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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • «Jean Raspail, c’est le panache et l’élégance française qui prennent le deuil !», par Maximilien Varangot.

    L'écrivain et explorateur français Jean Raspail est décédé ce samedi 13 juin à Paris à l'âge de 94 ans.

    Source : https://www.billetdefrance.fr/

    Une plume n’est que le prolongement d’un esprit, certaines sont les instruments de démiurges. Jean Raspail était des leurs. Car, comment ne pas voir dans son héritage l’art de sublimer l’intemporel dans un monde mouvant et liquide, et celui de redorer le blason des causes déchues et oubliées ?

    Il va sans dire que l’œuvre de Raspail ne se lit qu’à travers sa vie. Et quelle vie ! Enfant de la campagne paisible d’Indre -et-Loire, il monte à Paris faire ses études dans le privé où son goût pour l’écriture se déclare, mais en vain, car une critique lui vole sa vocation d’écrivain pendant un temps. Qu’à cela ne tienne, c’est donc vers le vaste monde que Jean se tourne ! Son âme d’aventurier lui vient sans conteste de son engagement dans le scoutisme, où, de jeune scout promettant il finira Commissaire National, gravissant tous les échelons de la hiérarchie, et sera un des organisateurs du camp de la paix en 1946 qui rassemblât les scouts du monde entier dans une communion fraternelle. Ainsi Raspail va s’appliquer à vivre l’aventure scoute jusqu’au bout.

    L’appel du grand large

    Et le voyageur part au-delà des mers, à la rencontre des populations qui ne sont plus grand-chose face à un monde moderne et désenchanté. Il traverse de long en large les Amériques et fait aussi le tour du Japon. Témoin et porte-parole des causes désespérées, il s’attache tout particulièrement à un peuple, les Patagons. Ce peuple de géants, situé dans ce bout-du-monde qu’est la Patagonie, est l’occasion pour Jean l’aventurier de porter un autre étendard, celui de la royauté. En effet, il fait partie de ces rêveurs et défenseurs obstinés du royaume éphémère de Patagonie et d’Araucanie, dont il peint l’histoire folle dans son livre Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, sorti en 1981. Il va jusqu’à se proclamer consul général de Patagonie, ambassadeur convaincu d’un royaume oublié et d’un peuple méprisé.

    Mais ses convictions, Jean Raspail les a chevillé au corps, et c’est là toute la beauté de l’homme : parti pour explorer le monde, il n’a jamais oublié ce qu’il était, d’où il venait et ce en quoi il croyait. Son honneur était fidélité. Ce royaliste pétri de foi et de romantisme, Chateaubriand du XXe siècle, a permis, par ces romans, à plusieurs générations de renouer avec un héritage caché. La monarchie, cause perdue de la France païenne et républicaine, est redevenue sous la lanterne de Raspail une promesse plus qu’une utopie. Son engagement royaliste le pousse jusqu’à porter l’armure et partir au combat. Son fait d’arme le plus éloquent est bien sûr le 21 janvier 1993 lorsqu’il parvînt à réaliser un hommage place de la Concorde pour les 200 ans de la mort du « roi-martyr ». C’est une réussite, la foule est nombreuse, l’ambassadeur des Etats-Unis est là, et la manifestation interdite par la préfecture est finalement autorisée par le Président de la République François Mitterrand. Moment de grâce.

    Un esprit visionnaire

    Mais, au-delà du rêveur de grandes épopées, nous pouvons dire qu’il est, à l’image de Bainville durant l’entre-deux guerres, un prophète. Le Camp des saints, roman de l’apocalypse, résonne comme un écho dans notre actualité. Lucide, il a imaginé l’inévitable menace qui pèse sur la France : l’immigration massive. Pourquoi l’homme des cultures enfouies et des voyages lointains s’est-il inquiété de l’arrivée de ces gens venus d’ailleurs ? Parce qu’il n’oubliait pas que, ce qui importe pour un peuple, c’est d’être enraciné. Et c’est peut-être tout le sens de ses combats : l’enracinement. Et la France fait partie de sa liste des peuples menacés. Il nous a avertis. Certains y ont vu une réaction rance et xénophobe, d’autres ont entendu un cri d’alarme, ou plutôt le son du cor de Roland qui résonne à nouveau. Car, oui, lui se souvient des hommes qui ont défendu l’honneur.

    Ainsi, Jean à la silhouette droite, au style anglais et à l’arrogance française, a rejoint le Royaume des saints. Si certains disent que c’est la vieillesse qui a cueilli l’homme arrivé au bout de la jetée, je leur réponds que c’est parce qu’il n’a jamais perdu son âme d’enfant que Dieu l’a rappelé à lui. S’il n’a pas pu clamer Sire, et vu les lys refleurir, il restera comme l’un de ceux qui les ont semés.

    Jean Raspail, c’est le panache et l’élégance française qui prennent le deuil ! Une écriture de feu, un esprit visionnaire et un aventurier de l’ancien temps. Grâce à vous, Jean, le flambeau royaliste reste allumé, comme une lumière dans un monde qui se défait. Pour vous, je mets un genou à terre.

  • En vente à la Librairie de Flore.

    Coups de cœur du mois
    - Charles Maurras et l'Action française par Alain de Benoist
    -Ixixe, le grand amour de Maurras par Yves Chiron

  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (104)

     

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     (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

    Aujourd'hui : Conversations : en voiture, avec Bainville...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    Tirée d'un "Almanach de l'Action française", photo du grand escalier du siège de l'Action française, 1 rue du Boccador, que quittent ce soir-là Bainville, Daudet et Massis, ramenés chez eux par Alary, dans sa voiture : Bainville habite alors rue du Bac et Daudet rue Saint-Guillaume...

     

    De "Maurras et notre temps", d'Henri Massis, Tome II, pages 36/37/38 :

    "...Pujo, là-dessus, arrive avec sa "copie" : c'est l'heure où Maurras et lui vont s'entretenir du prochain numéro, celle où Daudet et Bainville rentrent dîner, car ils sont de vie régulière.
    Nous regagnons leur bureau. Bainville range ses journaux, remonte sa montre, et tandis que j'aide Léon à mettre sa pelisse, il lui raconte encore une histoire :
    "Savez-vous, cher ami, que c'est Georges V qui veut garder Macdonald ! Il l'adore, il ne peut se passer de sa compagnie ! Par contre, il déteste Baldwin, le chef des conservateurs, il ne peut pas le voir en peinture ! L'autre le ravit avec sa pipe, son air cordial, bon enfant, une sorte d'Herriot dans un moule écossais. Et voilà pourquoi l'Angleterre est livrée aux travaillistes !"
    Léon rit en entendant Bainville railler les rois; la chose lui arrive, mais non pas de moquer la monarchie.
    Nous descendons le grand escalier du Boccador : les "camelots" nous ouvrent la porte, la voiture d'Alary est là, qui nous attend. Nous y montons tous les trois...
    C'est l'heure charmante, celle où nous nous raccompagnons et nous déposons les uns chez les autres...
    La conversation continue...
    Léon parle de Naples où se passe son prochain roman, il en parle avec ivresse.
    Bainville, qui visita Naples à son retour de Grèce, dit combien il fut déçu de n'y trouver qu'un décor d'opéra, et de louer la beauté du paysage grec aux lignes d'une pureté sans seconde qui s'épousent et s'emmêlent dans une lumière divine !
    "Que nul peintre ne pourra jamais rendre, ajoute-t-il.
    - Il y faudrait de la musique, fait Léon.
    - Oui, dit Bainville. D'ailleurs, architecture, musique, c'est tout un !"
    Nous voilà devant les Tuileries, où l'exposition Degas vient de s'ouvrir.
    "Degas m'embête, dit Léon; ses danseuses, ses blanchisseuses, ses sujets m'assomment... Je suis allé les voir. Quel ennui !
    - Il ne faut jamais voir tout l'oeuvre d'un artiste, reprend Bainville : c'est comme si l'on était obligé de relire de bout en bout tous les livres d'un écrivain ! Il y a trois ans, j'ai vu la rétrospective de Courbet. "Quel effroyable imbécile ! me disais-je en sortant de là."
    Bainville tombe bien ! Il n'était pas là, tout à l'heure, quand Daudet parlait de Courbet avec Maurras. Mais Léon semble ne pas avoir entendu et ne répond rien... Nous sommes arrivés rue du Bac; Bainville nous dit gentiment "bonsoir"... J'accompagne Daudet jusqu'à la rue Saint-Guillaume, et je l'entends encore me dire, dans la nuit de la voiture, avec bonne humeur :
    "Maurras, quelle tête politique ! Mais ses idées littéraires, ah ça, non !".
    Et comme j'allais lui répondre que toute la politique de Maurras est sortie de son esthétique, l'auto s'était arrêtée devant le 33 de la rue Saint-Guillaume.
    Oui, une soirée pareille à tant d'autres que j'ai vécue déjà... Mais quand tout cela aussi n'existera plus, qui pourra jamais l'imaginer ?..."

  • GRANDS TEXTES (32) : La démocratie est-elle la fille de la Révolution française ?, par Yvan Blot.

           (Ce texte d'Yvan Blot est paru dans La Nouvelle Revue Universelle, n° 10 – décembre 2007 

            

    "Retotale" : le jeu de mot, en tant que jeu de mot, est très réussi; il serait presque amusant, car vraiment spirituel, s'il ne s'agissait d'une réalité épouvantable, que la Terreur et le génocide vendéen sont, très vite, venus illustrer. Puis, plus tard, leurs héritiers et descendants du vingtième siècle, sous les différentes formes de marxisme-léninisme, de Staline, à Mao, Pol Pot etc....

    Dans cette ample réflexion qu'il mène sur la Révolution française, Yvan Blot va bien à l'essentiel, au coeur du problème, lorsqu'il cite et rappelle cette expression, employée par un Sieyès lui-même en proie aux doutes et inquiet - sinon horrifié... - de la tournure que prenaient les évènements.

    De même, Gracchus Babeuf, pourtant adepte d'une théorie que l'on peut qualifier de pré-communiste, sera lui aussi épouvanté par ce qu'il voyait en Vendée : c'est lui, d'ailleurs, qui forgera le mot de populicide.

    "Il s'est produit des évènements que nous n'avions pas prévu..." dira benoîtement, pour sa part, Saint Just...

    Mais le fait est là, et c'est ce que montre bien ici Yvan Blot, s'appuyant, entre autres sur Robert Furet : dès les origines, dans ses germes eux-mêmes, la Révolution de 1789, triomphante en 1793, portait en elle-même le Totalitarisme : l'expression de république totale, la "rétotale", dont parle Sieyès, le dit bien...

    De par son idéologie, la République qui en est issue n'est donc pas une République à proprement parler, une Res Publica, comme elle l'est en Suisse, en Allemagne... mais une République idéologique; ce qui est, bien sûr tout autre chose, et radicalement différent.

    De même, la démocratie dont elle se réclame n'est-elle pas non plus une démocratie au sens habituel et étymologique du terme, mais, là aussi, une démocratie idéologique; ce qui est, là aussi, tout à fait autre chose, et radicalement différent.

    C'est le mérite de cette étude d'Yvan Blot que de le démontrer clairement, dans un texte concis et ramassé, donc très accessible, qui devrait ouvrir les yeux de celles et ceux qui se sont laissés abuser par les mots, et les ramener aux réalités, dépassant ainsi les mensonges et les faux mythes....  

    La conclusion d'Yvan Blot s'impose d'elle-même, elle est claire et limpide : La Suisse ou les États-Unis disposent d'une véritable République, d'une véritable Démocratie pour deux raisons : d'abord, parce qu'elles ne les considèrent que comme un mode de gouvernement parmi d'autres possibles; que comme un type de gestion des choses et des gens, parmi d'autres types possible. Ensuite, et surtout, parce que, dans ces deux pays, de très fortes Traditions nationales, historiques, religieuses sont vécues par les populations.

    La République française est d'une nature toute autre, puisqu'elle s'est, au contraire, construite sur le rejet, la négation, la lutte constante contre toutes les Traditions constitutives de la France. Parler d' "An I de la République" est très révélateur ! La République se veut la nouvelle religion, qui doit éradiquer l'ancienne et la remplacer, car elle porte en elle-même le tout (c'est pour cela qu'elle se croit, d'ailleurs, "exportable", et de là vient son messianisme...) : mais le mot "tout" est, précisément à la base du mot "totalitarisme"...

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    Alexandre Soljénitsyne, dans son Discours aux Lucs sur Boulogne, en 1993 devait déclarer :
     
    "La Révolution française s'est déroulée au nom d'un slogan intrinsèquement contradictoire et irréalisable : liberté, égalité, fraternité. Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s'exclure mutuellement, sont antagoniques l'une de l'autre! La liberté détruit l'égalité sociale - c'est même là un des rôles de la liberté -, tandis que l'égalité restreint la liberté, car, autrement, on ne saurait y atteindre. Quant à la fraternité, elle n'est pas de leur famille. Ce n'est qu'un aventureux ajout au slogan et ce ne sont pas des dispositions sociales qui peuvent faire la véritable fraternité. Elle est d'ordre spirituel. Au surplus, à ce slogan ternaire, on ajoutait sur le ton de la menace : « ou la mort», ce qui en détruisait toute la signification"

    La Révolution française n'a pas créé la démocratie. L'a précédée la "révolution américaine" qui est moins une révolution qu'une guerre d'indépendance, et a instauré une démocratie sans recourir au bouleversement idéologique.

    Et que dire de la Suisse !

    Qu'est-ce alors que la Révolution française ? D'abord une Révolution idéologique de caractère anti-chrétien. Sa dimension religieuse lui a donné son pouvoir de fascination et son influence.

    Nous le montrerons en trois points :

    1. Une révolution largement anti-chrétienne ;

    2. Le génocide vendéen ;

    3. Le culte de l'État issu de la Révolution ;

    Et conclurons par une observation sur le rapport ontologique révolution /démocratie.

     

     

    I : UNE RÉVOLUTION LARGEMENT ANTI-CHRÉTIENNE 

     

    Selon François Furet, "la Révolution française est devenue la mère d'un événement réel" qui "a un nom : octobre 1917 et, plus généralement, Révolution russe". Dès 1920, Mathiez souligne la parenté entre les gouvernements montagnard (juin 93-juillet 94) et bolchévique - deux dictatures nées de la guerre civile et de la guerre étrangère, deux dictatures de classe opérant par la terreur, la réquisition, les taxes et se proposant, en dernier ressort, la transformation de l'humanité.

     

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     L'abbé Emmanuel-Joseph Sieyès, 3 mai 1748/20 juin 1836.

    La Liberté ? "Les députés savent désormais qu'un pouvoir plus oppressif que l'ancienne monarchie absolue peut régner en son nom." (Furet) Sieyès dit qu'il faut se méfier des idées de "Rétotale" (sic) qui remplacent la République !

     

           

    Dès le début, la Révolution française se veut "rupture totale avec le passé réel rejeté dans les ténèbres de la barbarie". Sieyès notamment parle d' "Ancien régime" dès l'été 1789. La monarchie "absolue" dispose que le souverain ne rend compte qu'à Dieu. Du coup, note Furet, "il a l'obligation de se conduire en souverain chrétien. De plus, il y a comme en Angleterre un corps de principes coutumiers : la foi catholique du souverain, le respect de la liberté et de la propriété des sujets, l'inaliénabilité du domaine royal. Au-dessus des lois mais soumis à des lois, le roi de France n'est pas un tyran. La monarchie française, état de droit, ne doit pas être confondue avec le despotisme, pouvoir sans frein d'un maître". La base de l'Ancien Régime est la religion, c'est elle qu'il faut abattre. Il y a dans la philosophie française des Lumières un élan anticlérical et anti-catholique sans équivalent dans la pensée européenne. Hume, athée, vit en paix avec les religions; Voltaire, déiste, fait la guerre à l'Église catholique. Mais le vrai moteur de la Révolution est ailleurs, dans la revendication égalitaire.  

     

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       Le 14 juillet 1789, on promène des têtes au bout des piques. François Furet l'affirme: dès cet épisode, la Terreur est en gestation, "la culture politique qui peut conduire à la Terreur est présente dans la révolution française dès l'été 1789", et la prise de la Bastille inaugure "le spectacle de sang, qui va être inséparable de tous les grands épisodes révolutionnaires".

     

           

    Le penseur majeur en est Sieyès, prêtre aigri. Son pamphlet, de 1788, l'Essai sur les Privilèges donne le "la" de ce qui, dès 1789, sera le ressort révolutionnaire, la haine de l'aristocratie. Sieyès attaque les privilèges au nom de la raison, de la science, fonde une société d'individus libres, la "nation". Dans Qu'est ce que le Tiers-État ? il livre "le grand secret de la Révolution, ce qui va constituer son ressort le plus profond, la haine de la noblesse". Moins penseur qu'homme de ressentiment, "en vidant la querelle de sa vie avec les gens bien nés, il a touché la passion la plus forte de l'opinion qui se retrouve en lui". Le fruit était mûr. Selon Furet, "entre mai et août 1789, tout l’Ancien Régime s'est effondrée... Les Français ont fait du rejet de leur passé national le principe de la Révolution. Une idée philosophique s'est incarnée dans l'histoire d'un peuple".

    La violence éclate dès le 14 juillet. Nul n'ignore la capitulation de la Bastille devant les canons pris aux Invalides, le gouverneur Launay, puis le prévôt des Marchands Flesselles assassinés, les premières têtes coupées fixées à des piques... Cette violence, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, votée le 26 août par l'Assemblée constituante, ne l'enraye pas. Mounier s'en inquiète et demande une déclaration compensatrice des "devoirs du citoyen" ; il craint l'anarchie. Si la déclaration américaine de 1776 est présente à tous les esprits, beaucoup mesurent l'abîme qui sépare la situation du vieux Royaume de celle des ex-colonies britanniques peuplées de petits propriétaires aux traditions responsables. La Déclaration de 1789, comme la déclaration américaine, énonce des droits naturels. Or, si, dans le précédent américain, ces droits (pour la plupart issus de la tradition de la Common Law anglaise) sont perçus comme précédant la société et en harmonie avec son développement, dans la France de 1789 l'accent est mis sur le "volontarisme politique" : la loi produite par la "raison souveraine" est placée en suprême garantie des lois. La porte est ouverte au constructivisme et à l'étatisme. 

     

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    François Furet : "Au-dessus des lois mais soumis à des lois, le roi de France n'est pas un tyran. La monarchie française, état de droit, ne doit pas être confondue avec le despotisme, pouvoir sans frein d'un maître..."

     

           

    S'ajoute, dès 1789, la rupture entre le nouveau régime et la religion traditionnelle. En dépit des Lumières et même si la démocratie naissante substitue "les droits de l'homme" au monde selon l'ordre divin, la rupture n'est pas délibérée. Si la religion est atteinte par la liquidation de l'Ancien régime, la révolution initialement n'a pas l'intention de substituer une nouvelle religion à l'ancienne. Mais "en déracinant l'Église catholique de la société" - le mot est de Furet -, en la privant sans indemnité de ses biens, la révolution a brutalement séparé démocratie française et tradition catholique. La mesure en scandalise plus d'un. Les choses ensuite vont vite. En février 1790, quatre mois après la mise à la disposition de la Nation des biens du clergé (pour rembourser l'abyssale dette nationale), l'évêque de Nancy veut faire reconnaître le catholicisme comme religion nationale : motion écartée, quand l'Assemblée adopte la constitution civile du clergé contestée par la majorité des ecclésiastiques. En avril 1791, Louis XVI est empêché de quitter Paris pour aller recevoir à Saint-Cloud la communion d'un prêtre de son choix. Philosophie de la liberté ? Furet : "Les hommes de la Révolution ont pensé la nation à partir de l'expulsion de l'aristocratie, étrangère à la communauté. Le conflit armé va superposer ennemi intérieur et ennemi extérieur. La philosophie des Lumières cosmopolite n'avait conquis qu'un public restreint....  Sous sa forme la plus démocratique, elle pénètre les masses populaires par un canal imprévu, le sentiment national". Par la synthèse d'un messianisme d'idées et de la passion nationale, la Révolution intègre les masses à l'État. La guerre voulue et déclarée par l'Assemblée au "roi de Bohême et de Hongrie", le 20 avril 1792, va démocratiser la gloire ! Le 10 août, le roi Louis est arrêté. Le 21 septembre, la Convention, élue au suffrage universel (seuls les militants révolutionnaires osent voter), proclame la République. Le pouvoir y sera toujours aux mains de minorités.

     

     

    II : À LA CONVENTION, UN DÉCRET RAPPORTÉ PAR BARÈRE

    ORDONNE LE GÉNOCIDE VENDÉEN...

     

     

    L’affaire de Vendée souligne la passion religieuse de la Révolution. Le ressort insurrectionnel y est religieux : les nobles ne paraissent qu'en acteurs tardifs; si le roi est invoqué, il est induit de l'appel à Dieu, à la tradition catholique. L'été 1793, la dictature du Comité de Salut Public est instaurée. Terreur et vertu sont à l'ordre du jour. Le gouvernement, par obsession idéologique, règne en faisant planer la peine de mort sur ses serviteurs comme sur tout citoyen. Le 1er août 1793, à la Convention, un décret rapporté par Barère ordonne de détruire la Vendée. Il sera appliqué à partir de janvier 1794.

    La guerre civile devient terreur organisée depuis Paris dans l'intention de détruire, outre les rebelles, population, fermes, cultures et autres "berceaux de brigands". La guillotine ne suffit plus; dès décembre 1793, Carrier a recouru aux noyades collectives. Les troupes républicaines, divisées en "colonnes infernales", ont mission de brûler sur leur chemin toute habitation et d'exterminer les populations. L'opération dure jusqu'en mai 1794. Barère déclare à la Convention : "Le Comité, d'après votre autorisation, a préparé des mesures qui tendent à exterminer cette race rebelle. L'humanité ne se plaindra pas, c'est faire son bien que d'extirper le mal" ; et Turreau, commandant en chef de l'Armée de l'Ouest: "Je vous donne l'ordre de livrer aux flammes tout ce qui est susceptible d'être brûlé et de passer au fil de l'épée tout ce que vous rencontrerez d'habitants".

    Un camp d'extermination est créé à Noirmoutier, un atelier de tannage de peau humaine à Pont-de-Cé. Pierre Chaunu a observé "Si nous n'avons jamais eu d'ordre écrit de Hitler concernant le génocide juif, nous possédons ceux de Barère et de Carnot relatifs à la Vendée". Un article L 211 -1 de notre Code pénal le stipule : "Constitue un génocide le fait en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction partielle ou totale d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux..., de commettre l'un des actes suivants : atteinte à l'intégrité physique ou psychique, etc..." Il y a eu un génocide vendéen. 

     

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    Le 14 août 1793, dans son Rapport à la commission extraordinaire, Saint Just écrit : "...on tanne à Meudon la peau humaine. La peau qui provient d'hommes est d'une consistance et d'une bonté supérieure à celle des chamois. Celle des sujets féminins est plus souple, mais elle présente moins de solidité..."

    Gustave Thibon aimait à rappeler ce mot de Frédéric II  à Voltaire :
    "Nous avons connu, mon cher Voltaire, le fanatisme de la Religion; un jour, peut-être, connaîtrons-nous celui de la Raison, et ce sera bien pire..." 

     

           

    La terreur n'est pas liée à la situation militaire qui s'est redressée, ni aux pressions populaires. Selon Furet, "la Révolution française ne pense les résistances réelles ou imaginaires qui lui sont opposées que sous l'angle d'un gigantesque et permanent complot qu'elle doit briser sans cesse". C'est pourquoi "la Terreur est ce régime où les hommes au pouvoir désignent les exclus pour épurer le corps de la nation. Les paysans vendéens ont eu leur tour, Danton attend le sien".

    Ce constat ne signifie pas qu'il n'y a pas de différence entre 1789 et 1793, mais la culture politique qui conduit à la terreur existe dans la Révolution française dès l'été 1789. En même temps, la déchristianisation se déchaîne, anarchique. Voyez le journal d'Hébert, Le Père Duchesne, et des représentants en mission, comme Fouché à Nevers, mènent une campagne d'extirpation du culte catholique, saisi comme pratique liée à la malédiction de l'Ancien Régime. La Commune de Paris s'en mêle avec ses mascarades antireligieuses, la fermeture des églises. Un anticléricalisme populaire urbain trouve dans la Révolution un culte de substitution et la majorité de la Convention qui adopte le calendrier républicain est antireligieuse.

    Au printemps 1794, la Terreur s'institutionnalise : le décret du 27 germinal (16 avril) centralise la justice à Paris; la loi du 22 prairial (10 juin) supprime l'instruction, fonde l'accusation sur la seule dénonciation, enlève à l'accusé l'assistance d'un avocat et autorise les juges à ne pas entendre de témoins. Robespierre soutient le texte. "Cette sévérité n'est redoutable que pour les conspirateurs, les ennemis de la Liberté !" La Liberté reste fondement idéologique, mais la répression s'emballe : 1.500 exécutions du 10 juin à la chute de Robespierre, le 9 Thermidor, fin juillet. Robespierre arrêté, guillotiné, on compte parmi les vainqueurs du jour, Carrier, Collot d'Herbois, Barère.

    Les règlements de compte se succèdent au sommet de l'État impuissant, le personnel ne change pas. La Liberté ? "Les députés savent désormais qu'un pouvoir plus oppressif que l'ancienne monarchie absolue peut régner en son nom." (Furet) Sieyès dit qu'il faut se méfier des idées de "Rétotale" (sic) qui remplacent la République ! Bonaparte remettra de l'ordre, en 1799, déclarera devant le Conseil d'État: "Nous avons fini le roman de la révolution; il faut en commencer l'histoire, ne voir que ce qu'il y a de réel et de possible dans l'application des principes et non ce qu'il y a de spéculatif et d'hypothétique". Propriété, famille, ordre, religion. 

     

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    Pierre Chaunu : "Si nous n'avons jamais eu d'ordre écrit de Hitler concernant le génocide juif, nous possédons ceux de Barère et de Carnot relatifs à la Vendée".

     

  • Quelque chose de pourri au royaume du « syndicalisme à la française » (Politique magazine n°104)

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            Editorial, Légitimité, signé par Jean-Baptitste d'Albaret

    Légitimité

             Il y a quelque chose de pourri au royaume du « syndicalisme à la française ». Soupçons de trafics divers, scandales des comités d’entreprise, rapport Perruchot sur le financement des syndicats enterré par le Parlement… Le prétendu « dialogue social » est un grand n’importe quoi où l’État et les contribuables sont en permanence sommés de régler les factures au nom de l’intérêt supérieur de la nation. L’affaire SeaFrance illustre jusqu’à la caricature ce chantage à la compassion publique.

            Cette société de ferries entre la France et l’Angleterre, confiée à la SNCF après-guerre, doit faire face depuis une dizaine d’années à la concurrence du tunnel ferroviaire sous la Manche et au développement du trafic aérien low cost. Incapable de mettre en œuvre les réformes nécessaires à sa survie, SeaFrance a vu la compagnie britannique P§O lui rafler la plupart de ses parts de marché. Avec ses 880 salariés pour quatre bateaux, son chiffre d’affaires a été divisé par deux entre 2007 et 2011.

            Alors que la SNCF, entreprise publique, en reste l’actionnaire exclusif, SeaFrance doit aussi composer avec un syndicat majoritaire, la CFDT maritime Nord et son chef, Didier Capelle, qui refusent obstinément que l’entreprise soit confiée à des repreneurs privés.

            Même le vieux rêve d’autogestion syndicale proposé par Nicolas Sarkozy dans un habile tour de passe-passe – des indemnités de licenciement faramineuses (de 20 000 à 60 000 euros !) pour que les employés soucieux de poursuivre leur activité puissent investir ce bonus dans le cadre d’une Scop, une société coopérative ouvrière de gestion – n’a pas trouvé grâce à leurs yeux. Il fallait, en plus, que l’État assure le financement de l’opération et se porte garant de l’avenir de SeaFrance… On devient les vrais patrons, on ne touche à rien et, si les déficits persistent, la puissance publique comble les trous, sans rechigner !

            En fait, moins de 200 salariés avaient accepté de rejoindre le projet de Scop, les autres préférant conserver leur indemnité versée par la SNCF et, donc, par le contribuable. Ce qui en dit long sur la « solidarité » dans les « luttes sociales » : les employés de SeaFrance n’étaient tout simplement pas disposés à confier leur argent à leurs représentants syndicaux. Et on les comprend !

            Contrôle de l’embauche des salariés de l’entreprise et effectifs disproportionnés par rapport à l’activité de la compagnie ; abstentionnisme du personnel dépassant toutes les normes constatées ; intimidations envers les employés rétifs à suivre les consignes… Comme l’a révélé un rapport de  la Cour des comptes, datant de 2009 et récemment exhumé, Didier Capelle et sa clique imposaient leurs diktats à une direction impuissante, totalement dépassée par ces pratiques quasi mafieuses.

             François Chérèque, le secrétaire confédéral de la CFDT, avait beau dénoncer son « comportement peu honorable » le matin même où le tribunal de commerce statuait sur la liquidation de l’entreprise, l’incapacité de la centrale syndicale à faire entendre raison à sa filiale maritime montre combien la réalité est éloignée des discours.

            Car cette affaire n’est pas un cas isolé, ni exceptionnel. On ne pourra pas expliquer indéfiniment que Calais n’est pas la France et que les dockers de Marseille ou les grévistes, à Air France et à la SNCF, se sacrifient – les braves – afin de protéger les usagers de la « casse du service public ». Les syndicats dits « représentatifs » se partagent moins de 6% d’adhésion de salariés. Quelle est la légitimité de ces chantres de la « démocratie sociale » qui s’arrogent le droit de définir ce qui est bien ou mal quitte à conduire leur entreprise à la faillite ? 

            Tant que la question ne sera pas posée, les grands sommets sociaux, comme celui du mois de janvier, n’y changeront rien. Dommage, car une tendance forte se dégage aujourd’hui pour chercher les solutions aux questions du travail au coeur des réalités sociales concrètes que sont les entreprises et les professions.

            Marine Le Pen et le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Laurent Wauquiez, n’ont pas tort de dénoncer à la fois « les profiteurs du haut » et « les profiteurs du bas » dont la classe politique française apparaît peu ou prou complice ou prisonnière. Un vieux système partisan, vivant de postures et d’affrontements idéologiques dérisoires, est en crise. Comme sont en crise la finance et l’économie. L’heure est peut-être venue de considérer les choses autrement. ■

  • Leçons du premier tour des élections présidentielles françaises. L’étonnante stabilité du corps électoral, par Yvan Blot

            Les résultats du 22 avril 2012 montrent une très grande stabilité du corps électoral français.

    La gauche reste minoritaire

            La gauche représentée par les candidats Hollande, Mélanchon, Joly, Poutou et Arthaud  atteint au total 43,50%  des voix. Elle n’est pas majoritaire et ne l’était pas non plus il y a dix ou vingt ans. C’est la rupture entre le Front National et la droite modérée qui donne ses chances à la gauche comme l’ancien président socialiste François Mitterrand l’avait bien vu et instrumentalisé en son temps (voir mon livre « Mitterrand, Le Pen, le Piège » paru en 2007.)

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            Le parti socialiste fait toujours autour de 30%  et l’extrême gauche entre 11 et 15%  des voix.

            Mélanchon, Poutou et Arthaud totalisent 12,79%  ce qui n’est pas une surprise. Certes, les Verts ont fait un mauvais score (2,26%) surtout au profit de Hollande.

            A droite, c’est, on pourrait dire le retour à la normale. Les centristes sont autour de 10%. Sarkozy avait réussi lors des dernières présidentielles à capturer la moitié des voix du Front National mais celui-ci a retrouvé ses voix de 2002. Sarkozy a été sanctionné pour avoir déçu cet électorat qui est revenu à son niveau habituel.

    Le Front National est stable 

            Par rapport à 2002, Marine Le Pen, avec 18,27%  des voix, est en retrait de 0,93%  par rapport au total des voix Le Pen plus Mégret qui était de 19,20%. Si l’on ne compte pas les voix de Mégret, ce qui est une erreur car son électorat est le même que celui du FN, Marine Le Pen ne gagne que 1,41%  des voix sur le score de son père en 2002 (16,86%). Marine Le Pen a su sauver l’héritage mais n’a pas su faire progresser son parti qui en reste au même point qu’il y a dix ans.

    La permanence des mauvais reports à droite : un problème « affectif ».

            L’exemple de Mélanchon ou d’Eva Joly appelant le soir des élections leurs électeurs à voter contre Sarkozy  montre l’excellente discipline solidaire de la gauche même sans la moindre négociation.

            A droite, comme depuis la victoire de François Mitterrand en 1981, les mauvais reports favorisent la victoire de la gauche. Il faut dire que la droite est affectivement très divisée et ce n’est pas un problème intellectuel mais affectif, donc beaucoup plus grave. L’UMP, le parti de Sarkozy  compte des gens proches de la sensibilité populiste du Front National, comme les députés de la « droite populaire » et mais il en compte d’autres plutôt d’une sensibilité proche des oligarques de centre gauche, comme le conseiller du président Henri Guaino ou madame Kosciusko Morizet voire même Alain Juppé. Ces oligarques ne peuvent s’empêcher de faire sentir leur morgue et leur mépris, voire pour certains leur haine, à l’égard des électeurs « populistes », notamment du FN. Ces derniers, humiliés, sont donc hostiles en retour.

            La cassure entre le peuple et l’oligarchie passe au milieu de la droite, et il n’y a pas de phénomène aussi fort à gauche même si cette cassure existe aussi (quoi de commun entre l’oligarque Laurent Fabius et le populiste Mélanchon ?)

            Avec les sondages de report des voix, il semble qu’Hollande devrait gagner le deuxième tour. En effet, avec un stock de 43,50% des voix clairement de gauche, Hollande peut espérer avoir 3% de voix parmi les électeurs du centriste Bayrou (soit un tiers) et 3,6%  de voix venant de l’électorat de Marine Le Pen, ce qui fait un total de 50, 10%. Certes, la marge est faible.

            Le discours actuel du président Sarkozy, qui consiste à dire que les électeurs du Front National sont des électeurs qui souffrent n’est pas faux mais semble insuffisant pour créer une réconciliation tellement ces électeurs se sentent considérés comme des Français de deuxième classe. Suspectés souvent à tort de racisme, ces électeurs supportent mal la condescendance des élites politiques qui forment la majorité de l’entourage du président Sarkozy malgré la présence d’hommes de tact et de bons sens comme le conseiller catholique de droite Patrick Buisson ou le ministre de l’intérieur Claude Guéant.

            Le pronostic du 2ème  tour reste donc favorable à Hollande, même si le score peut-être serré.

    La question de fond : pourquoi l’électorat est-il si stable ?

            C’est la question la plus intéressante du point de vue de la science politique. En effet, la société française connaît de nombreuses mutations. Les jeunes électeurs votent de plus en plus pour le Front National (nationaliste) ou le Front de Gauche (marxiste). Cela traduit les inquiétudes des jeunes électeurs tant sur des sujets comme l’immigration ou l’insécurité que sur l’économie ou le chômage. Cela dit, cette montée des jeunes (limitée par la crise démographique) semble être compensée par une grande fidélité des électeurs plus âgés vers les partis traditionnels, l’UMP, les centristes et le parti socialiste. C’est ce qui expliquerait la stabilité actuelle mais qui ne durera pas toujours si l’économie venait à s’effondrer.

            Enfin, si l’on cesse de voir les appartenances partisanes, on constate une méfiance générale croissante envers l’oligarchie politique française, très liée aux Etats-Unis et à leurs modes idéologiques : 38%  des citoyens seulement disent avoir confiance dans les députés, et le chiffre est le même pour les syndicats. Mais 18% seulement ont confiance dans les partis politiques. (source : CNRS ; Bréchon et Tchernia). Sur des sujets ponctuels comme l’immigration ou l’insécurité, les citoyens sont nettement plus radicaux (vers la droite) que les élites politiques. Ils souhaitent aussi pouvoir être consultés par référendums (il y en a de moins en moins depuis le départ de de Gaulle.) Il manque pour l’instant en France un grand parti qui soit à la fois libéral en économie, favorable aux référendums populaires, patriote sur le plan national et conservateur sur le plan des valeurs morales et chrétiennes. Bref, personne n’a en France une ligne comme celle du président Poutine en Russie. Le dernier fut de Gaulle. C’est un grand inconvénient. L’émergence d’une telle force soit par la réforme des partis existants soit par l’apparition de nouvelles organisations est un sujet essentiel pour moderniser la vie de la démocratie française. Car il y a des urgences : il faut notamment redresser l’économie et les finances de la France, juguler l’immigration de masse et l’insécurité, et redonner à la France sa souveraineté malmenée depuis le départ du général De Gaulle. Il y va de la confiance des Français dans leurs politiciens professionnels qui, ces dernières années, les ont beaucoup déçus.

    Yvan Blot

  • L’affaire « Mila » atteint l’essence de la société française !, par Christian Vanneste

    Notre pays est tombé bien bas, mais il est possible de le relever pourvu qu’on chasse du pouvoir ceux qui le font chuter. Ces deux certitudes s’imposent une fois encore à l’occasion de l’affaire Mila. Cette lycéenne de seize ans a tenu des propos peu amènes et même grossièrement injurieux à l’encontre de l’islam sur internet. Elle en a récolté une pluie d’insultes et notamment des menaces de mort. Elle a du quitter son lycée et fait l’objet d’une protection policière.

    3309368304.jpgLa vulgarité et la violence de l’échange témoignent de ce que devient notre pays, et il y a de quoi s’en inquiéter. Mais il y a plus grave : les menaces de mort assorties de précisions sur l’établissement fréquenté par l’adolescente, et son adresse, ont fait apparaître des réseaux et des connivences de groupes capables d’exercer des pressions qui altèrent gravement la liberté d’une personne. Un représentant du Conseil Français du Culte Musulman, le délégué général Abdallah Zekri a d’une certaine manière justifié les réactions en disant qu' »elle l’avait bien cherché ». Quant à l’ineffable Nicole Belloubet, « notre » ministre de la Justice, elle a cru devoir équilibrer sa balance en mettant « en même temps », d’un côté la menace de mort, et d’un autre l’atteinte portée par Mela à la liberté de conscience en raison de son insulte de l’islam. Le parquet de Valence, témoignant de son « indépendance » a lancé, comme par hasard, deux enquêtes parallèles, l’une sur les menaces de mort, et l’autre sur la provocation à la haine raciale, celle-ci bien sûr visant la victime des menaces ! Pour corser l’affaire, Mme Schiappa a qualifié mardi de «criminelles» les déclarations du délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM), n’hésitant pas, sans prêter attention aux déclarations de sa collègue, à voler au secours de Mila, laquelle mérite un soutien attentif, puisqu’elle se dit lesbienne.

    Si on veut mettre un peu d’ordre et de hiérarchie dans cette embrouillamini, il faut d’abord pointer la faute la plus grave : celle du parquet de Vienne qui confond la race et la religion, dans l’esprit des textes liberticides votés ces dernières années dans notre pays. Critiquer une religion, même de manière très désagréable, c’est mettre en cause des idées dont on peut changer. Injurier une race, c’est reprocher à quelqu’un d’être né. Les deux ne sont pas comparables, la première est admissible, la seconde ne l’est pas, car elle n’appartient pas à l’ordre du discours mais à celui de la violence. Mme Belloubet en prétendant que l’injure envers une religion portait atteinte à la liberté de conscience commet un gigantesque contre-sens qui devrait faire de sa présence au ministère de la justice un scandale. L’insulte à l’encontre d’une religion est au contraire une modalité de la liberté de conscience, et celle qui lui permet d’exister : la liberté de’expression. Au religieux de se défendre et de montrer la solidité de sa foi, non par l’injure ni la menace, mais par la force de ses arguments. Si l’islam n’est pas une religion de haine, il doit être possible de le démontrer… La déclaration du délégué général du culte musulman est compréhensible en raison du côté transgresseur de la formule employée par Mila à propos d’Allah. Pour autant, ce monsieur aurait du se rendre compte que sa fonction au sein d’une instance créée par la République l’obligeait à obéir à ses lois, et notamment à se souvenir que son sentiment d’avoir entendu un blasphème ne correspondait à aucune loi permettant de trouver « normales » les menaces proférées. Pour la loi, le blasphème n’existe pas, la menace de mort, oui.

    En fait, cette affaire est terriblement révélatrice de la dérive de la société française. D’abord les communautés y règnent au mépris du bien commun. Faut-il qu’ils se sentent chez eux, ceux qui oublient la loi de la République pour souhaiter appliquer la charia dans notre pays ! Les lois d’une lâcheté absolue n’ont cessé de donner le pouvoir aux minorités en censurant l’expression de certaines idées très présentes dans une majorité réduite au silence. Il est difficile de critiquer l’islam sous peine d’islamophobie, mais il est tout aussi périlleux de se moquer de « l’orientation sexuelle ». Celle de Mila souligne d’ailleurs l’incompatibilité de l’islam et de l’homosexualité, puisque des insultes l’ont visée sous cet angle. Mais il y a eu aussi des « lgbt » qui se sont désolidarisés d’elle, car l’intersectionnalité des destructeurs de notre société appelle à un front commun contre elle, contre le prétendu dominant qui ne l’est plus depuis longtemps : le mâle blanc homosexuel et chrétien.

    Pendant ce temps, sur France Inter, service public d’Etat payé par nos impôts, on ne sait plus trop pourquoi, un gratteur de guitare dénué de talent chantait que « Jésus-Christ est pédé »…. » pourquoi l’avoir cloué, ne pas l’avoir enculé », et justifiait évidemment cette horreur dégoulinante de bêtise par la lutte contre l’homophobie. C’est le même qui, après l’incendie de Nôtre-Dame, entonnait » Elle a cramé, la cathédrale »…. Pas d’enquête d’un parquet, mais des plaintes et des signalements auprès du CSA. Les Français vont-ils accepter longtemps que les pouvoirs qui l’écrasent, politique, judiciaire, médiatique, culturel, fassent le jeu des minorités agressives au détriment d’un peuple insulté de toutes parts et qui devrait être en légitime défense ? Croyants ou non, les Français appartiennent à une civilisation chrétienne, et il aurait très facile en s’appuyant sur les Evangiles, et sans menaces, de montrer que le christianisme, lui, est bien une religion d’amour et de paix… Peut-être trop d’ailleurs !

  • Coup d’Etat au Mali : une défaite française. Chronique d’une débâcle annoncée, par Francis Moritz.

    Le Colonel-Major Ismael Wague, au centre, porte-parole des militaires à l'origine du coup d'Etat au Mali (c) AP Photo)/NAI115/20232797437669//2008200030

    Source :https://www.causeur.fr/

    Le coup d’Etat au Mali semble sonner le glas du processus de pacification et de normalisation engagé par la France depuis son intervention militaire en 2013. 

    Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt. C’est ce qui se passe en matière de communication officielle sur la situation au Sahel. On nous masque la gravité croissante de la situation dans cette région grande comme une fois et demie la France (1.500.000 km2).

    Le Mali, un pays dans le chaos

    Les prémices d’un conflit armé remontent à 2012 après la rébellion d’une milice touareg au nord du Mali. La situation n’était cependant pas nouvelle. Les tensions existaient dans ce secteur depuis des années, sans toutefois dépasser le stade d’escarmouches. D’ailleurs, le précédent coup d’Etat remonte à 2012, issu du même camp militaire de Kati où a eu lieu le putsch. Il fallut ensuite seize mois de palabres avant l’élection d’Ibrahim Boubakar Keita (IBK).

    Depuis sept ans, ce pays enclavé et pauvre est gouverné dans le chaos et la corruption. Outre la crise sociale et économique, l’augmentation radicale des violences dans le centre et le nord du pays exaspère des populations déjà inquiètes de la dégradation de leurs conditions de vie.

    Parallèlement, la rébellion aux frontières réunit des combattants expérimentés et aguerris, de retour de Libye, mis au chômage par l’intervention française de 2011.

    L’intervention française

    Devant l’avance djihadiste de 2013, la France est intervenue avec quelques troupes de l’UE en appui, dont la Bundeswehr qui a voté l’envoi d’un nouveau contingent pour essayer de former les armées nationales quasi-inexistantes, Tchad excepté. La militarisation du conflit conduit rapidement à une escalade qui amène à l’envoi, deux ans plus tard, de la MINUSMA onusienne. Des 2015, cette force enregistre 56 victimes et devient la double cible des groupes djihadistes ainsi que des populations mécontentes d’une présence passive. Cette intervention entraîne le déplacement de plus de 100 000 personnes dans le pays, pendant que plus de 130 000 fuient dans les pays voisins.

    A partir de là, le conflit se cristallise au centre du Mali pour ensuite s’étendre dans la zone des cinq pays frontaliers. Les alliés que sont la France, l’UE, les Etats-Unis, en appui logistique, se trouvent dans une configuration à la vietnamienne. Quitter les lieux laisserait la place aux djihadistes de tout poil et autres milices armées, ouvrant la voie à des exécutions sommaires par les troupes régulières.

    La violence attire la violence

    En réalité, les causes profondes du conflit sont socio-économiques. Le premier ennemi, c’est la sécheresse, mère de la famine et de la misère, mère des conflits ethniques pour la possession du bétail, des puits, des récoltes entre sédentaires et nomades.

    Le conflit s’est étendu vers la frontière sud-est du Mali au Burkina Faso, devenu le maillon faible des cinq pays concernés. La violence attire la violence. Au Burkina Faso, l’ONG Human Rights Watch a recensé plus de 1200 victimes des djihadistes en 2019, sans parler des crimes interethniques, soutenus par ces mêmes djihadistes. Depuis, des dizaines d’autres victimes (y compris européennes) sont tombées dans les attaques ciblées de ces groupes parfaitement adaptés à ce type de guérilla. Au cœur de cette vaste étendue, hors de portée des quelque 5000 militaires présents, la sécurisation est impossible. Imagine-t-on la France disposant pour tout son territoire de 1500 gendarmes ?

    Il faut regarder la réalité en face, la France et l’UE ont failli. Ce conflit représente un gouffre financier doublé d’un drame humain. Il devait permettre aux habitants de la région  manger à leur faim et de vivre en paix mais la guerre est devenue un bourbier.

    Faillite européenne

    Malheureusement, comme dans l’affaire libyenne où un cessez-le-feu n’est pas en vue, l’UE des 27 et la France, son bras armé, ne réussissent pas à trouver une solution politique pour mettre fin aux souffrances des populations. Pendant ce temps, l’UE veut s’occuper de la situation en Biélorussie tout en proclamant le principe de non-ingérence. Et dans le même temps, l’UE évite de s’occuper du (réel) conflit qui oppose la Grèce et la Turquie. La situation au Sahel où l’UE prétend apporter des solutions, n’est pas davantage à l’ordre du jour. Cherchez l’erreur.

    Aujourd’hui, le coup d’Etat de la junte malienne est condamné de toutes parts, par la France, l’Union Africaine, les Etats Unis, l’Onu, la Communauté économique des états de l’ouest qui a également décidé de fermer ses frontières et de suspendre les échanges.

    Mais la communauté internationale n’a pas d’autre choix que de reconnaître la junte et de coopérer avec elle. Sans quoi le chaos et l’instabilité profiteraient aux djihadistes qui s’étendraient encore davantage au Sahel.

    Pour feu le cardinal de Retz, on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. Il est temps que l’UE devienne réaliste et agisse comme une force économique, politique et militaire digne de ce nom. Au Mali, il faudra être très attentif au rôle que pourra jouer le mouvement M5-RPF de l’imam salafiste Mahmoud Dicko. Ce n’est pas un ami de la France. Par le passé, il a soutenu les mutins et l’opposition à IBK. Le pire pourrait donc encore se produire.

  • Le maurrassisme est-il devenu un simple « objet d’étude historique » ?, par Philippe Lallement.

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

    L‘été militant du blog quotidien de l’Action française rencontre un succès certain.

    La première série de Christian Franchet d’Esperey, issue de la revue laboratoire d’idées «  La Nouvelle Revue Universelle  », a été reprise par plusieurs blogs royalistes dont « lafautearousseau   ». Reprise aussi sur les réseaux sociaux dans plusieurs groupes royalistes Face Book comme celui des «  anciens AF – RN  » crée par les anciens de la Génération Maurras ou «  Le cercle des Camelots du roi  » ou «  Les amis de l’Alliance Royale  ».

    philippe germain.jpgC’est sur l’excellent groupe de l’historien Philippe Delorme «  Les compagnons du lys  » qu’elle a donné lieu à un commentaire du sociologue Michel Michel, mesurant à sa juste valeur le caractère stratégique de la rubrique de Christian Franchet d’Esperey  : Une demarche d’aggiornamento c’est-à-dire de mise au jour. Celle-ci est maintenant reprise avec le commentaire de Michel, sur « lafautearousseau ». Succès !

    Michel regrette l’usage du terme «  Aggiornamento  » utilisé par Christian Franchet d’Esperey mais le rédacteur en chef de la NRU n’a fait que reprendre Olivier Dard dans son excellent travail de «  maurrassisme hors les murs  ». Dans le n° 67 de la NRU, Philippe Lallement avait rendu compte de l’approche d’Olivier Dard. Sa lecture permettra d’éclairer le texte de Franchet et le commentaire de Michel. A vous de juger. (NDLR)

    Le maurrassisme est-il devenu un simple « objet d’étude historique » ?
    PHILIPPE LALLEMENT

    Olivier Dard
    Charles Maurras, le nationaliste intégral
    Dunod, 2019, coll. Ekho, 432 p., 11 €

    La réédition en poche de l’ouvrage savant d’Olivier Dard sur Charles Maurras, le nationaliste intégral (paru en 2013 chez Armand Colin sous le titre moins «  vendeur  » mais plus explicite Charles Maurras, le maître et l’action), interpelle la nébuleuse maurrassienne du XXIe siècle. Car cet ouvrage, s’il constitue une remarquable biographie de Maurras, propose en même temps une vision d’ensemble du maurrassisme et de l’Action Française. Il faut d’abord souligner l’énergie et l’esprit pénétrant mis par le professeur Dard à tirer le meilleur parti des nombreuses études maurrassiennes produites depuis 1968. Nous pensons surtout aux six colloques universitaires sur Maurras réalisés à l’initiative de Victor Nguyen1,et aux quatre colloques dirigés ou co-organisés par Olivier Dard lui-même2.Avant lui, le travail de référence sur l’Action française restait celui de l’américain Eugen Weber3, vieux de plus d’un demi-siècle. Olivier Dard a remis cette prééminence en cause. À plusieurs titres. On en privilégiera trois.

    Dans un article marquant4, Pierre Nora reprocha à Eugen Weber de manquer de perspective historique, notamment en ne s’attachant pas à resituer l’Action française dans le cours de la pensée économique et sociale de l’époque. Manque largement réparé par Olivier Dard, qui s’intéresse de près au souci institutionnel de la jeune génération des années 30 : les«  dissidents  » maurrassiens de la Jeune Droite attendaient de leur vision corporatiste de la société et de l’État qu’elle entraîne la renaissance progressive du pays. D’où leur intérêt pour la tentative de «  révolution nationale  » lancée par Vichyet soutenue par l’Action française, qui suscita bien des déceptions. De cette période si abondamment traitée et controversée, cet aspect est paradoxalement délaissé. Olivier Dard l’aborde avec un esprit de distanciation, de discernement et d’objectivité qu’on aimerait voir adopté par tous les historiens spécialistes de la France occupée. Nous osons espérer qu’il poursuivra ses recherches afin de restituer cette expérience dans son authenticité  : elle reprend, en ce temps de crise, une évidente actualité.

    Olivier Dard renouvelle d’ailleurs notre regard par la distinction qu’il opère, chez Maurras, entre le chef politique et le doctrinaire, entre un quotidien soumis aux évènements et la logique d’une pensée en progression. Maniée par lui avec une grande finesse, cette clé d’interprétation nous délivre des habituels jugements à l’emporte-pièce sur le «  grand maudit  », et libère la nouvelle génération de maurrassiens des vieilles postures strictement défensives. Cette distinction lui permet aussi de porter un regard à la fois positif et critique sur ce qui a conduit de nombreux disciples de Maurras à la dissidence. Grâce à elle, nombre de choix s’expliquent, y compris les plus délicats et les plus douloureux, lorsque l’action de Maurras apparaît en contradiction avec sa doctrine. A la périphérie de ces observations, on appréciera l’intérêt que Dard accorde, chez Maurras, au stratège politique, particulièrement à travers l’évocation de la «  bagarre de Fustel  », un combat universitaire et médiatique – le premier du genre  ! – en faveur de ce qu’on appelle aujourd’hui le récit national.

    Se trouve ainsi «  revisité  » le reproche que Nguyen faisait à Eugen Weber de surestimer le poids des évènements au détriment de celui des idées : comme le note Nguyen, cela empêche Weber, lorsqu’il décrit avec justesse la puissance de séduction maurrassienne, d’en discerner la véritable cause. À l’inverse, son étude de l’influence des idées maurrassiennes permet à Olivier Dard une approche novatrice du concept de «  maurrassisme  ».

    Ayant exploré en profondeur la question de l’influence internationale de Maurras (colloque de mai 2008), l’historien a pu évaluer l’utilisation ponctuelle, «  à la carte  », faite à l’étranger de la pensée maurrassienne, et sa capacité d’adaptation aux diverses contraintes nationales. Si souvent taxé de rigidité et de gallocentrisme, le maurrassisme démontre ainsi sa souplesse et son adaptabilité aux circonstances.

    Se voient également intégrés au maurrassisme les divers prolongements effectués par les «  dissidents  », élargissant ainsi considérablement sa surface porteuse. Dard est le premier à prendre toute la mesure «  temporelle  » de l’histoire de l’Action française  : il fait remarquer qu’elle a passé plus de temps sans Maurras qu’avec lui vivant. Le chapitre le plus long de l’ouvrage est consacré aux héritiers de Maurras  : très novateur, il s’appuie sur d’impressionnantes ressources documentaires. (On notera qu’elles comprennent le dossier «  Maurras, le blessé de Dieu  » du n° 49 de la NRU.)

    Le professeur Dard en viendrait-il à formuler un aggiornamento du maurrassisme ?Il s’y refuse, considérant que celui de Boutang avec la Nation française a échoué, de même que celui de la Nouvelle Action française (NAF) qui finit par abandonner toute référence à Maurras en devenant ,contre lui, la Nouvelle Action royaliste. Olivier Dard mentionne le renouveau des années 1990 avec la «  Génération Maurras  », mais ne l’approfondit pas, et se montre peu convaincu par le coup de fouet donné par la Manif pour tous.

    Il semble, à nos yeux, sous-estimer l’influence que continue d’avoir l’école d’Action française, passage obligé pour toute une jeunesse dissidente de “droite”, et seule perspective politique post-libérale et post-libertaire présentant un minimum de cohérence et de crédibilité. Cet aggiornamento inachevé, l’actuelle Action française semble le remettre sur le métier. Elle le fait en se réappropriant Pierre Boutang, l’héritier spirituel, dans le sillage de la Génération Maurras des années 1990. Elle reprend aussi les travaux sur l’anthropologie maurrassienne engagés par Gérard Leclerc au début des années 1970, en vue d’établir un pont avec la nouvelle jeunesse catholique, dynamique et décomplexée, mais dépourvue de vrais repères politiques. Elle le fait enfin, depuis 2017, avec la redécouverte de Pierre Debray et sa capacité à appliquer la méthode maurrassienne aux problématiques d’une société industrielle et scientifique de plus en plus inhumaine, au point qu’elle se veut désormais «  transhumaine  ».

    Ne peut-on penser que l’historien Olivier Dard saura trouver dans cette mouvance de nouvelles et prometteuses pistes de recherche  ? Il croit pouvoir conclure son ouvrage en affirmant que «  le maurrassisme est devenu un objet d’étude historique  », car «  il ne pèse plus guère dans le débat public  ». Belle provocation à l’adresse des maurrassiens  ! Mais ô combien stimulante…La nébuleuse maurrassienne du XXIe siècle n’a-t-elle pas déjà fait le pari de lui donner tort  ?

    1 En 1968, un colloque Maurras fut organisé, à l’occasion de son centenaire, par Victor Nguyen et Georges Souville à Aix-en-Provence. Son succès les amena à en tenir cinq autres en 1970, 1972, 1974, 1976 et 1980. Le septième, sur « Maurras et la Maison de France », ne put se tenir en raison de la disparition de Nguyen en 1986.
    2 De 2007 à 2011, quatre colloques « L’Action française, culture, société, politique »,réunis à Metz et Paris, ont abordé les thèmes : Maurras, les héritages ; Maurras et l’ étranger ; Maurrassisme et culture ; Maurrassisme et littérature.
    3 Eugen Weber,L’Action Française, trad. de l’anglais par Michel Chrestien, Stock, 1964,in-8°, 649 p.
    4 Pierre Nora, « Les deux apogées de l’Action française », in : Annales. Economies, sociétés, civilisations. 19ᵉ année, n° 1, janvier-février 1964, p. 127-141.

  • PARIS, 7 ET 8 MAI 2022 : GRAND COLLOQUE D'ACTION FRANCAISE : QU'EST-CE QU'UNE NATION ? ET CORTEGE DE JEANNE D'ARC

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    Grand colloque d’Action française, suivi d’un banquet dans la plus pure tradition des Camelots du Roi

     

    AU PROGRAMME :

           14h30 : Introduction par Philippe Mesnard, membre du bureau politique de d'Action française

    • Guillaume Bernard : La Nation, une idée de gauche ?
    • Chantal Delsol : L’État nation de Jean Bodin a-t-il disparu ?
    • Matthieu Detachassahar : La France contre les post-nations ?
    • Paul-Marie Couteaux : Entre l’empire et la tribu : la Nation.
    • Guillaume de Prémare : La France est-elle une nation catholique ?
    • Jérôme Besnard : Les nationalismes en Europe centrale et orientale.
    • Benoit Dakin : La Nation comme protectrice des identités locales
    • Francis Bergeron : La presse et la Nation ?
    • Fréderic Rouvillois : Le progressisme contre la Nation.

          17h45 : Conclusion par François Marcilhac, directeur politique de l'Action française

          20h00 : Grand banquet

     

          Retrouvez également sur place, les stands de nos partenaires, une buvette et la Librairie de Flore.

    JE M'INSCRIS

     

    La Restauration nationale
    10, rue Croix-des-Petits-Champs 75001 Paris

    www.actionfrancaise.net

  • Sur TV Libertés, année doublement jubilaire pour le Sacré-Coeur de Montmartre - Terres de Mission n°184.


    Eglise universelle : Centenaire de la consécration du Sacré-Cœur de Montmartre

    Auteur d'un ouvrage de référence sur le sujet :"Le Sacré-Cœur de Montmartre de 1870 à nos jours", le père Jacques Benoist nous conte l'histoire du mont des martyrs- mons martyrum- avant et après l'érection de la basilique. Le cent cinquantenaire du vœu national débouchant sur la construction de la basilique, puis le centenaire de sa consécration sont l'occasion de divers événements dont la célébration d'une messe suivant la forme extraordinaire le samedi 24 octobre à 16h30.

    Eglise en France : Anne-Gabrielle Caron, servante de Dieu

    Le 12 septembre dernier, Mgr Rey a officiellement reconnu à Anne-Gabrielle Caron (2002-2010) le titre de servante de Dieu, ouvrant ainsi la voie au procès de béatification. Pascal Barthélémy, postulateur de la cause, présente la vie et le message spirituel de cette enfant de 8 ans morte en odeur de sainteté à l'issue d'une brève mais très douloureuse maladie.

    Eglise en Marche : La basilique Saint Benoît Joseph Labre de Marçay (86)

    Grand dévot de saint Benoît Joseph Labre (1748-1783) qui arpenta les routes d'Europe comme pèlerin mendiant, l'abbé Joanneau construisit à la fin du XIXème siècle une impressionnante basilique de style néo-gothique à Marçay, à 15 kms au sud-ouest de Poitiers. Tombée en ruines et désaffectée, cette basilique a été magnifiquement restaurée par Jean-Denis Touzot qui nous raconte l'aventure de cette restauration.

  • Réforme Peillon en général, réforme des programmes d'Histoire en particulier : ”On va déboussoler les élèves encore un p

    ecole-en-danger.JPGSoyons sérieux, parlons franc, et disons les choses comme elles sont, et non comme le ministre nous les "vend"...

    La "réforme" (réformette est plus juste...) de Vincent Peillon "n'ajoutera pas une heure de cours, mais des activités périscolaires. Au lieu de renforcer les savoirs fondamentaux si nécesaires" (Clotilde Hamon). Et, pour Jean- Rémi Girard, du syndicat SNALC (Syndicat National des Lycées et Collèges), "Les élèves passeront plus de temps à l'école sans gagner une seule heure de cours !".

    Le Snalc a demandé - en vain... - un retour aux 26 heures de cours, comme avant la suppression des cours le samedi matin, et constate : "...il n'y a pas de retour à la semaine de quatre jours et demi, c'est un tour de passe-passe...".

    Clotilde Hamon a fait le calcul : trois heures de cours en plus le mercredi matin, trois heures de cours en moins dans la semaine, remplacés par des "activités périscolaires" : en clair, comme dans un bon vieux système totalitaire, l'Etat "s'occupera" de vos enfants, rien de tel pour les façonner à sa guise, et à leur insu...

    Or, poursuit Clotilde Hamon - interprète en ceci de l'immense majorité des parents d'élèves et des citoyens de bon sens... - "les élève sont besoin de plus d'heures de cours dans les disciplines fondamentales au primaire, avec des méthodes pédagogiques efficaces" (par exemple, pour l'apprentissage de la lecture, la fameuse méthode syllabique Boscher, et non la catastrophique "méthode globale", ou le non moins catastrophique "mix" des deux (dans le jargon des technocrates du Ministère...).

    Du reste, ces fameuses "activités périscolaires" ont été organisées en catastrophe : deux tranches de 15h à 16h30, le mardi et le vendredi, pour tous, du nord au sud (centralisme oblige). Les besoins en "formateurs" (!) sont donc concentrés au même moment pour tout le monde !... En pratique, les journées allégées laisseront les enfants, certes, "dans" l'école, mais la majeure partie des activités proposées ressemblera à des "bouche-trous" (danse, dessin, multimédias, et même "jeux de société", ateliers de tri sélectif (re "!") et, ô Vincent Peillon !, activités "autour du vivre ensemble et de la citoyenneté pour s'interroger sur les préjugés, les clichés filles/garçons" : quand on vous le disait, que l'Etat (le Système, la République idéologique) allait "s'occuper" de vos enfants, pour façonner leur esprit à son gré, comme dans tout régime totalitaire qui se respecte...

    A l'échelle nationale, on s'en doute, il s'agit bien là d'une "usine à gaz". "Administrativement, c'est sous contrôle", affirme pourtant, sans rire, l'adjointe au Maire de Paris chargée de la vie scolaire, Colombe Brossel. A la base (professeurs et Chefs d'établissements) on voit d'un très mauvais oeil la transformation de l'école en "centre aéré" (parlons clair...) deux jours par semaine, à partir de 15 heures, alors que tant d'heures manquent pour les disciplines fondamentales...

    Terminons ce rapide tour d'horizon en écoutant le toujours excellent Franck Ferrand : un peu - beaucoup - de bon sens, ouf, on respire... 

  • Un printemps éditorial maurrassien

     

    Par Christian Tarente

    Publié le 22 juin 2018 - Réactualisé le  13 août 2018

     

    933807218.jpgLE CENT-CINQUANTENAIRE DE CHARLES MAURRAS Ses adversaires s'inquiètent. On ne saurait leur donner tort : leur principal atout était de voir Maurras condamné non seulement à la dégradation nationale, mais surtout à la mort éditoriale. Une peine de mort qu'on a oublié d'abolir ! Il y eut, certes, des tirages confidentiels, mais les grands éditeurs étaient peu soucieux de laisser ce nom honni compromettre leur image. Or les choses bougent...

     

    C'est un modeste mais réel printemps éditorial maurrassien qui nous est offert aujourd'hui.

    Une petite flottille d'ouvrages, sortie de l'enfer, a appareillé et vogue vers la haute mer. À vrai dire, seul le vaisseau amiral - l'anthologie publiée dans la collection « Bouquins » - répond directement à l'urgence d'une réédition des textes. Les autres, des navires d'accompagnement, relèvent surtout du commentaire, mais tous profitent du vent favorable suscité par l'affaire du « livre des commémorations ».

    Avant d'entrer au gouvernement, Mme Nyssen dirigeait les éditions Actes Sud : commémorer l'enfant de Martigues, provençal de naissance et de coeur, était pour elle une exceptionnelle occasion d'agir pour le Sud... Elle y a réussi - malgré elle, dirait-on... - au-delà de toute espérance !

    DIVINE SURPRISE : LA COLLECTION « BOUQUINS » CRÉE L'ÉVÉNEMENT

    Mais saluons d'abord la sortie du livre-événement. Le travail effectué par l'universitaire Martin Motte pour réunir en un seul volume de 1200 pages l'essentiel de l'opus maurrassien force le respect. De même que la préface de plus de trente pages de Jean-Christophe Buisson, du Figaro magazine, sous le titre - certes un peu discutable - d'Un prophète du passé, constitue un essai complet sur le sujet, plein de vie et de richesses multiples. À ce double travail, accueilli chez Robert Laffont dans la collection Bouquins, ne manquent sans doute pas les critiques à faire. Elles le seront en temps utile. Mais il s'agit le plus souvent d'observations passionnantes et propres à susciter et enrichir le débat. Or rien n'a plus nui à Maurras depuis un demi-siècle que la conspiration du silence. On l'avait jeté au fond du puits, mais c'était « le puits et le pendule » d'Edgar Poe, les enfouisseurs le vouaient à une mort inexorable. La vérité, cependant, finit toujours par sortir du puits !

    En feuilletant ce livre, en parcourant sa table des matières, en lisant les introductions proposées par Martin Motte avant chaque partie, en consultant les notes en bas de page, on devine déjà le colossal travail consenti pour choisir et ordonnancer les textes d'un homme qui a publié, sa vie durant, plus de pages que Voltaire. Sa vie s'est confondue avec son oeuvre, avec cette conséquence que ses livres pouvaient ne jamais être achevés. Les textes - souvent des articles commandés par l'actualité - se chevauchaient au fil des différentes éditions d'ouvrages, qui semblaient ne jamais le satisfaire. Quand, peu avant sa mort, il conçut ses Œuvres capitales, il pensa qu'elles constitueraient son « avenir total ».

    Erreur : les choix de Martin Motte se révèlent assez largement divergents. Un seul exemple : Mes idées politiques, ouvrage paru en 1937, composé de morceaux choisis et d'une préface inédite (son célèbre texte sur la politique naturelle) n'était pas retenu par Maurras sous cette forme. En revanche, l'édition « Bouquins » a estimé que la popularité de ce livre et de son titre justifiait son maintien : un choix défendable... autant que discutable, comme le sont tous les choix.

    Les lecteurs les plus attachés à Maurras regretteront les manques énormes - aussi inévitables que les regrets qu'ils suscitent -, et les grands livres dont ne figurent que des extraits : mais nombre de jeunes lecteurs, et même de moins jeunes, y trouveront sûrement un accès plus aisé. Il nous faudra revenir sur ce livre, notamment sur la préface de Jean-Christophe Buisson. Ce sera dans les années à venir un indispensable manuel pour découvrir et fréquenter l'oeuvre d'un homme qui, à l'orée du XXe siècle, eut un regard si pénétrant qu'il nous concerne tous encore aujourd'hui. Un dernier mot : le livre s'achève sur le procès de 1945, avec les textes du réquisitoire et de la plaidoirie. Ils sont précédés d'une présentation qui dit, avec une grande précision et une louable modération de ton, toute l'iniquité de ce qui n'a été qu'une parodie de justice.

    AU TEMPS DE LA « REVUE GRISE »

    Parmi les ouvrages qui font le mieux revivre les débuts remuants de l'Action française - comme ceux de Léon S. Roudiez et de Victor Nguyen - L'Âge d'or du maurrassisme de Jacques Paugam a pris toute sa place avec un singulier mélange de vive sévérité critique et de générosité du regard. En cet « entre-deux-siècles » si agité et si fécond des années 1900, la Revue d'Action française - bimestriel vite surnommé la Revue grise - apparaît comme un « think-tank », un laboratoire d'idées tout à fait innovant. Paugam a ce mot qui peut donner une idée du ton de son livre : « À travers cette lutte permanente, le véritable portrait de Charles Maurras se dessine, assez peu conforme à l'idée qu'on se fait généralement de lui : on est frappé par sa modestie. » La réédition de ce livre datant de près d'un demi-siècle, est bienvenue, d'autant plus qu'elle bénéficie d'une très remarquable préface, inédite, de Michel De Jaeghere, dont le long passage consacré à l'antisémitisme d'État maurrassien est exemplaire. Ce sujet qui, sur le fond, n'avait pas une telle importance pour Maurras, est devenu, pour nous, hypersensible. Porter un jugement vrai et pouvant être compris aujourd'hui apparaît toujours très difficile. Il n'est pas sûr que De Jaeghere y parvienne totalement, mais peu ont avancé aussi loin que lui sur ce terrain qui a été systématiquement miné.

    MAURRAS CONDAMNÉ À ÉCHOUER ?

    Un petit ouvrage pédagogique a connu un grand succès chez les jeunes militants depuis les années 70, Maurras et la pensée d'Action française, dû à un juriste universitaire, Maurice Torrelli. En cent pages, l'essentiel est dit sur la démocratie et les libertés, le nationalisme, la monarchie, et les mérites de l'empirisme organisateur. Devenu introuvable, le « Torrelli » vient d'être réédité par les toutes jeunes Éditions de Flore, dont c'est la première publication. En le faisant, lui aussi, bénéficier d'un remarquable avant-propos, dû cette fois à François Marcilhac.

    Il ne faudra pas non plus laisser passer cette « année Maurras » sans avoir lu les douze textes d'hommage réunis par Marc-Laurent Turpin pour les éditions Apopsix. Axel Tisserand décrit la fidélité du Martégal à la Maison de France, Paul-Marie Coûteaux et Christian Vanneste analysent (chacun à sa manière) les influences maurrassiennes sur de Gaulle. D'autres - Anne Brassié, Philippe Prévost, Michel Fromentoux...- témoignent, ou évoquent Maurras, le Provençal, la question religieuse, l'homme... Hilaire de Crémiers, qui passe en premier, a cette phrase qui pourrait être de conclusion (provisoire...) : « Ne fallait-il pas sortir de l'échec répété ? Puisque, malgré le prestige de l'homme et le rayonnement de l'oeuvre, une sorte de fatalité les a condamnés à ne pas réussir. À jamais ? C'est une grave question à laquelle l'homme a répondu, mais à sa manière. Étonnante, mystérieuse ! »   

     

    images7RTCAV2M.jpgL'AVENIR DE L'INTELLIGENCE ET AUTRES TEXTES, DE CHARLES MAURRAS

    Édition établie par Martin Motte,
    préface de Jean-Christophe Buisson
    Éditions Robert Laffont,
    coll. Bouquins, 2018,
    1226 p. 32 €

     

    510E3Cvcv0L._SX317_BO1,204,203,200_.jpgL'ÂGE D'OR DU MAURRASSISME,
    de Jacques Paugam
    Préfaces de Michel De Jaeghere et Jean-Jacques Chevallier Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2018,
    402 p. 25 €

     

     

    maurras-et-la-pensee-d-action-francaise.jpgMAURRAS
    ET LA PENSÉE D'ACTION FRANÇAISE,
    de Maurice Torrelli
    Avant-propos de François Marcilhac
    Éditions de Flore, 2018,
    104 p. 10€

     

    91xOpqcU2bL._AC_UL320_SR206,320_.jpgREGARDS SUR MAURRAS
    (12 auteurs)
    Ouvrage collectif d'hommage
    pour un cent-cinquantenaire
    Éditions Apopsix, 2018,
    284 p.  20 €

     

    Christian Tarente

  • Livres • Un printemps éditorial maurrassien

     

    Par Christian Tarente

    Publié le 22 juin 2018 - Réactualisé le 29 juillet 2018

     

    933807218.jpgLE CENT-CINQUANTENAIRE DE CHARLES MAURRAS Ses adversaires s'inquiètent. On ne saurait leur donner tort : leur principal atout était de voir Maurras condamné non seulement à la dégradation nationale, mais surtout à la mort éditoriale. Une peine de mort qu'on a oublié d'abolir ! Il y eut, certes, des tirages confidentiels, mais les grands éditeurs étaient peu soucieux de laisser ce nom honni compromettre leur image. Or les choses bougent...

     

    C'est un modeste mais réel printemps éditorial maurrassien qui nous est offert aujourd'hui.

    Une petite flottille d'ouvrages, sortie de l'enfer, a appareillé et vogue vers la haute mer. À vrai dire, seul le vaisseau amiral - l'anthologie publiée dans la collection « Bouquins » - répond directement à l'urgence d'une réédition des textes. Les autres, des navires d'accompagnement, relèvent surtout du commentaire, mais tous profitent du vent favorable suscité par l'affaire du « livre des commémorations ».

    Avant d'entrer au gouvernement, Mme Nyssen dirigeait les éditions Actes Sud : commémorer l'enfant de Martigues, provençal de naissance et de coeur, était pour elle une exceptionnelle occasion d'agir pour le Sud... Elle y a réussi - malgré elle, dirait-on... - au-delà de toute espérance !

    DIVINE SURPRISE : LA COLLECTION « BOUQUINS » CRÉE L'ÉVÉNEMENT

    Mais saluons d'abord la sortie du livre-événement. Le travail effectué par l'universitaire Martin Motte pour réunir en un seul volume de 1200 pages l'essentiel de l'opus maurrassien force le respect. De même que la préface de plus de trente pages de Jean-Christophe Buisson, du Figaro magazine, sous le titre - certes un peu discutable - d'Un prophète du passé, constitue un essai complet sur le sujet, plein de vie et de richesses multiples. À ce double travail, accueilli chez Robert Laffont dans la collection Bouquins, ne manquent sans doute pas les critiques à faire. Elles le seront en temps utile. Mais il s'agit le plus souvent d'observations passionnantes et propres à susciter et enrichir le débat. Or rien n'a plus nui à Maurras depuis un demi-siècle que la conspiration du silence. On l'avait jeté au fond du puits, mais c'était « le puits et le pendule » d'Edgar Poe, les enfouisseurs le vouaient à une mort inexorable. La vérité, cependant, finit toujours par sortir du puits !

    En feuilletant ce livre, en parcourant sa table des matières, en lisant les introductions proposées par Martin Motte avant chaque partie, en consultant les notes en bas de page, on devine déjà le colossal travail consenti pour choisir et ordonnancer les textes d'un homme qui a publié, sa vie durant, plus de pages que Voltaire. Sa vie s'est confondue avec son oeuvre, avec cette conséquence que ses livres pouvaient ne jamais être achevés. Les textes - souvent des articles commandés par l'actualité - se chevauchaient au fil des différentes éditions d'ouvrages, qui semblaient ne jamais le satisfaire. Quand, peu avant sa mort, il conçut ses Œuvres capitales, il pensa qu'elles constitueraient son « avenir total ».

    Erreur : les choix de Martin Motte se révèlent assez largement divergents. Un seul exemple : Mes idées politiques, ouvrage paru en 1937, composé de morceaux choisis et d'une préface inédite (son célèbre texte sur la politique naturelle) n'était pas retenu par Maurras sous cette forme. En revanche, l'édition « Bouquins » a estimé que la popularité de ce livre et de son titre justifiait son maintien : un choix défendable... autant que discutable, comme le sont tous les choix.

    Les lecteurs les plus attachés à Maurras regretteront les manques énormes - aussi inévitables que les regrets qu'ils suscitent -, et les grands livres dont ne figurent que des extraits : mais nombre de jeunes lecteurs, et même de moins jeunes, y trouveront sûrement un accès plus aisé. Il nous faudra revenir sur ce livre, notamment sur la préface de Jean-Christophe Buisson. Ce sera dans les années à venir un indispensable manuel pour découvrir et fréquenter l'oeuvre d'un homme qui, à l'orée du XXe siècle, eut un regard si pénétrant qu'il nous concerne tous encore aujourd'hui. Un dernier mot : le livre s'achève sur le procès de 1945, avec les textes du réquisitoire et de la plaidoirie. Ils sont précédés d'une présentation qui dit, avec une grande précision et une louable modération de ton, toute l'iniquité de ce qui n'a été qu'une parodie de justice.

    AU TEMPS DE LA « REVUE GRISE »

    Parmi les ouvrages qui font le mieux revivre les débuts remuants de l'Action française - comme ceux de Léon S. Roudiez et de Victor Nguyen - L'Âge d'or du maurrassisme de Jacques Paugam a pris toute sa place avec un singulier mélange de vive sévérité critique et de générosité du regard. En cet « entre-deux-siècles » si agité et si fécond des années 1900, la Revue d'Action française - bimestriel vite surnommé la Revue grise - apparaît comme un « think-tank », un laboratoire d'idées tout à fait innovant. Paugam a ce mot qui peut donner une idée du ton de son livre : « À travers cette lutte permanente, le véritable portrait de Charles Maurras se dessine, assez peu conforme à l'idée qu'on se fait généralement de lui : on est frappé par sa modestie. » La réédition de ce livre datant de près d'un demi-siècle, est bienvenue, d'autant plus qu'elle bénéficie d'une très remarquable préface, inédite, de Michel De Jaeghere, dont le long passage consacré à l'antisémitisme d'État maurrassien est exemplaire. Ce sujet qui, sur le fond, n'avait pas une telle importance pour Maurras, est devenu, pour nous, hypersensible. Porter un jugement vrai et pouvant être compris aujourd'hui apparaît toujours très difficile. Il n'est pas sûr que De Jaeghere y parvienne totalement, mais peu ont avancé aussi loin que lui sur ce terrain qui a été systématiquement miné.

    MAURRAS CONDAMNÉ À ÉCHOUER ?

    Un petit ouvrage pédagogique a connu un grand succès chez les jeunes militants depuis les années 70, Maurras et la pensée d'Action française, dû à un juriste universitaire, Maurice Torrelli. En cent pages, l'essentiel est dit sur la démocratie et les libertés, le nationalisme, la monarchie, et les mérites de l'empirisme organisateur. Devenu introuvable, le « Torrelli » vient d'être réédité par les toutes jeunes Éditions de Flore, dont c'est la première publication. En le faisant, lui aussi, bénéficier d'un remarquable avant-propos, dû cette fois à François Marcilhac.

    Il ne faudra pas non plus laisser passer cette « année Maurras » sans avoir lu les douze textes d'hommage réunis par Marc-Laurent Turpin pour les éditions Apopsix. Axel Tisserand décrit la fidélité du Martégal à la Maison de France, Paul-Marie Coûteaux et Christian Vanneste analysent (chacun à sa manière) les influences maurrassiennes sur de Gaulle. D'autres - Anne Brassié, Philippe Prévost, Michel Fromentoux...- témoignent, ou évoquent Maurras, le Provençal, la question religieuse, l'homme... Hilaire de Crémiers, qui passe en premier, a cette phrase qui pourrait être de conclusion (provisoire...) : « Ne fallait-il pas sortir de l'échec répété ? Puisque, malgré le prestige de l'homme et le rayonnement de l'oeuvre, une sorte de fatalité les a condamnés à ne pas réussir. À jamais ? C'est une grave question à laquelle l'homme a répondu, mais à sa manière. Étonnante, mystérieuse ! »   

     

    images7RTCAV2M.jpgL'AVENIR DE L'INTELLIGENCE ET AUTRES TEXTES, DE CHARLES MAURRAS

    Édition établie par Martin Motte,
    préface de Jean-Christophe Buisson
    Éditions Robert Laffont,
    coll. Bouquins, 2018,
    1226 p. 32 €

     

    510E3Cvcv0L._SX317_BO1,204,203,200_.jpgL'ÂGE D'OR DU MAURRASSISME,
    de Jacques Paugam
    Préfaces de Michel De Jaeghere et Jean-Jacques Chevallier Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2018,
    402 p. 25 €

     

     

    maurras-et-la-pensee-d-action-francaise.jpgMAURRAS
    ET LA PENSÉE D'ACTION FRANÇAISE,
    de Maurice Torrelli
    Avant-propos de François Marcilhac
    Éditions de Flore, 2018,
    104 p. 10€

     

    91xOpqcU2bL._AC_UL320_SR206,320_.jpgREGARDS SUR MAURRAS
    (12 auteurs)
    Ouvrage collectif d'hommage
    pour un cent-cinquantenaire
    Éditions Apopsix, 2018,
    284 p.  20 €

     

    Christian Tarente

  • A parir de demain, nous allons suivre, presque au jour le jour, le déroulement de la première année de la Grande Guerre,

    1914-le-destin-du-monde-de-max-gallo-927903138_ML copie.jpgUne exclusivité de lafautearousseau ? Oui, à partir de demain, 27 juillet et jusqu'au 31 décembre 2014. Nous suivrons, presque jour par jour, le terrible déroulement de l'année 14 à travers le Journal inédit (1914) de Jacques Bainville. Bainville, à la fois témoin et analyste exceptionnel du grand conflit qui, pendant près de cinq longues années, allait ensanglanter l'Europe. Son évocation nous effraie aujourd'hui encore, à la fois par ce qu'il fut, en soi-même - une horrible guerre civile européenne - et par les conséquences qu'il eut sur la suite de notre histoire; conséquences qui s'étendent jusqu'à nous : l'affaiblissement durable de l'Europe, les voies qu'il a ouvertes au développement et à la puissance d'autres Etats et continents, devenus, aujourd'hui largement plus puissants que nous, Français, et nous, Européens. Le Journal inédit (1914) a été publié chez Plon, en 1953, dix-sept ans après la mort de Bainville et après, dans l'intervalle, la seconde guerre mondiale ! Ce ne fut pas une édition à grand tirage. En donnant à lire ce journal à nos lecteurs, au long de cette année de commémoration, nous avons donc conscience de faire œuvre utile. Sans-doute, parfois, on lirait aujourd'hui, les évènements objets de ce journal, autrement que ne le fit Jacques Bainville, écrivant dans les feux d'une guerre franco-allemande sans merci. Après un siècle, nous avons tendance à y réagir avec nos yeux d'aujourd'hui. Il n'empêche : lire Bainville, presqu'au jour le jour, du 27 juillet jusqu'à fin décembre 1914, sera un précieux moyen de compréhension et de réflexion sur la Grande Guerre. Ajoutons, pour être précis, que dix des textes que nous publierons seront extraits du Journal de Jacques Bainville, tome I (1901-1918), Plon, 1948. Ils seront signalés comme tels.