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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1527

  • Alain de Benoist : « Avec la postmodernité, l’individualisme se mue en égocentrisme narcissique… »

    Les fameux selfies offrent le plus spectaculaire échantillon du narcissisme. Ici, à Vilnius (Lituanie), le 1er août. AFP PHOTO / PETRAS MALUKAS

    C'est un tableau très exact et très complet de la société et de l'homme postmodernes que brosse ici Alain de Benoist. Il en résulte que cette sorte de révolution liquide à laquelle nous sommes confrontés ou affrontés dépasse largement le strict terrain du politique et que pour l'inverser ou la supplanter, il faudra bien plus qu'une transformation institutionnelle ou politique. Sans-doute y faudra-t-il cette métanoïa éthique, anthropologique et, bien-sûr, politique que Pierre Boutang - et André Malraux - évoquaient en leur temps.  LFAR

     

    1530443371.jpgModernité… Tous les médias n’ont plus que ce mot à la bouche. Il faut être moderne, nous dit-on, « parce qu’on n’arrête pas le progrès ». Au fait, ça veut dire quoi, la « modernité » ?

    La modernité est une des catégories fondamentales de la sociologie historique et de la politologie contemporaines. Étudiée par une multitude d’auteurs, elle va très au-delà de ce qu’on appelle en général la modernisation (industrielle et postindustrielle). Elle trouve ses racines à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, et s’épanouit à partir du XVIIe et surtout du XVIIIe siècle. Elle se caractérise par la montée des classes bourgeoises, qui imposent progressivement leurs valeurs au détriment des valeurs aristocratiques et des valeurs populaires, et par la naissance de l’individualisme.

    Sous l’influence de l’idéologie du progrès, rendue possible par l’essor des sciences et des techniques, s’affirme à l’époque moderne une confiance de principe dans les capacités de l’homme à gérer « rationnellement » son destin. Le passé et la tradition perdent dès lors leur légitimité, de même que les formes sociales d’appartenance traditionnelle et communautaire. L’hétéronomie par le passé est remplacée par l’hétéronomie par le futur, c’est-à-dire la croyance que demain sera nécessairement meilleur (les « lendemains qui chantent »). C’est l’époque où se déploient à la fois les philosophies du sujet et les grands systèmes historicistes, qui prétendent déceler un « sens de l’Histoire » assuré dont l’accomplissement mènerait le monde à son idéal. Sur le plan politique, le grand modèle est celui de l’État-nation, qui s’affirme au détriment des logiques féodale et impériale. Les frontières suffisent à garantir l’identité des collectivités, et servent de tremplin à des tentatives d’universalisation des valeurs occidentales, par le biais notamment de la colonisation. L’Église, de son côté, perd peu à peu le pouvoir de contrôle de la société globale qu’elle possédait autrefois.

    Mais cette modernité, on y est toujours ou on en est sortis ? Quid de la « postmodernité » ?

    La postmodernité ne s’oppose pas à la modernité, mais la dépasse tout en la prolongeant sur certains plans (on parle alors d’« ultra-modernité » ou encore d’« hypermodernité », au sens où l’on parle aussi d’hyperterrorisme, d’hyperpuissance, d’hypermarchés, etc.). Son avènement, à partir des années 1980, s’explique par le désenchantement du monde engendré par la désagrégation des « grands récits » historicistes, elle-même consécutive à l’effondrement des dogmes religieux et à l’échec des utopies révolutionnaires du XXe siècle.

    Dans le monde postmoderne, on assiste à une dissolution généralisée des repères traditionnels, qui entraîne une fragmentation, voire une atomisation de la société civile, en même temps qu’une fragilisation des identités individuelles et collectives, elle-même génératrice de comportements anxiogènes et de poussées de « phobies » paniques. L’individualisme se mue en égocentrisme narcissique, tandis que les rapports humains extra-familiaux se réduisent à la concurrence ou à la compétition régulée par le contrat juridique et l’échange marchand. L’hédonisme s’appuie sur la consommation de masse (on consomme d’abord pour se faire plaisir plutôt que pour rivaliser avec autrui) pour viser avant tout au bien-être et à l’épanouissement personnel. Les disciplines contraignantes et les normes prescriptives s’effondrent, l’autorité sous toutes ses formes est discréditée, et l’art s’émancipe des règles de l’esthétique. On assiste aussi à un éclatement des cadres temporels, qui se traduit par le culte du présent au détriment de toute volonté de transmettre. Sur le plan politique, la gouvernance se ramène de plus en plus à la gestion, l’État-nation est débordé par le haut (emprises planétaires) et par le bas (renaissance des communautés locales), et les frontières ne garantissent plus rien.

    La postmodernité correspond à ce monde « liquide » théorisé par Zygmunt Bauman, où tout ce qui était durable et solide semble se désagréger ou se liquéfier. C’est un monde de flux et de reflux, un monde de mouvances migratoires néo-nomades, caractérisé par le désinstitutionnalisation et la déterritorialisation des problématiques. Sous l’effet d’une logique économique qui a balayé tout idéal de permanence s’instaure le règne de l’éphémère et du transitoire, dans la production et la consommation des objets, tout comme dans les comportements, comme en témoignent la fin des engagements politiques de type sacerdotal, la désaffection des églises, des syndicats et des partis. La foi religieuse est privatisée, on se compose des croyances à la carte, et tous les modes de vie deviennent socialement légitimes. La vogue de l’idéologie des droits de l’homme et la croyance au pouvoir régulateur du marché se conjuguent pour légitimer la promotion des droits et l’affirmation de la « liberté des choix », tandis que l’explosion de la logique du marché entraîne la commercialisation de tous les modes de vie. Deux mots anglo-saxons résument bien cette tendance générale : le « selfie » et le « zapping », autrement dit l’obsession de soi et la volatilité des comportements, qu’ils soient électoraux ou amoureux.

    Avec l’actuelle réforme de l’école, l’éternelle querelle entre les « Anciens » et les « Modernes » reprend du poil de la bête. L’enseignement du grec et du latin, c’est moderne, postmoderne ou archaïque ?

    Ce n’est rien de tout cela. Car le grec et le latin, tout comme ce qui est de l’ordre de la culture authentique, ne sont ni d’hier ni de demain, mais de toujours ! 

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    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier - Boulevard Voltaire

     

  • Gaultier Bès : « On ne peut pas tout faire, tout manipuler »

     

    BEs.jpgAgrégé de Lettres modernes, professeur dans un lycée de la grande banlieue parisienne, Gautier Bès de Berc a été un des principaux initiateurs du mouvement des Veilleurs né de la contestation de la loi Taubira. En juin 2014, avec Marianne Durano et Axel Rokvam, il publiait Nos limites (Le Centurion, 3,90 euros), un court traité d’écologie intégrale.

    Loin du « jouir sans entraves » soixante-huitard, vous appelez au respect des « limites ». Quelles sont ces limites ?

    A l’origine du mouvement des Veilleurs, il y a la loi Taubira et une prise de conscience de l’importance d’un certain nombre de questions : qu’est-ce que la famille ? Qu’est-ce que donner la vie ? Qu’est-ce que la filiation ? Or, les réponses à ces questions ne peuvent être uniquement motivées par des références à un système de « valeurs » qui opposerait artificiellement « conservateurs » et « progressistes ». Façon trop commode de les relativiser ! Il s’agit en fait de discerner ce qui relève de la créativité humaine et ce qui doit la restreindre. Quel est le point d’équilibre entre le désir des individus et la réalité de la nature ? à la réflexion, il apparaît qu’on ne peut pas tout faire, ni tout manipuler. Pas tant parce qu’il faudrait des limites au nom de je ne sais quel impératif moral. Mais tout simplement parce que, l’homme étant de et dans la nature, il ne peut s’en affranchir.

    Ces limites dessinent une forme « d’écologie intégrale ». Pouvez-vous la définir en quelques mots ?

    En menant cette réflexion jusqu’à son terme, on en arrive au point de rencontre entre les différents aspects de la vie humaine dans son milieu naturel, social, politique… L’écologie intégrale, c’est ce qui relie écologie humaine et écologie environnementale. En tant que chrétien, j’y ajoute une dimension spirituelle. Cette idée de tout développer dans son intégralité est d’ailleurs très présente dans l’église depuis Paul VI. Dans son encyclique Laudato si’, François utilise l’expression pour inciter à retrouver un rapport sain à la création et à participer au projet divin de l’homme comme gardien de la création.

    On est loin des tentatives d’émanciper l’homme par la science et la technique en quoi s’incarnent aujourd’hui le projet progressiste…

    Sachons faire les distinctions qui s’imposent. « Le » progrès est une aberration philosophique, un dévoiement de l’idée chrétienne du salut. Pour autant, je crois « aux » progrès. En soi, la question de la technique n’a d’ailleurs pas de consistance. C’est quand elle devient une religion, quand elle cesse d’être mise au service de l’homme pour devenir le centre de sa pensée et de ses activités, comme dans le transhumanisme par exemple, qu’elle est dangereuse. Cette critique, celle du technicisme, que l’on trouve déjà chez Bernanos, est au cœur de l’encyclique Laudato si’. Le pape rappelle notamment que l’innovation technique n’est pas neutre puisqu’elle change le monde dans lequel elle est introduite. C’est la technique qui doit être mise au service de l’homme et pas l’inverse.

    S’opposer au saccage de nos écosystèmes, c’est, dites-vous, faire le choix de la sobriété. L’avenir est-il à la décroissance ?

    La sobriété est avant tout un choix de vie personnel qui consiste à adopter un comportement réflexif et non pas impulsif. Mais, au-delà du comportement individuel, par quoi néanmoins tout commence, se pose de façon de plus en plus urgente la question politique de notre modèle économique. La décroissance n’est pas un absolu. Elle ne s’oppose pas à l’activité économique en elle-même mais à la production considérée comme une fin en soi. C’est pourquoi les théories malthusiennes développées par certains décroissants sont absurdes, car nous produisons largement de quoi nourrir les 7 milliards d’habitants de la planète. Mais 30 à 40 % de la nourriture produite est détruite ! Ainsi, notre modèle productiviste, fondé sur la « maximalisation du gain », comme le dit le pape François, non seulement détruit les capacités de la terre à régénérer ses ressources, à conserver ses équilibres et à maintenir sa biodiversité, mais, en plus, ne répond pas aux besoins élémentaires de l’humanité.

    Par sa charge négative, le mot « décroissance » exprime bien l’urgence que pose ces problèmes de répartition et de gaspillage et la nécessité d’une réorientation radicale d’un « modèle » de développement qui dévaste les ressources naturelles et les équilibres culturels. Ici, il faudrait également parler de ce qu’Hervé Juvin appelle « l’écologie des civilisations » : la nécessaire préservation de la diversité des cultures du monde mise à mal par une globalisation apatride, destructrice des identités. Au fond, l’idéologie progressiste du métissage, que l’on tente d’imposer au forceps, est profondément anti-écologique. 

    Entretien avec Jean-Baptiste d'Albaret - Politique magazine

     

  • Le roi d’Arabie saoudite récidive à Vallauris : il ne veut pas de CRS femmes ... De quoi vous rendre (presque) républicain !

    Le roi d'Arabie saoudite, ici en compagnie de François Hollande. Photo © AFP

    Alors que la colère gronde parmi les habitants de Vallauris, excédés par les facilités accordées au roi d’Arabie saoudite, en vacances en France, c'est  Marianne qui révèle comment ce dernier ne veut pas de présence policière féminine :

    280px-MARIANNE_LOGO.png« Le roi Salmane d'Arabie saoudite veut pouvoir se baigner en sécurité sur la petite plage privée qui borde sa vaste villa de Vallauris, mais il n'est pas question qu'une femme assiste au spectacle de ses hommes barbotant en maillot de bain dans les eaux claires de la Méditerannée. Il a ainsi envoyé un émissaire, lundi 27 juillet, auprès d'un CRS un peu trop féminin à son goût.

    Le message était limpide : pour bien faire, on souhaitait qu'elle soit écartée du dispositif qui mobilise une demi-compagnie de CRS, en l'occurrence la CRS n°3. A l'extrême limite, elle pouvait continuer à surveiller la villa si elle le souhaitait, mais elle devait s'éloigner de la plage à l'heure du bain. Evidemment, le message du roi n'a laissé aucune trace écrite, mais la fonctionnaire a plutôt mal pris cette immixtion dans sa sphère professionnelle. Elle s'en est plaint auprès de ses supérieurs qui, à leur tour, effrayés à l'idée de la tournure que pouvait prendre cette histoire après l'affaire des maillots de bains de Reims, ont insisté pour que tout cela reste off.

    L'incident n'en est pas moins remonté jusqu'à la Place Beauvau, où l'on peut toujours se consoler en se disant que certaines compagnies de CRS comportent jusqu'à une dizaine de femmes, ce qui n'est pas le cas de celle-ci. Pour le reste, décision a été prise de maintenir la « coupable » dans le dispositif mis en place aux abords de la villa le mieux surveillée de France. Le plus laïquement possible. » 

     

  • LA FIFA, MIROIR DE NOTRE MONDE, par Georges-Henri Soutou, de l'Institut

    L'ex-tout-puissant président de la Fifa, Sepp Blatter.

     

    Nous vivons dans un monde de plus en plus judiciarisé dans lequel le droit anglo-saxon et la justice américaine s'imposent de plus en plus ' comme des normes universelles. C'est la principale leçon du « fifagate », cette crise qui secoue la Fédération Internationale de Football.

    La crise de la Fifa résume notre monde, beaucoup plus qu'on ne l'imagine et au-delà du côté anecdotique de la crise actuelle. Tout d'abord, constatons que l'on a affaire, avec le football, à une véritable religion, la seule véritablement universelle. Le scandale n'est pas seulement une affaire de corruption, mais il est perçu dans l'opinion comme un sacrilège, comme un crime simoniaque. D'où son retentissement et le danger que l'indignation moralisante l'emporte sur l'analyse d'une très intéressante organisation.

    La Fifa réunit 209 fédérations nationales, regroupées en six confédérations continentales. Elle comporte un ensemble de conseils, de secrétariats, de commissions et d'organismes divers. De ce point de vue, sa structure n'est comparable qu'à l'Onu. Elle représente l'un des aspects de la réalité internationale, toujours fondée, quoi qu'on veuille, sur les Etats-nations et leurs émanations. 

    En effet, dans ce système, toutes les fédérations pèsent le même poids en matière de votes : comme beaucoup sont minuscules et dépendent entièrement des subventions de la Fifa, il est tentant pour les dirigeants de celle-ci de se faire élire - ou réélire - en se constituant une majorité à coups de largesses... En d'autres termes : grâce à des subventions parfaitement autorisées et assumées par le système. C'est un processus électoral de type démocratique bien connu. Laissons de côté le problème d'éventuels faits de corruption. Dans l'absolu, ne faut-il pas préférer des actes individuels de corruption illégale à un système généralisé de corruption institutionnelle ?

    Bien entendu, une élection à telle ou telle instance de la Fifa comporte toute une série d'avantages personnels et de carrière, parfaitement statutaires, que l'on retrouve dans toutes les grandes organisations internationales. On en pense ce que l'on veut, mais il n'y a là rien d'illégal. Le problème commence ensuite, quand il s'agit de décider où se tiendra la prochaine coupe du monde, comment les droits télévisés seront répartis, etc. Avec un revenu de plus de cinq milliards d'euros pour la période 2011-2014, provenant des grandes sociétés sponsorisant la Fifa et de la vente des droits de retransmission, on comprend l'importance des enjeux. Or, en 2010, le comité exécutif a pris une série de décisions qui ont étonné : il a attribué d'un coup l'organisation des deux coupes du monde de 2018 et 2022, ce qui déroge à la procédure habituelle. Si la coupe de 2018 revient à la Russie, ce qui peut se justifier, celle de 2022 aura lieu au Qatar. Un choix des plus surpgenants : ce micro-État est peu important du point de vue footballistique. Pire, le climat y interdit des matchs l'été, obligeant de les organiser en hiver. Conséquence directe : le calendrier des rencontres des pays membres s'en trouvera totalement bouleversé. Ce sont les soupçons de corruption suscités par cette double décision qui vont déclencher l'avalanche judiciaire que l'on connaît.

    PAS DE CONSEIL DE SÉCURITÉ À LA FIFA

    S'il n'est pas utile d'ajouter de commentaires sur l'enquête en elle-même, il faut souligner que l'Onu, fort critiquée et souvent critiquable, possède une supériorité sur la Fifa : l'existence du Conseil de sécurité et de ses membres permanents. Il s'agit là de puissances efficientes, aux responsabilités mondiales, qui se tiennent au-dessus des jeux de pression et d'influence, qu'ils soient internes ou externes. Certes, le droit de veto des membres permanents bloque souvent le système, mais ceux qui préconisent de le supprimer ou de le limiter accorderaient du coup plus de pouvoir à l'ensemble fort composite des pays membres de l'Onu, ce qui risquerait de conduire exactement à la même crise que celle de la Fifa. Voilà pourquoi cette dernière nous en dit tant sur l'évolution d'un monde pris entre mondialisation et résilience de l'État-nation.

    Par ailleurs, dans ce que les médias ont appelé le « fifagate », le coup d'envoi est venu du ministère de la Justice américain, qui s'attribue de plus en plus une compétence universelle. C'est à sa demande qu'ont été interpellées quatorze personnes à Zurich, deux jours avant la réélection du président de la Fifa, Sepp Blatter. Sans compter l'ouverture d'autres instructions frappant des dirigeants importants. Tout l'objet de l'enquête est de déterminer les modalités de l'attribution des coupes du monde de 2018 et 2022. Les procédures, qui ne respectent pas, semble-il, les droits de la défense ont fait l'objet de critiques. Retenons deux choses : l'un des membres de la commission d'éthique de la Fifa est l'ancien procureur général de New York... et sa femme est employée par le FBI ! Au-delà de l'anecdote, on constate surtout que des crimes de la seconde guerre mondiale au secret bancaire suisse et aux opérations des banques étrangères, la justice américaine, derrière des prétextes juridiques spécieux et maniant la menace de rétorsions économiques (interdiction d'exercer aux États-Unis, refus d'autoriser de se porter candidat à certains marchés publics, etc.) se constitue en instance juridique mondiale. 

    Dans cette affaire, personne n'est forcé de partager le soupçon immédiatement exprimé par le président Poutine : les États-Unis auraient déclenché l'affaire pour remettre en cause l'attribution de la coupe du monde de 2018 à la Russie...

    EXTENSION DE L'INTERVENTIONNISME AMÉRICAIN

    Mais il ne se trouve aucune obligation non plus de partager la satisfaction béate de ceux qui pensent que seuls les États-Unis sont capables d'apporter un peu d'ordre et de justice dans la jungle mondiale, argument majeur distillé lors de cette crise de la Fifa. Cette question de l'extension à l'étranger de l'action de la justice américaine est pourtant capitale, quoique peu perçue ou passée sous silence. Le scandale de la Fifa rejoint ici la question de l'Accord de Partenariat transatlantique, en cours de négociation entre les États-Unis et la Commission de Bruxelles. En effet, si le traité est conclu, les acteurs économiques deviendraient indépendants des États et même de la Commission : toute modification ultérieure de l'accord pourrait être attaquée par eux devant les tribunaux. Ceux-ci et, au premier rang bien sûr, les tribunaux américains - rappelons qu'il existe un seul système judiciaire américain, contre 28 en Europe : tout le monde introduirait son affaire aux États-Unis... - deviendraient l'instance de régulation essentielle d'un commerce transatlantique devenu, comme tant de secteurs de la vie occidentale, complètement judiciarisé et selon les normes juridiques américaines, fort différentes de celles de l'Europe. La question de la crise de la Fifa nous entraîne ainsi bien au-delà de son objet immédiat...

     

    Georges-Henri Soutou  - Politique magazine

     

  • Plage privée : l'égalité pour tous... jusqu'au roi d'Arabie saoudite ? Juste réaction de Philippe Bilger

     

    Le roi d'Arabie saoudite a fait interdire l'accès à la plage publique, qui borde sa propriété de Vallauris, pour son usage personnel. Pour Philippe Bilger, l'Etat qui est censé défendre le principe d'égalité, ne remplit pas sa mission. Mais en défend-il autre chose que le principe ? On sait aujourd'hui comment une soi-disant élite de politiciens et de copains occupe les palais de la République, d'ailleurs hérités de l'Ancien Régime, et s'en partage les privilèges. Quant à la monarchie saoudienne, décadente et corrompue, le moins que l'on puisse en dire est qu'elle n'honore pas l'institution. L'Arabie Saoudite est-elle notre alliée face aux islamistes ? Il y a toutes les raisons d'en douter. LFAR  

      

    6830bcccdd66568bec1c72c800487f2b lfar.jpgLes Français ont coupé la tête de leur roi, la gauche cherche à nous persuader que la France a commencé en 1789, l'exigence d'égalité est mise à toutes les sauces, même les plus inappropriées, comme avec la loi sur le mariage pour tous, mais la Préfecture des Alpes-Maritimes autorise le roi d'Arabie saoudite, accompagné par mille personnes environ, à privatiser une plage publique à Vallauris, à construire un ascenseur et un escalier, bref à se constituer jusqu'au 20 août son petit royaume personnel en France.

    Au grand dam de beaucoup puisqu'une pétition circule qui a recueilli actuellement plus de cent mille signatures.

    Ce qui est frappant est de devoir constater à quel point notre République - je n'imagine pas que le Préfet ait accepté ces importantes dérogations à l'usage de l'espace public sans en référer au plus haut niveau du Pouvoir - est prête à tous les accommodements dès lors que la sûreté de l'Etat, même s'il est étranger, est en cause et que des intérêts économiques viennent ajouter leur poids à l'urbanité convenue des relations internationales.

    On a beau comprendre les motifs de cette «privatisation» et l'emprise, sur notre démocratie bien faraude dans ses principes mais plus frileuse dans son expression, de cet équipage impressionnant venant offrir ses biens, son luxe et ses appétences à une région déjà tout émoustillée par les profits à venir, reste qu'on aurait espéré un arbitrage moins vulgaire et une tolérance moins lâchement affichée. 

    Parce que tout sera démonté le 20 août et que la France recouvrera alors cette partie infime, mais confisquée, de son territoire, il n'y aurait rien à dire et les protestations multiples, partisanes, démagogiques ou sincères, ne seraient pas de mise. Silence obligatoire dans les rangs de la communauté nationale!

    Pour ma part, je crois l'inverse. Je regrette que cette aspiration à une égalité, parfois si stérilisante et dévoyée quand elle prétend brider la nature ou la liberté, ne se soit pas émue de cette séquence mais l'ait validée comme si elle allait de soi.

    Sans anticiper une seconde l'indignation d'une multitude de citoyens de bonne foi convaincus, avant d'être désabusés, que l'égalité dans notre pays n'était pas un vain mot mais une réalité charnelle et une règle, sans exceptions choquantes.

    Cette gauche, en définitive, est bien plus traditionnelle qu'elle l'affirme.

    Elle s'abandonne trop vite à cette périphérie abusive que tout pouvoir sécrète si on n'y prend pas garde, se vautre, avec complaisance, sans résister, dans ces indécences quotidiennes, royales ou non. Gauche et droite ne se distinguent pas par la pureté de l'une et le réalisme de l'autre mais s'accordent au contraire sur ce terreau que l'Etat a droit à des privautés et que, si le citoyen n'est pas content, il n'a qu'à ne pas rêver.

    Cette égalité, seulement jusqu'au roi d'Arabie Saoudite, constituera une pierre de plus à jeter dans le jardin de François Hollande et de ceux qui le soutiennent moins pour ce qu'il accomplit ou a trahi que pour ce qu'ils craignent.

    La France est schizophrène. 

     

    Philippe Bilger est magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole. Son dernier livre Ordre et Désordres vient de paraître aux éditions Le Passeur. Retrouvez-le sur son blog Justice au singulier.

     

  • Chômage : l'embellie, ils peuvent toujours l'attedre ...

     

    Voici, ce que dit la presse le 27 juillet au soir :

    Triste record. Il n’y a jamais eu autant de chômeurs en France. Les chiffres qui viennent d’être publiés sont catastrophiques : la France comptait en mai dernier 3,55 millions de chômeurs sans activité. Pour le mois de juin, il y a 1.300 demandeurs d'emploi supplémentaires.

    Situation au mois de mai

    Les résultats qui ont été publiés par le gouvernement au mois de mai étaient catastrophiques. La France comptait 16.200 demandeurs d'emploi supplémentaires, soit une augmentation de +0.5% d'après les calculs du gouvernement par rapport au mois d’avril.

    Au total, le nombre de chômeurs en France s’élevait à plus de 3.55 millions (3.552.000). Soit une hausse de plus de 5% sur un an.

    Record au mois de juin

    Les résultats qui viennent d’être rendus publics s'inscrivent malheureusement dans la continuité des mois précédents. On recense pour le mois de juin 1.300 chômeurs supplémentaires. 

    Notre commentaire

    Dans un pays où les prélèvements obligatoires sont de 47%, les dépenses publiques de 57% du PIB, le service de la dette de plus de 40 milliards, le nombre de chômeurs de 3,55 millions en hausse constante, le déficit du commerce extérieur récurrent de l'ordre de 60 à 70 milliards, pour n'évoquer que les paramètres les plus généraux, il faut beaucoup  d'inconséquence pour espérer une reprise significative et durable de la croissance, la baisse du chômage, l'assainissement de nos comptes publics.

    Nous ne disons pas que ces objectifs sont, pour la France, inatteignables mais qu'il y faudrait des réformes de grande ampleur, des mesures fortes qui n'ont rien à voir avec ce que contenait la défunte boîte à outil de François Hollande. Réformes et mesures à quoi devrait se superposer une volonté politique à toute épreuve capable de mobiliser les forces vives du pays.

    Si attristant que ce puisse être, nous en sommes fort loin, nous semble-t-il.  Lafautearousseau   

     

  • Robert Ménard : « La gauche vit dans le cauchemar de la parole libérée »

     

    Robert Ménard a le double mérite de revendiquer la liberté de pensée - liberté aujourd'hui menacée - et de penser juste, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Il constate, ici, ce processus de perte de l'hégémonie intellectuelle et culturelle de la gauche française, que nous avons souvent évoqué nous-mêmes. Processus qui est encore loin d'être achevé comme Eric Zemmour le  signale à juste titre. Mais processus qui semble désormais inexorable.  LFAR 

    Robert Ménard, « l’affaire de la crèche de Béziers » revient sur le devant de la scène. La justice qui vous avait donné une première fois raison en référé vient à nouveau de débouter la Ligue des droits de l’homme, sur le fond, cette fois. C’est une grande victoire pour vous ? 

    Oui, une grande victoire, mais aussi une joie immense, et d’autant plus forte que nous redoutions un jugement défavorable. En effet, le rapporteur public avait donné raison à la Ligue des droits de l’homme et, très généralement, le tribunal suit ses recommandations.

    Les motivations du jugement sont particulièrement réjouissantes. D’abord, le tribunal admet qu’il n’est pas nécessaire de justifier d’une tradition locale pour mettre en place une crèche. Ensuite, il reconnaît que son installation en mairie, à partir du moment où elle s’inscrit dans un camp culturel, ne contrevient pas à l’article 28 de la loi de 1905. Le tribunal affirme aussi que la commune avait parfaitement le droit d’acheter des santons, qu’il ne s’agissait nullement du financement d’un projet cultuel. Bref, sur l’essentiel, le tribunal nous a suivi ou, plutôt, a refusé de suivre une argumentation sectaire qui tient davantage de la bigoterie laïque que de la défense de la laïcité.

    En tout état de cause, et même si la Ligue des droits de l’homme se pourvoit en appel, il y aura une crèche en mairie de Béziers à Noël 2015. Du reste, si le jugement nous avait été défavorable, nous aurions trouvé le moyen légal d’en installer une…

    C’est, si je ne me trompe pas, la cinquième fois que la Ligue des droits de l’homme fait chou blanc avec vous… 

    Oui, la Ligue ne se lasse pas de recevoir des fessées judiciaires. Elle a, à ce jour, outre le jugement dont nous venons de parler, perdu quatre référés. Nous menons donc 5 à zéro. De façon générale, la Ligue tente de faire annuler toutes nos décisions, que ce soit sur le conditionnement des aides sociales facultatives, l’interdiction des mineurs déambulant la nuit sans leurs parents, etc.

    Cet acharnement s’inscrit dans une volonté de harcèlement. La Ligue n’est que le bras (faiblement) armé sur le plan judiciaire d’un mouvement plus large rassemblant des partis et des syndicats de gauche. Rassemblés récemment dans le Var, ils en ont fait l’aveu public : déposer systématiquement des plaintes ou des recours contre les municipalités FN ou, comme dans le cas de Béziers, soutenues par le FN.

    Il s’agit d’une instrumentalisation de la justice qui, d’une certaine manière, rejoint la volonté de la gauche de criminaliser les propos ou les actes de tous ceux qui ne pensent pas comme elle.

    Mais, pour vos adversaires, le principal n’est-il pas d’avoir remporté la première manche médiatique, la deuxième manche – judiciaire, la plus importante pourtant – ne faisant l’objet d’aucun écho, ou presque, dans la presse ? 

    Je ne suis pas certain que nos adversaires aient gagné même cette première manche. À chaque fois, ils ont attaqué sur des sujets où, désormais, la majorité des Français est en accord avec nous. Au fond, la gauche n’est plus que sur la défensive. La réactionnaire, c’est elle. La conservatrice, qui essaye de conserver les « acquis » de Mai 68, c’est elle. Elle a peur de la révolution qui vient. La gauche vit dans le cauchemar de la parole libérée, de l’action libératrice, du retour de la vitalité et de la volonté. Alors, dans ce contexte qui apparaîtra ô combien historique aux historiens de l’avenir, qu’importe la Ligue des droits de l’homme, plus que centenaire, qu’importent les petites machinations médiatiques !   

     

    Robert Ménard 

    Maire de Béziers

    Ancien journaliste, fondateur de Reporters sans frontières et de Boulevard Voltaire

    Propos recueillis par Gabrielle Cluzel

     

  • Les Lundis de Louis-Joseph Delanglade

    2930543338.jpgLes Lundis de Louis-Joseph Delanglade sont actuellement suspendus et le resteront le temps du mois d'août en raison des vacances. Ils reprendront le 7 septembre.

    Ce sont des réflexions - hebdomadaires (hors vacances) - sur l'actualité politique (politique intérieure et politique étrangère généralement alternées) qui synthétisent ou définissent les positions - la ligne politique - de Lafautearousseau.

    C'est pourquoi ces chroniques sont regroupées depuis l'origine (20.11.2012) et toutes consultables dans une annexe de LafautearousseauLes lundis de Louis-Joseph Delangladeen permanence à votre disposition.  Vous pouvez donc consulter l'ensemble des chroniques déjà parues, en cliquant sur l'icône les lundis de Louis-Joseph Delanglade. (Page d'accueil, colonne de droite)

  • Royaliste, Emmanuel Macron ? Ce qu'en pense Bertrand Renouvin

     

    Bertrand Renouvin a donné dans son blog une analyse pertinente des déclarations d'Emmanuel Macron. « Royaliste, Emmanuel Macron ? » Sa réponse n'est naturellement pas en tous points ce que serait la nôtre. Notamment sur quelques points d'histoire. Mais son commentaire est tout à fait intéressant pour qui persiste à croire - comme lui, sans doute, et comme nous - en un avenir du royalisme français. La conclusion de son billet est, au fond, une forme d'interrogation : « Il sera du plus haut intérêt d’observer comment Emmanuel Macron mettra sa carrière personnelle en accord avec ses conclusions politiques. » Mais n'est-ce pas là l'enfermer dans une sorte de gageure ? Pour réaliser cet accord entre ses conclusions politiques et sa carrière personnelle, sans-doute faudrait-il qu'il en sorte ... Mieux vaut, peut-être, faire confiance à l'avenir : qui nous dit quelles conséquences plus larges qu'elles n'ont aujourd'hui ces déclarations, cette réflexion, pourraient faire germer si les circonstances d'une hypothèse monarchique venaient à se créer, à se réunir ? Dans ce sens, en effet, Renouvin a raison : elles sont à prendre au sérieux. LFAR 

     

    Renouvin.jpgLes propos d’Emmanuel Macron sur « la figure du roi » suscitent maints commentaires narquois ou indignés. Elle est à prendre au sérieux. Emmanuel Macron dit fort justement que la démocratie ne se suffit pas à elle-même : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. »

    Un entretien accordé à la presse n’est pas aussi médité qu’un écrit théorique et je m’en voudrais de reprocher à Emmanuel Macron ses raccourcis. Sans doute reconnaîtrait-il sans difficulté que Napoléon n’a rien à voir avec de Gaulle pour cette simple raison que l’Empire n’a pas comblé ce qui manque à la démocratie mais s’est établi sur sa négation. Sans doute reconnaîtrait-il également que Louis XVIII et Louis-Philippe ont rempli leur fonction symbolique (incarner la nation, garantir paisiblement le lien social) en permettant l’institution progressive du régime parlementaire. Il aurait pu ajouter que le général de Gaulle comprenait si bien l’absence de roi qu’il souhaitait que le défunt comte de Paris puisse lui succéder à la présidence de la République dès lors que cette solution serait acceptée par le peuple souverain.

    Ces précisions ne diminuent en rien la force du propos d’Emmanuel Macron : en référence aux théorèmes d’incomplétude de Gödel*, il affirme que le système démocratique a besoin pour fonctionner d’un principe extérieur à lui-même : le thème du « roi absent » ne signale pas un royalisme de regret mais un point décisif de la logique politique qui porte à considérer la monarchie royale comme puissance instituante de la démocratie – ce qu’elle fut effectivement dans maintes nations européennes.

    Plus surprenant : la manière dont Emmanuel Macron actualise sa réflexion. Après avoir constaté que la démocratie française ne remplit pas l’espace, il poursuit : « On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu. » Bon lecteur de Pierre Rosanvallon, de Marcel Gauchet, de Jean-Pierre Dupuy, de Claude Lefort, le ministre de l’Economie et des Finances affirme donc que le président de la République n’existe pas. En d’autres termes, François Hollande, homme de chair et d’os, est un néant politique comme le fut Nicolas Sarkozy. Nous avons fait ce constat depuis belle lurette mais ce qui pouvait apparaître comme une impudence militante est aujourd’hui magistralement attesté.

    Il sera du plus haut intérêt d’observer comment Emmanuel Macron mettra sa carrière personnelle en accord avec ses conclusions politiques.

    * Une théorie qui permet de démontrer les théorèmes de base de l’arithmétique est nécessairement incomplète car elle utilise des énoncés ni démontrables, ni réfutables ; une théorie est cohérente si elle utilise des énoncés qui n’y sont pas démontrables. Gödel a fait l’objet de débats nourris dans les années quatre-vingt, auxquels participèrent Jean-Pierre Dupuy et Régis Debray.

    Le blog de Bertrand Renouvin

     

  • André Bercoff • Hollande, Le Foll : impuissance de l'action et misère de la parole

    Stéphane Le Foll parle. Il a le verbe et la dégaine d'un marchand de cravates sur la voie publique. Mais il parle ...

     

    Quand le bon sens, le style, la verve et la truculence, le franc parler se combinent cela donne un billet d'André Bercoff et quand il décide de peindre et moquer les mœurs des hommes du Système, cela fait mouche. 

    photo.jpgFace à la déferlante des barrages et des jets de fumier, du ras-le-bol de producteurs exaspérés engraissant des intermédiaires gavés, face à la colère qui monte et à un pouvoir débordé qui multiplie les mesures d'urgence pour améliorer une situation qu'il connaissait pourtant de longue date, il convient d'adopter le point de vue de Candide. Il faut, certes, cultiver son jardin, mais que faire quand celui-ci ne permet même pas à ses propriétaires de survivre en milieu rural ? On ne peut même plus en rester à la formule: « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons de les organiser » ; parce que, même là, on ne peut plus faire semblant.

    En ce domaine comme en tant d'autres, les gouvernants, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont trop souvent pratiqué le métier qu'ils connaissent le mieux: celui du jeu de bonneteau. Ni vu ni connu je t'embrouille. La poussière sous le tapis. Refilons la patate chaude aux successeurs et après moi le déluge. Immigration ? Insécurité ? Chômage ? Dette ? Fonction publique ? Agriculture ? Tant que la rue n'a pas bougé, la question ne sera posée que pour mieux l'enterrer. Circulez, il n'y a rien à voir: nous savons mieux que vous ce qui est bon pour vous et l'allons marteler sur toutes les caisses de résonance qui nous sont aussi vassales qu'obéissantes.

    Cet enfumage généralisé, considéré longtemps comme un des beaux-arts de la gouvernance, masque la dure réalité de l'effritement du pouvoir. Tout se passe en effet comme si les politiques, cernés par l'étroitesse croissante de leur marge de de manœuvre, assiégés vingt-quatre heures sur vingt-quatre par la Toile et les réseaux d'infos, sommés de s'expliquer dans l'écume de l'immédiateté, sont devenus les commentateurs bavards de leur propre inaction. Ils vont, de l'aube au crépuscule, salivant devant micros et caméras, donnant leur avis sur tout, et n'oubliant jamais de souligner que si, dans telle ou telle partie de l'Europe et du monde, une crise est résolue, c'est bien grâce à eux. S'il s'agit d'un échec, c'est bien sûr à cause des autres.

    D'où la crise de plus en plus aigüe des chansonniers et autres Guignols, remplacés avantageusement par ceux qu'ils brocardent. Quand le Roi devient bouffon, il ne reste à celui-ci qu'à s'inscrire à Pôle Emploi. Etrange et burlesque paysage où ceux qui sont censés faire le job, passent les trois-quarts de leur temps à l'expliquer plus ou moins heureusement.

    La solution ? Tout le monde la connaît : que ceux qui nous représentent travaillent en silence et ne s'expriment que quand l'action est accomplie. Que les journalistes n'oublient jamais leur esprit critique, et que passer son temps à essayer de faire prendre des vessies pour des lanternes et mettre entre parenthèses d'évidentes bombes à retardement, n'empêcheront jamais les explosions d'aujourd'hui et de demain. 

    André Bercoff 

    Dernier ouvrage paru : Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi  octobre 2014 chez First.

     

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • CINEMA • Le Prince Omar عمر الشريف. Par Bruno Stéphane-Chambon

     

    L’acteur de cinéma égyptien Omar Sharif, né Michel Demitri Chalhoub le 10 avril 1932 à Alexandrie est mort au Caire le 10 juillet 2015 à l’age de 83 ans.

    Le Shérif Ali ibn el Kharish, galope sur son chameau, il vient des confins du désert, on ne sait s’il surgit du sable ou de la mer, il va à l’encontre de l’officier anglais qui vient de boire impunément l’eau du puits qui lui appartient. Personnage mythique, il est le symbole du prince Bédouin. A-t-il existé ? Seul le vent des légendes, le Shamal qui souffle sur la contrée de Rub al-Khali, dans le grand désert d’Arabie, pourrait nous répondre.

    Quant au lieutenant de sa Gracieuse Majesté de Grande Bretagne, Sir Lawrence, il deviendra l’ami indéfectible du prince bédouin. Leurs incarnations furent imprimées sur la pellicule. Le Lieutenant-Colonel du Cinéma, Peter O’Toole a faussé compagnie à son partenaire, le 14 décembre 2013. Le Prince l’a rejoint le 10 juillet 2015 au Caire. Il s’appelait Omar Sharif.

    Les deux mythes s’étaient croisés, ils se rejoignent pour toujours.

    Acteur polyglotte

    Il étudie au Collège britannique Victoria d’Alexandrie où il pratique le français ainsi que cinq autres langues : l’arabe, l’anglais, le grec, l’italien et le turc, ce qui lui permettra de doubler lui-même nombre de ses films.

    Diplômé en mathématiques et physique, il va à Londres pour apprendre son métier d’acteur à la prestigieuse Royal Academy of Dramatic Art, la même qui reçut Peter O’Toole au cours des mêmes années.

    En 1954, il est de retour en Égypte et débute dans Le démon du désert de son compatriote le cinéaste Youssef Chahine. ll enchaînera avec lui Les Eaux noires, où il rencontrera la star égyptienne de l’époque Faten Hamama qu’il épousera. Lorsqu’en 1962, il joue le rôle du prince du désert Ali Ibn Kharish, dans Lawrence d’Arabie de David Lean, aux côtés de Peter O’Toole, il est déjà une vedette du cinéma égyptien après avoir tourné 26 films.

    Ce rôle lui vaut une célébrité mondiale immédiate, ainsi qu’un Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle 1963 et une nomination pour l’Oscar du Meilleur Second Rôle 1963.

     Une carrière menée tambour battant

    Omar Sharif joue alors dans plus de 60 films américains et européens avec de prestigieux metteurs en scène dont Anthony Mann, Francesco Rosi, Henri Verneuil, Sidney Lumet, Andrzej Wajda. Ses nombreux partenaires appartenaient au Gotha des grands acteurs, James Coburn et Anita Ekberg, Anthony Quinn, Catherine Deneuve, Jean-Paul Belmondo, Sophia Loren, Barbra Streisand, Michael Caine, Gregory Peck, Julie Andrews, Claudia Cardinale, Ingrid Bergman, Anouk Aimée, Jane Seymour, Lea Massari, Antonio Banderas, et à la télévision Jeanne Moreau et Ava Gardner…

    Attiré par les grands personnages historiques, il interprète au cinéma et à la télévision, Genghis Khan, Che Guevara, Nicolas II de Russie, le capitaine Némo, Saint Pierre. Ces fresques et légendes étaient pour la plupart des adaptations de célèbres romanciers dont Joseph Kessel, James Hadley Chase, Jean-Paul Sartre, Fedor Dostoïevski…

    En 1965, il rejoint son metteur en scène fétiche, David Lean, pour un triomphe mondial avec Le Docteur Jivago. Il obtient pour ce rôle le Golden Globe Award du Meilleur Acteur.

    Quelques grands succès

    Il participa aussi à de grands succès que furent La Nuit des généraux d’Anatole Litvak  (1967) Mayerling de Terence Young (1968), Les Cavaliers de John Frankenheimer (1971), Le Casse d’Henri Verneuil (1971), Les Possédés d’Andrzej Wajda (1988) et à de nombreuses fictions et épopées à la télévision. On notera avec un immense plaisir sa participation en 1990, dans le rôle du Consul d’Aninot, au téléfilm Le Roi de Patagonie de Stéphane Kurc et Georges Campana adapté d’un roman de Jean Raspail.

    On ne saurait omettre ses interprétations pleines de sensibilité et de profondeur comme celles du père attentionné dans Mayrig d’Henri Verneuil, tourné en 1992, et son rôle d’humaniste dans Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran, de François Dupeyron en 2003, pour lequel il sera récompensé par le César du meilleur acteur, film nommé au Golden Globe Award du Meilleur Film Étranger.

    Cette grande carrière sera accompagnée par plus de quinze récompenses et nominations dont trois Golden Globe, Trois Laurel Award, un Oscar et un Lion d’or pour sa carrière à la Mostra de Venise.

    Tout au long de sa vie riche en péripéties il pratiqua l’art du bridge, jeu qui ne cède en rien au hasard mais qui exige un grand sens de la tactique. Il participa aux Olympiades de Bridge de Deauville, représentant l’équipe d’Égypte, et devint vice-champion de France open en 1971, puis vice-champion d’Europe seniors par équipes en 1999 à Malte. Il était aussi passionné par les courses hippiques.

    Le 12 juillet 2015, dans une mosquée du Caire, ses obsèques ont été célébrées. Il a été inhumé au cimetière Sayyeda Nefissa, au sud de la ville.

    Chaque témoin a pu jeter trois poignées de terre sur le corps. Selon la loi musulmane, il a été enveloppé d’un linceul dont les nœuds ont été préalablement dénoués. Ses pieds orientés vers la Mecque. Son regard, lui, en direction du Saint Sépulcre. Il était le fils de Joseph Chalhoub. Elevé par son père dans le rite grec-catholique melkite, il s’était converti à l’islam pour épouser l’actrice musulmane égyptienne Faten Hamama. Après leur divorce, il ne se remariera jamais : elle était la femme de sa vie. 

      - Politique magazine

     

  • HISTOIRE • Que recouvre le mythe de Thulé ? La réponse de Christian Brosio

    La Grande Ourse. Photo © NASA

     

    Que recouvre le mythe de Thulé la mystérieuse île du Nord vers laquelle vogua Pythéas, au IVe siècle avant notre ère ?

    C’est une île de glace, située dans le grand Nord, où vécurent des hommes transparents. Ainsi Hérodote évoque-t-il Thulé, plus d’un siècle avant le voyage de Pythéas (Valeurs actuelles du 16 juillet). D’où vient ce nom ? L’étymologie en demeure discutée : du grec tholos (“brouillard”), du celtique thual (“terre du Nord”), du sanscrit tulâ (“balance”) ? Cette dernière hypothèse évoquerait un symbole nordique primordial, la Grande Ourse et la Petite Ourse étant assimilées aux deux plateaux d’une balance dont le centre serait le pôle, sur lequel reposerait l’équilibre du monde. Dans sa Géographie, Strabon écrit (au début de notre ère) : « Pythéas dit que les parages de Thulé […] constituent la dernière des régions habitables, et que là le cercle décrit par le soleil au solstice d’été est identique aau cercle arctique. » Après lui, Pline l’Ancien, Ptolémée ou encore Étienne de Byzance précisent le caractère solsticial de Thulé. Ce dernier parle d’une « grande île de l’océan, dans les régions hyperboréennes, où le soleil, au solstice d’été, fait un jour de vingt heures équinoxiales et une nuit de quatre heures ; en hiver le contraire ».

    La tradition mentionne l’existence de Thulé plusieurs siècles avant l’expédition de Pythéas. C’est cette tradition qui poussa ce dernier vers ces « terres au-delà des neiges » d’où, selon Hérodote, étaient originaires les peuples fondateurs de l’Hellade — Ioniens, Achéens, Doriens. Le mythe de Thulé rejoint celui d’Hyperborée, île située « par-delà les souffles du froid Borée [le vent du nord] », habitée par les Hyperboréens. Hésiode les évoque dès le VIIIe siècle avant notre ère. Au siècle suivant, Aristée de Proconèse décrit Hyperborée comme une terre sacrée, où le soleil brille constamment. Une terre liée à Apollon, dieu solaire : sa mère, Léto, y serait née ; lui-même, après sa venue au monde à Délos, y aurait été conduit par des cygnes. Ce n’est pas pour rien que Pythéas plaça sa navigation sous le patronage d’Apollon. Elle constituait en effet un retour aux sources. Car Aristote l’a bien dit : « Le mythe est un récit mensonger qui représente la vérité. »   

    Christian Brosio  Valeurs actuelles

     

     

  • CULTURE • De Solesmes vue du ciel à la méditation de Benoît XVI sur la naissance de la grande musique occidentale

     

    Nous espérons qu'on voudra bien nous excuser de ce détour par l'abbaye de Solesmes - patrie de la prière et du chant chrétien depuis un millénaire - pour conduire à une relecture de la méditation de Benoît XVI (aux Bernardins) sur la naissance de la grande musique occidentale. Les deux sont liés, n'est-ce pas ? L'harmonie du cosmos, la musique des sphères, ce sont des thèmes récurrents de la pensée de Benoît XVI. Nous n'y ajouterons rien. La réflexion du Pape, puisant dans la philosophie grecque comme dans la tradition chrétienne peut donner matière à réflexion, ce dimanche, à ceux qui croient comme à ceux qui ne croient pas. LFAR 

     

     

     

     (2' 27")

      

    2008_09_12_Bernardins.jpgPour prier sur la base de la Parole de Dieu, la seule labialisation ne suffit pas, la musique est nécessaire. Deux chants de la liturgie chrétienne dérivent de textes bibliques qui les placent sur les lèvres des Anges : le Gloria qui est chanté une première fois par les Anges à la naissance de Jésus, et le Sanctus qui, selon Isaïe 6, est l'acclamation des Séraphins qui se tiennent dans la proximité immédiate de Dieu. Sous ce jour, la Liturgie chrétienne est une invitation à chanter avec les anges et à donner à la parole sa plus haute fonction. [...]

    Pour saint Benoît, la règle déterminante de la prière et du chant des moines est la parole du Psaume : Coram angelis psallam Tibi, Domine - en présence des anges, je veux te chanter, Seigneur (cf. 138, 1). Se trouve ici exprimée la conscience de chanter, dans la prière communautaire, en présence de toute la cour céleste, et donc d'être soumis à la mesure suprême : prier et chanter pour s'unir à la musique des esprits sublimes qui étaient considérés comme les auteurs de l'harmonie du cosmos, de la musique des sphères. À partir de là, on peut comprendre la sévérité d'une méditation de saint Bernard de Clairvaux qui utilise une expression de la tradition platonicienne, transmise par saint Augustin, pour juger le mauvais chant des moines qui, à ses yeux, n'était en rien un incident secondaire. Il qualifie la cacophonie d'un chant mal exécuté comme une chute dans la regio dissimilitudinis, dans la 'région de la dissimilitude'. Saint Augustin avait tiré cette expression de la philosophie platonicienne pour caractériser l'état de son âme avant sa conversion (cf. Confessions, VII, 10.16) [...]. Saint Bernard se montre ici évidemment sévère en recourant à cette expression, qui indique la chute de l'homme loin de lui-même, pour qualifier les chants mal exécutés par les moines, mais il montre à quel point il prend la chose au sérieux. Il indique ici que la culture du chant est une culture de l'être et que les moines, par leurs prières et leurs chants, doivent correspondre à la grandeur de la Parole qui leur est confiée, à son impératif de réelle beauté. De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de Le chanter avec les mots qu'Il a Lui-même donnés, est née la grande musique occidentale.

    Ce n'était pas là l'oeuvre d'une « créativité » personnelle où l'individu, prenant comme critère essentiel la représentation de son propre moi, s'érige un monument à lui-même. Il s'agissait plutôt de reconnaître attentivement avec les « oreilles du coeur » les lois constitutives de l'harmonie musicale de la création, les formes essentielles de la musique émise par le Créateur dans le monde et en l'homme, et d'inventer une musique digne de Dieu qui soit, en même temps, authentiquement digne de l'homme et qui proclame hautement cette dignité.