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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1360

  • Yvan Blot : « Les terroristes potentiels sont très nombreux »

     

    par Ludovic Greiling

     

    1067266642.jpgRécent retraité de l’Inspection générale au ministère de l’Intérieur, Ivan Blot se consacre aujourd’hui à l’écriture. Dans Le terrorisme islamiste, une menace révolutionnaire *, il développe une analyse originale de ce phénomène, tirée de son expérience.

    Dans votre dernier livre, vous définissez le terrorisme islamiste comme un nouveau mouvement révolutionnaire, à l’instar du bolchévisme ou de la Terreur de 1793. Le jihad guerrier n’est-il pas consubstantiel à l’islam ?

    Je pense que n’importe quelle idéologie peut subir une mutation et devenir révolutionnaire. Regardez le socialisme : à la base, ce n’est pas un mouvement meurtrier. Le racialisme également était très développé au XIXe siècle et il ne donnait pas lieu à des violences. C’est la forme révolutionnaire de ces idéologies qui est meurtrière. Si l’islam contient des germes de violence que l’on retrouve aisément dans ses textes, c’est sa mue révolutionnaire intervenue dans les années 50 qui explique le terrorisme actuel. Quand je travaillais au ministère de l’Intérieur, j’ai été amené à m’intéresser à deux intellectuels musulmans qui étaient souvent cités par des personnages comme Oussama Ben Laden. L’un, le Pakistanais Al Mawdudi, mort en 1979, est le premier islamiste du XIXe siècle à prôner le retour au jihad pour réaliser une révolution islamique intégrale ; il utilise le terme « révolutionnaire » dans ses écrits. L’autre, l’égyptien Sayyid Qutb, membre de la confrérie des Frères musulmans qui a eu une influence énorme, interprète également tout le Coran dans un sens violent et totalitaire.

    Nous venons de subir deux massacres en plein Paris. Vous affirmez pourtant dans votre livre que les services français travaillent efficacement contre la menace islamiste…

    Il faut comprendre que, depuis près de dix ans, nous arrêtons en moyenne une fois par mois des préparatifs d’attaques majeures comme celle du Bataclan. Ces opérations ont été démantelées par nos services et ont valu à leurs auteurs d’être condamnés par la justice. Cependant, mis à part le projet d’attentat à la cathédrale de Strasbourg qui a été médiatisé, le reste est en général caché par nos gouvernants. En outre, il faut ajouter toutes les mesures de prévention – fouilles dans les aéroport, plan Vigipirate, etc. – qui ont découragé bien des velléités.

    Combien de personnes ont été condamnées en France pour avoir participé à de tels projets ?

    Plusieurs milliers… La loi antiterroriste de 1986, qui a été amendée depuis, permet d’arrêter avant un attentat les personnes ayant un lien avec une activité présumée terroriste, sans qu’elles aient encore commis la moindre action. Ces personnes font de la prison, certaines en ressortent, on les suit un peu puis c’est terminé. C’est pourquoi nous avons parfois de mauvaises surprises, comme l’assassinat récent d’un couple de policiers par un islamiste.

    Le premier ministre Manuel Valls et le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve préviennent désormais que d’autres attentats sont possibles. Cela paraît contre-productif sur le plan électoral. Comment l’expliquez-vous ?

    Je suppose que leurs services doivent leur dire qu’ils ne peuvent plus suivre tout le monde. Ils sont prévenus et ils ne veulent pas paraître stupides s’il y a de nouvelles attaques. La situation est grave. Les terroristes potentiels deviennent très nombreux. Et ils sont soutenus activement ou passivement par une large partie des populations immigrées. Je vous donne un exemple : la police commande aussi des sondages à des instituts spécialisés afin de tâter le pouls de la population. Les résultats ne sont pas rendus publics, mais ils sont parfois épouvantables. Par exemple, un nombre important des musulmans de France approuvent le terrorisme islamiste. Cela ne veut pas dire qu’ils vont devenir terroristes eux-mêmes, mais cela signifie qu’il existe une vaste complicité passive ou active.

    Ces chiffres sont impressionnants. Ils mettent en exergue l’inaction de nos gouvernements face aux flux migratoires. Ils sont pourtant prévenus des conséquences potentielles. Comment expliquer un tel laisser-faire ?

    Je pense qu’il existe une peur des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a déjà condamné la France. On peut aussi mettre en avant le respect de certains traités internationaux que nous avons signés, mais aussi la crainte d’être traité de raciste. Quand le scandale de l’embauche d’islamistes dans une centrale nucléaire belge avait été révélé, on m’avait expliqué la raison : c’était la crainte d’être pointé du doigt pour discrimination qui avait guidé les décisions des recruteurs. Et puis il existe un état d’esprit général qui terrifie nos hommes politiques. Pour tarir les flux, il faudrait parfois faire l’usage de la force ; nos responsables sont très loin de l’envisager.

    Faisant valoir le principe de précaution, un nombre croissant d’observateurs affirment qu’il faudrait remigrer dans leurs pays d’origine une partie des populations musulmanes présentes en Europe. Qu’en pensez-vous ?

    Des politiques de remigration auraient pour effet de réduire la menace. Il est bien évident que s’il n’existe pas de terrorisme islamiste en Pologne ou au Japon, c’est en raison de l’absence des populations à risque. On peut ajouter que c’est en premier lieu auprès de ces populations à risque que nos services secrets travaillent pour contrer la menace terroriste.

    Pour contrer le terrorisme islamiste, vous évoquez également des mesures dites positives. Pouvez-vous les décrire ?

    La répression est nécessaire. Mais il faut aussi supprimer les terrains favorables à l’émergence de l’islamisme. Je vois pour cela quatre volets aux conséquences différentes. Le premier, c’est une éducation patriotique et l’enseignement solide de l’histoire de France. Je prends pour exemple ce qui se fait en Russie, avec succès, malgré l’importance des minorités musulmanes qui y vivent. Le second volet, c’est le rétablissement du service militaire, avec l’éducation et l’éthique dont il est porteur. La troisième proposition concerne le rétablissement d’une garde nationale, fondée sous les rois de France et supprimée en 1871 ; cette dernière serait triée sur le volet et permettrait aux citoyens de participer à la défense des frontières et de l’ordre public. Enfin, le dernier volet est diplomatique : il est temps de se mettre d’accord sur une politique antiterroriste au niveau international. Visiblement, l’OTAN et les états-Unis ne le veulent pas. L’organisation militaire vient ainsi de désigner la Russie comme son ennemi n°1, plutôt que l’état islamique ! 

    etiquette-blot-terrorisme.pngLe terrorisme islamiste, une menace révolutionnaire, d'Yvan Blot, Apopsix, 246 pages, 18 €

    A propos de l'auteur :

    Ivan BLOT, docteur ès sciences économiques, ancien élève de l'ENA, ancien député et inspecteur général honoraire au Ministère de l'Intérieur. Il est membre du Comité des experts du Centre d'analyse Rethinking Russia à Moscou et du Club de Discussion de Valdaï.  

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  • Déni d'islamisme : le réarmement moral passe par un retour au réel

     

    Par Mathieu Bock-Côté          

    Masqué sous des justifications psychiatriques ou sociales, le déni d'islamisme continue de frapper, constate Mathieu Bock-Côté, pour qui, à force de dépolitiser les attentats, les Occidentaux savent pleurer, mais plus se battre. Nous sommes une fois de plus d'accord. Pourquoi reprenons-nous souvent les tribunes, les analyses, de Mathieu Bock-Côté ? Simplement, parce qu'elles vont au fond des choses, à l'essentiel, aux racines même du Système dominant : racines idéologiques,  mais aussi comportements et méthodes du totalitarisme révolutionnaire, ancien ou nouveau. Ce sont des analyses qu'un contre-révolutionnaire, par exemple maurrassien, eût faites à peu près de la même façon. Et que beaucoup d'autres font aujourd'hui, en dehors de nos cercles, en particulier parmi les jeunes intellectuels. Ce courant de réflexion est, pour nous, d'un intérêt - disons stratégique - tout à fait évident.  LFAR    

     

    3222752275.jpgOn commence à s'y habituer : à chaque attentat terroriste, une bonne partie du système médiatique active le logiciel du déni d'islamisme. Cela a aussi été le cas après l'attentat de Nice. Une chose semble plus importante encore que de pleurer les victimes et d'encombrer les lieux du crime de fleurs et de bougies: c'est de dépolitiser l'attentat. Dans la mesure du possible, on multipliera les hypothèses qui nous éloignent d'un constat pourtant enregistré depuis longtemps dans la conscience populaire : la paix perpétuelle à laquelle nous aspirions dans la dernière décennie du vingtième siècle a été fracassée une fois pour toutes. L'islamisme nous a déclaré la guerre. Il ne nous est plus possible de croire que la guerre appartient à la préhistoire de l'humanité occidentale et qu'il suffirait d'étendre à travers le monde la logique des droits de l'homme pour l'éradiquer une fois pour toutes. Mais le système médiatique travaille fort à nier cette réalité.

    Il y a d'abord la piste psychiatrique. Le terroriste serait un déséquilibré, un fou furieux, un maniaque, un psychopathe, mais pas un islamiste. En un mot, il n'y aurait aucune signification politique à un tel attentat : on devrait le considérer comme une forme de catastrophe naturelle - mais la nature qui se déchaînerait ici sur les sociétés serait la nature humaine et ses failles hantées par de sombres fantasmes de destruction. On ne saurait inscrire le crime dans une trame plus vaste et d'aucune manière, on ne devrait l'expliquer idéologiquement. Le crime n'est plus vraiment un crime : c'est un malheur, une malédiction, un rappel de la part incompréhensible de la condition humaine. C'est ainsi que plusieurs, comme le premier ministre canadien Justin Trudeau, ont parlé d'un acte « insensé » plutôt que de reconnaître dans l'attentat de Nice un épisode dans la guerre de l'islamisme contre l'Occident. Faut-il comprendre, dès lors, que les seuls terroristes qu'on prendra au sérieux sont ceux qui paient leurs impôts à temps, mangent de manière équilibrée et qui ont une connaissance fine du Coran ?

    Il y a aussi la piste de l'exclusion sociale : l'homme qui se rendrait coupable d'un attentat serait en fait une victime de la société où il vit. Seule la désespérance sociale le rendrait sensible aux sirènes islamistes. Plus encore : l'exclusion qu'il subirait le pousserait à cette forme de résistance condamnable mais compréhensible que serait le terrorisme islamiste. Il y a plusieurs années, on avait déjà expliqué ainsi les assassinats de Mohamed Merah. Dans nos sociétés qui marginaliseraient les populations issues de l'immigration, la petite criminalité et la grande devraient être considérées comme des actes de résistance. En un mot, l'islamophobie serait à l'origine de l'islamisme. Peut-être est-ce une manière de garder mentalement le contrôle des événements : se dire coupable, c'est demeurer responsable des événements, c'est conserver une emprise sur eux. Si la civilisation occidentale s'amende suffisamment, la guerre cessera et la paix reviendra. Il faudrait s'ouvrir toujours davantage à la diversité pour contenir et refouler l'islamisme.

    On oublie une part essentielle de ce qu'on pourrait appeler la théorie de la guerre révolutionnaire, qui consiste justement à exciter les marges, les éléments sociaux instables et fragiles, pour faire naître chez eux une vocation au Djihad. Il s'agit justement d'exciter les pulsions morbides et de les convertir en un désir terroriste. Les vidéos relayés par l'État islamique où on voyait ses soldats et militants se transformer en égorgeurs avaient justement cette vocation. Pour le dire autrement, il s'agit de mobiliser les marginaux et les déclassés en les retournant contre l'ordre établi. C'est ainsi qu'un homme qui n'était pas fiché par les services de renseignement peut rapidement prendre un étendard et se retourner contre ses concitoyens qu'il ne voit pas comme des compatriotes. Celui qui se laisse convertir peut ainsi espérer une forme de gloire morbide qui transfigurera son existence en devenant un martyr glorieux d'une guerre sainte contre un Occident malfaisant.

    Cela ne date pas d'hier. Les théoriciens révolutionnaires ont toujours su qu'ils ne pouvaient pas se fier à leurs seuls moyens et qu'ils devaient travailler les contradictions sociales inscrites au cœur des sociétés qu'ils veulent bouleverser. Et le fait est que l'appel au Djihad trouve un écho dans les banlieues islamisées issues de l'immigration qui sont la cible d'une propagande antioccidentale permanente, par ailleurs relayée par un système médiatique qui les entretient dans ce sentiment victimaire. L'islamisme y trouve un bon terreau et pousse ainsi à la guerre civile entre les nations européennes et les communautés issues de l'immigration musulmane. On pourrait pousser plus loin la réflexion : qu'on le reconnaisse ou non, la perméabilité absolue des frontières contribue à ce climat anxiogène. Quoi qu'en disent les théoriciens de la diversité, une communauté politique exagérément hétérogène est appelée à vivre des contradictions culturelles de moins en moins soutenables.

    Le système médiatique semble vouloir préserver à tout prix le fantasme de la diversité heureuse, quitte à se couper du commun des mortels et à s'installer dans un univers parallèle. Il y a quelque chose de navrant à constater la puissance médiatique de ce logiciel contribuant à déréaliser l'agression subie depuis quelques années par la nation française, en la dispersant en milliers de faits divers dépolitisés, auxquels on refusera toute perspective d'ensemble. L'Occident sait pleurer mais ne sait plus vraiment combattre - il ne veut pas accepter qu'en guerre, on ne fonctionne plus comme en paix. Évidemment, ceux qui exigent une politique toute faite à la manière d'une douzaine de mesures bien identifiées contre l'islamisme s'illusionnent : bien évidemment, on peut et doit mener une guerre contre l'islamisme intérieur et extérieur mais elle ne sera pas gagnée en quelques mois. Mais ceux qui parlent du nécessaire réarmement moral des nations occidentales visent juste.

    On se demande encore comment certains ont pu s'opposer à la déchéance de nationalité pour les binationaux coupables de trahison ou de terrorisme. Ne permettait-elle pas de redonner au moins symboliquement une certaine force à l'idée de citoyenneté ? De la même manière, on comprend l'irresponsabilité criminelle de ceux qui consentent à une immigration massive qui crée les conditions d'une fragmentation massive des pays de la vieille Europe. Qui croit encore qu'il faille s'ouvrir à toutes les différences, sans distinguer entre celles qui sont compatibles avec le monde occidental et celles qui ne le sont pas ? Autre question : jusqu'où les sociétés occidentales accepteront-elles de voir la logique des droits de l'homme retournée contre elles, comme si elles devaient s'immoler sur l'autel d'un universalisme si radical qu'il les empêche de se défendre lorsqu'on les agresse ? 

    Le réarmement moral passe d'abord par un retour au réel. 

    Mathieu Bock-Côté         

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d' Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.   

  • La Semaine de MAGISTRO, une tribune d'information civique et politique

     

    La Semaine de MAGISTRO - Adossée à des fondamentaux politiques avérés, Magistro, une tribune critique de bon sens, raisonnée et libre, d'information civique et politique. 

    A tout un chacun

     François-Xavier BELLAMY  Professeur de philosophie en classes préparatoires  La vertu de prudence

     Annie LAURENT  Journaliste, essayiste, conférencière, spécialiste du Proche-Orient, de l'Islam et des chrétiens d'Orient  Les messages du "voile"

      Jean-Paul BOLUFER  Préfet honoraire  Pour que renaisse la France, il faut un peuple de droite rassemblé

    Du côté des élites

    • Jacques BICHOT  Economiste, démographe, Professeur émérite à l'Université Lyon 3 - Ancien président de Familles de France  Retraites : des projets … vraiment primaires

    • Malika SOREL SUTTER  Ancien membre du collège du Haut Conseil à l'Intégration      "Le terrorisme islamiste n’est pas soluble dans le bien-être matériel"    

    • Maxime TANDONNET   Haut fonctionnaire, ancien conseiller pour les affaires intérieures et l’immigration au cabinet du Président de la République    Les primaires portent le narcissisme de la vie politique à son comble  

    En France

    • François JOURDIER  Officier, amiral (2S)   Revoir notre politique en Syrie

    • Jean SALVAN   Officier, général de corps d'armée (2S)   Aux origines du terrorisme actuel

    • Renaud GIRARD     Journaliste, reporter de guerre et géopoliticien français   Le combat essentiel contre le djihadisme ne se livre pas en Syrie, mais en France

    Avec l'Europe

    • Charles GAVE   Economiste, financier   Crise Européenne : prochain arrêt, l’Italie

    • Ivan RIOUFOL   Journaliste politique     Le Brexit, promoteur du (bon) libéralisme  

    • Arnaud TEYSSIER   Haut fonctionnaire, historien    Après le choc du Brexit, la tentation de ne rien changer   

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  • « Si le père Hamel n'est pas martyr, alors qui l'est ? »

     

    Par Guyonne de Montjou    

    Jean-François Colosimo, écrivain, théologien et éditeur, décrypte pour Figarovox [28.07] l'attentat, inédit sur le sol français, qui a notamment coûté la vie à un prêtre octogénaire dans son église. Un dialogue d'un grand intérêt où, comme d'ordinaire, Jean-François Colosimo va au fond des choses, à l'essentiel.  LFAR

     

    XVM395dab50-54b8-11e6-91e4-fb78b463148e.jpgCet attentat dans une église, visant des fidèles, était-il selon vous inévitable?

    Oui. Daech mène aussi une guerre de religions. Dans un conflit, il est essentiel de savoir désigner l'ennemi. Il n'est pas moins indispensable de connaître la manière dont l'ennemi vous définit. Dans la représentation de Daech, il n'est pas tant question de l'Occident, des Américains ou des Européens, que du « camp des juifs et des croisés»  ou du « royaume de la croix ». Qu'un prêtre soit égorgé dans son église nous paraît inouï, c'est pourtant ce qui se produit, dans l'indifférence, au Proche-Orient depuis une décennie. D'un coup, la mondialisation, qui est un univers de flux financiers, numériques, migratoires, abolit les distances et les différences. L'effet retard de notre prise de conscience explique notre sidération. Le déni la nourrit également: voyez le temps qu'ont mis les autorités françaises à reconnaître que les 21 Egyptiens décapités sur une plage en Libye en février 2015 l'avaient été parce qu'ils étaient chrétiens, précisément coptes.

    Comment analysez-vous cette sorte de cécité ?

    Nous sommes pris dans une logique historique inversée: le projet européen est une uchronie hors du passé, du présent, tendue vers un pur avenir de paix, de fraternité et… de consommation. Il s'agit de constituer l'empire du bien, neutre, capable d'accueillir toutes les altérités et de désarmer toutes les hostilités. Mais pour réaliser cette abstraction, il faut se couper de ses racines et se conjuguer éternellement au futur. L'Europe, dans sa Constitution même, nous ordonne d'être anhistoriques.

    Et pourtant les terroristes, en attaquant cette église mardi matin, ont voulu frapper un symbole…

    C'est là le paradoxe. Pour le califat réinventé par Daech, l'histoire détermine le présent: nous sommes les héritiers du christianisme. Les djihadistes nous assignent à notre identité religieuse, même si nous nous échinons à affirmer qu'elle ne nous concerne plus.

    Cet attentat marque-t-il, selon vous, un tournant ?

    Oui. D'une part, parce que la notion même de sanctuaire que représentent diversement le temple, la vieillesse, la périphérie, l'anonymat, s'en trouve annulée. D'autre part, parce que le fait chrétien, sans lequel la France est inconcevable, longtemps minoré, ne peut plus être ignoré. Là encore les pouvoirs politiques et médiatiques ont leur part de responsabilité: on s'émeut régulièrement et à raison des actions de vandalisme contre les cimetières juifs et musulmans tandis que les mêmes actions contre les cimetières chrétiens sont largement passées sous silence.

    Pensez-vous que la réponse de l'Eglise qui consiste à tendre l'autre joue, à s'aimer les uns les autres, puisse être interprétée comme un aveu de faiblesse ?

    C'est pourtant la seule bonne réponse! Les évêques sont des guides, chargé du peuple des fidèles. Ils doivent empêcher que l'on réponde à la haine par la haine. Mais ils font aussi œuvre publique. Daech espère que des représailles antimusulmanes finiront par survenir en Europe et que s'ensuivra une guerre civile généralisée. C'est un piège qu'il revient à l'Eglise de prévenir. Ce n'est en rien une position naïve: c'est le catholicisme qui, avec saint Augustin et saint Thomas, a fait en sorte que la guerre soit encadrée par le droit afin qu'elle ne tourne pas à la pure barbarie.

    Diriez-vous que le dialogue avec l'Islam est possible ?

    Le christianisme est engagé dans un effort permanent de dialogue avec l'Islam. C'est une entreprise souvent décevante, toujours difficile, mais nécessaire. Comme le disait l'orthodoxe Olivier Clément (1921-2009), les musulmans méritent notre «respect têtu», c'est-à-dire que nous menions avec eux un dialogue persévérant parce qu'exigeant, autant fondé sur la vérité que sur l'humanité.

    Comment distinguer islam et islamisme dès lors que les ferments de violence se trouvent dans les textes sacrés de cette religion ?

    Toute religion porte en elle une tentation fondamentaliste qui lui est propre. Néanmoins, l'islam présente une porosité singulière à ses dérives exacerbées. Contrairement à l'idée répandue, les causes de la crise ne sont ni politiques, ni économiques. La réforme doit d'abord être d'ordre théologique, philosophique, exégétique. Le monde musulman rêve de retrouver son Age d'or. Il le fera non pas en renouant avec l'imagerie de la conquête, mais avec l'impératif de l'interprétation.

    Si les djihadistes nous lançaient un défi, quel serait-il ?

    Le défi est là, et démonisé. Les voilà qui nous disent: «Je suis prêt à mourir parce que je veux l'au-delà. Et toi, pour quoi es-tu prêt à mourir?» C'est là qu'apparaissent le gouffre et la béance de notre société horizontale qui ne connaît plus de verticalité. Tant que nous ne retrouverons pas l'évidence qu'il nous faut articuler notre communauté de destin à une forme ou à une idée de la transcendance, nous serons condamnés, désolés, à compter nos morts.

    Et l'idée de progrès ou celle d'Europe ne suffisent-elles pas à nous transcender ?

    Ce sont des idées mortes! C'est fini le progrès, l'utopie, Prométhée. Ces idées ont été le cœur noir des Lumières, soldé par le goulag, la Shoah et Hiroshima. L'homme européen a proclamé la mort de Dieu et c'est la mort de l'homme qui est advenue et qui se poursuit.

    Croyez-vous que les djihadistes sont des êtres archaïques, fonctionnant avec les codes du Moyen Age ?

    Pas du tout. Les djihadistes sont le parachèvement de la modernité. Leur crime allie le goût de la barbarie et l'exaltation de la technique. C'est la combinaison du sacrifice sanglant et de l'application Periscope (qui permet de diffuser une vidéo en direct via son smartphone, ndlr). Si on ne comprend pas cela, on continuera à dire des âneries! Non les islamistes ne sont pas en transition historique, ils ne viennent pas du Moyen Age, ils sont l'acmé du nihilisme.

    Vous semblez imputer ces attentats à la modernité…

    Je crois qu'il faut bien comprendre que la globalisation consiste en deux mouvements: le premier, centrifuge, qui veut produire un individu cloné à l'échelle planétaire selon un même axe et sur un mode identique ; le second, centripète, qui voit éclater les identitarismes reconstruits, tribaux et claniques à la bordure. La mondialisation, ce n'est pas l'un ou l'autre, mais les deux en même temps. La stérilisation et la virulence simultanément.

    Quelle solution ?

    Ce n'est pas pour rien que les djihadistes assaillent les églises en Orient et désormais en Occident. Ils les attaquent car là, précisément, est la réponse. Celle-ci ne se trouve pas dans les universités, les think tanks ou les ministères. Les djihadistes divinisent la mort. Le carnage est leur prière. La réponse consiste en la démonstration que non seulement Dieu est vivant, mais qu'il est «le Vivant». La réponse est résolument spirituelle.

    Jacques Hamel, ce prêtre octogénaire assassiné, est-il au sens strict un martyr ?

    Qui d'autre le serait, sinon ? Au moment de mourir, il célébrait la messe. Il se trouvait à confesser sa foi. Il a été égorgé comme l'agneau sur l'autel. Si lui n'est pas martyr, alors qui l'est? Les dieux de toutes les religions sont des dieux gagnants. Seul le Dieu des chrétiens consent à apparaître perdant en s'incarnant, en subissant le supplice, en mourant sur la croix. Pour mieux renverser la malédiction qui amertume l'histoire des hommes. 

    Jean-François Colosimo est essayiste et directeur général des Editions du Cerf. Il a récemment signé Les Hommes en trop. La malédiction des chrétiens d'Orient, chez Fayard. - Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA

    Guyonne de Montjou           

  • Tant d’amour et de paix, ça laisse muet… Mon antiprofession de foi

     

    Par Jean-Paul Brighelli

    Le talent de Brighelli, sa plume, son esprit, son sens des formules et son intelligence lui font souvent rédiger de petits chefs d'œuvres. Nous ne partageons pas toutes ses idées, mais nous aimons ses chroniques. En voici une avec laquelle nous sommes d'accord; sur un sujet grave, traité avec humour. LFAR 

     

    2918084506.jpgJe ne parlerai pas des martyrs de Charlie. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne disserterai pas sur les massacres du Bataclan et d’ailleurs. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je n’évoquerai pas les tueries de Boko Haram, de l’AQMI, d’Al-Qaïda, d’Al-Nosra et d’une foule d’autres groupes d’assassins organisés, en Syrie et ailleurs, au nom du Prophète, sur lui la paix et la lumière. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne dirai rien des près de 300 morts tués dans un attentat à Bagdad le 3 juillet, ni des 15 autres tués dans la même ville le 25, ni… Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Et j’ai eu tort de parler ici-même des infidèles tués au musée du Bardo l’année dernière. Car j’ai pris le risque de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne rappellerai pas, pas même pour mémoire, les centaines de viols perpétrés à Cologne, entre autres, au dernier jour de l’An — bonne année ! Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne gloserai pas sur les attentats commis en Arabie saoudite, au Yemen, en Syrie, en Irak, en Turquie. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Ni même ne comptabiliserai-je les 80 morts de Kaboul de samedi dernier — les derniers dans une très longue liste. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

     

    Ne comptez pas sur moi pour condamner les attentats à la hache, à la machette, et autres procédés ingénieux perpétrés en Allemagne ces derniers jours. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    De même ne commenterai-je pas l’utilisation d’acide au Pakistan pour défigurer les jeunes filles « impudiques » — la dernière a été étranglée par son frère. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne dirai rien, oh non, sur le prêtre octogénaire égorgé ce mardi 26 juillet dans une église normande pendant la messe par deux courageux « soldats » de Daech — tout comme d’autres valeureux combattants de Daech avaient fixé au sommet d’une colonne romaine le corps décapité du conservateur octogénaire de Palmyre — ce sont des hommes qui aiment les vieillards, et ils ont prouvé à Nice qu’ils aiment aussi les enfants. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    (Parenthèse. Si un vieil imam avait été tué dans une mosquée par deux connards — ce qui serait difficile vu que les mosquées sont le plus souvent protégées, comme les synagogues, le président de la République et le Premier ministre, si prompts à condamner et à combattre le terrorisme, appelleraient déjà à une manifestation monstre contre la montée des périls d’extrême droite, et envisageraient peut-être de dissoudre tel ou tel groupuscule. Et sans doute auraient-ils raison. Mais ils n’envisagent pas, semble-t-il, de dissoudre l’islam, ni de prendre de vraies mesures contre les milliers de terroristes islamistes potentiels français — ou qui se sont invités en France. Car l’islam est une religion de paix et d’amour. Fin de parenthèse)

    Et je ne citerai pas les sourates qui appellent au meurtre des infidèles, par le fer et par le feu. Car l’islam est une religion de paix et d’amour, et seules de méchantes langues propagent ce genre d’information.

    Et si jamais demain je me fais égorger par un illuminé, mes amis, ne mettez pas en cause l’islam. Car l’islam est une religion de paix et d’amour. 

    Jean-Paul Brighelli
    anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur.

  • De la double nationalité

     

    Par Louis-Joseph Delanglade

    Publié le 25.01.2016 - Actualisé le 2.08.2016

     

    Si l’on en croit Le Monde, les « Français » seraient plus de cinq millions à posséder une autre nationalité. C’est quand même beaucoup quand on mesure tous les conflits d’intérêts que peut générer un jour ou l’autre une telle situation, la France ne reconnaissant pas juridiquement ce qu’elle considère comme un simple état de fait. Cela dit, hormis état de guerre avec un pays dont de nombreux Français seraient aussi les « nationaux », les risques sont forcément limités à des cas individuels et des situations particulières. Cependant, la double nationalité (et parfois la multinationalité) constitue aussi une anomalie, voire une contradiction flagrante, pour une république qui fait de l’égalité la pierre angulaire de sa raison d’être : si certains « Français » ont des comptes en Suisse, d’autres bénéficient d’une immatriculation auprès de consulats étrangers. Cela rend d’ailleurs possible un véritable détournement : ainsi, aujourd’hui, les trois pays du Maghreb francophone constituent souvent, pour des délinquants ou des terroristes, une base de repli commode. 

    Il se trouve que les plus nombreux, et de loin, des binationaux, sont justement originaires du Maghreb (deux tiers de « bi(s) » dans une « communauté » elle-même largement majoritaire dans l’ensemble de la population d’origine immigrée). Si la mesure de déchéance prônée par l’exécutif est d’abord voulue comme un symbole, provoquant des cris d’orfraie dans la quasi totalité de l’intelligentsia de gauche, c’est bien parce qu’en fait elle concernerait justement ce type de « population ». Pour mettre tout le monde d’accord et être efficace, on pourrait tout simplement, au lieu de la déchéance, appliquer les lois de la guerre : tout Français qui prend les armes contre son pays doit être condamné au pire. 

    Reste la question de fond. Pour M. Legrand (France Inter, 5 janvier), la déchéance proposée « [rompt] la tradition républicaine selon laquelle on ne divise pas la citoyenneté ». Il n’a pas tort, dans la mesure où en France nationalité et citoyenneté se confondent. Dans la réalité, de nombreux Français se reconnaissent aussi dans une autre filiation, en fait culturelle : c’est, bien entendu, le cas de beaucoup de « provinciaux », Français issus des provinces de France et qui cultivent légitimement leur double héritage (on peut prendre comme exemple la « nacioun gardiano » des Camarguais). Toutefois, on l’a dit, cela peut poser problème, un jour ou l’autre, à des étrangers devenus Français et conservant, durant une ou plusieurs générations au moins le souvenir d’autre chose où le culturel côtoie le national : dans certains cas, il faut bien choisir. Une sorte de prévalence doit donc exister. « La nationalité            française est d'abord une allégeance » affirme avec raison M. Zemmour (RTL, 12 janvier). Or, une double allégeance est inadmissible : en ce sens certaines des conventions bilatérales signées par la France sont inacceptables (par exemple que des « jeunes » prétendument « français » puissent accomplir un service militaire en Algérie ou en Israël).  

    Quand les choses ne sont pas simples, c’est au politique de trancher, et s’il le faut dans le vif. Sinon, ce sont les circonstances qui imposeront leur logique. 

  • Et revoilà la guerre froide !

     

    par Gilles Varange

    Les Américains viennent de terminer la construction d’une première base à Deveslu, en Roumanie, la seconde devant être achevée en Pologne d’ici à 2018 : le climat de tension avec la Russie entretenu par Washington place les Européens en première ligne.

     

    2867209962.jpgLes 2 et 3 décembre 1989, trois semaines après la chute du mur de Berlin, les présidents George Herbert Bush (le père) et Mikhaïl Gorbatchev, accompagnés de leurs ministres des Affaires étrangères, se rencontraient au large de l’île de Malte, à bord du croiseur soviétique Maxim Gorki. Durant ces deux journées historiques, les dirigeants des deux superpuissances de l’époque allaient s’efforcer d’éviter que le profond ébranlement subi par le bloc soviétique ne se transforme en une situation incontrôlable susceptible de déboucher sur un conflit planétaire. Le chef du Kremlin, hanté par la menace d’un naufrage économique et déjà résigné à la perte de son glacis est-européen, n’avait plus que deux objectifs en tête : sauver ce qu’il restait de l’Empire et arracher la promesse d’une aide financière massive des pays occidentaux.

    Aussi fit-il d’emblée une concession que son homologue américain n’avait peut-être jamais espérée : il se dit disposé à rapatrier les centaines de milliers d’hommes de l’Armée rouge stationnés chez les satellites européens de l’URSS, quelles qu’en fussent les conséquences politiques, à une unique mais impérative condition. Il exigea du président américain la promesse solennelle que les états-Unis ne mettraient à aucun moment ce retrait à profit pour avancer leurs propres troupes en direction des frontières soviétiques ou pour accepter l’entrée d’anciens pays membres du pacte de Varsovie dans l’OTAN.

    Le secrétaire d’Etat américain et homme de confiance de Bush, James Baker, se serait exclamé alors sur le ton de la plus parfaite sincérité : « Soyez-en certain, nous n’avancerons jamais d’un pouce. Pas d’un pouce ! » De l’aide financière attendue, le pauvre Gorbatchev ne vit jamais un seul dollar. Mais les concessions faites sur le Maxim Gorki, rapidement connues des organes de sécurité soviétiques, lui valurent la défection immédiate des derniers éléments de l’armée et du KGB qui lui étaient restés fidèles. C’est à ce moment-là que le dernier président de l’Union Soviétique signa son arrêt de mort politique.

    Agitation militaire

    Un demi-siècle plus tard, tous les anciens pays membres du Pacte de Varsovie ont adhéré à l’OTAN et – choix hautement symbolique ! – c’est dans cette dernière capitale que Barak Obama a décidé de rassembler l’ensemble de ses féaux européens à l’occasion du sommet annuel de l’Alliance atlantique qui s’ouvrira le 8 juillet. Objectif principal de cette réunion selon le chef de la diplomatie polonaise, Witold Waszczykowski : convaincre les principaux partenaires des états-Unis de la nécessité d’augmenter sensiblement leurs budgets de la Défense de manière à faire face « à la menace croissante d’une invasion russe ». Rien n’a d’ailleurs été négligé, depuis quelques mois, pour accréditer la thèse d’une offensive russe imminente : exercice Cold Response en Norvège du 19 février au 22 mars, avec la participation de 15 000 soldats et d’un énorme matériel.

    Manœuvres communes des armées américaine et finlandaise en mars. Enfin, au début de juin, sur les territoires de la Pologne et des trois états baltes, ex-Républiques soviétiques, organisation des manœuvres dites Anaconda, les plus spectaculaires menées par l’Otan depuis 1989 : 30 000 hommes des unités d’élite de 18 pays, 3000 véhicules, 105 avions et 15 navires patrouillant dans les eaux de la Baltique. Tout ce remue-ménage pour être en mesure de déclarer « opérationnelle », à l’ouverture du sommet de Varsovie, la nouvelle force Fer de Lance à haute réactivité, tournée exclusivement vers l’Est, dont la création avait été annoncée en 2014, au plus fort de la crise ukrainienne.

    Barak Obama avait donné le ton, dès sa rencontre du 25 avril dernier à Hanovre avec les principaux dirigeants européens, en appelant Angela Merkel – traitée tout au long de l’entrevue avec la considération due au chef naturel de l’Europe – à déployer une partie de l’armée allemande en Pologne et dans les pays Baltes ! Il se murmure d’ailleurs que François Hollande a été profondément humilié lors de ces entretiens par l’attitude condescendante affichée à son endroit par le chef de la Maison-Blanche dont il s’est pourtant employé à satisfaire toutes les exigences depuis son accession à l’Elysée.

    Dans une quasi-clandestinité, n’est-il pas allé jusqu’à faire adopter par le Conseil des ministres du 4 janvier 2016, puis par les quelques députés présents dans l’hémicycle du Palais-Bourbon, le 7 avril suivant, un projet de loi permettant la ré-adhésion de la France au protocole de 1952 fixant « le cadre juridique du stationnement des quartiers généraux de l’OTAN et de leurs personnels » ? En fait, ce texte rend à nouveau possible à l’avenir la réinstallation de bases américaines sur le territoire français.

    Dangereuse stratégie

    Cette soumission des Européens à la stratégie de la tension avec la Russie voulue par Washington sera illustrée de manière encore plus éclatante, lors du sommet de Varsovie, par l’annonce du passage sous responsabilité de l’OTAN du « bouclier antimissile » dont les Américains viennent de terminer la construction de la première base à Deveslu, en Roumanie, la seconde devant être achevée en Pologne d’ici à 2018. Le Wall Street Journal a révélé, il y a quelques semaines, combien le transfert des états-Unis à l’OTAN de ce prétendu système antimissile – en lequel Vladimir Poutine voit une menace directe pour la sécurité de son pays – provoquait l’inquiétude de nombreux hauts fonctionnaires français de la Défense qui ont multiplié les avertissements en direction de l’élysée. Pour ces derniers, il ne fait aucun doute que le contrôle effectif de ce « bouclier » de l’OTAN restera exclusivement entre les mains des hommes du Pentagone.

    Les états-Unis œuvrent-ils alors sciemment au déclenchement d’une guerre avec la Russie sur le continent européen que, selon la quasi-totalité des experts, les forces de l’OTAN seraient assurées de perdre en moins de quarante-huit heures ? L’hypothèse apparaît tellement folle que chacun cherche des motifs cachés aux propos bellicistes de Washington : volonté de ressusciter l’ancienne menace soviétique pour restaurer la cohésion d’une Alliance atlantique n’ayant plus vraiment de raisons d’être ?

    Désir de s’assurer le maintien de la servilité des principaux dirigeants européens ? Ou piège tendu au Kremlin pour l’amener à se lancer dans une nouvelle course aux armements au détriment d’une économie russe déjà gravement touchée par les sanctions occidentales et par la chute des prix du pétrole ? En attendant, force est de constater les ravages provoqués par une politique américaine aveugle et sourde aux réalités du monde : tandis qu’un climat de guerre froide se répand à nouveau en Europe, Moscou et Pékin se rapprochent de plus en plus étroitement dans une alliance de fait contre Washington. On a connu des diplomaties plus habiles… 

    Repris du numéro de juillet - Août de Politique magazine > Commander ici !

  • Défense d'Erdogan

    Erdogan posant dans son nouveau palais d'Ankara

     

    Par Péroncel-Hugoz

    Moins par esprit de contradiction que par goût de la logique, notre confrère risque un petit coup de dent contre les détracteurs systématiques du président Erdogan de Turquie. Cette position peut surprendre ou agacer, mais elle a sa logique. La détestation d'Erdogan par les Systèmes politico-médiatiques bien-pensants occidentaux ne tiendrait-elle pas simplement au fait que son régime est autoritaire, nationaliste et identitaire ? Après tout, sa politique intérieure est son affaire, pas la nôtre. L'analyser suffit à démontrer que la Turquie n'a pas sa place en Europe. Mais avons-nous à la morigéner parce qu'elle entend suivre sa voie propre souverainement ? LFAR     

     

    peroncel-hugoz 2.jpgOutre Daech, ennemi bien réel, l’Occident s’est trouvé deux autres adversaires de taille, peu ou prou fantasmés, eux : le « tsar » Poutine et le « sultan » Erdogan. Laissons le premier, que nous avons déjà défendu ici et attardons-nous quelques instants sur le second particulièrement, criblé de balles médiatiques depuis la tentative de putsch turque de mi-juillet. 
     
    Nombre de mes confrères euro-américains croient insulter Erdogan en le traitant de « sultan » ou en l’accusant d’« ottomanisme », ce en quoi ils tombent à plat chaque fois car le Sultanat ottoman (XVIe-XXe siècles) a été et reste le plus grand moment de gloire, civilisation et rayonnement de l’Histoire turque. Et il est patent que l’immense majorité des Turcs, y compris les républicains, majoritaires depuis Ataturk (au pouvoir à Ankara de 1922 à 1938), sont fiers des siècles ottomans que les écoliers turcs ne sont pas incités à dénigrer, tout au contraire. 
     
    Quant à l’époque actuelle, le régime établi par le parti politique légal d’Erdogan, est régulier par rapport aux impératifs démocratiques. Oui, vous diront des tas d’Occidentaux, mais Erdogan est « autoritaire » … Oh ! le vilain mot ! Faudrait-il que la démocratie turque, que le président Erdogan, soient « mous » ou « faibles » pour plaire aux commentateurs de Bruxelles, Washington, Londres ou Paris ? …  
     
    Même l’opposant intellectuel Nedim Gürsel, dont les romans en français sont lus à travers la Francophonie, a volontiers reconnu sur France-Inter, au lendemain du récent putsch raté, que la grande majorité des Turcs soutenaient  le président Erdogan, y compris son projet de rétablir éventuellement la peine capitale, abolie en 2004, par une décision souveraine d’Ankara. Et la patronne de la diplomatie bruxelloise, la signora Mogherini, a beau tempêter contre ce projet, la Turquie est pleinement souveraine et elle fera ce que décideront son président, son gouvernement et son parlement.  Les 27 Etats-membres de l’Union européenne n’ont plus, eux, cette liberté depuis qu’ils ont abdiqué une bonne part de leurs droits souverains entre les mains de l’obscure, non-élue et toute-puissante « Commission européenne » … 
     
    Ajoutons à ce tableau que la Turquie en est à 6% de croissance annuelle, que ses exportations ne cessent d’augmenter, que son armée est une des meilleures du monde, etc, etc. J’y ajouterai encore l’aura dont jouit la Turquie erdoganienne à travers nombre de pays d’Islam. Chaque fois que je suis pris pour un Turc à Rabat ou Casa, dans un train, un taxi ou un café, avant même que j’ai eu le temps de démentir, je suis couvert d’éloges et de félicitations pour Erdogan et sa politique de dragée haute à l’endroit des Etats-Unis d’Amérique, d’Israël ou de l’Union européenne. Les nombreux Marocains visitant ces temps-ci la Turquie, qui ne leur demande pas de visa, reviennent en général éblouis par la civilisation ottomane, et aussi frappés par l’ambiance de travail, de sérieux, de dignité, de sérénité émanant du peuple turc. Tout cela ne date pas d’Erdogan bien sûr, mais cet homme d’Etat volontariste et nationaliste, a su s’appuyer sur ces qualités populaires pour installer son pouvoir. « Les chiens aboient, la caravane passe … » Ce proverbe est aussi turc. 

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le 360 du 29.07.2016

  • Le FLNC et les islamistes en Corse : quand l'Etat ne terrorise pas les terroristes...

     

    Non, nous ne soutenons pas l'indépendantisme corse, ni le FLNC. Face au terrorisme, il y a pourtant des choses qui, en certaines circonstances, sont bonnes à dire, qui avertissent les tueurs, qui leur signifient la détermination d'un peuple à se défendre, à répliquer aux agressions. Après tout, peut-être la mise en garde des Corses, dont on sait qu'elle doit être prise au sérieux, évitera-t-elle les drames que nous avons connus, sur le continent. Ou quelques-uns d'entre eux. Cela sera sans-doute plus efficace que les larmes, les fleurs, les bougies et les hommages dont les médias organisent systématiquement et continûment le concert, pour empêcher toute réaction populaire digne de ce nom.  LFAR  •

     

    Ce que le FLNC a dit aux islamistes ...

    « Votre philosophie moyenâgeuse ne nous effraie pas. L'amalgame n'existe que dans l'esprit des faibles et le peuple corse est fort (...) Sachez que toute attaque contre notre peuple connaîtrait de notre part une réponse déterminée sans aucun état d'âme »

  • Politique magazine : c'est aussi un site à lire, consulter régulièrement, faire connaître ...

     

    Couverture du numéro de juillet-août de Politique magazine

     

    Une présence sur le net : le site quotidiennement actualisé  de Politique magazine.

    Ce site - qui correspond parfaitement à ce que doit être la version numérique d'un mensuel de la qualité de Politique magazine - vit, se développe et se renouvelle rapidement. Il s'agit là de toute évidence,  de la réalisation d'une véritable équipe, large, jeune, intelligente et dynamique qui donne à réfléchir sur la politique, l'économie, les idées, l'art et la culture, les faits de civilisation. Bref, il en résulte un site que l'on trouve plaisir et intérêt à consulter régulièrement. Nous lui empruntons souvent ses articles qui nous ont le plus retenus.   

    Politique magazine l'a présenté dans les termes reproduits ci-dessous. 

     logo copie.jpg

    www.politiquemagazine.fr

    Découvrez le site de Politique magazine, mensuel de référence de l’actualité politique depuis plus de 10 ans.

    Fier du succès de son site actuel, Politique magazine entend donner un élan plus puissant à la diffusion de ses idées. Son objectif est clair : faire entendre une voix discordante dans le paysage médiatique monocorde d’aujourd’hui. Au cœur de sa réflexion, la question de la légitimité républicaine. Elle se pose, gravement, face à la succession des échecs des différents gouvernements.

    Pensé pour la commodité et l’agrément de ses lecteurs, vous retrouverez sur ce nouveau site :

    Une information régulièrement mise à jour, autour de trois axes principaux :  

    « Le meilleur des mondes », où figurent des articles sans concession centrés sur l’actualité politique, sociale et économique ;

    « Idées » où sont rassemblés les textes les plus représentatifs de Politique magazine, qui pense que la politique, au sens vrai du terme, fait la sagesse des gouvernements ;

    « Civilisation » où se retrouvent des critiques et commentaires de l’actualité culturelle. 

    L’ensemble des articles publiés dans Politique magazine, accessibles gratuitement pour tous les abonnés grâce à un identifiant et un mot de passe personnel.

    La liberté d’organiser votre lecture. En cliquant sur les « tags » (thèmes sur fond rouge sous chaque titre d’article), vous obtenez en un instant tous les articles autour d’un même sujet !

     La possibilité de vous exprimer en laissant des commentaires sous chaque article.

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    Pour tout renseignement sur les nouvelles possibilités du site de Politique magazine, écrivez-nous à cette adresse contact@politiquemagazine.fr ou appelez au 01 42 57 43 22.   

  • Traditions • Culture • Loisirs ...

  • Religion & Société • Le cardinal Vingt-Trois a trop parlé ! Voilà encore de quoi indigner la doxa ...

    Homélie à Notre-Dame, Paris, le 27 juillet 2016

    A lire aussi sur Lafautearousseau ...

    Le cardinal Vingt-Trois a trop parlé ! D'où l'indignation de la doxa ...

    Photographie la plus marquante de la semaine selon le Figaro Magazine : La Messe de Notre-Dame ...

    Vous avez dit « valeurs » ? « Soupçon » ? « Discutables » ... ?

  • Société • L'Islam est étranger à la civilisation française. Pourquoi ne pas l'admettre une fois pour toutes ?

     

    Par Gilbert CLARET

    Un commentaire, reçu sur Lafautearousseau vendredi 29, qui a retenu notre attention parmi ceux de ces derniers jours, nombreux et souvent excellents. Un regard raisonnable, clair, pondéré et néanmoins très ferme, sur le rapport de la société française à l'Islam. Il nous a paru important de le donner à lire au plus grand nombre de lecteurs de Lafautearousseau. Même si l'heure est plutôt à l'affrontement qui nous est tragiquement imposé, qu'à la réflexion sereine. Mais sans-doute faut-il considérer que l'une et l'autre ne s'excluent pas.  LFAR   

     

    L'Islam est étranger à la civilisation française. Pourquoi ne pas l'admettre une fois pour toutes ?

    Cette admission était implicite dans la rupture politique avec le concept d'Algérie française. L'Algérie aux algériens, la France aux français. De Gaule l'avait parfaitement compris et mise en pratique tel un homme d'Etat digne de ce nom..

    Ceci étant posé, la France, fidèle à sa tradition d'ouverture d'esprit universel, pouvait et pourrait encore parfaitement accepter qu'une petite minorité de musulmans vivent sur son sol, disons dans une proportion de 2% ou 3% de la population française, telle une curiosité intéressante permettant de débattre sur les mérites et particularités ou bizarreries de cette religion si peu conforme à nos religions judéo-chrétiennes, mœurs, mentalités et formes de pensée bimillénaires, sans prétendre nier les apports estimables  arabo-berbéro-ottomano musulmans dans les arts, les sciences, l'architecture et la littérature notamment.

    Jacques Chirac, après avoir nié contre toute évidence les racines chrétiennes de l'Europe, a eu l'audace d'ajouter contre la conviction intime des Français, que ses racines étaient autant musulmanes que chrétiennes. Jacques Chirac, parlant au nom de la France, parangon de la haine de soi au sommet de l'Etat ! Il est temps pour la France de recommencer à être elle-même et à s'aimer dans ses racines bimillénaires. Comme l'énonce un sage adage : « soyez vous-même, les autres sont déjà pris ».

  • Livres • Au-delà des droits de l’homme de Alain de Benoist

    Cliquez pour acheter

     

    par Aristide Leucate
     

    3266751844.jpgIl est vivement recommandé de se plonger dans cet essai conséquent ; réédition augmentée d’un livre paru pour la première fois en 2004, qui, au-delà de l’heureuse et optimiste invite de l’auteur à recouvrer « la liberté des Anciens » chère à Benjamin Constant, apporte un précieux argumentaire à opposer aux tenants actuels et nombreux des creuses et débilitantes incantations que sont la République et ses supposées « valeurs ».

    La force du propos réside dans la réfutation exemplaire des droits de l’homme en tant que préceptes incréés, principes transcendantaux, proverbes canoniques a priori préexistant aux hommes. « Aucun État ne saurait les créer, les octroyer ou les abroger, puisqu’ils sont antérieurs et supérieurs à toute forme sociale et politique ». Ce n’est d’ailleurs pas le moindre des paradoxes révolutionnaires que d’avoir voulu extirper Dieu de la conscience humaine pour lui substituer la Raison prétendument « naturelle » éclairée ex nihilo par on ne sait quelle entité démiurgique à laquelle, par exemple, un certain Robespierre vouait un culte sous le nom de l’Être Suprême.

    La Déclaration des droits de l’homme de 1789, parce qu’elle « marque en un sens le triomphe de l’Individu » majuscule, selon l’observation de Louis Dumont, « correspond à une étape fondamentale de la mise en place d’une modernité qui s’est posée comme déconstruction systématique des siècles communautaires », en conclut fort logiquement de Benoist. En cela, l’avènement des droits de l’homme constitue l’épiphanie de la postmodernité qui adviendra, soit, comme l’écrit Pierre le Vigan, « l’intensification de la modernité » se traduisant par un fétichisme fanatique du progrès et l’affranchissement enfiellé de toutes les limites innées et acquises, biologiques et culturelles.

    On saura gré à Alain de Benoist de retracer la généalogie philosophique et politique d’une véritable idéologie dont le caractère protéiforme et l’intarissable plasticité procédurale et discursive consacrent de façon permanente le règne sans partage du relativisme absolu. Tout se vaut à l’aune de sa propre souveraineté individuelle. Le bien commun se dilue dans une volonté générale qui n’est, finalement, que la subsumption des intérêts particuliers forcément égoïstes. La hiérarchie cède le pas au contrat et à ses corollaires : la liberté (et son extrémité libertaire) et l’égalité (et son excroissance antidiscriminatoire). C’est ainsi que l’on parvient à inscrire dans le marbre de la loi la reconnaissance du « mariage » homosexuel, au nom de ce que Heidegger appelle une « métaphysique de la subjectivité ».

    À ce stade de la réflexion, l’on s’interroge sérieusement sur ce que l’on ne peut craindre, désormais, d’appeler la fiction narrative des droits de l’homme, d’autant que l’historicité du concept a emprunté successivement à divers mythes supposés fondateurs (dans l’acception littérale du terme), comme la Raison, la dignité humaine ou l’humanité. « Or, si les droits de l’homme ne peuvent être fondés en vérité, leur portée s’en trouve fortement limitée : ce qu’ils peuvent avoir de juste se trouve ruiné d’emblée par l’incapacité à démontrer la vérité de leurs fondements. Ils ne sont plus que des « conséquences sans prémisses », comme aurait dit Spinoza ». Magistral !

    À la lecture de cet essai, on prend clairement la mesure de cette mystique démocratique (pour parler comme Louis Rougier) aux effets d’autant plus émollients sur l’esprit public qu’il l’a moralement avachi jusqu’à la veulerie. Dès lors, on ne doit guère s’étonner de l’innocuité de son discours face à un islam étendant sereinement son emprise. 

    Docteur en droit, journaliste et essayiste
    [Boulevard Voltaire, 30.07]