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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1172

  • L’extrême centre, le populisme des élites

     

    296519203 - Copie.jpg C'est, selon son habitude, à une fine analyse que Roland Hureaux se livre ici [Causeur - 20.05]. Nous sommes familiers de sa pensée politique depuis qu'il fut l'un des participants du colloque d'Action française du 7 mai 2016, à Paris. On parle souvent des populismes, de droite ou de gauche, comme de menaces extrémistes ; moins de celle incarnée par l’idéologie libérale majoritaire. Roland Hureaux considère que la menace qu'incarne l’extrême centre s’avère pourtant plus dangereuse et mériterait d’être reconsidérée… Il nous paraît avoir bien raison.    LFAR

    Par Roland Hureaux

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    « Il se fait passer pour raisonnable mais présente les dangers de toutes les idéologies ».

    C’est une chose entendue chez les gens de bon ton, dans les classes dirigeantes occidentales : il faut se méfier des extrêmes, ils sont dangereux. L’extrême droite évoque le spectre du nazisme (à supposer que le « parti socialiste national des travailleurs allemands » d’Hitler ait été vraiment de droite), l’extrême gauche le spectre du stalinisme ou du maoïsme.

    Non seulement, ils sont dangereux, mais ils véhiculent, dit-on, des sentiments mauvais, « nauséabonds »: ils sont le parti de la haine.

    Le peuple et son contraire

    Le populisme, qui ambitionne d’exprimer le sentiment populaire, porte généralement des idées jugées extrémistes en particulier quand il remet en cause l’ordre libéral international ou encore la construction européenne ou l’euro : il sent mauvais. Pour tout dire, comme son nom l’indique, il sent le peuple. Il faut s’en méfier comme de la peste. Dans notre géographie idéologique, les personnes convenables ne sauraient se mêler à lui.

    Face aux extrêmes, les centristes de toute nature sont, eux, des gens bien élevés : ils s’inscrivent dans le « cercle de la raison » tracé par Alain Minc. Ils ne rejettent ni l’euro ni l’Europe de Bruxelles, pas même l’Otan ou le libre-échange, encore moins la mondialisation, nécessairement heureuse. Pour parler comme Karl Popper, ils sont partisans de la  société ouverte et non de la  société fermée. La société, c’est comme le visage qu’il vaut mieux  avoir ouvert que fermé.

    L’illusion de la modération

    Les hommes du centre représentent une idéologie libérale très convenable. Dangereuse illusion.

    D’abord parce que le rattachement des idées de la droite ou de la gauche fortes aux totalitarismes du passé, que généralement ces courants récusent, est hasardeuse. Une personnalité aujourd’hui aussi peu contestée que le général De Gaulle fut, tout au long de sa carrière, suspectée, voire accusée de menées fascistes ; nous mesurons aujourd’hui l’absurdité de ce procès.

    Ensuite et surtout parce que le libéralisme auxquels se réfèrent les gens convenables a, lui aussi, pris au fil des ans le caractère d’une idéologie ; c’est cette idéologie que nous appelons l’extrême centre.

    L’extrême centre, une idéologie comme les autres

    Une démarche idéologique se reconnait à plusieurs caractères : des idées trop simples, comme par exemple la suppression de la propriété privée ou le libre-échange universel, avec souvent des effets collatéraux désastreux : l’oppression totalitaire ou la régression économique dans le cas du libéralisme européen. Au bout, le rejet des peuples : hier les dissidents, aujourd’hui les gilets jaunes.

    Mais il est un caractère de l’idéologie qui, plus que les autres, ne trompe pas, c’est l’intolérance, le refus de conférer quelque respectabilité que ce soit aux positions adverses. Car toute idéologie est un projet messianique : l’ambition de transformer radicalement  la condition humaine, par la suppression de tel ou tel fondamental anthropologique : la propriété, la nation, ou l’instauration de la démocratie libérale. L’opposition aux idéologies n’est pas une opinion parmi d’autres ; elle est tenue par ses partisans pour un obstacle à une ambition  mirifique. Les ennemis du communisme  étaient des « vipères lubriques ». Ceux du libéralisme, assimilé à tort ou à raison aux constructions supranationales sur lesquelles repose l’Occident : Otan, Union européenne, etc. sont relégués dans les ténèbres extérieures où ont sombré  les gens infréquentables. Infréquentables, c’est-à-dire qu’aucun débat n’est permis avec elles. Dix prix Nobel d’économie ont contesté la pertinence de l’euro ; il n’est néanmoins pas permis d’en débattre ; sur l’euro, l’intimidation des opposants est telle que le Parti communiste  et le nouveau Front national (Rassemblement national) n’osent plus le remettre en cause.

    La menace fantôme

    Cette véhémence contre les opposants a son volet national. L’idéologue a besoin d’adversaires diaboliques. Porteur d’une vision eschatologique qui doit faire passer des ténèbres à la lumière, il ne supporte pas d’être mis en échec. La moitié néo-conservatrice (ou ultralibérale) de l’opinion américaine, qui a  soutenu Hillary Clinton, n’a toujours pas digéré la victoire de Trump, voué aux gémonies : l’idéologie amène la grande démocratie américaine au bord de la partition. La même véhémence a aussi un volet  international : porteuse d’un projet universel, l’idéologie ne supporte pas non plus les résistances extérieures à son projet universel. A intervalles réguliers, l’idéologie dominante occidentale désigne un bouc émissaire tenu pour l’ennemi de l’humanité et lui fait la guerre ; elle a besoin de produire des monstres pour se justifier : de Bachar el Assad à Vladimir Poutine, pour ne prendre que de récents exemples. Ceux qui, aux Etats-Unis et en Europe occidentale sont les plus agressifs vis-à-vis de la Russie sont, sur le plan intérieur,  des centristes.

    Le bilan des guerres des vingt dernières années est accablant : elles ont fait des centaines de milliers de morts. Aucune pourtant n’a été déclarée par des extrémistes, presque toutes par des idéologues du « mainstream ». En tous les cas, en Europe au moins, elles ont reçu le soutien de courants centristes et le désaveu de ceux que l’on taxe d’extrémisme.

    On dira que Bush fils et son âme damnée Dick Cheney, responsables de la  guerre d’Irak (2003) étaient des extrémistes – peut-être mais les Clinton, Obama et leurs émules  européens  qui  ont soutenu leurs entreprises : Blair, Hollande, Macron, Merkel, Juncker étaient tenus à des degrés divers pour des modérés.

    Les moins démocrates d’entre tous ?

    A l’inverse, les présidents américains qui sont passés pour des hommes de la droite dure, Nixon, Reagan et jusqu’ici Trump n’ont, à la différence des précédents,  déclenché aucune guerre mais, au contraire, en ont terminé plusieurs.

    Quand la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright dit en 1996 que le renversement de Saddam Hussein méritait qu’on lui sacrifie la vie de plus de 500 000 enfants irakiens, elle exprime l’opinion d’une centriste.

    Avant même de faire des guerres, certains centristes s’avèrent des gens dangereux : le chercheur américain David Adler n’a-t-il pas montré que l’électeur du centre, aux États-Unis, était le moins attaché à la défense de la démocratie ? Ce qui est assez logique s’agissant d’un idéologue certain d’avoir raison et donc intolérant à toute opposition. 

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    Roland Hureaux
    est essayiste
  • Affaire Vincent Lambert • Après un dernier coup de théâtre

     

    Si l'on met à part les motivations voire les passions religieuses ou antireligieuses, la science médicale elle-même, ou encore le débat juridique, reste, peut-être, en dernière analyse, la liberté des familles de décider pour la vie ou la mort de leurs proches dans des circonstances extrêmes ou ultimes. Il est possible de penser, sous ce simple point de vue, que personne d'autre n'a à en décider. Nous n'allons pas au-delà de cette perspective.  LFAR    

  • Faut-il vraiment voter ?

    par Louis-Joseph Delanglade

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    « La meilleure raison d’aller voter dimanche, c’est de pouvoir voter pour toute liste franchement hostile à la nature même de l’Union européenne ».  

    À une semaine des élections européennes s’impose d’abord l’évidence d’un énième scrutin caricatural.

    D’abord, le résultat ne représentera en aucun cas « les Français » : si M. Macron a été élu en 2017 avec un peu plus de 40% des inscrits, loin donc de la majorité arithmétique tant vantée en démocratie, les projections les plus crédibles pour ce 26 mai sont de 40% de participation et de 20% à 25% pour les deux listes de tête réunies. Face au silence du peuple, quel crédit accorder décidément à un tel système ? Autre évidence, le caractère très politicien de l’événement : même s’il n’y a aucune « connivence » de fond entre RN et LaREM, l’accaparation de fait du débat par le duo suscite de la part de ses concurrents les mêmes critiques que suscitaient naguère les vrais-faux duels de l’UMPS. Et l’entrée en lice de M. Macron, Jupiter au petit pied pour le coup, soutenu par une coalition hétéroclite de chevaux de retour (entre autres, les Cohn-Bendit, Juppé, Raffarin, Guigou et sans doute Royal), est la preuve que le vieux monde est plutôt du côté du pouvoir et du système. 

    Par ailleurs, l’appel au « vote utile » lancé par certaines têtes de liste a eu pour conséquence d’interdire tout débat de fond - qu’on eût pourtant apprécié. Mais comment débattre, de toute façon, quand le beau nom d’Europe, galvaudé, n’est plus que le paravent de toutes les incongruités et inconséquences ? On imagine ce qu’aurait pu être une joute intellectuelle entre un Glucksmann dont l’amour pour la France n’a rien d’évident (« Quand je vais à New-York ou à Berlin, je me sens plus chez moi culturellement, que quand je me rends en Picardie » - Arte, 22 octobre 2018) et un Bellamy qui a eu « le coeur intelligent » de voir dans l’Iliade et l’Odyssée le symbole de la haute idée qu’il se fait de l’Europe (France 2, 4 avril). Le meilleur et le pire. Inutile d’épiloguer sur M. Glucksmann, tout le monde ne peut pas être Finkielkraut. Quant à M. Bellamy, certainement digne d’estime, son parti a été celui de toutes les trahisons et de tous les échecs, notamment avec MM. Chirac et Sarkozy. De plus, et cela devrait rassurer M. Legrand, l’éditorialiste bobo-gaucho de France Inter (16 mai), on peut penser que les vieux crabes qui grouillent et magouillent encore chez Les Républicains ne le laisseront pas longtemps défendre « les racines chrétiennes de l’Europe ». 

    ue.jpgEn se fondant sur les intentions de vote (30% pour « le bloc souverainiste » contre 14% pour « la droite traditionnelle »), notre ami en politique, Eric Zemmour, prédit pour la France un « renversement exceptionnel » (RTL, 17 mai). Battre LaREM et enfoncer les Républicains, voilà qui peut paraître, pour certains, une motivation suffisante. Cependant, puisqu’il est quand même question d’Europe, précisons que la meilleure raison d’aller voter dimanche, c’est de pouvoir voter pour toute liste franchement hostile à la nature même de l’Union européenne et susceptible d’avoir des élus. Mme Keller, sénatrice ex-LR, ralliée à M. Macron, candidate LaREM avance (France Inter, 19 mai) comme on brandit un chiffon rouge le chiffre de 30% de députés européens relevant de la « mouvance » identitaire, nationaliste, populiste, souverainiste, illibérale, etc. C’est sans doute exagéré mais ce qui est probable, c’est une forte présence. Sans qu’il y ait lieu d’accorder à ces élus un quelconque autre crédit, leur « pouvoir de nuisance » (lié à leur nombre)  à l’encontre de la technostructure européiste sera le bienvenu, tant il est vrai qu’une Europe pleinement assumée, dans son propre passé et sa propre diversité, passe par la fin de l’Union dans sa version actuelle. 

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  • Mathieu Bock-Côté : Le néoféminisme policier

    Par Mathieu Bock-Côté 

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    Cette chronique de Mathieu Bock-Côté - de celles que nous reprenons souvent pour leur pertinence - est parue dans le Journal de Montréal du 15 mai. Qu'on le lise ! Tout simplement. LFAR  

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    « Il incarnait un homme ne doutant pas d’être un homme »  

    Alain Delon est une figure majeure du cinéma français des dernières décennies. Il a tourné avec les plus grands réalisateurs et porté les plus grands rôles.

    Il incarnait par ailleurs une forme de virilité mythique, magnétique, animale. Il faut regarder à ce sujet son éloge il y a quelques semaines par l’animatrice française Sonia Mabrouk sur la chaîne CNews — on le trouvera sur YouTube.

    Delon

    Alain Delon est ce qu’on appelle un monstre sacré. Et le Festival de Cannes a décidé de lui remettre cette année la palme d’honneur. C’est une manière de couronner sa carrière. Le tout aurait dû se passer dans la joie et l’allégresse.

    C’était sans compter les vigilantes les plus motivées du néoféminisme policier à l’américaine. Pour protester contre l’honneur fait à Alain Delon, Women and Hollywood, une association militante, a lancé une pétition qui a vite rassemblé plusieurs dizaines de milliers de noms.

    On reproche à Alain Delon des prises de position politiques au fil du temps — la plupart sont décontextualisées. Je résume en un mot : on lui reproche de ne pas être de gauche et de ne pas avoir les opinions recommandées sur les questions politiques qui aujourd’hui dominent l’agenda.

    On aurait envie de dire : qu’importe ! Qu’importe que ce grand acteur soit de gauche, de droite, de centre ou d’ailleurs ? Qu’importe qu’il ait aussi dit d’authentiques conneries ? On célèbre ici un acteur et son art, pas un militant politique et son engagement ! Les honneurs et les hommages doivent-ils être réservés aux hommes et aux femmes qui sont du bon côté de l’époque ? Est-ce qu’un artiste devient d’un coup indigne de notre admiration s’il ne va pas dans le sens du progrès ? Aurons-nous encore demain le droit de lire Balzac, Flaubert, Muray ou Houellebecq ?

    On peut être certain que l’immense majorité des signataires qui dénoncent Delon ne connaissent pas grand-chose à son œuvre. D’ailleurs, les Américains s’intéressent rarement à autre chose qu’eux-mêmes et lorsqu’ils le font, c’est pour reprocher au monde de ne pas se soumettre à leurs codes culturels.

    Mais les signataires cèdent au réflexe pétitionnaire débile qui consiste à vouloir lyncher médiatiquement tous ceux qui s’écartent du politiquement correct. C’est au nom de la tolérance que se déchaîne aujourd’hui la tentation de l’intolérance.

    Heureusement, les autorités du Festival de Cannes se tiennent debout et ne reculent pas. Elles dénoncent la police politique à l’américaine. Elles clament le droit pour un homme de penser ce qu’il veut, elles rappellent que les propos scandaleux d’aujourd’hui ne l’étaient pas hier, elles ajoutent que célébrer un artiste ne consiste pas à proclamer qu’il est un saint.

    France

    En gros, poliment, mais fermement, elles rappellent que la France n’est pas l’Amérique et n’a pas l’intention de se soumettre au puritanisme qui domine aujourd’hui l’empire de notre temps.

    Vive la France qui sait dire non aux censeurs !

    Si la controverse s’était passée au Québec, on peut être assuré que nos élites se seraient couchées devant la meute et excusées d’avoir eu l’idée de penser autrement qu’elle.   ■

     

    Le-nouveau-regime.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politiqueaux éditions du Cerf [2016] et le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).   
  • Les Bourses mondiales prises au piège dans un champ de mines

    Par Marc Rousset    

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    « La réalité, c’est que la guerre commerciale et technologique, avec comme enjeu la domination du monde, a été déclarée par Trump et que rien ne pourra plus l’arrêter. »

    Les Bourses mondiales jouent au yo-yo depuis deux semaines, au gré des rebonds de la guerre commerciale sino-américaine, des inquiétudes sur la croissance, avec en toile de fond de nombreux fondamentaux économiques qui sont toujours aussi catastrophiques.

    En fait, les marchés financiers sont périodiquement rattrapés par les réalités et la peur gagne du terrain. Le VIX (Volatility Index), appelé aussi indice de la peur, qui mesure la volatilité à Wall Street a progressé de plus de 25 %, ces derniers jours.

    Après l’échec des pourparlers sino-américains et les hausses de droits de douane, la Chine n’a pas hésité, à son tour, à taxer 60 milliards de dollars d’importations américaines. Le ton devient de plus en plus belliqueux et la Chine se dit prête à mener cette guerre. Un accord est toujours possible d’ici quelques mois entre Trump, qui est en position de force, suite au déséquilibre commercial USA/Chine de 383 milliards de dollars en 2018, et Xi Jinping, mais ce ne sera qu’un accord de façade.

    La réalité, c’est que la guerre commerciale et technologique, avec comme enjeu la domination du monde, a été déclarée par Trump et que rien ne pourra plus l’arrêter. Trump vient de surenchérir en tentant de neutraliser la société Huawei, acteur incontournable des réseaux mobiles et de la 5G. Trump souhaite priver l’équipementier chinois de la technologie américaine afin de l’asphyxier.

    La Chine dispose, cependant, de l’arme atomique pour faire plier Trump, en vendant son énorme portefeuille de bons du Trésor américain qui s’élève à 1.130 milliards de dollars, soit 17,7 % de la dette publique américaine, ce qui entraînerait l’effondrement du dollar, mais en même temps la revalorisation du yuan, ce qu’a toujours voulu éviter Pékin, en maintenant un taux de change bas du yuan afin de favoriser ses exportations. Il faudrait aussi que la Chine ait préalablement réduit sa dépendance au marché américain. De plus, Pékin se tirerait une balle dans le pied, suite à la perte de valeur de ses obligations en dollars toujours détenues. La vente en masse d’obligations américaines par la Chine correspondrait à une guerre économique totale et à la mise à mort de Wall Street.

    Au cours des quatre premiers mois de l’année 2019, selon l’agence Bloomberg, les entreprises chinoises ont fait défaut sur leurs obligations nationales pour un montant de 5,2 milliards d’euros, soit un chiffre trois fois supérieur à celui de 2018. Un krach obligataire n’est donc pas exclu en Chine, même si l’État chinois fera tout pour l’éviter.

    En Italie, les taux d’emprunt de l’État sont repartis à la hausse après les déclarations suicidaires de Salvini sur le déficit : « Dépasser la limite de 3 % ? Il est de mon devoir de nous affranchir de quelques contraintes européennes qui affament des millions d’Italiens. Non seulement de la limite du déficit à 3 % du PIB, mais aussi des 130-140 % de la dette publique. Ce n’est pas un droit, c’est un devoir. » Salvini a déjà menacé, il y a quelques mois, de prendre le contrôle des réserves d’or du pays. Le résultat a été immédiat : la différence entre les taux d’emprunt à dix ans de l’État italien avec ceux du Bund allemand est monté à 2,92 %, son plus haut niveau depuis décembre 2018, lors du bras de fer avec Bruxelles.

    Avec 0,1 % de croissance en 2019, dans un pays où les banques sont très fragiles et où le PIB par habitant stagne depuis dix-huit ans, le déficit italien pourrait atteindre 2,5 % en 2019 et 3,5 % en 2020. Suite aux tensions entre la Ligue et le M5S, l’Italie pourrait se diriger tout droit vers la chute du gouvernement en juin et un retour aux urnes le 29 septembre au plus tard. À noter que la crise italienne n’est que la partie visible de l’iceberg européen. Des menaces pèsent aussi sur le Portugal, la Grèce, l’Espagne et la France. En Grèce, on n’a fait que reporter les dettes de dix ans.

    La BCE, elle, ruine les épargnants avec des taux d’intérêt ridicules, paie les banques avec des taux d’intérêt négatifs pour qu’elles prêtent à une économie atone, masque l’insolvabilité des États déficitaires qui, comme la France de Macron ne contrôle plus les dépenses publiques, préserve de la faillite un grand nombre d’entreprises non rentables et prépare l’opinion à une fuite en avant vers la création monétaire, ce qui conduira à l’hyperinflation et à l’écroulement final. ■ 

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    Économiste
    Ancien haut dirigeant d'entreprise
  • Culture • Loisirs • Traditions

    Ce visuel a pour seul objet de marquer l'unité des articles du samedi et du dimanche, publiés à la suite ; articles surtout culturels, historiques, littéraires ou de société. On dirait, aujourd'hui, métapolitiques. Ce qui ne signifie pas qu’ils aient une moindre importance.  LFAR

  • Politique & Société • Patrick Buisson : « Pour la première fois depuis très longtemps se pose, en France, la question de la légitimité du pouvoir »

    Patrick Buisson au colloque de l'Action française du 11 mai à Paris

    Le 11 mai, à Paris, devant la jeunesse royaliste militante et de nombreux cadres et anciens du Mouvement d'Action Française, qui organisait un colloque de la plus grande actualité, Patrick Buisson a prononcé un discours de haute volée qui a captivé et enthousiasmé les participants.

    De son côté, Boulevard Voltaire a eu l'heureuse initiative  de tendre son micro à Patrick Buisson. Celui-ci s’exprime à brûle-pourpoint sur la notion d’autorité et de légitimité du pouvoir, en particulier dans le contexte de la crise des gilets jaunes, donnant de précieuses clés d’analyse de la situation française actuelle. Pour lui, « le service du bien commun doit être conçu comme un sacrifice »… Ci-après, vidéo et texte. Évidemment, de la plus haute importance.  LFAR 

     

     

    Pour la première fois depuis très longtemps se pose, en France, la question de la légitimité du pouvoir. Le pouvoir n’est pas simplement la potestas, l’exercice du pouvoir, c’est aussi l’auctoritas, quelque chose qui transcende et légitime ce pouvoir.

    Or, la dissociation entre les deux n’est jamais apparue aussi évidente. Je parle en termes de politologie. Les Français ont ressenti un problème de légitimité. Macron l’a aussi ressenti, il a essayé de resacraliser le corps physique du roi, du chef de l’État en essayant de lui donner une dignité qu’il semblait avoir perdue avec ses prédécesseurs.

    Cela ne suffit pas dans la mesure où l’auctoritas n’est pas simplement ce qui grandit, mais ce qui civilise l’usage du pouvoir. L’idée fondamentale est que l’exercice du pouvoir doit passer par une ascèse. Le service du bien commun doit être conçu comme un sacrifice.

    Les Français n’ont pas le sentiment de percevoir ce service à travers les trois ou quatre derniers présidents de la République qui se sont succédé. On ne peut pas rétablir l’autorité comme fonctionnalité si on ne la rétablit pas comme transcendance et si on ne donne pas au peuple les raisons d’estimer leurs dirigeants.

    C’est le point central de la légitimité, à savoir l’estime qu’on peut avoir du service rendu au bien commun. Cette estime-là est dissoute. Elle a disparu, n’existe plus et pose la question fondamentale de la légitimité du pouvoir. Il n’est pas étonnant que ceux qui ne sont pas prisonniers de nos vieux débats et de nos vieilles querelles se tournent, aujourd’hui, vers une réflexion où les a priori et les postulats qui avaient prévalu jusqu’ici n’ont plus la même force.

    Pensez-vous que le mouvement des gilets jaunes est un symptôme de ce que vous venez de décrire ?

    Oui, parfaitement. Il est rare de voir un mouvement social s’accompagner d’une demande de refondation du politique. Le référendum d’initiative populaire ou citoyenne est la volonté de se réinstituer en tant que sujet politique. C’est être maître et acteur de son propre destin. C’est la volonté du peuple d’être gouverné selon ses intérêts propres et non pas selon les intérêts privés. Cela fait partie de la singularité du mouvement et de son originalité. Aucun mouvement social ne s’était risqué jusqu’à présent sur ce terrain. 

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  • Société & Nation • Un moment de communion nationale

    par Gérard Leclerc

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    « Saisissons au moins la grâce de ces instants exceptionnels où nous honorons ce qu’il y a de meilleur chez nous. »

    En évoquant hier les multiples violences qui nous assaillent, aussi bien à l’extérieur de notre pays qu’à l’intérieur, sans oublier les causes morales qui peuvent nous diviser profondément, on pouvait s’interroger sur la possibilité d’une paix durable entre citoyens. À l’horizon, nous sommes menacés par d’autres nuages noirs, annonciateurs de nouveaux orages. Je mentionnais rapidement, trop rapidement, la question de l’euthanasie, dont l’affaire Vincent Lambert constitue une illustration. La lecture de l’essai de Natalia Trouiller, intitulé Sortir ! [1] m’a personnellement beaucoup frappé par son insistance sur le sujet. Les chrétiens doivent s’emparer au plus vite de la fin de vie, car le tournant de civilisation qui s’annonce, déjà anticipé dans plusieurs pays d’Europe, implique un déni anthropologique radical, en ce qui concerne notre corps et notre rapport à la mort. Nous serons obligés de revenir très vite sur ces enjeux de fond.

    Mais alors sommes-nous condamnés à nous opposer interminablement dans des combats entamant toute possibilité d’unité dans l’accord des esprits et des cœurs ? N’est-ce pas la règle cruelle de l’histoire ? Les générations qui nous ont précédés ont sans doute connu pire que nous. Dans mon enfance, j’ai entendu les récits d’anciens de la Première Guerre mondiale. C’était effroyable. Pourtant, c’étaient de véritable héros, qui se retrouvaient devant nos monuments aux morts. Des héros qui n’avaient eu d’autres tâches que de tuer l’ennemi avant que l’ennemi prenne les devants pour les tuer.

    Pourtant, il existe des moments de communion nationale, car la nation constitue un espace de solidarité large, au-delà de nos querelles. Je pense à l’émotion unanime qui a soulevé le pays le soir de l’incendie de Notre-Dame. Quelque chose alors a jailli comme une reconnaissance d’appartenance commune. Y avait-il un sentiment de cet ordre hier, au moment où l’on accueillait dans la cour des Invalides les cercueils de nos deux héros nationaux, Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, morts pour délivrer des otages aux mains de l’ennemi djihadiste ? Toute la France était là représentée et communiait dans la reconnaissance de ces vies offertes. Cela avait déjà été le cas avec le colonel Beltrame. Saisissons au moins la grâce de ces instants exceptionnels où nous honorons ce qu’il y a de meilleur chez nous.  ■ 

    [1Natalia Trouiller, Sortir ! Manifeste à l’usage des premiers chrétiens, Éditions Première Partie, 192 p., 17 €.

    Gérard Leclerc
    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 15 mai 2019

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    VIVRE POUR VAINCRE

  • Patrimoine cinématographique • Indochine

     

    Par Pierre Builly  

    Indochine de Régis Wargnier (1992)

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    Vers l'Orient compliqué  

    C'est très curieux, cette carrière de Régis Wargnier, dont le troisième film, précisément Indochine, en 1992, fut un grand succès public et critique (Oscar du meilleur film étranger, cinq Césars), qui réalisa ensuite, en 1999, un très intéressant Est-Ouest, avec Sandrine Bonnaire et Oleg Menchikov, à nouveau renommé pour l'Oscar, mais qui, depuis lors, n'a plus tourné grand chose... ou, en tout cas plus avec la même réussite.

    Indochine, qui réunit une très belle distribution et de gros moyens est un livre d'images un peu trop décoratif pour être pleinement convaincant et on a même souvent l'impression que Wargnier, grisé par la largesse de la production, se fait plaisir, dans la sorte de concours d'élégance qu'il présente.

    1.jpgPour les actrices (Catherine Deneuve semble constamment sortie d'une revue de mode 1935 et Dominique Blanc ne lui cède presque en rien là-dessus ; et les actrices vietnamiennes de l'aristocratie sont également sublimement vêtues), mais aussi pour les acteurs : les marins semblent continuellement porter leur tenue de parade et les civils sont habillés d'alpaga et de lin des meilleurs faiseurs. Je veux bien que la vie aux colonies ait amené, dans les grandes villes, à singer de façon presque caricaturale les habitudes et comportements parisiens, mais tout de même...

    film-indochine-vietnam.jpgLe récit, d'un manichéisme un peu primaire (les Vietnamiens sont animés de nobles sentiments, les Français sont d'affreux exploiteurs), est d'un romantisme échevelé. Comme il s'étend sur 2h40, il n'est pas dénué de poncifs sentimentaux et de ces improbables hasards qui sont le ressort éternel des mélodrames (le bel officier intransigeant Jean-Baptiste/Vincent Pérez aimé à la fois par Éliane/Catherine Deneuve et sa fille adoptive Camille/Linh Dan Pham ; et, d'ailleurs, le hasard - sanglant - qui,  met en présence Jean-Baptiste et Camille) ; c'est plutôt bien fait et, grâce à la magnificence des décors, on se laisse sans difficulté porter par l'histoire, mais les personnages n'ont pas assez de substance, ni d'épaisseur pour attacher vraiment.

    88_image1_big.jpgÀ l'exception notable, très notable de Jean Yanne qui interprète le rôle de Guy Asselin, directeur subtil de la sûreté coloniale et amoureux perpétuel sans espérance de la riche propriétaire Éliane/Deneuve. Brutal, cynique, autoritaire, il est le seul, dirait-on à se rendre compte de ce qui se passe et à essayer de retarder l'inéluctable, c'est-à-dire la fin de l'influence française dans ces terres incertaines et étranges de l'autre côté du monde. Mais a-t-on déjà vu Jean Yanne médiocre, même lorsqu'il interprétait des rôles moins denses ?

    Que dire d'autre ? Que la baie d'Along est extrêmement photogénique et que la pluie chaude et la touffeur du brouillard, la fumée des bâtonnets d'encens et les boules d'opium qui grésillent sur les pipes des fumeries sont des avantages esthétiques certains. Mais insuffisants. ?   ■

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    DVD autour de 13 €     

    Retrouvez l'ensemble des chroniques hebdomadaires de Pierre Builly publiées en principe le dimanche, dans notre catégorie Patrimoine cinématographique.
  • Culture • Loisirs • Traditions

    Ce visuel a pour seul objet de marquer l'unité des articles du samedi et du dimanche, publiés à la suite ; articles surtout culturels, historiques, littéraires ou de société. On dirait, aujourd'hui, métapolitiques. Ce qui ne signifie pas qu’ils aient une moindre importance.  LFAR

  • SOCIÉTÉ & PHILOSOPHIE POLITIQUE • ÉCOLOGIE INTÉGRALE ET IDENTITÉ

    De Axel Tisserand 

    Le directeur adjoint de la revue Limite a publié dans Marianne une tribune, dans laquelle il réfute que l’écologie intégrale soit liée à l’identité. Est-ce contradictoire avec le titre-même de Limite qui induit la notion de frontière ? Droit de réponse par Axel Tisserand dans L'Incorrect, le 16 mai 2019.

    1964667714.jpg

     RÉPONSE À GAULTIER BÈS

    Comme Gaultier Bès de Berc [1], je n’aime guère, moi non plus, « la polémique, surtout à l’heure du numérique où la réaction précède et remplace bien souvent la réflexion ».

    Comme lui aussi, je pense que « le malentendu s’éclaircit aisément pourvu qu’on fasse un peu d’histoire des idées, de manière factuelle et non biaisée. » Gaultier Bès, directeur-adjoint de la revue Limite, est revenu dans Marianne sur le concept d’ « écologie intégrale », accusée récemment d’être une écologie identitaire, notamment dansLibération [2]. Pire : « L’accusation la plus grossière (et récurrente tant une certaine parodie du journalisme se réduit à un copié-collé hâtif) concerne notre filiation supposée à Charles Maurras. » Aussi, comprenons-nous que Gaultier outragé, Gaultier brisé, Gaultier martyrisé veuille enfin se libérer d’une accusation aussi diffamatoire !

    3970853321.10.jpgIl ne s’agit pas de reprocher à Gaultier Bès de refuser une filiation maurrassienne qui n’est sans doute pas la sienne, et c’est bien son droit !, mais, plutôt, et dans un copié-collé hâtif de tout ce qui traîne sur Maurras, de récuser cette filiation comme une souillure qui risque de devenir médiatiquement indélébile si elle n’est pas dénoncée aussitôt avec la plus extrême fermeté. Et de se placer, dans une autre filiation, celle de Maritain, qui, on le sait, après avoir été un compagnon de route de l’Action française, notamment au sein de laRevue universelle, en raison d’une « impardonnable légèreté », selon sa femme Raïssa, ce qui est tout de même une explication un peu courte, tourna casaque, en 1927, après la mise à l’index de l’Action française par le pape Pie XI à la toute fin de décembre 1926.

    « Quoi qu’il en soit, affirme Gaultier Bès, en 1926, lorsque l’Église catholique condamne l’Action française, Maritain n’hésite pas. Il publie Primauté du spirituel pour récuser le « politique d’abord » cher à Maurras. » « N’hésite pas ? » L’assertion est imprudente, d’autant qu’il avait publié, certainement avec une « impardonnable légèreté », quelques mois plus tôt, un autre opuscule, Une opinion sur Charles Maurras et le devoir des catholiques, dans lequel, devant l’amoncellement des nuages, il démontrait, saint Thomas à l’appui, qu’il n’était pas incompatible d’être catholique et camelot du Roi… Nul ne saurait lui reprocher, en 1927, d’avoir choisi l’obéissance absolue au saint Père, mais il convient de rappeler les faits.

    maritain_jacques.jpgDu reste, la mise à l’index, plus que la condamnation (puisque, contrairement à ce qui arriva au Sillon de Marc Sangnier, l’Action française ne fut jamais condamnée par une encyclique), fut levée en 1939 sans que le nationalisme intégral ni le politique d’abord aient dû être biffés de la doctrine — Maritain, [Photo] avait démontré dans son premier opuscule leur totale compatibilité avec le catholicisme. Aussi, si, dix ans après, « en 1936, le philosophe Jacques Maritain publie Humanisme intégral, essai de philosophie politique chrétienne, dans lequel il s’oppose frontalement au « nationalisme intégral » du théoricien de l’Action française » — nationalisme intégral qui est, chez Maurras, et Maritain le savait, le nom de la monarchie, et non celui d’un « nationalisme exagéré » comme disaient les papes —, c’est que la pensée de Maurras devait tout de même continuer de le tarauder. Maritain y dit d’ailleurs encore son admiration pour Maurras, qualifié de combattant pertinent des « faux dogmes libéraux » et salué pour avoir opéré les nécessaires « redressements intellectuels […] dans l’ordre de la pensée politique ».

    Comme le relève le maritanien Yves Floucat, Maritain n’affirmait-il pas lui-même « qu’il avait décidé de contribuer de manière décisive à la fondation de la Revue universelle “avant tout en mémoire de Pierre Villard [dont l’héritage servit à la création de la revue], et de la façon dont il a joint dans sa pensée l’œuvre et Maurras et la mienne” ? » (in Carnet de notes)

    Et Gaultier Bès de partir en vrille, ou plutôt en des antinomies auxquelles Kant n’aurait sûrement pas songé : « Pour le dire autrement, ce n’est pas d’abord la France que nous défendons, mais la biosphère. Pas la nation, mais la Création. Notre ennemi n’est pas ce qui est étranger, mais ce qui est démesuré. »

    Amusant, parce que s’il y a un philosophe de la limite, et du fini, c’est bien Maurras, qui en écrivit une apologie dans la préface d’Anthinéa. Amusant aussi, parce que, non seulement Maurras, mais les papes eux-mêmes, n’opposèrent jamais la création à la nation, l’un, l’agnostique, les autres, au nom de leur foi, faisant de celle-ci une médiété, entre l’homme charnel et l’humanité, et pour les seconds, du patriotisme, une vertu chrétienne, reposant, notamment, sur la lecture thomiste du 4e commandement — un saint Thomas qui, si on en croit Bès, aurait opposé Maurras à Maritain, alors que Maurras revendiqua toujours sa dette à Thomas. Et Bès, d’ajouter encore : «  Car si nous prônons une relocalisation générale, ce n’est pas au nom d’une identité sacralisée, mais au nom de ce qu’Ivan Illich appelait la convivialité ».

    Or l’identité ne fut jamais un concept maurrassien. On ne la trouve même pas dans le copieux Dictionnaire politique et critique, qui rassemble les notions clés de la doctrine maurrassienne. Quant à sa sacralisation, ou à celle de la nation, faut-il oublier qu’il salua dès 1914 Pie X de traiter les belligérants « avec l’égalité d’un père, comme ses propres et légitimes enfants » ou qu’il regretta en pleine bataille de Verdun la fin de cette unité humaine qu’esquissait la « République chrétienne » en Europe — un souci qu’il partageait avec Maritain ? « Nous sommes de ces nationalistes qui ne méprisent ni n’avons jamais méprisé dans les choses humaines l’humanité, l’universel ». En 1926, encore, il enseigne aux étudiants d’AF qu’ « au point de vue humain, la division de l’Europe en nations indépendantes […] n’est certainement pas un progrès. »

    Et pour en finir avec la sacralisation de l’identité ou de la nation, en 1937, il exulta devant la publication par Pie XI de l’Encyclique contre le nazisme, Mit brennender Sorge : « On sait maintenant ce qui est interdit, c’est l’hitlérisme, […] c’est la métaphysique religieuse du sol et du sang ». Pour l’ « identité sacralisée », Gaultier Bès repassera… 

    D’autant que, tout cela, il le sait. Lors de son intervention remarquée [3] au colloque de l’Action Française en 2017 sur le Bien commun, devant le prince Jean, tout en marquant ses différences, ce qui est bien normal, et même heureux, il se plaçait dans une approche plus constructive, moins manichéenne, sachant qu’il trouvait un écho favorable parmi le public dans sa définition de la famille comme microsociété primordiale, et son refus à la fois de l’individualisme et de l’étatisme : c’est au nom de la famille précisément que Maurras refuse à la fois le contractualisme roussien et le fascisme, dont il traite la doctrine de « folie » en raison de sa statolâtrie dès 1929. Ce qui n’est en rien contradictoire avec la nécessité de penser le bien commun à l’échelle de la biosphère, la nation étant un intermédiaire entre la personne et les microsociétés (les familles et associations), d’une part, et la terre, de l’autre.

    gaultier-bes_article_large.jpgD’ailleurs, comme l’ajoutait alors Gaultier Bès, « personne n’habite la terre, on habite tous un territoire » : tel est précisément le sens du nationalisme maurrassien. Bès ajoute alors : « Pour moi la nation est moins importante que la famille même si elles ne sont pas du tout dans mon esprit opposées. […] Je ne suis pas l’inventeur de l’expression “écologie intégrale”, pas plus d’ailleurs que le pape François, et Stéphane Blanchonnet, qui est en face de moi, l’a utilisée avant moi, et je crois que je ne te l’avais jamais dit, c’est l’occasion, je ne sais pas s’il est le premier, il le dira lui-même, mais Falk van Gaver l’avait utilisée aussi de son côté. J’ai repris une expression qui circulait déjà » — Stéphane Blanchonnet, qui est le président du comité directeur de l’AF, avait fait une conférence sur l’écologie intégrale en 2011 [4].

    Puis, après avoir explicitement paraphrasé « une formule célèbre » (« Tout ce qui est national est nôtre », la formule du duc d’Orléans reprise par l’AF ) en : « Tout ce qui est local est nôtre », de conclure : « La nation est un lieu, donc déjà une forme de relocalisation, surtout à l’ère globale ». Propos que la salle ne manqua pas d’applaudir. Propos tout à fait maurrasso-compatible.

    Oui, « le malentendu s’éclaircit aisément pourvu qu’on fasse un peu d’histoire des idées, de manière factuelle et non biaisée ». Certes, il n’est pas facile, aujourd’hui, en ces temps de manichéisme, d’y échapper lorsqu’il s’agit de plaire. Mais le bushisme mental, qui consiste à identifier le camp du mal pour mieux le condamner et quémander une place dans le camp du bien est toujours une défaite de l’intelligence. C’est, en tout cas, une trahison de ladisputatio, si chère à saint Thomas.  

    [1] https://www.marianne.net/debattons/billets/l-ecologie-integrale-est-inclusive-ou-insensee
    [2]https://www.liberation.fr/debats/2019/05/05/les-droites-dures-s-enracinent-dans-l-ecologie-integrale_1725128
    [3] https://www.actionfrancaise.net/retrospective/colloque-refonder-bien-commun/
    [4] https://www.dailymotion.com/video/xhvkkm?retry ethttps://www.dailymotion.com/video/xhy9lk
     
    Axel Tisserand
    atisserand@lincorrect.org
    Essayiste, historien des idées
    Dernier livre paru, en avril 2019 : Actualité de Charles Maurras, introduction à une philosophie politique pour notre temps, préface d’Yves Floucat, éditions Téqui. La citation de Carnet de notes de Maritain est tirée de la préface.

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  • Livres & Actualité • 1984 ou l’Europe de Maastricht

     

    thUKZO41O8.jpgLECTURE - Michel Onfray a relu « La Ferme des animaux » et « 1984 », de George Orwell. Il en a tiré une Théorie de la dictature (Robert Laffont, 2019) qui n’est pas sans rappeler notre époque.[Le Figaro du 16.05]. Un article intéressant. Sur un livre à lire certainement.  LFAR 

    Par Alexandre Devecchio

    2192914029.jpgEn 2008, dans Orwell, anarchiste tory, le philosophe Jean-Claude Michéa analysait la pensée politique du grand écrivain britannique à travers une relecture incisive de ses essais.

    Onze ans plus tard, c’est un autre philosophe de la France périphérique, Michel Onfray, qui entreprend de se pencher sur l’œuvre de George Orwell. Il le fait, lui, par le biais de ses deux ouvrages les plus célèbres: La Ferme des animaux, allégorie grinçante de la révolution bolchevique et surtout 1984, roman d’anticipation plongeant le lecteur dans un avenir totalitaire. Publiés respectivement en 1945 et 1949, ces deux classiques de la littérature donnent à penser les totalitarismes national-socialiste et marxiste-léniniste. Après la chute du mur de Berlin, ces deux œuvres semblaient avoir perdu de leur actualité. Mais, dans Théorie de la dictature, Michel Onfray pose l’hypothèse qu’elles permettent au contraire de concevoir, au-delà des contingences historiques, une forme pure de totalitarisme. Et si 1984, c’était maintenant ?

    Selon Onfray, à travers ces deux romans, Orwell a imaginé une véritable théorie universelle de la dictature. Une théorie en 7 points que l’auteur de Décadence cherche à rapprocher de notre époque. Voici son raisonnement. 1er point: la liberté malmenée. Qui niera que nous n’avons jamais été aussi surveillés, fichés, archivés? Les GAFA ne dépassent-ils pas le Big Brother imaginé par Orwell? 2e point: la langue attaquée. Orwell avait inventé la novlangue.

    Nous avons l’écriture inclusive et la nouvelle sémantique inspirée du politiquement correct. 3e point: la vérité abolie. Foucault et Deleuze ont conceptualisé la «mort de la vérité». Trump, leur enfant, la post-vérité. 4e point : l’histoire instrumentalisée. Peut-on aujourd’hui travailler sereinement sur l’esclavage, les croisades, la France de Vichy, la colonisation, l’Algérie? 5e point: la nature est effacée. La théorie du genre tend à abolir la frontière entre le masculin et le féminin. Etre une fille ou un garçon n’est plus qu’un stéréotype à déconstruire. 6e point: la haine est encouragée. Qui a déjà observé le fonctionnement des réseaux sociaux sait que les «deux minutes de la haine quotidienne» de 1984 ne sont plus de la science-fiction. 7e point: aspirer à l’empire. Onfray rappelle, à juste titre, que les deux guerres mondiales furent moins des guerres entre nations qu’entre empires. Pour lui, le nouvel empire, c’est l’Etat maastrichtien, qui a voulu la fin des nations pour mieux affaiblir la démocratie et gouverner sans les peuples.

    La comparaison d’Onfray n’est pas sans outrance. Chaque point pourrait être nuancé, contredit parfois. Rappelons, en outre, cette évidence: l’Union soviétique a fait des millions de morts. L’Union européenne, aucun. Reste qu’il y a, dans les poussées totalitaires décrites par Onfray, une alerte à prendre au sérieux: celle, vieille comme l’antique, de la servitude volontaire. Souvenons-nous de ce que prophétisait un autre grand auteur d’anticipation britannique, Aldous Huxley, à la même période que George Orwell, dans Le Meilleur des mondes: «Un État totalitaire vraiment efficient serait celui dans lequel le tout-puissant comité exécutif des chefs politiques aurait la haute main sur une population d’esclaves qu’il serait inutile de contraindre, parce qu’ils auraient l’amour de leur servitude.»    

    1630167502.jpgXVM8d8b71a4-8f2b-11e7-b660-ef712dd9935a-150x200.jpgAlexandre Devecchio est journaliste au Figaro, en charge du FigaroVox. Il vient de publier Les Nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée (éd. du Cerf, 2016) et est coauteur de Bienvenue dans le pire des mondes (éd. Plon, 2016).

     

    Alexandre Devecchio

  • Royauté & Légitimité • Actualité du prince Charles-Philippe d’Orléans, duc d'Anjou

    Le prince Charles-Philippe d’Orléans a rencontré le Chef Raoni

    charles-philippe-et-chef-raoni.pngCe vendredi [17 mai], le prince Charles-Philippe d’Orléans, duc d’Anjou, était à Bruxelles pour rencontrer le chef indigène brésilien Raoni. Le chef  Raoni vient d’entamer une tournée de trois semaines en Europe pour alerter sur la déforestation de l’Amazonie et tenter de collecter un million d’euros pour la protection de la réserve de Xingu, foyer de plusieurs communautés autochtones du Brésil, face aux menaces que font peser sur elle les exploitations forestières et les industries agroalimentaires.

    Le prince a commenté cette rencontre en ces termes :

    « Mon ancêtre, Dom Pedro II le Magnanime, était le dernier monarque de l’empire du Brésil, régnant depuis plus de 58 ans. Il était un grand protecteur de la forêt amazonienne. Aujourd’hui, j’ai eu le grand plaisir de rencontrer et de dialoguer avec le chef Raoni, symbole vivant de la lutte pour la préservation de la forêt amazonienne et de sa culture autochtone. »

    Le duc d’Anjou, est aujourd’hui un prince très engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique et toutes les questions environnementales. Depuis 2017, Il est très actif dans ce domaine, notamment  dans le cadre de la Fondation Prince-Albert-II-de-Monaco.

    Source La Couronne

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgA propos du titre de duc d'Anjou

    Le titre de duc d'Anjou est porté par le prince Charles Philippe d'Orléans, cousin du prince Jean, comte de Paris.

    Ce titre, si éminemment français, ne peut revenir qu'à un prince de la Famille de France. La décision de l'attribuer est du seul ressort du Chef de la Maison de France.

    Il ne peut être porté par un prince appartenant à une branche étrangère ou devenue étrangère du fait de l'Histoire. 

    C'est donc à tort qu'on l'attribue parfois au prince Louis-Alphonse de Bourbon, de la branche des Bourbons d'Espagne qui ont cessé tout naturellement de porter des titres français à partir de leur accession au trône d'Espagne, il y a trois siècles.

    Ceux qui attribuent le titre de duc d'Anjou à Louis-Alphonse de Bourbon ou relaient cette attribution ne sont simplement pas des nôtres.

    Au moment où le nouveau comte de Paris inaugure brillamment la charge de Chef de la Maison de France qui vient de lui échoir, notre engagement dynastique envers les Princes de France demeure sans détour ni ambiguïté. lafautearousseau 

  • Cinéma • Nous finirons ensemble

    Par Guilhem de Tarlé     

    A l’affiche : Nous finirons ensemble, un film de Guillaume Canet, avec François Cluzet, Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Laurent Lafitte, Benoît Magimel, Valérie Bonneton, José Garcia et Jean Dujardin.

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    Nous finirons ensemble… Espérons en tout cas que c’est la fin des Petits mouchoirs… Je me rappelais que ce premier film finissait de façon grotesque, à la « embrassons-nous Folleville », et je viens de retrouver dans mes notes que je ne le conseillais pas…

    Pourtant, au vu de la bande-annonce avec François Cluzet, nous nous sommes laissés tenter par ces « petites mouchoirs – le retour » ou « huit ans après »… 

    Malheureusement, si François Cluzet est incontestablement un bon acteur, je ne suis en revanche pas du tout convaincu par le réalisateur Guillaume Canet…

    31958008-29941363.jpgJ’ai peu de souvenir de son Blood Ties, mais son Rock’n Roll de 2017 et ce Nous finirons ensemble peuvent, selon moi, effectivement finir ensemble… au cimetière des navets, pour ne pas dire à la poubelle, avec notamment sa banalisation des couples de même sexe… 

    Dommage, il y a quelques bonnes scènes tristement réalistes comme ces adolescents rivés sur leurs Smartphones… et l’idée aurait pu être amusante de ce sexagénaire qui ne veut pas qu’on lui souhaite son anniversaire… En tout cas j’en suis sûr, si Dieu par bonheur me prête encore vie, je n’irai quand même pas fêter ses 70 ans.     

    VIDEO-Nous-finirons-ensemble-Guillaume-Canet-devoile-la-bande-d-annonce-de-la-suite-des-Petits-mouchoirs.jpg 

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.