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Quelque chose de pourri au royaume du « syndicalisme à la française » (Politique magazine n°104)

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        Editorial, Légitimité, signé par Jean-Baptitste d'Albaret

Légitimité

         Il y a quelque chose de pourri au royaume du « syndicalisme à la française ». Soupçons de trafics divers, scandales des comités d’entreprise, rapport Perruchot sur le financement des syndicats enterré par le Parlement… Le prétendu « dialogue social » est un grand n’importe quoi où l’État et les contribuables sont en permanence sommés de régler les factures au nom de l’intérêt supérieur de la nation. L’affaire SeaFrance illustre jusqu’à la caricature ce chantage à la compassion publique.

        Cette société de ferries entre la France et l’Angleterre, confiée à la SNCF après-guerre, doit faire face depuis une dizaine d’années à la concurrence du tunnel ferroviaire sous la Manche et au développement du trafic aérien low cost. Incapable de mettre en œuvre les réformes nécessaires à sa survie, SeaFrance a vu la compagnie britannique P§O lui rafler la plupart de ses parts de marché. Avec ses 880 salariés pour quatre bateaux, son chiffre d’affaires a été divisé par deux entre 2007 et 2011.

        Alors que la SNCF, entreprise publique, en reste l’actionnaire exclusif, SeaFrance doit aussi composer avec un syndicat majoritaire, la CFDT maritime Nord et son chef, Didier Capelle, qui refusent obstinément que l’entreprise soit confiée à des repreneurs privés.

        Même le vieux rêve d’autogestion syndicale proposé par Nicolas Sarkozy dans un habile tour de passe-passe – des indemnités de licenciement faramineuses (de 20 000 à 60 000 euros !) pour que les employés soucieux de poursuivre leur activité puissent investir ce bonus dans le cadre d’une Scop, une société coopérative ouvrière de gestion – n’a pas trouvé grâce à leurs yeux. Il fallait, en plus, que l’État assure le financement de l’opération et se porte garant de l’avenir de SeaFrance… On devient les vrais patrons, on ne touche à rien et, si les déficits persistent, la puissance publique comble les trous, sans rechigner !

        En fait, moins de 200 salariés avaient accepté de rejoindre le projet de Scop, les autres préférant conserver leur indemnité versée par la SNCF et, donc, par le contribuable. Ce qui en dit long sur la « solidarité » dans les « luttes sociales » : les employés de SeaFrance n’étaient tout simplement pas disposés à confier leur argent à leurs représentants syndicaux. Et on les comprend !

        Contrôle de l’embauche des salariés de l’entreprise et effectifs disproportionnés par rapport à l’activité de la compagnie ; abstentionnisme du personnel dépassant toutes les normes constatées ; intimidations envers les employés rétifs à suivre les consignes… Comme l’a révélé un rapport de  la Cour des comptes, datant de 2009 et récemment exhumé, Didier Capelle et sa clique imposaient leurs diktats à une direction impuissante, totalement dépassée par ces pratiques quasi mafieuses.

         François Chérèque, le secrétaire confédéral de la CFDT, avait beau dénoncer son « comportement peu honorable » le matin même où le tribunal de commerce statuait sur la liquidation de l’entreprise, l’incapacité de la centrale syndicale à faire entendre raison à sa filiale maritime montre combien la réalité est éloignée des discours.

        Car cette affaire n’est pas un cas isolé, ni exceptionnel. On ne pourra pas expliquer indéfiniment que Calais n’est pas la France et que les dockers de Marseille ou les grévistes, à Air France et à la SNCF, se sacrifient – les braves – afin de protéger les usagers de la « casse du service public ». Les syndicats dits « représentatifs » se partagent moins de 6% d’adhésion de salariés. Quelle est la légitimité de ces chantres de la « démocratie sociale » qui s’arrogent le droit de définir ce qui est bien ou mal quitte à conduire leur entreprise à la faillite ? 

        Tant que la question ne sera pas posée, les grands sommets sociaux, comme celui du mois de janvier, n’y changeront rien. Dommage, car une tendance forte se dégage aujourd’hui pour chercher les solutions aux questions du travail au coeur des réalités sociales concrètes que sont les entreprises et les professions.

        Marine Le Pen et le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Laurent Wauquiez, n’ont pas tort de dénoncer à la fois « les profiteurs du haut » et « les profiteurs du bas » dont la classe politique française apparaît peu ou prou complice ou prisonnière. Un vieux système partisan, vivant de postures et d’affrontements idéologiques dérisoires, est en crise. Comme sont en crise la finance et l’économie. L’heure est peut-être venue de considérer les choses autrement. ■

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