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  • L’islam : Une idéologie religieuse ?, par Annie Laurent.

    Comme elle nous l'avait annoncé, Annie Laurent nous envoie la suite de l'article qu'elle nous avait fait parvenir le Jeudi 1er Octobre :

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2020/09/30/annie-laurent-6266882.html

     

    I – DÉFINITION ISLAMIQUE DE LA RELIGION

      Pour désigner la religion, les musulmans utilisent le terme arabe dîn. Or, selon le chercheur d’origine iranienne Mohamed Ali Amir-Moezzi (École pratique des hautes études, Paris), l’équivalence entre les deux mots n’est pas immédiate car « ils appartiennent à des histoires culturelles différentes » et ont eu « des évolutions sémantiques propres ».

    9.jpgDans le Coran, dîn, mentionné à quatre-vingt-douze reprises, revêt trois réalités distinctes qui correspondent à trois périodes spécifiques du déroulement de la « descente » du Livre. Ainsi, dîn a d’abord signifié « jugement » et « rétribution », puis « dette » ou « créance » de l’homme envers Dieu, et enfin la communauté qui se soumet à l’unique et permanente religion (la croyance en l’unicité divine) et aux lois divines (Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, 2007, p. 740-741).

     Une religion englobante

    L’universitaire israélien Elie Barnavi en déduit qu’à l’instar du judaïsme, l’islam ne conçoit pas « la religion comme un domaine distinct des autres formes d’activité sociale car tous les deux constituent des systèmes totaux, façonnés dès l’origine par une relation particulière au sacré ». Il en tire ces remarques : « Ici [dans l’islam], pas d’Etat qui précède la “religion” comme dans le christianisme, mais une “religion” qui invente l’Etat pour en faire sa chose, qui se confond avec lui » ; « Ici, pas de partage entre deux “royaumes”, entre Dieu et César, entre la cité de Dieu et celle des hommes. D’emblée, Mahomet est prophète et chef de guerre, fondateur de religion et législateur, dirigeant d’une communauté de croyants (Oumma) qui est en même temps le premier Etat musulman. D’emblée, religion et empire ne font qu’un » (Les religions meurtrières, Flammarion, coll. Champs actuel, 2006, p. 25 et 99).

    Cette confusion des genres justifie la définition proposée par le Père Henri Boulad, jésuite égyptien : « L’islam est un tout ». Depuis le début, « il se veut à la fois religion, Etat et société […]. Dans l’islam se mêlent indissolublement le sacré et le profane, le spirituel et le temporel, le religieux et le civil, le public et le privé ». Et, ajoute-t-il, « le gros problème, c’est que l’islam n’est pas qu’une religion : c’est un système global, globalisant ; total, totalisant, apte à devenir totalitaire » (Christophe Geffroy et Annie Laurent, L’islam, un danger pour l’Europe ?, Ed. La Nef, 2009, p. 78-79). On pourrait parler de consubstantialité entre religion et idéologie.

    « Un communisme avec Dieu »

    Ce système comporte en effet une particularité essentielle. Contrairement aux idéologies athées, l’islam mobilise la vertu de religion (sur ce point, cf. PFV n° 74). Ce qui a inspiré à l’orientaliste Maxime Rodinson, auteur d’une biographie de Mahomet (Ed. du Seuil, 1961) et de La fascination de l’islam (La Découverte, 1989), et lui-même marxiste, cette définition : « L’islam est un communisme avec Dieu ».

    Autrement dit, écrit-il encore : « Il y a [dans l’islam] une similarité avec une idéologie politique laïque comme le communisme, pour laquelle l’application intégrale des recettes formulées par le fondateur doit mener à une société harmonieuse, sans exploitation ni oppression. Par contre, il n’y a pas d’idéologie similaire dans le christianisme : les intégristes chrétiens pensent que l’application intégrale des préceptes du Christ rendrait le monde bon et gentil, mais elle ne changerait pas forcément la structure de la société » (« Sur l’intégrisme islamique », Revue Mouvements, 2004/6 – n° 36, p. 72-76).

    Dans un livre récent sur le salafisme (forme radicale de l’islam), Eric Delbecque, expert en sécurité intérieure, met en garde contre toute confusion entre les diverses formes de totalitarisme qui jalonnent l’Histoire. « L’islamisme n’est pas le fils spirituel du soviétisme agonisant : tout au contraire, il incarne une relève idéologique, une option qui transcende capitalisme/communisme. Le djihadisme n’a pas davantage de parenté avec les groupes gauchistes terroristes des années 1960, 1970 ou 1980. […] Inutile aussi de chercher derrière les “cavaliers sous la bannière du Prophète” des “Etats voyous”, l’Afghanistan des talibans, l’Irak et l’Iran qui joueraient le rôle de “l’axe du mal”, quasiment jumeau de l’“Axe” de 1940 (Allemagne, Italie, Japon) ». Pour cet auteur, « la continuité du mal, du nazisme au djihadisme, d’Hitler à Saddam Hussein en passant par Staline », observable dans la culture politique américaine, relève d’un fantasme (Les Silencieux, Plon, 2020, p. 209-210).

    NB : par « Silencieux », l’auteur désigne le salafisme qui, dans sa version quiétiste représentée par le Tabligh, propage à bas bruit les idées islamistes.

     

    II – TOTALITÉ ET UNIVERSALITÉ  

    La double dimension – religieuse et idéologique – conduit l’islam à se considérer comme « un messianisme triomphant pour ce monde et pour l’autre » (Jacques Jomier, Dieu et l’homme dans le Coran, Cerf, 1996, p. 193). Il s’agit de gagner sur terre (le butin, la victoire, la domination du monde, etc.) et dans l’Au-delà (le paradis, envisagé comme réalité dans le prolongement immédiat de l’ici-bas, donc dépourvu de toute perspective surnaturelle). Le Coran garantit d’ailleurs aux musulmans la victoire dès ici-bas.

    • C’est nous [les musulmans] en vérité, qui hériterons de la terre et de tous ceux qui s’y trouvent (19, 40).
    • C’est Lui [Allah] qui a envoyé son Prophète avec la Direction et la Religion vraie pour la faire prévaloir sur toute autre religion, en dépit des polythéistes (9, 33).
    • Ô vous qui croyez : si vous aidez Allah, Il vous secourra et il affermira vos pas (47, 4).

    Quand État et religion ne font qu’un

    Pour cela, la confusion entre la religion et le pouvoir politique est inévitable, ce qui explique l’absence du concept de laïcité, voire son rejet. De là résulte la confessionnalité qui caractérise l’organisation de l’État, quel que soit son régime, dans les pays dont la population est majoritairement musulmane. (Sur ce sujet, cf. A. Laurent, Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ?, Salvator, 2017, p. 97-110).

    Razika Adnani, philosophe et islamologue française d’origine algérienne, propose une explication pertinente de l’expression « l’islam est la religion de l’État », qui peut revêtir « deux sens différents mais très complémentaires ».

    • « L’islam appartient à l’État. Celui-ci veille sur son organisation et intervient dans son champ comme une de ses institutions ».
    • « L’État appartient à l’islam ». Cela signifie « que l’État respecte dans son fonctionnement les recommandations de l’islam».

    R.Adnani en présente des traductions concrètes.

    « L’État qui fait de l’islam une de ses institutions et intervient dans son champ le transforme en politique. Les imams devenant des fonctionnaires de l’État reçoivent leurs ordres de celui-ci. Ils n’expriment pas sincèrement et librement ce qu’ils pensent au sujet de la religion mais ce qui correspond aux exigences de l’Etat ».

    « Quant à ceux ayant des ambitions politiques, ils affichent une appartenance à l’islam quand bien même ils n’ont aucune foi et cela uniquement pour réaliser leurs objectifs. D’autres le font pour ne pas être accusés de désobéissance à l’État, étant donné que sortir de la religion officielle de l’État ou en avoir une autre, ou même avoir un avis différent au sujet de la religion, peut être considéré comme s’opposer à l’État. Ainsi, la foi qui devrait être une conviction personnelle devient pour beaucoup un calcul politique, une obligation sociale et même une hypocrisie ».

    L’auteur développe ensuite les conséquences sociales résultant de ces conceptions. « Un État déclarant appartenir à une religion particulière prend parti en faveur d’une religion, celle de l’État. Les individus n’ont par conséquent pas tous les mêmes chances d’exprimer et de vivre leurs convictions religieuses ou non religieuses. La religion de l’État, qui est celle d’une partie de la population, est promue et imposée à toute la population […]. En s’occupant de la vie religieuse des individus, ce qui ne relève pas de sa responsabilité, l’État disperse ses efforts mais aussi institue des inégalités, comme celles entre les hommes et les femmes, et de ce fait accepte des injustices alors qu’il est censé les combattre […]. La Constitution qui protège une religion ne peut garantir la liberté de conscience. Bien au contraire, elle donne à l’État et à la société un cadre juridique pour la piétiner ».

    https://algeriecultures.com/actualite-culturelle/lislam-est-la-religion-de-letat-nest-benefique-ni-pour-letat-ni-pour-lislam/.

    Tout cela montre que l’État et ses ressortissants sont otages de l’islam.

    Islam et islamisme

    Il est dès lors impossible d’opérer une distinction, voire une séparation, entre islam et islamisme, comme l’habitude s’en est répandue depuis plus d’un demi-siècle. Jusque-là, le mot « islamisme » servait à désigner la religion et la civilisation islamique confondues.

    Selon la conception actuelle, le premier terme s’appliquerait à la dimension seulement religieuse de l’islam, tandis que le second viserait sa dimension exclusivement idéologique. Mais cette position ne rend pas compte de la réalité puisque ceux qui s’efforcent d’appliquer un programme conforme à la doctrine classique, fondée sur le Coran et la Sunna (Tradition mahométane), ne cessent d’invoquer Allah et de manifester publiquement leur piété. En fait, ils n’opèrent pas cette distinction dès lors qu’il s’agit pour eux de réaliser l’idéal islamique dans sa plénitude.

    Si par respect pour les personnes, il ne convient pas d’enfermer indistinctement l’ensemble des musulmans dans l’idéologie inhérente à leur religion, la lucidité impose de reconnaître le lien originel et structurel qui unit les deux dimensions. La définition proposée par le Père Boulad est ainsi parfaitement recevable : « L’islamisme, c’est l’islam dans toute sa logique et sa rigueur. Il est présent dans l’islam comme le poussin dans l’œuf, comme le fruit dans la fleur, comme l’arbre dans la graine ».

    Entre islam et islamisme, il y a donc une différence de degré mais pas de nature. Sur ce sujet, cf. A. Laurent, L’islam pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore), éd. Artège, 2017, p. 53 à 70.

    Trois exemples contemporains l’attestent : en 1979, Khomeyni institue la République islamique d’Iran ; en 1982, au Liban le Hezbollah se définit comme le Parti de la Résistance islamique ; en 2014, le califat autoproclamé en Irak et en Syrie prend le nom d’État islamique (Daech).

    L’islamisme contre la République ?

    L’islam ne privilégie aucune forme de régime politique et adopte les concepts d’État, de république ou de monarchie, sans accepter pour autant leur alignement sur les principes laïques. Ainsi, le Royaume d’Arabie-Séoudite s’est bâti sur le wahabisme, l’une des expressions les plus radicalement islamistes prévalant au sein de l’Oumma.

    Dans le discours contre le « séparatisme islamiste » qu’il a prononcé le 2 octobre 2020 aux Mureaux (Yvelines) pour appeler les musulmans de France à un « réveil républicain », le président Emmanuel Macron a déclaré : « Wahabisme, salafisme, Frères musulmans, beaucoup de ces formes étaient au début d’ailleurs pacifiques pour certaines. Elles ont progressivement dégénéré dans leur expression. Elles se sont elles-mêmes radicalisées ».

    Il n’est pourtant pas possible de dissocier ces idéologies de leurs enracinements et motivations religieux. « On saisit l’urgence de les comprendre dans leur lien avec une dynamique religieuse fondamentaliste », écrit E. Delbecque, regrettant que « l’intelligentsia française ne prenne pas la religion au sérieux » (op. cit., p. 78).

    Ce que l’islamisme refuse (et plus largement l’islam) ce n’est pas tel ou tel type de régime. Pour ce qui est de la République française, il en récuse le contenu sécularisé, autrement dit l’absence de toute référence à une Transcendance et à une Loi divine.

    Mais, par souci d’éviter tout amalgame, « on a prétendu que l’islamisme n’avait “rien à voir” avec l’islam […]. Le djihadisme s’abreuve pourtant de religion, conçue comme “manière d’être au monde, foi intime, croyance partagée”. Nous refusons de le voir. Pourquoi ? Par aveuglement persistant, refus obstiné d’admettre intellectuellement la croyance religieuse comme une “causalité spécifique”, et donc comme une puissance politique. La violence devrait nécessairement dériver de frustrations socio-économiques, éventuellement psychologiques, mais la foi, personne n’y croit » (Delbecque, op. cit., p. 79).

    POUR CONCLURE

    Il semble évident que la dimension religieuse, inscrite dans l’homme et revendiquée explicitement par l’islam, avec tout ce que cela comporte concernant la vie de l’âme et surtout les perspectives eschatologiques, lui confère une force spirituelle et une grande puissance d’attraction que n’ont pas les idéologies athées ou agnostiques (marxisme, nazisme, maoïsme, laïcisme) à cause de l’aliénation radicale de l’être humain qu’elles supposent.

    Dès lors, l’aliénation inhérente à l’islam n’est-elle pas plus grave encore ?   

     

    Annie Laurent

    Déléguée générale de CLARIFIER

  • Vive le Roi : interview avec l'Action française, par Ciaran Brennan.

    Un aliment de base de la droite française depuis sa genèse en 1899 Action française est (AF) un groupe nationaliste largement dirigé par des étudiants, connu pour son activisme de jeunesse bruyant et ses amarres philosophiques. Souvent décrit comme un taon par le Rassemblement National (RN) de Le Pen, il a gagné une place respectée au sein de la société française inhabituelle pour les groupes de droite ailleurs. À l'occasion de l'anniversaire du martyre du roi Louis XVI, nous nous sommes entretenus avec Francis Venciton, sous-secrétaire général du groupe, pour discuter de l'activisme, des leçons apprises, ainsi que des perspectives du nationalisme français à l'aube d'une nouvelle décennie.

    19.jpgPour certains lisant cette interview, AF peut sembler être un nom un peu archaïque des livres d'histoire, et qui a connu son apogée à l'époque de Maurras et du régime de Vichy, comment répondriez-vous à ces critiques?

    En politique, les aspects du fauteuil ne doivent pas être vilipendés. Jusqu'à l'année dernière, beaucoup de gens expliquaient que les frontières étaient un archaïsme inutile, avec la pandémie, ils se rendaient compte que les frontières étaient comme des peaux. Une protection très importante contre les dangers étrangers. Et si vous suivez ce genre de logique, nous ne sommes autorisés à parler du Congo à son apogée qu'au XVe siècle, ce qui est un peu court. 

    Non, il y a plein de bonnes raisons de parler de AF et pas seulement de parler du passé. Fondamentalement, l'Action française est toujours en place et fonctionne, nous sommes toujours le mouvement royaliste le plus important en France, et une école intellectuelle respectée pour le domaine conservateur. 

    Un trotskyste radical de gauche, Edwyn Plenel, directeur de Mediapart, a déclaré que l'AF est le «talentueux laboratoire de la réaction». L'actuel ministre de la Sécurité {Gérald Darmanin} est un ancien journaliste d'un magazine AF. 

    Donc, parler d'AF n'est pas une sorte de sottise, et je saute l'héritage intellectuel du mouvement, de nombreux présidents étant conscients des pensées de Maurras ou étant eux-mêmes d'anciens Maurrassiens. Même chose pour beaucoup à l'Académie française ou pour les écrivains, philosophes et historiens.

    Au centre de AF se trouvent la figure et la philosophie de Charles Maurras, un penseur malheureusement presque inconnu dans le monde anglophone en raison du manque de traduction, brièvement quels sont les principes fondamentaux du maurrassisme et en quoi cela différerait de l'exemple des écoles plus familières. de la pensée catholique comme le distributisme?

    Contrairement à ce que disent des journalistes anglais ignorants, Maurras n'est pas le fondateur d'AF. Mais c'est lui qui a créé une doctrine nationaliste cohérente et qui a converti le fondateur original d'AF au royalisme. 

    Les deux fondateurs du mouvement, Henri Vaugeois et Maurice Pujo, étaient tous deux à l'origine républicains patriotes. Maurras leur a donné la clé de l'alternative politique: le nationalisme intégral (intégralisme national)

    Comme attendu d'un mouvement appelé Action française, Maurras n'a montré aucun intérêt à traduire son propre travail en anglais. Un fait amusant est que durant sa vie, sa poésie a été plus souvent traduite que ses œuvres politiques ou journalistiques (qui représentaient la plupart de ses écrits). Et c'était bien dommage, car TS Eliot dans une revue pour Criterion était proche d'être un Maurrassien comme Hilaire de Belloc, TE Hulme et Chesterton étaient également tous deux lecteurs de la publication Action française.

    Lorsque Chesterton a lancé sa Ligue des distributeurs, il a tenté d'imiter l'Action française. En Irlande, Denys Gwyn a participé aux travaux de Maurras. Nous avons donc de brillantes racines Maurrassiennes dans le monde anglophone et sommes plutôt proches des catholiques anglais, des Canadiens et des Irlandais plutôt que des types John Bull.

    Cependant, nous travaillons actuellement sur une version anglaise du texte le plus célèbre de Maurras intitulé Mes idées politiques. Nous pensons modestement que la question du nationalisme dans le monde intellectuel anglais, par exemple avec la polémique autour du livre de Hazony «Les vertus du nationalisme», pourrait être élargie par les travaux de Maurras. On peut concevoir le nationalisme sans suivre l'alt-right ou le vieux livre de jeu libéral conservateur.

    Répondre au cœur de la pensée de Maurras est une question très difficile, car vous avez de nombreuses façons d'entrer dans Maurras. Mais je pense que la meilleure façon de comprendre la recherche Maurras est de commencer par la décentralisation. Maurras aimait le système politique d'une nation pleine de liberté débridée, qui en France est du royalisme mais pourrait être une république pour la Suisse ou l'Irlande. 

    Il est important de trouver un système politique adapté à l'histoire du pays et à ses institutions sociales. Nous pouvons voir le résultat de la poussée du système démocratique libéral au Moyen-Orient. Nous perdons des milliers de millions d'euros et de nombreuses vies pour de faux régimes, qui ne servent pas le bien-être commun et n'accordent qu'un crédit et une illusion aux libéraux. Les nations de l'Occident ont répandu la guerre pour l'intérêt économique et pour l'éblouissement politique. Nous devrions plus souvent être sidérés par cela. 

    Mais ce genre de nation pleine de liberté débridée pourrait travailler en France avec «l'autorité au sommet et la liberté du bas». La nation française a besoin de «Anarchie + 1» au lieu de «Anarchie au Royaume-Uni». Le royalisme français en France est un régime politique de liberté et d'unité. 

    Il est évident pour de nombreux analystes que Maurras partage beaucoup avec le distributisme. Dans les années vingt, Maurras rencontre Hilaire Belloc par l'intermédiaire de leur ami commun Yvon Eccles. Et au fond, ils ont beaucoup en commun: ils ont reconnu la majesté de l'Église catholique, ils se sont opposés à l'opposition entre l'État et les individus et pour suivre la voie d'une troisième voie, ils sont très intéressés par le corporatisme, ils sont des critiques de la sainte démocratie et ils sont anti-modernistes. 

    Mais, ils ont quelques points de divergence: Belloc, un catholique était un vrai croyant et Maurras est resté toute sa vie sous le porche de la foi en attendant d'entendre l'Être. (Maurras était sourd et ses derniers mots étaient "Je crois avoir entendu quelqu'un venir"

    Belloc a plus de sympathie pour la Révolution française que Maurras en raison du contexte différent. Et pour être honnête, Belloc a un doute sur la monarchie. Mais ce sont de petites différences. Ils s'accordent tous les deux sur l'importance de critiquer la modernité, pour montrer comment l'homme du XXe siècle est une sorte de barbare. 

    Comme beaucoup d'étudiants français, la droite AF s'est fait un nom par son agitprop ainsi que par son activisme comme l'occupation des immeubles du Groupe Latécoère suite à leur rachat américain. Quels types d'activisme les sections de votre organisation mèneraient-elles?

    Je ne suis pas d'accord avec vous. La plupart de la droite étudiante française est beaucoup plus impliquée dans les élections, les syndicats, la politique française, etc. que l'agitprop. Pour la plupart des étudiants de droite français, l'agitprop est pour les gauchistes.

    Agitprop est un élément essentiel de la AF. A partir de sa genèse, les étudiants de l'AF ont mené des agitpropres concernant l' affaire Thalamas . En 1904, Amédée Thalamas était un professeur d'histoire qui déclara sainte Jeanne d'Arc une fraude avec une brutalité inutile. 

    Après le scandale, il a été protégé et nommé professeur d'université. L'Action française a perturbé toutes ses classes pendant trois mois. Amédée Thalamas a fini par se faire gifler par Maurice Pujo puis même fesser. L'auteur Georges Bernanos et d'autres futurs sommités ont également participé à cette agitation.

    Fondamentalement, nous considérons qu'il n'y a pas d'action sans instruction et pas d'instruction sans action. Maurras a dit que nous devrions être à la fois intellectuels et actifs. Nous voulons former un homme d'action élevé d'esprit. Henri Lagrande, l'un des premiers jeunes militants de l'AF, a déclaré que nous avons «un bâton dans une main et un livre de Maurras dans la poche». 

    Maintenant, nous avons encore l'habitude de faire de l'agitprop comme l'action contre la prise de contrôle américaine de Latécoère ou le 20 novembre, lors du lock-out, nous brandissons une banderole contre les terroristes islamiques et le laxisme républicain. 

    En 2019, nous avons détourné une marche pro-UE avec une bannière Frexit et des pièces pyrotechniques. La section toulousaine d'AF a été mise en vedette dans les médias pour avoir accroché une marionnette Marianne (une icône de la République française) au-dessus d'un pont. 

    Sur le plan politique, nous sommes une partie importante des Gilets jaunes, un mouvement populaire pour la justice économique et une vraie démocratie (démocratie locale et directe) pour une partie de la population qui a été trop longtemps laissée de côté et qui a l'impression de ne pas l'être. entendu par leur gouvernement en exemple, en 2005 le référendum français sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe a eu lieu, malgré le vote d'une majorité de Français contre, la constitution a été adoptée.

    Sur le plan sociétal, nous étions en 2013 en première ligne lors des manifestations de La Manif Pour Tous contre les lois sociétales qui changeraient profondément l'anthropologie classique (mariage homosexuel, adoption d'enfants pour les couples homosexuels, MAP, maternité de substitution, etc.). 

    Nous sommes évidemment très actifs dans les universités et souhaitons lutter contre l'idéologie progressiste qui subvertit les universités depuis près de cinquante ans.

    Ces actions sont complétées à l'aide de flyers, d'articles, de communiqués de presse et de conférences. L'activisme est pour nous une extension de la réflexion.

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    Au-delà des cascades, quelles sont les activités organisées par AF à la fois sur les campus et socialement entre les membres?

    Action française est désignée comme un complot à ciel ouvert contre le gouvernement. L'action clé est d'expliquer au peuple français pourquoi la République est si mauvaise et la politique derrière elle si stupide. 

    Vous avez donc deux niveaux : grande explication théorique ou parler directement avec les gens ou colportage de notre propagande (nous avons un magazine nommé «Le Bien Commun») car Action française est interdite comme titre de presse et un journal «L «insurgé» (The Rebel) pour les étudiants avec un ton plus effronté). 

    Autour de ce noyau, nous avons l'agitprop comme expliqué précédemment et 4 événements majeurs en un an : le 21 janvier pour commémorer la mort de Louis XVI. Le deuxième dimanche de mai, nous avons un rassemblement pour la Sainte Jeanne d'Arc. Fondamentalement, Jeanne d'Arc est devenue sainte grâce au travail d'Action française. Les militants de l'AF ont passé plus de 1000 jours en prison pour forcer la République à la reconnaître comme une figure française majeure. 

    Elle est toujours le symbole que la France est un pays en particulier et que nous devrions refuser d'être vendus à l'étranger. Et aussi que les fichus Anglais devraient rester sur leur île sanglante et oublier leurs rêves d'impérialisme. La veille, nous avons des conférences et un grand banquet avec toutes les générations d'AF. 

    Comme le disait Jeanne d'Arc à propos des Anglais: «De l'amour ou de la haine de Dieu pour les Anglais, je ne sais rien, mais je sais qu'ils seront tous expulsés de France, sauf ceux qui y meurent». J'espère qu'il pourra faire de même pour les Anglais en Irlande.

    Le troisième événement important est le camp d'été. Pendant une semaine, les gens assistent à des conférences, des séminaires (comment être graphiste, journaliste ou un bon leader…) et ont un grand dîner avec beaucoup de vin et des chansons folkloriques traditionnelles. 

    Le concept est de créer un esprit d'équipe, d'organiser l'année prochaine et d'enseigner les bases du maurrassisme aux nouveaux. Le dernier grand événement est la commémoration de la fin de la Première Guerre mondiale.C'est un moment très important car lorsque la France a capitulé face à l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Action française a organisé de grands événements pour célébrer la défaite du régime prussien même si les nazis ont désapprouvé . 

    Mais entre ces moments, on peut réagir au jour le jour par exemple, s'opposer à la destruction d'une ancienne église à Lille ou Bordeaux ou célébrer d'autres événements comme le 6 janvier 1934   ou simplement prendre une bière pour un match de rugby. Surtout quand la France écrase les trèfles irlandais. 

    En ce qui concerne la structure d'AF, pourriez-vous entrer dans les détails sur l'organisation, ses différents moyens de propagande et son fonctionnement, en particulier les cercles étudiants pour lesquels elle est célèbre? 

    Une section est essentiellement construite autour de deux piliers: l'action et l'éducation. Notre action hebdomadaire régulière comprend le colportage de rue, la distribution de dépliants, l'organisation d'événements et l'agitprop. Notre formation se construit avec la lecture d'écrivains maurrassiens (Maurras, Bainville, Léon Daudet, Marcel Proust, Georges Ber

  • Eric Zemmour : « Je ne suis pas là pour jouer », par Charlotte d'Ornellas, Geoffroy Lejeune.

    Eric Zemmour. Photo © JOEL SAGET / AFP

    À la veille du lancement de la campagne présidentielle, Éric Zemmour analyse la situation de la France et se confie sur les rumeurs d'une possible candidature. Entretien. 

    Vous commentez chaque jour l’actualité sur CNews. Quels faits ont, selon vous, marqué les douze derniers mois ?
    Je retiens l’assassinat de Samuel Paty, la fabrication du vaccin, ainsi que le conflit au Sahel et l’annonce du départ de la France de ce théâtre d’opérations. Je pense tout d’abord, très sincèrement, qu’il y aura un avant et un après la décapitation de Samuel Paty. J’aurais évidemment pu dire cela après Charlie Hebdo ou le Bataclan, c’est la raison pour laquelle je reste prudent, mais cet événement me semble différent pour au moins deux raisons. D’abord, parce que la victime est un professeur : dans l’imaginaire collectif, et particulièrement dans celui des électeurs de gauche, le professeur est l’incarnation de la République.

    Ensuite, parce que cet assassinat n’était pas le fruit d’une expédition maîtrisée depuis l’étranger par des groupes professionnels. Le terroriste est, cette fois-ci, un Tchétchène qui a grandi en France et qui décide seul de faire appliquer la charia sur le sol français, sans besoin logistique particulier. Ces deux caractéristiques offrent une résonance particulière à cet acte de barbarie, qui succède par ailleurs à l’assassinat du père Hamel, sauvagement égorgé il y a cinq ans, et à celui de Stéphanie Monfermé, la policière de Rambouillet poignardée à la gorge, il y a quelques mois.

    Quant à l’assassinat du prêtre vendéen par ce criminel rwandais qui avait déjà incendié la cathédrale de Nantes, il nous montre à quel point notre humanisme et notre juridisme sont devenus les marques d’une faiblesse qui nous tue.

    Nous ne sommes plus en sécurité nulle part, les Français le ressentent et l’expriment. Un autre exemple terrible qui m’a beaucoup marqué : les médias et nos dirigeants sont restés pour la plupart silencieux à propos du meurtre ignoble du jeune Théo, assassiné par un Sénégalais multirécidiviste. On voit bien que cela ne les arrange pas, le deux poids deux mesures quand on compare au déplacement à l’hôpital de François Hollande pour dénoncer la prétendue violence policière envers cette fois un autre Théo.

    J’évoque ensuite le vaccin parce que, en tant que Français, nous regardons cela avec des sentiments mêlés. Nous pouvons d’abord être admiratifs de la capacité incroyable des scientifiques du monde entier à trouver un vaccin aussi rapidement : ils ont mis quelques mois à le trouver avant les phases de test, alors que nous étions habitués à attendre dix ans ! On peut d’ailleurs émettre certaines réserves, parce que nous l’avons produit sans recul ni expérimentation, mais cela ne retire rien à la prouesse médicale. Et nous sommes également humiliés, parce que la France reste, même si la formule est éculée, le pays de Pasteur et elle est le seul membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu à ne pas avoir produit son vaccin. Je l’ai vécu, je pèse le mot, comme une humiliation. C’est un fait qui marque notre déclassement, déjà signifié au début de l’épidémie par le manque de masques, de tests et de lits. J’avais alors parlé de tiers-mondisation de la France, je maintiens ce constat.

    Enfin, l’opération Barkhane. Emmanuel Macron a annoncé le retrait des troupes et je pense qu’il a bien fait, parce que nous y étions enlisés, à la manière des Américains en Afghanistan. Ce genre d’expédition doit durer quelques jours ou quelques semaines, comme nous l’avions très bien fait dans les années 1970 à Kolwezi. Là, nous nous enlisons, nous nous faisons insulter, nos soldats se font traiter de néocolonialistes… C’est évidemment un scandale, mais c’est la conséquence de ce genre d’interventions militaires et nous ne pouvons accepter cela plus longtemps. Évidemment, nous n’en avons pas fini avec cette zone ni avec les conséquences néfastes de notre intervention en Libye, en 2011. Nous l’avions déjà payée très cher avec l’invasion migratoire de 2015 et continuons à en souffrir parce que la région est durablement déstabilisée.

     

    Que vous inspirent les débats actuels sur la liberté à propos de la vaccination obligatoire et de la mise en place du passe sanitaire ?
    Ce sujet de la liberté arrive bien tardivement dans le débat public. À mes yeux, la plus grande privation de liberté a été le confinement, ce que tous semblent avoir oublié. Je crois qu’on a alors imité un régime communiste totalitaire, la Chine, et que, si elle ne l’avait pas mis en place, personne ne l’aurait osé. Ce mimétisme montre d’ailleurs à quel point la Chine sera le grand pays du XXIe siècle : son influence ressemble en réalité à l’impact qu’ont eu les États-Unis sur l’Europe après la Première Guerre mondiale. Quelques esprits ont compris à l’époque – Paul Morand ou Robert Aron, par exemple – que les Américains seraient la grande puissance du siècle, parce qu’ils avaient la capacité de pénétrer les esprits et d’imposer leur vision du monde. J’espère me tromper, mais je crois que nous vivons la même chose avec la Chine. Les méthodes totalitaires qui nous sont imposées vont désormais être parées des atours du progrès. Je ne crois pas qu’être pisté en permanence par son téléphone, ou par un QR code soit un progrès pour les libertés.

     

    Vivons-nous un recul inédit de nos libertés ?
    Cette question dépasse de loin celle de la vaccination. Je ne veux pas tomber ici dans des discussions folles ni m’opposer catégoriquement à la vaccination, mais je trouve délirant qu’il soit impossible, aujourd’hui en France, de questionner calmement la stratégie de vaccination pour tous. Si les personnes à risque sont vaccinées, je ne comprends toujours pas pourquoi il faudrait vacciner des jeunes Français qui pourraient certes transmettre le virus, mais sans mettre en danger les gens vaccinés ! La question à poser est donc bien celle de la liberté. Mais on doit la mettre en balance avec la recherche de l’intérêt général. On a le droit et même le devoir de questionner cet équilibre instable. Je sais trop les ravages qu’a fait une conception absolutiste de la liberté individuelle depuis les années 1970 pour ne pas être très prudent sur cette question. D’autres n’ont pas cette prudence. On réalise ainsi que le Conseil d’État – comme le Conseil constitutionnel, qui s’est lui aussi proclamé défenseur des libertés individuelles – accepte, dans cette crise, toutes les restrictions possibles. En revanche, et cela m’a frappé, il casse la décision du gouvernement de suspendre le regroupement familial durant cette crise sanitaire. Les libertés individuelles des migrants sont mieux protégées par le juge que celles des Français.

     

    Les gens finissent par penser ce qu’on leur matraque toute la journée : Eric Zemmour serait un raciste misogyne qui déteste les Arabes, les homos, les musulmans ou les femmes.

     

    Au-delà de l’hystérie des débats, c’est la question de la liberté au XXIe siècle qui est posée, et cela va bien au-delà de la crise sanitaire. Notre liberté de penser, d’écrire, de nous exprimer, de débattre est menacée, on l’a vu récemment avec la première tentative de la loi Avia. En l’occurrence, le Conseil constitutionnel avait fait son travail en la censurant, mais l’idée reviendra d’une manière ou d’une autre. Lorsque Twitter, Facebook ou YouTube se permettent de censurer les comptes de ceux dont les opinions ne leur plaisent pas, je pense que la liberté sera le sujet du siècle.

     

    Comment expliquez-vous la docilité des Français dans cette crise, malgré des décisions exceptionnelles ?
    Nous sous-estimons, je le dis souvent sur d’autres sujets, la capacité de la machine de propagande qui est en place aujourd’hui. Je sais que j’ai beaucoup choqué en le disant, mais je le maintiens parce que c’est exactement ce que je pense, Staline était un amateur en termes de propagande, parce qu’il avait besoin de la violence pour contraindre. Nous n’en avons plus besoin et c’est le signe de la supériorité de la machine de propagande actuelle, en termes d’efficacité. C’est vrai pour tous les sujets, et c’est absolument terrifiant.

     

    Votre vie est particulièrement contrainte par vos combats médiatiques : protection policière, paparazzis… Quel est le prix à payer pour être Éric Zemmour aujourd’hui ?
    Il est évident que le prix est de plus en plus cher à payer, mais je ne veux pas m’étendre dessus pour éviter que certains m’accusent de jouer les victimes ou de vouloir faire pleurer dans les chaumières. Ce n’est pas ma volonté du tout. J’observe simplement qu’il existe un point commun, un seul, entre Mila, Gilles Kepel et moi : nous vivons sous protection à cause de ce que nous avons dit sur l’islam. Je le répète sans cesse à mes enfants et à la jeune génération : nous n’aurions pas cru un seul instant une telle prédiction si elle avait été faite dans les années 1970. Ce que nous vivons est complètement fou et il faut remettre en perspective ce qui nous arrive. Le reste est dérisoire.

     

    Quand vous êtes poursuivi en justice , ce n’est pas par les musulmans, mais plutôt par des associations, des hommes politiques, des journalistes…
    Je me retrouve pris dans une alliance entre un islam qui profite de notre sacralisation de la liberté individuelle et un système qui ne veut pas entendre raison ni comprendre que tous nos principes sont remis en cause depuis trente ans. Les rares qui l’ont compris n’ont malheureusement pas le courage de leurs opinions. Les attaques sont d’autant plus agressives que je fais partie des très rares qui ont ciblé les deux “côtés”, c’est-à-dire ce système d’un côté et l’islam de l’autre.

     

    Avez-vous le sentiment de payer trop cher les convictions que vous défendez depuis des années ?
    Je n’y pense pas, c’est une question que je refuse de me poser. J’ai fait ce que je pensais devoir faire. Je n’aurais jamais pu me regarder dans une glace si je n’avais pas défendu ce que je pense être juste. Je pense vraiment ce que je dis, je ne suis pas là pour jouer, donc je ne vais pas me retourner sur ma vie pour me demander ce que j’aurais pu faire autrement.

     

    L’accusation de misogynie revient très régulièrement à votre sujet et les sondages montrent une moindre adhésion des femmes à votre candidature. Que répondez-vous à cette critique ?
    C’est toujours pareil, la puissance du système de propagande est inouïe. C’est la force de la répétition sur tous les réseaux, sur toutes les télévisions… Les gens finissent par penser ce qu’on leur matraque toute la journée : Zemmour serait un raciste misogyne qui déteste les Arabes, les homos, les musulmans ou les femmes. Cela fait quinze ans que les critiques sont répétées de la même manière à mon sujet et ça finit par rentrer.

    Nous en avons assez que des minorités militantes imposent leur loi à la majorité. Ces minorités fonctionnent exactement comme des lobbies et sont parfaitement identifiées : le lobby féministe, le lobby LGBT, le lobby antiraciste et le lobby islamogauchiste. Ils me détestent parce que je les ai attaqués et parce que je continuerai à démonter leurs idéologies totalitaires. Ils prétendent donc que j’attaque les femmes, les homosexuels, les étrangers ou les musulmans. Mais ce sont en réalité ces minorités organisées que j’attaque, pas les individus.

    Je note par ailleurs qu’ils entretiennent la confusion pour faire croire qu’ils défendent encore les gens qu’ils sont censés représenter, alors qu’ils en deviennent souvent les pires ennemis. Pour reprendre l’exemple des femmes, c’est de plus en plus net. Les féministes ne défendent pas les femmes, la féminité, la particularité ou même l’égalité, elles militent pour l’indifférenciation. Elles interdisent qu’une femme soit une femme et un homme un homme. Je continuerai à combattre cette vision de la société, comme je l’ai toujours fait. D’autant que l’on constate une alliance des féministes militantes avec les pires ennemis des femmes, qui remettent en cause leurs libertés, leurs droits élémentaires et parfois même leur vie. Les a-t-on entendues défendre Mila face à la haine de ceux qui voulaient la faire taire. Et ces féministes islamogauchistes voudraient venir me faire la leçon au nom des femmes ? Laissez-moi rire…

     

    Cela ne vous empêche pas de dire que la société se féminise, que certains métiers ne sont pas faits pour les femmes…
    Je suis pour la liberté individuelle. Je défends évidemment l’égalité et les gens sont libres de faire ce qu’ils veulent. On peut discuter et même interroger certains points dans le débat public : je pensais que la France était encore un pays qui permettait le questionnement. Quand je disserte sur les qualités des hommes ou des femmes, je lutte aussi contre la tentative d’indifférenciation, très militante et qui fait souffrir beaucoup de femmes. Ce n’est absolument pas une analyse de cas particuliers, mais une tentative d’explication des différences existantes. Je pense et je défends l’idée qu’il existe deux sexes, il est certain que je ne crois pas à la théorie du genre. Tant pis si je me fais insulter par des militants.


    Je me méfie des optimistes par mesure d’hygiène intellectuelle. Dans l’histoire, les optimistes se trompent lamentablement, et cela peut très mal finir.

     

    Mais s’il faut répondre plus concrètement, je n’ai évidemment aucun problème à lire un écrivain féminin. Je viens de relire les Mémoires d’Hadrien écrits par Marguerite Yourcenar, que je trouve admirables, je relis souvent Hannah Arendt, qui m’a énormément fait évoluer sur la question du totalitarisme. J’apprécie même certains romans de Simone de Beauvoir ! J’aime Tous les hommes sont mortels, ainsi que son autobiographie… Il n’y a absolument aucun blocage ou sectarisme de ma part vis-à-vis des femmes et du métier qu’elles exercent et sans entrer dans des considérations personnelles, je le prouve au quotidien. Chacun peut très librement accomplir ses rêves ou son destin… Par ailleurs, aujourd’hui qui défend vraiment les femmes ? Je devrais me revendiquer “grand défenseur des femmes” ! L’insécurité qui pèse sur elles, dans la rue ou dans les transports, est un scandale. Et ce manque de sécurité nuit à leur liberté au quotidien. Nous sommes bien peu à en parler, les partisans de l’omerta préférant abandonner les victimes à leurs agresseurs pour ne pas froisser le politiquement correct.

     

    Les attaques s’intensifient aussi à mesure que grossit la rumeur de votre possible candidature à la présidentielle. Il y a eu une petite phrase dans votre émission sur Paris Première, des allusions sur la chaîne YouTube Livre noir, puis une chronique sur Jacques Bainville et ses regrets de ne pas être entré en politique… Quel message essayez-vous de faire passer ?
    Je ne calcule rien ! Je fais une chronique chaque semaine dans le Figaro et mon rédacteur en chef, Vincent Tremolet de Villers, me propose souvent des livres. C’est ce qu’il s’est passé avec ce livre de Christophe Dickès sur Bainville. Vincent, qui est un ami, sait que j’aime Bainville et m’a conseillé cette lecture. J’ai découvert dans cet ouvrage, parce que je l’ignorais totalement, que Bainville avait eu des regrets à la fin de sa vie et qu’il aurait voulu agir à la même table que Vergennes, le ministre des Affaires étrangères de Louis XVI ! Évidemment, cela me fait réfléchir. Quand je lis cela, je ne peux pas ne pas penser à mes propres états d’âme et à mes propres réflexions sur les limites du combat culturel gramscien. J’ai pensé exactement la même chose, et j’ai également réfléchi, quand j’ai lu le portrait de Boris Johnson dans le Figaro , publié au mois de juillet… Tout le monde se jette dessus en imaginant que je lance une piste ou que j’envoie un message, mais je réfléchis tout simplement à haute voix. Je ne vais pas le taire, c’est la stricte réalité de mes réflexions.

     

  • Entretien • Frédéric Rouvillois : « Le débat public est forcément une impasse et, au fond, une duperie »

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    Entretien avec Frédéric Rouvillois, professeur de droit public et délégué général de la Fondation du Pont-Neuf. 

    dossier-2A.jpgGrand Débat National, possibilité de référendum… Les consultations populaires sont-elles un succès, en France, depuis les États généraux convoqués par Louis XVI ?

    La question est double : comment donner la parole au peuple, qui a le sentiment de ne plus l’avoir, et peut-on comparer ce Grand Débat National avec les états-généraux qui se mirent en place à partir du XIVe siècle et se pratiquèrent jusqu’à la Révolution ? La différence fondamentale entre les deux consultations, c’est que dans le cadre des états-généraux chaque ordre, dont le Tiers État, élisait ou désignait des représentants pourvus d’un mandat impératif (les représentants devaient dire ceci ou cela) consigné dans les cahiers de doléances. Les gens qui venaient parler, débattre, choisir des solutions, étaient donc connus, et l’on savait au nom de qui ils parlaient. Dans ce Grand Débat d’aujourd’hui, on ne sait jamais qui parle, de quoi on parle, au nom de qui, si on représente quelqu’un, ou soi-même, ou un lobby quelconque… Cela ressemble en revanche à quelque chose qui fut imaginé sous la Révolution française par l’un de ses pires représentants, celui que l’on surnomma le « mouton enragé », le marquis de Condorcet. En 1792, au lendemain de l’instauration de la république, celui-ci est chargé par ses amis girondins d’élaborer la nouvelle constitution. En scientifique obsédé par la mathématique sociale, il va intégrer dans le projet un dispositif qui ressemble à “notre” Grand Débat à nous, avec tous ses défauts : un système d’initiative législative dans lequel une personne propose une loi à l’assemblée locale dont il est membre, laquelle en débat et, le cas échéant, décide de pousser cette question qui devient alors le sujet de toutes les assemblées locales du département qui, à leur tour, etc. Cela remonte en quelques mois jusqu’au sommet, avec à l’arrivée un objet juridique non-identifiable, la somme pharamineuse des débats et des réponses suscités par la question initiale, qu’il s’agira alors de débrouiller en lui donnant une forme juridique claire. Les ennemis des Girondins expliqueront non sans raison que c’est une idée aberrante : pour établir une seule loi, dit Marat, des millions de personnes auront été tenues sur le qui-vive pendant des mois, éléphant monstrueux accouchant dans la douleur d’une souris dérisoire à la viabilité très incertaine. Selon Marat, qui ne fait pas dans la dentelle, les promoteurs d’une telle méthode mériteraient l’asile ; Condorcet, au Monopoly de la Révolution, ne passera pas par la case prison, ou asile, mais ira directement à la mort, un an et demi plus tard.

    Rittinghausen1.JPGQuelques cinquante ans après, un aristocrate allemand, mathématicien lui aussi, Rittinghausen (Photo), imagine un système encore plus farfelu, et encore plus proche du Grand Débat macronien : le peuple est divisé en sections de mille personnes, chaque section s’assemble dans son propre local, nomme son président, débat sur un principe soumis à sa sagacité. La discussion close, le maire de la commune fait le relevé des votes, le communique à l’administration supérieure, etc. L’ensemble des milliers de procès-verbaux remonte peu à peu jusqu’à un Ministère élu par le peuple, dont les services se chargeront d’élaborer une synthèse : « la loi sortira d’une manière organique des discussions mêmes », assure Rittinghausen, d’une manière parfaitement claire et acceptée par tous – puisque toute la population aura le sentiment d’être le véritable auteur de cette loi.

    Dans ces deux cas, deux personnalités imaginent des systèmes qui, à chaque fois, conduisent manifestement dans le mur, et pour les mêmes raisons : ils font confiance à la sagesse des individus, à la bonne foi des gouvernants – comme nous en ce moment… – et aux mathématiques, bien sûr, comme nous le faisons avec les algorithmes pour ce qui va sortir du Grand Débat. Mais au fond, comme à l’époque, l’organisation de ce dernier pose la question de ce qu’il recouvre : de la naïveté, comme dans le cas de Condorcet ? De la folie, comme le prétend Louis Blanc à propos de Rittinghausen ? Ou plus simplement de la duplicité, le Grand Débat comme moyen rêvé d’étouffer la parole du peuple par le déchaînement de cette parole ? Des millions d’opinions plus ou moins divergentes sur des sujets plus ou moins variables finissent par s’écraser les unes les autres, ce qui démontrera en définitive que seuls les experts sont capables de dire quelque chose de sensé et que le peuple doit revenir sagement chez lui, remiser ses gilets jaunes et faire confiance aux dirigeants éclairés qu’il a élus – selon l’idée aussi vieille que Montesquieu que le peuple est incapable de se gouverner mais qu’il sait parfaitement désigner les représentants qui gouverneront à sa place.

    Macron lance une consultation qui n’a aucune valeur légale, purement consultative. Est-ce une manœuvre de tribun de la plèbe ou de César ?

    Chez Macron, le tribun de la plèbe et le César sont les deux faces du même personnage fabriqué, du même Janus artificiel. On est au fond dans la perspective populiste d’un césarisme démocratique : à beaucoup d’égards, Macron est en effet un populiste sans le savoir, ou en le sachant mais ne l’avouant pas, ou juste un peu. Ce terme de jupitérien qu’il a inventé en 2016, n’étant alors pas même candidat, désigne à la fois celui qui incarne le peuple et celui devant lequel le peuple doit se prosterner. Quant au Grand Débat, c’est en définitive le populisme sans les ennuis. César pose des questions au peuple, il le fait parler, mais n’est pas tenu de l’écouter, mais surtout de lui obéir. C’est tout bénéfice, du point de vue politique comme de celui de la communication.

    Le Grand Débat fait le pari que quiconque peut intervenir, y compris sur une plateforme numérique. L’immense masse des contributions, qui se comptent déjà en centaines de milliers, fait apparaître que des associations, ou des groupes de pression, ont mobilisé leurs militants : est-ce odieux ou légitime ?

    Ni l’un ni l’autre, c’est juste inévitable. Interdire aux lobbys d’intervenir dans le Grand Débat National reviendrait à interdire aux partis d’intervenir dans une quelconque élection.

    Le CESE, qui avait lancé sa propre consultation, avait expliqué, après avoir constaté que l’abrogation de la loi Taubira venait en tête des propositions, qu’il tiendrait compte (mystérieuse formulation) d’une évidente action militante.

    En un sens, on peut en effet considérer comme anti-démocratique que des groupes, des coagulations de personnes qui défendent certaines idées ou certains intérêts particuliers (d’où le terme de parti, du reste) puissent intervenir dans le processus de décision populaire : pour Rousseau, c’est parce qu’elle procède directement des décisions que chaque individu aura pris librement, sans aucune interférence extérieure, seul face à sa propre conscience, que la volonté générale est forcément juste et bonne, c’est pour cela qu’elle ne peut « errer ». En revanche, soulignent Rousseau et ses successeurs jacobins, dès qu’il y a des partis, dès lors que l’on crée au sein du peuple des groupes spécifiques qui vont empêcher chaque individu de s’exprimer en son âme et conscience, le jeu est faussé, le processus d’accouchement de la volonté générale est bloqué, bref, on n’est plus en démocratie. Mais si on allait dans ce sens, qui est celui que semblent reprendre le CESE et tous ceux qui reprochent aux conservateurs d’agir de concert, alors on devrait en déduire que tout parti politique est incompatible avec la démocratie – ce qui paraît d’autant plus insoutenable que la démocratie, d’un autre côté, ne peut pas se passer des partis.

    De son côté, le gouvernement a décidé de garder le maximum de contrôle, juge Dimitri Courant, doctorant en science politique à l’université Paris 8 et à l’université de Lausanne, et spécialiste de la démocratie délibérative. Il a volontairement créé une masse de données sans critères de hiérarchisation, et donc quasi-impossibles à traiter autrement que par l’intelligence artificielle et des algorithmes ou bien par un effectif élevé de personnes mobilisées à plein temps. Pour le citoyen lambda, il est impossible de voter, de commenter ou de mesurer le poids d’une contribution. C’est dommageable, notamment pour la crédibilité du débat.

    Pourquoi ajouter un référendum au Grand Débat National, pourvoyeur d’idées superflues pour un dirigeant qui a dit qu’il ne changerait pas de cap ? À quoi sert cette part de démocratie directe, plus contraignante ?

    Ce référendum, qui n’est pas un référendum d’initiative populaire, sera strictement encadré, et les questions qui seront posées sont en réalité celles sur lesquelles on pense que le peuple donnera une réponse favorable, a fortiori si c’est un questionnaire à plusieurs questions. Sur un plan institutionnel, la possibilité pour le peuple de s’exprimer directement, de ne plus être ce « souverain captif » qu’évoquait André Tardieu durant l’entre-deux-guerres, revient souvent dans les revendications des Gilets jaunes, et Macron n’a rien à y perdre. Les Gilets jaunes auront l’impression de s’exprimer tandis que les technocrates auront ficelé le référendum de sorte qu’il n’y ait aucune mauvaise surprise à l’arrivée. Et ceci permettra de laisser de côté les véritables outils de la démocratie directe, comme le référendum d’initiative populaire ou, pire encore (mais encore plus démocratique) le référendum révocatoire, qui permet aux électeurs de mettre fin avant terme au mandat d’un de leurs élus, une perspective qui, comme on l’imagine, fait se dresser les cheveux sur la tête à la totalité de la classe politique.

    dossier-2B.jpgOn comprend qu’aucun politique français ne propose cette évolution. En revanche, Macron remet en cause le nombre de sénateurs, par exemple, et tout ce qui touche, en fait, l’organisation de la vie politique autour des partis. Un antiparlementarisme sous-jacent se ferait-il jour ?

    Je dirais qu’il y a chez Macron un antiparlementarisme à peine inavoué, comme le montre de manière frappante son projet de révision constitutionnelle du 9 mai 2018, qui représente sur ce point une volte-face spectaculaire par rapport au mouvement de réhabilitation du parlement qui avait été initié par Chirac à partir de 1995. Au lieu de restaurer le corps législatif, on fait marche arrière, notamment sur le droit d’amendement, réduit à la portion congrue. Ensuite, que Macron ait ou non des « convictions » antiparlementaires, peu importe : il sait qu’un antiparlementarisme de bon aloi est assez largement partagé par les Français, qui ne voient plus très bien à quoi servent leurs députés et leurs sénateurs, mais qui en revanche savent parfaitement qu’ils leur coûtent cher. Macron joue donc sur du velours quand il propose de réduire le nombre des parlementaires, et donc de réduire la facture. Sur ce genre de questions, il sait sans risque d’erreur que les Français répondront « Oui », qu’ils soient ou non Gilets jaunes.

    Les dirigeants français ont tendance à considérer que le référendum est un plébiscite et, en conséquence, utilisent peu cet outil.

    de-gaulle-visuel2.jpgLa distinction entre référendum et plébiscite est très contestable. Tout référendum est forcément un plébiscite, sauf quand c’est un référendum automatique ou d’initiative populaire, puisqu’alors c’est le peuple qui se pose la question à lui-même. En revanche, dès lors que la question est posée par quelqu’un, on comprend qu’il n’y a pas vraiment de différence entre référendum et plébiscite : on répondra toujours à la question en fonction de celui qui la pose. Maintenant, ce qu’il faut noter, c’est que la dimension tragique du référendum introduite par De Gaulle en rapport avec la notion de responsabilité politique – autrement dit, je pars si les Français ne répondent pas par « un oui franc et massif » –, cette dimension, donc, qui donne un caractère révocatoire au référendum, a été complètement évacuée par tous ses successeurs. Chirac, lors des référendums de 2000 sur le quinquennat et de 2005 sur la constitution européenne, va jusqu’à préciser à l’avance qu’il restera en place quels que soient les résultats, déclarant que ces derniers ne peuvent avoir aucune incidence sur sa situation. En somme, si le référendum a été écarté par les dirigeants, ce n’est pas en raison de son côté « mise à mort », qu’ils ont écarté depuis belle lurette, mais parce que les élus de la république ont toujours eu une sainte horreur du référendum, qui contredit leur sentiment bien ancré que c’est à eux de décider : à eux, et pas au peuple ! On le voit bien en matière de démocratie locale où, depuis 2003, le référendum local aurait dû être utilisé de manière massive, alors qu’il ne l’a quasiment jamais été : le peuple, pensent spontanément les élus, n’a pas à usurper un pouvoir qu’il leur a légitimement délégué. Vous vous souvenez de la formule des cours de récréation : donner, c’est donner, reprendre, c’est voler.

    Dans le cadre d’une démocratie contemporaine où l’on a de plus en plus la faculté de consulter réellement tout le peuple, la forme de ce Grand Débat a-t-elle quelques mérites ?

    Non, car le vrai problème, c’est le fait de choisir, de décider. Autant une question posée par référendum permet de savoir qui est d’accord et qui ne l’est pas, autant un débat ne produit que de l’indécision : on ne peut synthétiser juridiquement le débat, pas plus que, selon Rousseau, on ne peut représenter la volonté. Un débat peut et même doit avoir lieu avant de répondre à la question, mais lui-même, en tant que tel, n’est pas susceptible d’être pris en compte. En clair, le débat public, quel qu’il soit, est forcément une impasse et, au fond, une duperie (on l’a vu avec celui qui vient d’être organisé sur la bioéthique). Ceux qui l’organisent savent ce qu’ils veulent obtenir, et le débat n’est là que pour donner au bon peuple l’impression qu’il n’est pas laissé pour compte, une fois de plus.  

    Propos recueillis par Philippe Mesnard
  • GRANDS TEXTES (16) : Le regard vide, de Jean-François Mattéi (3/3)

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    Il faut être reconnaissants à Jean-François MATTEI d’avoir écrit "Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne". 

    Il y dit, un grand nombre de choses tout à fait essentielles sur la crise qui affecte notre civilisation – et, bien-sûr, pas seulement la France – dans ce qu’elle a de plus profond.  

    Ce livre nous paraît tout à fait essentiel, car il serait illusoire et vain de tenter une quelconque restauration du Politique, en France, si la Civilisation qui est la nôtre était condamnée à s’éteindre et si ce que Jean-François MATTEI a justement nommé la barbarie du monde moderne devait l’emporter pour longtemps.

     

    Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne, de Jean-François Mattéi. Flammarion, 302 pages, 19 euros.

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    La perversion du mouvement

    (Chapitre intégral, pages 158/159/160/161/162/163/164).

     

               

    La translatio imperii devenue translatio studii, puis sur le plan mondial translatio belli, constitue à l’évidence le modèle mythique et rationnel du développement de l’Europe. Pourtant, de translations en translations, emportée par son culte du mouvement, la civilisation européenne a fini par dévoyer l’élan qui haussait son regard à la hauteur de l’Idée pour le rabattre sur l’horizon de l’histoire. Et cet horizon s’est trouvé paradoxalement bouché par une ouverture qui ne donnait sur rien sinon sur « un formidable champ de ruines » selon l’expression de Nietzsche (1). Cet effondrement ne concerne pas seulement la religion chrétienne, le dernier édifice romain désormais veuf de fidèles, mais la culture européenne emportée dans un tourbillon dénué de toute fin. Un projet de préface pour La Volonté de puissance, consacré à l’avènement du nihilisme, témoigne de ce courant déchaîné qui emporte l’Europe, et le monde avec elle, vers le néant.

    "Notre culture européenne toute entière se meurt depuis longtemps déjà, avec une torturante tension qui croît de décennies en décennies, comme portée vers une catastrophe : inquiète, violente, précipitée : comme un fleuve qui veut en finir, qui ne cherche plus à revenir à soi, qui craint de revenir à soi" (2).

     

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    "Tocqueville a le premier attiré l’attention sur « le mouvement perpétuel » qui règne au sein des démocraties et qui tend à modifier sans cesse la forme de la langue comme le contenu des pensées. Il dépeint à son époque, certes, la démocratie américaine, mais il généralise ses analyses à toutes les sociétés démocratiques qui, insiste-t-il, « aiment le mouvement pour lui-même », comme le montrent l’état de la langue et celui de la politique..."

               

     

    La perversion de son mouvement est la perversion d’un regard qui, privé de but, se perd dans le vide et ne parvient plus à surmonter son épuisement. Il devient alors étranger à ses propres principes dans cette fuite désespérée en avant qui portera le nom trompeur de progrès. Tocqueville a le premier attiré l’attention sur « le mouvement perpétuel » qui règne au sein des démocraties et qui tend à modifier sans cesse la forme de la langue comme le contenu des pensées. Il dépeint à son époque, certes, la démocratie américaine, mais il généralise ses analyses à toutes les sociétés démocratiques qui, insiste-t-il, « aiment le mouvement pour lui-même », comme le montrent l’état de la langue et celui de la politique.

    Cette « agitation générale » renforcée par le développement de formules abstraites qui utilisent des termes génériques pour dire plus rapidement les choses – « la force des choses veut que les capacités gouvernent », note-t-il avec ironie (3) - précipite la marche vers l’égalité des peuples européens. Toutes les révolutions et contre-révolutions qui ont bouleversé l’Europe, « tous ces mouvements », qui ont détruit les pouvoirs intermédiaires traditionnels ont contribué à renforcer les Etats en égalisant les conditions sociales de sorte que « chaque pas que (les nations, ndlr) font vers l’égalité les rapproche du despotisme » (4). Contrainte par la puissance du mouvement d’égalité, de plus en plus rapide et de plus en plus uniforme, l’évolution de l’histoire a paradoxalement pris appui  sur un foyer de centralisation qui a été « le seul point immobile au milieu de la mobilité singulière » des existences et des pensées des hommes.

    Je voudrais vérifier la justesse des analyses de Tocqueville en revenant à la description qu’Edgar Poe donnait de l’homme moderne dans sa nouvelle The man of the crowd. Elle illustre le destin de l’homme des foules, dans une cité comme Londres, lorsque la population s’accroît à la tombée du jour et s’écoule dans les rues selon des courants contraires et anonymes. Le narrateur, ou Poe lui-même, se trouve dans la position traditionnelle de l’homme européen dont le regard examine avec recul le spectacle qui s’offre à lui. « Mes pensées prirent d’abord un tour abstrait et généralisateur. Je regardais les passants par masse et ma pensée ne les considérait que dans leurs rapports collectifs » (6). Parmi cette multitude d’hommes d’affaires, de commis, de marchands, de filous ou de joueurs de profession, de colporteurs et d’invalides, la foule se fondant en une masse amorphe et indistincte, le narrateur est soudain saisi par la physionomie étrange d’un vieillard qui passe devant la fenêtre du café où il est assis. Il se précipite dehors et se met à le suivre. L’homme traverse un lacis de rue, revient sur ses pas, tourne et retourne sans but apparent, et erre sans dire un mot parmi les groupes de passants de plus en plus rares à mesure de l’avancée de la nuit. « Il entrait successivement dans toutes les boutiques, ne marchandait rien, ne disait pas un mot, et jetait sur tous les objets un regard fixe, effaré, vide » (7). Jusqu’au point du jour, dans des cohues de plus en plus lointaines et de plus en plus rares, le vieillard arpentera les ruelles et les artères, courant d’un air désespéré jusqu’à ce qu’il retrouve un embryon de foule.

    Poe voit dans cet homme absorbé dans un mouvement sans  commencement ni fin, qui reprend sans espoir chaque jour, l’homme qui a peur de rester seul et qui n’existe que dans la proximité des autres. On peut y déceler aussi la métaphore du regard de l’homme européen, incarné par le narrateur, qui cherche à donner un sens à cette fuite aveugle de l’homme démocratique. Il est prêt à se fondre dans ce que Tocqueville nomme « une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et de vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme ».

    Et Tocqueville d’ajouter, à la fin de son ouvrage, ces phrases qui auraient pu être écrites par Poe :

    "Je promène mes regards sur cette foule innombrable composée d’êtres pareils, ou rien ne s’élève ni ne s’abaisse. Le spectacle de cette uniformité universelle m’attriste et me glace, et je suis tenté de regretter la société qui n’est plus" (8).

     

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    "Je voudrais vérifier la justesse des analyses de Tocqueville en revenant à la description qu’Edgar Poe donnait de l’homme moderne dans sa nouvelle The man of the crowd. Elle illustre le destin de l’homme des foules..."
     
     
     
     

    Nous sommes en présence, sous une double forme sociale et politique, de la pathologie européenne du mouvement intellectuel. Chesterton pensait que le monde moderne était envahi par « de vieilles vertus chrétiennes devenues folles » (9) ; on en dira autant de l’élan de pensée qui les avait apportées. Ce que Sloterdijk  a analysé sous la forme de la « mobilisation infinie » et de la « mytho-motricité de l’Europe », dans l’optique de la « mobilisation universelle » de Jünger, Mobilmachung, et du « dispositif » technique de Heidegger, Gestell, qui se sont emparés du monde est la déformation tardive de l’auto-motricité de l’âme platonicienne.

    Cette âme était toujours en mouvement parce qu’elle était vouée au processus infini de la connaissance ; mais elle gardait son regard fixé sur les Formes en un ancrage supérieur qui interdisait toute dérive. L’ancre retirée, le mouvement pris pour lui-même devient fou et débouche sur la destruction systématique de la réalité. Dans sa Logique du sens, Gilles Deleuze a théorisé un tel mouvement de la modernité en appelant explicitement, contre Platon et son éloge du peras et du metrion, à choisir « un pur devenir sans mesure, véritable devenir fou qui ne s’arrête jamais », et il a attribué ce devenir illimité, qui évite le présent pour confondre le futur et le passé  à « la manière du simulacre en tant qu’il esquive l’action de l’Idée » (10).

    C’est un semblable flux nihiliste et chaotique, dont la forme métaphysique avait été annoncée par Nietzsche, qui a emporté l’Europe politique dans la logique de mort des deux conflits mondiaux. On le retrouve dans le flux de destruction des guerres européennes, et ses dizaines de millions de morts qui n’étaient pas des simulacres, mais aussi dans le courant des discours révolutionnaires qui soutenaient, selon le mot d’Edouard Bernstein, que « le but final, quel qu’il soit, n’est rien ; le mouvement est tout » (11). C’est ce vertige de démesure qui a emporté les deux grands mouvements totalitaires que l’Europe a produits au XXème siècle sur les renoncements de la démocratie.

     

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    "Chesterton pensait que le monde moderne était envahi par "de vieilles vertus chrétiennes devenues folles"..."

               

     

    L’idée européenne de l’homme, issue du platonisme et du christianisme, a bien été pervertie par les mouvements de pensée rivaux qui ont détruit les fins mêmes qu’ils se proposaient d’atteindre, l’édification d’un homme nouveau et celle d’un monde meilleur. Lévinas s’est interrogé sur « la décision originelle » (12) qui a permis, avec l’avènement de l’hitlérisme, la régression de l’Europe dans la barbarie. Cette décision originelle, qui rompait avec toute la tradition humaniste, peut s’appliquer également au communisme.

    Les deux idéologies, en dévoyant l’idée platonicienne d’âme en un simulacre de sujet, ont obéi à la loi impitoyable du mouvement qui voit dans l’être humain l’effet de l’évolution biologique de la race ou de l’évolution historique de la classe. Si le monde n’est qu’un processus, et les actions humaines des procédures, sans qu’aucune fin soit assignée au cycle biologique comme au mouvement historique, le regard porté sur la race ou sur la classe, abandonnant tout exigence de reconnaissance spirituelle, ne décèle plus dans l’homme qu’une donnée matérielle. L’individu réel, fondé dans l’espèce sous la forme grossière de la Race et de la Classe, se trouve effectivement détruit par la force aveugle d’un devenir-fou.

    Quand la politique totalitaire élimine les fins au profit des processus, la solution qu’elle impose ne peut être qu’une solution finale. Je renvoie ici aux analyses classiques de Hannah Arendt dans Le Système totalitaire. Elle montre que la Terreur qui a frappé le monde était « la réalisation de la loi du mouvement » parce que son principe revenait à ce que « la force de la Nature ou de l’Histoire puisse emporter le genre humain tout entier dans son déchaînement » (13). La fureur de l’universel, pour le communisme, et la démence du particulier, pour le nazisme, ont constitué tous deux, sur les ruines de l’esprit européen, des lois du mouvement qui déniaient toute fin et toute stabilité aux actions des hommes. Tout devient effectivement insensé quand la nature et l’Histoire ne sont plus garantes de la stabilité de la vie humaine, mais sont en elles-mêmes des forces aveugles qui emportent et détruisent la masse indifférenciée des individus, non plus par un appareil répressif d’Etat, mais par « un mouvement constamment en mouvement ».

     

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    "Je renvoie ici aux analyses classiques de Hannah Arendt dans Le Système totalitaire. Elle montre que la Terreur qui a frappé le monde était « la réalisation de la loi du mouvement » parce que son principe revenait à ce que « la force de la Nature ou de l’Histoire puisse emporter le genre humain tout entier dans son déchaînement »... 
     
             
     
     
     

    (1)     : F. Nietzsche, Le Gai Savoir, op. cit., livre V, § 358, page 250.

    (2)    : F. Nietzsche, Fragments posthumes. Automne 1887 –mars 1888, tome XIII, Paris, Gallimard, 1976, 11 (411), page 362. Souligné par Nietzsche.

    (3)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, II, I, XVI, Œuvres II, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1992, page 557. Souligné par l’auteur.

    (4)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, ibid, II, IV, V, page 821.

    (5)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, ibid, II, IV, V, page 832.

    (6)     : E.A. Poe, « L’homme des foules », E.A Poe. Contes. Essais. Poèmes, édition de Claude Richard, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1989, page 506.

    (7)     : E.A Poe, « L’homme des foules », ibid, page 510.

    (8)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, op. cit., page 836 et page 851.

    (9)     : G.K. Chesterton, Orthodoxie (1908), Paris, Gallimard, 1984, page 44.

    (10) : G. Deleuze, Logique du sens, « Du pur devenir », Paris, Minuit , 10/18, 1968, pages 8 et 9.

    (11) : E. Bernstein, Die neue Zeit : le mot est rapporté et critiqué par Rosa Luxembourg au Congrès de Stuttgart du parti social-démocrate allemand le 4 octobre 1898.

    (12) : E. Lévinas, Quelques réflexions sur l’hitlérisme (1934), Paris, Payot-Rivages, 1997, page 8.

    (13) : Hannah Arendt, Le Système totalitaire (1951), Paris, Editions du Seuil, 1972, page 210.

     

     

    soljenitsyne,revolution,vendee,totalitari
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  • GRANDS TEXTES (8) : Le discours d'Harvard, d'Alexandre Soljenitsyne.....

    Le 8 juin 1978, à Harvard, Alexandre Soljenitsyne prononçait ce discours prophétique.

    Plaie d'argent n'est pas mortelle, comme le disait Otto de Habsbourg, et il est bien certain que la crise que nous connaissons non seulement n'est pas d'abord et avant tout économique, essentiellement économique mais qu'elle est avant tout une crise qui touche à l'essentiel, une crise de la société, et même au delà, une crise de l'Homme.

    Elle est bien plutôt anthropologique et ontologique. Elle résulte d'une maladie profonde de l'Homme et de l'Etre.

    D'ailleurs ill est bien remarquable que les deux héros spirituels qui ont ébranlé le communisme - Alexandre Soljénitsyne et le Pape Jean-Paul II - se soient lancés aussi bien l'un que l'autre dans une critique immédiate de la société consumériste des pays dits occidentaux sitôt que le bloc communiste se fut écroulé...

     

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    Le discours d'Harvard

                

     

    Je suis très sincèrement heureux de me trouver ici parmi vous, à l'occasion du 327e anniversaire de la fondation de cette université si ancienne et si illustre. La devise de Harvard est  VERITAS. La vérité est rarement douce à entendre ; elle est presque toujours amère. Mon discours d'aujourd'hui contient une part de vérité ; je vous l'apporte en ami, non en adversaire.
     
    Il y a trois ans, aux Etats-Unis, j'ai été amené à dire des choses que l'on a rejetées, qui ont paru inacceptables. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui acquiescent à mes propos d'alors...

     

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    "La devise de Harvard est  VERITAS. La vérité est rarement douce à entendre ; elle est presque toujours amère..."



     

    La chute des "élites"

                

    Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l'Ouest aujourd'hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations Unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d'où l'impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel mais ce ne sont pas ces gens-là qui donnent sa direction à la vie de la société. Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et plus encore, dans les considérations théoriques qu'ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d'agir, qui fonde la politique d'un État sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu'on se place. Ce déclin du courage, qui semble aller ici ou là jusqu'à la perte de toute trace de virilité, se trouve souligné avec une ironie toute particulière dans les cas où les mêmes fonctionnaires sont pris d'un accès subit de vaillance et d'intransigeance, à l'égard de gouvernements sans force, de pays faibles que personne ne soutient ou de courants condamnés par tous et manifestement incapables de rendre un seul coup. Alors que leurs langues sèchent et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces menaçantes, face aux agresseurs et à l'Internationale de la terreur. Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant coureur de la fin ?
     
    Quand les États occidentaux modernes se sont formés, fut posé comme principe que les gouvernements avaient pour vocation de servir l'homme, et que la vie de l'homme était orientée vers la liberté et la recherche du bonheur (en témoigne la déclaration américaine d'Indépendance). Aujourd'hui, enfin, les décennies passées de progrès social et technique ont permis la réalisation de ces aspirations : un État assurant le bien-être général. Chaque citoyen s'est vu accorder la liberté tant désirée, et des biens matériels en quantité et en qualité propres à lui procurer, en théorie, un bonheur complet, mais un bonheur au sens appauvri du mot, tel qu'il a cours depuis ces mêmes décennies.



     Une société dépressive

     

    Au cours de cette évolution, cependant, un détail psychologique a été négligé : le désir permanent de posséder toujours plus et d'avoir une vie meilleure, et la lutte en ce sens, ont imprimé sur de nombreux visages à l'Ouest les marques de l'inquiétude et même de la dépression, bien qu'il soit courant de cacher soigneusement de tels sentiments. Cette compétition active et intense finit par dominer toute pensée humaine et n'ouvre pas le moins du monde la voie à la liberté du développement spirituel.
     
    L'indépendance de l'individu à l'égard de nombreuses formes de pression étatique a été garantie ; la majorité des gens ont bénéficié du bien-être, à un niveau que leurs pères et leurs grands-pères n'auraient même pas imaginé ; il est devenu possible d'élever les jeunes gens selon ces idéaux, de les préparer et de les appeler à l'épanouissement physique, au bonheur, au loisir, à la possession de biens matériels, l'argent, les loisirs, vers une liberté quasi illimitée dans le choix des plaisirs. Pourquoi devrions-nous renoncer à tout cela ? Au nom de quoi devrait-on risquer sa précieuse existence pour défendre le bien commun, et tout spécialement dans le cas douteux où la sécurité de la nation aurait à être défendue dans un pays lointain ?

    Même la biologie nous enseigne qu'un haut degré de confort n'est pas bon pour l'organisme. Aujourd'hui, le confort de la vie de la société occidentale commence à ôter son masque pernicieux.
     
    La société occidentale s'est choisie l'organisation la plus appropriée à ses fins, une organisation que j'appellerais légaliste. Les limites des droits de l'homme et de ce qui est bon sont fixées par un système de lois ; ces limites sont très lâches. Les hommes à l'Ouest ont acquis une habileté considérable pour utiliser, interpréter et manipuler la loi, bien que paradoxalement les lois tendent à devenir bien trop compliquées à comprendre pour une personne moyenne sans l'aide d'un expert. Tout conflit est résolu par le recours à la lettre de la loi, qui est considérée comme le fin mot de tout. Si quelqu'un se place du point de vue légal, plus rien ne peut lui être opposé ; nul ne lui rappellera que cela pourrait n'en être pas moins illégitime. Impensable de parler de contrainte ou de renonciation à ces droits, ni de demander de sacrifice ou de geste désintéressé : cela paraîtrait absurde. On n'entend pour ainsi dire jamais parler de retenue volontaire : chacun lutte pour étendre ses droits jusqu'aux extrêmes limites des cadres légaux.

     

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    Comment ne pas entendre, ici, comme un écho de ce qu'écrit Pierre Boutang dans son Reprendre le pouvoir (Grand Texte n° III) : "..nous reconnaissons en eux les Français (et les diverses nations d'Europe selon une modalité particulière), en tant qu'hommes empêchés de vivre naturellement..."

     

     

     

     

    " Médiocrité spirituelle "

                

    J'ai vécu toute ma vie sous un régime communiste, et je peux vous dire qu'une société sans référent légal objectif est particulièrement terrible. Mais une société basée sur la lettre de la loi, et n'allant pas plus loin, échoue à déployer à son avantage le large champ des possibilités humaines. La lettre de la loi est trop froide et formelle pour avoir une influence bénéfique sur la société. Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s'en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l'homme.
     
    Et il sera tout simplement impossible de relever les défis de notre siècle menaçant armés des seules armes d'une structure sociale légaliste.
     
    Aujourd'hui la société occidentale nous révèle qu'il règne une inégalité entre la liberté d'accomplir de bonnes actions et la liberté d'en accomplir de mauvaises. Un homme d'Etat qui veut accomplir quelque chose d'éminemment constructif pour son pays doit agir avec beaucoup de précautions, avec timidité pourrait-on dire. Des milliers de critiques hâtives et irresponsables le heurtent de plein fouet à chaque instant. Il se trouve constamment exposé aux traits du Parlement, de la presse. Il doit justifier pas à pas ses décisions, comme étant bien fondées et absolument sans défauts. Et un homme exceptionnel, de grande valeur, qui aurait en tête des projets inhabituels et inattendus, n'a aucune chance de s'imposer : d'emblée on lui tendra mille pièges. De ce fait, la médiocrité triomphe sous le masque des limitations démocratiques.
     
    Il est aisé en tout lieu de saper le pouvoir administratif, et il a en fait été considérablement amoindri dans tous les pays occidentaux. La défense des droits individuels a pris de telles proportions que la société en tant que telle est désormais sans défense contre les initiatives de quelques-uns. Il est temps, à l'Ouest, de défendre non pas tant les droits de l'homme que ses devoirs.
     
    D'un autre côté, une liberté destructrice et irresponsable s'est vue accorder un espace sans limite. Il s'avère que la société n'a plus que des défenses infimes à opposer à l'abîme de la décadence humaine, par exemple en ce qui concerne le mauvais usage de la liberté en matière de violence morale faite aux enfants, par des films tout pleins de pornographie, de crime, d'horreur. On considère que tout cela fait partie de la liberté, et peut être contrebalancé, en théorie, par le droit qu'ont ces mêmes enfants de ne pas regarder er de refuser ces spectacles. L'organisation légaliste de la vie a prouvé ainsi son incapacité à se défendre contre la corrosion du mal...
     
    L'évolution s'est faite progressivement, mais il semble qu'elle ait eu pour point de départ la bienveillante conception humaniste selon laquelle l'homme, maître du monde, ne porte en lui aucun germe de mal, et tout ce que notre existence offre de vicié est simplement le fruit de systèmes sociaux erronés qu'il importe d'amender. Et pourtant, il est bien étrange de voir que le crime n'a pas disparu à l'Ouest, alors même que les meilleures conditions de vie sociale semblent avoir été atteintes. Le crime est même bien plus présent que dans la société soviétique, misérable et sans loi...

     

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    "L'homme est naturellement bon et c'est la société qui le déprave."
    (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes)
    "L'évolution s'est faite progressivement, mais il semble qu'elle ait eu pour point de départ la bienveillante conception humaniste selon laquelle l'homme, maître du monde, ne porte en lui aucun germe de mal, et tout ce que notre existence offre de vicié est simplement le fruit de systèmes sociaux erronés qu'il importe d'amender."

     

     

     

     

    Les médias fabriquent un " esprit du temps "

                

    La presse, aussi, bien sûr, jouit de la plus grande liberté. Mais pour quel usage ? Quelle responsabilité s'exerce sur le journaliste, ou sur un journal, à l'encontre de son lectorat, ou de l'histoire ? S'ils ont trompé l'opinion publique en divulguant des informations erronées, ou de fausses conclusions, si même ils ont contribué à ce que des fautes soient commises au plus haut degré de l'Etat, avons-nous le souvenir d'un seul cas, où le dit journaliste ou le dit journal ait exprimé quelque regret ? Non, bien sûr, cela porterait préjudice aux ventes. De telles erreurs peut bien découler le pire pour une nation, le journaliste s'en tirera toujours. Étant donné que l'on a besoin d'une information crédible et immédiate, il devient obligatoire d'avoir recours aux conjectures, aux rumeurs, aux suppositions pour remplir les trous, et rien de tout cela ne sera jamais réfuté ; ces mensonges s'installent dans la mémoire du lecteur. Combien de jugements hâtifs, irréfléchis, superficiels et trompeurs sont ainsi émis quotidiennement, jetant le trouble chez le lecteur, et le laissant ensuite à lui-même ? La presse peut jouer le rôle d'opinion publique, ou la tromper. De la sorte, on verra des terroristes peints sous les traits de héros, des secrets d'Etat touchant à la sécurité du pays divulgués sur la place publique, ou encore des intrusions sans vergogne dans l'intimité de personnes connues, en vertu du slogan : « tout le monde a le droit de tout savoir ». Mais c'est un slogan faux, fruit d'une époque fausse ; d'une bien plus grande valeur est ce droit confisqué, le droit des hommes de ne pas savoir, de ne pas voir leur âme divine étouffée sous les ragots, les stupidités, les paroles vaines. Une personne qui mène une vie pleine de travail et de sens n'a absolument pas besoin de ce flot pesant et incessant d'information. Autre chose ne manquera pas de surprendre un observateur venu de l'Est totalitaire, avec sa presse rigoureusement univoque : on découvre un courant général d'idées privilégiées au sein de la presse occidentale dans son ensemble, une sorte d'esprit du temps, fait de critères de jugement reconnus par tous, d'intérêts communs, la somme de tout cela donnant le sentiment non d'une compétition mais d'une uniformité. Il existe peut-être une liberté sans limite pour la presse, mais certainement pas pour le lecteur : les journaux ne font que transmettre avec énergie et emphase toutes ces opinions qui ne vont pas trop ouvertement contredire ce courant dominant.
     
    Sans qu'il y ait besoin de censure, les courants de pensée, d'idées à la mode sont séparés avec soin de ceux qui ne le sont pas, et ces derniers, sans être à proprement parler interdits, n'ont que peu de chances de percer au milieu des autres ouvrages et périodiques, ou d'être relayés dans le supérieur. Vos étudiants sont libres au sens légal du terme, mais ils sont prisonniers des idoles portées aux nues par l'engouement à la mode. Sans qu'il y ait, comme à l'Est, de violence ouverte, cette sélection opérée par la mode, ce besoin de tout conformer à des modèles standards, empêchent les penseurs les plus originaux d'apporter leur contribution à la vie publique et provoquent l'apparition d'un dangereux esprit grégaire qui fait obstacle à un développement digne de ce nom. Aux États-Unis, il m'est arrivé de recevoir des lettres de personnes éminemment intelligentes ... peut-être un professeur d'un petit collège perdu, qui aurait pu beaucoup pour le renouveau et le salut de son pays, mais le pays ne pouvait l'entendre, car les média n'allaient pas lui donner la parole. Voilà qui donne naissance à de solides préjugés de masse, à un

  • Un débat de fond sur l'Europe et sur l'Euro, dans Lafautearousseau

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    Notre note du samedi 12 avril (Bernard Maris sur France Inter : "La zone euro est en train de créer une guerre économique qui est en train de détruite l'Europe") a suscité un long et intéressant débat de 17 commentaires substantiels que nous trouvons utile de vous faire connaître.

    Le débat pour le débat, ce n'est pas notre affaire, bien-sûr. En revanche, les débats ont un évident intérêt lorsqu'ils servent à s'approcher de positions justes, lorsqu'ils sont utiles à la clarification de notre ligne politique. C'est à dire, au fond, utiles à rechercher quel est, en chaque matière, (ici, en matière de politique européenne) l'intérêt de la France. C'est, en effet, cela notre souci.

    Lafautearousseau

    Participants à ce débat qui a duré près de deux semaines : Patrick Haizet; Catoneo; de Wargny; LUC; Thulé; Anatole et Marcel. Qu'ils en soient remerciés.

     

       Désolé, je ne suis pas du tout convaincu par l'argumentaire de M.Maris.
    Le principal problème de la France, c'est son régime politique, lequel, s'il était bon, saurait nous protéger des supposés méfaits de l'Euro, par une politique appropriée. Pourquoi s'empresser d'oublier la judicieuse remarque du baron Louis à Louis XVIII - qui reste valable - et s'adonner aux fâcheuses habitudes et délices ratés des 3 dernières républiques qui ont passé leur temps à pratiquer des dévaluations compétitives ? (Mitterrand et Delors ont même dévalué 3 fois de suite au printemps 1981).
    Car il ne faut pas se leurrer, une sortie de la France de l'€ impliquerait immédiatement une défiance (économique et politique) de tous les marchés vis-à-vis de notre pays et un renchérissement du coût de la dette française, plus une série imprévisible de dévaluations du FF, même rattaché à l'€ par un faux serpent monétaire. Cela pourrait également provoquer une crise de toute la zone euro, et un réajustement international de toutes les monnaies, y compris du $ qui serait tiré vers le bas (sans que la France ait son mot à dire).
    Sortir de l'€ est plus facile à dire qu'à faire !
    Ce n'est sûrement pas aujourd'hui une priorité. Il y a mieux à faire politiquement.
    Et notre gouvernement socialiste a déjà suffisamment fait d'erreurs comme cela, pour en ajouter une autre aux effets parfaitement incontrôlables.
    C'est une matière ou l'idéologie est hors de propos, car la France n'est pas seule au monde Elle est même un opérateur relativement secondaire sur le plan monétaire.

     Patrick Haizet | samedi, 12 avril 2014 

      L'euro est toxique pour les pays malades, peuplés de gens apeurés. Je rejoins le commentaire de M. Haizet en confirmant que la France n'est pas du tout un opérateur monétaire, sa devise fut toujours cotée par opposition, car il n'y a que 5 devises internationales et ce depuis très longtemps : dollar, sterling, euromark, franc suisse et yen.

    Ce pays doit être réformé de fond en comble. C'est bien ce qu'ont ressenti des peuples latins dans la panade qui crient de douleur mais qui aucun n'exigent que leur pays sorte de l'euro. Bizarre ! Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Italie remontent la pente en sueur, mais remontent.
    Ceux que nous toisons volontiers seraient-ils plus intelligents que les Français ? Pas difficile, à voir le succès nulle part ailleurs des programmes économiques du Font de gauche et du Front national.
     

    Catoneo | samedi, 12 avril 2014 

      M. Maris est un prédicateur bien connu de la gauche. Son expertise est celle de gribouille, qui pour se protéger de la pluie, se place sous une gouttière. En somme, une autre version de l'arroseur arrosé. Les recettes idéologiques pour des problèmes liés à la mauvaise gouvernance, de gauche ou de droite, ont toujours abouti aux assignats de la révolution et à la banqueroute. Le baron Louis, l'excellent ministre de l'économie et des finances de Louis XVIII, avait bien raison de dire qu'il fallait au pays une bonne politique pour avoir une bonne économie. C'est ce que font les Allemands ou les Néerlandais. Mais, hélas, notre pays a la fâcheuse habitude de choisir les solutions de facilité ou pire la lâcheté. Le terme de "rigueur" dont se gargarisent si volontiers nos gouvernants et l'élite bureaucratique n'est qu'une vaste fumisterie ou une rodomontade de boulevard. Pour le reste, je partage les points de vue de M.Haizet et de Catoneo. 

    de Wargny | samedi, 12 avril 2014  

      Je regrette, pour ma part, que Patrick Haizet, grand connaisseur de l'univers économique et financier mondial, comme Catoneo, dont je lis les notes avec grand intérêt, ne répondent directement à aucun des arguments avancés par Bernard Maris et, même, dans une certaine mesure, par Dominique Seux.
    Est-ce qu'une certaine défense a priori de l'euro ne serait pas en elle-même aussi une idéologie ? Voire un dogme, une religion ? Une simple peur ? Bref, comme réflexes classiques de la Droite libérale ?
    Si l'euro est toxique pour les pays malades, l'on pourrait légitimement en conclure qu'il l'est donc pour nous tant que nous n'aurons pas recouvré la santé ... Même remarque s'agissant de notre régime politique malfaisant. Si l'on peut dire, il règne. Nul Louis XVIII, ni baron Louis à l'horizon. Et si nous étions l'Allemagne, l'euro nous irait assez bien ! Mais nous ne le sommes pas. Et même : est-il si sûr qu'un jour ou l'autre, l'Allemagne, à force de garantir ou de payer pour les autres, ne finira pas par considérer que, tous comptes faits, la défense de l'euro lui coûte, en définitive, plus cher qu'il ne lui rapporte ? Les Allemands sont meilleurs que nous pour ce genre de calculs ... Il n’est pas sûr du tout que la première à « sortir de l’euro » soit la France !
    Je n'ai, sans-doute, ni les compétences économiques et surtout financières de Patrick Haizet, ni celles de Catoneo. Mais, au moins en partie, du bon sens peut y suppléer.
    Je comprends que l'on ait à se méfier de l'aventurisme politique et économique comme de l'amateurisme des socialistes actuellement au pouvoir.
    Mais j'ai lu, hier, dans le Figaro, une argumentation serrée – quoiqu’à mon sens, trop hostile à l’Allemagne - de Philippe Villin banquier d'affaires et ancien directeur général du Figaro, qui, lui aussi, prône une sortie organisée de l'euro. Il n'est ni socialiste, ni homme de gauche.
    Que dire des analyses - qui me paraissent intelligentes et sérieuses - d'Hervé Juvin, qui, lui non plus, n'est ni socialiste ni homme de gauche, et va dans le même sens ? Ou, dans un autre univers, d’Eric Zemmour, analyste perspicace ?
    Patrick Haizet nous dira-t-il que ce sont des idéologues ; qu’ils n’y entendent rien ? Ne leur faisons pas crédit a priori, mais ne rejetons pas leurs positions d’un simple revers de main.
    Les arguments en faveur d'une sortie de l'euro n'émanent plus seulement des politiques et de leurs discours. Ils gagnent, sont partagés, par de nombreux esprits avisés, droite et gauche confondues.
    J'ai l'impression qu'il ne suffit plus aux défenseurs de l’euro de leur opposer quelques idées générales souvent caricaturales ou simplement polémiques et, finalement, assez rebattues. Il faudrait être pointus, répondre point par point !
    C'est rarement le cas.
     

    LUC | dimanche, 13 avril 2014  

      L’instauration de l’euro aurait été une chose excellente à condition de respecter deux conditions : que le niveau de la monnaie unique ne soit pas indexé sur l’ancien mark, et que sa mise en place s’accompagne d’un système de protection commerciale aux frontières. Or, aucune de ces conditions n’a été remplie. Au lieu d’assurer une protection communautaire, c’est la carte du libre-échangisme intégral que l’on a décidé de jouer. On a assisté au démantèlement du tarif extérieur commun qui, jusque là, protégeait en partie l’Europe de la concurrence. La surévaluation chronique de l’euro a ensuite accentué les déséquilibres. En même temps, on a artificiellement plaqué une monnaie unique sur des économies divergentes à tous égards.

    Le grand argument que l’on oppose en général à une éventuelle sortie de l’euro serait que les pays qui s’y risqueraient verraient instantanément leur dette augmenter, puisque celle-ci resterait libellée en euros. On peut répondre qu’en contrepartie ces pays pourraient adopter des mesures susceptibles de favoriser la hausse de la demande intérieure et le rétablissement de leur compétitivité, ce qui leur permettrait au contraire de mieux faire face à leur endettement. Un retour aux monnaies nationales associé à une forte dévaluation – comparable à ce qui s’est passé dans les pays de l’Est lorsque ceux-ci ont abandonné le rouble après l’effondrement du système soviétique – abaisserait le coût des produits pour les acheteurs étrangers, et stimulerait d’autant les exportations, ce qui donnerait de meilleurs moyens de régler la dette. On a aussi fait observer que toute dévaluation consécutive à un retour aux monnaies nationales se traduirait fatalement par un renchérissement des produits importés hors de la zone euro. Mais ce dernier est en réalité assez faible : pour la France, les importations de biens et de services hors de la zone euro ne représentent que 13 % du PIB.

    Sortir de l’euro ne suffirait toutefois pas à s’affranchir de la dictature des banques et des marchés. Le retour aux monnaies nationales n’est en effet pas une panacée. Il ne réglerait aucun des problèmes structurels des sociétés actuelles, et ne constituerait en aucune façon une rupture avec la logique du Capital. Selon Jacques Sapir, "Recouvrer notre souveraineté monétaire n’aurait pas de sens si cela ne devait pas s’accompagner d’un changement radical de notre politique".
     

    Thulé | samedi, 12 avril 2014 

      Le problème de fond est que la science économique n'est pas prédictive, et si elle reste un bon outil d'analyse historique, elle ne donne aucune assurance de bonne application de la théorie universitaire.
    Chaque fois que la "science" est prise en défaut, les économistes distingués signalent que la mise en application n'était pas chimiquement pure ; voulant oublier qu'aucune société humaine n'est chimiquement pure.
    Je crois que Sapir intègre de plus en plus les scories d'impureté dans son raisonnement depuis qu'il est bien moins catégorique dans les solutions à retenir d'urgence avant la mort du malade annoncée chaque année pour la Noël.

    Reste la question de la fracture de l'Eurogroupe à l'initiative de l'Allemagne et de ses "alliés". Berlin fera tout pour l'éviter car le taux de change actuel est au maximum commercial compatible. Un euromark prendrait mécaniquement 15% sur le dollar. Par la dévaluation symétrique des monnaies de ses "clients douteux" le gap serait porté à 30%. C'est insoutenable.

    Mais si d'aventure, Paris tombait aux mains d'aventuriers et recréait le franc, il n'en deviendrait pas pour autant une monnaie d'échange à l'international. Peu de fournisseurs étrangers accepteraient de facturer en franc, surtout s'il y a du délai de fabrication.
    Rappelons-nous que jusqu'aux derniers jours du franc, les acteurs maritimes français de l'arc atlantique cotaient leur fret en Deutsch Marks au départ des ports français (Manche et Gascogne) à destination de tous les ports d'Afrique atlantique.

    Certes le franc français ressuscité circulera de force, mais à l'intérieur de l'hexagone et sur les bulletins de paie, sans que l'on ne sache jamais, passé vendredi midi, sa parité future du lundi matin. Les échanges économiques, même intérieurs, se feront en partie en monnaie sérieuse parce que les intrants étrangers dans les produits distribués resteront importants et en détermineront leur valeur. Le grossiste lambda sait en quelle monnaie d'origine il achète ses stocks quelle que soit la monnaie libellée dans la facture.

    Pas besoin d'aller à l'université écouter Bernard Maris pour comprendre cela, il suffit d'avoir un peu travaillé dans le secteur du commerce extérieur pour savoir que le franc est une piastre à usage domestique.
     

    Catoneo | dimanche, 13 avril 2014 

      Il serait possible de conserver le seul avantage incontestable de l’euro – constituer à terme une monnaie de réserve – en transformant la monnaie unique actuelle en une monnaie commune au niveau déterminé à partir de l’euro et des monnaies nationales restaurées.

    La monnaie commune établit une barrière face au reste du monde, mais n’interdit pas l’ajustement des parités de change entre les pays membres.

  • Libérer la France, par Hilaire de Crémiers*

    HOLLANDE NAJAT.jpgIl n’est pas de jour où des Français, des groupes de Français, ne protestent contre le carcan qui les étouffe et que le régime ne cesse de resserrer sur eux, tout en affirmant, comme pour se gausser, qu’il le fait au nom de la Liberté, de l’Egalité et, pourquoi pas, de la Fraternité.

    Pourquoi les Français n’osent-ils pas voir les raisons de leur malheur ? Les institutions, telles qu’elles fonctionnent, ne correspondent plus aux nécessités du siècle. C’est le cœur du problème politique français. Qui ne le comprend ? Du sommet de l’État jusqu’à la plus petite autorité investie de la puissance publique, il faudrait, dans cette période difficile, à l’encontre de ce qui se passe aujourd’hui, des personnes qui aient d’abord et fondamentalement le sens du bien commun et que rien ne puisse, d’une manière ordinaire, les en détourner. Voilà où va sans aucun doute le vœu politique du peuple français, le vrai, celui qui travaille, qui souffre et qui aime : il devine que ce serait là le salut de la France, mais il n’a pas la capacité d’imaginer ni encore moins d’exprimer un tel souhait.

    Quelle que soit la violence de la crise, le peuple intuitivement sait qu’en un tel cas il serait rassuré et qu’il se mettrait au travail avec goût. Le fait que l’État, et tout ce qui en relève, se simplifierait par l’évidente vertu d’une décision majeure qui l’arracherait aux luttes des partis et aux idéologies, entraînerait la France dans une voie de redressement général dont chacun sent un urgent besoin ; les responsabilités seraient conférées non plus en raison de choix idéologiques et partisans, mais en fonction de l’intérêt national et du bien public. Impossible, dit-on. Dans le cadre des institutions actuelles, oui, bien sûr. Mais personne ne sait dans quel état ces institutions se trouveront demain si la dégradation de la situation continue.

     

    Une société de folie

    Il ne faut pas prendre les Français pour des imbéciles et ils commencent à comprendre que tout est fait depuis déjà longtemps pour les empêcher de penser, surtout en matière politique. Une « Liberté » aussi théorique que mortelle est brandie comme une arme par une bande de malfaiteurs publics qui vivent du système, pour tuer toutes les libertés ; ils sont là à leur affaire et ils y déploient tout leur art : des tyrans qui se déguisent en anges de la Liberté ! Cette duperie pourra-t-elle fonctionner encore longtemps ? Tous les 1793 de l’histoire s’achèvent en anarchie qui appelle inéluctablement un retour à l’ordre. Mais les voici nos maîtres : leur visée totalitaire est absolue et dans tous les domaines, y compris familial, éducatif et religieux. Ces gens sans vergogne dictent leur loi au nom d’un Bien qu’ils définissent eux-mêmes. Tout y passe et les romans d’anticipation les plus tragico-comiques du xxe siècle ont décrit d’avance cette société de fous que ces esprits, dont la superbe égale la fausseté, prétendent nous imposer, à nous, en France, en revendiquant une modernité qui n’a rien de moderne, sauf son mauvais goût et son inhumanité. Le Château de Kafka, 1984 d’Orwell, Le meilleur des mondes de Huxley figurent encore mieux ce qui va être, ce qui est déjà l’horreur de notre petit univers français, pire au fond que celle qui menace les autres mondes anglo-saxons ou germaniques. Dans son Avenir de l’Intelligence, Charles Maurras l’avait pronostiqué, lui aussi, dès 1900 : une société de fer où l’argent serait roi et où toute liberté, surtout celle de l’esprit, serait supprimée.

    C’est que chez nous la pression idéologique est encore plus forte ; il s’agit dans le projet de ceux qui ont réussi à prendre le pouvoir – car, en France, le pouvoir n’est plus qu’un enjeu – de faire plier la société française dans ce qu’elle a de propre : sa civilisation, ses traditions, sa politesse, sa finesse d’organisation, son aptitude prodigieuse à appréhender et à faire le bien. Tel est le pari qu’ont fait ces destructeurs dont la plupart sont, d’ailleurs, des profiteurs de cette France qu’ils exècrent. Ce qu’ils veulent, c’est que leurs normes brutales dont les desseins barbares se couvrent de grands mots, régentent désormais ces familles françaises irréductibles que l’État républicain n’a pas encore réussi à pulvériser. Toujours trop nombreuses, et toujours reviviscentes, voilà le reproche qu’ils leur adressent continûment. Aujourd’hui ils se croient les maîtres, ils pensent qu’ils ont triomphé de la France devenue leur esclave ; ils sont donc satisfaits.

    Voir de pauvres gosses errer sans vraie parenté, des filles livrées, des garçons abandonnés, des familles spoliées, des patrimoines pillés, des maisons volées, des commerçants agressés, des suicides à la chaîne, des patrons à bout de difficultés, des ouvriers sans travail, ça doit probablement faire leur joie ! Ils sont contents d’eux. Il suffit de les écouter. Et c’est à eux que reviennent les ministères, les voitures, les chauffeurs et surtout le pouvoir, objet de toutes leurs convoitises et de toutes leurs disputes. Il vient des envies de justice et de justicier.

     

    Des clans et des partis

    Toutes les institutions ont été gangrenées par leur esprit de parti. C’est que leurs appareils s’en sont emparés ; ils vivent dessus, pas seulement financièrement, mais aussi médiatiquement, politiquement, même philosophiquement, car ils ont l’outrecuidance de légaliser par le biais des institutions leur misérable philosophie pour l’établir comme norme universelle. Comme dans 1984 ils réécrivent  l’histoire, ils fixent le bien et le mal, ils déterminent le vrai et le faux. Ils mettent toutes les forces sociales au service de leurs lois et de leurs décrets. Ils rendent ensuite l’administration complice et, pour plus de sûreté, ils la doublent de commissions, de comités, de hauts conseils, un appareillage supplémentaire où la gabegie n’entretient que la perversité.

     

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    Fonctionnaires hauts et petits, élus sincèrement attachés à leur tâche, braves gens embringués dans des marchés de dupes, militaires de tous grades, tous ont eu cent fois l’occasion de s’en rendre compte : il y a derrière les organigrammes une machinerie et elle ne fonctionne que dans un seul sens, toujours le même. Cette constatation, chacun peut la faire. Elle ne relève pas de la théorie du complot. C’est comme ça et de plus en plus comme ça.

    Des comités d’éthique aux commissions spécialisées, des rapports d’experts aux innombrables décisions prises subrepticement et tout à coup imposées sans ménagement, c’est toujours les mêmes trucs indéfiniment resservis pour balayer l’objection et amener la solution, leur solution, prévue d’avance. On croit travailler pour la France, on travaille pour des coteries qui manipulent les partis et qui s’installent dans les lieux de pouvoir. Comment ne pas être écœuré ? Même en politique extérieure le risque est de voir les engagements de la France servir à d’autres buts que le souci réel des populations, alors que la France a un rôle évident à jouer en Afrique. Mais que peuvent penser des politiciens qui n’ont jamais réfléchi à ces questions ?

     

    Protestation du chef de la Maison de France

    comte de paris.jpgLà où le régime se révèle tel qu’il est, c’est dans ses procédés, d’abord pour insinuer, puis peu à peu pour imposer ses objectifs. Ainsi le rapport des 250 experts (!) sur l’intégration commandé par Ayrault, mis en ligne sur le site Internet de Matignon et qui a défrayé la chronique, n’est en fait rien d’autre que le plan prévu. C’est pourquoi il ne suffit pas de simplement s’en offusquer. Il n’y a pas à s’y tromper : ce qui est visé, c’est la destruction programmée de la France. Mgr le comte de Paris l’a écrit en termes forts dans une tribune du Figaro du 18 décembre. Au nom de la France, de son histoire, de son avenir, que, chef de la Maison de France, il est plus que personne qualifié pour représenter, il proteste hautement contre cette manière de prétendre « faire France » pour détruire la France. L’héritier de nos rois a parlé : il a tout dit.

    Il est affreux de savoir qu’il est des gens qui sont payés par l’État dans ce seul but de démolir notre pays. Les clans qui occupent le pouvoir ne pensent qu’à « ça », en tous domaines ! La colère de Hollande, feinte ou réelle, ne tient qu’au fait que ce dévoilement a eu lieu trop tôt, et trop ouvertement, alors qu’il veut faire passer auparavant d’autres lois sociétales. Question de tactique, non de stratégie. Il n’est pas difficile de prévoir que les protestations, pour légitimes qu’elles soient, ne serviront à rien. Ils veulent aller jusqu’au bout de leur programme. Il n’est pas de lois qui soient en train d’être votées, que ce soit sur les retraites, sur la formation, sur l’organisation professionnelle, qui ne soient dirigées en réalité contre les familles, les entrepreneurs, la France réelle et vivante, et ce seront toujours les mêmes qui paieront. Ainsi de tout. Ainsi surtout des lois sur la famille, sur la bioéthique et l’euthanasie. Des experts, des « panels » – ça fait bien – 18 quidams en l’occurrence, dont nul ne sait comment ils sont désignés, préparent les voies. Demain on tuera légalement et sans doute joyeusement, en toute impunité. Comment s’étonner que les faits divers les plus affreux abondent en ces jours sinistres ? L’heure est venue de la résistance. Hollande ne veut pas que ce mot soit employé. Évidemment : les familles ont beau manifester, toute une jeunesse française se lever, le régime les ignore et les méprise.

    Le régime ne fonctionne que pour lui-même, comme dans les pays en décomposition : c’est cette vérité qu’il faut comprendre. Les élections municipales et européennes agitent le marigot politique. Elles auront valeur de signe et encore ! La gauche tient si bien ce qu’elle a réussi à prendre dans les territoires qu’il y aura des surprises, mais peut-être pas dans le sens prévu. La fixation obsessionnelle sur le Front national est une habile méthode pour détourner l’attention.

    Tant que ce régime fonctionnera, tel qu’il fonctionne, il sera impossible d’avoir une juste représentation de la France, des Français, de leurs intérêts réels. C’est navrant, car, aujourd’hui, tout serait possible. Il est dans l’air du temps de nouvelles appréhensions de la réalité. La notion d’ « écologie humaine », qu’une nouvelle génération veut promouvoir, indique la voie d’une libération possible ; elle ne peut que déboucher sur une politique naturelle. Le système qui enserre la France relève de vieilleries idéologiques qui ne sont plus adaptées aux nécessités ni même aux volontés du moment. C’est vers ce renouveau que l’étoile doit nous guider.

    * Analyse politique parue dans le numéro de janvier de Politique magazine.

  • Eh, oui, tout arrive : pas d'accord du tout avec un article paru sur Boulevard Voltaire...

    Boulevard_Voltaire1.jpgC'est évidemment une excellente chose que Robert Ménard ait ouvert Boulevard Voltaire, le Cercle des empêcheurs de penser en rond. Comme, par exemple, sur Causeur, d'Elisabeth Lévy (Surtout si vous n'êtes pas d'accord...), il s'y publie quotidiennement des articles qui sont autant de contrefeux aux mensonges imposés par une petite coterie qui impose ses vues, pour reprendre l'expression de Chantal Delsol. Ce sont autant de bouffées d'oxygène indispensables, pour qui veut combattre le politiquement correct, et tous les "ment" qui vont avec : historiquement, moralement, culturellement, on en passse, et des meilleurs !

    Et pourtant - heureusement - être souvent d'accord ne veut pas dire être toujours d'accord, et Robert Ménard sera sûrement... d'accord avec nous là-dessus : il y a peu, est paru, donc, sur Boulevard Voltaire un article de Jean-Claude Lauret à propos de François Reynaert…

    D'après Jean-Claude Lauret, dans son papier intitulé "Pour en finir avec les fadaises de notre Histoire", François Reynaert est un "un gentil garçon,  un passionné d’histoire. Il s’est donc plongé dans les œuvres des grands auteurs du passé…. etc… etc…"

    Avant de donner notre réaction, on lira ci-après ce que nous estimons être les surprenantes amabilités de Jean-Claude Lauret, parlant - beaucoup trop gentiment à notre goût - de Reynaert, dénonciateur -soi-disant... - des "fadaises"  de notre Histoire : 

    http://www.bvoltaire.fr/jeanclaudelauret/livre-pour-en-finir-avec-les-fadaises-de-notre-histoire,21251?utm_source=La+Gazette+de+Boulevard+Voltaire&utm_campaign=e816cbfb1d-RSS_EMAIL_CAMPAIGN&utm_medium=email&utm_term=0_71d6b02183-e816cbfb1d-25455017

    reynaert.jpgVoici maintenant ce que nous souhaitons dire à ce sujet : un mouvement est en marche, inéluctable, et il se déroule inexorablement, même si nous le trouvons trop lent : le mouvement de re-découverte et de ré-appropriation par les français de leur Histoire, enfin débarrassée et expurgée de l'idéologie et des mensonges de la vérité officielle.

    Et pourtant ! Pourtant, il y a encore des intoxiqués qui s'obstinent à maintenir, envers et contre tout, les contre-vérités les plus énormes, les déformations et travestissements de la réalité les plus scandaleux : François Reynaert (photo) est de ceux-là...

    A l'occasion de la sortie de son livre Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises... il avait été reçu, sur LCI, par un Julien Arnaud fort complaisant envers lui, gobant avec admiration tout ce que disait Raynaert, et son désir de corriger certaines fadaises que nous avons tous, affirmait-t-il, apprises à l'école.

    Mais, en fait de fadaises, c'est lui qui les débite, et avec un aplomb, une assurance littéralement stupéfiantes !

    Nous rappellerons juste trois énormités, dans ce triste entretien, que -semble-t-il - Jean-Claude Lauret n'a pas écouté, et qui ne restera pas dans les annales comme un grand moment de liberté intellectuelle, mais bien plutôt comme un pénible moment de passage de brosse et de partage de conformisme, réellement attristant :  

    1 : Julien Arnaud pose la question :"...pour Louis XVI... auriez-vous voté la mort ?" Reynaert commence alors la classique contorsion du je ne suis pas favorable à la peine de mort mais..... Mais, oui, il aurait voté la peine de mort. Et pourquoi ? Mais voyons, parce qu'il est prouvé que Louis XVI a trahi !

    Alors que c'est, évidemment, la Révolution qui a agressé l'Europe, déclarant une guerre funeste et anti naturelle, contraire à tous nos intérêts de l'époque. Que Louis XVI ait mal réagi, sans amis, sans conseillers, non préparé qu'il était à des faits extra-ordinaires auxquels, de toutes façons, personne n'était préparé, voilà ce que personne ne peut nier. Mais il convient de commencer par le commencement. La folie des folies, le crime des crimes, c'est d'avoir mis le feu à l'Europe. Un feu qui devait ruiner notre position dominante sur le continent, briser notre puissance militaire et démographique, et amener par deux fois les coalisés de l'Europe entière sur notre territoire, qui n'avait plus été envahi depuis des lustres. Attaquer l'Autriche - devenue notre alliée évidente, depuis que nous l'avions vaincue, contre la Prusse, puissance montante et menaçante, qui devait devenir cette Allemagne qui nous a fait tant de mal aux XIXème et XXème siècle - c'est, bel et bien, de "l'intelligence avec l'ennemi". Ce n'est donc pas Louis XVI qui a trahi, mais les philosophes prussophiles, puis la Révolution, la République et les deux Empires prussophiles - jusqu'à Sedan, terme logique de tout cela... -

    De cela, pas un mot de notre prétendu correcteur de fadaises : drôle d'historien ! et beau boni-menteur ! Il ne retient qu'une chose de tout ce gigantesque gâchis voulu et créé par la seule Révolution, sa vérité-mensonge officielle : Louis XVI a trahi. Plus aveugle ou plus menteur que moi, tu meurs !.....

    2 : la seconde énormité de l'entretien est peut-être encore plus grandiose que la première. Non, ni la Convention, ni Robespierre, ni leur système et leur régime ne peuvent être qualifiés de totalitaires. Tiens donc, et pourquoi, s'il vous plaît ? Accrochez-vous ! Parce que la Convention a produit la réaction thermidorienne ! Et, donc, un système qui génère sa propre limitation ne peut être qualifié de totalitaire "puisque", avec le 9 Thermidor, c'est la république de ce moment-là qui "peut en son sein se renverser..."!

    Et, hop, passe la pirouette verbale ! Il est pas beau, mon sophisme ? Avec cet historien de pacotille, et cette explication (!) à dix centimes d'euros (en comptant large !...), on est en pleine bibliothèque rose ! Notre boni-menteur nous ferait presque entendre les cui-cui des oiseaux dans les arbres, les moutons bêlant gentiment dans les champs et, au loin, le "il pleut, il pleut, bergère !...". C'est l'Histoire et la Politique ramenés au Monde de Martine !...

    Raynaert prend vraiment les gens pour des imbéciles ! La vérité sur Thermidor n'est évidemment pas ce qu'il dit, dans son Histoire bidon pour lecteurs et lectrices fleurs bleues : il s'agit uniquement - comme l'explique Jacques Bainville - du réflexe de survie "des plus sagaces et des plus subtils", "ceux qui, par peur, avaient dit oui à tout" et à qui "une peur suprême... donna le courage du désespoir", rien de plus; et rien de bien glorieux, en soi. En tout cas, rien de ce que croit y trouver notre historien de pacotille.

    On lui citera le passage du chapitre XVI de L'Histoire de France de Jacques Bainville, La Révolution :

    "...Au mois d'avril 1794, la Terreur dure toujours. Danton a été supprimé, Camille Desmoulins et sa Lucile aussi. Les hommes de la Révolution se sont dévorés entre eux. Seuls ont échappé les prudents et les habiles, ceux qui ont eu, comme disait Sieyès, le talent de vivre. Mais à force d'épurer la Révolution, Robespierre en a tari la sève. Lui-même, avec le jacobinisme, il est toute la Révolution. Il n'y avait plus rien après les opinions de Marat. Il n'y a plus personne après Robespierre. Il a grandi, depuis la Constituante, par les surenchères que favorisait le principe politique en vigueur depuis 1789 : pas d'ennemis à gauche. Maintenant, quelles sont ses idées ? Que veut-il ? Où va-t-il ? Il ne le sait pas lui-même. On prête à ce despote les projets les plus bizarres, et la cour de Vienne s'intéresse à « Monsieur de Robespierre ». Pourtant il n'invente plus autre chose que la fête ridicule de l'Être suprême, tandis que la guillotine fauche tous les jours, éclaircit les rangs de l'Assemblée, dégarnit jusqu'à la Montagne. Il ne restait plus guère que ceux qui, par peur, avaient dit oui à tout. Une peur suprême leur donna le courage du désespoir. Robespierre sentit que la Convention lui échappait et il voulut recourir au moyen ordinaire, celui dont l'effet, jusque-là, n'avait jamais manqué : l'intervention de la Commune. On vit alors, au 9 thermidor, cette chose extraordinaire. Les Conventionnels qui survivaient étaient les plus sagaces et les plus subtils, puisqu'ils avaient réussi à sauver leur tête. Ils s'avisèrent de ce qu'on ne semblait jamais avoir compris depuis le 10 août : que ces fameuses « journées » n'étaient au fond que de petites affaires de quartier, qu'avec un peu de méthode, d'adresse et d'énergie, il était possible de mettre les émeutiers en échec. Sur quoi reposait la Commune jacobine ? Sur les sections. Il s'agissait, pour empêcher une « journée », pour arrêter Santerre et Henriot, de protéger d'abord le point menacé avec des sections modérées, puis de prendre l'offensive contre l'émeute. Il ne suffisait donc pas, pour renverser Robespierre, de voter sa mise en accusation. Il fallait être sûr de ce qui se passerait hors de l'Assernblée. Tallien et Barras se chargèrent de la manoeuvre. Elle réussit grâce à une seule section, la section Le Pelletier, qui donna le signal de la résistance. Robespierre, réfugié à l'Hôtel de Ville, connaissait trop bien le mécanisme de la Révolution pour ne pas savoir qu'il était perdu si l'émeute et la Commune commençaient à reculer. ll voulut se tuer, se manqua et, le lendemain, fut porté tout sanglant sur l'échafaud (27-29 juillet 1794)...." 

    3 : La troisième énormité de l'entretien n'est même pas proférée, puisqu'elle n'a même pas besoin de l'être : elle découle de la précédente. La Convention n'étant pas totalitaire, ni Robespierre, ni la Terreur, il n'y a évidemment pas eu de génocide vendéen. Et, donc, notre historien du dimanche n'en parle pas, du génocide vendéen ! Puisqu'il n'existe pas !

    CQFD, et le tour est joué ! Elle est pas belle, la vie ? 

    Et notre invité, à la fin de son entretien, est reparti tout guilleret, tout content; et Julien Arnaud aussi, tout guilleret et tout content. Dans le meilleur des mondes conformiste et historiquement correct possible...

    Alors, désolé, et sans rancune, Jean-Claude Lauret, mais votre papier sur François Raynaert, vous pouvez le garder : un bonimenteur pareil, et des propos pareils, on n'est pas preneurs !...

  • La Libye du Boulevard Saint Germain : Une guerre civile ? (I/III), par Champsaur.

    Le terme peut sembler excessif, mais c’est celui retenu par le pertinent analyste, ex officier, Patrick Haimzadeh (Au cœur de la Libye de Kadhafi, chez J.C. Lattès). 

    LYBIE AU COEUR DE LA LYBIE DE KHADAFI.jpg 

    200 pages, 15 euros

    Que sait-on vraiment de la Libye ? Que dissimule la personnalité fantasque et mégalomaniaque du colonel Kadhafi… Pour tenter de mieux cerner les origines et les enjeux de la guerre civile, et pour comprendre comment ce régime a pu perdurer plus de quarante ans, Patrick Haimzadeh, l’un des meilleurs connaisseurs de la Libye, nous propose un tableau clair et complet de ce pays. 
    Il y est question d’histoire, des conquêtes phéniciennes jusqu’à la Libye actuelle, en passant par l’occupation italienne, de géographie humaine aussi, où l’on apprend que cette région a toujours été une interface entre Maghreb et Machreq, ainsi que de culture. 
    Cet ouvrage se nourrit d’entretiens multiples effectués ces dernières années, avec des Libyens de tous horizons, mais également d’imprégnation de terrain et de confidences recueillies au fil d’amitiés suivies. 
    C’est donc autant à un voyage livresque qu’incarné que nous convie l’auteur. On y trouvera notamment le portrait d’une ville ordinaire, Tobrouq, essence même de l’échec du système kadhafien, ou encore celui d’un jeune entrepreneur de Tripoli, et, bien sûr, des pages édifiantes sur la véritable nature du Guide, de son épopée et de son régime. 
    Mais la Libye, c’est avant tout un peuple de plus de quatre millions d’habitants dont la grande majorité n’a d’autre aspiration que de vivre dans la dignité et la paix.

     

     

    * Patrick Haimzadeh est arabisant et spécialiste de la Libye où il a été en poste diplomatique pendant plusieurs années. Outre la connaissance des organes officiels du pouvoir, ce séjour lui a permis d’aller à la rencontre du pays réel. Il a travaillé auparavant en Egypte, en Irak, au Yémen et au sultanat d’Oman, pour le compte de la France ou des Nations Unies, en tant que coopérant, analyste ou négociateur dans des contextes de crise. Il vit maintenant à Paris, dans le 18e arrondissement.

    Le 7 Avril dernier, le grand reporter du quotidien britannique The Independent, Patrick Cockburn titre un article «L’avenir de la Libye parait sombre alors que les media tournent leurs camera vers d’autres évènements. Deux ans après l’intervention de l’OTAN, les milices continuent de terroriser le pays» lien http://www.independent.co.uk/voices/comment/libyas-future-looks-bleak-as-media-focus-turns-elsewhere-8563076.html

    Sur les évènements de Libye depuis le printemps 2011 notre site est très riche en billets remarquablement documentés, archivés dans la catégorie International 2. Depuis le premier jour de cette intervention extérieure, tous allaient dans le sens d’une mise en garde sur les différentes conséquences.

    Une reprise alarmante sur le blog de Jean-Dominique Merchet le 9 Juillet, http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/libye-nouveau-centre-gravite-terrorisme-1874

    Et dans sa dernière livraison de l’Afrique réelle, Bernard Lugan parle d’embrasement.

    Nous ne répèterons pas ce que d’éminents africanistes ont déjà publié, mais la dégradation est à présent tellement visible, catastrophique et inquiétante, qu’elle mérite un nouveau point de situation dans un pays où il n’y a plus d’État.

    La France s’est positionnée en flèche de cette intervention dans des conditions politiques hasardeuses, sans que l’on détecte très bien où étaient les intérêts : ceux de l’Élysée ? ceux de la France en Libye ? étaient-ils menacés ? la feuille de vigne de l’humanitaire ? provoquer la chute du régime et pourquoi ?

    Mais les connaisseurs de ce pays et de ses voisins limitrophes, les africanistes avertis, les gens du renseignement qui suivaient Kadhafi depuis le premier jour de son coup d’État en 1969, découvrir éberlués et incrédules ce philosophe milliardaire du Boulevard St Germain, ex maoïste, que Raymond Aron appelait dans ses mémoires un érudit de pacotille (mais authentique imposteur), virevolter et dicter sa conduite au Président de la République.

    Une lecture critique des opérations militaires

    Cette aventure n’a pu que susciter de très forts soupçons, loin des coups de clairon et roulements de tambours dont on nous a abreuvés pour positionner Nicolas Sarkozy comme « chef de guerre ».

    Notons tout d’abord que ce que les militaires et leurs états-majors appellent les ODB, (pour Ordre de Bataille), c’est-à-dire la liste tant des unités constituées, que des dotations en matériels, sont suivies, connues et publics pour les trois armées, Terre, Air, Mer, et rassemblés pour chaque pays dans un document britannique en vente, le Jane’s. C’était  donc le cas pour les armées de la Libye, ajouté au fait qu’une intense assistance technique existait depuis longtemps, par tout le complexe militaro-industriel, français en particulier. Il n’y a donc eu aucune surprise en face de nos forces et le médiocre niveau des matériels libyens n’était pas en mesure de défier les moyens techniques de l’OTAN. L’insistance française un peu puérile à vouloir «tirer les premiers» n’apporta aucune valeur ajoutée à la suite des opérations. Le samedi 19 mars 2011 l’Armée de l’Air française entra en action contre quelques aéronefs libyens de facture très ancienne (héritage de l’époque soviétique) qui ne respectaient pas l’interdiction de survol de certaines zones, décidée par l’ONU (résolution 1973). La suite des opérations fut une grande classique américaine, consistant à intervenir sans l’afficher ouvertement, et laissant volontiers les media, français en particulier, claironner que les États Unis, échaudés par les coûts de l’Irak et de l’Afghanistan, ne voulaient plus conduire de guerres à l’extérieur. Pure intoxication car dans la réalité, ils étaient présents partout, ici comme ailleurs, et dès le premier jour. Comme dans n’importe quelle guerre le premier objectif est la destruction et la désorganisation des communications de l’adversaire, neutralisant ainsi les commandements et les systèmes de tirs de missiles. Le bilan de la première semaine fut ainsi de 199 missiles de croisière Tomahawk et de 455 munitions de précision, tirés depuis des sous marins. Matériels que la France ne possède pas. Les USA ont fourni les fameux avions A10 (tueurs de chars), les avions ravitailleurs (80 % des heures de vol de la coalition), les capacités de renseignement (satellites et avions, où 75% des vols de renseignement sont américains). Au total on peut affirmer que la totalité de l’armée de Kadhafi fut hors de combat au bout de la première semaine. Les gesticulations françaises ne furent en réalité qu’à destination des journaux télévisés du soir, et pour la gloire de monsieur Sarkozy. Ajoutons quelques remarques de simples bon sens. Tous les praticiens de la chose militaire savent que depuis notre retour dans le commandement intégré de l’OTAN, pas un avion ne peut décoller, pas un navire ne peut prendre la mer, sans communications de l’intégralité des ordres d’opération au commandement intégré, avec, au sommet de la pyramide, la bannière étoilée. Ce que S. A. R. le Prince Sixte Henri de Bourbon Parme a appelé «Voir l’OTAN engager nos forces aériennes».

    Selon une technique d’intoxication de masse désormais au point, arrivent très vite sur les plateaux de télévision les 6.000 tués de Kadhafi. Et la colonne de chars fonçant sur Benghazi, frissons entretenus à l’envi. L’excellent Rony Brauman eut beau s’évertuer sur les rares plateaux de télés où il était invité, il ne réussit pas à faire entendre que 6.000 cadavres ne se dissimulent pas aux yeux des photographes qui cherchent en priorité l’image « saignante ». Il parlait d’expérience en tant que médecin, ex patron de MSF (douze ans), et praticien des zones de guerre. Seuls quelques réseaux « sociaux » ont très vite réalisé la propagande qui était derrière et se sont donc efforcés d’en trouver les sources. De nombreux journalistes indépendants ont alerté sur le fait que l’intervention en Libye n’avait rien a voir avec le printemps arabe, ni avec l’idée d’y défendre les droits de l’homme. L’intervention de l’OTAN nous a été soumise au nom d’une contestation du régime de Kadhafi qui a été orchestrée en dehors des centres de décisions français. Nous nous demandions comment aucune image de « bombardements intensifs » n’était disponible et comment Benghazi semblait intact malgré les frappes. Concernant une répression féroce, très peu d’images sont arrivées jusque dans les rédactions des grands médias. Quelques vidéos prises dans les hôpitaux ont certes montré qu’il y avait eu une répression sanglante dans différentes villes de Libye. Mais de là à voir des milliers de morts et encore plus de blessés, rien.

    En fait, ces « 6000 morts » reposaient sur une unique déclaration reprise en boucle. Personne ne s’est intéressé à la légitimité de la personne qui avait déclaré ce chiffre. L’information a été donné par Ali Zeidan. Ce Libyen était présenté comme le «porte parole de la Ligue libyenne des Droits de l’homme», ou sur plus de 100 sites internet anglophones comme directeur ou président. Alors que le président était en réalité Sliman Bouchiguir, comme indiqué sur le site de la LLDH. Et le pire, c’est que le site ne reprennait nulle part l’affirmation de ces « 6000 morts ».

    Mais Ali Zeidan n’était pas seulement le récent porte-parole de la LLDH, il était aussi celui du Comité Nationale de Transition (CNT) en Europe, l’opposition libyenne reconnue légitime par l’État français. Ce monsieur était donc à la fois juge et partie.

    S’il s’est improvisé défenseur des droits de l’homme, il ne s’agit pas de son unique spécialité. Le 23 mars 2011 à Paris, devant les invités de marque conviés par Bernard Henri Levy, il promettait concernant le pétrole que «les contrats signés seront respectés», mais qu’un futur pouvoir «prendra en considération les nations qui nous ont aidés». Porte-parole de quoi ?

    Autre voix discordante, l’ambassadeur de France en Libye, M. François Gouyette (aujourd’hui notre ambassadeur en Tunisie depuis Août 2012), lors de son audition à l’assemblée nationale le 8 mars 2011 dit : » Nous avons certes vécu, entre le 16 et le 26 février (2011), jour de notre départ, une dizaine de jours de fortes tensions et d’affrontements – non pas tant à Tripoli que dans les autres régions –, mais leur relation a fait l’objet d’exagérations, voire de désinformation. Ainsi, l’information, reprise par les médias occidentaux, selon laquelle l’aviation aurait bombardé Tripoli est parfaitement inexacte : aucune bombe n’est tombée sur la capitale, même si des affrontements sanglants ont eu lieu dans certains quartiers. »

    En fait de colonnes de chars, six obusiers de marque italienne, certes suffisants pour faire de gros dégâts à Benghazi, mais pas le « carnage » invoqué par le plus beau décolleté du Boulevard Saint Germain. Au total la propagande servie fut du même niveau que les précédentes, armes de destruction massive de Saddam Hussein ou Afghanistan foyer du terrorisme islamique international, montrant ainsi qu’en France on ne pouvait plus accorder une once de crédibilité à nos autorités.       (à suivre...).

  • Notre entretien sur Charles Maurras à Martigues, avec Georges Bourquard, du Dauphiné libéré...(V/V)

    MAURRAS PROCES.JPG... et sa condamnation en 1945 ?

    A ce stade, final, de notre conversation, nous avons choisi d'aborder ce thème d'une façon un peu différente de la "traditionnelle", en commençant par parler d'abord... de la Guerre de 14 !

    Nous avons ainsi rappelé à notre interlocuteur quelle avait été la politique de L'Action française lors de la Première Guerre mondiale : sa politique d'union nationale, ou d'union sacrée - surtout lorsque ce fut autour de Clémenceau, l'un des "ennemis de toujours" - ne fit pourtant pas l'unanimité dans ses rangs - et ne la fait toujours pas - puisque certains faisaient remarquer, avec justesse, que ce serait la France, certes, mais aussi la République qui gagnerait la guerre.

    Malgré sa justesse, cet aspect des choses n'ébranla ni Maurras, ni Daudet, ni Bainville, et L'Action française soutint l'effort national, jusqu'à la victoire finale. Ce qui lui valut un prestige considérable, les remerciements officiels de Raymond Poincaré et une estime générale dans le pays, une fois la guerre gagnée.

    Oui, mais voilà : après la Victoire si chèrement acquise, la France pouvait et devait démembrer l'Allemagne. Et lui enlever la rive gauche du Rhin, soit pour la "réunir" à la France, soit pour la laisser devenir une ou plusieurs républiques indépendantes. Le Système, ou le Pays légal ne le fit point et se laissa voler la Victoire par nos "chers Alliés anglo-saxons", malgré les avertissements de Bainville et de L'AF. Puis il y eut la farce de "L'Allemagne paiera" : là aussi, le Système ou Pays légal, et toujours malgré les conseils quotidiens de L'Action française, laissa l'Allemagne non seulement "ne pas payer", mais se relever, prospérer de nouveau, se réarmer, réoccuper la rive gauche du Rhin et, finalement, nous envahir vingt ans après notre Victoire, exactement comme l'avaient prévu Bainville, les grands généraux et les esprits lucides.  

    Quelle différence, alors, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec la fin de la première ! Malgré la justesse des analyses de L'Action française pendant les vingt ans de l'Entre-Deux Guerres, et le sabotage de la position de la France par le Régime, amenant au désatre, on vit au contraire, lorsque la Guerre s'acheva, L'Action française décapitée, le journal interdit, et le royalisme effacé d'un coup du paysage politique ! Phénoménal triturage de la réalité et de la vérité des faits; stupéfiante falsification historique, et fabrication d'une "vérité officielle" fondamentalement mensongère.

    Que s'était-il donc passé ?

    Pourtant, juste avant la guerre, à sa sortie de prison, en 1937, Maurras avait été acclamé dans un gigantesque meeting au Vel d'Hiv' par 60.000 personnes; il venait d'être élu à l'Académie le 9 juin 1938; le mouvement, malgré la dissolution des ligues en 36, restait un mouvement avec lequel il fallait compter; et Maurras jouissait d'un prestige intellectuel considérable, qui dépassait de beaucoup les frontières du territoire national... Alors ?

    maurras,chemin de paradisD'abord, il faut se souvenir qu'au début de la guerre, Maurras - né le 20 avril 1868 - a plus de 71 ans (76 aux débuts de la Libération); il a perdu Jacques Bainville, le sage, trois ans auparavant; et Léon Daudet, qui mourra trois ans plus tard, en 1942 d'une hémorragie cérébrale, commence déjà à ressentir les premiers signes du mal qui l'emportera, et n'était déjà plus le flamboyant Daudet de l'Avant-guerre (de 14) ni de l'entre deux guerres... Maurras n'était donc pas seul, mais le trio historique des grandes heures de L'Action française était disloqué.

    A partir de là, et Georges Bourquart en est convenu, il est facile, aujourd'hui, confortablement assis dans nos salons, et ne risquant strictement rien, de savoir ce qu'il fallait faire, ou pas; dire ou pas etc. puisque l'on sait comment les choses ont fini. Mais, à l'époque ? Si l'on a un minimum d'honnêteté intellectuelle et de connaissances historiques, on sait bien que, jusqu'à la fin, plusieurs scénarios étaient possibles. Les révolutionnaires, formidablement poussés par Staline, pouvaient prendre le pouvoir; les Américains, qui avaient imprimé une monnaie spéciale, pouvaient fort bien organiser un régime dont ils auraient tiré les ficelles (et, pourquoi pas, avec Pétain, Lebrun ou Herriot, éventualités qui furent envisagées par les Américains et les Anglais) : il y avait plusieurs sorties de guerre possibles, et ce n'est qu'à la toute fin du conflit que les choses se sont décidées.

    Ce qui est certain, par rapport à la Première Guerre mondiale, c'est la nouveauté radicale que représenta l'intrusion de l'idéologie dans la Seconde. Que Maurras ait mal apprécié, mal évalué, ce fait, comme certains maurrassiens le pensent, cela ne fait de lui ni un coupable, ni un criminel. On peut dire que, d'une certaine façon, il a considéré cette Seconde guerre comme la Première, et qu'il a répété la même stratégie d'union nationale - Pétain remplaçant Clémenceau - que durant le premier conflit; rejetant "le clan des yes" comme "le clan des ya", il élabora une ligne de conduite, certes, difficilement tenable, de fait, sur le terrain, mais au moins conforme à l'idée qu'il se faisait de l'union nationale, à préserver absolument.

    On peut juger irréaliste sa position, la juger périlleuse - surtout aujourd'hui... - mais, au moins, n'obéissait-elle aux pas aux intérêts partisans ni à l'esprit de division. Certes, les Allemands - victorieux et maîtres chez nous, à la différence de 14 - occupaient le territoire, accentuaient de jour en jour leur pression, manipulaient de plus en plus la fiction d'un "pouvoir" de plus en plus inconsistant, ce qui rendait chaque jour plus inaudible et plus incompréhensible le soutien que continuait d'apporter Maurras au pouvoir légal, mis en place dans la débandade générale - ne l'oublions pas - par ce qui restait alors des élus de la République.

    Mais, encore une fois, même son supposé irréalisme de fait, ne suffit pas à faire de Maurras un traître, ni de son attitude, en soi, un crime ni un délit. Ni, bien-sûr, à disqualifier sa pensée, son oeuvre politique.

    Le sort ne fut pas favorable à Maurras, la "fortune" lui fut contraire : revenus triomphants, les révolutionnaires ont été d'autant plus haineux et violents contre Maurras qu'ils devaient hurler très, très fort, afin que que leur vacarme assourdissant fasse oublier leur(s) trahison(s) initiale(s) :

    * soutien inconditionnel à l'URSS, s'alliant avec Hitler par le fameux pacte de non agression, qui dura officiellement du 23 août 1939 au 22 juin 1941, soit tout de même près de deux ans !..

    maurras,chemin de paradis* désertion et fuite de Thorez à Moscou où, arrivé le 8 novembre 39, il restera jusqu'à son amnistie par de Gaulle, en novembre 44. Passer toute la guerre à Moscou, c'éait, évidemment, beaucoup plus "facile" et beaucoup moins périlleux que de rester en France tout ce temps-là...

    * quantité impressionnante de nombreuses personnalités venues du socialisme et du communisme dans la Collaboration (les socialistes Marcel Déat et Pierre Laval, le communiste Jacques Doriot); 

    A partir de là, c'est Vae victis, et l'histoire offcielle écrite par les vainqueurs... On fit le procès de Maurras, mais on attend toujours le procès le plus important, celui des responsables de la défaite : ceux qui n'ont pas préparé la France à la guerre qui arrivait et qu'annonçait Jacques Bainville, dès le calamiteux Traité de Versailles, dans L'Action française "pour dans 20 ans"; ceux qui sont restés sourds aux avertissements, du sabotage de la Victoire à l'impréparation de la France face aux revanchards allemands, emmenés par Hitler.

    Un Hitler que Jacques Bainville fut le premier, dès 1930, et dans L'Action française, à dénoncer, comme "l'énergumène" Hitler : voici quelques notes de son Journal (Tome III) : Bainville et l'énergumène Hitler.pdf , dans lesquelles il écrit : "Qui eût dit qu'Adolf Hitler, l'énergumène en chemise brune, recevrait un jour la visite du ministre des Affaires étrangères de Grande Bretagne ?". Ou : "Sir John Simon sera dans quelques jours à Berlin. Il verra Hitler, c'est-à-dire le monstre lui-même..."

    C'est à cette aune que doit être mesurée la condamnation de Maurras, totalement inique si l'on veut bien se souvenir de cette phrase d'Otto Abetz (tout de même, un connaisseur !) : "L’Action Française est l’élément moteur, derrière les coulisses, d’une politique anti-collaborationniste, qui a pour objet, de rendre la France mûre le plus rapidement possible, pour une résistance militaire contre l’Allemagne".

    Que Maurras ait été condamné est donc un fait.

    Que cette condamnation soit juste, à l'évidence, non. Mais il eût été naïf d'attendre une juste sentence d'un procès conduit par ses ennemis.  

    Qu'elle signifie que ses idées n'existent plus, qu'il n'ait plus rien à nous dire aujourd'hui, et qu'il doive être rayé de la carte des penseurs, des esprits féconds, des "vivants", encore moins !

    Voici donc l'essentiel de ce qui s'est dit pendant cette heure et demie de discussion courtoise, à bâtons rompus; augmenté de toutes ces choses que nous n'avons pas eu le temps d'ajouter à tel ou tel moment de la conversation, ou que nous n'avons pu qu'effleurer ou évoquer trop rapidement, donc superficiellement; mais qu'il s'impose naturellement de rajouter lorsqu'on passe à la transcription, écrite, du langage parlé.

    De toute évidence Georges Bourquart n'avait pas la place - nous ignorons s'il en avait le désir ou la possibilité - pour tout rapporter; nous, oui : il nous a semblé qu'il aurait été dommage de s'en dispenser. (fin).

  • La Laïcité. Le sens des mots..., par Champsaur (I/II)

    Faut il rappeler la passion qui accompagne toute réflexion sur la laïcité ? Or nous sommes toujours surpris de découvrir à ces occasions que le sens des mots est ignoré, ainsi que leur origine, alors même que les débats s’engouffrent assez vite vers des prises de position péremptoires et sectaires (dernier en date, Mars 2011, sans que le sujet de fond de l’islam n’ait été correctement traités). Il nous semble que beaucoup d’aspects de la laïcité « à la française » seraient abordés plus sereinement si l’évolution du sens des mots au cours de l’histoire était mieux connue. 

    Pour revenir aux sens premiers des mots :

    1. Le kleros grec (Κλήρος) était à l'origine le lot reçu par le hasard ou par l'héritage.

    Dans un glissement progressif chez les juifs et chez les chrétiens il s'est assimilé à ceux qui avaient reçu Dieu en héritage. Puis pendant tout le Moyen Age il a désigné les lettrés dans les monastères et chez les contemplatifs réguliers, seuls lieux de connaissances, de lecture et d'écriture. Désignant peu à peu le moine copiste d'un monastère, le clerc s'est identifié à tout homme savant et lettré (définition chez Littré). Le Petit Robert le définit comme une personne instruite. Pendant près de 1.400 ans le clergé a été le seul dépositaire des connaissances jusqu'à la diffusion de l'imprimerie.

    2. Le laos grec (λαος - différent du peuple constitué comme force politique dans la Cité demos (δήμος) - était la foule, la foule des guerriers, foule non instruite. λαός a aussi donné liturgie avec la racine ἐργο « faire, accomplir », qui désigne donc, littéralement, le service du peuple. C'est un culte public et officiel institué par une Église. 

    Le Christ s'adressait aux foules, laos (Odon Vallet); laicos, λαίκός signifie "du peuple", puis "profane", au sens premier de non religieux. Le terme a évolué vers le latin ecclésiastique laicus (pour la première fois chez Tertullien, vers 230 après J.C.) pour désigner logiquement une personne "ni ecclésiastique ni religieuse" (Littré).

    Inusité jusque vers le XVIème siècle, il a désigné ceux qui ne font pas partie du clergé (Petit Robert).

    Littré le trouve dans Bossuet : "un pape laïque", et dans Fénelon.

    Le Petit Robert le trouve chez Voltaire : " missionnaires laïcs".

    C'est uniquement en France à partir de 1870, que le mot laïque tout en conservant le sens de non-religieux a progressivement désigné une posture anti-religieuse, anticléricale, surtout anti-catholique glissement sémantique alimenté par les ateliers les plus à gauche du Grand Orient. Cette obédience avorton de la maçonnerie universelle, non reconnue par elle, de création purement française, athée et délibérément anticléricale, fut à la pointe du combat contre l'église catholique de France et le demeure aujourd'hui. 

    Sur l'universalité

    Ce petit détour vers l'origine des mots n'est pas sans intérêt car il met en lumière deux points:

    * La conception française de la laïcité telle qu'elle a été développée depuis Gambetta et ses républicains ne relève d'aucune universalité, contrairement à ce que s'acharnent à défendre les adeptes d'une laïcité de combat à la française.

    * Elle est de naissance très récente sur une échelle historique, dont l'unité de mesure est de 200 ans chez tous les historiens classiques de l'Université. 

    On cite souvent le 5ème amendement de la Constitution américaine comme modèle et source de la laïcité. Or que dit il ? :

    "Le Congrès ne pourra prendre aucune loi ayant pour objet d'établir une religion ou d'en interdire le libre exercice".

    Non seulement une telle rédaction ne contient pas l'idée d'un combat contre les clergés, quel qu'ils soient, mais les pères fondateurs de la Fédération étaient imprégnés de la Maçonnerie Écossaise, dite régulière et universelle, dont l'initiation impose:

    · la croyance en Dieu

    · la croyance en l'Immortalité de l'âme

    Et s'il y avait un doute, le billet de One Dollar porte imprimé les principaux symboles du 33ème grade...

    La déclaration de Philadelphie proclame un certain nombre de vérités "tenues pour évidentes" telles que "l'existence de la Divinité, la vie à venir, le bonheur des justes, le châtiment des méchants, la Sainteté du Contrat social et des lois." Sur de tels fondements, la violence des attaques anticléricales à la française à la fin du XIXème siècle et au début du XXème aurait été inconcevable aux États Unis.

    Ce que l'on appelle la séparation de l'église et de l'État est donc toute relative dans la Fédération. Qu'on en juge:

    · Lors de son investiture tout personnage officiel (Président, présidents de Chambres, assemblées des États, Juges ... etc), prête serment sur la Bible, souvent en faisant un signe maçonnique.

    · La référence à la religion est permanente. Des candidats à l'investiture affichent leur appartenance. Il est courant d'entendre le "God bless you" en toute occasion. Non seulement on ne cache pas sa religion mais on l'affiche volontiers par des signes extérieurs: beaucoup de juifs portent leur kippa, et il n'est pas rare de voir les catholiques arriver à leur travail, le front ostensiblement enduit de cendre, le lendemain du mercredi des cendres.

    · Comme il n'est pas rare de prononcer le bénédicité en début de repas dans les familles.

    Toute la société américaine est imprégnée de religiosité. Madame Michèle TRIBALAT fait très bien ressortir ces points. Mais au total et très objectivement, quel rapport avec la France du XXème siècle ? 

    Et pour regarder les choses de plus près faisons un petit tour du monde. 

    Au Royaume Uni, le souverain est le chef de l'église anglicane, la révolution de 1689 (la seconde) s'étant bornée à imposer que les lois du Parlement sont supérieures au pouvoir du monarque. Le matin, la BBC débute ses émissions avec la lecture d'une page de la Bible, et il n'est pas rare qu'une messe soit diffusée dans la semaine. Les fêtes chrétiennes y sont célébrées. Le grand quotidien The Times maintient en bonne place une devise fameuse "Dieu et mon Droit". La société anglaise étant une société de classe, élitiste par nature, les communautés se cotoient. 

    En Russie, la Pâques orthodoxe est célébrée avec des banderolles dans les rues affichant "Christ est ressuscité" et les gens se saluent dans la rue en se disant "Christ est ressuscité". 

    En Inde, toutes les fêtes hindoues d'un panthéon très riche sont fidèlement célébrées et le personnel politique ne manque pas de faire savoir qu'il a rempli son devoir spirituel vis à vis du Temple. Là encore les signes extérieurs des célébrations sont portés avec naturel. 

    En Allemagne on déclare sa religion sur sa feuille d'impôts, et la notion de "libre penseur" n'a pas grand sens pour un Allemand. En Octobre 1977, l’évènement dramatique du détournement d’un avion de la Lufthansa vers Mogadiscio, se conclut par l’assassinat du pilote, et l’assaut réussi des forces spéciales, mais en représailles, l’assassinat du patron du patronat allemand Hans-Martin Schleyer quelques jours plus tard. Devant le Bundestag le chancelier Helmut Schmidt effondré déclare « avec l’aide de Dieu, nous gagnerons contre la barbarie ». (Faut il préciser que ce serait impensable en France ?). 

    Dans tous les pays à système de monarchie parlementaire, le monarque est la référence spirituelle en tant que Royauté Sacrée, même dans les pires situations, comme au Cambodge. En Thaîlande le premier ministre révère le Roi. 

    Petit voyage incomplet si l'on ne cite pas les taoïstes, les shintoïstes et les bouddhistes qui entretiennent et vénèrent le petit autel des ancêtres à l'entrée de l'habitation.

    Comme nous le voyons, prétendre que la laïcité héritée de 1870 est universelle et que la France serait la référence, a quelque chose de totalement irréel et de fâcheusement présomptueux, avec un orgueil mal placé qui le dispute à l'aveuglement. 

    Sur l'Ancienneté

    Il est aussi de bon ton de lui attribuer une ancienneté qu'elle n'a pas. Michèle Tribalat (citée), emportée par son élan, nous dit " ... Historiquement, la laïcité française, c’est, après des siècles de rivalité, la mise au pas de l’Eglise par la République, pour qu’elle se cantonne dans son magistère spirituel ...". En fait de siècles, la République sous la forme d'aujourd'hui n'a jamais que 140 ans d'âge !

    Tel député de bonne foi, dans un article de mars 2004, " La laïcité pour tous" nous dit " Plongeant ses racines loin dans le passé ..." ce qui est tout aussi rapide.

    S'agit il d'évoquer la lutte éternelle entre les Prêtres et l'État, dans les trois fonctions indo-européennes ? Elle ne date pas de 1789. Le Gautama Bouddha s'est heurté aux Brahmanes 500 ans avant notre ère, un rabin qui a fini sur une croix avait demandé que les deux pouvoirs soient honorés (ce qui, donc, n'allait pas de soi ...). Et plus près de nous le Droit divin de la Monarchie a volé en éclat devant Luther, Calvin et la Réforme qui a soufflé sur l'Europe, et en France le Jansénisme. 

    Une troisième affirmation hasardeuse nous inflige que le triptyque de la République serait une création révolutionnaire, alors qu'il est d'essence strictement religieuse, diffusé par la Maçonnerie universelle des Constitutions d'Anderson :

    · Liberté : au sens où l'Homme est la seule créature vivante sur la Planète à pouvoir choisir en toute conscience entre le Bien et le Mal; pouvoir unique qui imprègne tous les Livres sacrés de l'Humanité.

    · Égalité : c'est l'égalité devant la mort, la seule réelle, fatalité très tôt perçue dans la destinée de l'Homme, là aussi partout inscrite, aussi loin que l'on peut décrypter des textes et des vestiges.

    · Fraternité : l'idée que tous les Hommes sont issus de la même matrice. 

    On est donc très loin des élucubrations d'un jacobinisme centralisateur. Il va de soi que le petit instituteur barbu à la tignasse hirsute, fabriqué par les IUFM de monsieur Jospin, n'a pas les connaissances pour enseigner ces fondements comme nos maîtres et nos professeurs "de la laïque" les offraient avant mai 1968, aux jeunes cervelles dont ils avaient la charge, secondés par les manuels d'Albert Malet et de Jules Isaac.

    Le G.O. a organisé un tintamarre à l'occasion du discours de Nicolas Sarkozy à Latran (20 décembre 2007), faisant à nouveau le contresens d'appeler à l'aide les Lumières comme rempart à toute référence religieuse. Agitation bien inutile dans la mesure où monsieur Sarkozy lui-même n'a certainement rien compris à ce qu'il lisait, mais surtout sans fondement étant donné que les Lumières en question n'ont jamais prétendu éradiquer la Transcendance.

    Le professeur canadien de sciences politiques (aujourd’hui disparu) Jacques Zylberberg résume un tour de la « laïcité » dans quatre pays, Allemagne, Angleterre, États Unis, Canada en ces quelques mots : « Dans les quatre pays étudiés, il n’existe pas de laïcité juridique ou sociétale au sens français. Même aux États-Unis des pouvoirs publics et un système scolaire neutre coexistent avec une société civile balisée par les institutions religieuses. Dans les trois autres pays, des régimes quasi concordataires maintiennent des situations de confessionnalité importantes en dépit de la sécularisation sociétale. Dans ces quatre pays, le pluralisme et la fragmentation des appartenances et des références influencent des espaces publics et des sociétés civiles sécularisées mais non laïques ». (à suivre)

  • Benoît XVI, un maître en politique, par Hilaire de Crémiers

    Benoît XVI ne cesse dans ses déplacements de donner un enseignement de haute portée politique. Encore lors de son dernier voyage au Mexique et à Cuba. Y aura-t-il des hommes politiques pour l’entendre ? 

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     Messe célébrée par Benoît XVI à Santiago de Cuba, place de la révolution...

            Il est des paroles qu’il faut savoir méditer. Elles éclairent nos problèmes d’une telle lumière qu’il n’est pas possible d’échapper à la force de leur vérité. Benoît XVI s’est exprimé sur les plus graves sujets au Mexique et à Cuba au cours d’un voyage de cinq jours du 24 au 29 mars avec cette simplicité et cette fermeté qui le caractérisent. Selon son habitude, au-delà même de son discours de foi – car l’essentiel pour lui est là – , il a délivré  un message de charité sociale et d’intelligence politique qui est susceptible de ranimer l’espérance d’un monde désenchanté, livré aux seuls intérêts égoïstes, après avoir épuisé toutes les formes les plus absurdes et les plus cruelles des idéologies.

            C’est à Cuba, devant Raul Castro lui-même, que le Pape a le plus explicité sa pensée sur la crise mondiale que les peuples subissent. 

            Il l’a fait d’autant plus intentionnellement que dans l’avion qui l’emmenait de Rome au Mexique, il avait pris le soin de préciser aux journalistes que le marxisme n’était plus d’actualité, que cette page devait être définitivement tournée et qu’il convenait de trouver pour demain les vraies solutions pour établir une société plus juste.

    Les vraies raisons de la crise

            Alors, comment ne pas saisir la portée des paroles que, de Cuba, le Pontife suprême a adressé, en réalité, au monde entier, comme s’il voulait profiter de l’occasion pour donner plus d’éclat à la seule vision qui, pour lui, peut donner la compréhension du moment. Crise financière, crise économique, bien sûr ; la réalité est plus grave, dit-il. La crise est morale et spirituelle : c’est de cette crise d’abord que le monde est malade. Il ne peut s’en sortir que si apparaissent des hommes droits, ayant de fortes convictions et qui sauraient, par leur rôle dans la société, remettre les priorités et les primautés là où elles doivent être placées. Tel est l’appel puissant du Saint-Père.

            « De nombreuses parties du monde vivent aujourd’hui un moment de difficulté économique particulière, que de  nombreuses personnes s’accordent à situer dans une profonde crise spirituelle et morale, qui a laissé l’homme vide de valeurs et sans protection devant l’ambition et l’égoïsme de certains pouvoirs qui ne prennent pas en compte le bien authentique des personnes et des familles. On ne peut pas continuer à suivre plus longtemps la même direction culturelle et morale qui a causé la situation douloureuse que tant de personnes subissent.

            Au contraire, le progrès véritable nécessite une éthique qui place au centre la personne humaine et prenne en compte ses exigences les plus authentiques et, de manière générale, sa dimension spirituelle et religieuse. Pour cela, dans le cœur et dans la pensée de beaucoup, s’ouvre toujours plus la certitude que la régénération des sociétés et du monde demande des hommes droits, de fermes convictions, des valeurs de fond morales et élevées qui ne soient pas manipulables par des intérêts étroits et qui répondent à la nature immuable et transcendante de l’être humain ».

            Voilà ce que le Pape a dit à Santiago de Cuba. Cette leçon, il l’a répétée pendant tout son voyage. Aucune idéologie, aucun plan politique ou social, aucune domination économique des choses ne sauveront les sociétés de leurs maux dans le monde actuel si les hommes ne reviennent pas à l’essentiel, surtout dans les pays dont l’histoire porte un patrimoine spirituel incomparable. D’où l’espérance que doivent garder les Cubains : « Chers amis, je suis convaincu que Cuba, en ce moment particulièrement important de son histoire, regarde déjà vers demain et s’efforce pour cela de rénover et d’élargir ses horizons, ce à quoi coopère cet immense patrimoine de valeurs spirituelles et morales qui ont formé son identité la plus authentique et qui se trouvent sculptées dans l’œuvre et dans la vie de nombreux et nobles pères de la Patrie, tels le bienheureux José Olallo y Valdès, le serviteur de Dieu Félix Varela ou l’imminent José Marti ».

            Cela dit devant les vieux apparatchiks de la révolution cubaine ! 

            Non, ce ne sont pas eux les pères de la Patrie ! Ni les modèles pour demain ! Eh bien, ils ont écouté fort sagement. Et le Pape, après ces fortes paroles, pouvait s’entretenir en toute sérénité avec Raul Castro et même avec le vieux Fidel. Il avait naturellement exercé son droit à la liberté d’exprimer la vérité. Points sur lesquels il n’a pas manqué d’insister et qui sont pour lui – c’est ce qui ressort de ses paroles –, le plus sûr fondement de la liberté religieuse.

            Telle est la force morale de l’autorité du Saint-Père, le seul homme au monde qui peut tenir un tel langage et qui soulève à son passage un tel enthousiasme des foules. Oui, car ce sont des foules qui écoutent le successeur de Pierre et telles qu’aucun homme politique qui se flatte de ses meetings où il éructe ses slogans, n’en a jamais rassemblé. La présence et les paroles du Pape ne suscitent qu’une atmosphère de paix et de ferveur spirituelle. Quel est le journaliste qui le note ?

    La vérité rend libre, y compris en politique

     

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    Au Mexique, à Leon, le pape s'est adréesé aux enfants...

     

     

            Comment les hommes de pouvoir ne voient-ils pas un tel bienfait, celui qu’ils ne peuvent donner et sans lequel leur programme et leur système ne sont que vanité et finalement échec ? Le Pape a insisté à Cuba, au Mexique – tant marqués par la foi catholique dont se sont détournés avec violence pendant des décennies les partis au pouvoir –, pour faire valoir « l’apport imprescriptible que la religion est appelée à développer dans le domaine public ». 

            Il s’agit en ces terres hispaniques de la religion du Dieu vivant et vrai qui s’est incarné pour le salut des hommes, qui « change de l’intérieur, au fond du cœur, une situation insupportable, obscure et sans avenir », qui est capable de montrer à leurs frères « ceux qui sont marginalisés par la force, le pouvoir ou une richesse qui ignorent ceux qui manquent de presque tout ». (Discours à Notre-Dame de la Lumière au Mexique). Quelle leçon !

            N’est-elle pas valable pour tous les pays, au moins tous ceux qui, à un titre ou à un autre, peuvent revendiquer un tel héritage chrétien ? « Pour cela, a précisé Benoît XVI, l’Eglise ne cesse d’exhorter chacun afin que l’activité politique soit une tâche recommandable et désintéressée en faveur des citoyens et qu’elle ne se convertisse pas en luttes pour le pouvoir ou en une imposition de systèmes idéologiques rigides qui, tant de fois, ont eu pour résultat la radicalisation d’amples secteurs de la population ».

            Comment ne pas mettre en perspective avec notre actualité cet enseignement de foi et de raison et ne pas se souvenir des discours de Benoît XVI en Europe, en France aux Bernardins, en Angleterre à Westminster, à Madrid devant les autorités, en Allemagne au Bundestag même et ainsi dans toute la vieille Europe chrétienne où il tient à chaque fois le même langage de haute portée, rappelant à chaque peuple le meilleur de toutes ses traditions ?

            C’est quand tout va mal qu’il est bon de se rappeler la voie du salut possible. Le drame de Montauban et de Toulouse devrait faire réfléchir les Français soucieux de l’avenir de leur pays. Des incidents pareils n’arrivent pas par hasard. Il est malheureusement probable que ces crimes perpétrés froidement soient un signe révélateur d’une terrible réalité. Sur laquelle rien ne sera dit officiellement que de très anecdotique et sur quoi les discussions reprendront.

    Quel homme politique aura le courage d’aller au fond du problème ? 

            Les partis au pouvoir, quels qu’ils soient, ne sont-ils pas directement responsables de l’état de la société ? Après tout, ce qui se passe, ils l’ont d’une certaine manière voulu… En tout cas, ce n’est que la conséquence de toutes leurs politiques. 

            Des banlieues livrées à elles-mêmes, des trafics organisés dans de vastes zones de non-droit, une immigration non maîtrisée, non contrôlée, d’immenses secteurs de la société abandonnés, de fausses réformes qui ne vont jamais au cœur du mal, des soutiens inconsidérés à des gens qui profitent de ce mal social pour justifier leur existence alors que les hommes de bien ne sont, pour ainsi dire, jamais encouragés, jamais soutenus ; et, maintenant, dans une société qui a banni Jésus-Christ et qui s’en est même fait une fierté, jusqu’à l’insulter publiquement, voici l’apparition d’un sentiment religieux totalement fou qui ne connaît que la cruauté et la vengeance et qui revendique tous les crimes. Ah, le beau résultat !

            Il faut le souligner, nos hommes politiques sont à peu près tous des chrétiens, la plupart des catholiques d’origine, issus de bonnes familles, tous encore sortis de très bons collèges. Vraiment ? 

            Vraiment ! Mais l’ambition les tenaille de ce maudit pouvoir toujours à prendre et à reprendre et qui les rend fous, eux aussi, à leur manière, et dont ils se sont fait leur dieu, à qui ils consacrent une sorte de religion, toute de violence pareillement, bien que feutrée et hypocrite. Où est le bien public ? Où est la paix ? Où est la grande force dynamique qui remettra la France sur sa voie royale ? Qui s’en occupe ? Comme disait l’autre : « D’abord on gagne, après on voit ». Beau programme, en vérité ! 

            Et qui définit parfaitement le régime dans lequel nous vivons.

            Dans ce climat délétère et alors que les échéances se rapprochent d’une crise aux multiples engrenages, tous devenus irréversibles, financiers, économiques, sociaux, culturels, institutionnels et politiques, il est salutaire de se rappeler, surtout en cette année de la célébration du six-centième anniversaire de la naissance de la sainte de la Patrie, Jeanne d’Arc, où se situe le véritable patrimoine de notre pays. Alors que toutes les prétendues solutions s’épuisent, un patrimoine aussi prestigieux peut encore alimenter une foi et une espérance françaises.

     

     

    Politique magazine - avril 2012 - numéro 106

     

  • Qui commande ?, par Hilaire de Crémiers

    (Voici l'analyse politique d'Hilaire de Crémiers, parue dans le n° 101 de Politique magazine, novembre 2011) 

     

    Au cours du dernier sommet européen à Bruxelles le 26 octobre dernier, l’Europe a cru se sauver elle-même. Telle est la version officielle. Pour les esprits réaliste, il ne s’agit que de palliatifs qui repoussent les échéances et c’est Allemagne qui a dicté sa volonté, même si Angela Merkel a paru céder sur certains points. 

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     Pas de sommet européen qui ne soit précédé de la rencontre préalable d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy....

            L’accord de façade du sommet réuni à Bruxelles le 26 octobre dissimule mal un profond désaccord. Des décisions ont été prises par et pour la zone euro et constituent, à côté et même à l’encontre des traités existants, comme un nouveau contrat d’entente monétaire, bancaire et budgétaire ; cependant les partenaires de l’accord ont, en réalité, tous des visées différentes. Leurs intérêts immédiats sont divergents et ce sont leurs intérêts respectifs qu’ils poursuivent à travers la prétendue convention. Pourquoi se leurrer ? L’affectio societatis europeana en est irrémédiablement atteinte. Pour une raison simple et connue de tous : l’affaire européenne n’est aujourd’hui plus qu’une affaire d’argent et il n’est pas d’union qui résiste aux questions d’argent. C’est le diviseur par excellence.

            Comment ne pas voir l’impossible gageure, grosse de contradictions, que se sont fixée comme but les chefs d’État et de gouvernement ? L’avenir de l’euro, de la zone euro, de l’Union européenne elle- même, en est hypothéqué. Chacun considère selon ses vues ses propres dettes, les dettes des autres, leurs assises, leur traitement et donc le règlement de l’immense question qu’elles posent. Le tout étant toujours de payer aujourd’hui le moins possible, alors que les sommes deviennent, chaque jour qui passe, plus colossales. Aussi le seul point d’accord véritable n’est jamais que d’avoir encore et toujours recours à la dette : dans tous les cas de figure, elle fait office de solution ; seulement, il n’est personne qui la conçoit de la même façon. La seule ligne commune se réduit à une opération facilement qualifiable : la dette de demain garantira la dette d’aujourd’hui qui elle-même garantit celle d’hier qui garantissait celle d’avant-hier. Une partie au passage sera épongée ; suffisamment, croit-on, pour tenir encore un certain temps en attendant on ne sait quel retournement de situation. En argot commercial, cela s’appelle de la cavalerie. Les Grecs y excellent ; ils ne sont pas les seuls.

     

    Le fonds de stabilité multiplicateur de liquidités

            D’où les efforts prodigieux pour faire croire à la solidité de l’échafaudage qui n’a été bâti par des experts à la demande des politiques que pour soutenir la machinerie mirobolante où s’effectuera la merveilleuse transformation d’une dette supplémentaire – car comment appeler ça autrement , même s’il ne s’agit que de sommes cautionnées ? – en actifs stables et pérennes à effet de levier garanti. 1 donnera 4, voire plus, répète-t-on à l’envi. En centaines de milliards, peut-être bientôt en milliers de milliards, la multiplication fait beaucoup ! 

            Klaus Regling, le directeur du FESF, sollicite déjà les Chinois de venir abonder, spontanément et sans-arrière pensée, avec la complicité du FMI, les sous-fonds du fonds qui lui-même abondera les caisses vides de l’Europe. Quel soulagement ! Il n’y aurait plus qu’à attendre ce bel argent frais qui inondera si généreusement nos pays assoiffés. Si les Chinois accourent, les Brésiliens suivront et tous les autres, Russes, Japonais…Oui, mais à quelles conditions ? A quel prix ? Il faudra en contre-partie se soumettre à leurs impératifs de développement, donc nous laisser envahir par leurs produits et leurs capitaux. C’est ce qui s’appelle être tenu.

            Quoi qu’il en soit, la zone euro, pense-t-on, aura, du coup, à sa disposition un fonds de stabilité financière à la puissance renforcée et sans doute sous peu décuplée. Les imaginations politiciennes, financières et journalistiques se complaisent dans cette assurance. Il est si facile de dire que la force de frappe financière européenne aura la capacité de repousser les assauts des forces hostiles de la spéculation. Mieux encore : les États étranglés par leur dette souveraine puiseront dans cette source intarissable les liquidités dont ils ont un urgent besoin. Quoi de mieux, en effet, que de transformer des dettes en monnaie et, pourquoi pas, jusqu’à due concurrence . Quantitative easing, disent nos amis américains. Ce sont procédés connus et vieilles habitudes que les Français seront heureux de retrouver ! Et, puisque les banques sont affectées par le poids des dettes souveraines, ce fonds pourra servir aussi pour les recapitaliser si elles n’y suffisent pas elles-mêmes, ce qui aidera à leur faire accepter les décotes desdites dettes souveraines que les politiques ont décidé en dépit de leur protestation : pour la Grèce, c’est fait à hauteur de 50 %... Ainsi les banques seront dans le coup : elles ingurgiteront plus de 100 milliards, ce qui permettra heureusement « aux privés », sur l’ordre des « publics », de participer eux aussi avec les contribuables – qui sont en fait les mêmes, « les cochons » de payants et de déposants – au sauvetage de la zone euro. Ô merveille de dévouement ! Et la BCE, déjà gorgée d’actifs pourris, pourrait ainsi reprendre son rôle souverain d’arbitrage et de contrôle, garantissant l’ensemble du système de toute la pureté de son immarcescible vocation ! Les Allemands y sont attachés.

            Que peut-il résulter de tant de combinaisons hasardeuses ? 

            L’empilement des structures cache la simple vérité de l’empilement des dettes et la complexité des systèmes mis en œuvre dissimule l’opposition évidente des points de vue sur la manière de traiter des engagements qui, s’ils ne sont pas virtuels, sortent du champ du réel.

            Les uns cherchent à faire supporter ou garantir ou monétiser ou mieux annuler en partie ou en totalité leurs dettes par les autres, autrement dit et en termes vulgaires c’est les refiler en s’en désengageant au risque de provoquer un effondrement général ou une inflation immaîtrisable ; les autres pensent à se préserver et à limiter leur implication en contraignant leurs partenaires à une rigueur jugée nécessaire dont les effets dépressifs se retourneront aussi et bientôt contre eux-mêmes. La vérité est que, malgré toutes les annonces euphorisantes, il n’y a plus de bonne solution ; il n’y a même plus de solution. La solution sera… ce qui arrivera ! Les choses iront leur train d’enfer sans qu’aucun « volontarisme » ne puisse enrayer, freiner, changer leur cours.

     

    La désunion de l’union

            Comme dans tous les mauvais accords, chacun commence à accuser l’autre et, le discours moral étant le plus naturel et le plus facile à l’homme, ces accusations réciproques sont déjà ponctuées d’une litanie expiatrice qui désigne l’autre à la vindicte publique : « c’est la faute à… ».

            On se persuade, en s’en félicitant, que la crise aura eu pour heureux résultat de faire progresser l’Europe, d’améliorer sa gouvernance, d’assurer une plus parfaite  intégration au motif qu’on a créé et qu’on va créer encore des structures supplémentaires, des organes de cohésion, de surveillance, de contrôle, d’unification avec des commissaires spécialisés, le tout assorti d’obligations nouvelles exigées par les Allemands et par Bruxelles. L’Europe fédérale serait le salut, parce que ces messieurs se sont rendu compte que l’union monétaire ne suffit pas.

            Qui ne voit que c’est le contraire qui se passe ? Dans l’atmosphère délétère où se débat l’Europe, c’est le « trompe qui peut », vieille règle des mariages de convention, qui va retrouver tous ses droits. Les politiques nationales dont l’Europe ne tenait aucun compte et qu’elle méprisait, s’imposeront comme des nécessités de salut avant que ne puisse apparaître l’ombre d’une politique fédérale. C’est déjà presque fait et cette résurgence ne laisse pas d’inquiéter. Tous les retournements sont possibles. Les peuples demandent à être protégés, rien ne sert d’agiter les spectres des jours anciens ni de dénoncer un « populisme » qualifié de stupide parce qu’il s’accroche à ses salaires, à ses usines, à ses village, à ses sous, à son pays. Il aurait peut-être mieux valu ne pas négliger ce qui fait la vie des gens. Les Grecs penseront d’abord aux Grecs, les Français aux Français, les Allemands aux Allemands qui ne joueront, quant à eux, le jeu de l’Europe que jusqu’au moment où ils se sentiront floués. Après tout, c’est normal.

     

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    Avant tout engagement, la chancelière allemande soumet aux représentants de la souveraineté allemande les plans européens...

     

     

    L’europe sous souveraineté allemande

            Le président français qui a bousculé au cours de ces trois dernières années les décisions de la chancelière allemande se voit forcé aujourd’hui de se plier à son tour aux impératifs germaniques. Libre à lui de présenter dans son discours aux Français ces impérieux rappels à l’ordre comme une pédagogie vers plus de réalisme et comme des perspectives lucides et rigoureuses vers des redressements possibles que seul son courage politique est capable d’assumer à l’encontre des folies, des rêves ou des lâchetés de tous les autres ! C’est assurément un bon argument de campagne électorale. Il n’empêche : les réunions qui se sont succédées au cours du mois d’octobre et qui précédèrent ce sommet du 21 octobre, se concentraient pour l’essentiel sur les ententes préalables entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ; et il est dorénavant indubitable que c’est Angela Merkel qui fait savoir à Nicolas Sarkozy et à tous les autres que l’Allemagne dans cette crise terrible a la ferme volonté de reprendre la main. La zone euro, l’euro, et donc l’Union européenne, ne fonctionneront qu’autant que l’Allemagne y consentira. C’est dit et c’est clair ; et par deux fois, y compris le 21 octobre, elle a soumis au Bundestag les dispositions du nouveau plan de sauvetage européen puisqu’elle est responsable devant l’assemblée souveraine de l’Allemagne et que la Cour suprême de Karlsruhe n’a pas manqué de rappeler la règle irréfragable de la souveraineté allemande qui ne se partage pas. Ainsi l’Europe toute entière était suspendue au vote des députés allemands. Ce sera la règle pour l’avenir.

            Est-il possible de parler d’avancées européennes ? La rigueur va s’abattre sur la France : le gouvernement est obligé d’y aller de plus en plus vigoureusement, pour répondre à toutes les exigences. 

            Les prévisions du taux de croissance sont à la baisse. Tout l’univers français public et parapublic est criblé de dettes. Le chômage augmente, autant que les impôts et les taxes. L’Espagne et l’Italie sont menacées de perpétuelles dégradations : comment faire quand rien ne va plus ? Quant aux pays de l’union européenne qui ne font pas partie de la zone euro, comme l’Angleterre et la Pologne, ils ont fait savoir qu’ils ne comprenaient pas pourquoi tant de décisions qui les concernaient  également, étaient prises sans eux. Au point qu’une majorité d’Anglais souhaitent sortir de l’Union et que David Cameron voit une partie de ses députés se rebeller.

            Pareille ambiance est propice aux aigres propos. Ça ne manque pas. A ce jour, il n’est guère possible de dire ce qu’apportera de plus le sommet du G20 à Cannes, ces 3 et 4 novembre, dont Nicolas Sarkozy qui le préside, espérait faire un moment de clarification. Les discours ne suffisent plus. ■ 

  • Quelques leçons politiques de la crise économique, par François Reloujac

                La crise économique actuelle – ou les crises successives : économique, financière, politique – doit conduire chacun à examiner les raisons de son développement et à tirer les enseignements qui découlent des enchaînements auxquels on assiste. Sinon, il est vain de vouloir essayer d’en sortir, on ne pourra, au mieux, que retarder l’échéance. Il est difficile, dans un espace restreint d’exposer une analyse détaillée d’un phénomène complexe et ancien, c’est pourquoi il faut se contenter ici d’évoquer quelques grandes lignes.

                La première cause de la crise actuelle est politique. Elle résulte de la facilité qui a conduit les hommes politiques à réduire le fondement de leur pouvoir à une simple question financière. Depuis le triomphe américain aux lendemains de la Seconde guerre mondiale et surtout depuis l’effondrement du monde communiste, il est admis que celui qui a l’argent a le pouvoir. Dès lors, tout le discours politique contemporain a été orienté vers l’augmentation du pouvoir d’achat immédiat et son corollaire : l’achat – direct ou indirect – des voix aux élections !

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    L’élection la plus chère de l’histoire : deux milliards de dollars, c’est le montant cumulé de l’argent levé par tous les candidats (primaires y compris). A ce petit jeu, le roi s’est appellé Barack Obama. Il a accumulé à lui seul près de 700 millions de dollars, dont 500 juste pour le dernier round. C'est parce qu'il avait le plus d'argent; c'est parce que - oui - l'élection s'achète, qu'il l'a emporté haut la main.....

     

                 Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe, à l’époque du triomphe des idéologies, les élections mettaient aux prises des candidats qui avaient des projets politiques et philosophiques différents. Dans ces conditions, on a enregistré une « prime aux sortants » ; le suffrage universel était essentiellement conservateur. Les électeurs savaient ce qu’ils avaient, ils avaient du mal à imaginer ce qu’ils auraient s’ils décidaient de changer d’équipe… que celle-ci gagne ou perde, et l’électeur avec !

    Autrefois conservateur, le suffrage universel est devenu facteur d’alternance… et d’insatisfaction permanente

                  Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, tous les candidats, à quelque élection que ce soit, cherchent simplement à capter le plus d’argent possible pour se présenter avec les meilleures chances de succès envisageables. Les projets qu’ils peuvent avoir passent au second plan. L’important n’est plus le contenu – le programme – mais le contenant – les slogans de campagne. Tout candidat a donc désormais recours à des « communicants » professionnels, à des agences de publicité qui, telles des savonnettes, les parent de toutes les vertus auxquelles personne ne croit mais auxquelles tout le monde rêve. Comme il faut, dans une telle compétition médiatique, que chacun se distingue, l’on assiste à un emballement des promesses suivi d’un cumul de déceptions. De conservateur, le suffrage universel est devenu le premier facteur de l’alternance… mais aussi de l’insatisfaction permanente. Sauf en cas de situation extrême, nul candidat ne peut se faire élire sur une réputation d’austérité relative. Les efforts demandés sont toujours moins populaires que les subventions promises.

                 Or, cette primauté de la question financière a évolué au cours des cinquante dernières années. Au sortir de la seconde guerre mondiale, les populations occidentales n’avaient qu’une seule envie : reconstruire leur domaine et se survivre. Peu importait alors l’inflation, puisque, de toute façon, les lendemains seraient meilleurs. Cela a duré jusque vers les années soixante-dix ; le temps d’un changement de génération. A partir de ce moment là, les nouveaux détenteurs du pouvoir ont commencé à se préoccuper de leur propre retraite, d’autant que la démographie n’était pas favorable. Elevés comme des dieux par les survivants de la guerre, ayant bénéficié d’une période d’euphorie comme il n’y en a pas eu beaucoup dans l’histoire du monde (les « trente glorieuses »…), ils ne pouvaient pas imaginer un instant que le progrès ne soit pas indéfini. Dans leur soif de profiter pendant leur jeunesse des sollicitations toujours plus nombreuses de l’offre de consommation, ils n’avaient pas voulu avoir d’enfants, pour ne pas avoir à partager avec une progéniture encombrante. L’âge avançant, ils ont constaté que demain non plus ils n’auraient pas d’enfants pour payer leur retraite et accepter que celle-ci augmente au gré de l’inflation. D’où leur décision de développer des systèmes tels que les fonds de pension dans le monde anglo-saxon ou l’assurance-vie dans le monde latin. L’envol de la dette publique et l’explosion du crédit à la consommation en sont directement issus (1) : les populations européennes vieillissantes ont une nette préférence pour l’immédiateté et ne veulent plus envisager des sacrifices présents pour assurer le futur.

                  Dans un tel contexte, le moteur de l’action est devenu la possession de la richesse immédiate et, avec la griserie des succès obtenus, chacun ne compte plus que sur lui pour obtenir le pouvoir d’achat immédiat qui lui permet de commander des biens ou des services à tout l’univers. Ce pouvoir paraît d’autant plus grand que, dans la « grande maison commune », le langage devient de plus en plus uniforme. Mais à force d’user des mêmes mots dans des contextes différents, ceux-ci finissent par prendre des sens de plus en plus divergents. L’incompréhension menace. Ainsi, lorsque les Allemands demandent à leurs partenaires de faire un effort de rigueur dans la gestion de leur économie, ils peuvent avoir économiquement raison, ils ont politiquement tort. Ils expliquent l’intérêt qu’ils ont à prôner la rigueur et développer ainsi – au détriment des autres – leur commerce international. Les autres considèrent simplement qu’ils ont contracté une tendance névrotique (2) liée à la grande dépression qu’a connue l’Allemagne entre les deux guerres mondiales et dont personne ne se prive de leur rappeler qu’elle a précédé – sinon causé – l’un des plus grands drames de l’histoire. Les arguments allemands sur le fait que nul ne peut indéfiniment vivre au-dessus de ses moyens sont devenus inaudibles à force d’être décalés par rapport au passé immédiat de l’Europe. Tout comme un agent économique qui fait de la cavalerie (3) vit dans l’euphorie jusqu’au jour où le montant des intérêts accumulés devient tel que le système qu’il a mis en place s’effondre, entraînant dans sa chute celle de ses créanciers.

    La mondialisation a engendré des « grands feudataires » d’un nouveau genre : comment leur adapter la politique capétienne ?

                 Avec la libéralisation des lois financières qui a été mis en place depuis maintenant près de quarante ans, on a vu apparaître de nouveaux pouvoirs. Au fur et à mesure que les responsables politiques ont plus ou moins consciemment lutté contre leur propre pouvoir pour donner accès aux populations qui les avaient élus à de nouveaux produits venus de partout, ils ont favorisé le développement des multinationales apatrides qui sont les grands feudataires d’aujourd’hui.

                 Ce que l’histoire de France nous apprend, c’est que le seul à avoir pu apporter aux populations ballotées entre ces divers caprices une unité bienfaisante, a été Hugues Capet,  comte de Paris. Après lui, ses héritiers ont su limiter leur pouvoir à celui qu’ils exerçaient sur des populations qui, adhérant à leurs vues, n’avaient aucune prétention à l’empire : à la différence du monde de Babel, elles n’aspiraient pas à la mise en place du « village planétaire » et de la tour orgueilleuse qui escaladerait le ciel. Aujourd’hui où l’Europe est devenue le principal vecteur de la mondialisation et où les pouvoirs indépendants les uns des autres, mais toujours égoïstes, des grandes entreprises se disputent la clientèle de populations sans maître et sans idéal, comment ne pas songer à la descendance de Robert Le Fort ?

                 Pourtant, la tâche n’est pas la même, et cela pour au moins trois raisons. La première, la plus simple, est que, comme nous l’avons vu, les grands feudataires de ce jour ne sont plus des personnes physiques faciles à identifier et localiser mais des personnes morales installées un peu partout et qui peuvent susciter l’émergence d’une nouvelle tête dès qu’on leur en coupe une ancienne. La seconde est, qu’à l’époque d’Hugues Capet, d’un point de vue juridique, le choix avait été fait d’accepter le droit du lieu géographique (le droit français en France) plutôt que le droit de la personne, contrairement à ce qu’impose aujourd’hui l’Europe avec le droit du pays d’origine, celui du prestataire de service, du marchand ! La troisième et dernière raison est que toute disposition nouvelle est immédiatement soumise à une présentation et à un jugement médiatiques. A l’époque d’Hugues Capet, cela était déjà vrai, sauf que ceux qui assuraient cette médiatisation étaient moins nombreux, que leur influence immédiate était géographiquement moins étendue, et que tous partageaient plus ou moins les mêmes valeurs, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Cependant, par rapport à cette époque, le monde actuel dispose de plus de moyens. Il lui faut seulement une volonté ou, plus exactement, une rencontre de volontés : la volonté de celui qui accepte de relever le défi de servir ainsi des peuples définis et la volonté de ceux qui acceptent de se mettre à son service. Car, en donnant la primauté à l’économie, ce que notre monde a oublié, c’est que la politique est un moyen de servir et non de se servir, que c’est un service et une solidarité.

     1 La lutte contre les discriminations aussi.

    2 Selon une formule de Roland Hureaux (Le Figaro, 24 mai 2010).

    3 Celui qui emprunte non seulement pour rembourser ses dettes, mais aussi payer les intérêts qui leur sont liés.

    Cette note, rédigée à la demande du prince Jean de France, est extraite de la Lettre n° 19 de Gens de France. 

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