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Social, Économie... - Page 66

  • Que se passera-t-il après le krach économique, financier, mondial à venir ?

     

    Par Marc Rousset   

     

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    Le krach, tout le monde y pense sans en parler de peur de déclencher les foudres divines.

    Tel le furet du bois joli, certains le voient poindre à la moindre alerte sur la devise turque, sur les fausses déclarations officielles rassurantes au sujet de la Grèce, à la moindre hausse des taux d’intérêt et du « spread » italien par rapport au taux allemand. Ce n’est pas pour rien, non plus, que les autorités chinoises obligent le groupe HNA à se délester de 50 milliards de dollars d’achats d’actifs à l’étranger ces dernières années (Pierre et Vacances, Hilton, Radisson…) tout comme les groupes Fosun (Club Med), Wanda (immobilier, parcs d’attractions) et Anhang (assurances).

    Le krach d’un système mondial surendetté repoussant sans cesse les faillites à venir en empruntant davantage, en maintenant artificiellement les taux d’intérêt à la baisse (pressions actuelles de Trump sur la Fed) et en pratiquant une politique monétaire laxiste (USA, BCE, Japon, Grande-Bretagne), aura bien lieu, mais où et quand dans un premier temps ? Personne ne le sait… Il est, par contre, possible d’imaginer ce qui se passera après le krach.

    Nous vivons actuellement les derniers moments du système du dollar roi qui s’est installé sournoisement, diamétralement opposé au système sécurisant et conservateur de l’étalon-or qui a duré jusqu’en 1914, malheureusement enterré suite aux nécessités de financer les dépenses exponentielles de la Première Guerre mondiale alors en cours.

    De 1914 à 1944, l’or s’est moins déplacé physiquement, mais il gardait malgré tout son rôle salvateur d’étalon puisque, par exemple, la Réserve fédérale américaine était tenue de garder dans ses coffres une quantité d’or correspondant au minimum à 40 % de la monnaie en circulation.

    En 1945, à Bretton Woods, les États-Unis ont imposé le dollar pour remplacer partiellement l’étalon-or en partant du principe que le monde entier avait soif de dollars et en décidant d’abaisser à 25 % au lieu de 40 % la couverture or physique détenue à Fort Knox. En 1965 et 1968, l’Amérique a décidé de se libérer de la contrainte minimum or des 25 %. Et, en 1971 – ce qui a été le pot aux roses et le début du dérèglement du système financier international, dont nous voyons aujourd’hui les catastrophiques conséquences -, Nixon décida tout simplement, unilatéralement, du fait du prince, que le dollar ne serait plus convertible en or, ce qui revenait à remplacer totalement l’étalon-or par l’étalon-dollar dans le monde.

    Est apparu alors un système où les capitaux du monde entier étaient appelés à circuler librement avec des taux de change flottant au jour le jour entre les monnaies, la devise de référence principale étant le dollar, mais sans aucun arrimage à un étalon universel et physique.

    sans-titre.jpgTant que le krach et la catastrophe à venir n’ont pas encore eu lieu, personne ne se hasarde à demander, bien évidemment, le rétablissement immédiat de l’étalon-or, conscient que cela briserait tout net, immédiatement, la croissance comme une subite douche glacée après un bain laxiste brûlant, avec une terrible récession à la clé.

    En revanche, après le krach, une fois les agents économiques ruinés, il faudra tout reconstruire de zéro. Il est alors très probable que nous vivrons dans un monde sans libre-échange mondialiste, avec des zones autarciques protectionnistes autocentrées et un commerce international réduit au strict échange des produits indispensables à l’importation car non présents ou impossibles à produire dans une zone autarcique (USA, Chine, Russie, Europe de l’Ouest, Japon).

    Apparaîtront, alors, quelques grandes devises internationales correspondant à chaque zone autarcique convertibles en or (euro, yuan, dollar, yen). Ce jour-là, les partisans de l’or, les « cocus » du système actuel ne profitant pas des bulles boursières et immobilières, tiendront leur revanche avec la montée à la verticale du prix de l’or, ce qui fut le cas de l’Allemagne en 1923, mais ce sera une bien maigre et triste consolation au milieu des ruines épouvantables d’un système économique explosé, de la misère sociale, du malheur humain, avec de gigantesques et imprévisibles conséquences politiques et géopolitiques à la clé.    

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    Économiste

    Ancien haut dirigeant d'entreprise

  • Concurrence et service public

     

    Par François Reloujac

    Economie. En France, des technocrates néo-libéraux se sont emparés de l’État jacobin. D’où des mixtures auxquelles les Français ont du mal à s’adapter.

     

    180628_manifestation-interprofessionnelle.jpgL’ actualité sociale des dernières semaines a mis sur le devant de la scène, à côté des agents de la Fonction publique, des entreprises nationales telles que la SNCF et Air France. Or, ce qui est à l’origine de cette célébrité médiatique, ce ne sont ni les performances économiques et financières, ni les innovations technologiques, ni la qualité exceptionnelle de leurs services, mais leur persévérance dans la grève. Au-delà des revendications immédiates à propos desquelles chacun peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide selon son humeur ou son intérêt personnel, ces événements devraient nous amener à réfléchir sur quelques aspects fondamentaux de notre système économique et social actuel.

    Des décisions qui ne rencontrent aucun soutien populaire

    À première vue, il semblerait que les causes des deux principaux mouvements sociaux n’ont pas grand-chose en commun. Le premier se présente comme une réponse à un texte législatif qui vise à « réformer » une institution que les élites perçoivent comme obsolète, alors que le second vise à « conserver », et même accentuer, les acquis sociaux obtenus par une catégorie de personnels perçus comme des privilégiés. Et pourtant, ils ont bien en commun quelque chose qui dépasse ces intérêts immédiats. Ces deux conflits résultent de décisions – bonnes ou mauvaises, là n’est pas la question – prises sous la pression d’instances administratives supranationales qui n’ont aucune légitimité et qui, par le biais du dogme de la libre concurrence – libre circulation des biens, des services, des hommes et des capitaux – remettent en cause des systèmes qui fonctionnent mais qui sont onéreux. Pour faire simple, force est de constater que les choix édictés par Bruxelles n’ont d’autre finalité que de faire apparaître comme moins onéreux certains trajets – en fait ceux qui correspondent aux « besoins » des entreprises multinationales – sans se préoccuper réellement ni des nécessités liées à l’aménagement du territoire, ni des coûts cachés discrètement mis à la charge des contribuables, ni du fait qu’en exacerbant les aspirations égoïstes des individus actu4-1.jpgregroupés en catégories uniquement identifiés par une convergence d’intérêts immédiats, ils détruisent la société. Il ne faut pas s’étonner du fait que ces « réformes » n’emportent pas d’adhésion populaire mais en même temps que les actions menées contre elles par ceux qui apparaissent alors aux yeux de tous comme des privilégiés, ne soient pas non plus vues positivement. Et ce n’est pas la propagande gouvernementale abusivement appelée « pédagogie » qui y changera quoi que ce soit, à terme. Si elle permet de calmer le jeu pendant un certain temps, elle générera des frustrations supplémentaires qui viendront grossir les mécontentements.

    Le service public contre le service du public

    Dans ces deux conflits, les grévistes expliquent qu’ils défendent le « service public », mais pour cela, ils prennent en otage ledit public. Que recouvre en fait cette notion de « service public » ? Normalement ce devrait être un service indispensable au bon fonctionnement de la société et qui, de ce fait, devrait pouvoir être assuré en toutes circonstances et auquel tous les citoyens devraient pouvoir avoir recours autant que de besoin. Un service public devrait être un « lien social », une forme d’expression de la solidarité entre les diverses composantes de la société. Dans un monde où les intérêts financiers communs à certains individus ont remplacé les relations entre les personnes comme agents de cohésion, le « service public » se dégrade. Il n’est même plus, ni ce que l’Union européenne considère comme un « service essentiel », ni ce que l’Organisation mondiale du commerce regarde comme un « service d’intérêt économique général ». Il est simplement devenu un secteur économique soutenu par des fonds publics en cas de difficultés, que celles-ci soient inhérentes au fonctionnement de l’entreprise ou qu’elles résultent de choix politiques qui leur sont imposés. Un « service public » est donc devenu aujourd’hui un secteur économique qui peut se permettre de ne pas être rentable, car il sera renfloué par l’argent des contribuables – qui, eux, sont de moins en moins nombreux !

    actu5-1.jpgLors de sa réception du prix Charlemagne, le président Macron a déploré qu’en France on ait « une préférence pour la dépense publique plutôt que pour la norme », comme l’auraient les Allemands. Les Allemands, toujours la norme idéale de l’Europe ! Affirmant que sa politique avait pour but de « bousculer les fétiches », il laissait donc entendre qu’il voulait donner plus d’ampleur aux normes. Comme jusqu’à présent, quoiqu’en dise la « pédagogie » gouvernementale, la dépense publique n’a pas pris le chemin de la baisse, les Français vont pouvoir bénéficier à la fois de plus de dépenses publiques et de plus de normes. Est-ce cela le « changement » attendu ?

    La concurrence contre les privilèges

    Mais ces deux conflits révèlent aussi un autre aspect de l’évolution actuelle de nos sociétés. La « pédagogie » officielle explique que la libre concurrence est un facteur de progrès ; qu’elle permet d’offrir au consommateur plus de services, de meilleurs services, une plus grande qualité, tout cela au moindre coût. Mais dans un monde où seul l’intérêt financier compte, il est plus important de faire apparaître un meilleur coût, facilement mesurable, qu’une plus grande qualité, plus difficile à percevoir, surtout lors des achats impulsifs et compulsifs. Il en résulte que la concurrence a pour but premier de faire baisser les prix, quitte à chercher à masquer derrière une présentation attrayante les différences de qualité. Dans une société où plus personne ne cherche à servir mais où tout le monde cherche à vendre, la concurrence est en fait devenue un outil majeur pour lutter contre les « avantages acquis », pour détruire tous les privilèges, que ceux-ci soient légitimes ou non. En se mettant en grève pour défendre les « spécificités à la française », les cheminots comme les pilotes d’avion sont acculés à défendre leurs privilèges. Il faut bien s’entendre : malgré la propagande égalitaire développée par une démocratie individualiste, les privilèges ne sont pas, en soi, de mauvaises choses. Ce qui est mauvais c’est de les laisser se scléroser et de ne proposer pour remédier à cet abâtardissement que de les supprimer. Pour parler clairement, ce qui est choquant, ce n’est pas que les cheminots bénéficient d’un statut particulier mais que tous les éléments de ce statut ne paraissent plus justifiés.

    En vérité, ce qui est choquant dans ces conflits ce n’est pas de savoir si ces entreprises doivent ou non être détenues, en tout ou en partie, par l’État, mais de voir que malgré leur rôle essentiel au service du bien commun, ils puissent s’arrêter et mettre en péril des quantités d’activités exercées honnêtement par d’autres membres de la communauté nationale. Peut-être, faudrait-il rappeler aux grévistes le discours du pape Pie XII, le 21 octobre 1948 : « Si la grève est un droit inscrit dans la Constitution, auquel certaines catégories de travailleurs se sont trouvées dans la nécessité de recourir à la suite du déséquilibre entre les salaires et les prix, il n’est pas permis de l’employer à des fins politiques, ni d’en user de telle sorte qu’elle finisse par léser la nation elle-même et par porter atteinte à l’autorité de l’État ». Tout est dit.   ■   

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    Crèches en grève : elles relèvent aussi du service public à la française comme l’Université ! Pourquoi pas les bébés en grève comme les étudiants ?

     
  • Mathieu Bock-Côté : « L'occupation touristique planétaire est une dépossession »

    Le Mont Saint-Michel rongé par les masses de touristes

     

    soleil.jpgMathieu Bock-Côté s'alarme des méfaits du tourisme de masse qui produit une véritable dénaturation tant du voyage lui-même que des villes et des pays visités, en réalité à la manière d'un flot invasif. [Le Figaro, 10.08]. Peut-on « espérer que le tourisme se civilise après s'être démocratisé. » Force est de constater que nous n'en prenons pas le chemin. Il faudrait, nous semble-t-il, que l'ensemble de l'édifice social se recivilise après s'être démocratisé...  LFAR

     

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    D'une année à l'autre, la belle saison confirme le statut de la France comme première destination touristique mondiale. On a d'abord tendance à s'en réjouir: n'est-ce pas le plus beau compliment que le monde puisse lui adresser ? On se rue vers elle pour admirer l'incroyable travail des siècles sur un territoire modelé par l'homme, qui a su à la fois fonder villes et villages, élever des cathédrales et dessiner des paysages. Si l'Amérique fascine spontanément qui veut contempler la nature sauvage et les grands espaces, l'Europe attire ceux qui s'émeuvent à bon droit de l'empreinte humaine sur la planète. S'ajoutent à cela des considérations prosaïques élémentaires : le tourisme est une industrie extrêmement lucrative. Qui serait assez bête pour se désoler de son expansion et des milliards qui l'accompagnent ?

    Mais on se désenvoûte assez rapidement de ce beau récit pour peu qu'on pense le tourisme de masse non plus seulement comme une opportunité économique mais 9782081365452.jpgcomme un phénomène politique. D'ailleurs, dans La Carte et le territoire, Michel Houellebecq s'était déjà inquiété de ce qu'on pourrait appeler le devenir touristique de l'Europe, soit celui d'une civilisation s'offrant à l'humanité comme parc d'attractions, comme si elle n'avait plus que des vestiges monumentaux mais vidés de toute sève à présenter au monde. En se réinventant par sa promotion du tourisme de masse, elle consentirait à sa muséification définitive. Elle ne serait plus qu'un décor déshabité, témoignant d'une gloire passée qu'il ne viendrait à personne l'idée de restaurer. La gloire témoigne de temps tragiques et nous souhaitons plus que tout habiter une époque aseptisée.

    La logique du circuit touristique planétaire est facile à reconstruire. Lorsque le système du tourisme mondialisé happe un lieu, celui-ci est progressivement vidé de sa population, comme s'il fallait effacer une présence humaine résiduelle, datant de l'époque où la ville était d'abord habitée avant d'être visitée. Les derniers résidents sont de trop, sauf s'ils savent se plier à la nouvelle vocation du lieu.

    Globalement, les habitants seront remplacés par des employés convertis à la logique du capital mondialisé qui sont souvent d'ailleurs habitués à tourner dans son circuit. La population locale en vient même à reconnaître implicitement un statut d'extraterritorialité symbolique aux lieux sous occupation touristique. Elle devient elle-même touriste en son propre pays lorsqu'elle fréquente ces lieux.

    Sans surprise, ce sont les plus beaux quartiers qui sont ainsi arrachés de la ville où ils ont été construits pour accueillir les touristes qu'on peut se représenter comme l'armée de la mondialisation, qui partout, impose ses codes. C'est peut-être une figure nouvelle du colonialisme. Paradoxe : d'un côté, la ville vidée de son peuple est invitée à conserver ce qui la caractérise, à la manière d'un folklore pour ceux qui sont en quête d'authenticité, mais de l'autre, elle doit offrir les mêmes facilités et les mêmes enseignes qu'on trouve partout sur la planète, du magasin de luxe au Starbucks. Il ne faudrait surtout pas que le touriste se sente trop loin de chez lui. S'il égrène fièrement les destinations où il est passé, il ne cherche la plupart du temps qu'un dépaysement soft. S'il était vraiment ailleurs, ce serait probablement pour lui l'enfer. Le moderne vante les mérites de l'autre mais ne le voit jamais qu'à la manière d'une copie du même.

    C'est bien une dynamique de dépossession qui caractérise le tourisme de masse. Et ses ravages sont indéniables. Des masses humaines se jettent à un pas rythmé par les chansons mondialisées à la mode sur des destinations choisies et en viennent à les défigurer complètement. Elles n'ont souvent qu'un objectif: « immortaliser » leur passage avec un selfie destiné aux réseaux sociaux, au point même où la première chose qu'on croise aujourd'hui en voyage, ce sont d'exaspérants badauds qui se prennent en photo. Devant cette sauvagerie molle et souriante, certains en appellent à une résistance politique. On apprenait ainsi récemment que Venise, Barcelone, Dubrovnik ou Santorin cherchent activement des mesures pour contenir le flot humain qui les engloutira. Une chose est certaine : si le monde entier devient une destination touristique, plus personne ne sera chez lui et tout le monde sera chassé de chez soi.

    On voit là comment le système de la mondialisation s'empare du monde. On a beaucoup parlé ces dernières années du concept de France périphérique, formulé par Christophe Guilluy, qui sert à désigner les populations laissées de côté par la mondialisation. On pourrait en élargir la signification en parlant plus simplement des populations qui sont refoulées non seulement territorialement mais symboliquement à l'extérieur du système de la performance mondialisée parce qu'elles ne sont pas suffisamment adaptables, mobiles et interchangeables. On les juge mal préparées aux règles du nouveau monde de la mobilité maximale. Ce sont des populations retardataires, attachées à un lieu, une langue et peut-être même une tradition. Un tel enracinement ne se pardonne pas. On ne saurait jamais, sous aucun prétexte, être en décalage avec les exigences de ce qui passe pour la modernité.

    Ici et là, la critique du tourisme de masse se fait heureusement entendre, même si elle peut aussi devenir agaçante. On brandit facilement, en prenant la pose dandy, une éthique du voyageur qui saurait se glisser subtilement dans la ville, en laissant entendre que le voyage devrait être le privilège exclusif du petit nombre. Mais ce réflexe aristocratique porte une leçon intéressante. Le génie du voyageur authentique tient moins dans la consommation des destinations recherchées où il vivra des expériences préformatées que dans sa capacité à habiter plus d'un endroit dans le monde, en y développant ses habitudes, ce qui implique de prendre le temps de se familiariser avec les mœurs locales. Il n'est pas interdit d'espérer que le tourisme se civilise après s'être démocratisé et que les hommes se rappellent que le monde n'a pas pour vocation à se plier aux désirs de ceux qui fardent leur pulsion de conquête en sophistication cosmopolite.   ■

    Mathieu Bock-Côté        

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, est paru aux éditions du Cerf [2016].

     

    Sur le même sujet lire aussi dans Lafautearousseau ... 

    Marin de Viry : « Comment le tourisme de masse a tué le voyage »

  • L’éolien industriel, ses mensonges et ses nuisances

    « L’Écologie Citoyenne Mondialiste, une entreprise de destruction »

     

    Par André Posokhow

    Industrie. La France sacrifie les uns après les autres ses plus beaux fleurons industriels. Le nucléaire français va y passer comme tout le reste, au profit d’histrions et de profiteurs, étrangers pour la plupart.

     

    201408211767-full.jpgEnviron 7000 éoliennes industrielles ont été érigées en France à la fin de 2017. Après le Grenelle de l’environnement, ce sont la Transition énergétique du couple Hollande-Royal et les ambitions macronniennes qui promeuvent les Énergies Renouvelables (ENR) et qui nous menacent de 20 000 à 25 000 aérogénérateurs, doux nom technique des éoliennes, de plus !

    Compte tenu des autorisations accordées ou sur le point de l’être, des régions comme la Champagne, la Picardie, la Bourgogne, le Languedoc ou un département comme l’Aveyron peuvent être considérés comme sinistrés pour au moins 20 ans.

    En réalité l’éolien industriel, loin d’apporter une solution de premier rang à la problématique énergétique de la France, en constitue un boulet.

    Ses nuisances et ses retombées sur l’environnement constituent une menace pour les habitants de nos campagnes.

    Affaire financière, il est incompatible avec le bien commun et l’intérêt général.

    Enfin, il reflète étroitement une idéologie profondément hostile à notre société et à notre civilisation.

    L’éolien industriel et les citoyens

    Un bobard, fallacieux et impudent mais efficace, des promoteurs pour placer leurs machines est celui d’une électricité éolienne de proximité et décentralisée. En réalité, les éoliennes produisent d’une manière éparpillée une électricité vendue à EDF et centralisée au sein du réseau national, voire européen.

    Aujourd’hui, les aérogénérateurs en projet dépassent couramment les 200 m, soit les 2/3 de la Tour Eiffel ou 5 fois la hauteur des châteaux d’eau. Leur impact visuel représente une atteinte pesante à la beauté de nos paysages et également au patrimoine culturel et architectural de notre magnifique pays. Comme l’a écrit Jean-Louis Butré, président de la Fédération Environnement Durable (FED) dans son livre Éolien, une catastrophe silencieuse : « Les éoliennes, du fait de leur gigantisme, dévorent le paysage et cannibalisent l’espace. »

    Les impacts sur l’environnement sont dévastateurs. Un parc éolien requiert un socle de béton de 1500 tonnes par machine qui restera pour l’éternité. Ce parc exige des voies d’accès élargies, des grillages de protection, des ateliers, des hangars. Il faut raser des haies, couper des arbres. Ce sont des espaces naturels considérables qui sont industrialisés et livrés inutilement à la cupidité des promoteurs, alors que l’urbanisation et la bétonisation de notre pays progressent à grands pas.

    Un parc éolien fait du bruit et émet des infrasons. De nombreux riverains sont incommodés, voire rendus malades par la proximité de ces engins industriels. Les témoignages de certains d’entre eux sont impressionnants et ce sont des centaines d’études de scientifiques, d’acousticiens et de médecins qui, à l’étranger, démontrent l’existence de ces nuisances et leurs effets sur la santé des riverains.

    Le rapport de l’Académie de Médecine de mai 2017 estime cependant que si l’éolien terrestre « ne semble pas induire directement des pathologies organiques, il affecte au travers de ses nuisances sonores et surtout visuelles la qualité de vie d’une partie des riverains ».

    Ce rapport de l’Académie de médecine est important. Même s’il est prudent et nuancé, il constitue un pas de plus vers la reconnaissance du risque sanitaire de l’éolien, grossièrement nié en France par les promoteurs, les pouvoirs publics et leurs fonctionnaires.

    En moyenne, les propriétaires de terrain encaissent au titre du bail qu’ils signent avec les promoteurs entre 5 000 et 10 000 € par éolienne et par an. L’oligarchie gouvernante affame les ruraux et certains se sauvent en bradant leurs terres et notre sol. Or, en cas de défaillance de la microsociété du promoteur qui contracte avec le propriétaire, celui-ci risque alors de se retrouver tout seul face à l’exigence de démantèlement des éoliennes en fin de vie et à des promoteurs défendus par des cabinets d’avocats spécialisés.

    A priori, personne n’a envie d’investir dans un bien immobilier situé à proximité d’un parc éolien, ce qui ne peut qu’avoir des conséquences sur sa valorisation. Des témoignages écrits d’agents immobiliers et de notaires sont éloquents. Des décisions de justice vont dans ce sens. Une étude récente réalisée en Angleterre par la London School of Economics sur une base statistique très large démontre la réalité de cette dépréciation que nient les promoteurs.

    L’implantation d’éoliennes dans nos campagnes engendre des désaccords de fond entre les pour et les contre, des jalousies entre ceux qui en bénéficient et ceux qui en pâtissent. Ces désaccords débouchent sur des clivages humains jusque dans les familles et des rancœurs profondes destinées à durer. Lettres anonymes, pneus crevés, munitions à sangliers dans les boites à lettres, menaces et injures en plein tribunal dont j’ai été personnellement témoin, prolifèrent.

    L’éolien industriel, le bien commun et l’intérêt général

    Le cadre de l’invasion éolienne actuelle est celui de la Loi sur la Transition énergétique (TE) de l’année 2015, lancée par ce fleuron de l’histoire politique française que fut le couple Hollande-Royal. Bornons-nous à en commenter simplement trois des principaux objectifs.

    Diminuer la consommation de l’énergie de 50% en 2050 par rapport à 2012, alors que, depuis la crise de 2008, elle n’a baissé que de 0,06%/an avec une croissance du PIB de 0,6%/an, apparaît intenable.

    Proposer la baisse d’un tiers de l’énergie nucléaire, soit l’arrêt en 10 ans de 23 des 58 réacteurs existants apparait d’un irréalisme criminel.

    Il serait absurde de vouloir réduire drastiquement les émissions de CO2 de la France. Michel Gay rappelle dans son livre Au diable les énergies renouvelables ! que, grâce au nucléaire et à l’hydroélectricité, notre électricité est produite à 90% sans CO2. Nous sommes la nation prix d’honneur dans ce domaine et la TE nous traite comme le cancre.

    Transition énergétique, ENR et éolien industriel sont inséparables. Le nucléaire et les énergies fossiles étant diabolisés, l’hydroélectricité ayant atteint ses limites de développement, les pouvoirs publics sont conduits à faire le choix idéologique de l’éolien industriel.

    L’ADEME, organisme étatique de propagande en faveur des ENR et en particulier de l’éolien industriel, dans son rapport Vers un mix électrique 100% renouvelable en 2050, prévoit de multiplier par dix l’implantation d’éoliennes en 2050, pour représenter 63% de la production nationale d’électricité au lieu de 4 à 5%, ce qui représenterait au minimum 60 000 éoliennes, c’est-à-dire une éolienne tous les 10 km2 du sol national.

    actu11.jpgEt, pourtant, écologie et éolien industriel sont incompatibles. Si l’on en croit l’écologiquement correct, l’éolien est un moyen de production propre et écologique. Rien n’est plus faux et l’éolien est un gros producteur de CO2 et de pollution.

    Comme le souligne J. L. Butré, le faible rendement de l’éolien conduit à compenser les baisses de production par l’utilisation de centrales thermiques au gaz et, en Allemagne, au charbon et même au lignite, hautement polluantes. 

    L’éolien industriel est néfaste pour notre économie, car ce n’est pas une énergie à haut rendement.

    La production d’électricité éolienne dépend du vent qui souffle de manière intermittente, aléatoire et largement imprévisible. C’est ce qui explique que le rendement moyen ou taux de charge de l’éolien terrestre en France ne dépasse pas 24%, contre parfois plus de 80% pour une centrale nucléaire.

    Les promoteurs affirment que le coût de l’éolien est concurrentiel avec celui du nucléaire estimé par le rapport de la Cour des Comptes de 2014 autour de 60€/MWh, néanmoins appelé à augmenter sensiblement dans le cadre des EPR.

    Comme le montrent J. L. Butré, Alban d’Arguin, sur la base d’un rapport Montaigne de 2008, et surtout une remarquable et récente étude de l’IFRAP, le véritable coût complet du MWh de l’éolien terrestre pourrait être évalué entre 160 et 180 €. En effet, il faut tenir compte du coût des centrales thermiques qui suppléent les fluctuations du vent, des réseaux de distribution, des réseaux intelligents et enfin du stockage de l’énergie, éléments bien entendu oubliés par les groupes de pression éoliens.

    La France a longtemps été à la pointe du secteur de l’énergie, notamment nucléaire, et EDF est encore le premier producteur mondial. Aujourd’hui, cette société nationale est en crise et son existence menacée.

    Il faut souligner les deux décisions que prit Bruxelles vers 1990 :

      libéraliser le marché de l’électricité pour obtenir celle-ci à bon marché ;

     favoriser les énergies renouvelables (ENR) grâce à des aides publiques.

    Il en résulta des distorsions de concurrence et la coexistence d’un secteur concurrentiel avec un secteur administré (solaire et éolien) qui bénéficie d’aides publiques et d’une priorité d’accès au réseau, avec notamment la baisse des prix de gros du marché sur lequel EDF vend son électricité nucléaire.

    Les énergies subventionnées ont déstabilisé celles qui ne le sont pas et constituent une des principales causes de la crise du secteur énergétique français, pourtant un de nos quelques points forts économiques.

    Il y a 7 000 éoliennes en France dont les composants fondamentaux : pales, mat, rotor etc., sont importés de Chine, du Danemark et d’Allemagne ! Cette activité de construction énergétique ne peut que peser sur notre commerce extérieur déjà en souffrance. Oui, l’éolien procure des emplois, mais hors de France. Aujourd’hui l’éolien n’emploie en France que 10 000 à 20 000 personnes.

    Le coût financier de l’éolien terrestre est dispendieux, car il s’agit d’une affaire lourdement subventionnée. Afin d’encourager l’éolien, celui-ci a été rendu artificiellement rentable depuis le début des années 2000, les opérateurs ayant bénéficié jusqu’en 2017 d’un tarif de rachat obligatoire par EDF très avantageux.

    Le coût pour le consommateur est de plus en plus lourd. Afin de compenser le coût que représente pour EDF ce tarif de rachat, l’électricien a été autorisé à facturer une « Contribution au Service Public de l’Electricité » (CSPE) aux consommateurs, qui fut en réalité une taxe cachée et silencieuse.

    Quant au coût global de l’éolien industriel, il fait partie de la gabegie nationale. J. L. Butré estime qu’en 2030, le programme éolien qu’envisagent les pouvoirs publics représentera un investissement à venir de 42 Md€, auquel il faudrait ajouter 40 Md€ pour le renforcement des réseaux de transport et de distribution.

    Le rapport accablant de la Cour des Comptes de 2018 sur le soutien des énergies renouvelables fait apparaitre un chiffre de 121 Md€ qui représente le montant du soutien auquel s’est engagé l’Etat jusqu’en 2046 pour les contrats signés avant 2017 au bénéfice des producteurs d’énergie renouvelable électrique.

    Ces dépenses inutiles, dont les bénéfices sont captés par des affairistes, ne peuvent que creuser davantage le trou abyssal des dépenses publiques. En revanche, toutes les ressources financières qui se déversent dans l’éolien font défaut aux investissements dans les ENR du futur, ce qui handicape la recherche qui permettrait de les promouvoir.

    L’éolien est ainsi une affaire purement financière de subventions et de retours juteux sur investissements pour des affairistes ; et un communiqué de la FED a dénoncé l’éolien qui est « devenu l’activité des affairistes qui écument quotidiennement le territoire. Des milliards d’euros en provenance de fonds opaques sont investis dans ce business ».

    En juin 2014, le Service central de prévention de la corruption (SCPC) a dénoncé la corruption dans l’éolien industriel comme « un phénomène d’ampleur » et « une dérive grave ». En effet de nombreuses prises illégales d’intérêt de la part d’élus locaux soudoyés et trompés par des promoteurs ont abouti à des condamnations.

    Il existe également des scandales financiers, notamment en Allemagne, où un grand groupe éolien qui pratiquait le financement participatif des ENR, a fait faillite et spolié des épargnants.

    Les alibis des ENR et de l’éolien industriel

    La cause des énergies renouvelables et de l’éolien industriel repose sur quatre alibis que dénonce Alban d’Arguin dans son livre Éoliennes, un scandale d’État.

    Le premier est celui du réchauffement climatique. Derrière cette thèse, il y a, selon l’auteur, une peur millénariste et irrationnelle exacerbée par les médias en charge de guider le troupeau au profit de l’oligarchie dominante, relayés par des militants écologistes politiques, de pseudo-scientifiques corrompus, des gouvernants complices ou pleutres et des affairistes avides de profits faciles.

    L’autre alibi pour promouvoir les ENR et l’éolien est la thèse de l’extinction très prochaine des sources d’énergie fossile.

    Ce mythe du « peak oil » se trouve aujourd’hui contredit clairement par les découvertes récentes et continues de gisements gigantesques de pétrole, comme celui au large du Brésil en 2008. Les réserves mondiales prouvées de pétrole représentent un ratio de près de 60 ans qui a doublé en 30 ans, sans tenir compte des découvertes à venir. Il en va de même de l’uranium, dont les gisements connus sont loin d’être exploités, et surtout du charbon et du gaz naturel.

    Le troisième alibi des ENR est celui de l’opposition au nucléaire qui est essentiellement politique et nous vient de l’extrême gauche et des écologistes dont l’opposition se trouve en contradiction avec leur phobie des gaz à effet de serre.

    Comme M. Gay, A. d’Arguin réfute les deux peurs des antinucléaires : le spectre de l’accident nucléaire et celui du traitement des déchets. Mais, surtout pour lui, le combat contre le nucléaire est celui du « Parti de l’étranger ». Il pose la question suivante : et si le parti écologiste, comme la Commission européenne, n’était que le faux nez d’une Allemagne réunifiée, sûre d’elle-même, tirant sa puissance de son mercantilisme brutal, qui verrait dans l’énergie l’opportunité d’imposer sa domination industrielle à son voisin français ?

    L’objectif affiché de la transition énergétique est bien la diminution des gaz à effet de serre, origine supposée du réchauffement climatique. D’un seul coup, apparaissent les incohérences et plus spécialement celles de la TE allemande.

    L’Allemagne a renoncé au nucléaire pour le remplacer par les ENR. Or, non seulement les émissions de CO2 n’ont pas diminué, mais elles ont augmenté du fait de la construction de 23 centrales au charbon et au lignite, particulièrement polluantes.

    actu12.jpgMieux, l’Allemagne, 6e contributeur de CO2 de la planète, alors que la France n’est que le 18e, pollue gravement l’Europe et la France ; ses centrales au lignite crachent à pleine capacité des particules fines.

    Alors, pourquoi cette hypocrisie ? Pourquoi cette escroquerie, à la fois financière et morale ? La réponse se trouve dans ce qu’A. d’Arguin appelle « l’Écologie Citoyenne Mondialiste ».

    L’Écologie Citoyenne Mondialiste (ECM)

    Cette prétendue écologie est le reflet d’une idéologie profondément hostile à notre société et notre civilisation, et un levier de subversion du monde occidental.

    Dans les dernières années du bloc communiste sont apparues des ONG chargées d’affaiblir l’Occident en cultivant la peur millénariste du nucléaire. « Green Peace » en est évidemment un exemple. Parallèlement, l’idéologie libertaire de mai 68 a fait se lever des générations de gauchistes actifs qui ont nourri les courants du trotskysme, de l’ultra-gauche radicalisée, de la gauche parlementaire et rejoint les rangs de l’écologie politique.

    Le gauchisme écologiste a convergé avec l’universalisme mondialiste. Celui-ci a pris le relais de l’idéologie communiste. Ses quatre projets mondiaux majeurs touchent le libre-échangisme commercial, la liberté des flux financiers, les flux de personnes, c’est-à-dire l’explosion migratoire, et le contrôle des énergies à l’échelle planétaire sous l’égide de l’ONU et de ses périphériques. C’est dans cette perspective que les écologistes politiques de l’ECM cherchent à mondialiser le climat et les énergies, et à imposer des ENR dont ils connaissent les conséquences potentiellement funestes sur nos économies et nos territoires.

    Il y a également convergence de l’ECM avec les grandes firmes prédatrices du capitalisme sauvage et mondialiste. L’astuce de base consiste à proclamer qu’il s’agit d’une nouvelle et grande politique environnementale destinée à « sauver la planète ». Les promoteurs peuvent ainsi prétendre être guidés par des idéaux écologiquement corrects, alors qu’ils sont simplement intéressés par le profit pur et simple.

    Les pères verts, prêtres d’une écologie radicale, prêchent l’ascétisme dans une vie future meilleure. Leur idéal est la sobriété forcée et la repentance des péchés commis par les hommes à l’encontre de la planète. Ils se nourrissent de l’angoisse naturelle des populations et de leur peur de l’avenir.

    Cinq noms peuvent être cités :

     Al Gore, le truand selon Claude Allègre, qui produisit un film « catastrophe » reconnu par la justice anglaise comme malhonnête.

     Cohn-Bendit, voué à la destruction de nos pays et qui vanta avec des chiffres fantaisistes la transition énergétique allemande dans un débat sur France 2.

     Yves Cochet, ministre du gouverement Jospin qui fut à l’origine du prix de rachat très favorable imposé à EDF de l’électricité éolienne, ouvrant ainsi la porte à la cupidité des promoteurs.

     Cécile Duflot, qui a réclamé en 2015 l’érection de 20 000 à 50 000 éoliennes.

     Denis Baupin, « le moraliste » bien connu, qui déposa un amendement visant à accorder aux éoliennes géantes le régime de la simple déclaration.

    L’Écologie Citoyenne Mondialiste est une entreprise de destruction. Selon M. Gay, sa logique de pouvoir se cache derrière des prétextes idéologiques et peut se résumer ainsi : pour que la planète soit vivable, nos sociétés centrées sur la science, productivistes et consuméristes ont rendu indispensable une transition énergétique. Afin que celle-ci aboutisse, il faut mettre fin au système industriel, capitaliste et technologique, et rompre avec le paradigme de la croissance qui le caractérise.

    Le procédé est simple : détruire ce qui fonctionne pour le remplacer par des moyens qui conduisent à des impasses techniques et économiques, comme par exemple l’éolien. La société moderne capitaliste n’y résistera pas et implosera de l’intérieur. Le but recherché sera atteint. C’est bien vers un changement de société, axé sur le rationnement et la contrainte réglementaire, que les idéologues utopistes de l’ECM veulent conduire les populations de nos vieux pays.

    Avec ce changement de société, c’est bien une nouvelle civilisation de décroissance et de médiocrité matérielle qui constitue l’objectif final.

    En conclusion, je souhaiterais introduire une réflexion très personnelle. Le patriotisme et l’amour de son pays reposent, entre autres, sur l’attachement aux paysages familiers et aux sites de sa jeunesse et de sa vie familiale. En revanche, peu nombreux sont ceux qui garderaient intact cet attachement si nos campagnes étaient totalement industrialisées, saccagées et polluées par des dizaines de milliers de machines industrielles de 200 m de haut. N’est-ce pas là l’un des objectifs dissimulés que visent les déracinés de l’ECM et les ennemis des nations ?    

    André Posokhow, administrateur de la FED

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  • La Grèce toujours en faillite, mais le mensonge continue

     

    Par Marc Rousset

     

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    Français, on vous ment pour la gravité de l’invasion migratoire, comme on vous ment pour la dette grecque.

    Le FMI est l’exception qui confirme la règle pour la Grèce. Il dit la vérité : sans allègement réel de la dette grecque, c’est-à-dire sans renoncement au remboursement pur et simple de la dette publique grecque, et non pas avec un simple allongement des échéances, la Grèce tombera immanquablement en faillite à terme !

    Le FMI répète que la dette grecque représente encore aujourd’hui 178 % du PIB du pays. L’accord de juin 2018 devrait permettre à Athènes d’avoir accès, à moyen terme, à des financements par les marchés, mais tout cela est théorique et repose sur du sable, car il sera impossible à la Grèce d’avoir une croissance de 3 % tout en maintenant un excédent budgétaire de 2,2 % du PIB, hors service de la dette.

    Selon le FMI, la croissance n’a été que de 1,7 % en 2017 et atteindra difficilement 2 % en 2018 et les années suivantes, tandis que l’excédent budgétaire sera au maximum de 1,5 % du PIB et non pas 2,2 %.

    Le reflux du chômage est tout à fait anecdotique, conjoncturel en Grèce et non pas structurel puisqu’en étant hyper-optimiste, il passerait de 21,5 %, en 2017, à 19,9 %, en 2018, et 18,1 %, en 2019. Les risques de banqueroute grecque sont, en fait, énormes si l’on songe à la moindre hausse des taux d’intérêt, au calendrier de politique intérieure grecque, à l’immigration clandestine extra-européenne, à une population à bout, fatiguée des réformes et du « demain, on rasera gratis » !

    Le drame, c’est que ce n’est pas l’euro qui est la cause de la dette grecque, contrairement à ce que prétend Jacques Sapir, mais tout simplement l’inconscience laxiste d’un pays et de ses dirigeants qui ont tiré trop fort sur la corde de l’État-providence pendant des années jusqu’à ce qu’elle casse, tandis que Goldman Sachs truquait les comptes pour faire entrer la Grèce dans la zone euro, sans avoir à subir – ce qui est scandaleux – une amende gigantesque de l’Union européenne d’au moins 20 milliards d’euros et la condamnation de ses dirigeants à la prison ferme en Europe pour manipulation frauduleuse des comptes publics et montage d’opérations bancaires fictives.

    Le drame, également, c’est que les banques, sur la demande de l’Allemagne et des pays de la zone euro, ont effectivement déjà allégé la dette grecque de 90 milliards en 2011. Merkel a voulu, à juste titre, que les banques qui avaient pris des risques inconsidérés paient une partie de la note. Le 27 octobre 2011, les banques européennes ont donc dû abandonner 50 % de la dette publique qu’elles détenaient sur la Grèce. De plus, alors que l’opinion publique allemande souhaitait le défaut de paiement et la mise en faillite pure et simple de la Grèce en 2011, Merkel a promis solennellement aux Allemands que les Grecs rembourseraient les nouveaux prêts accordés à la Grèce avec la garantie des États.

    Merkel ne peut pas perdre la face, ayant déjà sur le dos l’entrée folle du million de clandestins immigrés sans contrôle aux frontières. Et (cerise sur le gâteau) si, demain, la Grèce ne paie pas – ce qui sera le cas -, les déficits publics annuels de la France et de l’Allemagne seront augmentés d’autant, d’où l’acharnement du Système pour reculer la date de faillite inexorable à venir de la Grèce.

    La Grèce est le cancre de l’Union européenne et la France « une petite Grèce » quant au chemin décadent et laxiste parcouru depuis quarante ans. Alors que la situation de la France est catastrophique et demande des mesures draconiennes, structurelles, chirurgicales en matière de dépenses publiques, sociales et de réduction du nombre de fonctionnaires pour éviter la faillite à venir, l’action de Macron relève du traitement médical législatif homéopathique.  

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    Économiste

    Ancien haut dirigeant d'entreprise

  • Le scandale social des maillots aux deux étoiles.

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

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    Le capitalisme mondial est-il moral ?

    En fait, la question ne se pose plus depuis longtemps pour ceux qui en tirent le plus grand profit et, particulièrement, par le moyen d'une indifférence marquée à la question sociale, désormais grande absente des réflexions néolibérales et peu évoquée dans nos sociétés de consommation : il est vrai que le principe même de celles-ci insiste plus sur la consommation et sa croissance, véritable aune et condition de la santé d'une économie quand elle ne devrait être, en une société humaine, qu'un élément d'appréciation et éventuellement d'amélioration des conditions de vie des personnes et des familles. 

    Ainsi, tout à la joie de la victoire sportive de l'équipe de France de balle-au-pied, peu de journalistes et d'économistes ont signalé l'indécence de l'équipementier de celui-ci, une multinationale états-unienne au patronyme grec signifiant la victoire. En effet, Nike va bientôt mettre en vente pour le grand public et au prix de 140 euros un maillot frappé des deux étoiles de champion de monde, maillot dont le coût de production, selon le Journal du Dimanche(22 juillet 2018), équivaut à... 3 euros ! Comme le souligne Le canard enchaîné, voici une belle « culbute en or », au seul bénéfice de la multinationale peu regardante, pourrait-on croire naïvement, sur les conditions sociales de la production de ces maillots. 

    argent-foot-illustration_428x321__llf3yo (1).jpgDans son édition du 25 juillet, le journal satirique précise un peu les choses et renseigne sur ce qui permet d'atteindre un si bas niveau de coût pour un si grand profit envisagé : « La fabrication en masse de la tunique bleue (…) ne sera pas vraiment made in France, mais... made in Thailand. » Rien que cette simple phrase nous indique que la victoire des Bleus n'est pas forcément une bonne affaire pour l'industrie textile française qui, pourtant, aurait bien besoin d'un bon bol d'air, et que cette importation d'un maillot fabriqué loin de la France sera plus coûteuse sur le plan environnemental et commercial que ce qu'il pourra rapporter à la France : coût environnementalen fonction des milliers de kilomètres qui sépareront le lieu de production de l'espace de consommation, et qui se traduit par une pollution atmosphérique loin d'être négligeable en fin de compte ; coût commercial car cela fera encore pencher un peu plus la balance du commerce extérieur du côté du déficit, déjà beaucoup trop lourd pour notre économie ; mais aussi coût social car, en privant nos industries textiles locales de cette commande, cette fabrication « mondialisée » en Thaïlande fragilise un peu plus l'emploi français dans cette branche d'activité... Et que l'on ne nous dise pas que cette fabrication lointaine est ce qui permet de vendre « à bas coût » (sic !) ces maillots aux deux étoiles si longtemps espérées : non, elle permet juste de dégager de plus grands profits pour la multinationale et ses actionnaires, un point c'est tout ! L'on touche là à « l'hubris », à la démesure du capitalisme (1) et de ses « élites », incapables de retrouver la juste mesure qui, tout compte fait, est la condition de l'équilibre et de la bonne santé de nos sociétés ordonnées. 

    Mais au-delà du coût social proprement français, il est juste aussi de s'intéresser à celui qui, plus lointain, ne peut néanmoins nous laisser indifférent : Le Canard enchaîné nous livre quelques informations supplémentaires qui devraient indigner tout homme soucieux de son prochain. Ainsi en Thaïlande, la production se fera « plus précisément dans le nord-est du pays, où les salaires dans les ateliers de production (180 euros par mois) sont inférieurs à ceux de la capitale (250 euros) ». Ces salaires sont évidemment à comparer au prix final de ce maillot à la vente en France et, aussi, aux salaires ouvriers des pays européens et de la France, considérés comme « trop élevés » par ceux qui touchent des millions d'euros annuels pour « diminuer les coûts » et qui, souvent, sont les mêmes, qui n'ont à la bouche que le mot de compétitivité pour mieux servir leur cupidité... Quand les profits de quelques uns se font sur le dos de beaucoup, et sans volonté d'un minimum de partage des richesses produites, il y a là quelque chose d'insupportable pour le cœur comme pour l'esprit, et qui devrait provoquer une juste et sainte colère dans toute société normalement et humainement constituée. Mais, la Société de consommation repose sur une sorte d'addiction à la consommation elle-même, sur cette tentation permanente et toujours renouvelée dans ses objets, sur la possession individualisée qui en fait oublier les autres et la mise en commun, sauf en quelques espaces dédiés et pour quelques services de plus en plus marchandisés et privatisés... Du coup, les consommateurs n'ont guère de pensée pour les producteurs, et le mécanisme de séparation,voire de complète ségrégation entre les deux catégories, fonctionne comme une véritable protection du Système en place. D'ailleurs, le mécanisme de la Société de consommation valorise, en tant que tels, les consommateurs, quand les producteurs eux-mêmes, à quelque échelle qu'ils se trouvent mais surtout quand ils sont au bas de celle-ci, sont de plus en plus la variable d'ajustement, celle qui est la plus pressurée et la moins médiatisée : les classes ouvrières et paysannes font les frais d'une telle société où la marchandise à vendre et le profit à en tirer l'emportent sur le travail qui a permis de la fabriquer et, éventuellement, de la qualifier. Le problème, dans les pays dits « en développement », c'est que l'on a réussi à convaincre ces classes laborieuses (et ce qualificatif me semble particulièrement approprié ici) que leur condition misérable d'aujourd'hui est le passage obligé vers le statut de consommateurs de plein droit... Ce sont des classes sacrifiées mais, surtout, des classes sacrificielles, persuadées que leur sacrifice du jour est l'annonce d'un sort meilleur pour leurs enfants, ce qui n'est pas entièrement faux (si l'on se place dans le temps de deux ou trois générations) sur le plan des conditions de travail et de vie, mais s'accompagne d'une aliénation à la consommation, à l'argent qui en fixe le degré quantitatif et sur lequel le sort de chacun semble désormais indexé... 

    Ce que signale aussi l'article du Canard enchaîné, c'est l'absence de droit syndical et la limitation effective du droit d'expression et de manifestation dans le cadre du travail dans les usines de Thaïlande, qui rappellent les entraves à la défense des droits du travail et des travailleurs mises en place, en France, par la Révolution française elle-même à travers ses lois antisociales de 1791, du décret d'Allarde à la loi Le Chapelier, interdisant toute association ouvrière et tout droit de grève ou de manifestation aux ouvriers... « La devise dans ces usines ? « Réduction des minutes passées par ouvrier sur chaque maillot, automatisation et films ultratendus », rapporte l'ONG Clean Clothes. En prime, interdiction pour tout employé de communiquer sur les conditions de travail et d'adhérer à un syndicat. » En somme, une forme d'esclavage salarié pour faciliter les profits de l'entreprise états-unienne, milliardaire en bénéfices... 

    frise-13.jpgDoit-on se contenter d'un tel constat et laisser prospérer une telle attitude d'entreprise ? Si les consommateurs seront malheureusement toujours pressés d'acquérir ce fameux maillot aux deux étoiles, il n'est pas obligatoire de l'acheter pour qui se soucie d'éthique sociale. Mais, au-delà, sans doute faudrait-il que l’État, pour inciter la multinationale à changer de pratiques et d'état d'esprit, introduise dans le Droit social quelques mesures propres à empêcher des marges trop importantes au détriment des conditions sociales des producteurs de base. Une forme de « taxe sociale sur la profitabilité et pour l'équilibre social » calculée en fonction des marges bénéficiaires dégagées par une entreprise multinationale étrangère (mais pourquoi pas française aussi ?) pourrait être envisagée, entre autres. Ou, pourquoi pas une obligation pour la multinationale d'installer dans le pays de vente une partie de la production destinée au marché local ? En fait, ce ne sont pas les propositions et les idées qui manquent, mais bien plutôt la volonté politique de les proposer, de les mettre en place et de les appliquer. 

    La République n'est pas, ne peut être sociale en France, comme l'histoire nous le prouve depuis ses origines révolutionnaires, et, si cela est évidemment regrettable, ce n'est pas une raison pour ne rien faire : le royalisme social n'est pas l'attente de la Monarchie pour agir, mais la volonté et l'action sociale pour changer les choses, « même en République », tout en rappelant que la Monarchie politique serait plus efficace pour imposer aux féodalités économiques, même étrangères, de respecter les principes de la nécessaire justice sociale, colonne vertébrale de la société ordonnée française. En cela, la Monarchie active « à la française »,ne peut se contenter de « gérer la crise » mais se doit d'incarner, dès le jour de son instauration, « le sceptre et la main de justice », la décision politique et l'équilibre social...    

    * Une démesure structurelle ou conjoncturelle ? Je penche de plus en plus pour le premier qualificatif, au regard de l'histoire contemporaine et du cadre mental dans laquelle elle se déploie. 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Les leçons de Pierre Debray ... Retrouvez « Une politique pour l'an 2000 », 28 jours de lecture sur Lafautearousseau

    Pierre Debray aux Baux de Provence, en 1973

     

    2293089609.14.jpgVint-huit jours - du 8 février au 21 mars - nous ont occupés à publier - et pour nombre de nos lecteurs, à lire Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray, cette analyse de situation et cette réflexion prospective de haut niveau parue en 1985. 

    Lire la suite

  • Tout est à vendre… car tout s’achète !

    L’Aquarius : pour les passeurs, un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros. Pour les « humanitaires » aussi, un marché lucratif. 

     

    Par François Reloujac

    La société issue des principes de la Révolution touche aujourd’hui à son terme. La seule valeur qui reste est « l’argent ». Balzac l’avait bien vu. Même les bons sentiments se monnaient à prix d’or. Le bétail humain fait partie du marché ! 

    Dans la société d’aujourd’hui où les quatre libertés fondamentales sont la libre circulation des biens, des services, des hommes et des capitaux, seul compte désormais le prix à payer. Et, sous l’impulsion de l’Union européenne, l’État se voit réduit au rôle de simple agent économique qui doit privilégier soit le « moins disant » quand il s’agit d’acheter quelque chose, soit celui qui propose le prix le plus fort quand il s’agit de vendre les « bijoux de famille ». Dans ce contexte, les missions d’ordre public, l’unité nationale et la dignité des personnes ne pèsent pas lourd. Il est vrai qu’aucun système matérialiste et individualiste n’est propice à la solidarité qui doit caractériser la vie en société.

    La loi Pacte

    Actu-8-800x360.jpgComme toutes les lois depuis une trentaine d’années, il s’agit d’une loi fourre-tout dans laquelle, sous prétexte de réformer, on vient agiter dans tous les sens l’organisation du cadre économique du pays au point que plus personne n’est capable de mener une politique à long terme. Constatons que cette loi de 74 articles – l’un d’eux ayant pour but de ratifier 23 ordonnances différentes – est soumise à la procédure d’urgence. Or, le projet de loi présenté aux députés et sénateurs s’étend sur 962 pages ! On se demande quel parlementaire est capable d’avoir en aussi peu de temps un avis valable sur tous les articles du texte, encore moins sur son intérêt général.

    Parmi les multiples mesures-phares que contient ce texte indigeste, il est question de « privatiser » : privatiser les ex-Aéroports de Paris, devenus le groupe ADP et dont une partie du capital se trouve déjà entre des mains étrangères, la Française des jeux et le groupe énergétique aujourd’hui baptisé Engie. En soi, une telle mesure n’est pas choquante, car ce n’est pas le rôle de l’État que de gérer des aéroports – y compris à l’étranger – ou de se conduire en tenancier de machines à sous. Quant à l’accès à l’énergie, l’État doit plus veiller à ce que l’énergie en question soit disponible toujours et partout au moindre coût plutôt que de gérer directement la société qui la distribue. Mais le motif pour lequel ces mesures sont prises est d’obtenir – dans le respect des règles imposées par l’Union européenne – le bénéfice le plus important possible, pour « financer l’innovation de rupture ».

    L’accord sur les « prêts non performants »

    Le président Macron et la chancelière Merkel se sont mis d’accord pour relancer l’intégration bancaire européenne en limitant les « prêts non performants » à 5 % de l’encours de crédit global des banques. Cela tombe bien puisque les banques françaises et allemandes ont réussi à brader auprès de fonds de pension américains la plupart de leurs créances douteuses, se déchargeant en fait sur ces fonds du soin de les recouvrer à l’échéance. Grâce à ce subterfuge, leur ratio est ainsi passé à moins de 4 % ; les pertes générées par l’opération ayant été masquées par la spéculation financière. Mais les banques italiennes, irlandaises, portugaises, chypriotes, espagnoles et grecques ne peuvent respecter cette nouvelle obligation, compte tenu de l’état de délabrement de leur système économique. Si le projet franco-allemand est adopté, ces banques n’auront qu’à vendre – au rabais – les créances qu’elles détiennent sur leurs entreprises nationales à des fonds de pension étrangers qui, eux, ne manqueront pas de faire jouer les privilèges attachés à ces créances au moment de l’échéance finale. Et nombre d’entreprises endettées passeront ainsi sous contrôle étranger sans que personne ne s’en offusque.

    Les tribulations migratoires

    Au début de l’été, divers bateaux de « migrants » ont occupé les titres des journaux. Dans quel port allaient-ils pouvoir débarquer les passagers recueillis au milieu de la mer Méditerranée, sur de frêles esquifs où ils avaient été entassés par des passeurs sans scrupules ? On a dit à ce propos qu’un bateau comme l’Aquarius – celui qui a fini à Valence – représentait pour les passeurs qui lui avaient confié ces clandestins, un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros. Mais il faut voir que ce bateau qui a ainsi pris le relais des passeurs, appartient à une société qui ne vit pas que de l’air du temps, qu’il avait été affrété pour l’occasion par des associations sans lien avec la première – il faut bien diviser les risques –, pour lesquelles cette opération est onéreuse, que le personnel à bord ne se nourrit pas uniquement du poisson pêché en mer pendant son temps libre. Or comme le nombre des bateaux qui remplissent ce type de missions « humanitaires » ne fait qu’augmenter, c’est bien qu’il y a là un nouveau marché lucratif. On constate d’ailleurs que ces bateaux savent très exactement où aller récupérer ces « migrants » ; c’est d’ailleurs la raison qui a conduit ledit Aquarius à faire une « escale technique » à Marseille fin juin : « l’escale doit être faite le plus près possible de la zone de sauvetage », comme l’a précisé son capitaine.

    Les réformes sociétales

    Dans la logique des « réformes sociétales » imposées en France, sous l’égide de l’ONU et avec le soutien de la Cour européenne des droits de l’homme (sic), après le « mariage » homosexuel (lui-même préparé par le PACS), la France se dirige vers l’adoption de ce que l’on appelle pudiquement la PMA et la GPA et qui constituent, faut-il le préciser, le pendant obligatoire de ce que l’on appelle hypocritement l’IVG. Désormais tout le monde aura le droit de « supprimer un fœtus », d’acheter un enfant ou de louer un ventre. Mais si l’enfant acquis dans le cadre de ce nouveau « droit » ne répond pas aux attentes (au cahier des charges initial) ou s’il cesse de plaire à l’acquéreur, il faudra bien organiser un « marché de l’occasion »… sinon ces « déchets » humains, pour reprendre l’expression mise en avant par le pape François mais déjà utilisée par son prédécesseur, seront abandonnés.

    Les élections présidentielles

    Le 17 juin, le journal italien Il Populista a annoncé que, pour son élection, le président Macron aurait bénéficié de divers prêts venus de la part de personnes qui ne sont pas réputées pour leur désintéressement le plus total (Crédit Agricole, David de Rothschild, George Soros et Goldman-Sachs). Au moment où ces lignes sont écrites, l’information n’est encore pas vérifiée. Mais, une plainte a été déposée contre l’ancien maire de Lyon pour avoir fait bénéficier le candidat Macron de finances obtenues auprès des citoyens pour un tout autre objectif. Et cela vient après la révélation des rabais obtenus par le même candidat pour la location de certaines salles de réunion. Quoi qu’il en soit de la réalité profonde de ces accusations, le fait même qu’il y soit fait référence et que les médias officiels y donnent un certain écho, montre bien que les démocrates français vivent avec l’idée que leurs voix peuvent être vendues et donc achetées.

    Une société de spéculation

    Ces quelques exemples, mais la liste est loin d’être exhaustive, montrent qu’aujourd’hui tout se vend car tout s’achète. Hélas, là où un gouvernement devrait exercer ses fonctions régaliennes pour protéger l’ordre public et promouvoir le bien commun, où il devrait respecter les difficultés de ses partenaires européens et s’en montrer solidaire, où il devrait, avec prudence, aider ceux qui en ont besoin et dont le premier droit est celui de pouvoir vivre dignement chez eux, où il devrait se préoccuper du droit des enfants à vivre normalement et être éduqués et aimés par un père et une mère, on constate qu’il introduit partout la spéculation. On spécule sur l’économie du pays, sur les créances internationales, sur la misère des peuples, sur la détresse affective des populations, sur les résultats des élections. Les marchandises d’aujourd’hui ne sont plus des biens de première nécessité que recherchaient les Anciens mais des personnes morales ou, pire, des personnes physiques. Les réfugiés, les enfants, les femmes sont les nouveaux produits que l’on trouve sur ces marchés « réformés » par ceux que saint Augustin désignaient comme appartenant à une « bande de brigands ».   

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    Tout se vend et s’achète, même les gosses. Ô démocratie !

     
    François Reloujac
  • Dépendance ou indépendance

     

    Par Mathieu Épinay*

     

    Moyen-orient. Notre président ne croit pas aux souverainetés nationales. Pourtant, elles seules subsistent aujourd’hui. Il lui faudrait penser à une politique française. 

    Le 14 mai dernier, l’armée israélienne tuait 50 palestiniens pendant les festivités de l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem ; sa reconnaissance comme capitale d’Israël avait pourtant encore été condamnée tacitement le 18 décembre par une résolution du Conseil de sécurité. La France a appelé au « discernement et à la retenue » et désapprouvé « cette décision qui contrevient au droit international et en particulier aux résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations unies. » 

    ONU ou pas ONU

    Monde5.jpgUn mois plus tôt en totale violation du droit international et des résolutions de ce même Conseil, trois de ses membres permanents, dont la France, bombardaient la Syrie parce que des rumeurs signalaient des odeurs de chlore et des vidéos sur internet suggéraient une attaque chimique syrienne dans une banlieue de Damas. On en attend toujours les preuves. Macron avait ensuite rencontré Trump à Washington avec des démonstrations d’affection aux limites de la décence mais n’avait rien obtenu sur le dossier iranien où il croyait pouvoir peser. Dans un tel contexte, l’appel de la France « à la retenue », suite aux événements de Jérusalem, est totalement inaudible pour beaucoup d’Orientaux.

    Jérusalem serait une concession de Trump à la partie sioniste de son « état profond ». Le tropisme juif des évangélistes américains qui le soutiennent n’y est pas non plus étranger. Ils attendent une seconde venue du Christ qui établira le royaume de Dieu sur terre. Dans cette vision apocalyptique, les Juifs doivent rétablir celui de David et reconstruire le temple avant l’affrontement final contre l’Antéchrist et… avant leur conversion. Tout un programme qui coïncide avec l’intervention de deux prédicateurs évangéliques qui firent les vedettes à l’inauguration de l’ambassade américaine.

    C’est probablement aussi dans cette ligne que s’inscrit le retrait par Trump de l’accord entériné par le conseil de sécurité en 2015 où l’Iran renonçait à ses recherches dans le nucléaire militaire en contrepartie de la levée d’un embargo. L’Amérique vient ainsi contenter Israël et l’Arabie Saoudite, alliés improbables face à leur ennemi commun. Le but est vraisemblablement de dégager les frontières israéliennes et saoudiennes de la pression des implantations iraniennes.

    La question nucléaire

    La non-prolifération est l’exercice délicat par lequel des puissances nucléaires essaient d’empêcher les autres de le devenir. Sur le plan du droit international et de la morale, les premières n’ont aucune légitimité véritable à interdire ce qu’elles ont fait plus tôt. L’argument selon lequel ces États seraient terroristes, est un peu court. À ce compte-là, les bombardements de Dresde, Hambourg, Londres et Nagasaki, sans objectif militaire, n’étaient-ils pas terroristes ? C’est alors qu’il faut veiller à rassurer par le respect d’un ordre international auquel tout le monde a droit et qu’il convient de faire prévaloir.

    La non-prolifération ne peut donc fonctionner que dans un contexte diplomatique policé, où les États tiennent leurs engagements et où le droit des nations, même des plus faibles, est respecté.

    Quand des membres permanents et nucléaires du Conseil de sécurité s’affranchissent de ses avis et se permettent des frappes par missiles de croisière pour d’inavouables raisons de politique intérieure ou pour satisfaire des pulsions idéologiques primaires, alors la course au nucléaire s’accélère. Suite logique. Les fantômes de Saddam Hussein et de Kadhafi hantent toutes les chancelleries ; le sauvetage in extremis d’Assad par les Russes et l’impunité de Kim Jung-un y font réfléchir.

    Sans approuver le régime de Téhéran et sans nier de possibles connivences avec le terrorisme où les Saoudiens n’ont pas de leçons à donner, on peut imaginer que le patriote iranien, qui réfléchit, souhaite une défense forte. L’Iran est cerné par deux puissances nucléaires, Israël à l’ouest, le Pakistan à l’Est ; son réflexe le plus légitime dans cet Orient déstabilisé est de se protéger de la même façon, de tout faire pour acquérir sa bombe. En signant l’accord de 2015, il n’y avait probablement pas renoncé ; le retrait américain en mai dernier va le gêner puisqu’il rétablit les sanctions avec une violence inégalée dont le secrétaire d’État Mike Pompeo s’est fait l’interprète, mais il ne change rien sur le fond. En revanche il dégrade la confiance dans les accords conclus, accroît l’instabilité dans la région et stimule donc la prolifération nucléaire.

    Enfin il compromet les avancées possibles avec la Corée du Nord qui observe qu’un traité de portée internationale qui aurait pu l’inspirer a été signé par Obama en 2015 puis déchiré sans vergogne par Trump en 2018. Telle est sans doute la raison des décisions contradictoires prises coup sur coup par les partenaires de la rencontre au sommet États-Unis et Corée du Nord.

    Le diktat

    Monde6.jpgL’affaire fait ainsi apparaître deux visions, celle des partisans du traité de 2015, la ligne Obama, plutôt internationaliste, et celle que Trump est en train d’adopter, l’unilatéralisme sous influence israélienne. Ici, les récentes déclarations du conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, ne laissent pas d’inquiéter : les nouvelles conditions qu’il veut imposer à l’Iran après la dénonciation du traité de 2015 sont inacceptables par un pays souverain. L’Amérique, poussée par Israël, cherche- t-elle le conflit ? Va-t-elle faire subir à l’Iran le même sort qu’à l’Irak ? il est peu probable que les Russes laissent faire et Trump n’a vraisemblablement pas l’intention de déclencher une guerre. En revanche, il va utiliser tous les moyens possibles pour rétablir des sanctions draconiennes et les imposer aux autres signataires du traité de 2015, en particulier la France, l’Allemagne et l’Union européenne. Or, l’Iran leur vend ses hydrocarbures et constitue en retour un marché considérable pour les entreprises européennes.

    L’unanimité affichée par les pays de l’Union au sommet de Sofia n’est pas et ne sera pas suffisante pour contrer le diktat américain. En s’appuyant sur l’utilisation universelle du dollar, Washington s’est arrogé le pouvoir exorbitant d’interdire les échanges commerciaux avec les ennemis qu’il a désignés. Les contrevenants sont poursuivis par la justice américaine et lourdement taxés. En 2014, la BNP avait dû payer une amende de 8 milliards pour ses relations bancaires avec l’Iran. Dans ces conditions, Total, qui avait de grands projets en Iran, jette l’éponge, à cause de ses implications aux États-Unis : pas les moyens de faire face à l’hyper-puissance ! Macron, après quelques coups de menton, laisse entendre qu’il n’ira pas à l’affrontement avec notre « meilleur allié » et Merkel qui exporte beaucoup d’autos en Amérique ne dit rien d’autre et même acceptera encore bien davantage.

    Cette crise aura au moins le mérite de souligner l’insupportable dépendance de nos échanges commerciaux libellés en dollars qui confère à la justice américaine un pouvoir dont elle n’a pas manqué de se servir dans le rapt d’Alstom par General Electric. Les Russes et les Chinois ont déjà abandonné le dollar pour certaines transactions. L’Iran propose maintenant à l’Union européenne de commercer en euros. Cela ne sera pas simple ! Et l’Europe n’existe pas souverainement, en dépit des désirs de Macron.

    En 2003, après un sursaut d’honneur mémorable de la France au Conseil de sécurité contre l’invasion de l’Irak, les Américains avaient décrété un « french bashing » ; ils ne voulaient plus rien nous acheter : se priver de champagne et de bons vins était dommage ; mais parallèlement se passer du logiciel de conception CATIA de Dassault Système pour développer les sous-marins nucléaires de la NAVY était impossible. La France a donc survécu à cette crise. Après 15 ans d’alignement servile, sommes—nous encore capables d’une telle résistance ? D’abord être fort !   

    Mathieu Épinay

    * Collectif de spécialistes des questions de Défense
  • Risque italien de krach bancaire et de faillite de l'Etat

     

    Par Marc Rousset

     

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    La situation économique du pays est malheureusement le point faible de l’Alliance populiste porteuse d’espoirs pour l’Europe.

    Emmanuel Macron et Angela Merkel viennent de se mettre d’accord, à Meseberg en Allemagne, pour limiter les « prêts non performants » (« NPL », en anglo-américain) des banques de l’Union européenne à 5 % du maximum du total des encours de crédits bancaires. La moyenne, en Europe, est de 4 % aujourd’hui, suite à des programmes de cession, par les banques, de créances douteuses, avec une forte décote, à des fonds américains tels que Pimco ou Fortress. Mais il n’empêche que le ratio est toujours de 44,9 % en Grèce, 38,9 % à Chypre, au-dessus de 15 % au Portugal et d’au minimum 11 % en Italie, l’Irlande se situant à 10 %. Les banques italiennes détiennent à elles seules 28 % des « NPL » en Europe. L’essentiel de ces créances douteuses correspond à des prêts à des entreprises et, en moindre partie, aux ménages.

    Le programme populiste italien de relance par la consommation consisterait à faire la même erreur que la France depuis quarante ans, d’autant plus que l’endettement public italien est de 130 % du PIB et devrait atteindre, si l’on extrapole, 200 % en 2050. La population italienne, la deuxième plus âgée du monde, décroît. La productivité italienne est médiocre dans plusieurs secteurs et le Mezzogiorno constitue une lourde charge pour le pays, même si l’Italie est aujourd’hui plus industrialisée que la France. La réduction des impôts et la mise en place d’un trop généreux traitement du chômage, identique à celui de la France, ne peuvent être que contre-productifs dans le contexte actuel. Une relance de l’offre productive, de l’innovation, des infrastructures et des investissements des entreprises serait pourtant le seul moyen de diminuer, à terme, le risque de faillite de l’État italien. La situation économique du pays est malheureusement le point faible de l’Alliance populiste porteuse d’espoirs pour l’Europe en matière migratoire et pour de bonnes relations avec la Russie.

    Nombre de banques locales et coopératives italiennes sont en grande difficulté et pourraient être liquidées tout comme les banques vénitiennes, il y a un an. L’an dernier, la banque Monte dei Paschi di Siena avait dû aussi être sauvée par l’État italien, aujourd’hui actionnaire majoritaire à 68 % ; le prix de l’action vient de baisser de 20 %. Le cours des deux plus grandes banques italiennes, UniCredit et Intesa, vient de perdre 10 % et 18 %. Le deuxième point de fragilité des banques italiennes, au-delà des créances douteuses, est leur exposition aux obligations de l’État, qui représentent 20 % de leurs actifs, soit l’un des ratios les plus exposés du monde.

    L’exposition à la dette italienne représente 145 % des capitaux propres de Tier 1 (ratio de la BRI) d’Intesa Sanpaolo et d’UniCredit, 327 % de Banco BPM, 206 % de Monte dei Paschi, 176 % de BPER Banca, 151 % de Banca Carige. Ces banques, sauvées jusqu’à présent par les taux d’intérêt zéro et la politique laxiste monétaire du QE (quantitative easing) de la BCE, sont menacées par le « cercle de la mort » si le prix des obligations baisse ou s’écroule en raison de la remontée des taux d’intérêt. De plus, les banques françaises détiennent 44 milliards d’obligations italiennes (BNP, 16 milliards) ; les banques espagnoles, déjà très fragiles, 29 milliards (Banco Sabadell, 10,5 milliards). La banque franco-belge Dexia, qui a déjà fait faillite deux fois en 2008 et 2011, possède 15 milliards d’obligations italiennes. Toutes ces banques survivent avec l’épée de Damoclès « taux d’intérêt » au-dessus de la tête.

    Enfin, l’Italie et l’Espagne plongent de plus en plus avec des déficits de mouvements de capitaux en zone euro (balances Target 2) de l’ordre de 400 milliards d’euros pour chacune, tandis que l’Allemagne accumule les excédents (900 milliards d’euros).

    Mario Draghi vient d’annoncer la fin du QE de la BCE pour fin 2018, après avoir acheté, d’une façon exceptionnelle et non conventionnelle, 2.650 milliards d’euros d’obligations en zone euro depuis mars 2015, ce qui est très préoccupant pour l’Europe du Sud et l’Italie. En annonçant que les taux d’intérêt resteraient à leur niveau actuel « au moins jusqu’à la fin de l’été 2019 », Mario Draghi n’a fait qu’apporter un contrepoison d’une durée d’un an à la fin du QE, l’explosion à venir en Italie et dans la zone euro étant malheureusement inéluctable. La crise de la dette italienne continue de couver sur les marchés.  • 

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    Économiste

    Ancien haut dirigeant d'entreprise

  • Fin de fictions

     

    Un article de Bertrand Renouvin *

    2293089609.14.jpgOn sait que nous n'avons pas que des points d'accord avec Bertrand Renouvin. Ici, aucun désaccord si ce n'est l'étiquette « ouvertement xénophobe » que Renouvin s'autorise un peu facilement à coller sur des ministres du nouveau gouvernement italien suivant le vocabulaire conformiste des médias. Mais sur le fond, qui concerne la France, l'Europe et le monde, nous partageons son analyse qui a le mérite de la lucidité et de la clarté. On la lira avec profit.  LFAR 

     

    Royaliste numero 1147.jpgL’Union européenne se présentait comme l’accomplissement heureux de l’histoire de l’Europe. Les prophètes de cette « Union » ne se sont jamais interrogés sur son inachèvement programmé – puisqu’elle refusait d’englober la Russie. Ses artisans n’ont jamais saisi l’impossibilité logique d’une « intégration » qui supposait in fine la désintégration des Etats nationaux – alors que les nations européennes sont la condition même de l’existence du concert européen et de la civilisation européenne. Ses thuriféraires n’ont jamais voulu reconnaître qu’il fallait choisir entre l’Europe européenne et la soumission aux Etats-Unis. Et les fabricants de traités n’ont jamais voulu comprendre que ces textes empilés depuis 1958 ne pouvaient fonder une unité politique mais seulement produire une caricature d’institutions démocratiques et une « gouvernance » parodique.

    La somme des impossibilités et des incapacités a produit des noeuds de contradictions. Par différents moyens bureaucratiques et de plus en plus antidémocratiques, les européistes ont retardé les explosions sans voir qu’ils fabriquaient eux-mêmes les barils de poudre, les mèches et les briquets. Le carcan monétaire suscite la révolte populaire partout dans la zone euro. La crise migratoire provoquée par les guerres américaines et à l’américaine, dont l’Union fut complice ou partie prenante au prétexte qu’il existerait un « Occident », a été gérée de manière irresponsable par Berlin et Bruxelles, qui ont engendré des réactions populaires dans les pays frontières de l’Union et en Allemagne.

    Les élites du pouvoir, des affaires et des médias clament que ces populismes sont ineptes, vulgaires, dangereux, fascistoïdes… mais le travail du négatif se poursuit et s’accélère. Alors, à Bruxelles et à Berlin, on fait la part du feu pour sauver le coeur du système. On laisse le FPÖ faire ce qu’il veut en Autriche puisqu’il ne conteste pas l’euro. En Italie, le président de la République ne s’oppose pas à l’arrivée de ministres ouvertement xénophobes mais il refuse de nommer un adversaire déclaré de l’euro. De fait, la Commission européenne fera tous les compromis nécessaires sur les migrations, car pour ses fonctionnaires il ne s’agit que d’une gestion des flux qui relèvent selon les cas du laisser-faire, de la régulation ou du refoulement.

    Mais pour sauver la « monnaie unique », pas de compromis possible ! Contre les dissidents potentiels, contre les hérétiques, la guerre a été, est et sera sans pitié. Soutenus par la presse allemande, jamais avare d’injures quand il s’agit des Grecs, le gouvernement de Berlin et ses annexes de Bruxelles et Francfort ont montré en 2015 qu’ils pouvaient anéantir les velléités de résistance d’un gouvernement et infliger au peuple une punition qui ne sera jamais levée. En Italie, la formation du gouvernement issu des élections s’est accompagnée de manoeuvres de sérail et d’opérations financières de déstabilisation orchestrées par les commentaires et les couvertures haineuses de la presse allemande. Emmanuel Macron est lui aussi confronté à la rigidité allemande mais, parce qu’il ne touchait pas à l’essentiel, son projet de réforme de la zone euro a bénéficié d’un rejet poli, assorti de concessions apparentes sous la forme d’un petit budget d’investissement et d’un éventuel « fonds monétaire européen » chargé de traiter à la schlague les Etats trop endettés.

    La rigidité allemande n’empêchera pas l’explosion de la zone euro. Elle pourrait même accélérer une dynamique libératrice qu’Emmanuel Macron refuse d’anticiper. De même, le président des riches refuse d’admettre la fin de la fiction du marché mondialisé. Les Etats-Unis ont toujours voulu le libre-échange pour les autres mais pas pour eux. Donald Trump le rappelle brutalement à des « partenaires » qui lui opposent leur foi naïve dans les vertus du compromis entre membres du club occidental. En retirant sa signature du communiqué final du G7, le président des Etats-Unis a ajouté à l’affirmation de sa volonté de puissance une humiliation calculée. Les fiers-à-bras de Paris et d’Ottawa, comme la dame* teutonne, continueront de courber l’échine en quémandant des aménagements dans le régime des coups de bâton.  •

    * Royaliste, 12-25 juin 2018

  • Pour la France, comme pour l’Amérique, le libre-échange ce sont des déficits

    Finies les embrassades ?

     

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    Ce que nous rappelle l'offensive économique de Donald Trump - qui a surpris le monde et dérangé brutalement ses habitudes - c'est que le mondialisme, le libre-échangisme, ne sont que des idéologies et en ont la fragilité. 

    Les idéologies sont un puissant moteur de l'Histoire, il est vrai. Mais quelles que soient leurs prétentions philosophiques ou éthiques, elles naissent et meurent de réalités plus déterminantes encore, devant lesquelles, en définitive, elles cèdent un jour ou l'autre.

    Les anglo-saxons ne parlent pas de mondialisation mais de globalisation, laquelle, dans leur logique et leur esprit, signifie surtout l'abaissement généralisé des taxes douanières instituant un marché mondial unique ou si l'on veut globalisé. De cette évolution dont les anglo-saxons ont été les promoteurs parce qu'ils la pensaient favorable à leurs industries et à leur commerce, l'on a fait un dogme, l'on a forgé une idéologie. Surtout en Europe, d'ailleurs, et surtout en France, reconnaissons-le, où l'on a volontiers l'esprit abstrait. Les buts d'affaires des anglo-saxons y étaient naïvement assimilés aux vieux rêves hugoliens ou plus récemment attaliéns ou encore démochrétiens, d'unité du monde ! Ce n’est pas ainsi que l’on raisonne au Texas ou dans l’Arizona.

    Mais les réalités économiques du monde ont évolué autrement que prévu. La donne a changé. La Chine, en particulier, n'est plus cet immense marché à conquérir qui a été comme un mirage que l'on fixait avec avidité ; elle n'est même plus cet atelier du monde auquel on a un temps transféré en masse des travaux manufacturiers bas de gamme, à faible coût. La Chine est un dragon capable de haute technologie, qui a commencé de ruiner les économies occidentales, américaine en premier lieu. Comme elle avait ruiné l'Angleterre au XVIIIe siècle avec son thé. Le déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine aura atteint 276 milliards de dollars en 2017... 

    L'autre dragon du monde actuel est l'Allemagne. Elle prend chaque année de considérables bénéfices sur la plupart des grandes économies du monde, dont ses partenaires européens, qui semblent pour l'instant s'y être résignés, mais aussi sur les Etats-Unis de Donald Trump qui, lui, ne se résigne à rien du tout. 

    Reconnaissons à Emmanuel Macron d'avoir admirablement résumé la situation à l'endroit de l'Allemagne - mais tout aussi bien de la Chine : « les bénéfices des uns sont les déficits des autres ». On ne saurait mieux dire les choses ni définir plus simplement à quoi aboutit aujourd'hui le libre-échange généralisé.

    Donald Trump sait au moins compter. Il a pris la mesure du déficit du commerce extérieur de son pays : près de 600 milliards de dollars par an, soit près de 10 fois le nôtre (62 milliards) pour un PIB autour de 19 000 milliards, soit seulement près de huit fois le nôtre (2 400 milliards). 

    Donald Trump a donc sifflé la fin de partie de cette phase de l'histoire moderne où l'on a cru sottement à la fin de l'Histoire et au primat de l'économique, qui devait demeurer l'unique réalité d'un monde uni et pacifié. Il ne nous semble pas que Donald Trump ait la moindre notion de ces utopies ou, en tout cas, qu'il leur accorde un quelconque crédit.

    En matière économique, comme politique ou militaire, la ligne du président américain est simple, elle n'est pas nouvelle, elle renoue avec le sentiment américain le plus ancien, le plus profond et le plus constant, c'est à dire avec sa soif maintenant multiséculaire de richesse et de puissance. Trump l'a résumée dans la formule sans détour : America first.

    Alors, les hiérarques européens se sont indignés, Macron a repris son postulat anachronique et faux : « le nationalisme, c'est la guerre » et Le Figaro n'a pas reculé devant le risque de tourner notre président en ridicule en titrant à la une : « Emmanuel Macron met en garde les Etats-Unis ». Allons donc ! L'Allemagne boude après la taxation de ses exportations d'acier et d'aluminium vers les Etats-Unis, mais modérément parce qu'elle inonde le marché américain de ses grosses voitures et qu'elle voudrait bien éviter à son industrie automobile le sort de sa sidérurgie. Rien n'est moins sûr, d'ailleurs. La Chine proteste de sa bonne volonté et promet d'ouvrir son marché intérieur. Elle n'y croit sans-doute pas beaucoup plus qu'elle n'est crue.

    Il nous paraît en revanche assez clair que le libre-échange universel - du moins tel qu'on le rêve à l'OMC ou à Bruxelles - dérange aujourd'hui trop d'intérêts puissants pour demeurer en l'état. A commencer par ceux de la première nation économique - et militaire - du monde, les Etats-Unis d'Amérique.

    Trump n'a pas été élu par la population assemblée de l'humanité toute entière. Il n'est pas en charge de l'univers mais des intérêts américains. C'est d'ailleurs à eux qu'il pense pour être réélu d'ici à deux ans. Et c'est pourquoi il s'emploie à protéger sans états d'âme trop universels, ses industries, son commerce, les travailleurs et les patrons américains. Ses électeurs. Nous serions étonnés qu'Emmanuel Macron ou Justin Trudeau soient de taille à le faire changer d'avis.

    Nous serions sans aucun doute résolument libre-échangistes, mondialistes, universalistes, si nous étions Chinois ou Allemands. Nous  trouverions à cela d'excellentes raisons idéologiques et morales. Nous en ferions notre propagande. Et nous accumulerions les milliards.

    Nous avons en commun avec Donald Trump et les Américains de n'être ni Chinois ni Allemands et d'avoir avec ces deux grands peuples qui ne sont nos ennemis ni l'un ni l'autre, des déficits de nos échanges commerciaux considérables. Trump en a tiré la conséquence et nous ferions bien d'en faire autant. Le libre-échange n’est pas affaire de doctrine, d’idéologie ou de principe. C’est affaire de circonstances, d’époque, et d’opportunité. Pour la France, comme pour l’Amérique, depuis déjà nombre d’années, le libre-échange ce sont des déficits.  ■ 

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    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Démographie • Immigration zéro et relance de la natalité en Europe de l’Est : Macron, c’est l’inverse !

    Arrivées de migrants en continu en France ...

     

    Par Marc Rousset

     

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    La loi Collomb « anti-immigration » qui vient d’être votée en première lecture est de la poudre aux yeux « en même temps » pour naïfs !

    C’est l’arbre qui cache la forêt de l’invasion migratoire, du remplacement de population en voie d’accélération rapide. Macron, dernier avatar de la gauche, suite au coup d’État médiatico-juridico-politique pour évincer Fillon, applique la politique droits-de-l’hommiste de destruction des peuples européens.

    Le doublement de 45 à 90 jours de la durée de séjour maximal en centre de rétention administrative n’aura aucun effet car la décision finale est laissée au juge des libertés. Les quelques places supplémentaires pour les demandeurs d’asile et pour les centres provisoires d’hébergement de réfugiés ne vont diminuer en rien les arrivées migratoires en amont. Quant à l’idée de vérifier le statut des personnes dans les centres d’hébergement d’urgence par des « équipes mobiles », elle a déjà été vidée de sa substance, suite aux cris d’orfraie des associations.

    En 2017, 120.000 immigrés clandestins, le plus souvent pour des seules raisons économiques, ont demandé un asile politique vide de sens qui ne signifie plus rien. Quant à la honteuse et folle immigration « régulière », elle a explosé, pour passer de 125.000, en 1995, à 262.000, en 2017 ! La France de Macron croule aussi sous le nombre des « dublinés » qui relèvent d’un autre pays européen mais qui s’installent en France en raison du laxisme de notre législation. Une loi votée sous Hollande annulant une rétention sur cinq n’a pas été abrogée par Collomb, pas plus que la circulaire Valls de 2012 contribuant à l’augmentation des régularisations d’étrangers en situation irrégulière de plus de 30 % en 5 ans. En 2017, le nombre d’éloignements des clandestins n’était que de 15.000, dont 6.600 seulement en dehors de l’Union européenne, soit quelques milliers d’expulsions de plus – une goutte d’eau ridicule en augmentation de 10 % par rapport à 2016, face au tsunami migratoire extra-européen !

    En Europe de l’Est, c’est tout le contraire : immigration zéro et politique nataliste des Européens de souche. Viktor Orbán octroie des prêts et une TVA préférentielle pour l’achat d’une maison à toute famille s’engageant à avoir trois enfants en dix ans. En Pologne, la politique nataliste du parti Droit et Justice a relancé les naissances d’une façon significative depuis 2016. Poutine, lui, a prévu un budget d’aide à la famille de 7,2 milliards d’euros jusqu’en 2020 avec un « bonus bébé » de 150 euros par mois pour les parents modestes dès le premier enfant – à comparer avec le salaire moyen, en Russie, de 450 euros par mois.

    Sous l’impulsion de l’Église orthodoxe, l’État russe combat avec succès l’avortement. Quand on en arrive, en France, à 220.000 avortements par an, soit une mortalité infantile peut-être comparable à celle que connaissait la France sous Louis XIV et un chiffre comparable à l’immigration régulière extra-européenne de 262.000 personnes par an, cela ne regarde plus seulement les femmes et leur vie personnelle, mais aussi la nation France et la civilisation européenne pour les question existentielles de leur survie, de leur renouvellement et de leur avenir.

    Hollande et Macron ont pratiqué la démolition de la politique familiale en fiscalisant les majorations de retraite aux parents ayant eu au moins trois enfants, en s’attaquant au quotient familial, en modulant les allocations familiales en fonction des revenus, etc. Pas étonnant, dans ces conditions, qu’en 2017, seulement 767.000 bébés soient nés en France, troisième année de baisse consécutive. L’exception démographique française en Europe est en train de disparaître tandis que Macron préfère subir l’invasion migratoire de masse.

    « La démographie est le destin », disait Auguste Comte.   • 

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    Économiste

    Ancien haut dirigeant d'entreprise

  • La France menacée de perdre son industrie

     

    Par Ronan Wanlin (mai 2018)
    Spécialiste d'intelligence économique

    Un article remarquable parce qu'il ne se contente pas d'analyser la situation désastreuse, mais parce qu'il formule un ensemble de propositions pour restaurer l’héritage industriel de la France.  C'est là un sujet qui touche à l'intérêt supérieur du pays 

     

    LogoOEG2.jpgL’industrie peut se résumer à l’ensemble des activités socio-économiques orientées vers la production en série de biens, grâce à la transformation de matières et à l’exploitation des sources d’énergie. D’un point de vue purement fonctionnel, l’activité industrielle est assurée par des entreprises évoluant sur deux terrains qui peuvent se superposer ou au contraire s’opposer : le terrain de l’économie, et un terrain plus politique. 

    Exemple concret : un pétrolier comme Total évolue sur le marché du pétrole et de l’énergie à échelle mondiale et se trouve représentant de facto d’intérêts français et doit donc rendre des comptes à la France

    Il faut être clair, précis, et surtout lucide. La mondialisation n’est pas heureuse. Le vaste marché autorégulé n’a jamais existé, » la main invisible » du marché d’Adam Smith n’a pas gagné. La mondialisation est en revanche une réalité, et la stopper peut être considéré, à tort ou à raison, comme une utopie. Un pragmatisme nécessaire oblige à prendre en compte cette réalité : les échanges et les flux sont mondiaux, ainsi que le sont, par définition, les rapports entre les Nations. Il appartient donc à la France d’exister, de reconstruire et d’affirmer sa puissance dans cette mondialisation. A ce moment seulement il sera opportun de discuter d’un autre système politico-économique mondial : on n’impose aucune vision sans puissance. Il faut ainsi penser à l’accroissement de puissance par l’économie. L’activité industrielle est donc un secteur clef privilégié pour penser cet accroissement de puissance.

    Une situation désastreuse

    Mais, la situation industrielle française est hélas désastreuse, et le rôle du politique est réduit au minimum. À vrai dire, d’un État traditionnellement colbertiste, la France est passée à un État régulateur; et encore cela est-il de plus en plus vague.

    Le constat est sans appel : il y a encore quelques dizaines d’années, l’industrie représentait 20% du PIB, aujourd’hui elle n’en représente que 10% ! Fermetures d’usines, restructurations, plans sociaux, faillites, rachats par des entreprises étrangères, en dix ans environ, la France a perdu 850.000 emplois dans l’industrie, et la part de marché mondiale des exportations françaises a fondu de 40% depuis 15 ans. C’est l’échec d’un modèle économique qui ne sert plus la puissance française et qui a choisi l’automatisation et les délocalisations. On peut parler de désindustrialisation.

    Afin de protéger au mieux les PME française, certaines pistes sont à explorer. Adoption d’un « Buy French Act » sur le modèle du « Buy American Act », c’est à dire réserver une large proportion d’achats publics (75% minimum) aux entreprises produisant encore en France lors des marchés publics ; ou encore la valorisation du « Made in France » par un étiquetage rigoureux tout en renforçant le développement des labels régionaux. Les pistes ne manquent pas. La France devrait également reconnaître et favoriser ses intérêts en abrogeant par exemple la traduction française de la directive européenne sur les travailleurs détachés qui légalise le travail à bas prix (low-cost) , la concurrence déloyale des pays européens de l’est et du sud, et qui pèse à la baisse sur les exigences des conditions de travail.

    Le cas d’Alstom

    Des cas concrets parlent mieux que des chiffres et à ce propos, le cas d’Alstom est emblématique. Il permet de comprendre le monde dans lequel évoluent les acteurs industriels, mais également ce que représente l’industrie pour l’indépendance, l’autonomie, la résilience française.

    En 2015, Alstom a été racheté à 70% par le géant américain de l’énergie General Electric. En effet, les Etats-Unis faisaient pression sur Alstom, impliqué dans des affaires de corruption dans le monde, en utilisant son « Foreign Corrupt Practices Act » qui permet aux Etats-Unis de juger n’importe quelle société ayant un lien avec eux (via l’utilisation du dollar par exemple). Or, le nucléaire représente 75% du mix énergétique français. Dans le processus de production énergétique, Alstom Energie fournissait la turbine Arabelle, qui est une technologie indispensable, on parle de technologie industrielle critique. Outre un très complaisant transfert de technologie, c’est une perte de savoir-faire immense, qui pose un double problème stratégique : commercial et décisionnel, puisque c’est tout le parc énergétique français qui pourrait se retrouver sous le coup d’un embargo américain sur la fourniture de pièces de maintenance des dites turbines. La France a donc perdu un pan entier de souveraineté énergétique, un leader national dans le commerce de l’énergie nucléaire et sa future capacité à exporter son savoir-faire.

    Les entreprises françaises évoluent sur un marché mondial asymétrique. Les Etats-Unis se sont dotés d’un arsenal de guerre économique, à la différence de la France et les pays de l’Union européenne.

    En l’espèce, l’État français n’a pas assuré son rôle de stratège : il n’a pas détecté - ou il ne l’a pas voulu- la menace qui pesait sur Alstom, ni les conséquences qu’un rachat entraînerait, et il n’a donc pas assuré la survie d’une entreprise stratégique.

    Une guerre économique mondiale

    Autre leçon de l’affaire Alstom : les industries portent des savoir-faire qui sont à la fois des outils concurrentiels, et donc des sources de richesses, mais aussi des leviers stratégiques internationaux. Lorsqu’une entreprise française est la seule à produire des biens avec une haute technicité, la France peut assurer son exportation mondiale. L’exportation de produits français est un atout diplomatique majeur permettant de peser sur ses clients. En 2003, devant le refus français d’intervenir en Irak, les Etats-Unis avaient décidé un embargo sur la France en ce qui concerne les matériels militaires, nous privant ainsi des catapultes utilisées sur le Charles de Gaulle pour lancer nos avions de guerre. La France perdait ainsi sa capacité de projection militaire dans le monde. C’est de cela que nous sommes privés aujourd’hui : d’une capacité à être résilients, à peser dans le monde à travers nos savoir-faire industriels.

    L’industrie française donc est ballotée au grès des courants d’une guerre économique mondiale qu’elle ne domine pas. Aux États-Unis, l’industrie est considérée comme un enjeu de sécurité nationale. Des empires industriels ont ainsi réussi à mettre au pas les entreprises en leur faisant comprendre qu’un pays fort profite nécessairement aux industries fortes et vice versa. Il faut donc comprendre l’asymétrie implacable qui règne. Sans cela, rien n’est envisageable. Il faut ensuite doter notre politique industrielle d’une vision, qui sera servie par diverses actions que j’exposerai ensuite. Cette vision s’appuie sur un postulat de base indispensable : l’intérêt national.

    La France devrait mener sa politique industrielle dans une double logique : une logique d’accroissement de puissance ainsi qu’une logique sociale et écologique.

    Accroissement de puissance donc. Il faut penser cet accroissement notamment à travers l’économie, ce qui implique une subordination de l’économie au politique. Un exemple simple : la Russie qui a développé sa puissance notamment autour du gaz qui lui assure non seulement une source de richesses, mais également des éléments de puissance diplomatique et militaire. Pour cela, nos industries doivent être concurrentielles afin de se positionner au mieux dans leurs secteurs respectifs. Le politique doit donc prendre en compte les intérêts stratégiques des entreprises. Enfin le politique se doit de prendre en compte et d’anticiper le contexte diplomatique.

    Des solutions visant à satisfaire cette vision sont nombreuses. Il serait nécessaire, par exemple, d’entamer une troisième extension de la protection des domaines sensibles, laquelle est prévue initialement par le Traité de Rome, mais réservée qu’aux domaines régaliens, élargis par Arnaud Montebourg aux transports et à l’énergie. Protéger les entreprises en matière de propriété intellectuelle, lutter contre la contrefaçon qui détruit 30.000 emplois par an sans compter les effets indirects à moyen et long terme s’avère également nécessaire ; tout comme mettre en place un système d’actions préférentielles pour protéger les entreprises stratégiques des prises de contrôle étrangères. Pourquoi même ne pas considérer un droit de réquisition de ces entreprises stratégiques en cas de rachat étranger ?

    Redonner la main à l’État

    Le secteur industriel a besoin de main d’œuvre et de matière grise. L’exonération de charges pendant cinq ans sur le recrutement en CDI d’un chômeur longue durée (1,2 million selon l’INSEE) permettrait justement au secteur industriel de recruter à des prix raisonnables. Surtout, parce qu’une vision stratégique implique d’avoir des coups d’avance, il faut favoriser la Recherche et Développement (R&D), en la faisant passer de 2,2% à 3% du PIB.

    En Allemagne, la R&D atteint 2,9% du PIB. De manière urgente, la France se doit de développer de nouvelles sources d’énergie comme l’hydrogène, car l’uranium sera épuisé dans 60 ans, ainsi que le stockage de l’énergie. De même il nous faut renforcer et développer de nouveaux secteurs sur lesquels nous pourrons développer des positions d’excellence, tels que l’économie de la mer ou de l’espace. Le monde connaît un tournant technologique et maitriser l’intelligence artificielle, travailler sur les utilisations de l’ordinateur quantique et des supercalculateurs est d’une grande importance.

    Les propositions ne manquent pas. En revanche, les lois issues de la législation de l’Union européenne, notamment celles régissant le marché intérieur, s’opposent à toute forme de d’intervention étatique, et de valorisation des produits. De même, le TTIP et CETA ne laissent pas présager une amélioration en ce sens.

    Un autre obstacle à la revalorisation de nos filières industrielles est l’idéologie. La vision libérale de la mondialisation prétendument « heureuse » semble occuper la tête de la plupart des dirigeants politiques, les privant de toute volonté nationale. Emmanuel Macron expliquait lors de la vente d’Alstom à General Electric que l’Etat n’avait pas à intervenir dans une relation entre deux entreprises privées. Pourtant, l’État, garant de l’intérêt général, ne devrait -il pas suppléer aux circonstances en ce cas ?

    Même s’il faut saluer quelques initiatives qui vont, au moins partiellement, dans le bon sens comme la récente loi Sapin II, la loi sur le secret des affaires ou encore la commission d’enquête parlementaire sur les décisions de l’Etat en matière de politique industrielle, la situation avance trop lentement. A côté de propositions techniques, il est nécessaire de restaurer la primauté de l’intérêt national et de l’accroissement de la puissance par le levier industriel. Il s’agit tout à la fois de restaurer cet état d’esprit, mais aussi de redonner la main au politique, c’est à dire à l’État-nation.

    En vérité, la mondialisation-globalisation et l’autorégulation du marché sont le vieux monde. A contrario le nouveau monde est celui de ceux qui ont compris que la scène mondiale reste faite de rapports de forces. C’est pourquoi, il faut défendre avec lucidité – et restaurer - l’héritage industriel de la France.  ■ 

  • Le nouveau régime libre-échangiste

     

    Par  Mathieu Bock-Côté 

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgCe que Mathieu Bock-Côté écrit ici dans son blogue du Journal de Montréal [ 26.04] nous paraît de première importance, plus, peut-être, que jamais. Il s'agit d'une recension d'un ouvrage de Simon-Pierre Savard-Tremblay qui s'intitule Despotisme sans frontières, qui vient de paraître et dont le titre dit presque tout. Mathieu Bock-Côté en fait une remarquable synthèse, juste, forte et savamment équilibrée. Nous n'y ajouterons presque rien. Il faut la lire. Nous aussi avons écrit que le libre-échange des biens, des hommes et des idées, qui date de la nuit des temps, doit se régler selon les circonstances, les époques et les lieux. En fonction des biens-communs particuliers des peuples et des Etats. Mais il devient despotique et destructeur lorsqu'il se mue en idéologie ou prétend s'imposer comme dogme universel. Il nous semble que c'est ce que démontre ici brillamment Mathieu Bock-Côté. Et cela est important parce qu'il s'agit de notre destin et même de notre survie.   LFAR   

     

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    Il est courant, aujourd’hui d’affirmer que la mondialisation est en crise et que son système s’est profondément déréglé. L’heure est à la révolte contre la mondialisation, et elle s’exprime de nombreuses manières, comme on l’a vu avec le référendum grec contre l’austérité, la résistance wallonne contre le CETA, la victoire du Brexit ou l’élection de Donald Trump. Cette révolte est à la fois portée par la gauche et par la droite, si ces catégories veulent encore dire quelque chose dans les circonstances. Mais contre quoi se révolte-t-on, exactement? Contre un mouvement historique irrépressible, condamnant cette révolte à n’être qu’un baroud d’honneur? Ou contre un régime politique qui ne dit pas son nom mais qui s’est mis en place sur une cinquantaine d’années et qui a transformé radicalement notre rapport au monde ?

    C’est à cette question que Simon-Pierre Savard-Tremblay a cherché à répondre dans Despotisme sans frontières, un très intéressant opuscule qu’il vient de faire paraître chez VLB. Et sa réponse est claire: la mondialisation telle que nous la connaissons est un régime qu’il faut nommer comme tel et combattre comme tel. C’est-à-dire que la mondialisation s’est installée au fil des décennies à coup d’accords internationaux de plus en plus secrets et de plus en plus contraignants, généralement au nom de l’idéal d’un libre-échange globalisé, qui serait l’expression naturelle et bienheureuse de l’humanité enfin délivrée du politique, des frontières et des souverainetés, qui diviserait l’humanité contre elle-même et la soumettrait au règne de l’arbitraire. Elle représenterait une mutation du cosmopolitisme le plus radical, prenant le relais, à sa manière, de l’internationalisme prolétarien. Le nouveau régime du libre-échange domestique les États, qui n’ont désormais plus qu’une mission centrale: aménager leur pays de manière à le rendre le plus compatible possible avec les exigences de la mondialisation. En fait, c’est la démocratie qui est domestiquée, puis neutralisée, car condamnée à l’insignifiance. L’État ne gouverne plus: il n’est que gestionnaire.

    Mais SPST insiste : le libre-échange tel qu’on le pratique aujourd’hui n’est pas le libre-échange en soi, qui ne saurait se laisser enfermer dans une définition aussi idéologiquement contraignante. Il y a une différence fondamentale entre favoriser le commerce entre les nations et créer un environnement juridique supranational favorable au règne des corporations, qui consacre en fait l’hégémonie de ces dernières, au point même de leur permettre de poursuivre les États devant les tribunaux lorsqu’ils jugent qu’une politique ou un règlement les empêche de tirer un profit optimal de leurs investissements. Et on ne saurait assimiler au protectionnisme la remise en question du moindre accord de libre-échange, quel qu’il soit. Notre monde ne doit pas choisir entre l’ouverture et la fermeture, comme le prétendent les idéologues mondialistes que notre auteur ne cesse de remettre en question. Les hommes politiques auraient tout avantage à se délivrer de cette propagande qui étouffe la réflexion dans une fausse alternative entre le bien et le mal. On ne saurait assimiler le bien politique à la perspective glaçante du sans-frontiérisme.

    0bc2a567-fd9a-48ea-9b53-fa426d1c1cb9_ORIGINAL.jpgSPST insiste: il ne s’oppose pas au libre-échange en soi mais à une forme de radicalisation du libre-échange qui vise à homogénéiser juridiquement et socialement la planète en programmant la dissolution des États et des nations. «Le «nouveau libre-échange» vise à ce que les pays du monde aient des législations quasi identiques pour que le capital puisse circuler d’un territoire à l’autre en ayant droit au traitement princier» (p.13). Mais à la différence des critiques habituels de la mondialisation, qui basculent tôt ou tard dans une forme de fantasme socialisant, SPST demeure sur terre et pose un objectif politique réaliste: le retour graduel, mais résolu, à l’État-nation, au nom d’un projet qu’il nomme à la suite de plusieurs la démondialisation. Il cherche à nous montrer de quelle manière on pourrait s’y engager et nous rappelle qu’il n’est en rien contraire à une grande coopération entre les peuples. SPST contribue ainsi, notons-le en passant, à une redéfinition nécessaire du souverainisme québécois, pour lui permettre d’entrer dans une nouvelle époque. Les souverainistes ne gagneront rien à toujours vouloir se plier à la définition médiatique de la modernité.

    Cet ouvrage est une belle réussite. La matière en elle-même est extrêmement complexe et SPST parvient à la rendre intelligible en la ramenant vers ce qu’on pourrait appeler les fondamentaux de la science politique: il pose la question du régime, il se demande qui commande, il cherche à identifier les intérêts sociaux qui tirent avantage des institutions, et ceux qui sont laissés dans les marges. En d’autres mots, l’objet de son livre est moins économique que politique, et c’est ce qui fait sa force. Personne ne croit qu’on sortira demain de la mondialisation, et qu’il faille la rejeter en bloc. Mais il s’agit, pour chaque nation, de reconstruire sa souveraineté, de lui redonner de la substance, car elle-seule est garante de la possibilité d’une expérience démocratique authentique. En fait, SPST veut nous convaincre que le nouveau régime du libre-échange s’accompagne d’une civilisation dégradée, qui abime notre humanité, nous déracine et nous condamne à la sécheresse existentielle: celle du consommateur absolu. Il s’agit, pour emprunter ses mots, «de recréer un mode de vie sain qui nous reconnecte à notre humanité» (p.126). Il veut nous convaincre, et nous convainc.  •   

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).