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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1530

  • Déjà annoncé, le Camp Maxime Real Del Sarte, université d'été d'Action française se tiendra du 17 au 23 août

    Voici donc d'ores et déjà annoncés, le lieu, les dates, le thème du prochain Camp Maxime Real del Sarte.

    Le Camp Maxime Real del Sarte (CMRDS) est une université d’été d’Action française, destinée aux jeunes Français soucieux de l'avenir de leur pays  - dont, à travers les générations, l'A.F. n’a jamais cessé d’intéresser et de former un nombre non négligeable. 

    L’on serait en effet étonnés si l’on dressait la liste des personnalités du monde politique, économique, littéraire ou médiatique d’aujourd’hui qui y sont passées, et qui, même si elles ont parfois gagné d’autres rivages, y ont forgé des liens, des amitiés et des convictions restés toujours vivaces.    

     

    La réflexion précède l’action mais aussi elle s’en nourrit et c’est de leur perpétuelle interaction que naissent les œuvres du long terme. L’Action française, dans sa meilleure tradition, a, ainsi, toujours su tout à la fois maintenir sa ligne fondatrice et l’actualiser suivant les réalités de chaque époque, de même que ses méthodes d’action.

     

    Le site du Centre Royaliste d'Acion Française donnera prochainement le programme du CMRDS 2015 et la possibilité de s'y inscrire. On s'y reportera avec profit.

     

    Les jeunes qui s’y réuniront cette année seront invités à combiner étude, réflexion, sport, détente et moments d'amitié. Il leur faudra, sans-doute, beaucoup de lucidité et de courage pour affronter les difficultés du monde qui vient. Il faut les leur souhaiter.

  • Sous le regard de Jean-François Mattéi : Maurras, entre Shakespeare, Baudelaire et Edgar Poe

     Baudelaire, traducteur d'Edgar Poe (Courbet)

     

    Jean-François Mattéi avait  bien voulu nous transmettre une rédaction de son intervention lors du colloque « Maurras 60 ans après », organisé, le samedi 27 octobre 2012, à Paris, par le Cercle de Flore. Nous avions publié cette remarquable réflexion le 2 janvier 2013. Aujourd'hui, un an après que Jean-François Mattéi nous ait quittés, alors que de nombreux hommages lui sont rendus et que paraît son ouvrage posthume L'Homme dévasté, il nous est agréable de republier ce texte qui montre à quel point il était proche de notre famille d'esprit. Lafautearousseau  • 

      

    de2ec42a65f25e9c3697a1b7845d46fb_Mattei.jpgBaudelaire écrivait dans son recueil de Fusées : « De Maistre et Edgar Poe m’ont appris à raisonner » (aphorisme 27). Pour suivre le principe d’analogie, on pourrait dire aussi bien de Maurras : « Shakespeare et Edgar Poe m’ont appris à raisonner ». Ces cinq auteurs, Shakespeare, De Maistre, Baudelaire, Poe et Maurras envisagent en effet la réalité de l’homme et de la politique à partir de ce que Baudelaire nommait « l’universelle analogie », et Mallarmé « le démon de l’analogie ».

    Remarquons au passage que la formule de Mallarmé relève elle-même de l’analogie puisque le poète compare l’« analogie », qui est une ressemblance entre deux éléments, à un « démon », au sens grec, qui est une ressemblance avec un dieu et une ressemblance avec la figure rhétorique en question. On pourrait plus simplement parler de « correspondance », dans le sens baudelairien, pour définir le principe qui met en relation deux mondes, le monde matériel et le monde spirituel, ou le monde humain et le monde divin. Disons plus simplement la terre et le ciel. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre le mot grec d’analogia qui implique un mouvement ascensionnel de pensée, logos, de bas en haut, ana. Pour qu’il y ait analogie, ou correspondance, il faut que le monde et les êtres qui l’habitent soient disposés selon une hiérarchie naturelle, comme l’échelle de Jacob ou la relation du microcosme au macrocosme. L’analogie est verticale et, à ce titre, inégalitaire.

    Or, cette analogie est la clef de la pensée hiérarchique de Charles Maurras qui s’est inspiré, dans ses vues politiques, des correspondances qu’il a trouvées chez Shakespeare et Edgar Poe, moins chez Baudelaire qu’il appelait, après l’avoir goûté très tôt, « notre mauvais enchanteur ». Il faut comprendre, en effet, qu’un choix intellectuel, qu’il soit religieux, philosophique ou politique s’exprime toujours à travers un jeu d’images qui ressortit de l’analogie. Pour prendre un exemple célèbre, la condition humaine chez Platon se définit à travers le réseau d’analogies qu’incarne l’image de la caverne, présente, sous une forme ou une autre, dans toute la tradition de pensée occidentale.

    Ce qui distingue donc les choix religieux, philosophiques ou politiques, c’est le style des métaphores adaptées à ces choix. Chez les partisans d’une hiérarchie entre les hommes, c’est-à-dire les partisans d’un gouvernement aristocratique, c’est l’analogie d’une échelle hiérarchique qui s’impose, ou d’une montée vers les hauteurs. C’est le cas chez Platon où le prisonnier libéré sort de la caverne et monte vers le soleil pour accroître ses connaissances par un mouvement d’anabase, qui est exprimé par une analogie, « un discours vers le haut ». La symétrie de retour dans la caverne n’est pas exacte, car la katabase du prisonnier, sa redescente vers ses compagnons, conserve le souvenir premier de l’anabase, et donc de l’analogie. En clair, le philosophe vient apprendre aux prisonniers, tout en bas, à prendre de la hauteur.

    Les partisans d’une égalité parmi les hommes, c’est-à-dire les démocrates, renversent l’analogie d’une ascension intellectuelle vers le haut, même lorsqu’ils parlent aujourd’hui d’« ascenseur social » pour tous ; ils utilisent plutôt la katalogie d’un discours qui abaisse tous les hommes au même niveau. Un ascenseur ne se contente pas de monter, il descend également pour satisfaire tous les usagers. Ce même mot, cette fois en français, le catalogue,est une liste complète de tous les objets qui sont mis sur le même plan, quels que soient leur diversité et leur prix. Une conception aristocratique de l’existence utilise alors toutes les ressources de l’analogie, parce qu’elle implique une hiérarchie de niveaux, alors qu’une conception démocratique inverse l’analogie en une katalogie, parce qu’elle recherche une suppression des hiérarchies au profit d’une égalité des conditions.

    Voyons-le, non pas chez Platon, sans doute l’antidémocrate le plus radical, tant dans le mythe de la caverne que dans le livre VIII de La République, mais chez Shakespeare dans la tragédie Troïlus et Cressida. L’action se passe pendant la guerre de Troie. C’est Ulysse, un héros mythique de Maurras, qui s’adresse aux Grecs pour justifier l’ordre de la cité qui reproduit l’ordre du monde :

    « Les cieux mêmes, les planètes et ce centre où nous sommes [la Terre]

    Observent avec le rang, la place, et le degré,

    Position, direction, saison, mesure et forme,

    Coutumes et fonctions, en tout ordre donné » (I, 3, v. 85-88).

    Shakespeare reprend ici la thèse aristocratique qui domine la pensée grecque, chez les poètes épiques, les poètes lyriques ou les poètes tragiques, et chez les philosophes. La formule la plus nette se trouve chez Homère, quand il fait dire par Hippoloque à son fils Glaucos dans l’Iliade (Chant VI, vers 208) : « il faut être partout le meilleur (aristeuein) et surpasser tous les autres ». Le « vrai Shakespeare », comme l’écrit Maurras dans La Musique intérieure, est peut-être celui des « fééries » parce que les contes, comme les mythes, ont une structure analogique et hiérarchique : il n’y a pas d’égalité entre les bonnes fées et les mauvaises fées, entre les ogres et les hommes, entre Blanche Neige et les sept nains, entre le Chaperon rouge et le loup, etc.

    Maurras reconnaît sa dette envers Shakespeare et Homère, mais surtout envers Edgar Poe, quand il écrit, dans Entre Bainville et Baudelaire : « Il a fallu que [l’idée de hiérarchie] leur revînt d’Amérique [les peuples européens], dans la belle prose de son traducteur parisien, et telle que Poe l’avait recueillie, déjà presque telle quelle, dans le Troïlus et Cressida de Shakespeare, telle que Shakespeare l’avait tirée de ce beau chant de l’Iliade où Homère montre son cher Ulysse argumentant à coups de bâton sur l’échine d'un anarcho-démocrate, le nommé Thersite, ennemi des peuples et des rois ». Maurras nomme alors l’idée de hiérarchie une « chaîne sacrée » qui a été rétablie au XIXe siècle par Baudelaire et Poe après avoir été défaite par la démocratie moderne.

    Voyons donc Poe, dans la traduction de Baudelaire. Les références à Poe et à ses Histoires extraordinaires qui jouent toutes, selon le mot de l’auteur dans La Lettre volée, sur « le monde matériel [qui] est plein d’analogies exactes avec l’immatériel », sont nombreuses chez Maurras. Entre Bainville et Baudelaire, déjà cité, fait allusion à deux nouvelles de Poe, Colloque entre Monos et Una et Mellonta Tauta. C’est surtout dans la nouvelle du Chemin du Paradis, « Les Serviteurs », que Maurras, en 1891, préconise pour la première fois d’instaurer la société sur une hiérarchie qui fait explicitement appel à Poe. « S’il me fallait invoquer ici d’autres modèles que ceux que j’ai reçus de mes maîtres français ou grecs et latins, je me référerais à ces lignes si belles de l’auteur du Colloque entre Monos et Una ». Et Maurras de citer alors Poe dans la traduction de Baudelaire : « En dépit de la voix haute et salutaire des lois de gradation qui pénètrent si vivement toutes choses sur la Terre et dans le Ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une Démocratie universelle… » J’ajoute le passage précédent que Maurras n’a pas repris et qui renforce l’idée d’analogie et la hiérarchie qu’elle commande : « Entre autres idées bizarres, celle de l’égalité universelle avait gagné du terrain ; et à la face de l’Analogie et de Dieu, en dépit de la voix haute et salutaire, etc. »  

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    Tombeau d'Edgar Poe

     

    Cette citation a souvent été reprise par Maurras. Dans ses Trois Idées politiques, consacré à Chateaubriand, Michelet et Sainte-Beuve, l’épigraphe de tout l’ouvrage est cette même phrase d’Edgar Poe sur « les lois de gradation » opposées à la « Démocratie universelle ». De nouveau, la déclaration de Monos à Una se trouve en épigraphe de la deuxième partie sur « Michelet ou la démocratie » pour dénoncer l’illusion de cette forme de gouvernement. Il est à noter que les deux personnages de Poe, Monos et Una, l’homme et la femme, parlent d’entre les morts comme si la « démocratie universelle », dont parle l’auteur, les avait conduits au trépas comme elle détruira la civilisation. L’homo democraticus, qu’Edgar Poe découvre avec stupeur en 1841 aux États-Unis avec ce Colloque entre Monos et Una, mais aussi L’Homme des foules, un peu après Tocqueville qui publie De la démocratie en Amérique en 1835 et 1840, est l’homme qui impose une démocratisation des conditions en tous domaines et refuse la hiérarchie naturelle des êtres.

    Albert Thibaudet avait déjà noté l’influence d’Edgar Poe dans Les Idées de Charles Maurras en 1920. Maurras cite encore Poe dans L’Observateur français, en mai 1891, à propos d’André Walter, le double d’André Gide, en le rapprochant de Dante et de Baudelaire. Dans « De la volonté politique pure », où l’on trouve les deux remarques : « La démocratie accourt, les yeux bandés, au cimetière. Mais elle y mène, et c’est moins gai », Maurras renchérit encore, avec l’aide de Poe, sur la critique de la démocratie. De cette dernière, il écrit ceci : « Nos aïeux, même les moins sages, ne s’étaient rien figuré de tel. Nos neveux, s’ils en réchappent, n’y voudront pas croire. C’était déjà l’avis d’Edgar Poe, il y a cent ans, lorsqu’il écrivait l’admirable “ Parabole des chiens de prairie ” ».

    Cette parabole se trouve dans la nouvelle Mellonta tauta, c’est-à-dire « Des choses dans l’avenir ». Je cite le passage sur la démocratie de Poe que Maurras reprend presque entièrement. Le narrateur parle d’un homme qu’il a rencontré récemment :

    « Il a passé toute la journée à essayer de me convaincre que les anciens Américains se gouvernaient eux-mêmes ! - a-t-on jamais entendu pareille absurdité – qu’ils vivaient en une sorte de confédération du chacun pour soi, à la manière de ces “chiens de prairie” dont la fable nous parle. Ils disaient qu’ils partaient de l’idée la plus bizarre qui se puisse imaginer, à savoir que tous les hommes sont nés libres et égaux ” ; et ce, en dépitdes lois de la gradation qui marque si visiblement toutes choses dans l’univers moral comme dans l’univers physique ».

    On retrouve, chez Poe comme chez Maurras, le même enseignement que dans le Colloque entre Monos et Una. Maurras parle d’une admirable parabole dont il ne donne pas la fin chez Poe. Car le poète américain termine son texte en montrant qu’un américain, nommé Mob, la « Plèbe » ou la « Canaille », prit le pouvoir démocratique et instaura un despotisme qui finit par le tuer. Et Poe de commenter, ce que ne fait pas Maurras : « Il ne faut jamais aller complètement à rebours des analogies naturelles », comme le montre « le cas des “chiens de prairie”, exception qui semble prouver que la démocratie est une très admirable forme de gouvernement pour les chiens ».

    Maurras a continué par la suite à se référer à Poe, et, à travers lui, à la tradition aristocratique de l’analogie entre le monde matériel et le monde spirituel, ou entre la réalité physique et la transcendance métaphysique. Dans le recueil d’articles de 1919 Les trois aspects du président Wilson, il revient une nouvelle fois sur la gradation de Poe et cite le même passage : « Un grand Américain dont la leçon est à la base d’un grand nombre de nos études disait : “En dépit de la voix haute et salutaire des lois de gradation qui pénètrent si vivement toute chose sur la terre et dans le ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une démocratie universelle”. Le génie d’Edgar Poe donnait à ces paroles un accent de commisération et de plainte qui ne s’éteindra qu'avec les suprêmes résonances de l’esprit humain. » (10 avril 1917). Quelques mois plus tard, le 5 septembre 1917, on lit ces lignes dans le même ouvrage : « Une telle démocratie selon le cœur de Platon, d’Aristote et de ce prodigieux aristocrate virginien Edgar Poe, est certainement conciliable avec tous les régimes qui sont, qui furent ou qui seront en vigueur dans notre Europe entre l’an 1200 et l'an 2000 ».

    À la fin de sa vie, alors que Charles Maurras est hospitalisé à l’Hôtel-Dieu de Troyes, il répond le 20 août 1951 par une longue lettre au professeur Jean F. David, de l’université de Washington, qui l’avait interviewé sur les lettres françaises. Voici ce texte qui condense toutes les idées métaphysiques et politiques de Maurras sur l’analogie qui gouverne le monde et les hommes :

    « Pour sortir du chaos moral, il faut rétablir l’ordre moral ; à plus forte raison, sans l’intelligence, ne peut-on débrouiller le chaos social. Ni la bonne volonté ne suffit, ni les bons sentiments ; il est un ordre supérieur qu’il faut connaître et observer si l’on veut penser et agir. C’est l’ordre dont parle votre Edgar Poe dans le Colloque entre Monos et Una : “en dépit de la voix haute et salutaire de lois de gradation qui pénètrent si vivement toute chose sur la terre et dans le ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une démocratie universelle”

    Stéphane Giocanti avait donc raison, dans sa biographie, de qualifier Edgar Poe de « maître américain de Maurras » [1]. L’auteur du Colloque entre Monos et Una, les bien nommés puisqu’ils illustrent l’unité de l’homme et du monde soumis à la loi de gradation continue des choses et des êtres, restait fidèle à une tradition aristocratique dont le premier modèle, avant Shakespeare et Baudelaire, furent les penseurs grecs.

     

    Jean-François Mattéi



    [1] S. Giocanti, Charles Maurras, le Chaos et l’Ordre, Paris, Flammarion, 2006, p. 197

  • Menaces djihadistes et enjeux stratégiques pour la sécurité de l’Europe, l'analyse de Bernard Lugan

    46878456-jpeg_preview_large.jpgLe Cercle Afl Okkat a reçu l’africaniste Bernard Lugan à Strasbourg. Il est intervenu sur le thème : « La bande sahélo-saharienne, un enjeu stratégique pour la sécurité de l’Europe ». TV Libertés a interrogé Bernard Lugan après sa conférence. On écoutera cet entretien avec intérêt. 

     

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  • De la relativité... des prévisions

     

    La relativité des prévisions, c'est sans-doute ce que nous rappelle de plus clair le scrutin d'hier. Personne n'est aussi défait, personne n'est aussi victorieux qu'on ne l'avait cru et le parti dont on nous dit qu'il l'a été - plus ou moins - n'est pas celui qui était prévu... Décidément, le suffrage universel reste plus conservateur que révolutionnaire.

    Suivant les apparences et suivant les commentaires, le premier tour de ces élections départementales ne serait pas tout à fait, pour le parti au pouvoir, la bérézina qui était annoncée. A l'opposé, la vague F.N. n'a pas eu l'ampleur que les instituts de sondage avaient pronostiquée. Complaisamment ? Par tactique ? Gilbert Collard le donnait à entendre, hier soir, sur les plateaux de télévision, rappelant que, jusqu'à présent, la tendance des sondages avait toujours été, plutôt, de sous-évaluer les scores annoncés pour le Front National... La tactique inverse a peut-être eu son effet ...

    Il sera temps, pour les partis, de dresser dans les jours qui viennent - en fait, au soir du second tour - l'état de leurs pertes ou de leur gains. En sièges, en présidences et ... en ressources financières, ce qui n'est pas le moindre de leurs soucis et sera, en tout cas, l'objet de tous leurs calculs. Domaine, d'ailleurs, où dans l'affaire la gauche sera seule lourdement perdante. 

    Il reste que le P.S. ne représente pas 20% des votants et que, dans sa totalité, toutes tendances confondues - confondues mais en guerre ! - la gauche totalise péniblement 37% des voix.  Suivant le vote d'hier, elle ne représenterait guère plus qu'un tiers des Français.

    Quelle que soit la réalité des partis et la vérité des hommes politiques, sur lesquels personne ne se fait plus beaucoup d'illusions, la France est aujourd'hui à droite, et comme le répand Houellebecq, clairement à droite. 

    Peut-être parce qu'il se considère, si l'on nous passe l'expression, comme un peu retiré des affaires, Jean-Marie Le Pen, impayable et souverain, a pris les résultats d'hier soir avec une admirable philosophie. Il a constaté pour commencer que « Le Front National n'est pas le premier parti de France » et a ajouté pour finir, à la façon du patriarche dont le regard porte au loin : « Nous préparons l'arrière-petit-fils pour 2037 ».

    Mais là, nous sortons de l'esprit et du temps démocratiques. Et ce n'était vraiment pas la philosophie du scrutin d'hier.  Lafautearousseau  •

     

  • Fondamentalisme républicain, par François Marcilhac

     
    arton7720.jpgLes superstitieux sont dans la société ce que les poltrons sont dans une armée : ils ont et donnent des terreurs paniques », a écrit Voltaire dans son Dictionnaire philosophique. La panique n’est pas seulement mauvaise conseillère. Elle révèle aussi la nature profonde de ceux qui sont emportés par elle, ou font mine de l’être, et qui, de ce fait, la sèment.
     

    Quand c’est un chef, ou un sous-chef, qui tente de jeter ce mauvais vent, non pas dans les rangs de l’ennemi mais dans ses propres rangs, son indignité est proportionnelle à ses responsabilités — même et surtout s’il le fait par calcul, car ce calcul est méprisable.

    Manuel Valls aurait « peur ». Il aurait peur que la France ne se « fracasse » sur le Front National, quand elle se fracasse surtout sur la politique du gouvernement. Alors que les sondages virent de nouveau au rouge, ou plutôt au bleu marine — l’ « esprit du 11-janvier » semble bien oublié ! —, c’est, de la part du premier ministre, avant tout un terrible aveu d’échec, car, qu’il soit sincère ou qu’il surjoue son « angoisse », il avoue ainsi la défaite de l’actuel pays légal, gauche et droite parlementaires confondues, à répondre aux inquiétudes des Français. Mais c’est aussi un terrible aveu de cynisme : lui, qui, comme ministre de l’intérieur, avait réussi à s’attirer la sympathie des électeurs de l’UMP plus encore que des socialistes en campant un Clemenceau de sous-préfecture, voilà que, devenu premier ministre, et aspirant ouvertement à la fonction suprême, il révèle son incapacité à prendre de la hauteur et tente de détourner par l’invention d’une menace imaginaire — la résurrection de la Bête immonde — l’attention des Français de la triple augmentation du chômage, de l’insécurité et de l’immigration. On dira qu’il assume parfaitement son rôle de garde du corps présidentiel, dévolu traditionnellement, sous la Ve république, au premier ministre ? Peut-être. Mais l’essentiel n’est pas là. Son objectif est de susciter dans la société ce qu’il dit craindre pour elle, à savoir cet esprit de division, voire de guerre civile, consistant à opposer les Français les uns aux autres en allant jusqu’à dénier à certains d’entre eux la qualité de bons Français. Car ce serait un contresens de conclure, du fait qu’il n’arrive manifestement plus à maîtriser ses nerfs, qu’il dérape, lorsqu’il revendique la stigmatisation du Front national et s’emporte, devant les caméras, à l’Assemblée nationale de manière obsessionnelle contre Marion Maréchal-Le Pen ou disproportionnée contre le député UMP Darmanin critiquant la politique pénale de Mme Taubira. Cette agressivité verbale est bien celle d’un de ces « superstitieux » dont parle Voltaire, mais d’un superstitieux calculateur.

    Superstitieux de la république, Manuel Valls l’est à tout coup, avec tout ce qu’entraîne la superstition : sanctification de ce qu’on adore — la république —, déni de réalité, diabolisation et exclusion de l’adversaire, déformation et censure des idées — Zemmour fait partie des « soi-disant intellectuels » qui « ne méritent pas qu’on les lise » —, enfermement dans un discours incantatoire — « les valeurs de la république » — qui finit par tourner en rond et surtout par justifier le contraire de ce qu’il prétend défendre. Ainsi Manuel Valls n’a pas condamné les propos de Mme Taubira qui, dépitée d’être passée du statut d’icône ambulante à celui de simple « tract ambulant », qui plus est pour le FN, a agoni d’injures personnelles le député Darmanin et traité ses critiques de « déchets de la pensée humaine », ce qui en dit long sur l’instrumentalisation, par le garde des sceaux , des imbécillités racistes dont elle a pu faire l’objet : l’objectif est d’interdire a priori toute mise en cause de sa politique en usant des mêmes procédés abjects — la déshumanisation — dont elle dénonce l’usage à son encontre. Mais pourquoi Manuel Valls aurait-il repris son ministre de la justice, puisque l’exclusion, voire la déshumanisation, de celui qu’on désigne comme « l’adversaire principal », en l’occurrence « l’extrême droite », fait partie de l’idéologie de la gauche ?

    Car l’ « extrême droite » n’est pas seulement « l’adversaire principal » « de la gauche mais du pays » — c’est la rhétorique de l’ennemi intérieur contre lequel, à terme, tout sera permis. Si, en effet, « l’extrême droite ne mérite pas la France » ou si « le Front national n’aime pas la France », ses électeurs s’excluent d’eux-mêmes de la communauté nationale. Déjà, avant 1789, l’abbé Sieyès, dans Qu’est-ce que le Tiers-Etat ?, retranche de la communauté nationale les aristocrates et les membres du clergé, les désignant d’avance au massacre, et avec eux, de manière tout aussi effroyable et en bien plus grand nombre encore, ceux du peuple qui « ont trahi » le Tiers-Etat en se soulevant contre la révolution et se voient aussitôt traiter, en paroles et en actes, comme des bêtes sauvages. Oui, Manuel Valls, fondamentaliste républicain héritier fidèle des « grands ancêtres », cherche à exercer, à l’encontre de ces mauvais Français que ce bonhomme de François Hollande veut « arracher » à leurs mauvaises tentations, cette terreur, pour l’instant morale, en les « stigmatisant » — il a employé le mot —, c’est-à-dire en les désignant à la vindicte de leurs compatriotes. Il va jusqu’à singer Saint-Just désignant les traîtres de son camp : Michel Onfray a ainsi fait les frais de la dénonciation matignonesque. Ce qui a valu à notre imprudent imprécateur, de la part du philosophe hédoniste, d’être qualifié de « crétin » : n’est pas Saint-Just qui veut...

    Un superstitieux de la république, donc, mais un superstitieux calculateur. Car Valls cherche bien sûr dans l’immédiat à atténuer la déroute annoncée du parti socialiste aux départementales, puis aux régionales en décembre : désigner l’ennemi de la république pour resserrer les rangs ne peut pas faire de mal. Mais il prépare surtout les esprits des Français pour 2017, en cas, probable, de présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. Car il préjuge — sans trop croire certainement à une victoire de la présidente du FN —, que l’affaire sera autrement sérieuse qu’en 2002. Et qu’il faudra peut-être, entre les deux tours, employer des moyens plus vigoureux que des défilés de potaches conduits par leurs professeurs comme au plus beau temps des démocraties populaires ou des media prenant directement leurs ordres place Beauvau. Il compte rester jusqu’en 2017 à Matignon, même en cas de cuisante défaite électorale en mars et en décembre, en féal premier ministre prenant tous les coups à la place de son suzerain, et fait dire qu’il n’envisage de toute façon pas l’Elysée avant 2022. A moins qu’il ne faille se dévouer en 2017 face à l’éventualité, réelle ou supposée, de graves événements ? On y aura en tout cas préparé les esprits en ayant durant deux ans « stigmatisé », c’est-à-dire désigné aux bons Français, comme ennemis, ceux de leurs compatriotes « qui ne méritent pas la France ».  • 

    L’Action française 2000 (N°2905)

  • La Semaine de MAGISTRO, une tribune d'information civique et politique

    1584417371_2.jpgQuoi que disent les appareils, les hommes et leurs discours dits de droite, dits de gauche ou d'ailleurs, ... partageons les fondamentaux !

    MAGISTRO vous invite à lire :

    Eric MENSION RIGAU  Professeur d’histoire contemporaine à la  Sorbonne (université Paris IV)    La France s’est réconciliée avec sa noblesse 
    Philippe BILGER   Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole  Je ne veux pas dire comment je ne veux pas mourir !
    Christine SOURGINS    Historienne de l'art, essayiste     Vandalismes  culturels...
    Ivan RIOUFOL  Journaliste politique  
         Le FN, symptôme de l'échec du système
         La peur, arme de l’islam radical en France
    Jacques BICHOT  Economiste, Professeur émérite à l'Université Lyon 3   Vraies réformes : le temps presse !
    Eric DENECE   Directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R)    Poursuivre la réforme du renseignement intérieur  
    Jean-Paul PANCRACIO   Professeur émérite des universités   Laïcité et université, une relation spéciale
    Françoise THIBAUT   Essayiste, historienne, Professeur des Universités   Mythes et notions
    Gérard-François DUMONT  Géographe, Professeur d'université à la Sorbonne  Tempête politique sur l’islam en Autriche
    Henri HUDE     Philosophe      Résistance à la soumission
    Jean-Luc BASLE   Economiste   Le Venezuela déclaré "menace sécuritaire nationale" par Barack Obama
    Paul RIGNAC   Ecrivain, essayiste   9 mars 1945 : la fin de l’Indochine française                                                

    Transmettez, faites suivre ... 

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • Langue française • Les élites françaises aiment-elles encore la langue de Molière ? Par Mathieu Bock-Côté*

    Figure de la vie intellectuelle québécoise, Matthieu Bock-Côté exprime ici cette angoisse existentielle, cet esprit de résistance, cette redécouverte de la cause de la diversité des peuples, qui animent de plus en plus d'esprits face à la mondialisation se présentant comme une homogénéisation de la planète. Nous le rejoignons lorsqu'il affirme que l'avenir de la langue française serait dangereusement compromis si elle s'arrachait à sa littérature. Lafautearousseau 

    Selon qu'il vienne du Québec ou de la France, l'éloge de la langue française n'a pas la même tonalité. Dans le premier cas, on célèbre et chante une langue fragile mais têtue, qui a survécu aux différentes tentatives pour l'effacer du continent nord-américain. Longtemps, les Québécois qui passaient par la France étaient émerveillés d'y voir une langue de pouvoir, nommant l'ensemble de la réalité. Dans l'autre, on célèbre le génie d'une langue à l'esprit universel, celle des écrivains et moralistes qui ont cartographié exceptionnellement au fil du temps les passions humaines en frappant des maximes de génie. Ces deux perspectives pourraient se féconder aujourd'hui.

    Car chanter la langue française, désormais, consiste d'abord à célébrer une langue qui a été déclassée par l'anglais, apparemment seul idiome possible de la modernité. Les Québécois ont une longue expérience de cette résistance et portent à leur manière la cause des petites nations qui, devant le rouleau compresseur des empires, continuent d'avoir leur propre point de vue sur le monde. C'est ce qui avait poussé Alain Finkielkraut, dans L'Ingratitude, à dire qu'aujourd'hui, « nous sommes tous des Québécois ». Chaque nation sait aujourd'hui qu'elle peut se dissoudre et découvre une angoisse existentielle que seuls les sots traduiront dans le registre de la phobie.

    Mais devant l'hégémonie anglophone, la France n'est pas n'importe quel pays. Quand les blocs s'affrontaient pendant la guerre froide, le général de Gaulle, sans renier l'attachement de la France au camp occidental, rappelait l'existence des peuples et leur souci d'indépendance. En 2003, au moment de la guerre d'Irak, c'est l'opposition de la France à l'entreprise américaine qui a sauvé l'honneur des démocraties occidentales. La France représente encore quelque chose de plus que la France dans le monde. C'est ce que le politologue québécois Christian Dufour a nommé « la résistance du numéro deux ». La France est peut-être seule capable d'inscrire la cause de la diversité des peuples au cœur de la vie internationale.

    Surtout, la langue française, dans le monde occidental, par son prestige de civilisation et par la puissance politique qui pourrait encore être la sienne, en est venue à incarner le point de ralliement contre la domination de l'anglosphère. La langue française passe encore pour la grande langue de la culture. Il n'y a que la France et la francophonie qui peuvent faire de l'exception culturelle un projet politique à part entière. Encore faudrait-il qu'elle reconnaisse dans la francophonie davantage qu'une dimension tout à fait périphérique de sa politique étrangère et qu'elle ne se conçoive pas comme une province parmi d'autres de l'empire européen.

    Une langue meurt lorsqu'elle ne parvient plus à traduire une nouvelle époque dans ses propres mots et lorsqu'elle emprunte systématiquement à une autre langue les termes pour nommer les réalités nouvelles. Il y a dans l'anglomanie qui a gagné la France depuis quelques années un zèle autodépréciateur inquiétant, comme si elle croyait que le vocabulaire de la mondialisation était nécessairement anglophone, qu'on évoque l'économie financière ou des nouvelles technologies. Start up, business, fashion week, lifestyle, smartphone, on pourrait aligner longtemps les mots servant à donner un cachet mondialisé à ceux qui entendent conquérir les marchés.

    On se moque volontiers des Québécois qui maltraitent plus souvent qu'ils ne le devraient le français, tout en cherchant à l'imposer dans tous les domaines de l'existence. Ils sont pourtant fidèles ici à une exigence fondamentale: aucun domaine de l'existence ne saurait se soustraire à la langue française, qui peut tout nommer, tout traduire. Aucun État ne peut faire l'économie d'une politique linguistique à part entière, à moins de consentir à la provincialisation de sa langue, qui sera encore parlée dans les bourgades, mais qui renoncera à peser sur les affaires du monde.

    Les modernes s'enthousiasment à l'idée de s'angliciser comme s'ils rejoignaient ainsi le petit club sélect des individus mondialisés, qui se croient capables de passer d'un pays à l'autre. D'autant qu'ils feront tout pour effacer l'originalité de chacun, la mondialisation se présentant comme une homogénéisation de la planète selon les exigences d'une culture globale. Inévitablement, ceux qui n'entrent pas dans le moule se font accuser de complaisance réactionnaire.

    Mais on ne saurait défendre une langue sans célébrer son génie. Et c'est ici que l'éloge de la langue française se confond avec celui de la littérature française. Qui s'y plonge s'éduque. Encore doit-on y voir non pas seulement une série de fables amusantes pour distraire l'esprit mais bien une part vitale du patrimoine de l'humanité. Encore doit-on aussi la parler dans sa richesse et la sortir de la gaine étouffante de la langue des communicants. On n'en sort pas : une langue qui s'arrache à sa littérature se suicide. 

     

    * Mathieu Bock-Côté est sociologue. Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels « Exercices politiques » (VLB, 2013), « Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois » (Boréal, 2012) et «L a dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire » (Boréal, 2007).

    FigaroVox

  • JUSTICE & SOCIETE • « Salope », plus une injure ? Par François Teutsch*

    57893b06c2abfa69f965a0ea10ca5721.jpgLe Syndicat de la magistrature a encore frappé ! Avec le bon sens qu’on lui connaît, il rappelle urbi et orbi que le juge judiciaire est le gardien des libertés individuelles. Pour clôturer en beauté la campagne des départementales, il vient de rendre une décision qui, à n’en pas douter, enrichira les pages de jurisprudence placées sous l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 traitant de la diffamation.

    Mais, qu’on me pardonne, je m’égare. Rien ne prouve, en effet, que l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 18 mars dernier soit l’œuvre du Syndicat de la magistrature. Si ce n’est lui, il l’a au moins inspiré. La justice française a si bien intégré le catéchisme républicain qu’il n’est plus nécessaire, à un syndicat gauchisant, de placer ses juges à chaque étage de l’édifice. Miracle de l’autodestruction d’une société analysée brillamment par Zemmour.

    Mais de quoi s’agit-il, à la fin ? Simplement d’une injure publique. Celle d’un humoriste nommé Nicolas Bedos, sans doute un type très drôle comme son papa, une grande conscience de la République, un des gardiens du temple auréolé de respect par tout ce que la médiacratie compte de bien-pensants. Ce Nicolas Bedos écrivait, dans Marianne, en 2012 : « La droite entend ainsi lutter contre la montée de l’extrême droite. “Ne laissons pas le terrain à Marine, la VRAIE méchante” […]. Sauf que personne n’empêchera quelques idéalistes rigides de penser qu’à force de singer la salope fascisante, celle-ci est déjà au pouvoir : […] on l’appelle Claude Guéant. »

    Marine Le Pen avait saisi le tribunal correctionnel uniquement sur le terme « salope ». Instruite par l’expérience, elle sait que l’adjectif « fascisant » est désormais admis – à son encontre – par la justice. Se faire traiter de « salope » reste, jusqu’à preuve du contraire, une injure, c’est-à-dire, selon la définition de la loi, « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». Si quelqu’un veut tenter l’expérience à l’égard – par exemple – de madame Taubira, il comprendra rapidement la manière dont les juges apprécieront son sens de l’humour.

    Mais n’est pas Bedos qui veut. Lui porte un si grand nom, qui plonge ses racines dans les tréfonds de l’histoire de France, qui évoque le sang versé pour la patrie, la grandeur de la nation et l’éminence des services rendus, qu’il peut se permettre de tels propos qui, d’injures, deviennent vérités, douloureuses mais pures. Surtout lorsque est revendiquée la liberté d’outrager, dès lors que les propos tenus émanent d’un « humoriste » engagé (à gauche). C’est ce qu’avait jugé le tribunal correctionnel. Pour lui, il était « parfaitement clair pour tout lecteur que la chronique en cause se situe dans un registre aux accents délibérément provocateurs et outranciers, revendiqué comme tel ». Saisie par Marine Le Pen, la cour vient de confirmer la relaxe, par des motifs qui ne sont pas encore connus, mais dont on doute qu’ils soient très différents.

    Que signifie cette décision ? Tout simplement l’abandon du critère objectif de qualification de l’injure, appréciée en tant que telle. La justice ne dit pas (pas encore) que l’injure s’apprécie par rapport aux opinions politiques de la victime ou de l’auteur. Elle y viendra, car cette distinction illégale figure déjà en filigrane de toutes ses décisions depuis quelques années. Christiane Taubira en sait quelque chose.

    Marine Le Pen peut se pourvoir en cassation. Dans l’immédiat, cette décision ouvre un grand espace de liberté pour l’entre-deux-tours. Et laisse présager à quel niveau le débat politique se situera en 2017. Nous en reparlerons… 

    * Avocat, Boulevard Voltaire

  • HISTOIRE • Michel de Jaeghere : « Le déclin de Rome, un avertissement » Par Raphaël de Gislain

     

    Directeur du Figaro Hors-Série et du Figaro Histoire, Michel De Jaeghere nous livre avec Les derniers jours – la fin de l’empire romain d’occident une analyse éblouissante des causes qui entraînèrent la chute d’une civilisation qui se croyait, comme la nôtre, immortelle.

    Peut-on dater précisément l’effondrement de la civilisation romaine ?

    Les ruptures dans l’histoire ne sont jamais absolues. Pour marquer la fin de l’empire romain, on retient traditionnellement la date de 476, celle de la déposition du dernier empereur d’Occident. Pour autant, la civilisation gréco-romaine ne s’est pas effondrée du jour au lendemain. L’empire était en crise depuis le début du Ve siècle, et la romanité s’est perpétuée au vie, pour servir de matrice aux renaissances qui ponctueront le Moyen Âge. Il y aura encore pendant des décennies un sénat et des consuls à Rome, et l’aristocratie maintiendra longtemps les usages de la vie romaine en Italie, dans le sud de la Gaule ou en Espagne.

    Contrairement à l’historiographie dominante, je me suis pourtant convaincu que 476 constituait une véritable rupture. La disparition de l’état romain n’a pas été sans conséquence. Elle a débouché sur un effondrement de la civilisation romaine. L’empire subsiste certes comme une prestigieuse fiction. Il y a toujours un empereur à Constantinople, et les références culturelles des rois barbares, comme Clovis, restent romaines. Beaucoup d’historiens en concluent aujourd’hui que la chute de l’état romain fut un détail sans importance puisque la romanité s’était maintenue sous une nouvelle forme. Je crois montrer à l’inverse que l’effondrement du pouvoir central a eu des conséquences catastrophiques du fait de l’interruption des échanges de longue distance, qui avaient été le vecteur de la prospérité romaine, de l’étiolement de la vie civique et de l’évergétisme (mécénat politique), qui avaient été au cœur de la civilisation antique – c’est par la carrière des armes qu’on s’élève désormais dans l’échelle sociale, non plus par la munificence dont on fait preuve à l’égard de ses concitoyens –, enfin de la disparition de la culture littéraire, qui réservera peu à peu l’usage de l’écriture aux clercs. à la fin du vie siècle, les grands seigneurs mérovingiens seront incapables de signer de leur nom, quand leurs homologues gallo-romains écrivaient, cent ans plus tôt, des vers précieux. Il s’était bien passé quelque chose entre temps.

    L’assimilation des peuples étrangers, l’un des fondements de la civilisation romaine, cesse soudain… Pourquoi ?

    Le ressort de la grandeur de Rome, comme l’a souligné Montesquieu, a été d’avoir su associer les vaincus à son destin. L’empire romain était depuis toujours un empire multiethnique et multiculturel, mais il avait fait l’objet d’une prudente et progressive politique de romanisation. La barbarie était aux yeux des Romains un état transitoire, dont il importait de faire sortir les peuples conquis en les faisant entrer dans la vie civique à quoi s’identifiait pour eux la civilisation. Après avoir humilié l’orgueil de leurs ennemis sur le terrain, leur avoir fait sentir leur domination en leur imposant de lourds tributs, ils favorisèrent, là où il n’existait pas, la mise en place d’un système d’administration municipale faisant prévaloir la discussion rationnelle sur la loi du plus fort. En même temps, ils encourageaient la diffusion de la culture littéraire par l’apprentissage du latin, et la diffusion de leurs mœurs par la construction de villes reprenant, avec leurs amphithéâtres, leurs aqueducs, leurs thermes, les canons de l’architecture romaine. Or, à la fin du IVe siècle, à la suite de la défaite d’Andrinople, marquée par la destruction d’une armée et la mort de l’empereur Valens sur le champ de bataille, Théodose est obligé de négocier une paix de compromis : il accueille les Goths dans l’empire sans les avoir soumis ; ils sont installés sur le sol romain dans le respect de leurs structures tribales. L’empereur espère faire d’eux des agriculteurs en même temps qu’une réserve de soldats, car l’armée comme la terre manquent de bras. On pense ainsi avoir trouvé une solution au changement de paradigme militaire : le passage de l’empire d’une guerre de conquête à une guerre défensive, qui mobilise des effectifs considérables, compte tenu de la longueur immense des frontières.

    Et cette solution de court terme s’est retournée contre Rome…

    En effet, les autorités romaines ont, sans s’en rendre compte, renié par là l’essence même de la romanité. Elles ont dans le même temps renoncé à leur rôle civilisateur et confié la guerre à des bandes étrangères. L’exemple n’en sera pas moins suivi tout au long du Ve siècle, débouchant sur la multiplication des enclaves étrangères, qui se considèreront peu à peu comme des principautés indépendantes. Les empereurs ont été condamnés à cet expédient par la faiblesse de la démographie romaine, le manque de ressources fiscales dans des provinces ravagées par les invasions, et par le peu d’appétence des populations de l’empire pour la carrière militaire. L’engagement dans les légions donnait traditionnellement accès à la citoyenneté romaine, mais, depuis l’édit de Caracalla (212), ce n’était plus un privilège puisque celle-ci avait été donnée à tous les habitants de l’empire. On manquait donc de candidats. La guerre défensive n’est pas très attirante, puisqu’elle vous condamne à partir loin de chez vous sans perspective d’amasser du butin. Les invasions qui se sont multipliées au ve siècle ont terrorisé les populations, renforcé leur sentiment d’appartenance à une romanitas opposée au barbaricum. Mais elles ne les ont pas conduites à s’engager en masse dans les légions. C’est peut-être là une leçon essentielle de l’histoire : les empires multinationaux sont très difficiles à défendre, car ils ne suscitent pas d’élan patriotique. Agrégat de peuples, ils ne sont pas une dilatation de la Cité. L’attachement que les populations leur portent est lié au fait que l’empire leur apporte paix et prospérité. Il ne crée pas le lien charnel qui justifie qu’on soit prêt à sacrifier sa vie, comme on le fait pour la défense de la terre de ses pères…

    Vous terminez par un chapitre en forme d’avertissement pour le lecteur. Que devons-nous voir que nous ne pourrions comprendre sans l’histoire de Rome ?

    Notre monde est ivre de sa prospérité, ivre de sa technologie qui lui procure une impression de toute puissance. Mon livre montre qu’il y a eu avant nous une civilisation qui était elle aussi extrêmement brillante et se croyait éternelle. Elle s’est effondrée sous le double jeu de l’immigration et des invasions, préludes à l’émergence de communautarismes qui la condamnèrent à la dislocation. Les barbares connaissaient suffisamment Rome pour avoir envie de profiter de ses richesses. On renonça à les coloniser car cela paraissait trop difficile et trop coûteux, sans penser que livrés à l’anarchie au-delà des frontières, ils seraient irrésistiblement attirés par les bienfaits de la civilisation. On les laissa s’installer sur le sol romain sans les avoir subjugués par la force, ni leur imposer le processus d’assimilation qui avait assuré, jusqu’alors, la romanisation des vaincus. Chacun est libre d’en tirer les conclusions qu’il veut pour notre temps. 

    Dernier livre paru : Les derniers jours : La fin de l’empire romain d’Occident, les Belles lettres, 658 p., 26,90 euros.

     

    Politique magazine

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  • CULTURE & MEDIAS • Laurent Joffrin, toujours faux naïf, s'interroge et s'inquiète dans Libération, mais Raphaël Glucksmann lui a déjà donné la réponse

     

    En effet, Laurent Joffrin pourrait se reporter aux déclarations de Raphaël Glucksmann à France Inter, le 25 février dernier. A ses déclarations et à ses frayeurs. Il y trouverait d'assez sérieuses réponses à ses interrogations. Joffrin préfère jouer l'optimisme de gauche. Sa méthode est celle de la fausse naïveté. Raphaël Glucksmann est intellectuellement autrement plus honnête et plus lucide; ce jeune-homme distingué a des idées, des convictions - qui ne sont pas les nôtres - et de la passion. Mais lui, au moins, vend la mèche lorsqu'il alerte son camp : nous avons perdu l'hégémonie idéologique et culturelle ... Se reporter à la note que nous avons publiée le 27 février. Avec vidéo.