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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1529

  • VOYAGES • Virée multiconfessionnelle à Bahreïn ... Par Péroncel-Hugoz

     

    peroncel-hugoz 2.jpgMalgré ou à cause d’une vieille sympathie pour Bahreïn, Péroncel-Hugoz a éprouvé le besoin de donner un petit « coup de dent » à la délégation très parisienne reçue en ce mois de mars par le roi Hamad II

    Cela tient peut-être à l’atmosphère décontractée,voire chaleureuse, que les journalistes étrangers hantant le Golfe arabo-persique trouvent de longue date à Manama, en comparaison des rigueurs hanbalites de Djeddah ou Doha, mais j’ai toujours senti de l’attirance pour cet archipel baigné par la même mer, en contradiction donc avec son nom : Bahreïn = Deux-Mers … Cet Emirat perlier puis pétrolier, régi patriarcalement depuis les années 1780 par la dynastie arabe des Khalifa, et que son chef actuel, Hamad II, a cru opportun en 2002 de hisser au rang de « Royaume », malgré ses 700 km2 peuplés seulement de 1.250.000 âmes dont plus de 50% sont allogènes ; cet Etat sunnite malékite comme le Maroc, lequel est un peu son modèle et aussi un de ses protecteurs diplomatiques, face aux appétits présumés du géant iranien à 200 km de ses côtes.

    Oh ! Je sais, Bahreïn abrite une grosse base américaine (comme Cuba…) , qui fait grimacer bien des Arabes, et les sacro-saintes « valeurs démocratiques » ne sont pas strictement honorées par le gouvernement insulaire, comme le réclame une partie de ses administrés chiites, dont certains se voient déjà diriger ces îles qui furent colonie chiito-persane aux XVII et XVIIIe siècles … Bref, le régime bahreïni n’a pas très bonne presse dans les tout-puissants réseaux « droitsdelhommistes » des cinq continents ; du coup il cherche tout naturellement  à améliorer son « image », et je ne sais quel « communicant » a donc soufflé à Manama d’accueillir avec maints égards une brillante escouade judéo-cristiano-islamique composée en France; une sorte de Tout-Paris religieux ambulant qui s’est donné pour mission (plus qu’honorable, il est vrai …) de sauver les chrétiens d’Orient. Or, la monarchie khalifienne est exemplaire en la matière, s’apprêtant même à abriter la première cathédrale de la rive arabe du Golfe … Evidemment, pour la délégation pluriconfessionnelle, il aurait été plus compliqué, plus dangereux d’aller essayer de rallier à son projet ces jihadistes de Mésopotamie, Algérie, Libye, Niger, Nigéria, etc. qui s’attaquent violemment aux chrétiens en tant que tels …

    Epargnons à nos suiveurs les platitudes ultra-consensuelles sur la « tolérance » et contre la « haine » débitées par des membres de la délégation parisienne et attardons-nous plutôt sur ses figures, à mes yeux les plus « pittoresques » : l’abbé Alain de La Morandais, prêtre mondain octogénaire connu en Europe pour ses propos crus sur la chasteté ou la prostitution ; côté chrétien encore mais américano-proche-oriental, Patrick Karam, né aux Antilles, dignitaire (avec madame) de l’hypersarkozysme, bon garçon, paraît-il, fameux pour ses hâbleries levantines qui font rire les dîneurs chics de Cayenne à Beyrouth, via Neuilly-sur-Seine et la Côte-d’Azur ; l’Islam était représenté notamment par le plus controversé des imams de France, Hassan Chalghoumi, né tunisien de père algérien ; spécialiste des séjours « mystérieux » en Syrie, Turquie, Algérie, Pakistan, Inde mahométane, etc ; naturalisé français (pas très difficile …) ; gérant d’une pizzeria ( « Il n ‘y a pas de sot métier ») ; victime en 2010 d’une « agression inventée » en banlieue parisienne, « agression » attribuée d’abord à des partisans du Marocain Cheikh Yacine (disparu en 2012) ; anti-burqa ; proclamant la « singularité sans égale » du génocide des juifs d’Europe par les nazis ; louant l’Islam pakistanais, bref paraissant surtout adapter son discours à ses auditoires, etc.

    Enfin, le bouquet, avec le célébrissime Marek Halter : rescapé (mais c’est contesté par des chercheurs juifs (1)) du ghetto de Varsovie ; condamné en appel le 15 décembre 1993, avec « Le Figaro », pour « diffamation publique » envers le catholicisme (2) ; reconverti dans les biographies romancées à l’eau tiède d’héroïnes chrétiennes (La Vierge Marie), israélites (Bethsabée) et dernièrement musulmanes (Khadija, Fatima, Aïcha). Dans un geste mécénique, qui n’est pas inhabituel chez lui, le brave Hamad II a décidé le 11 mars 2015 que la trilogie haltérienne sur les « premières grandes dames de l’Islam » serait très bientôt traduite en arabe. C’est pour le moment le seul résultat tangible de ce voyage huppé à la Cour khalifienne… 


    (1)  Par exemple le résistant et historien judéo-polonais Michel Bronwicz, auteur en 1983-84 d’un texte coup-de-poing « le cas Marek Halter. Jusqu’où est-il tolérable d’aller trop loin ? »

    (2)  « Les mensonges de Marek Halter », « Le Nouvel Observateur », Paris,  6 décembre 2008.

    Péroncel-Hugoz

  • LIVRES • Restez polis !

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    Peut-on espérer réformer les mœurs douteuses de nos contemporains ? Si toute tentative étatique destinée à civiliser les « sauvageons » semble vouée à l’échec, parce que tout retour à la politesse, fondée sur le respect d’autrui, donc sur l’abnégation et le sens de l’inégalité, va par principe à l’encontre des idéologies, du moins peut-on espérer réhabiliter la courtoisie au niveau individuel, et même, la remettre à la mode.

    Ghislain de Diesbach souffre de la grossièreté ambiante qui n’épargne personne, pas même les rejetons d’honorables familles. À tous ceux qui ont oublié les bases élémentaires de la civilité, il propose, avec force conseils et anecdotes, de s’amender.

    Le genre même de l’ouvrage impose une préciosité, une outrance, dont Diesbach, en grand écrivain et styliste qu’il est, joue à ravir. Il faut, souvent, le prendre au second degré. Alors, entre les pages, se dessine un remarquable essai de moraliste, d’une drôlerie folle, – il y a là des passages à pleurer de rire, notamment celui consacré à la façon de se bien tenir à l’église aujourd’hui.- et d’une profondeur jamais prise en défaut. À lire, et faire lire, de toute urgence, par mesure de salubrité publique ! 

    Nouveau savoir-vivre de Ghislain de Diesbach, Perrin, 270p., 21 euros.

     

    Politique magazine

  • Consultez les archives de Lafautearousseau, voyez nos « grands auteurs », retrouvez leurs réflexions ...

     

    Grands auteurs ou acteurs de l'Histoire s'enrichit, chaque semaine, en principe le vendredi, de pensées et réflexions particulièrement pertinentes. Vingt-quatre Français, neuf grands esprits européens, anglais, allemand, espagnol, russe et tchèque. et trois non-européens, Edgar Poe, le Dalaï Lama et le pape François. Bien d'autres grands auteurs éclectiques et profonds sont à venir. « Du bonheur d'être réac ? » C'est, entre autres et en très simple, ce qui les rassemble. N'hésitez pas à consulter cette bibliothèque qui s'étoffe et se construit !

    Accès : Icône en page d'accueil, colonne de droite. 

     

    Déjà cités : Edgar Poe, le Dalaï Lama, Tocqueville, Baudelaire, Vaclav Havel, Claude Lévy-Strauss, Charles Péguy, Dostoïevski, Goethe, Anouilh, Malraux, Unamuno, la Satire Ménippée, George Steiner, Shakespeare, Frédéric II, Jacques Perret, Georges Bernanos, Anatole France, Auguste Comte, Balzac, Racine, Pierre Manent, Louis XIV, Charles Maurras, Alexandre Soljenitsyne, le Pape François, Wintson Churchill, Alfred de Musset, Michel Houellebecq, Jean Giraudoux, Gustave Thibon, Choderlos de Laclos, Jacques Ellul et Simone Weil.

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • SOCIETE • L’État Big Mother, par Stephan A. Brunel

    La République (DAUMIER)

    Félicitations à l'auteur de ces lignes. C'est du très bien vu. Lafautearousseau 

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    Pépère nous joue sa mémère, en direct à la télé. Il compatit aux morts des crashs aériens et des catastrophes ferroviaires. Il accueille les malheureux otages arrachés aux griffes des méchants. Il offre son épaule afin que Patrick Pelloux puisse s’épancher devant les caméras. Il annonce au pays tout entier que Leonarda peut revenir dans le giron présidentiel. C’est notre Mère Teresa des causes humanitaires.

    Tout cela ferait sourire si la politique, aujourd’hui, ne se résumait aux bons sentiments larmoyants, à l’humanitaire façon Kouchner et à un tout compassionnel menant à l’assistanat généralisé, et à ces idées chrétiennes devenues folles consistant à accueillir toute la misère du monde, ce que M. Gauchet nomme la « politique des droits de l’homme ». Foin des vertus viriles à l’antique, la politique n’en a plus que pour les qualités féminines. 

    J’ai souvent du mal à convaincre mes étudiants (très « gogauche du social »), auxquels j’enseigne les politiques sociales, que l’État-providence est le produit de la société libérale, et que la gauche en a récupéré l’héritage après que la démagogie révolutionnaire a montré ses horreurs et que les deux piliers du socialisme – propriété collective des moyens de production et planification – sont devenus obsolètes. 

    Tocqueville, en visionnaire, avait tout compris avant tout le monde : « Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance. »

    Le libéralisme détruit les solidarités de proximité (famille, métiers) et les institutions (syndicats, Églises), il pousse à la solitude et à l’anomie. Il ne reste que l’État. Dans « la société des individus » marquée par le risque et l’incertitude, l’assistanat est la soupape qui permet d’acheter la paix sociale et d’éviter les explosions populaires. 

    Comme par hasard, la France est championne du monde des transferts sociaux, avec un tiers de son PIB. Les revenus d’existence (RMI en France, Hartz IV allemand) sont apparus quand on a renoncé à intégrer tout le monde par le travail, en admettant que le chômage de masse était là pour durer. La société compassionnelle de Bush, ou le philanthropisme des Gates ou Buffet, ou le charity business de nos artistes et sportifs ne servent qu’à légitimer, et faire perdurer, l’exploitation éhontée du plus grand nombre pour l’enrichissement monstrueux de quelques-uns, barons-voleurs milliardaires et autres footballeurs analphabètes.

    On ne saurait saisir la nature de nos régimes politiques sans souligner que cette mère attentionnée est aussi possessive. Elle ne supporte pas qu’on lui résiste, ou qu’on en préfère une autre. Elle devient odieuse et abusive en prenant de l’âge, comme la Folcoche des romans. 

    Nous ne sommes plus dans la société totalitaire du Big Brother, révolue à l’instar du fascisme et du communisme, mais dans celle du Big Mother, que notre couple exécutif, Hollande et Valls, illustre à merveille. L’un nous joue sa maman, et l’autre sa marâtre. Valls, en mégère acariâtre et donneuse de leçons, gronde l’enfant pas sage qui va s’acoquiner avec Dieudonné ou faire des risettes à la vilaine Le Pen. 

    Pour mieux séduire le chaland, il faudra du reste à la chef du FN qu’elle abandonne les postures viriles héritées de son père et inscrites dans l’ADN de son parti, pour se rapprocher des minaudages à la Merkel, la Mutti des Allemands. On ne peut que le regretter. 

    Boulevard Voltaire

     

  • CIVILISATION • Indispensable science-fiction, par Pierre de La Coste*

     

    PierreDeLaCoste.jpgLorsqu’elle est contre-utopique, la science-fiction est particulièrement révélatrice des angoisses d’une époque, consacrant à l’écran ou sur papier la peur de la tyrannie. Elle s’est heureusement bien souvent trompée mais, paradoxalement, c’est son rôle.

    On parle beaucoup de « prophétie auto-réalisatrice » : à force de présenter un avenir comme déterminé, il finit parfois par se réaliser, du moins en partie (par exemple, annoncer une pénurie de telle marchandise provoque une ruée sur celle-ci). Mais ce qui est prévu, anticipé, exorcisé, conjuré ne se réalise jamais exactement. C’est ce que l’on appelle une « prophétie auto-destructrice ». Marcel Proust l’avait dit de la vie humaine. Il suffirait d’imaginer avec précision un avenir déplaisant pour qu’il ne se produise pas. C’est également vrai de la destinée collective.

    Le rôle utile de la SF

    Depuis le début de l’ère moderne, les grandes contre-utopies, les dystopies, remplissent peut-être cette fonction, ô combien utile. Elles sont le reflet inversé du Progrès optimiste et naïf, et jouent un rôle « proustien » collectif, de maintien à distance de l’horreur, qu’elles accompagnent pas à pas, comme dans Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1931), 1984 de George Orwell (1948) ou Fahrenheit 451 de Ray Bradbury (1953). Des films comme Brazil, Minority report, ou Bienvenue à Gattaca jouent également ce rôle, en compagnie d’innombrables bandes dessinées.

    Contrairement à ce que l’on dit souvent, 1984 et Le Meilleur des mondes ne se sont pas réalisés. Ils représentent deux avenirs potentiels de l’humanité, également effrayants, mais inverses et en réalité incompatibles. Le roman 1984, comme le film Brazil, nous offre un cauchemar formé de pauvreté, de privations, de tristesse, d’espionnage généralisé de la vie privée et de haine collective. Le meilleur des mondes, comme son nom l’indique, nous fait voyager dans un trop-plein de bonheur, de consommation de plaisir charnel – pour les catégories supérieures, il est vrai. Aucune société ne pourrait être à la fois l’une et l’autre de ces dystopies rivales. Or elles sont « vraies » toutes les deux, au sens où l’une et l’autre incarnent quelque chose de la modernité. L’humain est parvenu à les éviter, en les exorcisant, pourrait-on dire. Fahrenheit 451 – c’est la température exacte à laquelle un livre se consume–, avec son histoire terrifiante de pompier brûleur de livres, apporte un contrepoint utile à ces deux premiers classiques. Si les écrivains et les intellectuels ne jouent pas leur rôle dans la société d’abondance matérielle ou d’espionnage généralisé, celle-ci tuera l’humanité.

    Parfois, une contre-utopie ne remplit pas son rôle. Dans Paris au XXe siècle, chef-d’œuvre posthume de Jules Verne, écrit en 1863, au début de sa carrière, Paris, mégapole vouée à l’électricité-reine, à la technologie, aux robots, tourne le dos à toute forme de culture littéraire et artistique. C’est la première science-fiction de combat moderne. Mais leur devancière du XIXe siècle ne fut pas publiée du vivant de l’auteur mais à la fin du XXe seulement . Hetzel avait refusé le manuscrit, ne voulant pas faire ombrage à l’épopée progressiste de Verne, déjà entamée, dont la suite était exigée à grands cris par une clientèle bourgeoise enthousiaste. Entre-temps, cette sombre prophétie ne s’est-elle pas réalisée ?

    Des dystopies auto-destructrices

    D’autres dystopies cherchent à être auto-réalisatrices et sont heureusement plutôt auto-destructrices. C’est le cas d’Atlas Shrugged, le best-seller américain d’Ayn Rand (La grève, en français ). Dans ce roman, quelques individus prédestinés, n’ayant plus d’autre Dieu qu’eux-mêmes, s’estimant exploités par la multitude, décident de « stopper le moteur de la société ». Ils se mettent « en grève », pour pousser le reste de la société à la faillite. Dites qu’une telle vision ne mènerait qu’à une jungle dominée par quelques prédateurs et qu’elle nous ferait retomber rapidement dans la barbarie, et vous serez taxé de « communisme », voire peut-être accusé d’être « frenchie », ce qui est bien pire, par les nouveaux puritains névrosés du Tea Party. Car Atlas Shrugged n’est pas une dystopie, une vision de cauchemar qui pousse à réagir. Non, c’est un idéal de vie, qui a fait fantasmer des millions d’Américains, persuadés d’être du camp des Saints, des prédestinés.

    Certains récits peuvent être aussi un subtil mélange de prophéties auto-réalisatrices et auto-destructrices. Dans L’étoile mystérieuse, l’album des aventures de Tintin, le savant Calys qui avait prévu la fin du monde est furieux que la collision de la terre avec un aérolithe géant soit finalement évitée de justesse, contrairement à ses calculs. Ainsi des savants d’aujourd’hui, qui tiennent à leur scénario catastrophe, quitte parfois à noircir le tableau. Ainsi, dans l’album, le savant fou Philipulus, prophète de malheur, et néanmoins ancien scientifique, appartient à la fois à la réalité de l’histoire et au cauchemar de Tintin, conséquence d’une vraie chaleur excessive. Il existe une fausse menace, l’araignée dans le télescope, mais également une vraie, la boule de feu qui se dirige vers la terre. Celle-ci provoque finalement une vraie collision, mais d’une gravité toute relative, et, frôlant la terre, provoque la création d’une île nouvelle, recelant un métal nouveau, le calystène, qui déclenche à son tour la convoitise d’affairistes sans scrupule, comme la curiosité des scientifiques.

    Cette structure en abîme du récit d’Hergé reflète la complexité du problème de l’avenir de la planète, avec ses hypothèses à tiroir, dans lesquels, nous dit-on, si l’homme prend conscience de la gravité de la situation et change d’attitude, la planète pourrait être sauvée…

    Continuons à exorciser l’enfer et à rêver d’un monde meilleur. C’est ainsi que les grands auteurs nous aideront à préserver notre liberté, entre utopie et contre-utopie, afin d’échapper à tous les déterminismes historiques et à toute prédestination personnelle. Dans Minority report, le héros (pourtant joué par Tom Cruise, un très dangereux scientologue dans la vie) parvient à écarter ce dernier piège. Il démontre que la soi-disant prédestination de certains hommes au crime n’est qu’un leurre pseudo-scientifique, destiné à camoufler les vrais crimes de personnages haut placés. Grâce à Dieu, l’homme est toujours libre du bien et du mal. Il est en outre capable de mettre en scène son libre-arbitre. C’est le vrai moteur de toute vraie tragédie, de toute littérature valable, de tout grand art : de toute œuvre de « fiction » crédible, depuis toujours. Le préfixe « science- », pour l’essentiel, ne change rien à l’humaine condition.

    Dernier livre paru : Apocalypse du progrès, Perspectives libres, 253 p., 22 euros.

     

  • LIVRES • Relire Le Grand Meaulnes, par Lars Klawonn*

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    A tous ceux qui pensent qu’on doit encadrer les enfants le plus tôt possible pour les « préparer à la vie », les former afin de « mettre toutes les chances de réussite de leur côté », je conseille de lire ou de relire Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier.

    Le lecteur est complètement capté par l’action et les sentiments nobles de jeunes personnages, la campagne et l’atmosphère féerique dans laquelle baigne tout le roman. Dans Le Grand Meaulnes, aucune bassesse, pas la moindre mesquinerie ou méchanceté. Tous les personnages ont en commun la même pureté de cœur, le même sens du sacrifice, la même haute idée de l’amitié. Ce sont de jeunes gens romantiques et sévères, cruels et fidèles. Dès les premières pages, on sent que des choses graves vont se passer, des luttes angoissantes, et que tout va vers la dévastation de ce monde de l’enfance sans qu’n’y ait aucune intention volontaire de personne.

    Le roman porte le surnom du personnage principal : Augustin Meaulnes, appelé le grand Meaulnes par les autres élèves. Il lui arrive une aventure bien extraordinaire. Après une longue déambulation à travers la campagne, il atterrit de manière tout à fait fortuite dans un grand château où se déroule une fête étrange, à caractère onirique, donnée par des enfants. C’est là où lui apparaît la belle jeune fille. Il échange avec elle quelques paroles. Et obtient d’elle la promesse de la revoir. Tout cela se passe au début du roman. Cette rencontre produit en lui un tel état d’exaltation que son désir de la revoir et de l’épouser s’empare entièrement de sa vie. C’est un désir moral non seulement en raison de la promesse mais surtout parce que le grand Meaulnes refuse de laisser périr son état d’exaltation et de rester séparé à jamais de l’être aimé. Ensuite, d’autres forces s’en mêlent, l’éloignent de sa quête, le font partir sur une fausse piste…

    Alain-Fournier sait que la véritable joie n’est pas de ce monde. Il sait que c’est par notre enfance que nous sommes le plus proche du paradis, donc de Dieu, et que la vie ensuite nous éloigne d’elle, qu’elle est en fait une lente dégradation. Bernanos le sait aussi qui, derrière chaque visage et chaque masque des êtres, cherchait toujours le petit enfant qu’ils furent. Le monde de l’enfance est un monde entièrement moral. Retrouver l’enfant que l’on fut, c’est retrouver le sens moral du monde, c’est-à-dire son innocence. L’enfant est innocent non pas parce qu’il ne sait pas encore ce qu’est le mal, comme le pensent la plupart des adultes, mais parce qu’il le sait trop bien ; il le sait mieux que les adultes. Les grandes personnes finissent tous ou presque par se résigner au mal, l’acceptent comme on accepte la pluie et l’orage. Ils appellent cela « être réaliste ». Chez l’enfant, le sens moral n’est pas encore contaminé par le mal.

    Alain-Fournier nous fait pénétrer dans un monde que nous n’avons pas fait, un monde qui paraît se passer de nous, un monde incalculable qui a ses lois particulières et étranges ; il nous fait entrer dans un conte de fée, un conte fantastique, un de ses contes qui s’attachent à nous, à notre famille, à nos relations pendant toute notre existence.

    Revenir à l’enfance ? Cela est interdit à l’homme nouveau. Pour faire cela, il lui faudrait des souvenirs ; il lui faudrait retrouver l’être qu’il fut et que le temps et l’oubli a aboli en lui. Or l’homme nouveau a désappris de s’attacher. Il se détourne volontiers de l’effort qu’il faut pour approfondir en soi-même, d’une façon générale et désintéressé, l’impression qu’a laissée en lui son enfance. L’homme nouveau ne croit plus à l’enfance. Il ne croit plus en rien. Tout ce à quoi il aspire désormais est gagner de l’argent, copuler et crever.

    Il n’y a plus d’enfance possible dans le monde nouveau, celui des robots. 

    Politique magazine

     

  • A la veille du second tour des élections départeentales .... Le discrédit malheureux de la politique, par Jean-Philippe CHAUVIN

     

    A vrai dire, nous avons aimé cet article de Jean-Philippe Chauvin, qu'il vient de mettre en ligne sur son blog. Il dit à la fois son dégoût, au mieux son indifférence, pour la politique politicienne, son regret de constater le discrédit qui frappe la Politique au sens noble et la passion qu'il persiste à lui porter. Nous partageons ces sentiments.  Lafautearousseau

     

    arton8470-7b8cd.jpgJ'ai suivi d'une oreille distraite la soirée électorale de l'autre dimanche et j'ai parcouru d'un œil non moins indifférent les articles de presse et leurs commentaires sur les « leçons des départementales » : suis-je pour autant un mauvais citoyen ? En fait, j'aime trop la politique et particulièrement le débat d'idées pour aimer ce qu'elle est devenue, entre rappels constants à la « République » et « petits crimes entre amis », entre oukases vallsiens et revanche libérale.

    D'ailleurs, en ce dimanche électoral ensoleillé et pollué, j'ai préféré lire le livre de M. Bertrand Le Gendre sur le dialogue entre de Gaulle et François Mauriac, livre que m'avait conseillé le matin même Jean-Philippe M., socialiste de grande culture avec lequel il est toujours agréable - et instructif - de converser, mais aussi, dans l'après-midi, poursuivre la lecture du « journal » de Friedrich Reck-Malleczewen, cet aristocrate allemand, monarchiste impénitent et antinazi virulent qui paya de sa vie cet engagement intellectuel contre la barbarie.

    Avec ces deux ouvrages (sur lesquels je reviendrai dans de prochaines notes), on apprécie mieux la valeur des idées (et leur prix de sang, parfois...) et l'art de la conversation, au sens noble du terme, et les querelles politiciennes d'aujourd'hui nous paraissent bien vaines ou, plus exactement, bien méprisables. Non pas que tous ceux qui se soumettent au jeu des urnes le soient eux-mêmes (j'en connais qui, de droite ou de gauche, méritent le respect et ont de la politique une grande idée, de celle qui impose de grands devoirs...), mais le « système », entre jeux médiatiques et croche-pieds partisans, entre dévoiements des intelligences et trahisons des électeurs (quand il faudrait parfois savoir leur parler, pour les convaincre, non pour les tromper...), décrédibilise la politique à laquelle il ne laisse plus, en somme, que le soin de « gérer la crise » quand il faudrait qu'elle s'impose à l'économique et à cette « gouvernance » qui n'est rien d'autre que l'inféodation du politique et des États aux exigences de l'hubris libérale. Les politiciens sont d'autant plus odieux qu'ils renoncent à cette capacité de résistance aux idées reçues qui devrait être leur raison d'être, et d'agir.

    Je ne suis pas un « idéaliste » qui verrait en la politique un chemin de roses tout comme je ne la vois pas seulement comme un « combat de rosses » : j'ai lu Mazarin et je connais la politique et les manœuvres de Richelieu, voire ses bassesses. Mais la « fin » (le service du souverain, de l’État, de la France) pouvait justifier certains « moyens » qui, utilisés aujourd'hui pour des fins moins nobles et plus individuelles (plus individualistes...), m'apparaissent détestables et condamnables. C'est aussi cela qui fait que je suis royaliste, fidèle et non idolâtre, politique et non servile... 

     

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • Où Simone Weil pointe l'une des maladies les plus dangereuses de l'âme et des sociétés humaines ...

      

    « L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine… Le déracinement est de loin la plus dangereuse maladie des sociétés humaines. » 

    Simone Weil

     

  • Des informations, désinformation… Par Antoine d'Hermé*

     

    Ecrite au matin du 20 mars, cette chronique n'a rien perdu de son actualité. Elle pointe à la fois le rôle exorbitant des médias dans la nébuleuse du Système - qui règle, limite et formate nos libertés - et la réduction du pouvoir politique au rôle d'ONG. Un seul remède, selon l'antienne de Robert Ménard : Vive la liberté de pensée ! Lafautearousseau   

     

    La chaîne de télévision BFMtv s’efforce de relayer tout ce qui peut concerner le président de la République. Le nom de François Hollande est cité très régulièrement, ou bien il s’agit de multiples mini-informations inscrites en bas de l’écran.

    Ce matin du 20 mars, BFMtv nous donnait « en boucle » deux informations écrites : concernant le terrible attentat de Tunis, on apprenait que « François Hollande ne pouvait pas confirmer l’identité d’une 3ème victime française ».

    Concernant des otages français au Yémen, on nous indiquait que « François Hollande a affirmé n’avoir aucune confirmation de la libération des otages ».

    Vous devrez vous satisfaire « d’affirmation de non-confirmation », donc d’ignorance. C’est le*  problème de cette chaîne de télévision qui veut donner à tout prix et très vite des informations qui n’en sont pas, en attendant qu’elles le deviennent éventuellement. Comment la rédaction de cette chaîne ne réalise-t-elle pas l’effet négatif sur l’image d’un président, qui veut se mêler de tout, qui veut tout annoncer lui-même (souvenons-nous de l’accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge où il nous expliquait la rupture des boulons…), mais qui finalement ne sait rien ?…

    Ces informations qui n’en sont pas étaient opportunément fort bien illustrées par des images de l’événement de la matinée : l’éclipse solaire ! 

    * Politique magazine

     

  • Consultez les archives de Lafautearousseau, voyez nos albums

     

    Sous la rubrique « ALBUMS PHOTOS » (Colonne de droite, mi-hauteur) vous trouvez l'accès à tous nos albums. Consultez-les, vous ne serez pas déçus. (Cliquez aussi sur TOUS LES ALBUMS, pour les découvrir en totalité).  

  • LA RÉVOLTE GRECQUE, LA FIN DE LA CONNIVENCE ? Par Georges-Henri SOUTOU, de l'Institut*

     

    Si au moins deux scénarios sont envisageables, la négociation de la dette grecque aura dans tous les cas de figure des conséquences directes sur l'ensemble de l'Union européenne. Les répercussions ne seront pas seulement économiques mais largement politiques. 

    Pour la première fois, des communistes sont arrivés au pouvoir à la suite d'élections libres. Il ne faut pas sous-estimer leur détermination : elle est nourrie par leur histoire - la terrible guerre civile de 1944 à 1949, le coup d'État des colonels en 1967 et la répression qui l'a suivi. De plus, une grande majorité de Grecs, même si elle ne partage pas les idées du parti Syriza, refuse d'accepter la situation actuelle. Et pour cause. Après une cure de cheval et avec 25 % de chômeurs, la dette du pays est montée à 180 % du PIB, alors qu'elle n'était encore que de uo % au début de la crise. Malgré des signes de reprise de l'activité économique, le chemin suivi aboutit incontestablement à une impasse.

    Le nouveau premier ministre, Alexis Tsipras, a réaffirmé ses engagements de campagne : sortir du système de la « Troïka » (Banque centrale européenne, Commission de Bruxelles, FMI), qui contrôle les finances du pays depuis 2010, et renégocier la dette de la Grèce. Bien au-delà des seuls sympathisants des partis de la coalition gouvernementale, c'est une grande majorité du peuple hellène qui soutient ce programme. Pour des raisons au moins autant psychologiques que financières. Les Grecs se perçoivent en effet comme des victimes. Il faut dire que le xxe siècle ne les a pas épargnés.

    D'autre part, Alexis Tsipras a fait alliance avec le parti souverainiste des Grecs indépendants et il s'est bien gardé jusqu'à maintenant de s'attaquer à l'Église, même si cette dernière détient 25 % des terres. On assiste ainsi non pas seulement à une victoire des « popilistes », mais à la mise en place d'un « compromis nationaliste » qui se nourrit de l'opposition à Bruxelles d'un côté et à la Turquie de l'autre (à cause de Chypre et du conflit autour de l'exploitation du pétrole de la Mer Egée).

    LA GRÈCE NE PEUT JOUER LA MONTRE

    Dans ces conditions, quelle tournure va prendre la renégociation de la dette grecque ? Une chose est sûre : Athènes ne peut pas simplement jouer la montre car, sans nouvelle aide extérieure, elle ne peut tenir au-delà de la mi-mars. 

    Le refus de la BCE de continuer à refinancer les banques grecques par des facilités à court terme, motivé par des considérations techniques et juridiques, n'est pas la position définitive de l'Union européenne. La négociation va continuer et rien ne permet de penser qu'elle n'aboutira pas. En effet, l'endettement grec actuel (316 milliards d'euros) est, à la différence de celui de 2010, largement constitué de créances publiques, plus faciles à restructurer que des créances privées. De plus, ces grands endettements publics sont complexes et, partant, susceptibles d'amodiations (prolongation des délais de remboursement, taux d'intérêt revus à la baisse), sans parler d'astuces comptables variées. Et si, pour finir, on réduit la dette grecque en valeur nominale, comme elle est largement publique, elle se dissoudra dans les budgets des pays concernés - Allemagne et France en particulier. On remarquera que l'assouplissement quantitatif de 1 Zoo milliards d'euros décidés par la BCE le 22 janvier arrive à point pour gérer d'éventuels problèmes de trésorerie, en cas de défaut partiel sur une dette grecque de 316 milliards...

    Dans cette négociation, les Grecs ne sont pas dépourvus de moyens. La crise actuelle au Moyen Orient et le conflit qui oppose l'Europe de l'Ouest à la Russie, avec laquelle la Grèce a des liens historiques et religieux anciens, font d'Athènes une capitale courtisée. Cela s'est vérifié récemment quand le nouveau gouvernement a bloqué pendant 24 heures une discussion sur l'extension des sanctions qui frappent Moscou... De même, avec le tourisme, sa marine marchande et le rôle régional essentiel de ses banques dans les Balkans, la Grèce n'est pas sans alternative si elle devait quitter l'UE.

    Or, en Europe, les Grecs ne sont pas seuls à contester la façon dont a été gérée la crise financière de 2008. « Podemos » en Espagne, « Cinque Stelle » en Italie, le Front national et la gauche de la gauche en France, sont sur des positions comparables. Mais si ces partis, ou ces mouvements d'opinion, obtiennent dans les urnes et dans les sondages des résultats que personne n'eût imaginés il y a encore deux ans, leurs revendications sont souvent trop vagues pour être convertis en politiques concrètes. Or, en Grèce, les nombreux économistes présents au sein du gouvernement ne sont pas des inconnus et participent depuis des années au débat qui entoure la politique d'orthodoxie financière de la BCE et de l'UE, orientée sur le modèle allemand. Le ministre des Finances, Yanis Varoufakis, n'est pas un énervé. Quand il explique qu'en 2010 la Grèce ne souffrait pas d'une crise passagère de liquidités mais d'une véritable banqueroute que l'on ne pouvait pas enrayer en empruntant toujours plus sans garantie de remboursement, il dit la vérité. Et son livre, cosigné avec James K. Galbraith et Stuart Holland, deux économistes reconnus, Modeste proposition pour résoudre la crise de la zone euro (édition Les Petits matins, janvier 2014), montre qu'il n'est pas isolé. Certes, bien des points du programme de Tsipras (la hausse du SMIC par exemple) sont démagogiques. Mais les jugements tranchés et méprisants qui, dans certains milieux, ont accueilli son arrivée au pouvoir semblent plus arrogants qu'informés.

    UN VÉRITABLE SUSPENSE

    Deux scénarios sont désormais envisageables. Le premier verrait l'échec de la négociation entre Athènes, la BCE, l'UE et le FMI. On entrerait alors dans une zone de turbulence. Le peuple grec, ne se désolidariserait vraisemblablement pas de son gouvernement et la Grèce sortirait alors de l'euro, ce qui entraînerait de considérables répercussions, dont la remise en cause radicale de la façon dont celui-ci a été géré jusqu'ici.

    Dans le deuxième scénario, toutes les parties parviendraient à un accord qui serait évidemment extrêmement coûteux pour les créanciers. Problème : ce serait la reconnaissance d'une forme de mutualisation de la dette des États européens, mutualisation rigoureusement exclue par les textes. Du coup, il est tout à fait envisageable que le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe mette le holà. Et, politiquement, il faudrait en plus compter sur les réactions des électeurs-contribuables européen. À titre d'exemple, la part française dans la dette grecque représente l'équivalent d'une année d'impôt sur le revenu... Enfm, les pays qui comme l'Espagne, le Portugal et l'Irlande ont fait des efforts considérables pour revenir à l'équilibre pourraient demander à bénéficier des mêmes facilités. Bref, d'une façon ou d'une autre, le système va profondément être remis en cause.

    À cela s'ajoute le fait que la situation d'Angela Merkel deviendrait encore plus difficile qu'elle ne l'est aujourd'hui. En particulier, et on le perçoit déjà, parce qu'elle sera amenée à faire des concessions aux Britanniques pour s'assurer que Londres reste dans l'Union. Une UE qu'un « Brexit », après un « Grexit », finirait d'achever. Celle-ci serait de toute façon soumise à des pressions encore renforcées dans le sens d'un changement de cap radical. Quelle que soit l'issue, on peut penser que l'accord établi depuis longtemps entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates au niveau européen, symbolisé par le partage de la présidence du Parlement européen (deux ans pour chacun des deux partis) quel que soit le résultat des élections, et qui repose sur un mélange instable de mondialisation libérale, d'orthodoxie financière et de politique de protection sociale élevée par rapport au reste du monde, serait remis en cause. Ce serait le retour de la politique et la fin de la connivence.  

     

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    Yanis Varoufakis, ministre de l'Economie grec. Il avait prédit l'effondrement de son pays. 

     

    * Politique magazine

     

  • Le mépris du peuple et L'insécurité culturelle : les livres que doit lire Manuel Valls ... Selon Alexandre Devecchio *

     

    Alexandre Devecchio voit dans les résultats des départementales la preuve de la rupture entre la gauche et le peuple. Il conseille au Premier ministre la lecture de deux essais qui analysent ce qui se passe dans les tréfonds de la France populaire. Ce ne sont pas là des analyses ou des thèses réactionnaires, au sens de la tradition, ou de ce que nous nommons ainsi. Ce sont néanmoins des réflexions en parfaite réaction contre le Système. Et si nous n'en acceptons pas nécessairement tous les éléments ni toutes les conclusions, force est de constater, selon l'expression d'Alexandre Devecchio, leur caractère subversif du dit Système. Et ce, avec beaucoup d'autres ! Un flot ! Une vague ! Nous n'aurons pas lieu de nous en plaindre, Raphaël Glucksmann dût-t-il en être effrayé encore davantage. Lafautearousseau    

     

    Ce soir, les formations républicaines ont tenu leur place. Ce soir, l'extrême droite, même si elle est trop haute, n'est pas la première formation politique de France », a martelé Manuel Valls après le premier tour des départementales. Et de souligner: « Je m'en félicite car je me suis personnellement engagé. Quand on mobilise la société, quand on mobilise les Français, ça marche ». Une autosatisfaction qui ne doit pas masquer la réalité de ce scrutin. Certes, la déroute de la gauche a été moins lourde que ne le prévoyaient les sondages et le Premier ministre obtient un sursis politique jusqu'aux régionales. Mais le PS reste le grand perdant de la soirée. Avec moins de 20% des suffrages exprimés selon CSA, il est évincé d'environ 500 cantons dès le premier tour. Quant au FN, il obtient le meilleur score de son histoire et s'enracine dans les territoires de la France périphérique. Les classes populaires, raison d'être de la gauche, se détournent de celle-ci au profit du parti de Marine Le Pen. Entre les deux tours, Manuel Valls a pourtant décidé de persévérer dans l'incantation antifasciste qualifiant le « Ni-ni » de Nicolas Sarkozy de « faute morale et politique ». Si cette stratégie peut s'avérer payante dans l'immédiat, elle ne règle pas le problème de fond : la gauche a perdu le peuple. Pour certains observateurs, cette troisième défaite du PS après celle des européennes et des municipales est synonyme de mort lente. Manuel Valls, le 5 mars dernier, déplorait le silence des intellectuels. On lui conseillera de lire deux essais qui tentent d'analyser ce qui se passe dans les tréfonds de la France populaire : Le mépris du peuple, comment l'oligarchie a pris la société en otage de Jack Dion (Les Liens qui libèrent) et L'insécurité culturelle de Laurent Bouvet (Fayard).

    ● Le mépris du peuple

    Dans Le mépris du peuple, fidèle à son style incisif, le directeur adjoint de la rédaction du magazine Marianne, adopte le ton du pamphlet. « Marine Le Pen serait bien inspirée d'envoyer un message de remerciement à tous les idiots utiles qui lui ont fait la courte échelle, de BHL à Harlem Désir et à Jean-Christophe Cambadélis - les parrains de SOS racisme - en passant par quelques étoiles de moindre écla t» écrit Dion. Car pour le journaliste, la montée du FN est avant tout le résultat de trois décennies de diabolisation. Loin de l'avoir fait reculer, celle-ci est au contraire devenue sa principale arme: « Le bulletin FN est celui que l'on jette à la figure des notables (…) Nombre de salariés humbles, oubliés, déclassés, humiliés, abandonnés, ont fini par se dire que, si la caste politico-médiatique - celle qui fait l'unanimité contre elle - tape sur le FN, c'est que ce dernier n'est peut-être pas si pourri que ça ! ».

    La deuxième clef pour comprendre l'attrait des classes populaires pour le parti de Marine Le Pen, est, selon Jack Dion, l'alignement du PS sur les thèses néo-libérales. L'auteur regrette la métamorphose de François Hollande après son élection: « L'ennemi déclaré de la finance», s'est mué en «ami des grands argentiers », « l'homme de gauche critique à l'égard du lobby bancaire » s'est transformé en « partisan acharné de la non-réforme bancaire ». S'il achève de briser le lien de confiance entre les citoyens et les politiques, le virage à 180 degrés de François Hollande n'est guère surprenant. Comme l'explique Dion, il s'inscrit dans une lente évolution du PS depuis le tournant de la rigueur de François Mitterrand en 1983. « La première loi bancaire au monde ayant mis fin à la séparation entre banques d'affaires et banques de dépôt a été votée en France le 24 janvier 1984 par le président socialiste.», rappelle le journaliste. Suivront en 1986, la loi Bérégovoy sur la déréglementation financière généralisée.

    La même année, l'Acte unique européen consacre la libre circulation des personnes, mais aussi des biens et des capitaux. Pour Dion, « les marchés ne remercieront jamais assez le PS, avec l'aide efficace de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne à Bruxelles.». Non seulement, l'avènement de l'Union européenne marque le triomphe de la finance sur la politique, mais aussi celui de la technocratie sur la démocratie. « Faute de construire l'Europe des peuples dont rêvait Fernand Braudel, on a bâti l'Europe contre les peuples, en instaurant le pouvoir conjoint des oligarques et des eurocrates », conclut Dion. Et gare à ceux qui osent remettre en cause ce système. Les voilà immédiatement rejetés dans le camp des populistes, comme si « peuple » était un gros mot et qu'en faire usage était la preuve d'une dérive contraire aux valeurs universelles. Ainsi, d'après l'auteur, le débat sur le traité constitutionnel européen de 2005 a été ramené à un « clivage entre les gens de biens, membres d'une avant-garde éclairée, et les gens de peu, ignorants, bêtes et revêches ».

    Dix ans plus tard cette fracture entre l' « élite » et le « peuple » perdure et bénéficie essentiellement au FN. Plus encore que l'UMP, le PS en subit les conséquences, sans doute parce que depuis la quasi disparition du Parti communiste, celui-ci était censé incarner l'espérance des plus modestes. Manuel Valls ferait bien de méditer ce constat qui rejoint celui d'autres intellectuels de gauche: Régis Debray, Jean-Claude Michéa, Christophe Guilluy ou Jean-François Kahn. On regrettera cependant que Jack Dion élude certaines problématiques : la question de l'immigration est évoquée au détour de quelques lignes tandis que celles de l'islam ou du mariage pour tous sont tout simplement passées sous silence. L'analyse de l'auteur est fondée sur une grille de lecture marxiste des évènements où l'économie et le social priment sur les enjeux sociétaux. Si celle-ci s'avère souvent pertinente, elle ne permet pas de comprendre entièrement la singularité d'une crise dont les ressorts sont également profondément identitaires.

    ● L'insécurité culturelle

    Manuel Valls pourra donc compléter cette lecture par celle de L'insécurité culturelle de Laurent Bouvet. Le style du politologue est plus consensuel et apaisé que celui de Dion, mais son propos n'est pas moins subversif. Pour l'auteur, la crise économique ne suffit pas à expliquer la montée du FN: « elle témoigne aussi d'un doute profond et insidieux sur ce que nous sommes, sur « qui » nous sommes ». Bouvet défend ainsi la notion d' « insécurité culturelle ». Celle-ci mêle deux inquiétudes nées de la mondialisation et de l'ouverture des frontières chez les classes populaires : la peur économique et sociale du déclassement mais aussi l'angoisse identitaire de voir disparaître leur héritage culturel. Pour Bouvet, l'insécurité culturelle se trouve notamment « dans les craintes exprimées à longueur d'enquêtes d'opinion par ceux que l'on nomme trop facilement les « petits Blancs », parce qu'ils rejettent l'immigration au nom de leur survie économique ou l'islam au nom de la volonté de préserver leur mode de vie».

    La grande force du FN est de répondre à cette insécurité culturelle à travers un programme qui articule à la fois protectionnisme économique et protectionnisme culturel dans une sorte de souverainisme intégral. « Le contrôle étroit des frontières que Marine Le Pen propose s'étend de manière continue des capitaux aux personnes. », souligne Bouvet. Cela explique pourquoi Jean-Luc Mélenchon ne parvient pas à concurrencer le Front national malgré un programme économique très proche. Si le leader du Front de gauche rejoint Marine Le Pen dans sa critique de la construction européenne, il se montre en revanche beaucoup plus libéral en matière de mœurs et d'immigration. Quant au PS, pris en étau entre les exigences imposées par Bruxelles et les aspirations sociales de son aile gauche, il parvient à séduire une partie de la bourgeoisie urbaine des grandes métropoles protégée économiquement et favorable aux réformes sociétales, mais est désormais rejeté en bloc par les classes populaires

    Pour Laurent Bouvet, la gauche radicale et le Parti socialiste ont pour point commun une vision individualiste et multiculturaliste de la société tournée vers les minorités culturelles. Et c'est finalement la stratégie du think thank Terra Nova, - qui, durant la présidentielle de 2012 recommandait au PS de se tourner vers les jeunes, les diplômés, les femmes et les immigrés, plutôt que vers les classes populaires - qui s'impose. Selon lui, il s'agit d'une faute politique : les intérêts catégoriels des différentes minorités sont trop disparates pour former une coalition électorale stable et cohérente. Mais aussi d'une faute morale : la gauche s'éloigne de son ambition originelle d'émancipation sociale et collective et ouvre la porte aux communautarismes sur fond de choc des civilisations. Injustement accusé de dérive identitariste, Bouvet semble au contraire profondément redouter la guerre du tous contre tous. A travers son livre, il appelle avant tout la gauche à renouer avec un projet commun. Dans une interview récente à l'excellent site Philitt, il rappelait ainsi : « Le « jeune de banlieue » et le « petit blanc » ou « Français de souche » ont davantage d'intérêts communs que divergents, ils ont en commun des intérêts sociaux notamment, et disent la même chose de ceux d'en-haut. Ils leur reprochent la relégation, l'abandon, l'oubli… les choix de politiques publiques.» Manuel Valls les entendra-t-il ? 

     

    ● Le mépris du peuple, comment l'oligarchie a pris la société en otage de Jack Dion (Les Liens qui libèrent)

    ● L'insécurité culturelle de Laurent Bouvet (Fayard).

    * Alexandre Devecchio est journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Chaque semaine, il y observe le mouvement des idées. Passionné par le cinéma, la politique et les questions liées aux banlieues et à l'intégration, il a été chroniqueur au Bondy blog. Retrouvez-le sur son compte twitter @AlexDevecchio

     

  • Le comte de Paris exprime son écœurement suite au vote d'un doublement du parachute doré des élus

     
    Dimanche 22 mars, via son compte twitter,  le comte de Paris, chef de la Maison de France, a officiellement exprimé son écœurement, suite au vote, la semaine dernière, au parlement, d'une nouvelle loi adoptée à l’unanimité qui prévoit de doubler  - de six mois à un an - la durée d’indemnisation des élus en cas de défaite électorale et qui prévoit d’obliger une entreprise privée à réintégrer l’élu à la fin de son mandat, y compris dans les communes de 10 000 habitants et plus.
     
    Source : La Couronne