglais envoyèrent alors Arthur Wellesley - futur Lord Wellington - pour aider les Portugais à résister aux Français.

    Très peu de temps auparavant, les Français venaient de vaincre les Anglais et sur terre et sur mer, lors de la Guerre d'Indépendance des États-Unis, Louis XVI étant le seul roi de France à avoir atteint ce résultat... Les Anglais étaient donc très inférieurs, sur terre, aux Français, et c'est justement Napoléon qui va leur offrir - sur un plateau, pourrait-on dire... - l'occasion de s'exercer pratiquement, sur le terrain, et de se préparer, en sept ans, à devenir ses vainqueurs, à Waterloo !...

    Le 12 mars 1814, Lynch va donc au-devant du général anglais, abandonne son écharpe tricolore pour une écharpe blanche et rentre dans Bordeaux, entraînant la population aux cris de "Vive le Roi !"; il publie une proclamation invitant à voir en Louis XVIII un "monarque père du peuple" et, le jour même, le duc d'Angoulême débarque à Bordeaux, où le drapeau blanc flotte sur la mairie.

    Louis XVIII reçut Lynch aux Tuileries et l'éleva à la dignité de Grand-croix de la Légion d'honneur, puis, après les Cent jours, à celle de Pair de France.

    Il mourut en 1835...

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     Les armes de Jean-Baptiste Lynch :

    "D'azur, au chevron d'or, accompagné de trois trèfles du même, au chef d'argent, chargé de trois roses de gueules, au croissant de sable, brochant sur la cime du chevron et sur le chef..."

     

     

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    1778 : Mort de Jacques-Philippe Mareschal

     

    Ingénieur militaire du Roi Louis XV et Directeur des fortifications de la Province de Languedoc, c'est lui qui créa en 1750, à la demande du Roi, les magnifiques Jardins de la Fontaine de Nîmes.

    Il les dessina sur l'emplacement du site antique de Nîmes, la Nemausus des romains, ayant le crocodile dans ses armes car c’étaient des vétérans des Légions ayant servi en Égypte qui avaient reçu, là, des terres pour s’y établir. La famille de l'empereur Antonin le pieux - qui régna durant l'apogée de l'Empire, sous la lignée des Antonins - était originaire de Nemausus, et descendait de ces légionnaires (voir l'Éphéméride du 10 juillet)...

    Les Jardins de la fontaine sont les premiers jardins publics dans l'histoire de France et parmi les premiers d'Europe. Situés au pied du mont Cavalier, en haut duquel se dresse la Tour Magne, ils se décomposent en deux parties : le niveau inférieur est occupé par un jardin à la française, aux larges allées et aux massifs tirés au cordeau, parsemés de balustres de pierres et de statues.

    On y trouve la source dédiée à Nemausus, génie des eaux et dieu tutélaire de la cité. Puis, l'ascension au sommet du mont, mène à la Tour Magne : cette grande tour octogonale est un présent de l'empereur Auguste à la colonie de Nîmes en l'an 15 avant J.C.

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    www.nimes.fr/index.php?id=504

     

     

     

     

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    1875 : Mort de Georges Bizet

     

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      Écouter :   Bizet ENTRACTE ACTE II CARMEN.mp3

     

     

    https://www.musicologie.org/Biographies/bizet_georges.html

     

     

     

     

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    1884 : Testament du duc d'Aumale, qui lègue Chantilly à l'Institut

     

     

    Garçons et filles, le duc a eu sept enfants : tous décéderont de son vivant...

  • Éphéméride du 15 septembre

    1613 : Naissance de La Rochefoucauld 

     

    Auteur des Sentences et Maximes morales, La Bruyère lui décerne ce bel éloge :

    "(La Rochefoucauld)...est la production d'un esprit instruit par le commerce du monde, et dont la délicatesse était égale à la pénétration...; observant que l'amour-propre est dans l'homme la cause de tous ses faibles, l'attaque sans relâche quelque part où il le trouve; et cette unique pensée, comme multipliée en mille autres, a toujours, par le choix des mots et par la variété de l'expression, la grâce de la nouveauté." (Discours sur Théophraste) 

     "Il faut une plus grande force de caractère pour supporter la bonne fortune que la mauvaise".

     "Les grandes âmes ne sont pas celles qui ont moins de passion ou plus de vertu que les âmes communes, mais  celles seulement qui ont de plus grands desseins".

     "Celui qui sort de votre entretien content de lui l'est de vous parfaitement".

     "Lorsque notre haine est trop vive, elle nous met au dessous de ceux que nous haïssons."
     
    "Les biens et les maux qui nous arrivent ne nous touchent pas selon leur grandeur, mais selon notre sensibilité."
     
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    Le château de La Rochefoucauld, dans les Charentes :
     
     
     
     

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    1642 : Sedan devient française

     

    Par traité signé le 15 septembre 1642, Frédéric Maurice de La Tour-d'Auvergne, frère de Turenne, cède à la France sa principauté de Sedan et Raucourt.

    S’étant déjà opposé à Louis XIII et à Richelieu – notamment lors de la bataille de la Marfée, en 1641 – il avait réussi à rétablir sa situation. Mais, s’étant de nouveau compromis, l’année suivante, dans la conspiration de Cinq-Mars, cette dernière erreur, lui fut fatale : il dut céder sa principauté, en échange de sa vie…

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    Construit sur un promontoire en 1424, le château fort de Sedan s'est vu flanqué de bastions par Vauban en 1699. Avec ses 35.000 m²,  il est le plus grand château féodal d'Europe...

     Entièrement classé Monument Historique, il abrite maintenant un musée et un établissement hôtelier

     

     

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     1700 : Mort d'André Le Nôtre

     

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    Ses jardins de Vaux le Vicomte (ci dessus) préfigurent ceux qu'il réalisera à Versailles...
     
     
    Sur Le Nôtre et son oeuvre, en général, voir notre Éphémeride du 12 mars (jour de sa naissance) et notre Évocation du 13 mars :
     
     
    Et aussi l'excellente site présentation qu'en fait le Château de Versailles :
     
     
     
     

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    1807 : Début du Cadastre Général

     

    Jusque là, on ne disposait que de terriers (description des terres des féodaux), de polyptiques (recensement des propriétés d'une abbaye), ou, dans certaines provinces seulement, de parcellaires.

    Étant donné l'ampleur de la tâche, ce Cadastre ne sera achevé qu'en... 1840 ! Dans un grand nombre de petites et moyennes communes, surtout rurales, il est toujours en service.      

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    Plan cadastral de Privas (Ardèche), 1811
     
     
     
     

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    1812 : Incendie de Moscou : Napoléon et La Grande armée pris au piège... 

     

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    Construite pour l'essentiel en bois, Moscou est en flammes : sur un total de 9.500 édifices, 7.000 brûlent, totalement ou partiellement... 

    Le piège s'est refermé sur la Grande armée : après un mois d'attente dans la capitale russe, la retraite est ordonnée, alors que "le général hiver" va entrer en action : c'est le commencement de la fin...

    http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=18120915  

     

     Et, dans notre album Écrivains royalistes (I) : Chateaubriand voir la photo "15 septembre 1812 : l'incendie de Moscou".

     

    Sur cette désastreuse Campagne de Russie - le "commencement de la fin..." - voir aussi les Éphémérides du 22 juin (Napoléon déclare la guerre à la Russie), du 7 septembre (bataille de la Moskowa, ou de Borodino), du 19 octobre (début de la retraite de Russie) et du 26 novembre (le passage de la Bérésina)...

     

     

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    1858 : Naissance de Charles de Foucauld

     

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    Sur l'Islam et les musulmans en général, dans leurs rapports avec la France, on lira avec profit car elle n'a pas pris une ride, la Lettre du Père de Foucauld à René Bazin.pdf
     

     

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  • A Jeanne, héroïne pour notre temps.....

            Hier, nous passions, pour honorer Jeanne d'Arc, la vidéo de Neige, racontant sa Geste héroïque.

            Comment mieux continuer, aujourd'hui, en ce "deuxième dimanche du mois de mai", fixé par la Loi pour honorer la "sainte de la Patrie", qu'en redonnant ce superbe discours d'André Malraux (qui constitue notre douzième Grand Texte : "Oh, Jeanne, sans sépulchre et sans portrait..." prononcé à Rouen, en 1964 ?....

    GRANDS TEXTES (XXII): "Oh Jehanne, sans sépulcre et sans portrait..." par André Malraux.

    Rouen, Fêtes Jeanne d'Arc

    Discours d'André Malraux
    31 mai 1964

    ( Pour écouter l'intégralité de l'enregistrement de Malraux :

     http://www.rouen-histoire.com/Malraux/index.htm ).

    MALRAUX ROUEN JEANNE D'ARC 1964.JPG

               Vous avez bien voulu, Monsieur le Maire, me demander d'assurer ce que le plus grand poète de cette ville, qui fut aussi l'un des plus grands poètes du monde, appelait un triste et fier honneur, celui de reprendre ce que j'ai dit, il y a quelques années, à Orléans, de Jeanne d'Arc victorieuse et de rendre hommage en ce lieu, illustre par le malheur, à Jeanne d'Arc vaincue, à la seule figure de notre histoire sur laquelle se soit faite l'unanimité du respect.

                La résurrection de sa légende est antérieure à celle de sa personne, mais, aventure unique ! la tardive découverte de sa personne n’affaiblit pas sa légende, elle lui donne son suprême éclat. Pour la France et pour le monde, la petite sœur de saint Georges devint Jeanne vivante par les textes du procès de condamnation et du procès de réhabilitation : par les réponses qu’elle fit ici, par le rougeoiement sanglant du bûcher.

                Nous savons aujourd’hui qu’à Chinon, à Orléans, à Reims, à la guerre et même ici, sauf peut-être pendant une seule et atroce journée, elle est une âme invulnérable. Ce qui vient d’abord de ce qu’elle ne se tient que pour la mandataire de ses voix :« Sans la grâce de Dieu je ne saurai que faire. » On connaît la sublime cantilène de ses témoignages de Rouen : « La première fois, j’eus grand-peur. La voix vint à midi ; c’était l’été, au fond du jardin de mon père… Après l’avoir entendue trois fois, je compris que c’était la voix d’un ange... Elle était belle, douce et humble ; et elle me racontait la grande pitié qui était au royaume de France… Je dis que j’étais une pauvre fille qui ne savait ni aller à cheval ni faire la guerre… Mais la voix disait : « Va, fille de Dieu… »

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    Vision de Jeanne, par E. Thirion

          Certes Jeanne est fémininement humaine. Elle n’en montre pas moins, quand il le faut, une incomparable autorité. Les capitaines sont exaspérés par cette « péronnelle qui veut leur enseigner la guerre ». (La guerre ? les batailles qu’ils perdaient, et qu’elle gagne...) Qu’ils l’aiment, qu’ils la haïssent, ils retrouvent dans son langage le « Dieu le veut » des Croisades. Cette fille de dix-sept ans, comment la comprendrions-nous si nous n’entendions pas, sous sa merveilleuse simplicité, l’accent incorruptible avec lequel les prophètes tendaient vers les rois d’Orient leurs mains menaçantes, et leurs mains consolantes vers la grande pitié du royaume d’Israël ?

          Avant le temps des combats, on lui demande « Si Dieu veut le départ des Anglais, qu’a-t-il besoin de vos soldats ? » _ Les gens de guerre combattront, et Dieu donnera la victoire. » Ni saint Bernard ni saint Louis n’eussent mieux répondu.

          Mais ils portaient en eux la chrétienté, non la France.

          Et à quelques pas d’ici, seule devant les deux questions meurtrières : « Jeanne êtes-vous en état de grâce ? » _Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre ; si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir ! » ; et surtout la réponse illustre : « Jeanne, lorsque saint Michel vous apparut, était-il nu ? » _Croyez-vous Dieu si pauvre, qu’il ne puisse vêtir ses anges ? »

          Lorsqu’on l’interroge sur sa soumission à l’Eglise militante, elle répond, troublée mais non hésitante : « Oui, mais Dieu premier servi !». Nulle phrase ne la peint davantage. En face du dauphin, des prélats ou des hommes d’armes, elle combat pour l’essentiel : depuis que le monde est monde, tel est le génie de l’action. Et sans doute lui doit-elle ses succès militaires. Dunois dit qu’elle disposait à merveille les troupes et surtout l’artillerie, ce qui semble surprenant. Mais les Anglais devaient moins leurs victoires à leur tactique qu’à l’absence de toute tactique française, à la seule comédie héritée de Crécy à laquelle Jeanne mit fin. Les batailles de ce temps étaient très lourdes pour les vaincus ; nous oublions trop que l’écrasement de l’armée anglaise à Patay fut de la même nature que celui de l’armée française à Azincourt. Et le témoignage du duc d’Alençon interdit que l’on retire à Jeanne d’Arc la victoire de Patay puisque, sans elle, l’armée française se fût divisée avant le combat, et puisqu’elle seule la rassembla...

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           C’était en 1429 -le 18 juin.

           Dans ce monde où Isabeau de Bavière avait signé à Troyes la mort de la France en notant seulement sur son journal l’achat d’une nouvelle volière, dans ce monde où le dauphin doutait d’être dauphin, la France d’être la France, l’armée d’être une armée, elle refit l’armée, le roi, la France.

            Il y avait plus rien : soudain il y eut l’espoir –et par elle, les premières victoires qui rétablirent l’armée.

            Puis -par elle contre presque tous les chefs militaires-, le sacre qui rétablit le roi. Parce que le sacre était pour elle la résurrection de la France, et qu’elle portait la France en elle de la même façon qu’elle portait sa foi.

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    Jeanne au Sacre de Charles VII, par Jean-Dominique Ingres.
    La grande idée de Jeanne, c'est le sacre de Reims:
    "Du point de vue le plus terrestre, du point de vue politique, ce qu'il y a d'incomparable chez Jeanne d'Arc, c'est la justesse du coup d'œil, le bon sens, la rectitude du jugement. Pour sauver la France créée par ses rois, confondue avec eux, il fallait relever la royauté. Pour relever la royauté, il fallait rendre confiance et prestige à l'héritier qui finissait par perdre espoir, et peut-être doutait de sa naissance même. C'est pourquoi la première rencontre de Jeanne et de Charles VII est si émouvante. Le geste de Jeanne, reconnaissant le dauphin qui la met à l'épreuve, et tombant à ses genoux, est décisif. Le principe sauveur, la monarchie, est désigné. À l'homme, au roi légitime, la confiance en lui-même est rendue..." (Jacques Bainville)

           Après le sacre, elle est écartée, et commande la série des vains combats qui la mèneraient à Compiègne pour rien, si ce n’était pour devenir la première martyre de la France.

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    La chevauchée héroïque

           Nous connaissons tous son supplice. Mais les mêmes textes qui peu à peu dégagent de la légende son image véritable, son rêve, ses pleurs, l’efficace et affectueuse autorité qu’elle partage avec les fondatrices d’ordres religieux, ces mêmes textes dégagent aussi, de son supplice, deux des moments les plus pathétiques de l’histoire universelle de la douleur.

           Le premier est la signature de l’acte d’abjuration -qui reste d’ailleurs mystérieux. La comparaison du court texte français avec le très long texte latin qu’on lui faisait signer proclamait l’imposture. Elle signe d’une sorte de rond, bien qu’elle ait appris à signer Jeanne. « Signez d’une croix ! » lui ordonne-t-on. Or, il avait naguère été convenu entre elle et les capitaines du Dauphin, que tous les textes de mensonge, tous les textes imposés, auxquels leurs destinataires ne devaient pas ajouter foi, seraient marqués d’une croix. Alors, devant cet ordre qui semblait dicté par Dieu pour sauver sa mémoire, elle traça la croix de jadis, en éclatant d’un rire insensé...

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    Jeanne conduite devant ses juges (Vigiles de Charles VII)

           Le second moment est sans doute celui de sa plus affreuse épreuve. Si, tout au long du procès, elle s’en remit à Dieu, elle semble avoir eu, à maintes reprises, la certitude qu’elle serait délivrée. Et peut-être, à la dernière minute, quand sonnaient des cloches comme celles qui sonnent maintenant, espéra-t-elle qu’elle le serait sur le bûcher. Car la victoire du feu pouvait être la preuve que ses voix l’avaient trompée. Elle attendait, un crucifix fait de deux bouts de bois par un soldat anglais posé sur sa poitrine, le crucifix de l’église voisine élevé en face de son visage au-dessus des premières fumées. (Car nul n’avait osé refuser la croix à cette hérétique et à cette relapse...) Et la première flamme vint, et avec elle le cri atroce qui allait faire écho, dans tous les peuples chrétiens, au cri de la Vierge lorsqu’elle vit monter la croix du Christ sur le ciel livide.

          Alors, depuis ce qui avait été la forêt de Brocéliande jusqu’au cimetière de Terre sainte, la vieille chevalerie morte se leva dans ses tombes. Dans le silence de la nuit funèbre, écartant les mains jointes de leurs gisants de pierre, les preux de la Table Ronde et les compagnons de Saint Louis, les premiers combattants tombés à la prise de Jérusalem et les derniers fidèles du petit roi lépreux, toute l’assemblée des rêves de la chrétienté regardait, de ses yeux d’ombre, monter les flammes qui allaient traverser les siècles, vers cette forme enfin immobile, qui devenait le corps brûlé de la chevalerie.

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    Jeanne au bûcher, enluminure du XVème

          Il était plus facile de la brûler que de l’arracher de l’âme de la France. Au temps où le roi l’abandonnait, les villes qu’elle avait délivrées faisaient des processions pour sa délivrance. Puis le royaume, peu à peu, se rétablit. Rouen fut enfin reprise. Et Charles VII, qui ne se souciait pas d’avoir été sacré grâce à une sorcière, ordonna le procès de réhabilitation.

         A Notre-Dame de Paris, la mère de Jeanne, petite forme de deuil terrifiée dans l’immense nef, vient présenter le rescrit par lequel le pape autorise la révision. Autour d’elle, ceux de Domrémy qui ont pu venir, et ceux de Vaucouleurs, de Chinon, d’Orléans, de Reims, de Compiègne… Tout le passé revient avec cette voix que le chroniqueur appelle une lugubre plainte : « Bien que ma fille n’ait pensé, ni ourdi, ni rien fait qui ne fût selon la foi, des gens qui lui voulaient du mal lui imputèrent mensongèrement nombre de crimes. Ils la condamnèrent iniquement et… » La voix désespérée se brise. Alors Paris qui ne se souvient plus d’avoir jamais été bourguignonne, Paris, redevenue soudain la ville de Saint Louis, pleure avec ceux de Domrémy et de Vaucouleurs, et le rappel du bûcher se perd dans l’immense rumeur de sanglots qui monte au-dessus de la pauvre forme noire.

          L’enquête commence.

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    Folio 98 du Procès de réhabilitation (déclaration de la mère de Jeanne)

         Oublions, ah, oublions ! le passage sinistre de ces juges comblés d’honneur, et qui ne se souviennent de rien. D’autres se souviennent. Long cortège, qui sort de la vieillesse comme on sort de la nuit. Un quart de siècle a passé. Les pages de Jeanne sont des hommes mûrs ; ses compagnons de guerre, son confesseur ont les cheveux blancs. Ici débute la mystérieuse justice que l’humanité porte au plus secret de son cœur.

         Cette fille, tous l’avaient connue, ou rencontrée, pendant un an. Et ils ont eux aussi oublié beaucoup de choses, mais non la trace qu’elle a laissée en eux. Le duc d’Alençon l’a vue une nuit s’habiller quand, avec beaucoup d’autres, ils couchaient sur la paille : elle était belle, dit-il, mais nul n’eût osé la désirer. Devant le scribe attentif et respectueux, le chef de guerre tristement vainqueur se souvient de cette minute, il y a vingt-sept ans, dans la lumière lunaire... Il se souvient aussi de la première blessure de Jeanne. Elle avait dit : « Demain mon sang coulera, au-dessus du sein. » Il revoit la flèche transperçant l’épaule, sortant du dos, Jeanne continuant le combat jusqu’au soir, emportant enfin la bastille des Tourelles. Revoit-il le sacre ? Avait-elle cru faire sacrer Saint Louis ? Hélas ! Mais, pour tous les témoins, elle est la patronne du temps où les hommes ont vécu selon leurs rêves et selon leur cœur, et depuis le duc jusqu’au confesseur et à l’écuyer, tous parlent d’elle comme les rois mages, rentrés dans leurs royaumes, avaient parlé d’une étoile disparue…

         De ces centaines de survivants interrogés, depuis Hauviette de Domrémy jusqu’à Dunois, se lève une présence familière et pourtant unique, joie et courage, Notre- Dame la France avec son clocher tout bruissant des oiseaux du surnaturel. Et lorsque le XIXe siècle retrouvera ce nostalgique reportage du temps disparu, commencera, des années avant la béatification, la surprenante aventure : bien qu’elle symbolise la patrie, Jeanne d’Arc, en devenant vivante, accède à l’universalité. Pour les protestants, elle est la plus célèbre figure de notre histoire avec Napoléon ; pour les catholiques, elle sera la plus célèbre sainte française.

         Lors de l’inauguration de Brasilia, il y a quatre ans, les enfants représentèrent quelques scènes de l’Histoire de France. Apparut Jeanne d’Arc, une petite fille de quinze ans, sur un joli bûcher de feux de Bengale, avec sa bannière, un grand bouclier tricolore et un bonnet phrygien. J’imaginais devant cette petite République le sourire bouleversé de Michelet ou de Victor Hugo. Dans le grand bruit de forge où se forgeait la ville, Jeanne et la République étaient toutes deux la Franc

  • Reconstruire les Tuileries ? Carrément pour !.....

            "Pour" la reconstruction, on l'était déjà "avant"; alors, après l'excellent article du Figaro Magazine du 18 novembre, on ne peut que l'être davantage : la superbe image de synthèse montrant ce que donnerait la restitution du Palais est proprement stupéfiante.....

            Les Russes ont recosntruit leur cathédrale du Christ sauveur, dynamitée par Staline durant les années d'enfer; les Allemands, le Palais des Hohenzollern; les Français doivent, symboliquement, reconstruire le château de Paris : non que ce soit utile en soi, et l'auteur de l'article du Figaro (Léopold Sanchez) a raison de signaler les arguments "contre", avancés par les détracteurs du projet. Bien sûr, Paris ne manque pas de mètres carrés déjà consacrés à l'Histoire et à la culture. Bien sûr, il y a déjà beaucoup d'argent dépensé, et à dépenser pour entretenir d'autres oeuvres d'art, alors en ajouter une de plus....

            Bien sûr, bien sûr.....

            Mais celles et ceux qui avancent ces arguments "contre" n'oublient qu'une chose : le problème n'est pas là, le problème est un problème d'identité, d'Âme, d'Esprit. Le problème, c'est la Mémoire de la France, et de sa ville capitale. Et cette mémoire a été amputée, gravement, lors de la destruction insensée du Palais des Tuileries.

            Et le mouvement qui nous pousse à vouloir militer pour sa reconstruction est le même que celui qui pousse les Russes (qui n'ont pas besoin d'une église de plus) à reconstruire "leur" cathédrale; et les Allemands (qui n'ont pas besoin d'un palais de plus) à reconstruire "leur" palais des Hohenzollern. Nous voulons retrouver "notre" mémoire, notre Histoire, nous rebrancher - on nous passera l'expression... -sur l'une et sur l'autre.

            Quant à craindre qu'on n'arrive pas à faire quelque chose de bien, qu'on ne fasse que de l'à peu près,que ceux qui ont cette crainte aillent à Saint Malo....

            Comme le disait Catherine de Médicis, après avoir tranché, il faut recoudre.....

            Voici l'excellent article de Léopold Sanchez dans Le Figaro Magazine du 19 novembre 2010 :

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    Le palais des Tuileries restitué en images 3D. Voici à quoi le site ressemblerait s'il était toujours en place. Au premier plan, la longue façade ombragée n'existe plus. (Aristeas-Hubert Naudeix)

      Et si on reconstruisait les Tuileries ?

    Le projet de reconstruction des Tuileries est-il une vague rêverie d'historiens réactionnaires ou un projet moderne et séduisant? La polémique soulève les passions.

    Voici plus d'un siècle que le pavillon de Flore et le pavillon de Marsan se font face, de part et d'autre d'un espace vide. Le fait qu'il n'y ait rien à cet endroit rend à la fois inutile et sans cause l'arc de triomphe du Carrousel qui, de majestueux à l'origine, a tourné au dérisoire. Et en plus, cela a fait perdre tout son sens au jardin.»

    La déclaration de Stéphane Millet, président du Comité pour la reconstruction des Tuileries, vient jeter un pavé dans la mare.

    Si l'Etat s'est contenté jusqu'à présent de hausser les épaules, il semblerait que les arguments des opposants à la reconstruction soient en train de se retourner contre eux. La sortie d'un ouvrage savant et neutre sur les Tuileries * montrant, au moyen de restitutions en 3D (société Aristeas), à quoi pourrait ressembler le bâtiment s'il était toujours en place aux extrémités du Louvre, ainsi que la reprise en main du comité militant pour la reconstruction du palais viennent relancer le débat.

    Tout était réuni pour en faire un chef-d'oeuvre : les plus grands architectes, la beauté de la pierre, l'élégance des sculptures, la somptuosité des décors. Ce qui fait dire aujourd'hui aux opposants qu'on ne pourra jamais refaire que de l'à-peu-près ! (Aristeas-Hubert Naudeix)

    Rétablir la perspective sur les Champs-Elysées

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    Tout était réuni pour en faire un chef-d'oeuvre : les plus grands architectes, la beauté de la pierre, l'élégance des sculptures, la somptuosité des décors. Ce qui fait dire aujourd'hui aux opposants qu'on ne pourra jamais refaire que de l'à-peu-près ! (Aristeas-Hubert Naudeix)

    Selon l'ancien ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres: «C'est Maurice Druon qui est à l'origine de ce dossier. En 2005, il est venu me trouver Rue de Valois pour m'exposer ses grandes lignes. Ma réponse, à l'époque, était claire: je m'engageais à le soutenir, à condition que cela ne repose pas sur le budget des Monuments historiques. Il m'a proposé alors un plan de financement, par des partenaires privés, que j'ai trouvé tout à fait viable.»

    L'estimation du coût du projet est alors de 350 millions d'euros. La somme paraît importante, mais selon le représentant du Comité, elle ne représente que «le quart du montant des travaux du Grand Louvre (1,2 milliard d'euros), et on n'aurait besoin que de dix-huit mois pour réunir le budget grâce à une souscription internationale et au mécénat d'entreprise». Toutes les difficultés ne sont pas levées pour autant. A commencer par l'impact de nouveaux aménagements sur la « respiration » de la ville. En effet, il ne serait pas anodin de voir s'élever un lieu nouveau à un endroit clé pour le trafic urbain.

    «Oui et non! réplique Stéphane Millet. On n'est pas encore dans le périmètre du jardin, puisque la grille d'entrée est à une cinquantaine de mètres à l'ouest; ce n'est plus une voie de communication depuis que la liaison berges-Rivoli est souterraine; ce n'est même pas une voie piétonne, vu l'état du sol en cet endroit, où l'on s'est contenté de planter quelques massifs de buis entre deux ou trois statues.» Selon lui, la reconstruction des Tuileries redonnerait au contraire à l'ensemble monumental du Louvre une cohérence sur le plan urbanistique.

    Les détracteurs du projet, en la personne d'Alexandre Gady, professeur des universités et historien de l'architecture, répliquent aussitôt que l'«on va ainsi fermer une perspective vantée dans les dépliants touristiques du monde entier». Il suffit, pour s'en convaincre, de voir le nombre impressionnant de touristes qui s'arrêtent là afin de se faire photographier. Un argument qui a fait long feu aujourd'hui, si l'on en croit les arguments de la défense: «La fameuse perspective sur les Champs-Elysées s'avère une complète illusion, souligne Stéphane Millet, notamment depuis l'érection de la pyramide de Pei à un bout et l'arche de la Défense à l'autre. On a accentué la brisure qui existait, dès le départ, à l'endroit des Tuileries.» Le baron Haussmann avait d'ailleurs prévu cet inconvénient, lorsqu'il déclarait aux partisans de la destruction: «Les ruines des Tuileries font encore obstacle à la vue d'irrégularités que vous allez mettre à découvert.»


    Le 24 mai 1871, il ne restait plus des Tuileries que leur structure de pierre. Incendié par la Commune, comme la plupart des bâtiments officiels de la capitale, le palais ne fut rasé que treize ans plus tard. Un très petit nombre de personnes se prononçait alors pour sa disparition. (Archives nationales)

    Un nouveau palais pour y mettre quoi ?

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    Le 24 mai 1871, il ne restait plus des Tuileries que leur structure de pierre. Incendié par la Commune, comme la plupart des bâtiments officiels de la capitale, le palais ne fut rasé que treize ans plus tard. Un très petit nombre de personnes se prononçait alors pour sa disparition. (Archives nationales)

    Remettre les Tuileries à leur place, aux extrémités du Louvre, redonnerait au contraire son axe à la grande perspective depuis l'arc de triomphe de l'Etoile, qui n'a été placé là par Napoléon Ier que pour faire face au pavillon central des Tuileries. «L'arc du Carrousel, renchérit Stéphane Millet, retrouverait sa fonction de porte d'honneur du palais et ses proportions exactes au milieu du cadre architectural pour lequel il a été créé.» Reste que l'Etat est propriétaire du terrain, et que lui seul peut donner le feu vert au projet. C'est là que le bât blesse !

    Cette ouverture sur le vide a quelque chose d'une amputation, qui n'a pas échappé aux précédents gouvernements. Déjà, en 1882, Jules Ferry, alors ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, soutenait la reconstruction du palais. Il alla même jusqu'à confier à Charles Garnier la mission de plancher sur le sujet. Plus récemment, le général de Gaulle, au lendemain de son élection, avait chargé l'architecte Henry Bernard de réfléchir à une reconstruction, pour servir éventuellement de résidence au chef de l'Etat. Sur le plan technique, s'il ne reste aucune trace visible de ce bâtiment, en revanche ses soubassements sont conservés (entre la voie souterraine et le parking du Carrousel) et ses caves, obstruées lors de la démolition, n'ont jamais été fouillées. D'autre part, ses pierres ont été dispersées un peu partout en France. Stéphane Millet appuie cet argument: «Les plans des Tuileries sont conservés aux Archives, ainsi que les projets de Lefuel pour leur remaniement au XIXe siècle. En ce qui concerne le mobilier, il est précieusement gardé au département des objets d'art du Louvre, ainsi que les tableaux qui étaient aux murs. Quant aux carrières qui ont fourni les pierres du bâtiment, elles sont toujours en activité en Ile-de-France, et la reprise d'un tel projet serait même un ballon d'oxygène pour l'emploi dans une foule de secteurs des métiers d'art.»

    Michel Carmona, directeur de l'Institut d'urbanisme et d'aménagement de la Sorbonne, abonde en ce sens: «La reconstruction d'un monument de cette ampleur pourrait faire l'objet d'un chantier-école pour les métiers d'art, que l'on pourrait même envisager en collaboration avec la chambre des métiers.»

    Vingt mille mètres carrés qui s'ouvriraient à l'exploitation en plein cœur de Paris, à un moment où le Louvre manque de place pour exposer de nouvelles collections entreposées dans ses réserves, et où il cherche de nouveaux lieux pour les mettre à l'abri du danger d'une crue de la Seine, ne serait-ce pas une aubaine? Même si le palais reconstruit devait conjuguer d'autres fonctions, comme celle de centre de congrès ou de lieu nouveau pour des événements internationaux... Les projets ne manquent pas.

    Reste que l'Etat a d'autres chats à fouetter actuellement. Comme le souligne Renaud Donnedieu de Vabres, «avec 40.000 édifices publics (soit 50% des monuments historiques européens), l'Etat est déjà responsable d'un patrimoine architectural considérable». Et au moment où les pouvoirs publics essayent de se débarrasser de cette énorme charge financière, leur ajouter 20.000 mètres carrés de salles et de salons, de couloirs et d'escaliers, ce n'est pas très raisonnable. «On a besoin de restaurer et d'entretenir notre magnifique patrimoine, non de faux monuments, plaide Alexandre Gady. Une reconstruction "à l'identique" (d'ailleurs impossible) impliquerait de détruire partiellement les pavillons de Flore et de Marsan. Cela n'a pas de sens! Pourquoi pas aussi reconstruire Lutèce sur l'île de la Cité? »

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    Vue du pavillon central, du côté de la place du Carrousel. (Aristeas-Hubert Naudeix)

    Un témoin absent de l'histoire nationale

    Cette position est bien caractéristique des archéologues et historiens, mais aussi d'un grand nombre d'opposants, comme Claude Mignot, professeur à la Sorbonne ou Philippe Belaval, directeur des patrimoines au ministère de la Culture : «Au moment où chacun a le sentiment qu'il y a des besoins énormes, tant en restauration qu'en conservation du patrimoine, se tourner vers un tel projet me semble un peu léger.» Même si c'est une belle idée !

    Or, toute belle idée en France soulève les passions, à plus forte raison lorsqu'elle est liée à l'histoire du pays. Pour le commun des mortels, le nom de Tuileries évoque aujourd'hui un simple jardin ! Combien de gens savent qu'au-delà des plus grands architectes, comme Philibert Delorme, Bullant, Androuet du Cerceau, Le Vau, Percier, Fontaine qui, depuis la Renaissance, ont contribué à faire de ce palais un lieu de prestige, c'est ici que se sont tournées certaines des pages les plus déterminantes de notre histoire.

    C'est aux Tuileries que Beaumarchais créa son Barbier de Séville en 1775 ; que Mozart joua pour la première fois sa symphonie n° 31, dite Parisienne, en 1778 ; que fut renversée la monarchie. Ici que furent mis en application les principes fondateurs de la République: les droits de l'homme, la souveraineté du peuple, la notion contemporaine de l'Etat. Que d'événements en moins d'un siècle, entre 1789 et 1870 ! Le séjour surveillé de la famille de Louis XVI, la fuite à Varennes, la conspiration des poignards, le sac du palais par le peuple, les séances de la Convention, les splendeurs du premier puis du second Empire... jusqu'à l'anéantissement par la Commune, le 24 mai 1871, et l'arasement total des Tuileries, en 1884. Comme si l'on avait voulu effacer la mémoire de ce monument au cœur de Paris.

    *Le Palais des Tuileries, de Guillaume Fonkenell, Editions Honoré Clair, 224p., 49€.

    Annexe : Où peut-on voir des restes des Tuileries?

    - Les jardins de la Villa Magali, à Saint-Raphaël, où sont conservés quarante fragments du palais.

    - La Fondation Foch, à Suresnes.

    - Dans la cour de l'Ecole des ponts et chaussées, Paris VII e .

    - Dans les jardins du musée Carnavalet et rue Payenne, Paris III e .

    - Dans le petit musée lapidaire de l'Ecole des beaux-arts, Paris VI e .

    - Le château de La Punta, à Alata, en Haute-Corse, construit avec les vestiges du pavillon central et qui menace ruine aujourd'hui.

    - Dans le jardin des Tuileries, bien sûr...

  • Le Testament politique de Louis XVI...

     
                Concilier l'héritage de la monarchie française avec les idées nouvelles, au milieu d'évènements auquels nul n'était préparé....
     
                Voici réunis et présentés pour la première fois, dans leur ensemble, les testaments et manifestes rédigés de la main de Louis XVI.
                On découvrira dans ce recueil une pièce exceptionnelle : le fac-similé de la Déclaration du roi adressée à tous les Français à sa sortie de Paris, écrite avant son arrestation à Varennes dans la nuit du 21 au 22 juin 1791 (dont l'original a été retrouvé, aux Etats-Unis, en mai 2009, par un collectionneur français, Gérard Lhéritier).
     
                Ce document majeur constitue le testament politique de Louis XVI ; il est accompagné des " feuilles retranchées " (dues au comte de Provence, futur Louis XVIII).
               
                Ce volume contient également le testament moral de Louis XVI rédigé à la prison du Temple et, en annexe, celui de Marie-Antoinette.  
               
                Dans son introduction, Jacques de Saint Victor (ci dessous) raconte la fabuleuse épopée du manuscrit de la Déclaration du roi et, dans sa présentation, Jean- Christian Petitfils montre que ces testaments et manifestes permettent de comprendre la vraie personnalité de Louis XVI, guillotiné le 21 janvier 1793. 
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                 Mais le plus important reste la leçon politque que l'on peut tirer de ce texte. L'éclairage qu'apporte Jacques de Saint Victor -nouveau pour beaucoup, victimes du mensonge et du travestissement officiel de notre Histoire- mérite que l'on y revienne quelques instants: voilà pourquoi il nous a  semblé utile, en présentant ce nouvel ouvrage à deux mains, de reproduire, ci après, le très bon texte qu'avait publié le même Jacques de Saint Victor dans Le Figaro, le 19 mai 2009....   

                  Confirmation(s) pour les uns, révélation(s) pour les autres....       

     
     
     
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     Éditions des Équateurs, 106 pages, 18 euros
     
                                                                                                
     
                Avant de fuir (nous préférons, on le sait, le terme de "s'évader", ndlr) en juin 1791, le roi de France avait rédigé un texte pour se justifier. Le manuscrit, qui avait disparu, a été découvert aux États-Unis. Il avait disparu depuis la Révolution française. Il se cachait dans une collection américaine où il vient d'être acquis par un Français, collectionneur de manuscrits anciens.
     

                Le testament politique de Louis XVI est une œuvre politique majeure, datant de la fuite à Varennes, dans la nuit du 20 juin au 21 juin 1791. Avant de partir, Louis XVI a probablement quelques scrupules. Il pense enfin pouvoir échapper à l'Assemblée constituante mais il ne veut pas quitter Paris sans laisser un document expliquant les raisons de sa fuite. Il entend s'adresser à son peuple. Aussi rédige-t-il cette Déclaration à tous les Français, un manuscrit de seize pages in quarto, qui deviendra, selon la tradition historique, son «testament politique» (à ne pas confondre avec le testament qu'il rédigera dans la prison du Temple avant de monter sur l'échafaud et qui est plus personnel et moral). Le roi demandera à La Porte, son intendant, de déposer le lendemain de sa fuite cette Déclaration sur le bureau du président de l'Assemblée, qui est alors Alexandre de Beauharnais. L'histoire se télescope : celui qui recueille le testament du dernier roi de l'Ancien Régime n'est autre que le premier époux de Joséphine, la future impératrice des Français ! Le monde est petit.

                Dans ce texte long et parfois assez mal structuré, Louis XVI entend exprimer sa conception politique la plus profonde. Au moment de le rédiger, il se sent libéré des contraintes, des faux-semblants et des réserves qu'il a toujours dû s'imposer depuis le début de la Révolution. Il déclare même, au moment de partir, qu'«une fois le cul sur la selle, il serait tout autre». Se voyant déjà loin de Paris et de l'Assemblée, il livre sa véritable conception des événements révolutionnaires, depuis la réunion des États généraux, et exprime son idéal politique, une monarchie constitutionnelle avec un monarque puissant.

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    Louis d'or à l'effigie de Louis XVI
     
     

               C'est donc un texte d'une portée considérable. Dans sa biographie de Louis XVI, Jean-Christian Petitfils, insiste à juste titre sur son caractère essentiel pour bien comprendre l'évolution de la pensée du monarque : «La plupart des historiens, écrit Petitfils à propos de la déclaration royale, ne lui ont pas donné l'importance qu'elle mérite. Ils l'ont soit négligée, soit hâtivement lue et commentée» (1). Son contenu n'était en effet pas ignoré des savants, dans la mesure où le texte a été reproduit dans de nombreux documents parlementaires, notamment les Archives parlementaires (publiées sous le Second Empire), mais l'original avait disparu. C'est lui qui vient enfin d'être retrouvé. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit du document authentique. Son acquéreur, Gérard Lhéritier, président de la société Aristophil, une société qui achète des manuscrits anciens et propose ensuite à des collectionneurs de devenir en partie propriétaires de ces documents (tout en les conservant dans son Musée des lettres et manuscrits), insiste sur son caractère unique. «C'est une pièce exceptionnelle, vibrante d'histoire, que nos experts ont pu retrouver aux États-Unis.» Cette certitude est confirmée par des spécialistes de grand renom, comme Thierry Bodin, expert en autographes près la cour d'appel de Paris. Pour ce dernier, la paternité du document est évidente. «C'est la signature du roi et, surtout, il a été paraphé et signé par le président de l'Assemblée nationale, Alexandre de Beauharnais.» D'autant que la prise de Gérard Lhéritier est double. Il y a non seulement le document en lui-même mais un autre manuscrit de huit pages rédigées par le propre frère de Louis XVI, le comte de Provence, futur Louis XVIII. Ce texte avait été demandé par le roi à son frère peu de temps avant son départ, afin que celui-ci retrace les injustices subies par la famille royale depuis 1789. C'était une manière d'impliquer le comte de Provence dans le projet de fuite et le contraindre, par la même occasion, de quitter Paris le même jour (le roi craignait que son frère, qui n'avait pas toujours été tendre avec le couple royal, ne cherche à profiter de son départ pour se hisser sur le trône). Jugées trop agressives à l'égard de l'Assemblée, les remarques du comte de Provence ne furent pas toutes reprises par Louis XVI, qui commentera puis écartera ces huit pages.

    Pièce à charge lors du procès du roi.

                Comment un tel trésor a-t-il pu s'évanouir dans la nature ? La plupart des historiens et des spécialistes avouent leur ignorance sur les circonstances de la disparition de ces documents capitaux. C'est un mystère digne du Da Vinci Code. Jean-Christian Petitfils rappelle que ce n'est pas le seul document officiel qui ait disparu sous la Révolution. Il suffit de songer, dans un autre registre, au vol des diamants de la Couronne. Selon Thierry Bodin, le document devait probablement avoir été conservé jusqu'au procès de Louis XVI qui s'ouvre en décembre 1792. «Il disparaît ensuite, sans laisser de trace.» Certains pensent qu'il aurait pu, au milieu du XIXe siècle, faire partie du fonds d'un collectionneur fameux, Étienne Charavay, mais il ne figure pas dans la vente des manuscrits de ce dernier. D'autres évoquent la possibilité qu'il ait été dans le fonds de Feuillet de Conches, autre collectionneur célèbre du XIXe siècle, qui a publié des Lettres et documents inédits de Louis XVI (1864-1873), mais où les documents les plus authentiques côtoient les faux les plus étonnants. Il faut se rendre à l'évidence : on ne sait pas comment le manuscrit a pu disparaître pour ensuite quitter le territoire. Son existence est signalée dans les années 1950, à l'occasion d'une vente Hennessy, mais le document original n'y figure pas. Puis on perd définitivement sa trace jusqu'à son acquisition aujourd'hui par la société Aristophil.

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                 Un mystère surprenant, alors même que ce texte a eu, dans la vie du monarque, un rôle on ne peut plus funeste.Car la Déclaration fut en effet une des pièces à charge lors du procès du roi sous la Terreur. Ainsi, le rapport d'accusation, lu par Lindet le 10 décembre 1792, à la Convention, le cite précisément et l'utilise pour prouver la duplicité du roi et ses mauvaises intentions. «C'était sans doute le Manifeste destiné à plonger la France dans les horreurs de la guerre civile, écrit Lindet. (…) Son Manifeste du 20 juin atteste ses intentions hostiles ; il voulait le renversement de l'État, puisqu'il ne voulait ni les lois, ni la Constitution qu'il avait juré de maintenir» (2). Indéniablement, cette Déclaration a contribué à poser Louis XVI en ennemi de la Révolution.

                Mais que dit précisément le texte ? En réalité, le roi est loin d'avoir rédigé un brûlot contre-révolutionnaire. Il ne se résout certes pas à l'abaissement de la monarchie. Il juge que les réformes de l'Assemblée et l'attitude des clubs, «calomniateurs et incendiaires», ont porté atteinte à «la dignité de la Couronne de France». Il s'en prend notamment au refus, par l'Assemblée, de lui accorder un droit de veto absolu (il n'est que «relatif»), au poids excessif des comités de la Constituante, notamment le Comité des recherches qui exerce, selon le roi, «un véritable despotisme plus barbare et plus insupportable qu'aucun de ceux dont l'histoire ait jamais fait mention».

    Le monarque n'avait jamais été aussi conciliant.

                Le roi critique aussi l'excessive décentralisation, la suppression de son droit de grâce, etc. Mais, sur le plan social, il se rallie pourtant à la révolution juridique de l'été 1789 ; il ne rejette plus l'abolition des ordres, comme dans sa Déclaration du 23 juin 1789. Il admet l'égalité civile et insiste même sur les réformes qu'il avait cherché à faire, notamment en 1787, en matière fiscale, afin que les privilégiés ne bénéficient plus d'exemptions indues. Il conclut, sur le ton de l'époque : «Français, et vous surtout Parisiens (…), revenez à votre roi ; il sera toujours votre père, votre meilleur ami.»La rédaction du texte lui a pris à peu près quatre ou cinq mois de réflexion. Il y a travaillé seul, à l'insu de ses ministres, et il n'y associera son frère qu'à la dernière minute, le samedi 18 juin, comme en témoigne ce dernier. On sait comment tout cela finira. Son arrestation à Varennes va, comme le rappelle Mona Ozouf, se révéler fatale pour la monarchie (3). La déclaration du roi se montrera bien incapable de lui sauver la mise. Bien au contraire. Le prestige de la monarchie sera pour jamais terni par cette équipée malheureuse. Pourtant, comme le remarque à juste titre Jean-Christian Petitfils, ce testament politique de Louis XVI prouve que le roi n'avait jamais été aussi conciliant. C'est ce triste paradoxe que met en évidence le document laissé à l'Assemblée : «Jamais Louis XVI n'avait été aussi proche de la Révolution qu'en fuyant la capitale. Sur la route de Varennes, il était devenu un souverain constitutionnel, à la recherche, hélas, d'une impossible Constitution» (4). De toute cette histoire tragique, il ne reste plus aujourd'hui qu'un seul témoignage, ce manuscrit oublié.

    (1) «Louis XVI», Perrin, 2005, p. 810.

    (2) «Moniteur», tome XV, p. 715.

    (3) «Varennes, la mort de la royauté (21 juin 1791)», Gallimard, 2008.

    (4) «Louis XVI», Perrin 2005, p. 885.

     

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    La dernière page du manuscrit, qui en compte seize en tout, racheté par un collectionneur français. Louis XVI termine son message par ces mots : « Français, et vous surtout Parisiens, vous habitants d'une ville que les ancêtres de Sa Majesté se plaisaient à appeler la bonne ville de Paris, méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis, revenez à votre Roi, il sera toujours votre père, votre meilleur ami. Quel plaisir n'aura-t-il pas d'oublier toutes ses injures personnelles, et de se revoir au milieu de vous lorsqu'une Constitution qu'il aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que le gouvernement sera établi sur un pied stable et utile par son action, que les biens et l'état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus enfreintes impunément, et qu'enfin la liberté sera posée sur des bases fermes et inébranlables. A Paris, le 20 juin 1791, Louis.»
  • Mieux connaître, pour mieux comprendre et mieux évaluer... : Regards croisés sur l'Islam (V)

                 Un oriental -intellectuel saoudien- parle de l’occident….: "...La civilisation occidentale a libéré l'être humain...sans tout ce que l'Occident a accompli, nos vies seraient stériles...."

                 Dans un entretien paru le 23 avril 2009 dans le quotidien saoudien Okaz, le penseur réformiste Ibrahim Al-Buleihi fait part de son admiration pour la civilisation occidentale. L'interview a été mise en ligne le jour même sur le site progressiste arabe Elaph.

                 Al-Buleihi appelle les Arabes à reconnaître la grandeur de la civilisation occidentale et à admettre les insuffisances de leurs propres cultures. Il estime que l'autocritique est la condition de toute évolution positive.

                Ibrahim Al-Buleihi est membre du Conseil saoudien de la Shura. 

    ibrahim-al-buleihi.jpg
    Title of video : Former Saudi Shura Council Member Ibrahim Al-Buleihi
    "The Arab is incapable of individual thinking..."

                 Extraits de l'entretien:

    Okaz : Je vais commencer par la question cruciale de ce qui distingue votre façon de penser - que vos adversaires évoquent systématiquement contre vous: votre éblouissement face à l'Occident, alors que vous dévaluez complètement la pensée arabe. C'est vraiment le caractère le plus distinctif de vos écrits. L'auto-flagellation y est présente à un point extrême. Comment l'expliquez-vous ?

    Buleihi : Mon attitude face à la société occidentale se base sur des faits indéniables et ses grandes réussites. Nous sommes en présence d'une réalité aux nombreuses composantes merveilleuses et étonnantes. Cela ne signifie pas que je sois aveuglé. Mais j'ai très exactement l'attitude contraire de ceux qui nient et ignorent les lumières vives de la civilisation occidentale. Regardez donc autour de vous… Vous vous apercevrez que tout ce qui est beau dans nos vies nous vient de la civilisation occidentale. Même le stylo que vous tenez dans votre main, l'enregistreur en face de vous, la lampe de cette pièce et le journal pour lequel vous travaillez, et d'innombrables agréments supplémentaires, qui sont comme des miracles pour les civilisations anciennes… Sans tout ce que l'Occident a accompli, nos vies seraient stériles. Je ne fais que poser un regard objectif [sur la réalité], estimant à sa juste valeur ce que je vois et l'exprimant honnêtement. Ceux qui n'ont pas d'admiration pour le beau sont démunis de sensibilité, de goût et de sens de l'observation.

                La civilisation occidentale a atteint le summum de la science et de la technologie. Elle a apporté la connaissance, le savoir-faire, de nouvelles découvertes, comme aucune autre civilisation avant elle. Les réalisations de la civilisation occidentale couvrent tous les domaines: la gestion, la politique, l'éthique, l'économie et les droits humains. C'est un devoir de reconnaître son étonnante excellence. C'est en effet une civilisation digne d'admiration. (…) Le retard horrible dans lequel vivent certaines nations est le résultat inévitable de leur refus de [l'apport occidental] et de leur attitude consistant à se réfugier dans le déni et l'arrogance.

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     "La civilisation occidentale a atteint le summum de la science et de la technologie..."
     

    Okaz : Monsieur, vous pouvez admirer cette civilisation tant que vous le voulez, mais pas aux dépens des autres, notamment de notre civilisation.

    Buleihi : Mon admiration pour l'Occident ne s'exprime pas aux dépens des autres. Elle invite ces autres à admettre qu'ils se sont leurrés, à surmonter leur infériorité et à se libérer de leur retard. Ils devraient admettre leurs défauts et faire l'effort de les surmonter. Ils devraient cesser de nier les faits et de tourner le dos à la multitude des merveilleux succès [occidentaux]. Ils devraient se montrer justes à l'égard de ces nations qui ont su se rendre prospères, sans pour autant monopoliser la prospérité, faisant profiter le monde entier des résultats de leurs progrès, de sorte qu'aujourd'hui d'autres nations dans le monde en bénéficient. La civilisation occidentale a apporté au monde la connaissance et le savoir-faire qui ont permis aux nations non occidentales, de rivaliser avec sa production et de partager des marchés avec elle. Critiquer ses propres insuffisances est nécessaire pour évoluer positivement. En revanche, glorifier la léthargie revient à encourager et asseoir le retard, à resserrer les chaînes de l'apathie et à empêcher [l'expression de] la capacité à exceller. Le retard est une réalité honteuse qui devrait nous déplaire et dont nous devons nous libérer.

    Okaz : C'est peut-être le cas, et je vous suis dans cette exigence, mais, Monsieur, pourriez-vous résumer pour nous les raisons de votre admiration de la culture occidentale, afin que nous ayons une base de discussion ?

    Buleihi : Il n'y a pas une, mais mille raisons qui me poussent à admirer l'Occident et à souligner son excellence absolue dans tous les domaines. La civilisation occidentale est la seule qui ait su libérer l'homme de ses illusions et de ses chaînes. Elle a reconnu son individualité et lui a fourni des capacités, la possibilité de se cultiver et de réaliser ses aspirations. Elle a humanisé l'autorité politique et établi des mécanismes garantissant une égalité et une justice relatives, prévenant l'injustice et modérant l'agression. Cela ne veut pas dire que c'est une civilisation sans défaut ; elle en a même beaucoup. C'est toutefois la plus grande civilisation humaine de l'histoire. Avant elle, l'humanité était en prise avec la tyrannie, l'impuissance, la pauvreté, l'injustice, la maladie et la misère.

                  C'est une civilisation extraordinaire, sans être l'extension d'aucune civilisation ancienne, à l'exception de la civilisation grecque, source de la civilisation contemporaine. J'ai donné le dernier coup de plume à un ouvrage sur ce grand et extraordinaire saut de civilisation, intitulé "Changements qualitatifs dans la civilisation humaine". La civilisation occidentale est son propre produit et ne doit rien à aucune autre civilisation, hormis la civilisation grecque (…) Elle a redonné vie aux réalisations des Grecs dans les domaines de la philosophie, la science, la littérature, la politique, la société, la dignité humaine, le culte de la raison, tout en reconnaissant ses défauts et ses leurres et en soulignant le besoin constant de critique, de réévaluation et de corrections.

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    Aristote, le Parthénon...:
    "...C'est une civilisation extraordinaire, sans être l'extension d'aucune civilisation ancienne, à l'exception de la civilisation grecque, source de la civilisation contemporaine..."
     
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    Okaz : En parlant ainsi, vous effacez complètement tous les efforts créatifs des civilisations qui ont précédé, telle la civilisation islamique, car vous affirmez que l'Occident ne lui doit rien.

    Buleihi : Et pour cause: elle ne lui doit rien, pas plus qu'à aucune autre civilisation avant elle. La civilisation occidentale trouve ses fondements dans la Grèce des VIème et Vème siècles avant J.C. Elle a connu un temps d'arrêt au Moyen-Âge, avant de reprendre son évolution aux Temps modernes, en profitant à toutes les nations. Elle est vraiment extraordinaire dans tous les sens du mot: en termes d'excellence, d'unicité, de nouveauté (…) Elle a des composantes et des qualités qui la distinguent de toutes les civilisations qui l'ont précédée ou suivie. Elle est le produit d'un enseignement philosophique inventé par les Grecs. Les Européens ont pris pour base ce mode de pensée, notamment le mode de la critique, qui leur a permis de développer la connaissance objective, toujours ouverte à la réévaluation, à la correction et au progrès (…).

    Okaz : Certains penseurs occidentaux ont écrit que la civilisation occidentale est une extension des civilisations précédentes. Comment vous, Arabe musulman, pouvez-vous le nier ?

    Buleihi : En passant en revue les noms des philosophes et savants musulmans dont la contribution à l'Occident est reconnue par les écrivains occidentaux, tels Ibn Rushd, Ibn Al-Haytham, Ibn Sina, Al-Farbi, Al-Razi, Al-Khwarizmi et leurs semblables, nous découvrons que c'étaient tous des disciples de la culture grecque et qu'ils se tenaient en marge du courant [islamique] dominant. Ils étaient et continuent d'être ignorés par notre culture. Nous avons même brûlé leurs livres, les avons harcelés, avons mis la population en garde contre eux, et nous continuons de les considérer avec suspicion et aversion. Comment pouvons-nous nous enorgueillir de personnes que nous avons écartées et dont nous avons rejeté la pensée ? (…)

                 Quant à la question du développement culturel, il existe deux approches: selon l'une d'entre elles, la civilisation est le produit d'un processus cumulatif. Cette approche est toutefois contredite par les faits historiques. Selon l'autre approche, un changement quantitatif ne peut jamais conduire à un changement qualitatif, sauf quand un bond extraordinaire est réalisé. C'est sans conteste la bonne approche, que j'ai adoptée. La quantité ne peut se transformer spontanément en qualité (…)

    La civilisation occidentale (…) est la seule qui continue de se développer, qui se réévalue constamment, se corrige et effectue en permanence de nouvelles découvertes

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                  La seule civilisation qui possède les ingrédients du progrès perpétuel est la civilisation occidentale, avec ses fondements grecs et son étonnante configuration contemporaine (…) La civilisation occidentale estime que nul ne détient la vérité absolue et que la perfection est impossible à atteindre, donc l'homme doit s'efforcer de l'atteindre tout en sachant qu'il n'y arrivera pas. C'est ainsi la seule civilisation qui continue de se développer, qui se réévalue constamment, se corrige et effectue en permanence de nouvelles découvertes (…)

    Okaz : Permettez-moi de vous interroger sur votre fascination totale pour la culture occidentale.

    Buleihi : La lumière de cette civilisation est très forte et il faut être aveugle pour ignorer sa luminosité. Toute personne douée de vue et de discernement ne peut qu'être fasciné (…) Il faut reconnaître le mérite de ceux qui en ont. Une autre civilisation a-t-elle rêvé avant elle à ces révélations époustouflantes, ces sciences exactes et ces technologies complexes ? Les générations précédentes ont-elles imaginé la possibilité d'ouvrir le torse ou la tête pour effectuer des opérations compliquées du coeur et du cerveau ? Pouvaient-elles imaginer une [aussi] profonde compréhension de la cellule vivante et de sa genèse… Ont-elles imaginé les avions, les voitures et les innombrables inventions de cette civilisation ? Voudriez-vous que nous nous remettions à écrire sur des parchemins et des papyrus, à user des bâtons de bois à la place de stylos et à monter à dos d'âne ?

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    Okaz : Désolé, mais personne ne vous demande de revenir à l'époque des ânes. Il est toutefois nécessaire de prononcer ses jugements historiques de façon juste et équilibrée. Vous dites qu'il faut "reconnaître le mérite de ceux qui en ont", mais, dans les faits, vous n'accordez aucun crédit à tout ce qui a existé avant la civilisation occidentale, et alors que tout le monde reconnaît le caractère cumulatif des accomplissements humains, vous niez cet axiome quand il s'agit des réalisations occidentales.

    Buleihi : L'humanité a passé des milliers d'années à ruminer les mêmes idées et à vivre dans les mêmes conditions, en se servant des mêmes outils et instruments. Elle aurait pu s'éterniser ainsi sans l'émergence de la pensée philosophique en Grèce, aux VIème et Vème siècles avant J.C. Le niveau actuel des progrès de la civilisation ne peut être le résultat d'une [simple] accumulation: c'est plutôt le résultat de grandes réalisations dans les domaines de la pensée, de la science, de la politique, de la société et du travail. (…)

                Ce qui sort l'homme de sa routine, c'est la lutte des idées, la liberté de choix et l'égalité des chances. La meilleure preuve en est qu'un grand nombre de gens aujourd'hui vivent dans une société profondément rétrograde, malgré la disponibilité de la science, de la technologie et des idées. Ils sont témoins de la prospérité et malgré cela, ces peuples rétrogrades sont incapables d'abandonner leurs tranchées et de se libérer de leurs chaînes. En d'autres termes, ils sont incapables d'imiter les peuples prospères, se trouvent dans l'incapacité totale d'inventer et d'initier.

    Okaz : Il y a une question cruciale à ce débat: par "civilisation", entendez-vous uniquement son aspect matériel ?

    La plus grande réussite de la société occidentale est d'avoir humanisé son autorité politique, d'avoir séparé les pouvoirs, établi et maintenu un équilibre des pouvoirs. La civilisation occidentale a accordé la priorité à l'individu

    Buleihi : La plus grande réussite de la société occidentale est d'avoir humanisé son autorité politique, d'avoir séparé les pouvoirs, établi et maintenu un équilibre des pouvoirs. La civilisation occidentale a accordé la priorité à l'individu et subordonné ses institutions, lois et procédures à ce principe, tandis que dans la civilisation ancienne, l'individu [n'] était [qu'] une dent dans l'engrenage.

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    Okaz : Une dent dans l'engrenage ? Vous pensez que cela est vrai aussi de la civilisation islamique ?

    Buleihi : Nous faisons clairement la distinction entre l'islam et ce que les gens font en son nom. Les grands principes de l'islam et ses doctrines sublimes qui insistent sur la valeur et la dignité humaines n'ont pas eu l'occasion de prendre forme. Depuis l'époque des califes bien guidés, l'histoire arabe a éradiqué l'individualité de l'homme et sa valeur s'est retrouvée liée à ses affiliations politiques, religieuses ou tribales (…) La seule civilisation qui reconnaît et respecte l'homme en tant qu'individu est la société occidentale (…) Le comportement [humain], dans tous les domaines, ne découle pas d'enseignements, mais de la pratique et de l'expérience sur le terrain (…)

    Okaz : L'histoire arabe de bout en bout, selon vous ?

    Buleihi : Oui, toute l'histoire arabe se distingue par cet aspect lugubre, mises à part la période des califes bien guidés et d'autres périodes discrètes comme celle du règne d'Omar ibn Abdel Aziz. On ne doit pas confondre les sublimes principes et doctrines de l'islam avec son histoire, remplie d'erreurs, de transgressions et de tragédies. Quand les Abbasides triomphèrent des Omeyyades, ils couvrirent les cadavres de tapis, faisant la fête sur les corps en signe de vengeance. Quand [le calife] Al-Ma'mum eut battu son frère Al-Amin, il lui ôta la peau des os comme

  • DECES • René Girard : En attendant l’Apocalypse

     

    par Jean-Baptiste d'Albaret

    Décédé avant-hier à l’âge de 91 ans, l’académicien René Girard était l’un des plus brillants intellectuels français. En 2007, il avait accordé un long entretien à Politique magazine, à l’occasion de la sortie d’Achever Clausewitz. Nous le republions ci-dessous.

    2890857040.jpgDans son dernier livre, un recueil d’entretiens avec son éditeur Benoît Chantre, intitulé Achevez Clausewitz, René Girard, plus que jamais fidèle à sa théorie de la rivalité mimétique, propose une analyse neuve de l’histoire moderne. À la lueur du fameux traité du stratège prussien, témoin privilégié de la modernité en marche, il décortique avec une rare érudition le ressort des rapports conflictuels entre la France et l’Allemagne. Avec, en point de mire, les enjeux contemporains : quand la politique n’a plus les moyens de réguler la violence, il en appelle à une radicale conversion au christianisme. Professeur émérite de l’Université de Stanford, vivant aux États-Unis, l’académicien français était de passage à Paris où il a reçu Politique magazine.

    Vous avez trouvé dans l’œuvre de Clausewitz des résonances avec la vôtre. Lesquelles ?
    Lorsqu’il meurt en 1831, après une brillante carrière d’officier supérieur dans l’armée prussienne, Clausewitz laisse une œuvre de stratégie militaire : De la guerre, dont il considère que seul le premier chapitre est achevé. Ce premier chapitre décrit les mécanismes de la guerre moderne considérée comme un « duel ». « Duel » qui est une « montée aux extrêmes » d’« actions réciproques ». À mon avis, plus que de simples processus guerriers, Clausewitz donne une définition de la violence qui concerne les rapports humains en général.

    De la guerre donne donc prise à votre théorie du mimétisme ?
    Oui, car Clausewitz a compris que la violence ne réside pas dans l’agression, mais dans la rivalité. Si les hommes s’inscrivent dans cette rivalité c’est parce qu’ils désirent les mêmes choses par imitation. Et l’homme désire par-dessus tout le désir de l’autre. C’est ce que j’appelle le « désir mimétique » qui fait de l’autre un modèle mais aussi un obstacle. Or, si l’objet du désir est unique et non partageable, la rivalité engendre la violence. Autrement dit, la violence humaine se définit par son objet – enjeu de la rivalité – et non par l’agression qui est la manière facile d’évacuer la violence puisque l’agresseur est toujours l’autre. La violence est fondamentalement réciproque.

    Achever Clausevitz… il est inachevé ?
    Oui, et sur plusieurs points, ce qui le rend d’autant plus passionnant. Cet officier prussien, acteur des terribles guerres qui déchirèrent l’Europe à l’orée du XIXe siècle, prophétise, mais sans le dire, les deux siècles à venir. L’idée d’une revanche de la Prusse sur la France est l’essentiel de son livre. De ce point de vue, le mélange de passion fervente et de haine farouche qu’il nourrit à l’égard de Napoléon est tout à fait extraordinaire. Quel exemple de mimétisme ! Mais il a beau se faire l’apôtre de la guerre, il n’a pas, contrairement à Hegel, une vision métaphysique et glorieuse de celle-ci comme préface à l’achèvement de l’Histoire. Clausewitz était un homme étonnant. Il aimait la guerre et pensait que le XVIIIe siècle l’avait affaiblie. Sa crainte était que, passées les guerres révolutionnaires et napoléoniennes, on en revienne à la « guerre en dentelle », cette guerre selon lui corrompue du XVIIIe siècle. Ce qui en fait un mauvais prophète même si, dans le même temps, il pressent ce que nous appelons la guerre totale ou la guerre moderne, celle qui ne met plus aux prises des armées conventionnelles, mais des sociétés entières. En somme, une « montée aux extrêmes » qui ne connaîtrait plus de frein.

    Vous insistez beaucoup sur cette notion de « montée aux extrêmes »…
    Ce que Clausewitz appelle « montée aux extrêmes », je l’appelle rivalité, concurrence, donc mimétisme. Notion fondamentale et perçue comme telle car tous ses commentateurs en font état. C’est le cas de Raymond Aron.Mais, comme les autres, Aron pense que, pour des raisons très concrètes comme la fatigue des adversaires, elle ne peut exister dans la pratique. C’était refuser de voir la nouveauté du traité. Clausewitz est le témoin d’une accélération de l’histoire, d’un emballement de violences mimétiques. Il laisse ainsi entendre l’idée que si la guerre n’a jamais cessé depuis les origines, se produit une inéluctable « montée aux extrêmes » qui va en s’intensifiant. Mais il s’empresse de cacher cet aspect terrifiant pour affirmer que la guerre absolue n’aura jamais lieu. « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », dit-il. Mais ces moyens sont autrement puissants que la politique ! En réalité, de nos jours, la politique est rongée par la violence. Regardez le terrorisme : la guerre est potentiellement partout et échappe progressivement à toute institution, militaire ou politique.

    Il nous faut donc comprendre l’origine de la violence pour la dépasser. Nous en revenons à votre pensée qui place le Christ au centre de toute explication raisonnable du monde…
    Ce que d’aucuns me reprochent, m’accusant d’un a priori religieux. C’est faux. Ma théorie est positiviste et même matérialiste. Elle porte sur le fait religieux en général et sur la violence qui fonde la culture. Lorsque, dans une communauté, une masse de désirs mimétiques se croisent, les rivalités qui en découlent se propagent à l’ensemble du groupe. Au paroxysme de la crise, le conflit finit par se polariser sur un adversaire. Et, plus l’adversaire fait l’unanimité, plus il y a de chances pour que le groupe se purge unanimement sur lui. Cette « crise mimétique » – « crise », car la communauté risque l’autodestruction – s’apaise finalement par le sacrifice de cette victime qui réconcilie la communauté avec elle-même. La réitération rituelle, progressivement symbolique, de ce meurtre fondateur, garantie la paix sociale.

    Vous dites que la culture se fonde sur un meurtre originel ?
    Oui, et la communauté, ayant sacrifié cette victime sur qui elle a porté la responsabilité de ses malheurs, s’en trouvant mieux, en fait le symbole de sa délivrance : elle est le dieu primitif, à l’origine de toutes les cultures et de toutes les civilisations. Autrement dit, le religieux est une protection offerte à la communauté contre l’imitation et donc contre la violence. C’est aussi ce que décrivent les mythes qui offrent tous la même structure :Œdipe est d’abord coupable de parricide et d’inceste, puis bienfaisant puisque son expulsion de Thèbes rétablit la tranquillité. C’est donc un mythe classique, religieux par excellence, puisqu’il célèbre et condamne à la fois la victime.

    Victime en réalité innocente même si ses persécuteurs, unanimes, l’imaginent coupable…
    Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les persécuteurs ne se savent responsables ni de leur rivalité mimétique, ni du phénomène collectif qui les en délivre jusqu’à la prochaine crise. Ce phénomène nous lui donnons aujourd’hui un nom: celui de bouc émissaire. Sans savoir pourquoi d’ailleurs, car nous n’en voyons pas le caractère religieux. Or, il nous faut l’interpréter religieusement pour comprendre l’essence de ce que j’appelle le religieux archaïque par opposition au religieux moderne qui est le christianisme. Car l’ethnologie et l’anthropologie ont découvert – et les chrétiens ont eu tort de nier cette découverte – que les Évangiles sont le récit de ce phénomène. Mais la science moderne se trompe quand elle en déduit que la religion chrétienne est encore une forme de religion archaïque.

    Votre idée est que, précisément, elles sont antinomiques…
    C’est l’évidence. Les ethnologues devraient penser à l’interprétation du phénomène. Tous les textes évangéliques s’appliquent à inverser le rapport au bouc émissaire. Ils nous disent que la victime est innocente et que la foule a tort. C’est le sens de la parole du Christ : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice ». Jésus nous invite à exercer de façon positive notre désir mimétique en suivant son modèle : le pardon et la réconciliation. Même si ses textes n’ont pas la précision des récits de la Passion, l’Ancien Testament inverse déjà le primitif. Le message est le même. Job et Joseph, victimes d’un lynchage collectif, affirment leur innocence. Ils sont indubitablement prophétiques du Christ… Je crois que le judaïsme aurait tout à gagner d’une réconciliation avec le christianisme.

    L’originalité de votre thèse, c’est qu’elle rétablit la réalité complète de la personne du Christ qui intervient dans l’Histoire qui est nécessairement différente avant et après.
    Le christianisme, parce qu’il ne s’est pas défini par rapport aux religions archaïques, n’est pas arrivé à préciser sa propre originalité. Il n’existe d’ailleurs aucune théorie officielle de la passion du Christ. Elle est salvatrice, mais pourquoi ? C’est un mystère… Mais nous devons voir que la Rédemption, sur le plan terrestre, met fin aux religions archaïques et au règne de la violence aveugle. Ce renversement fondamental, le monde moderne ne le comprend pas. Pour lui, le christianisme est une religion comme les autres. Voilà qui confronte la modernité et le relativisme qui la caractérise a un paradoxe car le scepticisme, sans le savoir, n’existe dans ce qu’il a de vrai, que parce qu’il est chrétien.

    Le monde moderne a compris le mécanisme du bouc émissaire –même s’il n’en voit pas la dimension religieuse – ce qui n’a pas apaisé la violence. Au contraire, on a l’impression que la violence domine le monde au moment précis où la guerre en tant que telle, y compris dans les discours, semble s’effacer.
    Oui, car la pensée humaniste fausse notre jugement : sans la révélation évangélique, c’est-à-dire sans la compréhension réelle du mécanisme de la violence, la non-violence ne produit, en fin de compte, que plus de violence. C’est que nous sommes de plus en plus privés de ressources sacrificielles. Tendre à la non-violence comme notre époque le prétend, c’est renoncer à ces ressources. Or, il est évident que la violence apaise la violence. Nous en sommes tous plus ou moins conscients. Au fond, tous les gestes d’impatience sont des gestes sacrificiels. En fait, il y a confusion : depuis les Lumières, nous faisons porter la responsabilité de la violence sur le religieux et nous pensons que l’homme, naturellement, est non-violent. Mais c’est de l’inverse qu’il s’agit. Le religieux, au moins, contient la violence. De même, nous prétendons nous libérer de tous les interdits, considérés, à juste titre d’ailleurs, comme religieux. Mais ceux-ci ont une fonction primordiale : ils réservent, au cœur des communautés, une zone protégée, comme la famille par exemple, essentielle à sa survie.

    Vous dites que « l’Apocalypse a commencé ». C’est à partir de l’oeuvre de Clausewitz la thèse de votre livre. Pourquoi ?
    Clausewitz a perçu que la « montée aux extrêmes » qui caractérise les rapports humains, et pas seulement la guerre, est la tendance de l’humanité. Et cette « montée aux extrêmes » provoque inéluctablement un épuisement général. Les ressources naturelles sont frappées de rareté par une consommation de plus en plus intense. Qu’en sera-t-il demain ? Aussi pouvons-nous dire que si la concurrence est le progrès de l’homme, elle est aussi ce qui peut le détruire.

    Vous citez abondamment les textes apocalyptiques…
    On se fait une idée extraordinaire des textes apocalyptiques. On les dit irrationnels, farfelus. Ils ont pourtant une particularité qui saute aux yeux : ils mélangent le naturel et le culturel. Ils décrivent des guerres « ville contre ville » – toujours cette idée de mimétisme violent, cette lutte des doubles –mais aussi des tremblements de terre, des raz-de-marée, etc. Autrement dit, guerres et révoltes de la nature sont concomitantes. Voilà qui nous ramène à des préoccupations contemporaines car nous ne savons plus, aujourd’hui, ce qui relève de la culture et ce qui relève de la nature. Quel est l’impact de l’homme sur ce que nous appelons le « dérèglement climatique » ? De même, nous savons tous, plus ou moins consciemment, qu’avec les armes technologiques nous avons les moyens de nous détruire nous-mêmes avec la planète entière. La confusion, décrite dans les textes apocalyptiques, réapparaît aujourd’hui au niveau scientifique. C’est colossal !

    Il y a toutes sortes de textes apocalyptiques : en particulier le chapitre 24 de Matthieu ou le chapitre 9 de Marc qui sont la description d’une crise sacrificielle. C’est-à-dire qu’un phénomène de bouc émissaire fondateur d’une nouvelle religion devrait apparaître. Mais nous ne sommes plus dans le monde archaïque et il est donc suggéré que cette crise va continuer en s’aggravant. Cette crise, c’est le progrès. Autrement dit, c’est l’Histoire qui devrait nous enseigner qu’elle va vers sa fin. Chez Paul, il est très net que c’est l’ordre culturel, l’ordre romain en l’occurrence, qui garantit la paix. Mais aujourd’hui l’ordre culturel fiche le camp : privé de bouc émissaire, il n’a plus les moyens d’évacuer la violence. La dimension apocalyptique de la Bible, c’est cette révélation de la violence humaine débarrassée des protections symboliques que procurait le bouc émissaire. Vous voyez, ces textes sont d’une rationalité extraordinaire.

    Tout ce qui est sur terre va vers sa fin : c’est le sens de l’Apocalypse. Mais, en même temps, c’est une révélation…
    Voilà ce qui est suggéré, à mon avis, tout au long des Évangiles. Le sens de la Croix, c’est ce retournement du sacrifice contre nous-mêmes, contre notre propre désir destructeur d’imitation. C’est l’offre du royaume de Dieu. Offre qui implique un choix : se sauver ou se perdre.Quand j’étais enfant, le dernier dimanche de la Pentecôte et le premier dimanche de l’Avant étaient consacrés à l’Apocalypse. À la messe, les sermons portaient sur le sujet. Pourquoi l’Église a-t-elle supprimé cette tradition, au moment même où, avec l’invention de la bombe atomique, ces textes étaient redevenus d’une actualité brûlante. Elle a pensé qu’il fallait rassurer les gens. Mais les gens ont besoin de sens.

    Longtemps, le discours officiel du clergé – en particulier français – était à la disparition des fins dernières noyées dans une sorte de religiosité même plus archaïque car l’archaïque, au moins, était tragique.
    Vous avez raison. En retirant le drame, il a retiré l’intérêt. Mais je me réjouis de voir les choses changer. Les jeunes prêtres réagissent très nettement contre le progressisme ecclésiastique, je le vois notamment aux États-Unis. Ce qui m’étonne c’est que l’Église, disons certaines personnes à l’intérieur de l’Église conciliaire, aient pu s’imaginer que ce message édulcoré du christianisme, si éloigné de sa vérité profonde, allait s’imposer. Quelle drôle d’idée… Je crois que le christianisme va réapparaître dans toute sa force grâce aux textes apocalyptiques car leur aspect dramatique correspond au climat de notre

  • Un débat sur la légitimité

    Les légitimistes espagnols que sont les carlistes (Saint-Priest)

     

    Débat qui a suivi la Lettre sur la légitimité de Pierre de Meuse [Du 1 au 22 juin 2015 - 31 commentaires].

    Nous n'allongerons pas ce débat déjà fort long et fort riche en lui-même. La conclusion pourrait être celle qu'en donne l'un des commentaires de Saint-Priest : « Lorsqu'on va chercher ses princes en Espagne, il vaut mieux s'intéresser aussi à leur histoire. Elle est passionnante. Elle est éclairante. Elle est la leur. Elle n'est pas la nôtre.» A cet égard, les contributions de Saint-Priest, parfait connaisseur de ce vaste sujet, sont de toute évidence à signaler. Elles sont, sur certains points, déterminantes. Elles ont aussi le mérite de rappeler que l'Espagne des XIXe et XXe siècles a eu, en quelque sorte, avec le carlisme, son authentique légitimisme et d'en retracer l'histoire. Restent les points de vue qui consistent à trancher la question dynastique par recours à la nouveauté : un fondateur de dynastie, un nouveau paradigme. Mais lesquels ? En attendant leur hypothétique surgissement - tout reste toujours possible - devrions-nous proposer - contre son principe fondateur - un royalisme sans visage ? Nous ne le croyons pas. Les princes d'Orléans sont aujourd'hui les héritiers de la légitimité historique.

     

    Les lois d'exil se sont si peu appliquées à la famille de Louis de Bourbon qu'après avoir été chassée d'Espagne en 1868 et avoir abdiqué en 1870, la reine Isabelle II s'était réfugiée à Paris avec les siens, dont le futur roi Alphonse XII, et y vécut le reste de ses ses jours (36 ans). Elle y est morte en 1904.  Gérard POL lundi 01 juin 2015 

    Ce qui est hilarant c'est que vous passiez du temps à cela . Ça occupe j' imagine. Moine mardi 02 juin 2015 

    C'est toujours tordant et désopilant de voir de tristes illégitimes donner des leçons de légitimité ! Ne vous en déplaise et en dépit d'affirmations mensongères, oui la légitimité existe Non nous accepterons jamais la fusion avec la branche orléaniste . Trop de mensonges , de crimes, de veuleries , de turpitudes et de laideur !!!!! Pauline lundi 01 juin 2015  

    Refuser toute fusion ? Décidément, les partisans de Louis-Alphonse et de ses prédécesseurs tras los montes méconnaissent complètement l'histoire de leurs propres champions ! Le supposé passage de témoin, en 1936, entre la branche carliste (Don Alfonso-Carlos, duc de San Jaime) et la branche réputée libérale d'Alphonse XIII est le pur produit d'une... fusion ! Saint-Priest jeudi 18 juin 2015 

    Les actuels Bourbons d'Espagne sont les descendants d'Isabelle II et de son ministre Puig Molto. Aucun de ses 8 enfants n'est le descendant de Francisco de Asis, son mari, et pour cause !! Elle l'a reconnu et chaque enfant savait qui était son père. Il existe au Ministère des Affaires étrangères de Madrid une grande table ronde sur laquelle a été conçu un petit bâtard royal. Ces "légitimés" sont devenus légitimistes. Belle carrière. Catherine Salvisberg samedi 20 juin 2015 

    Il est probable en effet qu'Alphonse XII fût le fils d'Enrique Puigmolto, favori et amant de la reine Isabelle II. Il n'en demeure pas moins qu'au regard du droit il est le fils (présumé) de Francisco de Asis de Borbon, duc de Cadix et roi consort d'Espagne (1822-1902). A ce titre, Alphonse XII n'était pas un bâtard et n'avait pas à être légitimé. Disons que, probablement, Alphonse XII et sa descendance (avec notamment Alphonse XIII, Juan-Carlos Ier ou Louis-Alphonse) sont, en ligne paternelle, aussi Bourbon que la descendance de la Grande Catherine est Romanov. Au passage, rappelons que la querelle dynastique a existé en Espagne avant d'exister en France. A la mort du roi Ferdinand VII en 1833, il n'était pas du tout évident que sa très jeune fille Isabelle II fût légitimement appelée à ceindre la couronne d'Espagne... notamment parce que la loi de succession avait été changée - pour permettre aux infantes de succéder - sans l'aval des Cortès dûment mandatées à cet effet. C'est pourquoi, à la mort de Ferdinand VII, l'Espagne traditionnelle et traditionaliste reconnut pour roi le frère du défunt souverain : Don Carlos, comte de Molina (1788-1855), et se souleva contre le gouvernement d'Isabelle II et de sa mère la reine-régente Maria Cristina. S'en suivit une terrible guerre civile entre carlistes et cristinistes. Ces derniers étaient d'ailleurs soutenus par les puissances européennes libérales : l'Angleterre et la France de Louis-Philippe. Cette guerre connut plusieurs répliques, notamment après la révolution de 1868 qui chassa Isabelle II et déboucha laborieusement sur l'instauration de la première République espagnole (1873-1874). Entretemps, Don Carlos, duc de Madrid (petit-fils du comte de Molina et neveu par alliance d'Henri V, comte de Chambord) avait relevé l'étendard du carlisme et s'était solidement établi en Navarre. Ce furent les armées d'Alphonse XII, auxquels les notables libéraux s'étaient ralliés (Canovas del Castillo et Sagasta) qui délogèrent les carlistes et leur prince de la Vendée navarraise. Où l'on voit que les ancêtres de Louis-Alphonse n'ont rien à envier à notre Louis-Philippe national en terme de libéralisme (réel ou supposé) ou en terme de rébellion contre la légitimité. C'est la raison pour laquelle les légitimistes espagnols que sont les carlistes furent placés dans un dilemme tout à fait semblable au nôtre lorsque la branche carliste vint à s'éteindre avec la mort de Don Alfonso-Carlos, duc de San Jaime (et frère du duc de Madrid) en 1936.  D'aucuns se rallièrent à Alphonse XIII, chef de l'ex branche cadette devenue aînée à la mort de leur prince. D'autres reconnurent comme régent puis comme roi de droit le prince Xavier de Bourbon-Parme. D'autres allèrent chercher un descendant du duc de Madrid par les femmes. Evidemment, on avança le libéralisme des princes "isabello-alphonsins" et l'on fit valoir l'hypothèse (ou l'hypothèque ?) Puigmolto.  Certains Blancs d'Espagne aiment également à oublier que, de notre côté des Pyrénées, leurs peu nombreux devanciers, sincèrement attachés aux princes carlistes, furent loin d'être unanimes pour se rallier à Alphonse XIII en 1936... Certains barons d'Empire préfèrent passer outre... ou insulter les princes de Bourbon-Parme qui apparurent à certains comme leurs nouveaux champions.  L'affaire était loin d'être anecdotique. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le "prince d'Espagne" désigné successeur du général Franco en 1969 changea de prénom. Juan (surnommé "Juanito" pour le distinguer de son père Don Juan, comte de Barcelone et prétendant au trône) devint Juan-Carlos Ier. Etant donné qu'il s'agissait de rallier et de réconcilier carlistes et alphonsistes sous la bannière du régime franquiste, il ne pouvait y avoir de roi Jean, puisqu'il en aurait résulté un épineux problème de numérotation (il y avait eu un prétendant carliste sous le nom de Jean III : le père du duc de Madrid).  Il semble d'ailleurs que très peu de carlistes avaient reporté leur fidélité sur Don Jaime, duc de Ségovie (et grand père de Louis-Alphonse). Don Jaime avait en effet renoncé à ses droits à la couronne d'Espagne en 1933. Et ce au profit de son frère Don Juan, comte de Barcelone. Certes, c'était sous la pression de son père Alphonse XIII. Certes, c'était en exil, puisque la deuxième République espagnole avait été instaurée en 1931. C'est la raison pour laquelle Don Jaime, plus ou moins bien conseillé par un entourage assez discutable, revint plusieurs fois sur ses renonciations. Il n'en demeure pas moins qu'entretemps le même duc de Ségovie avait contracté un mariage non dynaste - puisque la loi de succession espagnole exigeait une épouse issue d'une famille royale. C'est la raison pour laquelle les deux fils de Don Jaime : Alfonso (le père de Louis-Alphonse) et Gonzalo ne pouvaient pas, sérieusement, griller la priorité à un prince qui était lui incontestablement dynaste (si l'on ramène l'hypothèque Puigmolto à ses justes proportions), à savoir Juan-Carlos, fils du comte de Barcelone et de son épouse Maria de las Mercedes de Borbon y Orléans (dont le grand-père maternel était Philippe VII, comte de Paris). Certes, on trouva des partisans de Don Alfonso au sein de la Phalange, et au sein de la famille du Caudillo : son épouse et son gendre... puisque Don Alfonso avait épousé la petite-fille du généralissime (en 1972). Il semble bien que Franco n'a jamais envisagé l'hypothèse Don Alfonso : ni avant la désignation de Juan-Carlos en 1969, ni a fortiori après. On pourrait conclure comme suit : lorsqu'on va chercher ses princes en Espagne, il vaut mieux s'intéresser aussi à leur histoire. Elle est passionnante. Elle est éclairante. Elle est la leur. Elle n'est pas la nôtre. Saint-Priest lundi 22 juin 2015 

    Brillante démonstration. Félicitations à Pierre de Meuse. Mais il est à craindre que les blancs d'Espagne , qui ignorent les fondements du politique et ont tendance à arranger l'histoire à leur convenance restent prisonniers de leurs rancoeurs cultivées dans certaines vieilles familles qui mettent un point d'honneur à ressembler aux caricatures que l'on fait d'elles.  Olivier Perceval 01 juin 2015 

    Bravo, Pierre de Meuse : voici résumées en quelques lignes brillantes et claires, l'évidence des ridicules prétentions de l'espagnolade... Pierre Builly lundi 01 juin 2015 

    Merci à Mr Pierre de Meuse pour ce rappel de faits historiques éclairants. Le marketing "people" soudain autour de Louis de Bourbon, à l'occasion de l'une de ses visites ponctuelles est en effet assez déplaisant. Il y a en France une famille royale et un prince, Jean, duc de Vendôme. Qu'ajouter ? renaud  lundi 01 juin 2015 

    Une famille royale " française " qui a voté la mort du roi Louis XVI (et Qui avait pris le nom de Philippe EGALITE °..... en effet.... jf mardi 02 juin 2015  

    Ce n'est pas la famille d'Orléans qui a voté la mort du roi Louis XVI. C'est Louis-Philippe-Joseph, duc d'Orléans (dit "Philippe-Egalité") et lui seul. Ses trois fils, au premier rang desquels le futur Louis-Philippe Ier, n'ont été en rien associés au vote de leur père. En décembre 1792, ils tentèrent de le dissuader de participer au procès du roi. En vain. Saint-Priest jeudi 18 juin 2015  

    Tant qu'il restera des descendants dans la branche ainée de la derniere famille régnante ce ceux la qui sont appelés a régner en France, les cadets passent apres. Vous n'y pouvez rien à moins de contester les lois fondamentales qui reglent la dévolution de la couronne. sequane mardi 02 juin 2015  

    Sans doute ni le Comte de Chambord, ni Louis XV n'étaient au courant. Antiquus mercredi 03 juin 2015  

    Et dans les "lois fondamentales du Royaume", le caractère "étranger" du prétendu prétendant ne l'emporte-t-il pas sur de prétendues priorités dynastiques douteuses et archaïques ? Si nous voulons un Roi, ce n'est pas parce qu'il sera, ou serait, "légitime" : c'est pour qu'il mette fin à la République ! La prétendue légitimité des Bourbons d'Espagne n'a commencé à se faire une petite, ô toute petite place (on n'a jamais vu des pseudos-légitimistes distribuer des tracts, vendre des journaux, coller des affiches, affronter les marxistes) dans le monde royco parce que le Comte de paris Henri VI, par ses prises de position, avait mécontenté quelques extrêmistes. Et de ces fait, ces gandins providentialistes ont "choisi" leur prétendant et rejoint quelques débris moisis qui survivaient incompréhensiblement... De toute façon, avant de se qureller sur l'évidence, faudrait déjà prendre le Pouvoir. Et ça, c'est pas demain !  Pierre Builly mercredi 03 juin 2015 

    Alors comment expliquer que le prédicat officiel de premier prince du sang, passé des Condé aux Orléans, n'ait jamais échu aux Bourbons d'Espagne ? Comment expliquer que, sous Louis XV, Louis XVI, Louis XVIII et Charles X, chacun des ducs d'Orléans, du fils du Régent jusqu'à Louis-Philippe, ait été reconnu officiellement premier prince du sang ?  Je rappelle que le premier prince du sang est le premier prince dynaste après les fils et petits-fils de France.  Si, de Louis XV à Charles X, les Bourbons d'Espagne avaient été regardés comme dynastes dans notre pays, l'infant Philippe-Antoine, duc de Calabre (1747-1777) aurait succédé à Louis Ier duc d'Orléans (1703-1752) comme premier prince du sang. Et après le duc de Calabre, son frère le futur roi Charles IV d'Espagne. Or il n'en a rien été.  Nos derniers rois et les institutions de l'Ancienne France puis de la Restauration ont sauté à pieds joints par-dessus la prolifique descendance de Philippe V : les membres de cette dernière n'étaient plus dynastes en France. Du moins pour la jurisprudence de nos derniers rois et de notre Monarchie ancienne puis restaurée. Excusez du peu !  Saint-Priest vendredi 19 juin 2015   

    La Querelle dynastique est le cancer de la cause royaliste française. Il est navrant de voir avec quelle gourmandise certains en propagent les métastases.  Catoneo 3 juin 2015  

    Il n'a été opposé à l'analyse de Pierre de Meuse ni arguments sérieux, ni démonstrations. Seulement des affirmations sans preuves et des imprécations. Il est certain que ce qui reste de la querelle dynastique affaiblit la cause monarchique. Certain aussi que les partisans de Louis de Bourbon - qui n'est fondé ni à prétendre ni à agir politiquement en France, si ce n'est, éventuellement, dans le cadre de commémorations historiques - nuisent à la crédibilité du royalisme français. Néanmoins, ils sont là, avec leur prince d'ailleurs, et, pour parler trivialement, il faut bien "faire avec". Inutile de geindre sur ce cancer et ses métastases. Il y a toujours eu quelques cercles dits "légitimistes" en France. Mais ce sont les maurrassiens, l'Action française et les princes d'Orléans, tantôt ensemble, tantôt séparés, qui ont véritablement réfléchi, agi, milité, parfois tenté , en faveur de la monarchie. Les "espagnols" n'ont jamais compté autrement que par leur effet de nuisance. Sur ce que peut être l'avenir du royalisme français, nous ne savons rien, si ce n'est l'extrême décrépitude, le profond discrédit, le ridicule même, dont est frappé aujourd'hui le régime en place. Personne ne pensait aux alentours de 1790, et même au delà, que la vieille monarchie s'effondrerait sous très peu de temps, encore moins que quinze ans plus tard, après une horrible Révolution, elle se donnerait un empereur corse. Et ma génération n'aurait pas cru dans les années 80 (1980 !) celui qui lui aurait annoncé que l'Union Soviétique imploserait, elle et ses satellites, dix ans plus tard. Qu'est-ce qui pourrait bien succéder à l'actuel régime s'il venait à s'écrouler ? C'est une autre inconnue. Il me semble que c'est une raison suffisante pour maintenir et diffuser aussi largement que possible les idées qui nous rassemblent. Par exemple et entre autres, ici, sur ce site bien utile ... Anatole - mercredi 03 juin 2015 

    Mille mercis à Pierre de Meuse pour la clarté et la pénétration de sa mise au point. En effet, les prétentions espagnoles-toutes émotionnelles et infondées qu'elles soient, sont occasionnelles tout autant qu'imaginatives, et ne datent que de 1940,après que le malheureux sourd-muet qu'était le fils aîné du roi Alphonse XIII,aient renoncé pour lui et sa descendance à ses droits sur la couronne d'Espagne. En dépit de la sympathie que l'on puisse éventuellement nourrir à l'endroit de tel ou tel membre de cette descendance bourbonienne,il faut posément reconnaître que leur imaginaire dynastique nuit beaucoup à l'unité, à la cohérence et à l'efficacité du royalisme français,- qui n'appartient qu'aux Français eux-mêmes,et non à des

  • Frédéric Rouvillois : « Pourquoi les Français sont nostalgiques de la monarchie » [2e partie]

    « FIGAROVOX / GRAND ENTRETIEN - Sondage BVA : près de 40% des Français considèrent qu'un monarque serait bénéfique pour l'Unité nationale. Le professeur Frédéric Rouvillois explique les raisons de cet attachement à la figure du Roi. »

     

    3338857515.jpgQuestion désormais récurrente, même si elle apparaît, pour l'heure, sans effet immédiat ; discussion de principe plutôt qu'efficiente, donc, mais question posée de plus en plus souvent et qui traverse tous les milieux, tous les médias ; évocation - voire invocation - de plus en plus fréquente de la figure du Roi, bien au-delà des cercles royalistes traditionnels et qui surgit des profondeurs de l'opinion sans que les dits cercles royalistes y soient - apparemment - pour grand-chose. Le temps, la crise ouverte du Système politique et idéologique, le désamour des Français pour les politiques, les médias, la doxa dominante, travaillent pour leurs idées plus et mieux qu'ils ne savent eux-mêmes le faire ...

     

    L'incapacité croissante, de plus en plus patente, du régime à surmonter les défis assez terribles auxquels la France doit faire face aujourd'hui, peut transformer cette nostalgie en aspiration, et, en cas de crise, cette aspiration en demande d'un recours, d'une rupture, d'un régime nouveau, qui aurait forme royale - directement ou après une transition dont on ne voit pas encore les hommes ni les contours mais dont on devine qu'elle pourrait devenir nécessité. Impérieuse, évidente, déterminante nécessité. Une société ne tolère pas indéfiniment un régime devenu incapable d'assurer sa pérennité, sa sécurité, son intégrité.

     

    Ainsi va l'Histoire, passent les régimes en place, et s'opèrent les vrais changements.    

     

    C'est ce dont traite - avec la finesse et la pertinence qui lui sont coutumières - Frédéric Rouvillois dans le long entretien qu'il vient de donner au Figaro. [Figarovox, 2.09, dont illustration ci-dessus]. Entretien que nous avons maintenant publié intégralement, en deux parties, hier et aujourd'hui. Les lecteurs de Lafautearousseau pourront en débattre.  LFAR

      

    Entretien par Alexis Feertchak   

     

    Dans les monarchies qui existent en Europe, il y a une scission très forte entre la représentation du pouvoir qui incombe au Roi et son exercice qui est confié à un Premier ministre, responsable devant le Parlement. Le modèle de la monarchie parlementaire n'est-il pas un gage de stabilité ?

    Est-ce un gage suffisant de stabilité? Une monarchie parlementaire permettrait-elle de répondre non seulement aux attentes de la population manifestées par ce sondage, mais aussi aux défis impérieux auxquels doivent faire face les grands systèmes politiques? Pour répondre aux grandes crises qui frappent l'Europe et plus largement le monde, est-ce qu'une monarchie à la hollandaise, à la britannique ou à l'espagnole serait davantage pertinente? J'ai beaucoup travaillé ces derniers temps sur l'encyclique du pape consacrée à l'écologie intégrale. Le pape nous dit quelque chose d'essentiel: un problème fondamental comme l'écologie ne peut pas se résoudre à court, ni même à moyen terme. Seule une action pensée à long terme peut apporter des solutions viables. Et les rythmes de la démocratie représentative et du régime parlementaire, y compris de type monarchique, ne sont pas pertinents pour se projeter dans cet horizon du temps long. Les grandes décisions stratégiques ne peuvent se concevoir par rapport à des rythmes de quatre ou cinq ans, qui sont ordinairement ceux de tels régimes. Et ce qui est vrai pour l'écologie l'est aussi pour toutes les réformes fondamentales. Prenons l'immigration: cette crise ne sera pas résolue en quatre ans ou en cinq ans! Prenons encore l'agriculture: le monde paysan ne peut être sorti en un seul quinquennat du marasme terrifiant dans lequel il se trouve. Nous pourrions encore citer le cas de l'éducation. Bref, les grands sujets de notre époque -ceux qui intéressent vraiment les Français! - ne sont pas compatibles avec le rythme trop rapide de nos démocraties parlementaires.

    Je me tourne donc vers un autre modèle politique, qui est celui du Maroc contemporain. C'est un système dans lequel la monarchie et la démocratie se trouvent totalement combinées l'un à l'autre. Contrairement à la Reine d'Angleterre, le Roi du Maroc conserve un vrai pouvoir d'orientation stratégique. La figure du Roi permet ainsi d'inscrire les grandes réformes relatives au système social, aux droits des femmes, au modèle économique dans le temps long nécessaire à leur réalisation. C'est ce modèle à la fois monarchique et démocratique qui a permis au Maroc d'échapper aux tempêtes du Printemps arabe. Le royaume marocain a alors réussi à faire sa propre mutation, voire sa propre métamorphose au moment même où les républiques voisines, qu'il s'agisse de la Tunisie, de l'Égypte ou de la Libye, voyaient leur avenir tourner à la catastrophe.

    Notre monde se trouve confronté à des défis absolus qui engagent son existence même. Les démocraties parlementaires, qu'elles soient républicaines ou monarchiques, ne permettent pas de les résoudre. Il n'est pas impossible que l'on se retrouve assez vite dans une situation politique telle que ce problème deviendra crucial et manifeste. Le sondage de BVA atteste d'un courant en profondeur qui va dans cette direction: le bon sens des Français leur permet de percevoir ces signes d'une crise politique profonde. Les Français n'en peuvent plus de changer d'orientation politique tous les cinq ans. Pouvoir changer, c'est bien gentil, mais si l'alternance nous conduit à faire deux pas en avant, deux pas en arrière, alors on n'avance pas.

    Alors que seulement 20% des sympathisants de gauche estiment qu'un Roi aurait une influence positive sur l'unité nationale, ils sont 50% à droite et même 55% au FN. Le clivage gauche-droite d'aujourd'hui garde-t-il les traces de celui qui avait cours au 19e siècle entre les républicains et les monarchistes ?

    Ce qui est curieux, c'est qu'une partie importante des électeurs du Front national sont d'anciens électeurs de gauche! Autrement dit, ces anciens électeurs de gauche, en allant vers le Front national, s'aperçoivent qu'une forme monarchique du pouvoir pourrait s'avérer positive. Quant à la gauche, il y a effectivement des préjugés, des traditions et des survivances anti-monarchistes qui pèsent de façon lourde dans la position des uns et des autres. Il faut se souvenir que le clivage gauche/droite renvoie à un autre clivage, qui serait celui de l'ordre et du mouvement. L'ordre serait plutôt assumé par ce qu'on appelle la droite, le mouvement par ce qu'on appelle la gauche. À droite, il y a une conscience de l'importance de l'autorité et de la figure tutélaire du père ; et au fond, c'est un peu cela que le Roi incarne dans la tradition française.

    En 2015, dans un entretien accordé à Le 1 Hebdo, l'ancien ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, avait déclaré: «Je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort du roi (…) On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d'y placer d'autres figures: ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l'espace ». Macron fait-il un bon monarchiste ?

    Je constate qu'à bien des égards, Emmanuel Macron adopte une position de type monarchiste. L'avantage du Roi est de permettre l'unité. Le Roi n'est ni à droite, ni à gauche. Il est celui de tous parce qu'il n'a été élu par personne et qu'il ne dépend de personne non plus. Il est là pour faire en sorte que les choses aillent le mieux possible et que le bien commun soit réalisé dans la mesure du possible. N'étant ni de droite, ni de gauche, il est en quelque sorte au-dessus de la mêlée. C'est précisément la posture qu'Emmanuel Macron semble vouloir adopter. Il a depuis créé En Marche, qui se veut un mouvement et non un parti. Là encore, ce n'est pas anodin. Un mouvement auquel ont d'ailleurs adhéré rapidement diverses personnalités connues, y compris dans les médias, pour leurs sympathies royalistes.

    Et que pensez-vous de sa phrase: « Je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort du Roi » ?

    Là encore, on pourrait parler de bon sens, mais surtout de simple connaissance de l'histoire. En 1793, juste avant l'exécution de Louis XVI, certains conventionnels ont exigé la tenue de ce que l'on nomme « l'appel au peuple », une sorte de référendum, visant à déterminer si les Français étaient favorables au jugement et à une éventuelle condamnation du Roi. Robespierre, Saint-Just et les Jacobins, a priori très favorables à ce processus référendaire, vont pourtant, cette fois-ci, le refuser farouchement. Ils savent en effet très bien que les Français auraient gracié Louis XVI ! Lorsque le Roi est exécuté, il l'est donc par la volonté d'une infime minorité. Par ses paroles, Emmanuel Macron jette un pavé politique dans la mare, mais sur un plan historique, il ne fait que relater des faits connus.

    Louis XVI a été guillotiné le 21 janvier 1793. Pour la première fois, on n'a pas pu dire: « Le Roi est mort, vive le Roi» comme si, ce jour-là, les «deux corps du Roi » avaient été exécutés. Est-il envisageable d'effacer cette rupture ?

    À l'époque, les choses ne se passent pas ainsi puisque les royalistes sont encore nombreux. Une très grande partie des Français considèrent que le Roi Louis XVI étant mort, c'est le Louis XVII qui le remplace. C'est alors un petit garçon emprisonné par les Républicains dans la prison du Temple, qui mourra ensuite des sévices qui lui sont infligés. Mais pour eux, les choses sont claires : Louis XVII succède à son père le soir du 21 janvier 1793.

    En outre, on peut rappeler qu'au XVIIe siècle, les Anglais avaient eux aussi décapité leur Roi - et cela n'a pas empêché la monarchie anglaise d'être restaurée et de subsister depuis vaille que vaille.

    Mais au Royaume-Uni, la dictature de Cromwell a duré dix ans, la monarchie n'a pas eu à attendre deux siècles …

    Il y a une chose qui est sûre en politique, c'est que rien n'est jamais sûr. On ne sait jamais au fond de quoi sera fait le lendemain. Lorsque l'on scrute l'histoire politique, on se rend compte que les systèmes qui paraissaient les plus solides et indéracinables peuvent s'effondrer en quelques jours, voire en quelques heures, sous le coup d'un événement parfois dérisoire ou de l'action de quelques personnes. On a un exemple français avec la chute de la monarchie de Louis-Philippe. En février 1848, le Roi a tout pour lui : son bilan est plutôt bon, il est soutenu par l'immense majorité des Français et par la bourgeoisie qui domine la vie économique, il a avec lui la police, l'armée, l'administration, la justice, etc. Or, il va suffire de trois heures pour renverser ce régime. Et ce pour une raison très simple : le régime ne croit plus en sa propre légitimité, en son droit à gouverner. Beaucoup plus proche de nous et de manière encore plus spectaculaire, le destin de l'Union soviétique en 1991 était absolument inimaginable quelques années voire quelques mois avant la chute finale. On pensait alors que l'URSS allait durer en s'adaptant certes quelque peu, sous le coup notamment de la pression qui pesait sur les frontières musulmanes de l'Empire dans le Caucase. Mais on ne pensait pas que l'URSS s'effondrerait ainsi. Or, il a suffi d'une « crise de foi » du système soviétique, qui ne croyait plus en lui-même. C'est aussi pour cette raison qu'un sondage comme celui de BVA sur la progression des idées monarchistes n'est pas inintéressant.

    Vous parliez de Louis-Philippe. Ce dernier n'était pas Roi de France, mais Roi des Français. Comment pourrait-on reprendre aujourd'hui le fil de la royauté ? Pourrait-on imaginer que le peuple choisisse un nouveau Roi des Français, à l'image des deux Empereurs, légitimés par un plébiscite ?

    Avec les deux empereurs que nous avons eus, les Français validaient le système par un plébiscite, mais une fois qu'il était validé, l'Empereur n'était pas élu régulièrement par les Français, sinon ça aurait été la Cinquième République! Un système dans lequel, à la suite d'une révolution ou plus modestement d'une évolution, les Français seraient amenés à se prononcer sur une éventuelle restauration de la monarchie est une chose qui n'est pas à exclure. En politique, rien n'est sûr, ni dans un sens, ni dans l'autre. La question, maintenant, serait celle de la forme de ce nouveau régime monarchique. De 1870 à 1875, la Troisième République est créée par des monarchistes qui sont majoritaires à l'Assemblée constituante et qui décident de créer un système qui, le jour venu, pourra redevenir une monarchie parlementaire du type «Louis-Philippe». Ils pensaient qu'il suffirait alors de remplacer le président de la République par le Roi. Trois quarts de siècle plus tard, le Général de Gaulle, quand il crée la Cinquième République, constitue un système dans lequel le président de la République peut facilement, le cas échéant, être remplacé par un monarque. Dans ce cas précis, le Roi incarnerait le pouvoir, prendrait certaines décisions stratégiques avec l'appui du peuple, mais ne se substituerait pas à un Premier ministre, à un gouvernement et à un parlement qui pourraient être élus démocratiquement et qui représenteraient une autre légitimité. On peut parfaitement imaginer cette double légitimité dans le prolongement de ce que le Général de Gaulle avait conçu.

    La légitimité de Napoléon Bonaparte ne s'inscrivait pas dans une lignée: c'est en tant que héros qu'il a été plébiscité par le peuple. Pourrait-on imaginer Roi des Français n'importe quel citoyen que l'histoire mettrait sur le devant de la scène ou, a contrario, pourrait-on imaginer un retour des vieilles familles, qu'il s'agisse d'un Bourbon, d'un Orléans ou d'un Bonaparte?

    N'étant ni devin, ni cartomancienne, je ne peux vous répondre que par un parallèle historique. L'histoire nous montre qu'à certaines époques, des familles anciennes ont pu revenir sur un trône qu'elles avaient quitté quelques décennies voire quelques siècles auparavant. D'autres épisodes historiques nous montrent qu'un grand homme - général vainqueur ou homme d'Etat habi

  • Malika Sorel : « Nos élites mettent en péril un édifice de plus de mille ans »

     

    Par Alexandre Devecchio           

    Après le meurtre revendiqué par Daech d'un policier et de son épouse dans leur maison de Magnanville, Malika Sorel remonte aux sources de la décomposition française. Nos hommes politiques ont méprisé l'Histoire, explique-t-elle, mais celle-ci s'est invitée à leur table [Figarovox 17.06] ... Il en résulte une puissante et lucide analyse critique des hommes, des politiques et de l'idéologie du Système. Contre lequel le sentiment des peuples européens se dresse aujourd'hui toujours davantage.   LFAR

     

    2917551200.jpgSon dernier livre, Décomposition française. Comment en est-on arrivé là ?, vient de se voir décerner le prix littéraire Honneur et Patrie de la Société des membres de la Légion d'honneur. « Honneur » et « patrie », deux mots qui résument parfaitement le parcours de Malika Sorel. Au Haut Conseil de l'intégration comme à travers ses livres, cette patriote incandescente continue de se battre pour empêcher que la France ne se défasse. Lors de son discours de remerciements, elle a longuement cité l'historien et résistant, Marc Bloch : « La France, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur. J'y suis né, j'ai bu aux sources de sa culture. J'ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux ». Soixante-quinze ans après l'auteur de L' Étrange Défaite, Malika Sorel redoute que la cohésion nationale vole en éclats. Comme son père spirituel, l'essayiste impute la responsabilité de cette profonde crise existentielle aux élites. Nos dirigeants politiques ne croient plus en la France et c'est le peuple qui paye le prix de ce renoncement.

    Depuis un an, sur fond de tensions culturelles, la France vit au rythme des attentats. Dernier en date, le meurtre, revendiqué par l'État islamique, d'un policier et de sa compagne dans leur maison des Yvelines. Est-ce le symptôme de ce que vous appelez la décomposition française ?

    MALIKA SOREL - Au fondement de la citoyenneté existe un principe de transcendance par le politique. La République avait su maintenir ce fil qui s'élève au-dessus de chaque citoyen et assure ainsi la cohésion de l'ensemble. Ce lien a été défait. Depuis près de quarante ans, l'État a œuvré, de manière directe ou indirecte, à scinder la France en groupes, en communautés. D'un État garant de la cohésion nationale, nous sommes passés à un État qui parle « diversité », « minorités », « communauté musulmane », « banlieues », « territoires de la politique de la ville ». L'État n'a eu de cesse de répondre aux revendications des uns et des autres, dressant parfois sans l'avoir souhaité les uns contre les autres. Les principes républicains ont été pris comme variables d'ajustement, nous entraînant ainsi vers une décomposition assurée. Qui sème le vent récolte la tempête.

    Il aura fallu bien peu de temps à nos élites de commandement pour mettre en péril un édifice que les rois de France et les républiques avaient mis plus de mille ans à bâtir. La cohésion nationale menace désormais de voler en éclats. Nul ne peut prévoir quel sera l'événement déclencheur. Les hommes ont méprisé les leçons de l'Histoire, et comme chaque fois que cela se produit, la voici qui s'invite à table. Il est urgent de retisser le lien de confiance entre le peuple et le politique. Cela ne se pourra tant que les politiques persisteront à refuser de mener les réformes de fond qui s'imposent.

    Comment en est-on arrivé là ?

    La défense de la France n'a pas toujours servi de boussole. Pire, la France s'est parfois trouvée indirectement désignée comme cible. Ce n'est pas autrement qu'il convient d'analyser les campagnes, y compris de la part d'institutions de la République, qui instruisent depuis le début des années 80 un procès à charge contre les Français, accusés d'être des racistes prompts à discriminer les personnes d'origine étrangère. Ce long procès a semé les graines d'un ressentiment dont notre société n'a pas fini de payer le prix. Il convient également d'évoquer l'évolution des programmes scolaires, dont une des conséquences est d'avoir porté atteinte à la transmission d'un héritage culturel partie intégrante de l'identité des Français. Citons la diminution au fil du temps des heures allouées à l'enseignement de la langue française, ou encore la modification d'un certain nombre d'enseignements au prétexte d'adapter notre société à l'évolution du monde. C'est ainsi que nos élèves peuvent se retrouver soumis au feu d'un intense matraquage idéologique dans des domaines tels que l'histoire, la mondialisation et les migrations internationales, l'esclavage et la colonisation présentés le plus souvent comme du fait des seuls Occidentaux - le reste étant plutôt occulté -, le développement durable. Durable, le mot magique ! Tout doit devenir durable, sauf la patrie qui est sommée de s'effacer. Cela concourt à ce que les jeunes générations se construisent une image dépréciée de la France.

    Le peuple n'a-t-il pas lui aussi une part de responsabilité ?

    Bien sûr ! Mais il existe une hiérarchie dans les responsabilités. C'est au politique qu'incombe la mission de veiller sur le maintien de la cohésion nationale, en un mot sur la paix civile. Même si les individus de notre époque pensent, pour beaucoup, tout savoir - c'est l'une des conséquences de l'égalitarisme -, ils ne détiennent pas toutes les informations utiles à la décision et à l'anticipation. Les politiques et la haute administration, si ! La responsabilité des citoyens réside dans le fait qu'ils ont trop longtemps privilégié la politique de l'autruche et, de ce fait, ceux des hommes et femmes politiques qui leur vendaient des chimères. Ils ont balayé les très rares qui leur tenaient un langage de vérité et de responsabilité. Le système politique est verrouillé de l'intérieur par les personnels en place qui cooptent leurs clones, et de l'extérieur par le peuple lui-même.

    Lorsqu'elle leur déplaît, les citoyens des démocraties rechignent à regarder la réalité en face. Comme l'avait prophétisé Alexis de Tocqueville, ils évitent tout ce, et tous ceux, qui pourrait gâcher leurs menus plaisirs. Aussi, tant qu'ils ne sont pas touchés dans leur propre vie, ils préfèrent verser dans le relativisme, voire le déni. Dans nos sociétés devenues individualistes, l'individu tend à primer sur la communauté des citoyens, chacun oubliant que les idéaux dont il tire profit ne peuvent perdurer sans l'engagement quotidien de tous à les porter et à les protéger. Chassez le réel, il revient au galop.

    Depuis les attentats de janvier et de novembre 2015, n'assiste-t-on pas malgré tout à une renaissance du patriotisme dans notre pays ?

    Nous assistons à la renaissance de l'expression du patriotisme qui a longtemps été muselé, en raison des suspicions qui pesaient sur lui depuis la Seconde Guerre mondiale. La présence du Front national, propulsé sur le devant de la scène par François Mitterrand comme l'avait rappelé Roland Dumas, a ensuite servi d'arme de dissuasion. Tout ce que touchait ce parti devenait aussitôt intouchable et infréquentable. Ainsi en a-t-il été du drapeau et de La Marseillaise. Ce n'est que depuis les attentats que les Français ont pu se les réapproprier sans risquer l'opprobre. Souvenez-vous : en 2007, la candidate à l'élection présidentielle Ségolène Royal après avoir fait entonner l'hymne national lors d'un meeting et formulé le souhait que les Français aient « chez eux le drapeau tricolore », avait précisé que cela marquait « une étape historique pour la gauche ». Edifiant !

    Avec les attentats, les Français ont réalisé qu'ils formaient les parties d'un tout, qu'ils appartenaient au même corps, et que c'est leur identité qui était visée. Malgré le matraquage auquel ils sont soumis depuis des décennies, malgré un projet d'Union européenne, qui s'est transformé en machine à broyer les nations considérées comme des obstacles à une intégration plus poussée, le peuple est là, toujours vivant. L'inconscient collectif a resurgi pour guider les Français. Il n'y a là rien d'étonnant puisqu'une grande part de l'identité se transmet au travers des gestes de la vie courante.

    Le continent européen, dans son ensemble, n'a pas connu de trouble majeur depuis la dernière guerre mondiale. C'est pourquoi les citoyens se sont assoupis. Ils ont fini par croire que la paix allait de soi. A présent qu'ils la sentent menacée partout en Europe, ils resserrent les rangs.

    Une serveuse musulmane a été giflée à Nice parce qu'elle servait de l'alcool durant le ramadan. Comme en témoigne cette affaire, les musulmans sont parmi les premières cibles des islamistes. Pourtant, beaucoup hésitent à condamner ces derniers. Comment l'expliquez-vous ?

    Contrairement à ce qui a été répandu en France, les premières cibles n'ont pas été les musulmans, mais des non-musulmans. Il n'est qu'à lire des ouvrages tels que Les Territoires perdus de la République (2002), d'Emmanuel Brenner, ou encore Banlieue de la République (2012), de Gilles Kepel, pour comprendre pourquoi certains quartiers ont été désertés. Dans ce dernier, on lit par exemple le témoignage de Murielle, ancienne militante communiste : « On ne se sent même plus chez nous. On se sent très gênés […] C'est grave.» Nul n'évoque jamais la souffrance de tous ceux qui se sont résignés à quitter des lieux dans lesquels ils avaient passé une partie de leur vie. Le sentiment d'exil sur ses propres terres est bien plus traumatisant que l'exil en terre étrangère. Il n'est qu'à lire les témoignages de dissidents des régimes totalitaires du XXe siècle pour en saisir la mesure.

    De même, la souffrance est vive chez ceux de l'immigration extra-européenne qui ont rejoint l'Europe pour ce qu'elle était, une terre de liberté, et qui sentent à présent cette liberté se dérober sous leurs pieds. Plus l'Etat se révèle faible et montre son impuissance, plus les personnes issues de l'immigration extra-européenne se trouvent dans l'obligation de sacrifier la République face à leur groupe d'origine, dont les pressions vont croissant avec la poursuite de l'immigration. Ces personnes n'ont guère d'autre choix. Les flux migratoires, par leur importance, ont créé les conditions de la formation de répliques des sociétés d'origine sur les terres d'accueil. C'est un phénomène tout à fait naturel et spontané, vrai pour toutes les diasporas, sans arrière-pensée de nuire. Il n'en demeure pas moins que les frictions naissent sitôt que les fondamentaux culturels, qui se traduisent au quotidien en codes de savoir-être et de vivre-ensemble, rencontrent des points d'incompatibilité. Dans le cas qui nous concerne ici, ils sont loin d'être mineurs puisqu'ils touchent à des principes du pacte social et moral qui lie les Français entre eux, comme le respect de l'existence d'une liberté individuelle, donc du droit de choisir sa vie privée ; l'égalité hommes-femmes ; la laïcité, qui est étrangère aux sociétés d'origine, comme l'avait écrit en juin 2003 l'islamologue Mohammed Ibn-Guadi dans une tribune au Figaro, où il exposait que « l'islam a toujours été politique ».

    Les êtres humains ne se résument pas à de simples machines. En migrant, ils emportent avec eux leur système de principes et de valeurs, leur regard sur les autres et le monde. Et c'est humain ! Ce qui est arrivé à Nice, ou à Orlando - même s'il n'y a aucune commune mesure - est une illustration du fait que l'intégration se joue sur le registre de l'identité et non sur les questions d'ordre matériel. Dans un cas comme dans l'autre, c'est l'existence d'une liberté individuelle et d'un libre arbitre qui sont perçus comme invivables et qui peuvent déclencher un torrent de haine et de violence. Respecter les règles de la démocratie exige un lourd apprentissage. Il est préoccupant de voir à quel point cette donnée a été négligée par les élites des terres d'accueil.

    C'est pourquoi, aussi bien la décision d'Angela Merkel d'accueillir massivement des réfugiés en provenance de terres qui n'ont pas vécu les mêmes pages d'histoire culturelle et politique, et ne possèdent pas de ce fait les codes du vivre-ensemble des sociétés européennes, que les prises de position récurrentes du pape François, qui ne cesse de venir fustiger un prétendu égoïsme des Européens et de les exhorter à accueillir davantage de migrants, sont profondément choquantes. Elles témoignent d'un piètre niveau de sensibilité à ce qui advient : une situation dramatique pour tous, migrants et descendants d'immigrés compris. Si l'erreur est humaine, persévérer est diabolique.

    Doit-on craindre un scénario à la Houellebecq ?

    Aujourd'hui, tout comme en Algérie dans les années 90, le passage à l'action est encouragé par la perspective d'une victoire qui n'est plus de l'ordre de l'impossible, d'autant que les rouages de l'Etat et des partis politiques ont d'ores et déjà été investis, de même que des personnalités politiques de tout premier plan.

    Votre livre, Décomposition française. Comment en est-on arrivé là ?, s'est vu décerner mercredi 8 juin le prix littéraire « Honneur et Patrie » de la Société des membres de la Légion d'honneur. Lors de votre discours de remerciements, vous avez cité Victor Hugo : « Tôt ou tard, la patrie submergée flotte à la surface et reparaît. » Malgré la noirceur de votre constat, vous conservez l'espoir. Pourquoi ?

    Les Français aiment la France même s'ils se sont fait une spécialité de la dénigrer, produit d'un certain snobisme qui s'est répandu dans la société. A présent qu'ils ont compris que leur destin était intimement lié au sien, et qu'ils ne lui survivraient pas en tant que peuple, ils vont s'attacher à réparer l'injustice qu'ils ont commise à son égard. C'est donc un engagement pour la justice, et la justice finit toujours par triompher. Victor Hugo le dit : « le vol d'un peuple ne se prescrit pas », et « on ne démarque pas une nation comme un mouchoir ». Les exemples abondent dans l'Histoire qui viennent attester de la justesse de son propos.  

    Alexandre Devecchio

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  • Voyages • Vienne, un héritage impérial vivant

     

    par Jean Sévillia 

    EN IMAGES - Vienne fête le centième anniversaire de la mort de François-Joseph. La capitale autrichienne, aujourd'hui, bénéficie d'une qualité de vie qui tient aussi au cadre majestueux légué par les grands travaux d'urbanisme de cet empereur. Jean Sévillia nous fait visiter cette capitale européenne [Figarovox 24.06] à laquelle la France est liée par de nombreux liens de mémoire et autres, contemporains.  LFAR

     

    XVM06e8d676-796d-11e5-ba18-c49418e196fb - Copie.jpgA Vienne, dans les magasins pour touristes, François-Joseph et l'impératrice Elisabeth tournent ensemble sur les présentoirs de cartes postales, pendant que leur effigie figure sur des boîtes de chocolats, des puzzles, des porte-clés, des tee-shirts et des statuettes, sans oublier les boules de verre avec de la fausse neige. Si le kitsch Habsbourg fait marcher le commerce, il y a, Dieu merci, plus sérieux pour célébrer le centième anniversaire de la mort de François-Joseph, disparu en 1916, au mitan de la Première Guerre mondiale. Dans la capitale autrichienne, les librairies proposent des piles de biographies, d'albums et de magazines historiques qui lui sont consacrés, tandis que se tiennent quatre expositions, une cinquième étant proposée dans le château de Niederweiden, à 50 kilomètres à l'est de la ville (lire notre carnet de voyage,p. 79). Impossible, en ce moment, de se rendre à Vienne et d'ignorer que 2016 est une année François-Joseph. Mais, à part ses favoris immaculés et le surnom de son épouse (Sissi), qu'est-ce que le visiteur connaît de lui? Et mesure-t-on bien tout ce que le visage actuel de Vienne doit à cet empereur?

    Né en 1830, François-Joseph est le petit-fils de François Ier, l'adversaire malheureux de Napoléon. C'est en 1848 qu'il accède au trône, à la faveur de l'abdication de son oncle Ferdinand Ier, chassé par la révolution. Par la force des armes, le jeune souverain rétablit la puissance autrichienne en Lombardie et en Hongrie, où l'insurrection est matée avec l'appui des Russes. Cette première partie du règne impose un régime autoritaire, opposé aux aspirations libérales ou nationales. A Solferino, en 1859, François-Joseph perd la guerre contre Napoléon III, et doit céder la Lombardie au royaume de Piémont. Une déroute qui le contraint, à l'intérieur, à l'ouverture vers le fédéralisme. En Allemagne, l'empereur doit composer avec la prépondérance de Berlin, rivalité qui débouche sur un conflit clos par la défaite autrichienne devant les troupes prussiennes, à Sadowa, en 1866. Un nouveau revers qui pousse François-Joseph à un nouveau changement manifesté par des concessions aux Magyars. Entichée de la Hongrie, l'impératrice Elisabeth contribue à cette politique. En 1867, le compromis austro-hongrois place l'empire d'Autriche et le royaume de Hongrie sur un pied d'égalité, l' empereur et roi gouvernant la double monarchie avec trois ministres communs.

     

    L'hôtel de ville de Vienne a été construit de 1872 à 1883 dans le style néogothique des communes flamandes. Haute de 100 m, la tour est surmontée d'un chevalier en cuivre.

    L'hôtel de ville de Vienne a été construit de 1872 à 1883 dans le style néogothique des communes flamandes. Haute de 100 m, la tour est surmontée d'un chevalier en cuivre. - Crédits photos  : © Arnaud Robin / Figaro magazin

    Arnaud RobinSuivront quarante années de paix: l'apogée du règne. Un temps néanmoins traversé de tensions intérieures et de drames familiaux: l'exécution du frère de François-Joseph, Maximilien, au Mexique (1867) ; le suicide de son fils unique Rodolphe à Mayerling (1889) ; l'assassinat de l'impératrice Elisabeth par un anarchiste italien à Genève (1898). Et, pour finir, l'assassinat de son neveu François-Ferdinand par un révolutionnaire serbe, à Sarajevo, en 1914. Cet attentat obligera l'Autriche à réclamer réparation à la Serbie, déclenchant, par le jeu des alliances, la Première Guerre mondiale. Lorsqu'il meurt, en 1916 - laissant la couronne à son petit-neveu, Charles Ier, qui régnera jusqu'en 1918 - François-Joseph est âgé de 86 ans. Il a été empereur pendant soixante-huit ans et a vu 150 autres souverains régner en Europe, puis disparaître.

    François-Joseph incarne un pan de l'histoire de l'Europe, de l'histoire de l'Autriche et de l'histoire de Vienne. Son nom est un mythe, un mythe historique, culturel, littéraire et cinématographique. Ce mythe existait du vivant du souverain dont le portrait ornait chaque bâtiment officiel, chaque maison, chaque auberge. Après l'effondrement de l'empire, l'Autriche, paradoxalement, était un pays neuf. Non seulement en raison de la forme républicaine de l'Etat, mais parce que le territoire délimité par les frontières de 1919 n'avait jamais existé comme un pays indépendant, l'Autriche étant jusqu'alors le berceau de l'empire d'Autriche auquel elle avait donné son nom. Aussi ceux des Autrichiens qui doutaient de la solidité de leur nouveau pays et de sa capacité à résister au voisin allemand, surtout après 1933, se raccrochaient-ils au mythe François-Joseph. Sans être lié nécessairement à une nostalgie monarchique, le souvenir du vieux souverain ramenait l'image rassurante d'une Autriche forte, prospère et sûre, contrastant avec les menaces du moment. Chez Franz Werfel, Robert Musil, Joseph Roth ou Stefan Zweig, la littérature autrichienne d'alors abonde en livres ressuscitant «le monde d'hier».

     

    La statue de François-Joseph dans le Burggarten, qui était autrefois le jardin privé de l'empereur. C'est aujourd'hui un lieu d'agrément très prisé.

    La statue de François-Joseph dans le Burggarten, qui était autrefois le jardin privé de l'empereur. C'est aujourd'hui un lieu d'agrément très prisé. 

    Après la Seconde Guerre mondiale, le mythe est réactivé car il permet d'évacuer l'épisode trouble vécu par l'Autriche sous la botte nazie. Au cinéma, la célébrissime trilogie du réalisateur autrichien Ernst Marischka - Sissi (1955), Sissi impératrice (1956) et Sissi face à son destin (1957) - met en scène l'impératrice sous les traits de la jeune Romy Schneider, François-Joseph étant joué par le séduisant Karlheinz Böhm. Ces films ont fixé dans le public, jusqu'à nos jours, une image historiquement fausse du couple impérial. Ils ont cependant contribué à la popularité mondiale du mythe François-Joseph et Sissi, et auront suscité, dans les années 1950 et 1960, l'envie d'aller découvrir les palais viennois et les lacs alpins, avantage non négligeable pour un pays qui, ayant recouvré sa souveraineté en 1955, ne demandait qu'à s'ouvrir au tourisme. Il ne faut pas croire, pour autant, que François-Joseph a toujours été l'objet de panégyriques. Dès 1919, Ernest von Koerber, qui avait été chef du gouvernement autrichien sous la monarchie, considérait que cet empereur avait nui deux fois au pays, au début par sa jeunesse, à la fin par son trop grand âge. De nos jours, l'absolutisme des débuts du règne ou l'évaluation de la responsabilité de l'empereur dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale suscite des débats. Karl Vocelka, auteur d'une biographie de François-Joseph parue l'an dernier et commissaire de l'exposition qui se tient actuellement à Schönbrunn, déplore ainsi longuement la répression de la révolution hongroise de 1848 ou le fait que de nombreux problèmes nationaux et sociaux soient restés sans réponse avant 1914. L'historien reconnaît toutefois les acquis économiques et culturels de cette époque, tout en hésitant à les attribuer à l'action personnelle du souverain. 

     
     
    Un fiacre traversant la Hofburg, immense palais qui est une ville dans la ville. Vienne possède près de 150 fiacres, dont les conducteurs portent une tenue traditionnelle. Ces voitures et leurs chevaux font partie du paysage viennois

    Un fiacre traversant la Hofburg, immense palais qui est une ville dans la ville. Vienne possède près de 150 fiacres, dont les conducteurs portent une tenue traditionnelle. Ces voitures et leurs chevaux font partie du paysage viennois.  

    L'historien tchèque Palacky, dès 1848, disait que si l'Autriche n'existait pas, il faudrait l'inventer. On peut trouver mille défauts à François-Joseph, mais sa vertu principale, le service qu'il a rendu aux peuples danubiens et par-là à l'Europe entière, c'est d'avoir su durer - or durer, en politique, est un art - et d'avoir su réunir sous ses deux couronnes une douzaine de peuples qui parlaient autant de langues et pratiquaient toutes les religions. Au siècle des nationalités, la mosaïque ethnique et culturelle du bassin danubien aurait pu être le théâtre d'atroces guerres intestines. Cette catastrophe a été évitée à l'Europe centrale grâce à l'Autriche-Hongrie, foyer de civilisation. La cour de François-Joseph, avec son étiquette, ses uniformes et ses titulatures, pouvait laisser l'impression d'un univers figé. Ce n'était que la surface des choses. En réalité, à cette époque, l'Autriche s'était transformée en une puissance moderne, un Etat de droit où la Constitution de 1867 garantissait les droits du citoyen, où le suffrage universel attendrait 1907, mais où la législation sociale, dès la seconde moitié du XIXe siècle, était sur de nombreux points (assurance-maladie, congés payés) plus avancée qu'en France ou en Angleterre. L'Autriche-Hongrie, dans ces années-là, était devenue une force industrielle, la quatrième d'Europe après l'Angleterre, l'Allemagne et la France. Et c'est sous le long règne de François-Joseph que la capitale autrichienne avait revêtu ce visage qui lui vaut de nos jours d'attirer les visiteurs du monde entier.

     

    Au centre de Vienne, la Hofburg, ancienne résidence des Habsbourg, se compose de plusieurs ailes dont la construction s'étale du XIIIe siècle au début du XXe siècle. Ici, le bureau de l'impératrice Elisabeth, dite Sissi, l'épouse de François-Joseph, assassinée en 1898.

    Au centre de Vienne, la Hofburg, ancienne résidence des Habsbourg, se compose de plusieurs ailes dont la construction s'étale du XIIIe siècle au début du XXe siècle. Ici, le bureau de l'impératrice Elisabeth, dite Sissi, l'épouse de François-Joseph, assassinée en 1898. 

    En 1857, une ordonnance impériale commande la destruction de la vieille enceinte qui, en 1529 et en 1683, avait repoussé les Ottomans mais qui, désormais inutile, étouffe la ville comme un corset. François-Joseph impose cette décision aux militaires, qui craignent que cette mesure ne profite aux révolutionnaires. Dans son esprit, il s'agit de faire de Vienne la capitale d'un vaste empire dynamique, ce qui suppose un plan de rénovation urbaine à l'instar de celui lancé par le baron Haussmann à Paris. Les meilleurs architectes sont mobilisés - l'Autrichien Heinrich von Ferstel, l'Allemand Gottfried Semper, le Danois Theophil Hansen - et chargés d'organiser l'espace situé à l'emplacement des anciennes murailles. Le choix a été fait d'entourer la vieille ville par un boulevard circulaire de 5,3 kilomètres de longueur. Sur cette artère de prestige, la Ringstrasse, en abrégé le Ring, s'édifieront des bâtiments publics, des institutions culturelles, des hôtels de luxe, des immeubles de bureaux et d'habitation. Inauguré en 1865, le Ring restera en chantier pendant plus de vingt ans.

    Entre 1860 et 1890 sont ainsi bâtis la Votivkirche (l'église du Vœu, commencée avant la démolition des remparts et construite en action de grâce pour la tentative d'assassinat à laquelle François-Joseph a échappé en 1853), l'Opéra, la chambre de commerce, la Maison des artistes, le musée des Arts appliqués, la salle de concert du Musikverein, la Bourse, le musée d'Histoire naturelle, le musée d'Histoire de l'art (Kunsthistorisches Museum), l'Académie des beaux-arts, le nouvel hôtel de ville, le Parlement, le Burgtheater, l'aile nouvelle du palais de la Hofburg et l'université. Le goût étant à l'historicisme, le Parlement a été conçu dans le style grec, l'hôtel de ville dans le style néogothique et l'Université dans le style néo-Renaissance. Ces monuments, en 2016, conservent à Vienne son air de capitale impériale. Si plusieurs d'entre eux, bombardés en 1944-1945, ont été reconstruits à l'identique, ils remplissent la même fonction depuis l'origine. 

     

    Les cafés, à Vienne, sont une institution. On peut y prendre un repas ou une consommation, et lire les journaux qui sont à la disposition des clients. Des portraits de François-Joseph et de l'impératrice Elisabeth ornent la grande salle du Café central.

    Les cafés, à Vienne, sont une institution. On peut y prendre un repas ou une consommation, et lire les journaux qui sont à la disposition des clients. Des portraits de François-Joseph et de l'impératrice Elisabeth ornent la grande salle du Café central. 

    Sur le Ring s'étaient également édifiés des immeubles habités par des aristocrates, mais plus souvent par des familles bourgeoises dont l'ascension accompagnait les progrès économiques de l'Autriche. Les Juifs étaient nombreux dans ce milieu, encouragés par l'abolition, en 1867, des ultimes interdits qui les frappaient. Rothschild, Epstein, Ephrussi ou Todesco se faisaient bâtir des palais dont l'architecture, la décoration des façades et la richesse des intérieurs proclamaient la réussite. Forte de cet essor, Vienne organisait en 1873 une Exposition universelle ambitieuse qui venait après celles de Londres et Paris. De 430 000 habitants en 1857, la population passait à 820 000 personnes en 1890, et atteindra les 2 millions en 1910. Autrichiens, Italiens, Polonais, Hongrois, Tchèques, Slovaques, Slovènes, Juifs de l'Est, tous les peuples de l'empire étaient représentés à Vienne. La ville était la cinquième métropole occidentale, derrière Londres, New York, Paris et Berlin.

    Vienne fin de siècle ? Rien de plus trompeur que cette formule. Contrairement à une idée reçue, nul sentiment de décadence, ou de fin du monde, n'étreignait cette société où personne ne pressentait la fin de la monarchie. C'est encore sous le règne de François-Joseph que s'épanouirait, laboratoire de la modernité, la Vienne du Jugendstil et de la Sécession, avec des architectes comme Otto Wagner et Adolf Loos, des peintres comme Gustav Klimt, Egon Schiele et Oscar Kokoschka, des musiciens comme Gustav Mahler, Arnold Schönberg et Alban Berg, et des médecins lauréats du p

  • Dans La Provence, Coronavirus : les quatre vérités du professeur marseillais Didier Raoult.

    En pleine épidémie du Covid-19, le médecin marseillais anticonformiste sort "Épidémies, vrais dangers et fausses alertes". Didier Raoult revient sur l'histoire des coronavirus et les polémiques actuelles - sur son recours à la chloroquine notamment

    Détient-il le Graal ? Si le professeur marseillais Didier Raoult a mis du temps à se faire entendre au niveau national, son nom est désormais sur toutes les lèvres et sa solution pour enrayer la pandémie de coronavirus fait l'objet de l'attention de plusieurs pays étrangers comme de Paris.

    Dans un livre à paraître cette semaine chez Michel Lafon et sur ebook, ce médecin controversé qui dirige l'infectiopole de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille, à la Timone, fait le point de manière exhaustive sur cette pandémie. Il prend sa baguette d'enseignant pour expliquer ce qu'est un coronavirus, et notamment celui qui nous préoccupe. Il détaille son approche en évoquant aussi d'autres maladies dangereuses et à fort potentiel anxiogène, comme le choléra ou le typhus. Il s'efforce de comprendre et d'expliquer pourquoi sa manière d'appréhender la question n'est pas davantage prise en compte par les autorités sanitaires françaises. Enfin il pose un regard philosophique et quasi politique sur notre société et, précisément, comme il l'indique dans le sous-titre, les "vrais dangers" qui la guettent et les "fausses alertes" qui distordent le réel. Et, s'il n'est pas tendre, qui lui en voudra en cette période étrange d'essayer de remettre certaines pendules à l'heure, quitte à ne pas hurler avec les loups ?

    En avant-première, avant que ce livre n'arrive non pas dans les rayons des librairies - fermées - mais pourquoi pas sur vos liseuses ou vos tablettes, La Provence vous en propose en exclusivité des extraits choisis.

    À propos de la chloroquine

    Rappelons que, malgré tous ces « drames » successifs autour des nouveaux virus respiratoires, la mortalité par infections respiratoires ne cesse de diminuer et que, selon les éléments que nous avons, les infections respiratoires bactériennes et virales qui étaient à l'origine de 4,5 millions de morts par an il y a encore trente ans, tuent actuellement 2,6 millions de personnes, soit une régression spectaculaire, due à l'amélioration des conditions d'hygiène, l'usage des antibiotiques qui permet de diminuer les surinfections mortelles, et la vaccination contre les pneumocoques des trèsjeunes enfants (qui protège aussi les personnes plus âgées). Au bout du compte, tous ces drames successifs se sont accompagnés d'une augmentation considérable de l'espérance de vie (...)

    Par ailleurs la vitesse de réaction des Chinois dans la gestion des épidémies a été stupéfiante, en particulier dans son évaluation des molécules anti-infectieuses. Ils ont pu rapidement montrer que la chloroquine, un des médicaments les plus prescrits au monde et les plus simples, est peut-être le meilleur traitement des coronavirus et la meilleure prévention. Ce qui en ferait une des infections respiratoires les plus simples à prévenir et à traiter (...)

    Le coronavirus chinois

    Le coronavirus chinois, lui, a fait son apparition en décembre 2019 à Wuhan où une épidémie de pneumonie a été mise en évidence. Nous reviendrons sur la stratégie d'équipement des Chinois depuis l'épidémie de SARS, qui leur a permis de découvrir ce virus, d'en tester la sensibilité aux anti-infectieux et de mettre au point des techniques de diagnostic dans un temps record. Quoi qu'il en soit, peut-être partant du marché aux animaux où se vendent toutes sortes de bêtes sauvages destinés à être mangées – dont des chauves-souris –, des pneumonies sont apparues, certaines graves, parfois mortelles, en particulier chez les sujets âgés ou porteurs de polypathologies. La description de ce nouveau virus par la Chine a entraîné, comme on le sait, une hystérie mondiale en dépit du fait que très rapidement on ait identifié que la mortalité était moindre que celle annoncée au départ. C'est un phénomène général (...)

    La mortalité initiale très élevée a rapidement été pondérée par la réalisation de tests de diagnostic comme c'est à chaque fois le cas. Les premiers cas semblent tous mortels car seules les formes très graves sont testées, et au fur et à mesure que le diagnostic s'étend, la proportion de morts ne cesse de diminuer. Ainsi, jusqu'en janvier 2020, tous les morts se trouvaient en Chine continentale à part un seul, la mortalité de la zone Wuhan était de 5,6 % et, en dehors de cette zone, elleétait inférieure à 0,5 %. Cela signifie qu'elle rejoindra probablement la mortalité de la grippe qui est aux alentours de 0.1 %. Concernant la contagion, elle est définie par le nombre de personnes infectées par la maladie. Et bien sûr, cette manière de représenter la transmission n'est pas raisonnable. C'est une façon de transformer en mathématiques des phénomènes extrêmement complexes qui n'est jamais lucide. Parmi les causes de transmission, il y a celle entre les êtres humains, mais tous les humains ne transmettent pas la maladie de la même manière. Certains sont des « superspreaders » ; les enfants sont plus contaminants, mais moins malades ; les sujets âgés sont plus sensibles, mais moins contaminants, à l'exception des immunodéprimés, qui ont des multiplications virales pouvant être plus importantes. Un de mes collaborateurs insiste sur le fait que l'unedes différences entre les comportements en Chine et les comportements européens est que les Chinois ont l'habitude de cracher par terre, partout, ce qui frappe tous les Européens qui vont dans ce pays. Le risque que comportent les crachats à moto est probablement très important. Et il est possible que cela ait joué un rôle non négligeable dans la transmission du corona chinois, car dans les crachats se trouvent de nombreux virus !

    Cette situation épidémiologique n'est donc peut-être pas reproductible en dehors de la Chine. Il faut toujours avoir à l'esprit que les maladies infectieuses sont des maladies d'écosystème. La vision pasteurienne, un microbe, un homme, point final, comme celle de Koch, sont des notions intéressantes mais elles datent du XIXe siècle, elles n'expliquent qu'une petite partie des choses. Il y a la variabilité des microbes, du nombre de microbes, de l'hôte, de la voie de transmission, même dans les maladies interhumaines. Ce qui fait qu'on ne peut pas étendre l'épidémiologie de ce que l'on voit dans un endroit au reste du monde.

    La longue histoire des coronavirus

    Les coronavirus (du latin corona) sont une très large famille de virus qui doivent leur nom au fait qu'ils semblent dotés d'une couronne. Ce sont des virus très répandus qui atteignent aussi bien les oiseaux que les mammifères, et certains d'entre eux ont une transmission interhumaine. Ces derniers sont fréquents, tuent de temps en temps, mais sont complètement ignorés de la presse et de la plupart des autorités sanitaires du monde. Ce qui est vraiment étrange, car les coronavirus constituent la troisième cause d'infection respiratoire virale. Ces virus ont la particularité d'être les plus grands des virus à ARN, et présentent donc de fréquentes mutations. Ce sont des virus qui chez l'Homme ont longtemps été connus comme donnant des infections respiratoires hautes – surtout des bronchites – et des diarrhées (...)

    Leur histoire commence en 1965 lorsque Tyrrel et Bynoe identifient un virus obtenu chez un enfant présentant un rhume. Ce virus a été appelé 229E. À peine plus tard, Macintosh, à l'occasion d'un prélèvement respiratoire, trouve un autre virus très proche qui, lui, s'appellera OC43, et peu de temps après le nom coronavirus va être choisi pour nommer cette famille. Ils sont donc connus depuis 1967, mais leur diagnostic était rendu difficile par le fait que seule la culture permettait de le faire. C'est seulement au moment des diagnostics moléculaires, récemment, que leur place réelle a pu commencer à être évaluée (...) Le troisième à être découvert dans une pathologie humaine était le virus du SARS identifié en 2003 et qui, nous l'avons vu, aurait causé 880 morts avant de s'arrêter brutalement à l'été 2003 sans jamais plus réapparaître (...) Le coronavirus d'Arabie Saoudite, MERS-corona, a été trouvé en 2012 quand un patient a été hospitalisé à Djeddah ( ...) Et enfin le coronavirus de Chine a été isolé en 2019 (...) Ainsi, nous l'avons vu, le SARS est resté essentiellement cantonné en Extrême-Orient, hormis une mystérieuse épidémie exportée à Toronto, liée à une personne voyageant depuis Hong Kong (...) À Toronto, les conditions de gestion mises en place après le début de l'épidémie (port de masques, de gants et de tenues) ont permis d'arrêter la transmission à l'intérieur des hôpitaux de la ville. Concernant le MERS-coronavirus, là aussi une folie a pris le monde avec le risque de transmission de ce virus en dehors de son foyer initial. Il s'agit en réalité essentiellement d'une zoonose liée au chameau qui en est porteur. On ne sait pas pourquoi le chameau porteur donne des cas en Arabie Saoudite et pas dans les zones environnantes où les chameaux sont aussi porteurs du virus, mais cela laisse supposer qu'il existe un hôte intermédiaire. Après m'être rendu sur place, j'ai émis l'hypothèse que les babouins, qui sont extrêmement nombreux en Arabie Saoudite, qui fréquentent les chameaux et vivent en zone périurbaine au sein de bandes d'une taille tout à fait invraisemblable (plusieurs centaines d'animaux), ont peut-être été ces hôtes intermédiaires.

    (...) Cela devrait nous rappeler la disproportion entre les risques affirmés et les risques réels, et le danger des prédictions alarmistes. À ce sujet, signalons que ces épisodes de fièvre auront amené certains pays, dont la Chine, à installer des portiques de détection de la température pour tester les patients présentant de la fièvre afin d'éviter que ceux-ci transmettent une maladie dans le pays dans lequel ils arrivent...

    "Fake news"

    Le risque que le coronavirus chinois change les statistiques de mortalité française ou mondiale est nul. Il y a dans cette disproportion entre réalité et bruits plusieurs éléments : la peur des maladies nouvelles, l'intérêt des laboratoires qui vendent des antiviraux (Gilead a fait une progression boursière spectaculaire), l'intérêt de ceux qui produisent des vaccins par précaution (bien que l'on ne sache pas si la maladie sera encore là dans un an), de ceux qui sont heureux d'être sur un plateau de télévision comme experts virtuels, de ceux qui font de l'audimat sur la peur, et de ceux qui se voient en sauveurs providentiels. Cet évènement aura confirmé pour moi qu'il y a plus de vérités dans les réseaux sociaux et que la labellisation « fake news » est parfois l'arme désespérée de certains médias pour continuer à exister. Une de mes vidéos a temporairement été étiquetée « fake news » par le détecteur du journal"Le Monde" ainsi que par le ministère de la Santé. J'avais diffusé l'information des autorités chinoises sur l'usage d'un médicament dont j'ai déjà parlé et que je connais bien (la chloroquine et son dérivé l'hydroxychloroquine), sur son efficacité dans les études préliminaires sur 100 cas, confirmée par une courte communication et par une conférence de presse du Pr Zhong, une autorité chinoise reconnue dans le monde entier. Cela a déclenché des réactions violentes, qui exigeaient que je retire ma communication, et j'ai même reçu des menaces anonymes pour lesquelles j'ai porté plainte. Il est de plus en plus difficile de savoir de quoi on parle et nous avons créé un site d'information hebdomadaire sur Youtube intitulé « On a le droit d'être intelligent » (...). Il y a 20 virus associés aux infections respiratoires qui circulent dans le monde. Peut-être que le coronavirus de Chine deviendra le vingt-et-unième, ni plus ni moins grave, peut-être disparaîtra-t-il momentanément ou définitivement, peut-être restera-t-il limité à un écosystème spécifique, comme le Coronavirus d'Arabie Saoudite (MERS corona). L'avenir nous le dira (...)

    Peur de la mort

    La situation des épidémies et pseudo-épidémies actuelles reflète des comportements très profonds chez l'Homme. L'histoire est pleine de peurs de catastrophes naturelles et d'épidémies, et la Bible en donne de nombreux exemples. Devant l'inexplicable, devant la brutalité des phénomènes, les hypothèses étaient à l'époque plutôt religieuses ou basées sur le comportement coupable des Hommes. Plus récemment, Baudrillard, en 1970, nous a très utilement permis de comprendre qu'une part de l'oisiveté se nourrit de la peur de la mort et des catastrophes, tandis que la météorologie (comme renouvellement du culte du Soleil) occupe l'autre partie de notre information passive reçue des médias. La pérennité des comportements religieux et des peurs religieuses, ainsi que de la magie, a été bien rapportée par Mircea Eliade dans son Traité d'histoire des religions qui montre que, sous des formes différentes, les grands thèmes des peurs et des comportements religieux n'ont pas changé.

    Simulacres

    Dans nos sociétés, il existe des rôles différents : rôle de ceux qui font de la recherche ou découvrent les choses, rôle de ceux qui gèrent, et rôle de ceux qui transportent l'information. Avec l'accélération du temps que nous constatons aussi bien dans l'information que dans la gestion, les gestionnaires sont en place pour de courts laps de temps soumis à des élections récurrentes, comme je l'ai déjà dit. Il y a de plus en plus de confusion entre le pouvoir de décision, le pouvoir exécutif et le quatrième pouvoir, celui de la presse. Or, s'il est naturel que la presse lance l'alerte, il n'est pas naturel que les gens qui dirigent, les politiques, soient de même nature et aient le même genre de réactivité. La gestion demande de prendre son temps et de la distance, mais cela devient aujourd'hui inutile puisque les conséquences des actes des gestionnaires ne leurs seront pas directement imputées, elles viendront plus tard et seront noyées dans une nouvelle information. Cette fusion entre médias et décisionnaires s'observe, pratiquement par mariage ou par transfert, d'un métier à l'autre, un ministre devenant animateur, un animateur devenant ministre. Cela pose un véritable problème, qui nuit à l'équilibre des forces. Par ailleurs, l'autre livre de Jean Baudrillard, "Simulacres et Simulation", prédisait, lui, la création d'un nouveau monde digital (...) Dans ce monde que Baudrillard appelle l'hyperréalité, et qui a servi d'inspiration pour le film "Matrix", en fait, la réalité digitale n'a plus aucun lien avec la réalité physico-chimique, tout comme dans le livre "Simulacres" de Philip K. Dick, où les hommes politiques sont des simulacres, des hologrammes ou des robots. Ainsi, la déconnexion totale de la réalité observable avec la réalité rapportée est un problème qui devient majeur. Il s'agit de moins en moins d'une amplification, mais d'une distorsion de la réalité. Quand l'informateur multiplie par 20 un risque de mortalité et divise par 100 un autre risque, nous ne sommes plus dans une exagération, nous sommes dans un autre monde. Et c'est actuellement ce qui se passe (...) Les chiffres eux-mêmes deviennent indécents quand ils ne confirment pas la théorie dominante. En pratique, il n'y a pas réellement de solution, sauf que les nouvelles technologies permettent d'avoir un nouveau pouvoir, qui est suivi d'une communication non filtrée (pour l'instant). Nous pouvons le constater dans le domaine scientifique. Il existe une censure de fait sur les articles qui ne se situent pas dans le flux général de la pensée technique, mais de très nombreux journaux se créent, et l'envoi d'articles directement sur des sites sans filtres avant leur publication commence à se développer.

  • De la loi Pleven (1972) à la loi Avia, en passant par les lois Gayssot et Taubira : 50 ans de lois liberticides en Franc

    (Vu sur le blog de Marc Rousset : http://marcrousset.over-blog.com/ )

    Source : https://www.breizh-info.com/

    De la loi Pleven (1972) à la loi Avia votée en 2020, en passant par les lois Gayssot et Taubira : retour sur 50 ans de lois liberticides en France, restreignant chaque année qui passe un peu plus la liberté d’expression, sur pression à chaque fois de minorités entendant imposer une vérité officielle, des tabous et, surtout, voulant interdire tout débat réel et sérieux qu’il soit politique, philosophique, religieux,  scientifique, dans le pays.

    Des lois liberticides votées portées majoritairement par des députés de gauche ou de centre-droit, mais sur lesquelles jamais une majorité de droite n’est revenue malgré des gesticulations opportunistes au moment de voter ces lois. Pourtant, une loi s’abroge comme elle se vote…

    La liberté d’opinion, liberté fondamentale, était déjà biaisée en France depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui énonce en son article 10 que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses. Pourvu que [sa] manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Il suffisait dès lors d’établir un trouble à l’ordre public légalement, pour balayer toute liberté d’opinion… ce à quoi des députés se sont attachés depuis 50 ans…

    Rappelons tout d’abord que la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse contenait déjà plusieurs dispositions sanctionnant notamment les injures et les diffamations.

    1972 : René Pleven sabre la liberté d’expression en France

    Le , le garde des Sceaux René Pleven présente son projet de loi aux parlementaires. L’idée vient du député socialiste René Chazelle. René Pleven annonce fièrement : « Avec ce texte, la France sera, à ma connaissance, le premier pays du monde à avoir une définition aussi extensive de la discrimination dans ses lois pénales ». La loi est rapidement votée à l’unanimité des députés.

    Le délit de « provocation publique » à la haine raciale institué par l’article 1er de la loi de 1972 est passible d’au plus un an d’emprisonnement et/ou 45 000 euros d’amende. Il a été inséré à l’article 24 alinéa 5 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.

    La provocation publique à la haine raciale est définie comme visant certaines personnes ou groupes de personnes « à raison de leur origine ou leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Le même article de loi réprime par ailleurs, et de la même façon, ceux qui « auront provoqué à la discrimination, […] ou à la violence ». La provocation peut être indirecte et, élément nouveau, ne nécessite pas d’être effectivement suivie d’effet pour être punissable.

    Autre innovation essentielle, les associations constituées depuis au moins cinq ans et luttant contre les discriminations ont le droit de porter plainte et de se constituer partie civile ; « toute association légalement constituée s’autoproclamant représentative de tel ou tel intérêt ou de telle ou telle communauté » y est autorisée et ceci même en l’absence de plainte individuelle préalable. Dès avril 1973, la LICRA, représentée par les avocats de gauche Robert Badinter et Gérard Rosenthal, obtiendra la première condamnation en la matière. Le juteux business de l’antiracisme pouvait débuter…

    Par ailleurs est créée la contravention de provocation « non publique » à la haine raciale, définie par le premier alinéa de l’article R. 625-7 du Code pénal, passible d’une amende au plus de 1 500 euros, qui peut être portée à 3 000 euros en cas de récidive (contravention de 5e classe).

    Selon Éric Zemmour, qui a été condamné à plusieurs reprises à la suite de plaintes reposant sur cette loi, c’est une régression juridique. La nouvelle loi condamne les intentions et non plus les faits. Elle transgresse le principe général du droit selon lequel « la loi pénale est d’interprétation strictement restrictive ». La référence à la nation étend également l’application de la loi du racisme à la xénophobie. Ce glissement introduit un principe de non-discrimination entre Français et étrangers et interdit toute préférence nationale en matière d’emploi, de logements, d’aides…

    1990 : Le communiste Jean-Claude Gayssot impose l’histoire officielle

    La loi no 90-615 du  tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, dite loi Gayssot est la première des lois mémorielles françaises imposant une histoire officielle sous peine de poursuites devant les tribunaux à l’imitation des régimes totalitaires.

    Elle réprime la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité qui furent définis dans le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg. La plupart des débats portant sur cette loi, lors de son adoption et ultérieurement, mettent en avant une possible atteinte à la liberté d’expression et à la liberté de recherche historique en général.

    L’article premier de cette loi prolonge la loi Pleven et énonce que  toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite , la France ayant ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de l’ONU de 1965.

    Cette loi Gayssot innove par son article 9, qui qualifie de délit la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité, tels que définis dans le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg, qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de ce statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes. Cet article 9 introduit en effet dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse un article 24 bis dont voici le premier alinéa :

    « Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du  et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale. »

    L’article 6 (c) de ce statut définit les crimes contre l’Humanité :  l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime entrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime.

    L’article 24 bis stipule que les auteurs d’actes de discrimination sur l’origine ethnique, la religion ou la race d’un tiers peuvent encourir une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 €. Il punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui auront contesté l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international de Nuremberg.

    Parmi les hommes politiques opposés à l’époque à cette loi, on peut citer Dominique Perben, Pascal Clément, François Fillon, Gilles de Robien, Jean-Louis Debré, Pierre Mazeaud, Jacques Chirac, Jean Foyer, Jacques Toubon, Alain Peyrefitte et Simone Veil. Jamais, alors qu’ils sont revenus au pouvoir dans la foulée, ils ne sont revenus sur cette loi.

    2001 : Christiane Taubira rajoute l’esclavage à la liste des sujets interdits

    La loi sur la liberté de la presse va prendre encore une claque en 2001, avec la députée guyanaise Christiane Taubira, qui portera quelques années plus tard celle sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels. Elle entend imposer cette fois-ci une histoire officielle et pénalement condamnable en cas de contestation à propos de l’esclavage.

    La loi du  tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité dite loi Taubira reconnaît ainsi comme crime contre l’humanité des traites et des esclavages pratiqués à partir du XVe siècle sur les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes. La loi est adoptée par le Parlement le  et promulguée le .

    Chaque article de la loi légifère sur un objet :

    • Article 1 : la reconnaissance des traites et des esclavages comme crime contre l’humanité.

    • Article 2 : l’insertion de ces faits historiques dans les programmes scolaires et le développement des recherches scientifiques s’y rapportant. L’article ne donne pas de directive sur l’orientation du traitement de ce fait historique.

    • Article 3 : un projet de requête en reconnaissance de ce crime contre l’humanité auprès du Conseil de l’Europe, des organisations internationales et de l’Organisation des Nations unies.

    • Article 4 : modifie la loi no 83-550 du  relative à la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Instaure un comité composé de « personnalités qualifiées » et de « représentants d’associations défendant la mémoire des esclaves ». Ce dernier point peut être lu comme une restriction aux associations qui ont explicitement mis dans l’objet de leurs statuts une obligation de « défense de la mémoire des esclaves ». Ce qui impose de connaître très précisément l’objet « mémoire des esclaves ». Or cet objet est lui-même désigné comme sujet de recherches à l’article 2.

    • Article 5 : modifie la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, chapitre V, Des poursuites et de la répression.

    Dans la foulée, pour rajouter cette fois-ci une histoire officielle au sujet du génocide arménien, le 1er juillet 2016, l’Assemblée nationale adopte en première lecture un amendement au projet de loi égalité et citoyenneté sanctionnant d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la négation ou la banalisation d’un crime contre l’humanité. Le texte paraît au Journal officiel le 28 janvier 2017, et ces dispositions sont intégrées à l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Bien que la France ait reconnu le génocide des Arméniens par la loi du 29 janvier 2001, en effet la négation du génocide n’était pas punissable en tant que telle, mais certains fossoyeurs de la liberté d’expression en ont décidé autrement.

    2020 : Laetitia Avia, mandatée pour traquer « la haine » sur Internet

    En ce mois de mai 2020, « la boucle » vient d’être bouclée, avec cette-fois ci la loi dite « contre la haine » sur Internet. La notion de haine étant tellement large qu’on pourra y inclure juridiquement tout et n’importe quoi. Cette loi est portée par Laetitia Avia et le CRIF, loi encore une fois contestée à droite, mais dont à nouveau rien n’indique qu’en cas d’accession au pouvoir elle sera abrogée.

    En 50 ans, les députés français auront donc interdit, sous peine de sanctions pénales, que l’on parle sans langue de bois ni tabous des conséquences de l’immigration ou que l’on puisse mettre en place des lois en faveur des citoyens Français d’abord. Tout en interdisant les statistiques ethniques. Les députés français ont imposé aux historiens et à l’Éducation nationale une histoire et une pensée officielle. Avec l’émergence d’Internet, ils viennent d’acter une loi qui permettra à des employés d’entreprises étrangères de se substituer à des juges nationaux pour décider ce qui est « de la haine sur Internet » et ce qui ne l’est pas.

    50 ans de restriction de la liberté d’expression donc, sous la pression constante de lobbys et de groupes communautaires qui, bien que minoritaires, ont réussi à mettre en place ce qui s’apparente à une tyrannie des minorités, au détriment de la démocratie, au détriment de la majorité silencieuse, car contrainte légalement au silence.

    En 2020 en France, nous avons le droit de parler et de débattre de tout. Sauf de tout ce qui est interdit… Vaste programme…

    YV

    Crédit photo : DR
    [cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

  • Idées • Maurras tel qu'en lui-même : Pour en finir avec le temps où les Français ne s'aimaient pas ...

    D'illustres admirateurs et quelques grands amis ...

     

    3717013392.jpgIl y a cent-cinquante ans - un siècle et demi ! - que Maurras est né à Martigues, en Provence [1868] « au bord des eaux de lumière fleuries » [1|

    Il y a plus d'un siècle qu'il a inauguré son royalisme militant en publiant son Enquête sur la monarchie (1900). Et il y a presque 70 ans - une vie d'homme - qu'il est mort à Saint-Symphorien les Tours [1952]. Mais les passions qu'il a si souvent suscitées de son vivant - qu'elles fussent d'admiration ou de détestation, l'une et l'autre souvent extrêmes - ne semblent pas s'être émoussées avec le temps. Prêtes toujours à s'élancer. Comme pour attester une forme paradoxale et performative de présence de sa pensée et de son action.

    On sait que la décision d'exclusion du ministre de la Culture, Mme Nyssen, a fini par susciter une vague d'indignations assez générale qui s'est retournée contre son auteur. Mme Nyssen ne savait pas ou avait oublié que depuis notre Gaule ancestrale ou le lointain Moyen-Âge, énorme et délicat, les Français détestent les interdictions. Et les Hauts Comités les démentis du Pouvoir.

    Mais cette réprobation n'empêche pas à propos de Maurras l'inévitable mention, dogmatiquement prononcée, des « zones d’ombre ». Expression d'une notable imprécision, lourde de mystérieux et inquiétants sous-entendus et le plus souvent inexpliquée ... À propos de Maurras, on réprouve l'interdit - en bref, on veut benoîtement la liberté d'expression - mais on accuse le fond. 

    « Zones d’ombre » est porteur d'opprobre. De quoi s'agit-il ? Qu'a donc fait ce Maurras qu'admiraient Proust, Péguy, Malraux et le général De Gaulle ; qui fut l'ami de Bainville et de Daniel Halévy, de Bernanos et de Joseph Kessel, de Barrès et d'Anatole France, d'Apollinaire et de Thibon, de Gaxotte et de Boutang ? Qui fut académicien français. Que consultait Poincaré au cœur de la Grande Guerre, que citait Pompidou dans une conférence demeurée célèbre à Science-Po Paris. « Zones d'ombre » ? Fût-ce brièvement, il nous faut bien tenter de dire le fond des choses, de quitter l'allusion sans courage et sans nuances.

    Quatre grands reproches sont faits à Maurras : son antirépublicanisme, son nationalisme, son antisémitisme et son soutien à Vichy. 

    LA CONTRE-REVOLUTION

    Le premier - le plus fondamental - est d'avoir été un penseur contre-révolutionnaire ; d’être le maître incontesté de la Contre-Révolution au XXe siècle ; d'avoir combattu la République et la démocratie, du moins sous sa forme révolutionnaire à la française ; enfin d'être royaliste. Options infamantes ? En France, oui. Mais en France seulement. Et pour la doxa dominante. La Révolution ni la République n'aiment qu'on rappelle leurs propres zones d'ombre. Leurs origines sanglantes, la Terreur, la rupture jamais cicatrisée avec notre passé monarchique, avec l'ancienne France, qu'elles ont imposée. « Soleil cou coupé » ... écrira Apollinaire (2). Et, à la suite, à travers de terribles épreuves et quelques drames, toute l'histoire d'un long déclin français, d'un inexorable affaissement de notre civilisation, que Zemmour a qualifié de suicide et dont nous-mêmes, aujourd'hui, vivons encore l'actualité. Faut-il rappeler qu'au début des années soixante (1960), De Gaulle, monarchiste, avait envisagé que le Comte de Paris lui succède ? Que François Mitterrand dans sa jeunesse était monarchiste et que, comme en atteste, plus tard, sa relation constante avec le comte de Paris, il l'était sans-doute resté ? Quant à l'actuel président de le Réplique, on connaît ses déclarations sur le roi qui manque à la France ... Sur sa conviction que les Français n'ont pas voulu la mort de Louis XVI, la mort du roi ... (3) Faut-il reprocher à De Gaulle, Mitterrand ou Macron telle « zone d’ombre » ? Comme à Maurras ? Ce dernier voulut simplement, à la différence de ces derniers grands-hommes, que ce qu'il savait nécessaire pour la France devînt réalité. Il y consacra sa vie et y sacrifia sa liberté. 

    LE NATIONALISME

    Le nationalisme, autre « zone d’ombre » ? Être nationaliste, un motif d'opprobre, de rejet moral ? Non, s'il s'agit d'un nationalisme quelconque à travers le monde. Oui - pour la bien-pensance - s'il s'agit du nationalisme français. Maurras l'avait défini comme « une douloureuse obligation » dont la cause et le contexte sont historiques, bien plus qu’idéologiques : l'humiliante défaite de 1870 et l'affrontement franco-allemand qui ne cessera jamais vraiment entre 1870 et 1945. « Douloureuse obligation » créée aussi par l'absence de roi, laissant la France aux mains, pour ne pas dire à la merci, d'un régime faible divisé et imprévoyant, qui la plaçait en situation d'infériorité face à l'Allemagne impériale. Plus tard, face à l'Allemagne nazie. Au cours de chacune des deux avant-guerres, Maurras avait vécu dans l'angoisse de l'impréparation où nous maintenait l'État républicain, laquelle devait rendre la guerre à la fois inévitable et terriblement meurtrière. Avant 1914, il avait eu la vision tragique de ce qui se préparait : « Au bas mot, en termes concrets, 500 000 jeunes français couchés froids et sanglants sur leur terre mal défendue » (4). On sait ce qu'il en fut, qui fut bien pis. Entre 1935 et 1939, l'on eut la reproduction du même scénario. La trahison de Blum refusant d'armer la France face au nazisme en même temps qu'il menait une politique étrangère belliciste irresponsable, les agissements du Parti Communiste, aux ordres de Moscou, comme Blum l'était de la IIème Internationale, allaient rendre le futur conflit mondial inévitable. « Pourquoi faut-il de tels retours ? « écrira alors Maurras. Dans la douleur, nous dit Boutang. On sait qu'il vécut cette période dans la certitude de la guerre et de la guerre perdue. Le « miracle de la Marne » qui avait sauvé la France en 1914, ne se renouvellerait pas ... Tel fut, au-delà du simple patriotisme, le nationalisme maurrassien. Nationalisme non de conquête ou d'expansion mais de défense d'un pays menacé. Menacé de l'extérieur et de l'intérieur, car le danger allemand n'était pas le seul qui pesât sur la France. Son désarmement mental, social, politique et culturel, ses divisions, étaient à l'œuvre comme elles peuvent l'être encore aujourd'hui pour diverses raisons supplémentaires dont certaines - comme l'invasion migratoire ou le mondialisme - que Maurras n'eut pas à connaître. Elles justifient, elles aussi, la persistance de la « douloureuse obligation » d’un nationalisme français.

    L'ANTISEMITISME

    L'antisémitisme est un autre des grands griefs faits à Maurras. Il n'est pas un thème central dans son œuvre et dans sa pensée - comme il le fut pour Edouard Drumont dont l'influence avait été considérable à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. C'est pourtant à l'antisémitisme que l'on réduit souvent Maurras dans les débats d'aujourd'hui. 

    Une évidence s'impose ici : on ne comprendra rien à l'antisémitisme de Maurras, celui de son temps, très répandu en tous milieux, si, par paresse d'esprit ou inculture, l'on se contente de le considérer et de le juger avec des yeux qui ont vu, des mémoires qui savent, ce que vécurent les Juifs d'Europe entre 1930 et 1945, ce qu'était devenu l'antisémitisme en une époque barbare.  Dans la jeunesse de Charles Maurras et encore longtemps après, l'antisémitisme fut une opposition politique, culturelle et si l'on veut philosophique à l'influence excessive que leur communautarisme natif - singulièrement apte à « coloniser » - conférait aux Juifs de France. À propos de cet antisémitisme politique de Maurras, Éric Zemmour propose une comparaison tirée de l'Histoire : « Son antisémitisme était un antisémitisme d'État, qui reprochait aux Juifs un pouvoir excessif en tant que groupe constitué, à la manière de Richelieu luttant contre « l'État dans l'État » huguenot. » (5) Avant la seconde guerre mondiale, il n'y avait pas là motif à rupture personnelle ou sociale, ni même un motif d'inimitié. Le jeune Maurras est lié à Anatole France. Il fréquente le salon de l'égérie de France, Madame Arman de Cavaillet, née Lippmann ; il est l'ami de Marcel Proust, plus qu'à demi Juif (sa mère est née Weil). Ils resteront amis, quoique Proust ait été dreyfusard, jusqu'à la mort de l'auteur de la Recherche. Proust l'a écrit, aussi bien que son admiration pour Maurras, Bainville et Daudet.  On se souvient que Léon Daudet, disciple de Drumont bien davantage que Maurras ne le sera jamais, fit obtenir à Proust le prix Goncourt pour A l'ombre des jeunes-filles en fleur, en 1919 ... L'un des plus vifs admirateurs de Charles Maurras et son ami jusqu'à sa mort après la Seconde Guerre mondiale (1962, dix ans après Maurras), sera l'un des Juifs les plus éminents du XXe siècle, Daniel Halévy, dont, pour la petite histoire, mais pas tout à fait, la fille épousera Louis Joxe, résistant, ministre du général De Gaulle, et père de Pierre Joxe. De Daniel Halévy, l’auteur d’Essai sur l'accélération de l'HistoireJean Guitton écrira : « Il avait un culte pour Charles Maurras qui était pour lui le type de l'athlète portant le poids d'un univers en décadence. » (6)

    L'antisémitisme politique de Maurras, au temps de sa pleine gloire, ne le sépara pas des grandes amitiés que nous avons citées et de l'admiration que lui portèrent, de Malraux à Bernanos, les plus illustres personnalités de son temps. Maurras eut-il le tort de ne pas comprendre que la persécution des Juifs au temps du nazisme rendait toute manifestation d'antisémitisme contestable ou même fautive ? Impardonnable ? On peut le penser, comme Éric Zemmour. C'est ignorer toutefois deux points essentiels : 1. ce que souffrirent les Juifs lors du conflit mondial ne fut vraiment connu dans toute son ampleur qu'après-guerre, 2. Peut-être est-il triste ou cruel de le rappeler mais le sort des Juifs ne fut pas le souci principal ni même accessoire, des alliés pendant la guerre.  Ni Staline, lui-même antisémite, ni Roosevelt, ni Churchill, ni De Gaulle, ne s'en préoccupèrent vraiment et n'engagèrent d'action pour leur venir en aide, nonobstant leurs appels au secours.  Le souci premier de Charles Maurras était la survie de la France et son avenir. S’il s’en prit nommément à des personnalités juives bien déterminées pendant l’Occupation (comme à nombre d'autres), c’est qu’elles lui semblaient conduire des actions selon lui dangereuses et contraires aux intérêts de la France en guerre. 

    L'antisémitisme moderne, sans remonter à ses sources chrétiennes, pourtant réelles, trouve de fait son origine et son fondement dans les Lumières et l'Encyclopédie. L'on aurait bien du mal à exclure de la mémoire nationale toutes les personnalités illustres, françaises et autres, qui l'ont professé. Dont, en effet, Charles Maurras qui louait Voltaire de participer du « génie antisémitique de l’Occident ». Ce génie était de résistance intellectuelle et politique. Il n'était pas exterminateur. L'évidence est que les événements du XXe siècle ont jeté une tache sans-doute indélébile sur toute forme - même fort différente - d'antisémitisme. Cela est-il une raison pour reconnaître aux communautés juives de France ou d'ailleurs plus de droits d’influence qu’au commun des mortels ? Deux des présidents de la Ve république ne l'ont pas cru et ont parfois été taxés d'antisémitisme : le général De Gaulle, après sa conférence de presse de 1965 et ses considérations à propos d'Israël ; mais aussi François Mitterrand refusant obstinément – et en quels termes ! - de céder aux pressions des organisations juives de France, qu’il trouvait tout à fait excessives, pour qu’il présente les excuses de la France à propos de la déportation des Juifs sous l'Occupation (7). Ce que feront ses successeurs …

    LE SOUTIEN A VICHY

    Dernier des grands reproches adressés à Maurras : son soutien à Vichy. Nous n'avons pas l'intention de traiter longuement de ce sujet. Est-il encore pertinent ? Vichy est sans postérité. Il ne laisse ni héritage ni héritiers et n'est qu'un épisode tragique de notre histoire, conséquence incise du plus grand désastre national que la France moderne ait connu et qui aurait pu la tuer.

    Il est absurde de définir Maurras comme « pétainiste ». Il était royaliste et contre-révolutionnaire. Qu'il ait pratiqué l'Union Sacrée en 1914-1918 ne le faisait pas républicain. Pas plus que son soutien au vieux maréchal ne fera de lui un pétainiste. Maurras ne fut pas davantage un « collabo » ; il détestait les Allemands qui le traitèrent en ennemi. Il refusa d’approuver la politique de collaboration. Il fut la cible des plus violentes attaques de la presse collaborationniste de Paris. 

    Entre la politique de Vichy - analogue à celle de la

  • Nouvelle « affaire Maurras » : Pour en finir avec le temps où les Français ne s'aimaient pas ...

    D'illustres admirateurs et quelques grands amis ...

     

    Publié le 23 février 2018 - Réactualisé le 23 mars 2018

    En deux mots.jpgIl y a cent-cinquante ans - un siècle et demi ! - que Maurras est né à Martigues, en Provence [1868] « au bord des eaux de lumière fleuries » [1|

    Il y a plus d'un siècle qu'il a inauguré son royalisme militant en publiant son Enquête sur la monarchie (1900). Et il y a presque 70 ans - une vie d'homme - qu'il est mort à Saint-Symphorien les Tours [1952]. Mais les passions qu'il a si souvent suscitées de son vivant - qu'elles fussent d'admiration ou de détestation, l'une et l'autre souvent extrêmes - ne semblent pas s'être émoussées avec le temps. Prêtes toujours à s'élancer. Comme pour attester une forme paradoxale et performative de présence de sa pensée et de son action.

    On sait que la décision d'exclusion du ministre de la Culture, Mme Nyssen, a fini par susciter une vague d'indignations assez générale qui s'est retournée contre son auteur. Mme Nyssen ne savait pas ou avait oublié que depuis notre Gaule ancestrale ou le lointain Moyen-Âge, énorme et délicat, les Français détestent les interdictions. Et les Hauts Comités les démentis du Pouvoir.

    Mais cette réprobation n'empêche pas à propos de Maurras l'inévitable mention, dogmatiquement prononcée, des « zones d’ombre ». Expression d'une notable imprécision, lourde de mystérieux et inquiétants sous-entendus et le plus souvent inexpliquée ... À propos de Maurras, on réprouve l'interdit - en bref, on veut benoîtement la liberté d'expression - mais on accuse le fond. 

    « Zones d’ombre » est porteur d'opprobre. De quoi s'agit-il ? Qu'a donc fait ce Maurras qu'admiraient Proust, Péguy, Malraux et le général De Gaulle ; qui fut l'ami de Bainville et de Daniel Halévy, de Bernanos et de Joseph Kessel, de Barrès et d'Anatole France, d'Apollinaire et de Thibon, de Gaxotte et de Boutang ? Qui fut académicien français. Que consultait Poincaré au cœur de la Grande Guerre, que citait Pompidou dans une conférence demeurée célèbre à Science-Po Paris. « Zones d'ombre » ? Fût-ce brièvement, il nous faut bien tenter de dire le fond des choses, de quitter l'allusion sans courage et sans nuances.

    Quatre grands reproches sont faits à Maurras : son antirépublicanisme, son nationalisme, son antisémitisme et son soutien à Vichy. 

    LA CONTRE-REVOLUTION

    Le premier - le plus fondamental - est d'avoir été un penseur contre-révolutionnaire ; d’être le maître incontesté de la Contre-Révolution au XXe siècle ; d'avoir combattu la République et la démocratie, du moins sous sa forme révolutionnaire à la française ; enfin d'être royaliste. Options infamantes ? En France, oui. Mais en France seulement. Et pour la doxa dominante. La Révolution ni la République n'aiment qu'on rappelle leurs propres zones d'ombre. Leurs origines sanglantes, la Terreur, la rupture jamais cicatrisée avec notre passé monarchique, avec l'ancienne France, qu'elles ont imposée. « Soleil cou coupé » ... écrira Apollinaire (2). Et, à la suite, à travers de terribles épreuves et quelques drames, toute l'histoire d'un long déclin français, d'un inexorable affaissement de notre civilisation, que Zemmour a qualifié de suicide et dont nous-mêmes, aujourd'hui, vivons encore l'actualité. Faut-il rappeler qu'au début des années soixante (1960), De Gaulle, monarchiste, avait envisagé que le Comte de Paris lui succède ? Que François Mitterrand dans sa jeunesse était monarchiste et que, comme en atteste, plus tard, sa relation constante avec le comte de Paris, il l'était sans-doute resté ? Quant à l'actuel président de le Réplique, on connaît ses déclarations sur le roi qui manque à la France ... Sur sa conviction que les Français n'ont pas voulu la mort de Louis XVI, la mort du roi ... (3) Faut-il reprocher à De Gaulle, Mitterrand ou Macron telle « zone d’ombre » ? Comme à Maurras ? Ce dernier voulut simplement, à la différence de ces derniers grands-hommes, que ce qu'il savait nécessaire pour la France devînt réalité. Il y consacra sa vie et y sacrifia sa liberté. 

    LE NATIONALISME

    Le nationalisme, autre « zone d’ombre » ? Être nationaliste, un motif d'opprobre, de rejet moral ? Non, s'il s'agit d'un nationalisme quelconque à travers le monde. Oui - pour la bien-pensance - s'il s'agit du nationalisme français. Maurras l'avait défini comme « une douloureuse obligation » dont la cause et le contexte sont historiques, bien plus qu’idéologiques : l'humiliante défaite de 1870 et l'affrontement franco-allemand qui ne cessera jamais vraiment entre 1870 et 1945. « Douloureuse obligation » créée aussi par l'absence de roi, laissant la France aux mains, pour ne pas dire à la merci, d'un régime faible divisé et imprévoyant, qui la plaçait en situation d'infériorité face à l'Allemagne impériale. Plus tard, face à l'Allemagne nazie. Au cours de chacune des deux avant-guerres, Maurras avait vécu dans l'angoisse de l'impréparation où nous maintenait l'État républicain, laquelle devait rendre la guerre à la fois inévitable et terriblement meurtrière. Avant 1914, il avait eu la vision tragique de ce qui se préparait : « Au bas mot, en termes concrets, 500 000 jeunes français couchés froids et sanglants sur leur terre mal défendue » (4). On sait ce qu'il en fut, qui fut bien pis. Entre 1935 et 1939, l'on eut la reproduction du même scénario. La trahison de Blum refusant d'armer la France face au nazisme en même temps qu'il menait une politique étrangère belliciste irresponsable, les agissements du Parti Communiste, aux ordres de Moscou, comme Blum l'était de la IIème Internationale, allaient rendre le futur conflit mondial inévitable. « Pourquoi faut-il de tels retours ? « écrira alors Maurras. Dans la douleur, nous dit Boutang. On sait qu'il vécut cette période dans la certitude de la guerre et de la guerre perdue. Le « miracle de la Marne » qui avait sauvé la France en 1914, ne se renouvellerait pas ... Tel fut, au-delà du simple patriotisme, le nationalisme maurrassien. Nationalisme non de conquête ou d'expansion mais de défense d'un pays menacé. Menacé de l'extérieur et de l'intérieur, car le danger allemand n'était pas le seul qui pesât sur la France. Son désarmement mental, social, politique et culturel, ses divisions, étaient à l'œuvre comme elles peuvent l'être encore aujourd'hui pour diverses raisons supplémentaires dont certaines - comme l'invasion migratoire ou le mondialisme - que Maurras n'eut pas à connaître. Elles justifient, elles aussi, la persistance de la « douloureuse obligation » d’un nationalisme français.

    L'ANTISEMITISME

    L'antisémitisme est un autre des grands griefs faits à Maurras. Il n'est pas un thème central dans son œuvre et dans sa pensée - comme il le fut pour Edouard Drumont dont l'influence avait été considérable à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. C'est pourtant à l'antisémitisme que l'on réduit souvent Maurras dans les débats d'aujourd'hui. 

    Une évidence s'impose ici : on ne comprendra rien à l'antisémitisme de Maurras, celui de son temps, très répandu en tous milieux, si, par paresse d'esprit ou inculture, l'on se contente de le considérer et de le juger avec des yeux qui ont vu, des mémoires qui savent, ce que vécurent les Juifs d'Europe entre 1930 et 1945, ce qu'était devenu l'antisémitisme en une époque barbare.  Dans la jeunesse de Charles Maurras et encore longtemps après, l'antisémitisme fut une opposition politique, culturelle et si l'on veut philosophique à l'influence excessive que leur communautarisme natif - singulièrement apte à « coloniser » - conférait aux Juifs de France. À propos de cet antisémitisme politique de Maurras, Éric Zemmour propose une comparaison tirée de l'Histoire : « Son antisémitisme était un antisémitisme d'État, qui reprochait aux Juifs un pouvoir excessif en tant que groupe constitué, à la manière de Richelieu luttant contre « l'État dans l'État » huguenot. » (5) Avant la seconde guerre mondiale, il n'y avait pas là motif à rupture personnelle ou sociale, ni même un motif d'inimitié. Le jeune Maurras est lié à Anatole France. Il fréquente le salon de l'égérie de France, Madame Arman de Cavaillet, née Lippmann ; il est l'ami de Marcel Proust, plus qu'à demi Juif (sa mère est née Weil). Ils resteront amis, quoique Proust ait été dreyfusard, jusqu'à la mort de l'auteur de la Recherche. Proust l'a écrit, aussi bien que son admiration pour Maurras, Bainville et Daudet.  On se souvient que Léon Daudet, disciple de Drumont bien davantage que Maurras ne le sera jamais, fit obtenir à Proust le prix Goncourt pour A l'ombre des jeunes-filles en fleur, en 1919 ... L'un des plus vifs admirateurs de Charles Maurras et son ami jusqu'à sa mort après la Seconde Guerre mondiale (1962, dix ans après Maurras), sera l'un des Juifs les plus éminents du XXe siècle, Daniel Halévy, dont, pour la petite histoire, mais pas tout à fait, la fille épousera Louis Joxe, résistant, ministre du général De Gaulle, et père de Pierre Joxe. De Daniel Halévy, l’auteur d’Essai sur l'accélération de l'Histoire, Jean Guitton écrira : « Il avait un culte pour Charles Maurras qui était pour lui le type de l'athlète portant le poids d'un univers en décadence. » (6)

    L'antisémitisme politique de Maurras, au temps de sa pleine gloire, ne le sépara pas des grandes amitiés que nous avons citées et de l'admiration que lui portèrent, de Malraux à Bernanos, les plus illustres personnalités de son temps. Maurras eut-il le tort de ne pas comprendre que la persécution des Juifs au temps du nazisme rendait toute manifestation d'antisémitisme contestable ou même fautive ? Impardonnable ? On peut le penser, comme Éric Zemmour. C'est ignorer toutefois deux points essentiels : 1. ce que souffrirent les Juifs lors du conflit mondial ne fut vraiment connu dans toute son ampleur qu'après-guerre, 2. Peut-être est-il triste ou cruel de le rappeler mais le sort des Juifs ne fut pas le souci principal ni même accessoire, des alliés pendant la guerre.  Ni Staline, lui-même antisémite, ni Roosevelt, ni Churchill, ni De Gaulle, ne s'en préoccupèrent vraiment et n'engagèrent d'action pour leur venir en aide, nonobstant leurs appels au secours.  Le souci premier de Charles Maurras était la survie de la France et son avenir. S’il s’en prit nommément à des personnalités juives bien déterminées pendant l’Occupation (comme à nombre d'autres), c’est qu’elles lui semblaient conduire des actions selon lui dangereuses et contraires aux intérêts de la France en guerre. 

    L'antisémitisme moderne, sans remonter à ses sources chrétiennes, pourtant réelles, trouve de fait son origine et son fondement dans les Lumières et l'Encyclopédie. L'on aurait bien du mal à exclure de la mémoire nationale toutes les personnalités illustres, françaises et autres, qui l'ont professé. Dont, en effet, Charles Maurras qui louait Voltaire de participer du « génie antisémitique de l’Occident ». Ce génie était de résistance intellectuelle et politique. Il n'était pas exterminateur. L'évidence est que les événements du XXe siècle ont jeté une tache sans-doute indélébile sur toute forme - même fort différente - d'antisémitisme. Cela est-il une raison pour reconnaître aux communautés juives de France ou d'ailleurs plus de droits d’influence qu’au commun des mortels ? Deux des présidents de la Ve république ne l'ont pas cru et ont parfois été taxés d'antisémitisme : le général De Gaulle, après sa conférence de presse de 1965 et ses considérations à propos d'Israël ; mais aussi François Mitterrand refusant obstinément – et en quels termes ! - de céder aux pressions des organisations juives de France, qu’il trouvait tout à fait excessives, pour qu’il présente les excuses de la France à propos de la déportation des Juifs sous l'Occupation (7). Ce que feront ses successeurs …

    LE SOUTIEN A VICHY

    Dernier des grands reproches adressés à Maurras : son soutien à Vichy. Nous n'avons pas l'intention de traiter longuement de ce sujet. Est-il encore pertinent ? Vichy est sans postérité. Il ne laisse ni héritage ni héritiers et n'est qu'un épisode tragique de notre histoire, conséquence incise du plus grand désastre national que la France moderne ait connu et qui aurait pu la tuer.

    Il est absurde de définir Maurras comme « pétainiste ». Il était royaliste et contre-révolutionnaire. Qu'il ait pratiqué l'Union Sacrée en 1914-1918 ne le faisait pas républicain. Pas plus que son soutien au vieux maréchal ne fera de lui un pétainiste. Maurras ne fut pas davantage un « collabo » ; il détestait les Allemands qui le traitèrent en ennemi. Il refusa d’approuver la politique de collaboration. Il fut la cible des plus violentes attaques de la presse collaborationniste de Paris. 

    Entre la politique de Vichy - analogue à celle de la Prusse après Iéna ou de l'Allemagne de Weimar après l'autre guerre (finasser à la manière de Stresemann) <