Rappel à l’ordre, par Louis-Joseph Delanglade
L’actualité vient rappeler de façon tragique que, dans une région en état de guerre larvé, avant d’être journaliste on est d’abord le ressortissant d’un pays. Aussi les lamentations de la caste médiatique sont-elles un peu déplacées : les deux journalistes de R.F.I. n’étaient pas plus « neutres », donc intouchables, que qui que ce soit. Même remarque, mutatis mutandis, pour les « militants » (souvent des salariés) de Greenpeace. Eux aussi prétendent jouer avec le feu mais eux non plus n’acceptent pas de se brûler. Preuve en est la déclaration de M. Naidoo, directeur de Greenpeace international, qui proteste contre la détention en Russie de trente membres de son organisation.
Issue, au début des années soixante-dix, de la mouvance pacifiste états-unienne, c’est-à-dire d’un mouvement objectivement complice du communisme international, Greenpeace est devenue une véritable entreprise capitaliste aux trois millions d’adhérents-donateurs. Elle peut séduire parce qu’elle prétend défendre l’environnement et prône des actions non-violentes mais elle ment souvent (des moutons aveugles de Patagonie à la fonte annoncée des glaces arctiques) et on est en droit de se demander pour qui elle roule. On se rappelle l’épisode du Raimbow Warrior (1985). L’affaire a mal tourné pour les services secrets français mais elle est la preuve que, plus que comme un contre-pouvoir, Greenpeace se comporte d’abord comme une force hostile.
C’est bien ainsi qu’il faut comprendre ce qui s’est passé dans la mer de Barents, mi-septembre, lors d’une action de protestation sur une plateforme du géant russe Gazprom. Or la Russie de M. Poutine n’est pas la France de M. Mitterrand et les trente personnes arrêtées risquent désormais sept années de prison pour « hooliganisme ». Bien entendu, les belles âmes d’Occident ont entonné le chœur des pleureuses. Parmi les trente, un Français : un certain Francesco Pisanu. Comme il serait inconséquent de demander au pouvoir politique russe d’intervenir, c’est-à-dire de faire pression sur la justice, M. Ayrault, de passage à Moscou, a demandé à M. Medvedev « un geste humanitaire à son égard ». Fin de non recevoir du président du gouvernement russe. Les « activistes » seront jugésà l’aune de leur activisme.
Outre la claque donnée à M. Ayrault, la réponse de M. Medvedev – et quelle que soit la tournure des événements – rappelle opportunément que les O.N.G. ne représentent qu’elles-mêmes et que les Etats restent souverains – ce que d’ailleurs M. Ayrault reconnaissait implicitement par sa demande. Aucun individu, encore moins aucune organisation, ne peut se prévaloir, hors des frontières nationales, d’une sorte d’impunité qui lui permettrait d’agir au gré de ses idées, de ses intérêts ou même de sa profession. Pas plus au nom d’un prétendu droit à l’information que d’un tout aussi prétendu droit à l’ingérence écologique.