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Politique et Religion - Page 52

  • Livres & Histoire • Le Mystère Clovis, de Philippe de Villiers

     

    Par Gabrielle Cluzel  

    C'est une intéressante recension du dernier livre de Philippe de Villiers que Gabrielle Cluzel nous donne ici. [Boulevard Voltaire, 24.10].  

    Rappelons pour ceux qui l'ignoreraient que Gabrielle Cluzel participe - d'ailleurs toujours brillamment - à certains de nos colloques et conférences, dont quelques unes sont les siennes propres.   LFAR 

     

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    Avant d’être « Le Mystère Clovis », ce livre est le « mystère Villiers », la recette inimitable, à chaque ouvrage, réinventée qui a fait l’immense succès de sa Jeanne d’Arc et de son Saint Louis.

    Ce n’est pas un roman historique, en tout cas pas au sens communément admis du terme : le genre, qui fait florès depuis trente ou quarante ans, prend des libertés et extrapole – parce que roman – et vous habille tout cela en costume d’époque – parce qu’historique. Intrinsèquement chronocentré, il plaque sur ses héros la psychologie de l’homme moderne et prête aux événements des problématiques contemporaines.

    C’est la démarche parfaitement inverse que fait Philippe de Villiers, et quand il imagine – des dialogues, des rencontres, des sentiments -, c’est pour combler les non-dits de l’Histoire avec rigueur, dans le respect du climat, du vocabulaire, du mode d’expression et des croyances de l’époque. Les pages consacrées, en addendum, à la juste datation du baptême de Clovis en sont la preuve.

    Pour ne pas être chronocentré, et donc anachronique, ce livre est cependant lié par mille fils à notre monde. « La nature a horreur du vide. L’Empire romain est mort en Occident. » Clovis est une charnière, la fin d’un cycle et le commencement d’un autre, cette heure un peu sombre, entre chien et loup, qui angoisse. Et ce n’est pas trop s’avancer que d’affirmer que nous y sommes aussi. Nous aussi savons ce qu’est une civilisation qui s’essouffle et s’étiole, qui, comme un vieillard, se crispe et se caricature, dont le raffinement devient perversion, le savoir-vivre hédonisme, la miséricorde faiblesse, le doute désespoir suicidaire. « Les chanteurs ont chassé les philosophes et les professeurs d’éloquence ont cédé la place aux maîtres en fait de volupté. »

    Et voici Clovis, jeune et barbare, doté d’une assurance, une rustrerie, un appétit, une énergie vivifiants : « J’accède au pouvoir au moment même où l’ancien monde bascule dans le vide. Mes impatiences font couler dans mes veines des lames en fusion. » Rien de tout cela – au contraire ! – ne pouvait laisser prévoir qu’il embrasserait la religion du Christ. C’est bien pour cela qu’il fut tenté par l’arianisme. C’est bien pour cela qu’il sembla s’engouffrer dans une manière de théologie de la rétribution résumée par Grégoire de Tours – « Tout lui réussissait car il marchait le cœur droit devant Dieu » -, et pourtant, la mort, sitôt baptisé, du premier enfant que lui donna Clotilde avait de quoi ébranler moins incrédule. Clovis commença d’ailleurs, tel Monsieur Jourdain, par faire du christianisme sans le savoir : ainsi le loue-t-on pour avoir accordé la liberté aux Alamans vaincus… « Je ne voulais pas m’encombrer de captifs », avoue-t-il, candide. « Parfois dans la vie, lui répond l’ermite Vaast, il arrive que l’acte soit plus fort que l’intention. »

    Et voici la vaillante Clotilde, justement, avec la clairvoyante Geneviève, parce que, comme l’écrivait Jacqueline Pascal, « quand les évêques ont des courages de femmes, il faut que les femmes aient des courages d’évêque », et que, précisément, les « druides mitrés », comme les appelait Childéric, père de Clovis, ne sont pas tous de la trempe de saint Remi.

    Quand il s’adresse là-haut, c’est le « Dieu de Clotilde », et lui seul, qu’il interpelle. Preuve que c’est avant tout par elle que la France fut christianisée.

    Philippe de Villiers ne fait jamais rien au hasard, et l’on plonge dans son livre comme l’on rentre au Puy du Fou : pour se divertir, apprendre, en avoir plein les yeux, admirer, retrouver la fierté du passé, mais aussi pour réfléchir et espérer.

    Ce livre sort presque en même temps que le Destin français, où tout semble déjà scellé et plié… à vue humaine, c’est vrai, et Éric Zemmour n’aime rien tant que la rationalité. Mais le mystère est ce que l’on ne peut expliquer. Ou seulement après.

    C’est ainsi que Clovis devint le père d’un Occident que l’on aurait pu croire définitivement condamné. 

    Ecrivain, journaliste
    Son blog
  • Livres & Mémoire • Les martyrs d’Algérie

     
    Par  Bruno de Chergé
     

    Photo-actu-10.jpgLe Vatican avait annoncé samedi 27 janvier 2018 que le pape François a autorisé la promulgation du décret de béatification de Mgr Pierre Claverie, ancien évêque d’Oran, et de dix-huit autres religieux et religieuses morts en martyrs en Algérie entre 1994 et 1996.

    Le décret avait été signé sans date ni lieu de béatification, contrairement aux usages en la matière. Les évêques d’Algérie souhaitaient que la béatification se passât en Algérie. Des discussions ont eu lieu avec les autorités algériennes, en lien étroit avec le Vatican, c’est-à-dire la Congrégation pour la Cause des Saints.

    Le temps passait et les espoirs de voir cette béatification se dérouler rapidement s’amenuisaient. En effet, se profile en 2019 une année d’élection présidentielle en Algérie, avec des interrogations sur la possibilité pour le Président Bouteflika de se représenter malgré son état de santé. Et, puis, coup de théâtre, après une réunion début septembre à Rome et de nombreux échanges avec le Ministre des Cultes algérien, la date et le lieu sont enfin tombés : ce sera le 8 décembre à Oran, en la Basilique Santa Cruz qui vient d’être rénovée.

    Des rumeurs insistantes évoquaient la venue du Pape à cette béatification. Si le Pape est incontestablement derrière l’accélération du calendrier de la béatification de ces 19 martyrs d’Algérie, il est difficile pour le chef de l’Église de se rendre ainsi dans un pays dont l’Islam est devenue la religion d’État par la Constitution de 1963. L’Église n’a pas pu officiellement perdurer en Algérie pour le moment, à la différence des coptes d’Égypte. En 1964, 900.000 chrétiens quittent le pays. Il ne reste alors que 100.000 chrétiens et moitié moins dès 1970.

    Qui sont ces 19 martyrs de la foi honorés par l’Église ? Il y a des Maristes et des Petites Sœurs de l’Assomption, tués ensemble à Alger, le 8 mai 1994. Deux sœurs Augustines Missionnaires tuées le 23 octobre 1994, sur la route, tandis qu’elles se rendaient à la messe dominicale. Quatre Pères Blancs, tués le 27 décembre 1994 à Tizi-Ouzou, tandis qu’ils fêtaient ensemble leur confrère Jean Chevillard. Les Sœurs de Notre-Dame des Apôtres ont aussi deux martyres. Elles ont été tuées le 3 septembre 1995, alors qu’elles sortaient de la messe du dimanche. Sœur Odette Prévost, des Petites Sœurs du Sacré-Cœur, a été tuée à Alger, le 10 novembre 1995, tandis qu’elle se rendait à la messe. Le groupe le plus nombreux est formé par les sept Frères trappistes du monastère de Tibhirine : Christian de Chergé, le prieur ; Frère Luc Dochier, le médecin ; Père Christophe Lebreton, poète ; Frère Michel Fleury ; Père Bruno Lemarchand qui se trouvait à Tibhirine de passage, pour l’élection du prieur. Le père Célestin Ringeard et le Frère Paul Favre-Miville complètent le groupe. Ils ont été pris en otages la nuit du 26 mars 1996 et ils vont vivre cette tragique situation pendant 56 jours. On ne retrouva que leurs têtes, le 21 mai 1996. Le dernier du groupe est Monseigneur Pierre Claverie, évêque d’Oran, tué à Oran le 1er août 1996.

    Pour découvrir l’itinéraire des moines de Tibhirine, l’Association pour les Écrits des sept de l’Atlas vient d’éditer Autobiographies spirituelles, Heureux ceux qui espèrent aux éditions du Cerf. Un beau livre qui permet de les connaître, d’entrer dans leur intimité et de cheminer avec eux vers le Golgotha, jusqu’aux instants ultimes où ils furent enlevés puis exécutés.

    On retrouve le portrait rugueux et généreux de Frère Luc, la quête mystique de Christian de Chergé. On vit avec cette Église d’Algérie qui fait sienne l’enfouissement post-Vatican II, dans un pays totalement musulman, et déchiré par une guerre civile initiée par les islamistes du GIA. 

    Mais, ces moines restaient un signe dans la montagne de l’Atlas. La Communauté du Chemin Neuf essaie de continuer une vie chrétienne à Tibhirine.

    Heureux ceux qui espèrent, Autobiographies spirituelles, Editions du Cerf, Bayard, Abbaye de Bellefontaine, 757 p, 29 €.

    Bruno de Chergé
    Politique magazine
  • Comment peut-on être Français ?

     

    Par Jean Viansson Ponté

    457372439-612x612.jpgLa France est un pays bizarre autant qu’étrange.

    Elle reste une des premières nations du monde, ce qui est en soi un sujet d’étonnement. Car, dans la période récente, le peuple a porté à la fonction suprême successivement un nerveux hyperactif, un cauteleux cynique, puis un adepte solennel du Tout et Son Contraire. Leurs efforts conjoints permettent, aujourd’hui, de dresser un état des lieux impressionnant : on peine à résumer les « avancées » qui ont bouleversé les règles et les usages sur lesquels avaient été fondés les rapports sociaux et la prospérité des temps anciens ! La France, dans le concert des nations occidentales vassalisées par l’empire américain, s’est distinguée par le zèle de ses dirigeants à la transformer en modèle exemplaire de cette révolution lourde et molle. Politique Magazine analyse, commente et scrute ces transformations depuis seize ans. Ce numéro d’octobre est un anniversaire. Une nouvelle équipe dirigeante prend les rênes ; mais votre magazine ne changera pas. Il restera ce magazine que vous aimez et qui tentera toujours de répondre, chaque mois, à cette question cruciale qui est plus que jamais la nôtre : comment être Français ?

    Comment être Français quand le Français est réputé coupable, encore coupable, toujours coupable. Pour les « crimes » de ses parents et de ses aïeux, et pour sa difficulté congénitale à comprendre le bien-fondé des pensées « nouvelles ». « Réfractaires », dit la plus haute autorité !

    Coupable d’avoir fait des guerres, de les avoir gagnées, et sans doute encore plus de les avoir perdues. Coupable d’avoir imposé sa férule à des peuples qui jusque là vivaient dans l’état d’innocence et de bonté propre à la nature selon Jean-Jacques, coupable de leur avoir apporté ses maladies et ses mauvais sujets en même temps que ses hôpitaux et ses infrastructures, ses techniques et sa langue. Coupable d’avoir pratiqué un temps l’esclavage, qui n’avait perduré depuis la fin de l’empire romain – faut-il le rappeler ? – que dans les sociétés orientales, et coupable d’être l’un des premiers pays à l’avoir abrogé ! Coupable d’avoir tardé à admettre que les textes fondant le droit de la famille devaient valoriser au premier chef les pratiques minoritaires en-dehors de toutes contraintes naturelles ou culturelles. Coupable de ne pas aimer les éoliennes, ni les systèmes d’échange de taxes carbone, si pratiques, pourtant, pour justifier en même temps des investissements colossaux et des profits si faciles. Coupable de ne pas s’enthousiasmer à aimer un « art » qui ne recherche pas le Beau, et qui pourtant permet un stockage de valeur presque plus aérien que les mécaniques boursières automatisées. Bref, coupable de ne pas aimer le Progrès, y compris dans ses aspects les plus déroutants et les plus destructeurs.

    Et comment être Français sous le joug d’une triple contrainte étouffante ? Contrainte légale, contrainte sociale, contrainte morale.

    Contrainte légale : lorsque les choses traînent, quand non seulement les citoyens mais aussi les parlementaires rechignent à « progresser », les juges se chargent alors de remédier à la situation, en toutes matières. Et la plus haute juridiction de l’État, le Conseil constitutionnel, sorti des limites de son pouvoir, n’hésite pas à l’ouvrage. Le tout sous la tutelle des institutions et juridictions européennes, dont l’action réduit le rôle des gouvernants nationaux à une gestion sans vision et sans ambition, même dans les domaines les plus essentiels.

    Contrainte sociale : lorsque des voix discordantes expriment une divergence par rapport à l’opinion « dominante », habilement fabriquée, elles sont rappelées aux « fondamentaux » de la démocratie programmée et obligatoire, la liberté ayant quand même des limites ! Si ces voix persévèrent dans la défense de valeurs, et surtout d’intérêts, qui se révèlent contraires à la croyance dominante et surtout aux intérêts des dominants, elles sont mises au rancart. Le conformisme est de rigueur.

    Contrainte morale : comme dans toute classe, il faut faire régner la discipline, désapprendre les mauvaises habitudes et valoriser les bases de la nouvelle sociabilité. Et, pour cela, les « grands » médias, écrits, parlés et audiovisuels sont requis. L’esprit critique n’est plus la valeur de référence. Ce qui compte, c’est de respecter « les codes ». Et surtout « le nouveau code », qui n’est pas de gouverner en cherchant à faire valoir ce qui relève du bien commune et de l’intérêt national. Non, mais de gouverner en désignant les méchants, nation ou famille, Russie ou Syrie, et de faire silence sur les sujets qui fâchent, Chine et Turquie, islam et islamisme, violences et pauvretés, peuple et libertés. La règle est de proclamer la vision universelle et de ne plus traiter du réel national, ce bagage encombrant.

    Politique magazine est un mensuel d’information et d’opinion. Il ne joue pas sur des manichéismes faciles. Il s’attache à analyser des faits et des situations pour contribuer à éclairer ses lecteurs, dans la période de périls qui se précise. En faisant appel à leur jugement, à leur intelligence, à leur curiosité ; afin de rechercher ce qui peut contribuer à construire un avenir pour la France et les Français ; en n’écartant ni les véritables novations, ni la véritable tradition. En n’écartant que les contraintes étouffantes.

    Politique magazine est un espace de liberté qui a été pensé et construit par une équipe fondatrice. C’est dans cette voie que nous poursuivons maintenant la publication, après une phase économiquement difficile qui est sans doute la rançon de l’indépendance. Faites connaître Politique magazine, envoyez-nous vos commentaires, ensemble nous ferons grandir ce nécessaire espace de liberté.  

    Jean Viansson Ponté
    Politique magazine - Octobre 2018
  • Église : sortir de l'ambiguïté

     

    Par Hilaire de Crémiers 

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    Analyse : situation terrible de l'Eglise catholique et terrible analyse - fleuve - dont on pourra débattre.  LFAR

    Mgr Carlo Maria Vigano, ancien Nonce apostolique aux États-Unis, a cru de son devoir de publier le 25 août dernier une lettre signée du 22 août sous forme de témoignage pour mettre le pape François et la hiérarchie de l’Église devant leur responsabilité dans l’effroyable problème que révèle la découverte des innombrables crimes sexuels commis par des membres du clergé et volontairement tenus cachés. 

    “Souvent, Seigneur, ton Église nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toutes parts. Et dans ton champ, nous voyons plus d’ivraie que de bon grain. Les vêtements et le visage si sales de ton Église nous effraient. Mais c’est nous-mêmes qui les salissons ! C’est nous-mêmes qui te trahissons chaque fois, après toutes nos belles paroles et nos beaux gestes. Prends pitié de ton Église… »

    C’était en mars 2005. Jean-Paul II était mourant. Le cardinal Joseph Ratzinger présidait à la place du pape le chemin de croix qui se déroule traditionnellement au Colisée. Nul doute aujourd’hui, pour qui cerne l’histoire de cette période de l’Église, que celui qui était alors encore le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, pensait, en prononçant ces mots terribles, d’abord et surtout, aux crimes d’homosexualité, de pédophilie et d’abus sexuels de toutes sortes perpétrés dans un cadre ecclésiastique au cours des quarante précédentes années et dont s’étaient rendus coupables des membres du clergé à tous les niveaux. Les scandales commençaient à éclater un peu partout sur tous les continents et éclaboussaient jusqu’aux sommets de la hiérarchie qui se taisait.

    Le temps de Jean-Paul II

    Jean-Paul II avait exercé son charisme personnel dans sa fonction pour redynamiser une Église qui en avait bien besoin après les années dites « conciliaires » dont le pape Paul VI, sur la fin de son pontificat, effrayé de résultats qui n’étaient, certes, pas prévus, s’affligeait lui-même. Il en était quelques autres qui avaient joué un rôle important lors du Concile, comme théologiens ou experts, et qui, eux aussi, étaient consternés par une évolution en forme de dégradation doctrinale, morale et liturgique qui n’avait plus rien à voir avec le renouveau souhaité ou imaginé. En étaient, entre autres, le Père de Lubac, le Père Daniélou, promus cardinaux par Jean-Paul II ; Joseph Ratzinger aussi. D’où leur volonté de réformer la réforme afin de l’inscrire dans la continuité de l’Église en éliminant peu à peu les herméneutiques de la rupture.

    Jean-Paul II, en lutteur polonais qui s’était exercé avec succès contre le communisme athée, avait parcouru le monde à grandes enjambées et rassemblé les foules – et surtout les jeunes – pour leur rendre confiance et leur rappeler – pour les catholiques – les articles de la foi et les principes de la morale. De grands textes, souvent, d’ailleurs, inspirés par son cardinal théologien Ratzinger, ponctuaient ce parcours, de Veritatis splendor à Fides et ratio, ainsi que toute une série d’exhortations et d’admonestations. Ce qui ne l’avait pas empêché, en faisant fi de toutes les contradictions, de persévérer, tout autant, dans un œcuménisme sans frontière et dans une vision des droits de l’Homme qui lui servait depuis toujours de fer de lance et qu’il prétendait ramener dans une direction divine en l’incluant dans une vaste conception théologique, philosophique et éthique. Sa philosophie inspirée de la phénoménologie moderne lui permettait des synthèses surprenantes. Joseph Ratzinger ne pouvait s’empêcher sur ces points d’avoir, sinon de manifester, des réticences malgré toute l’admiration, voire la dévotion que portait à son pape le cardinal théologien : en particulier les réunions d’Assise qui, du strict point de vue de l’affirmation de la foi catholique, n’étaient pas acceptables.

    Toujours est-il que Jean-Paul II, tout donné à son lien direct avec le peuple fidèle et à sa relation personnelle avec le monde, ne se préoccupait pas du gouvernement de l’Église. Les services de la curie fonctionnaient par eux-mêmes selon les directions des cardinaux concernés et des autres prélats curiaux laissés à leur jugement… et à leurs calculs ou ambitions. Et de même les Églises locales sous la houlette de leurs conférences épiscopales, leurs bureaux, leurs commissions et on sait ce que ces mots veulent dire. Tout cela est certain et n’a pas manqué d’être noté par les historiens et les essayistes les plus sérieux. Est-il permis de le dire ? Le clergé, du bas en haut et du haut en bas, était livré à lui-même et il n’y a rien de pire. Surtout dans les exaltations malsaines de prétendus changements radicaux qui devaient tout bouleverser ! Et pourquoi pas, après la doctrine, les mœurs ? Précisons qu’il n’y a pas que ce qu’on appelle « la gauche » qui se livrait à ce genre de libération… théologique et éthique. D’autres qui seraient qualifiés « de droite », pouvaient aussi bien tomber dans le même piège de l’autosuffisance et du narcissisme doctrinal et moral. Tout est permis à qui se croit au-dessus.

    En raison de son expérience polonaise dans un régime qui tentait par tous les moyens de la calomnie de déstabiliser l’Église, Jean-Paul II refusait d’envisager la responsabilité pénale du clergé et, mis devant des accusations, les traitait de rumeurs. C’est ainsi qu’il avait soutenu et promu Marcial Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ, dont il louait les œuvres, en effet, impressionnantes alors que des faits certains commençaient à être communiqués au Saint-Siège. La secrétairerie d’État opposait la plus grande inertie. Le cardinal Sodano, tout à sa politique, ne traitait pas les vrais problèmes. L’institution occultait et faisait semblant de tout ignorer. « Et ce n’est pas pécher que pécher en silence… » !

    C’est dans ces circonstances que, sans porter de jugement sur les personnes en responsabilité, avec la discrétion requise, Joseph Ratzinger de sa propre initiative décida d’attraire devant son dicastère les cas qui lui étaient signalés. Il savait donc. Pas tout. À cette époque, loin de là ; mais il fut atterré. La perversité des ecclésiastiques lui était intolérable. Il ne la comprenait même pas ! D’où cette prière d’épouvante lors du Chemin de Croix de mars 2005. Ce ne fut que le début d’une longue agonie. Coepit contristari et maestus esse, pavere et taedere.

    Le temps de Benoît XVI

    Le 2 avril suivant, Jean-Paul II mourait. Doyen du Sacré-Collège, Joseph Ratzinger prépara le conclave. Il en sortit pape. Des indiscrétions – qui, d’ailleurs, peinèrent Ratzinger- –, donnèrent à savoir le nom de son principal concurrent : Jorge Mario Bergoglio.

    Une fois sur la chaire de saint Pierre, celui qui était devenu Benoît XVI mesura peu à peu toute l’ampleur du problème. C’est lui et lui seul qui résolut la terrible affaire des Légionaires du Christ, en sauvant les âmes et en préservant les œuvres bonnes, car l’homme de foi était aussi un homme de charité. Cependant, les faits dénoncés et les plaintes émises se multipliaient de tous côtés ; c’est encore lui qui prescrivit alors les règles de la plus stricte vérité et de la plus rigoureuse justice, y compris devant les institutions civiles. Cependant il s’avéra qu’il avait dans son propre entourage de cardinaux et de prélats des hommes qui par suffisance ou insuffisance – prétention souvent doublée d’incompétence – ne voulaient pas comprendre. Inutile ici de donner des noms : tout est maintenant parfaitement connu des personnes averties. C’est comme si tout avait été fait pour écœurer, pire encore, pour faire tomber Benoît XVI ; aucun mauvais procédé ne lui aura été épargné : stupidité, immoralité, désir de vengeance ; et ce besoin de couvrir les réseaux et de se couvrir soi-même. Il ne s’agissait plus que de l’accabler.

    Toutefois, la gravité extrême des faits posait une question plus profonde. Les dérives des mœurs sont les signes des déviations de la foi. Il est toujours possible pour un catholique de se reconnaître pécheur et donc d’essayer de s’amender. Le mal est sans recours quand on s’accorde la facilité de se faire un Dieu et une religion à sa façon. Le mot « amour » mis à toutes les sauces suffit à justifier tout et n’importe quoi, y compris le pire, en échappant aux vérités de la nature et aux dogmes de la foi. Charles Maurras – eh oui ! – qui a tout vu, de son regard aigu, dès le début du XXe siècle, des conséquences des erreurs progressistes et modernistes dont l’Église allait pâtir pendant plus d’un siècle, écrivait en 1905 : « Dieu est tout amour, disait-on. Que serait devenu le monde si retournant les termes de ce principe, on eût tiré de là que tout amour est Dieu ? »

    C’est exactement la question. Ces messieurs ont tout simplement décidé de justifier toutes leurs amours : l’homme, le monde, leurs choix idéologiques et tout aussi bien, leurs amours irrégulières ou singulières. Or, le problème commence quand on fait la théorie de son cas, pensées, mœurs, passions, goût du pouvoir. Quand on se fait soi-même sa propre théorie du salut, quand on estime qu’on n’a pas besoin de salut ou qu’on est au-dessus, c’est fini. Le salut peut être devant soi, on ne le voit pas, on le méprise, on le dénigre, on le traite de Satan. C’est le péché contre l’Esprit.

    Benoît XVI a donc tenté un redressement de la foi pour opérer un redressement de la barque de Pierre. Et avec quel enseignement de la plus grande précision ! il en a été traité à plusieurs reprises dans ces colonnes. Ce n’est pas le lieu ici d’y revenir. Il voulait renouer tous les fils rompus. Penser juste et vrai, prier en beauté et en conscience aiderait à agir en conformité avec l’Évangile de Jésus-Christ. Eh bien, l’homme qui ne voulait pas être pape,– pour reprendre le titre du beau livre de Nicolas Diat – a pris finalement et personnellement la décision de renoncer au ministère d’évêque de Rome, successeur de saint Pierre ; il arguait de son manque de force. Après tant d’épreuves !

    Le temps de François

    C’est ainsi que le cardinal Bergoglio fut élu. Jésus, le diable et, à l’appui, citation de Léon Bloy, on crut à ses premiers propos aux cardinaux qu’il allait proposer une radicalité évangélique de bon aloi. Il s’y mêla très vite d’autres ingrédients. L’Église eut droit, en plus d’une dialectique sur les pauvres qui prit la forme d’unique spiritualité et qui tourna à la mystique des migrants et, pour parler comme Péguy, à la politique de la migration universelle, à une autre dialectique dite de « l’ouverture » qui devint un système de gouvernement, une méthode politique d’exercice du pouvoir. Tout ce qui s’opposait aux projets pontificaux étaient mis sur le compte d’un esprit de « fermeture », d’obstination dans des doctrines passées et donc dépassées.

    Tout y passa, en effet : cela alla de l’éloge incon-sidéré de Luther qui mettait à mal la foi catholique, aux subtiles transformations de la règle morale par toutes sortes de procédés prétendument démocratiques et évidemment abusifs. Les quelques jésuites sans foi ni loi, et connus comme tels, qui ont tout oublié de saint Ignace et bafouent les Exercices spirituels qui devraient être leur règle de vie, gravitant dans l’entourage du pape, menaient la danse : une casuistique invraisemblable, à faire frémir Pascal, autorisait toutes « les ouvertures ». Cependant le pape se créa à la Maison Sainte-Marthe son propre appareil de gouvernement avec ses hommes à lui, ses cardinaux nommés par lui, en doublon de la curie qu’il se contentait d’invectiver chaque année régulièrement.

    Le dernier voyage de François à Dublin en Irlande, les samedi 25 et dimanche 26 août, fut typique de cette manière de faire. Il écrit, la semaine précédente, une Lettre au peuple de Dieu qui, devant la montée des scandales, dénonce avec une extrême vigueur les abus sexuels sur mineurs, mais ce sont des mots, car la Lettre ne vise jamais le péché en tant que tel des pratiques de l’homosexualité et de la pédérastie ; et il se rend ensuite à la 9e Rencontre mondiale des familles à Dublin dans une Irlande catholique blessée par ces horribles comportements. Là, tout est arrangé pour orienter cette rencontre qui concerne la famille dans sa sainteté, sur « l’accueil des divorcés remariés selon Amoris laetitia » et sur « l’accueil et le respect dans les paroisses des LGBT et leurs familles ». Il fallait l’oser ! Alors à quoi sert de demander pardon, de se lamenter en fustigeant toute l’Église qui n’en peut mais, en dénonçant dans les crimes perpétrés, non pas le péché en lui-même que constitue l’abus sur mineurs, mais ce qui est requalifié de cléricalisme ! Ah, si ce n’est pas précisément du cléricalisme, cette manière de procéder…

    François pour ces journées s’est fait accompagner, comme par hasard, de ceux qui participent du même système : le cardinal Schönborn, archevêque de Vienne, Oscar Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa au Honduras, membre de son C9, Blase Cupich, créé cardinal par lui, archevêque de Chicago, des noms qui ont été cités – à tort ou à raison – dans des affaires de ce genre, comme ceux de Wuerl, archevêque de Washington, et de O’Malley, archevêque de Boston, qui aussi étaient invités et qui ne sont pas venus, car ils doivent faire face eux-mêmes à la tourmente ! Le jésuite américain, James Martin, directeur de la revue America, connu pour ses positions ouvertement LGBT, était bien là, lui aussi, chargé de faire sa propagande ignoble. Et François, là-dessus, au retour dans l’avion essaya de noyer la question en parlant de psychiatrie. Il n’y a donc aucune autorité dans l’Église pour dire : ça suffit ! Alors que tout le monde sait que le mal a ravagé des églises entières, que le procureur de l’État de Pennsylvanie, Josh Shapiro, vient de faire savoir que le Vatican et les autorités ecclésiastiques connaissaient les ignominies commises sur des enfants par près de 300 prêtres dans ce seul État, qu’il en est de même au Chili, en Australie, en Irlande, et encore, et encore…Même s’il s’agit d’une minorité, c’est bien trop ! Ne serait-ce que pour que l’Église hiérarchique et l’ensemble des prêtres qui ont donné leur vie au Christ, ne soient pas compromis dans cet affreux trafic d’influence. Car qu’est-ce d’autre ?

    Il est donc compréhensible que Mgr Carlo Maria Vigano ait cru bon d’écrire sa lettre ouverte au pape. Ancien Délégué aux représentations pontificales auprès de la secrétairerie d’État, puis nonce apostolique à Washington, il fut par ses fonctions informé de suffisamment de faits à la suite de ses prédécesseurs pour se croire obligé d’en référer aux plus hautes autorités, en particulier s’agissant des abus sexuels perpétrés par l’ancien archevêque de Washington, le cardinal McCarrick, doublés de sollicitatio ad turpia et de sacrilèges eucharistiques. Sa lettre est parfaitement documentée, précise ; et les faits monstrueux de perversion sont connus et sont si avérés qu’à la demande de François McCarrick a été obligé de présenter sa démission du collège cardinalice en juillet dernier. Mais, auparavant, qu’en était-il, s’il est vrai que, de fait, Benoît XVI avait déjà pris des décisions à son encontre ?

    Ce n’est pas tout, car Mgr Vigano dénonce tout un système de connivences, de nominations, de réseaux homosexuels qui contamine l’Église. Combien d’autorités impliquées ? Et jusqu’où…

    Le pape François ne saurait d’aucune manière et à aucun titre couvrir de son autorité de telles turpitudes : c’est une évidence. Il en va du respect de sa propre fonction que tout catholique est tenu de respecter, à commencer par lui-même. Le pape est souverain ; il a le droit de ne pas répondre et, bien sûr, de ne pas se plier aux injonctions et aux supplications de Mgr Vigano ; il ne peut pas ne pas en tenir compte.

    Mgr Vigano sera vraisemblablement décrié. On cherchera à anéantir son témoignage qui, comme tout témoignage, a nécessairement des aspects très personnels et donc sujets à contestation. C’est si facile ! Les personnes concernées vont faire front. Il lui sera opposé des haussements d’épaule ou un silence méprisant comme le silence qui voile la honte…

    Il n’est pas bon dans l’Église d’aujourd’hui d’avoir du courage. Pas plus que dans la société civile! Quelques évêques dans le monde, heureusement, américains en particulier, mais pas seulement, ont compris l’importance d’un tel acte qui pourrait devenir salutaire s’il aboutissait à une nécessaire cure de vérité dont l’Église, à l’évidence, a le plus grand besoin. À ceux qui s’affoleraient, car la crise, est de fait, d’une violence inouïe, pourquoi ne pas rappeler la pensée de Pascal : « Bel état de l’Église quand elle n’est plus soutenue que de Dieu ».    

    Hilaire de Crémiers

  • Dalaï Lama : « L'Europe appartient aux Européens »

     Conférence publique à Malmö le 12 septembre 2018
     
     

    Le Dalaï Lama a déclaré mercredi à Malmø en Suède que « l’Europe appartient aux Européens » et qu’à terme il était souhaitable que les réfugiés retournent chez eux « pour reconstruire leur propre pays ». 

    S’exprimant lors d'une conférence dans la troisième plus importante ville suédoise, qui abrite une importante population d’immigrés, le Dalaï-Lama, prix Nobel de la paix 1989, a souligné que l’Europe était « moralement responsable » lorsqu’il s’agit d’aider « un réfugié dont la vie est réellement en danger ». 

    lhassa.jpg« Recevez-les, aidez-les, éduquez-les... Mais à terme, ils doivent développer leur propre pays », a déclaré le chef spirituel du bouddhisme tibétain qui a fui en 1959 le Tibet pour s’exiler en Inde, à la suite de la répression par les autorités communistes chinoises d’un soulèvement tibétain. 

    Ces déclarations ne sont pas accidentelles. Elles reflètent une constante dans la pensée du Dalaï Lama. 

    Ce n'est pas la première fois, en effet, que le Dalaï Lama dit de telles choses sur le sol européen. En 2016, déjà, il avait évoqué l'arrivée massive d'immigrants en Allemagne et déclaré que « l'Allemagne ne peut pas être un pays arabe. L'Allemagne est l'Allemagne. »

    Alors, le Dalaï Lama mieux que le pape François ?  

  • Après notre « Lundi » - « La fabrique de l’islamisme » - l'avis de Gérard Leclerc : « L’islam aujourd’hui »

     

    par Gérard Leclerc
     

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    C’est la seconde fois que l’Institut Montaigne sonne l’alarme.

    Après une première enquête de septembre 2016, d’où il ressortait que 28 % des musulmans de France adhéraient à un islam « de nature sécessionniste et fondamentaliste », le même institut publie une étude alarmante sur l’influence grandissante de l’islamisme, notamment salafiste, à l’égard d’une opinion musulmane grand public par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Le Figaro lui donne le plus large écho, notamment dans deux pages où sont représentées les filières d’une sorte d’araignée étendant sa toile sur le monde. C’est proprement accablant, d’autant que les figures dites modérées de l’islam sont écrasées en terme d’influence et de rayonnement. Et ce sont principalement les jeunes qui subissent cette propagande qui appuie sa conception du monde sur les moyens les plus modernes. En ce sens, il est bien vrai que l’islamisme, pourtant réputé rétrograde, est à la pointe de la communication contemporaine.

    Comment lutter contre pareil phénomène ? L’auteur de cette étude est un intellectuel particulièrement brillant, dont Le Monde trace le portrait, en rappelant son parcours impressionnant. N’aurait-il pas l’oreille d’Emmanuel Macron, cet Hakim El Karoui, qui fut la plume de Jean-Pierre Raffarin ? Il a son plan en tête. Pour contrer l’islamisme en France, il entend tout bonnement prendre le pouvoir par l’argent, c’est-à-dire réguler le culte musulman par le contrôle des finances. En collectant des fonds par une redevance sur le hallal et les voyagistes qui organisent le pèlerinage à la Mecque, un islam indépendant aurait la maîtrise de la formation des imams et de la construction des mosquées.

    Ce projet m’a rappelé une longue conversation que j’avais eue autrefois avec le cardinal Lustiger. Il ne croyait pas du tout à la possibilité de l’organisation de l’islam par l’État. Aurait-il été convaincu par cette idée d’autorité indépendante ? J’en doute fortement. Ce n’est pas la laïcité qui réformera un système religieux qui a sa propre logique. La réforme d’une religion ne peut se faire que par des forces endogènes à cette religion. Or les forces endogènes de l’islam sont, pour le moment, mobilisées par le fondamentalisme. ■ 

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 septembre.

     

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    La fabrique de l’islamisme

  • Société • Le 26 septembre, à Hambourg, un clocher deviendra officiellement minaret…

     

    Par Gabrielle Cluzel

    C'est plus qu'un fait de société que Gabrielle Cluzel commente ici avec talent, humour et lucidité. C'est un fait de civilisation. Une civilisation qui se désagrège. [Boulevard Voltaire, 11.09].  

    Rappelons pour ceux qui l'ignoreraient que Gabrielle Cluzel participe - d'ailleurs toujours brillamment - à certains de nos colloques et conférences, dont quelques unes sont les siennes propres.   LFAR

     

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    Le 26 septembre prochain, à Hambourg, une église deviendra officiellement mosquée : la mosquée Al-Nour.

    C’est ce que rapporte Die Welt, évoquant « cinq ans de travaux, et une entreprise qui a coûté plus de cinq millions d’euros, dont un million en provenance des États du Golfe ». Évidemment.

    Die Welt nous explique qu’extérieurement, le bâtiment, classé, n’a pas été modifié. À l’exception d’un « détail » : sur le clocher, devenu minaret, la croix a été remplacée par le mot « Allah », en lettres d’or. Naturellement.

    À l’intérieur, cela va sans dire, l’autel et l’orgue ont disparu. « Une niche de prière, le mihrab, a fait son apparition sur un mur latéral, orientée vers La Mecque », décrivait déjà Courrier international en 2015, dans un article intitulé : « Transformer une église en mosquée, l’exemple de Hambourg. »

    Le journaliste allemand évoque « une transformation étonnante ». Ou pas. Tout cela, au contraire, ne coule-t-il pas de source ?

    On sait ce qu’il en est de la pratique religieuse chrétienne en Allemagne, et de la transmission de la foi dans les pays d’Europe où le protestantisme – éthéré, désincarné, intellectualiste, relativiste, bref, tout le contraire de l’islam – a longtemps dominé : « Les catholiques y sont devenus protestants, et les protestants, athées », me disait un évêque allemand, en boutade, il y a quelques mois. Voire plus, si affinités ? C’est bien, en tout cas, une église luthérienne qui a cédé ses bâtiments. Faute d’effectifs, elle n’était plus utilisée.

    Mais, mes chéris, cela nous pend au nez, à nous autres pays latins qui nous croyons peut-être plus malins. Oui, même l’Italie, qui roule aujourd’hui virilement les biceps, mais n’a plus de bambini.

    Dans l’introduction de son dernier livre, Destin français, Éric Zemmour rapporte cette saillie d’un professeur d’histoire dans le film Le Déclin de l’empire américain, lors de son cours inaugural : « Il y a trois choses importantes, en Histoire. Premièrement, le nombre, deuxièmement, le nombre. Troisièmement, le nombre. »

    Nombre de catholiques pratiquants : en chute libre. Nombre de musulmans pratiquants : en hausse constante. Nombre d’églises de village : gigantesque. Mais elles sont, la plupart du temps, fermées ; un brave prêtre, dépassé, les dessert en même temps que cinquante autres clochers, y célébrant la messe quand il peut, c’est-à-dire, peu ou prou, toutes les années bissextiles. Nombre, enfin, d’indifférents : se voulant bienveillants, ils s’interrogent avec un pragmatisme ingénu et cynique. Pourquoi le malheur des uns ne ferait-il pas le bonheur des autres, et comment cette immense offre en déshérence ne finirait-elle pas par rencontrer cette forte demande en pleine croissance ? Ce n’est même pas idéologique, simplement arithmétique !

    degaulle-tt-width-653-height-368-fill-0-crop-0-bgcolor-eeeeee-e1511433171860.jpgDans son dernier livre, Éric Zemmour cite aussi André Malraux : « Une civilisation, c’est tout ce qui s’agrège autour d’une religion. ». C’est donc aussi tout ce qui se désagrège en même temps qu’elle. Cela mérite que nous y réfléchissions, non ? Je ne sais si, dans l’au-delà, on conserve les amitiés d’ici-bas. Mais si Malraux, justement, croise encore son illustre comparse, il pourra le lui dire : Colombey-les-Deux-Mosquées n’est plus seulement un bon mot qui fait rire parce qu’il est vraiment gros.  

    Ecrivain, journaliste
    Son blog
  • Zemmour : Retour vers le djihad

     

    « La croisade ne fut pas autre chose que l'instinct de conservation de la société occidentale en présence du plus redoutable péril qu'elle ait jamais couru. On le vit bien quand l'Occident renonça à cet effort. » 

     

    Chatillon_Urbain2.jpgEntre la chrétienté et l'Islam, c'est une histoire millénaire. Qui ne s'unit pas se divise ; qui n'attaque pas recule ; qui ne recule plus conquiert. Qui ne conquiert plus est conquis. René Grousset en a tiré une leçon sur l'importance de la croisade d'Urbain II (photo), qui s'oppose à notre doxa contemporaine. Selon lui, le pape a permis à l'Europe de retarder de près de quatre siècles l'avancée de l'Islam et de préparer la lente émergence d'une Renaissance qui n'aurait jamais eu lieu sous le joug islamique : « La catastrophe de 1453 qui était à la veille de survenir dès 1090 sera reculée de trois siècles et demi… Pendant ce temps, la civilisation occidentale acheva de se constituer et devint capable de recevoir l'héritage de l'hellénisme expirant… La croisade ne fut pas autre chose que l'instinct de conservation de la société occidentale en présence du plus redoutable péril qu'elle ait jamais couru. On le vit bien quand l'Occident renonça à cet effort. »

    AKG969080.jpgPour fonder et justifier leurs attaques meurtrières sur le sol français en 2015, les propagandistes du califat islamique (Daech) sonnèrent l'heure de la revanche contre les « croisés » (photo). Cette appellation fit sourire nos esprits laïcisés et incrédules. Nous avions tort. Cette histoire longue est encore très vivante en terre d'Islam, alors que notre présentisme consumériste et culpabilisateur a tout effacé de nos mémoires. Nous avons oublié qu'Urbain II était français, que Pierre l'Hermite était français, que Godefroy de Bouillon était (pratiquement) français, que Saint Louis était français. Nous avons oublié que, grâce à eux, nous avons échappé à la colonisation islamique et que l'Europe, enracinée solidement dans la raison grecque, la loi romaine, et l'humanisme chrétien, a pu alors s'élever vers le destin inouï et glorieux qui fut le sien. Si nous l'avons oublié, eux ne l'ont pas oublié. 

    Extrait de son dernier livre - qui vient de paraître

    Destin français, d'Eric Zemmour, Albin Michel, 569 p., 24, 50 € 

  • Islam : un point de vue de Michel Houellebecq

     

    280px-Agilkia.jpg« Quand je pense que l'Égypte a tout inventé ! ... s'exclamait-il en désignant d'un geste large la vallée du Nil. L'architecture, l'astronomie, les mathématiques, l'agriculture, la médecine. Depuis l'apparition de l'islam, plus rien. Le néant intellectuel absolu, le vide total. Nous sommes devenus un pays de mendiants pouilleux. Il faut vous souvenir, Monsieur, que l'islam est né en plein désert, au milieu de scorpions, de chameaux et d'animaux féroces de toutes espèces. Savez-vous comment j'appelle les musulmans ? Les minables du désert. L'islam ne pouvait naître que dans un désert stupide, au milieu de Bédouins crasseux. »   ■ 

    Michel Houellebecq

    Plateforme (Flammarion, 2001)

  • Annie Laurent : L’islam, mythes et réalité

     

    Par Anne Bernet

     

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    Anne Bernet a interrogé Annie Laurent à l’occasion de la publication de son livre l’Islam aux Editions Artège, un livre clair qui s’adresse à tous ceux qui veulent comprendre le pourquoi et le comment de la situation actuelle, en Europe et particulièrement en France. 

    Annie Laurent, vous publiez un nouveau livre sur l’islam*, issu des textes que vous écrivez dans le cadre de l’association Clarifier**. Quel est le rôle de cette dernière ?

    Comme son nom l’indique, cette association, que j’ai fondée avec quelques amis, a une vocation pédagogique qui concerne explicitement l’islam dans toutes ses dimensions.

    Partant du constat que beaucoup de nos compatriotes sont déconcertés par le développement de cette religion en Europe, et qu’en même temps, ils errent dans le maquis des confusions, des approximations, des discours convenus et autres faux-semblants, nous voulons leur offrir des informations et des analyses fiables pour leur permettre de porter un regard lucide et vrai sur cette nouveauté à laquelle ils n’étaient pas préparés. L’association Clarifier espère aussi contribuer à l’élaboration d’attitudes fondées sur la raison et non seulement sur l’émotion, car il ne s’agit pas d’opposer un système à un autre, sous peine de céder à une approche idéologique. C’est pourquoi l’intelligence des réalités islamiques est indissociable d’un regard de bienveillance à porter sur les musulmans.

    Vous tenez sur l’islam un discours clair, justement. Et vous n’hésitez pas à démontrer l’erreur qui consiste à considérer la violence et l’intolérance islamistes comme des dévoiements d’une « religion de paix et d’amour ». Pouvez-vous nous expliquer comment s’est forgé ce mythe bien-pensant ?

    Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Occident s’est laissé gagner par le pacifisme, attitude qui nie l’existence d’ennemis. Mais, malheureusement, cette utopie ne correspond pas à la réalité. Depuis le péché d’Adam et Éve, le mal est entré dans le monde. Il ne va pas s’évaporer comme par enchantement ! Par ailleurs, la décolonisation a engendré chez les Européens un complexe qui les pousse à l’auto-culpabilisation, au dénigrement de leur histoire et de leur identité, et à l’idéalisation de la culture des « autres », même si celle-ci comporte des aspects incompatibles avec les fondements de notre civilisation. Il est urgent d’en finir avec ces idées malsaines et mortifères.

    Précisément, pouvez-vous nous donner un aperçu de ces incompatibilités ?   

    Selon moi, la plus importante concerne l’anthropologie et c’est peut-être la moins perçue. L’Europe, largement façonnée par la culture chrétienne, a mis la personne au centre de son projet civilisationnel. Ce concept s’enracine dans l’enseignement biblique selon lequel l’homme et la femme sont créés « à l’image de Dieu » (Gn 1, 27). Or, Dieu, tel qu’Il se révèle, est un Dieu personnel, Un en Trois Personnes, comme l’exprime le dogme de la Trinité. C’est de là que découle la dignité inviolable et inaliénable de l’homme, ainsi que sa liberté jusque dans sa conscience. Le Coran fait l’impasse sur ces magnifiques réalités : Allah soumet l’individu à une adoration servile et à l’autorité arbitraire d’une Loi (la charia) qui ne cherche pas forcément son bonheur, l’être humain étant inapte au dépassement moral ; Il l’enferme dans un carcan de devoirs, sous la surveillance constante de l’Oumma (la Communauté des musulmans) qui veille à ce qu’il ne s’écarte pas de sa religion, considérée comme « naturelle » ; Il instaure une supériorité des musulmans sur les non-musulmans, de l’homme sur la femme ; Il justifie le recours à la violence et l’injustice, notamment pour faire triompher l’islam. D’où bien des malentendus dans un langage qui semble partagé avec une religion comme le christianisme. Ainsi en est-il de la miséricorde (en islam, le pardon de Dieu est aléatoire et le talion entre hommes autorisé), de la paix (concevable là où l’islam domine), etc. Ces exemples illustrent l’aspect totalisant de l’islam, idéologie religieuse qui mêle le temporel et le spirituel, excluant donc la laïcité.

    Bizarrement, nos féministes ne s’insurgent guère contre la place faite aux femmes dans l’islam. Pourtant, elle n’est guère avantageuse…

    On retrouve là l’expression du complexe dont j’ai déjà parlé, à quoi il faut sans doute ajouter le rejet de tout ce qui peut provenir de la conception chrétienne. Mais le jour où nos féministes subiront le joug de l’islam, elles déchanteront peut-être… 

    L’on évoque parfois la nécessité d’une « modernisation » de l’islam. Vous en démontrez pourtant l’impossibilité…

    Plutôt que d’impossibilité, je préfère parler d’obstacles, afin de ne pas enfermer tous les musulmans dans un cadre immuable et de ménager la liberté de ceux qui oeuvrent avec sincérité et courage à cette rénovation, indispensable à la paix du monde. Je vois deux obstacles structurels aux blocages qui entravent cette évolution. Il y a d’abord le statut « incréé » du Coran, considéré comme un Livre dicté en toutes lettres (arabes) par Allah Lui-même, donc sans que l’homme ait eu sa part dans la rédaction, comme c’est le cas avec la Bible. L’islam ignore d’ailleurs le concept d’inspiration. Ce Livre est réputé immuable et intangible. En outre, l’islam, du moins dans le sunnisme, que professent la plupart des musulmans, ne s’est pas doté d’une autorité magistérielle habilitée à délivrer une interprétation revêtue du sceau de l’authenticité. C’est pourquoi les intellectuels qui veulent vraiment adapter l’islam aux nécessités de notre temps, courent un double risque : soit être considérés et parfois jugés et condamnés pour ce crime comme des apostats, soit demeurer marginaux.

    Vous êtes l’une des meilleures spécialistes du drame des chrétiens d’Orient. Qu’en est-il, au fait, de leur sort en terre d’islam ?

    Depuis l’apparition de la religion de Mahomet, au VIIsiècle, et les conquêtes qui ont suivi, les chrétientés des pays concernés au Proche-Orient (Etats arabes, Iran, Turquie) et en Afrique n’ont cessé de décliner numériquement. Outre le djihad, la dhimmitude imposée par les pouvoirs musulmans a été – et demeure parfois – l’une des causes principales de cette diminution. Ce statut juridique impose aux chrétiens (mais aussi aux Juifs et aux Sabéens) des servitudes dans tous les domaines (religieux, politique, social, etc.), le but étant de les humilier jusqu’à ce que, n’en pouvant plus, ils abjurent leur foi pour embrasser l’islam. Demeurer chrétien en terre d’islam relève de l’héroïsme et nous devons admirer les disciples du Christ qui tiennent à rester chez eux pour témoigner de l’Évangile, ceci jusqu’au risque du martyre.

    Vous vous adressez en particulier aux catholiques, en posant les limites du dialogue interreligieux avec les musulmans. En quoi, selon vous, l’Église actuelle fait fausse route ?

    La Bible nous montre un Dieu qui n’a cessé d’aller à la rencontre de l’humanité jusqu’à s’incarner Lui-même en Jésus-Christ. Les chrétiens, enfants de Dieu par le baptême, sont donc invités à imiter leur Seigneur, comme l’ont d’ailleurs fait les apôtres, puis les missionnaires de tous les temps. La mondialisation actuelle a poussé l’Église, attentive aux signes des temps, à élargir cette démarche à tous ses fidèles et à l’organiser. Cependant, les maux dont j’ai déjà parlé, tels que le pacifisme et le complexe post-colonial, ont aussi pénétré les milieux chrétiens, si bien que l’on a perdu de vue la finalité du dialogue qui est d’annoncer le salut à tous les hommes, donc aussi aux musulmans car ils y ont droit. Il en est résulté le relativisme actuel. Or, un dialogue qui exclut la vérité devient une démarche mondaine dépourvue d’une authentique charité, comme l’ont rappelé plusieurs documents magistériels depuis le concile Vatican II.

    Comment voyez-vous l’avenir proche de l’Europe confrontée à l’islam et quels remèdes préconisez-vous ?

    Il est indéniable que l’heure est grave. Si l’Europe veut vraiment relever le défi de l’islam, elle doit donner aux musulmans qu’elle accueille un vrai désir de s’intégrer en renonçant à leur culture. Pour cela, les sociétés européennes doivent proposer un modèle de société attrayant. Cette démarche passe par un renoncement au laïcisme et la restauration d’une saine laïcité (unité-distinction, selon la formule de Benoît XVI) ainsi que par la restauration d’une Cité vertueuse, sans craindre la vertu de force, qui n’est pas synonyme d’agressivité mais revêt une réelle dimension morale. La réponse au défi de l’islam est donc tout à la fois politique, morale et spirituelle.     

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    * L’Islam, pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaîsent pas encore)Préface de Rémi Brague, Éd. Artège, 287 p, 19,90 € 

    ** Association Clarifier,  Galaxy 103, 6 bis rue de la Paroisse, 78000 Versailles
    www.associationclarifier.fr 

    Iman shiite - Politique Magazine

    Un Iman shiite dans une moquée de Téhéran parle à une assemblée de femmes

    Anne Bernet
  • Schopenhauer juge du Coran ...

     

    sans-titre coran.png« Prenons par exemple le Coran : ce mauvais livre a suffi à fonder une religion universelle, à satisfaire le besoin métaphysique de millions de personnes depuis plus de 1200 ans, et à devenir le fondement de leur morale, à leur inspirer un mépris considérable pour la mort, ainsi qu'un enthousiasme pour les guerres sanglantes et les plus vastes conquêtes. Nous trouvons en lui la figure la plus triste et la plus misérable du théisme. Sans doute, beaucoup de choses se sont perdues dans la traduction, mais je n'ai pu y découvrir une seule pensée de valeur.. Cela prouve que le besoin métaphysique et l'aptitude métaphysique ne vont pas de pair. »  

    Schopenhauer

    Le Monde comme volonté et comme représentation

    Merci à Jean de Maistre

  • Zemmour a raison : il y a bien un mouvement de fond en Europe, ressurgi de l'Histoire, face à l'Islam

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgBILLET - En Allemagne, le torchon brûle entre Angela Merkel et son ministre de l'Intérieur au sujet du sort des migrants. La position de la chancelière parait de plus en plus fragilisée. [RTL 26.06]. Mais cet affrontement dépasse de beaucoup le champ électoral, même si celui-ci agit mécaniquement sur l'évolution politique en cours en Allemagne, Autriche, Tchéquie, Slovaquie, Slovénie, Pologne, Hongrie, Pologne, Italie, etc. Le rapprochement de la Bavière et de l'Autriche a un sens beaucoup plus profond. Face à l'Islam deux Europes s'opposent. Zemmour donne une des clés de cette opposition. Peut-être la principale. L'Histoire, la géographie, les religions sont de retour !  LFAR 

     

     

    Résumé RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge  

    La question n'est plus de savoir si Angela Merkel va perdre son poste de chancelier, mais quand. Elle a pourtant mis de longs mois à édifier cette coalition qui la soutient comme la corde soutient le pendu. La CSU (les chrétiens démocrates bavarois) veut fermer les frontières et renvoyer tous les migrants qui n'ont pas le droit d'asile.

    Merkel s'oppose à ce sujet à son propre ministre de l'Intérieur, le Bavarois Seehofer. De leur côté, les sociaux-démocrates (la gauche allemande, dans la coalition) tire à boulets rouges sur la CSU, et soutient la chancelière. 

    Cela est plus logique qu'on ne croit. Il y a des années que la chrétienne-démocrate Angela Merkel pratique une politique de gauche. Sa décision de 2015 d'ouvrir les bras à un million de migrants a été la cerise sur le gâteau. Une cerise indigeste pour ses vieux alliés de la droite bavaroise. Cette CSU qui s'est fait laminer aux dernières élections par un parti qui l'a doublé sur sa droite, l'AfD.

    On se croirait revenu aux guerres de religion, au XVIIe siècle. Bien sûr, on n'en est pas là. Mais la Bavière et l'Autriche catholiques qui s'allient contre Merkel, la fille de pasteur protestant, cela n'est pas vraiment un hasard.  

    Éric Zemmour

  • Livres • Zemmour en vérité

     

    Par Hilaire de Crémiers

     

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    Eric Zemmour a la simplicité du courage vrai, avec en plus ce courage moral qui est devenu aujourd’hui une vertu si rare.

    Son talent, c’est l’écriture et la parole, une parole qui n’est chez lui qu’une autre forme d’écriture. Tout ce qu’il dit, même à l’emporte-pièce, a déjà été pensé, travaillé dans son esprit et c’est pourquoi il est toujours pertinent. Il l’est même de plus en plus ; c’est le fruit d’une expérience soutenue avec constance, d’une activité intellectuelle continue, d’un souci permanent de l’exactitude et de la justesse, tant dans la connaissance et le jugement que dans l’expression pour la meilleure des compréhensions. Lire ou entendre un billet de Zemmour est un régal pour un Français cultivé, honnête et de bonne foi. Inutile de qualifier ce qui caractérise ses ennemis, ceux qui ne peuvent supporter sa personne ni ses propos.

    Il déplaît comme il plaît et pour les mêmes raisons.

    Alors, pourquoi plaît-il ? Cette question suffit et la réponse vaudra de même pour l’interrogation contraire. Pour le savoir il suffit de lire le remarquable essai que Danièle Masson lui consacre. C’est plus et mieux qu’une biographie, avec ces mêmes qualités d’intelligence, de clarté, de style juste et direct pour analyser ce qu’il convient d’appeler « le cas Zemmour ». En chapitres rapides, précis, elle traite de son sujet qui l’a, par sa singularité, « interpellée » pour reprendre le mot du jargon actuel, en fait étonnée, intéressée, à la vérité captivée. La vie et l’œuvre de Zemmour passent sous son regard attentif, aigu et bienveillant, aussi admiratif qu’amusé. Danièle Masson est philosophe sans le dire ; elle a côtoyé Gustave Thibon et Maurice Clavel ; nul mieux qu’elle ne connaît Simone Weil et, élève de Jacqueline de Romilly et de Pierre Grimal, rien de la pensée antique ne lui échappe – « rien de ce qui est humain ne lui est étranger » – , pas plus que de la pensée moderne qu’elle a analysée et critiquée. C’est toute notre tradition helléno-latine et française qui, en quelque sorte, à travers elle, regarde Zemmour, et qui se réjouit finalement du seul fait qu’il existe et tel qu’il est. Il fallait rien moins qu’un fils de famille juive d’Algérie, né à Montreuil, grandi dans le peuple et avec le peuple, au milieu des Français de souche et des Maghrébins, qui sait donc tout de la société en vérité et qui n’a cessé d’approfondir comme naturellement, mais en une longue persévérance, son amour de la France, de l’histoire, de la littérature, de la vie de son pays.

    C’est ce qui fait toute la force de son jugement qui n’en devient que plus redoutable. Il dit tout haut ce que la France, la vraie France, pense tout bas. Et toute la bande des bourgeois qui prétendent mener la France, gouverner les Français, penser pour eux, tous élevés dans les bonnes écoles, tous profiteurs de la société, tous renégats de leur religion, de leur histoire, de leurs familles, de leur patrie, ne peuvent pas le supporter, évidemment. Il leur dit la vérité, leur vérité. Il les a dépeints tels qu’ils sont : répugnants et ridicules. Tous amis de la trahison, au cours des quarante dernières années de décadence où ils se sont servis !

    Et, cependant, Zemmour n’est pas un bloc figé de pensées et d’attitudes : son œuvre et sa vie en témoignent. Il aime Napoléon qui a pu incarner – mais trop à sa manière – une force et une gloire françaises ; et de Gaulle pareillement ; mais, il aime de plus en plus, à l’école de Bainville, les quarante rois qui, en mille ans, ont fait la France. Danièle Masson, dans les derniers chapitres de son essai, note sa réflexion religieuse. Éric Zemmour est si français qu’il attache la plus extrême importance à la conservation du catholicisme traditionnel qui est l’âme de la France. Il se désespère de voir l’islam conquérir peu à peu et inexorablement notre pauvre pays avec la complicité active de dirigeants politiques et religieux d’une lâcheté et d’une imbécillité inqualifiables. Il est triste pour la France. Il voit, il dit, il prédit : il y a du prophète chez Zemmour.      

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    Éric Zemmour, Itinéraire d’un insoumis, Danièle Masson, Essai, Pierre Guillaume de Roux, 258 p, 23 €

    Hilaire de Crémiers

  • Vidéo • Mathieu Bock-Côté : « L'Islam pose une question fondamentale à l'Europe »

     

    2293089609.14.jpg« Invité des Conversations Tocqueville, le sociologue questionne la place que prend l'Islam dans les démocraties occidentales, et sa capacité à s'intégrer dans nos vies publiques. »

    C'est sous ce titre - évidemment édulcoré - que Le Figaro présente cet entretien avec Mathieu Bock-Côté. 

    Il y tient au contraire en quelques six courtes minutes les propos les plus fermes et les plus lucides sur le problème de l'immigration massive et de l'Islam. Problème qui déchire l'Europe actuellement et la met dans une impasse dont elle se montre bien incapable de sortir.

    On n'est pas forcément d'accord sur tout.  Mais l'on écoutera ces six passionnantes minutes d'analyses de Mathieu Bock-Côté avec toute l'attention qui convient.  Ne s'agit-il pas simplement de notre survie ?  LFAR    

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).  

  • Travailler pour le roi de Turquie... [2]

    Le siège de Vienne en 1683 

     

    Par Péroncel Hugoz 

     

    2293089609.14.jpgAncien correspondant du Monde en Algérie puis en Egypte, grand-reporter, auteur d’une dizaine de volumes sur les pays du Sud (notamment Le Radeau de Mahomet, 1983, et 2000 ans d’histoires marocaines, 2014) éditeur en France ou au Maroc de 60 ouvrages orientalistes, chroniqueur sur lafautearousseau depuis 2016, Péroncel-Hugoz, ce qui est moins connu, a joué un rôle au début de la carrière du géopolitiste et essayiste Alexandre Del Valle, pied-noir franco-italien, né en 1968 à Marseille, dont la dizaine de consistants essais tend à dévoiler la vraie nature de l’offensive panislamiste sur les cinq continents,  le dernier de ces ouvrages étant, en mars 2018, La stratégie de l’intimidation, véritable bréviaire de ce mal qui ronge nos sociétés: l’islamiquement correct. Un mal, sorti certes de l’Islam mais où les Etats-Unis d’Amérique ont joué, et continuent de jouer un rôle trouble, équivoque et plus que jamais inquiétant à l’heure du trumpisme. 

    3679871411.3.jpgNous laissons donc la parole à Péroncel-Hugoz, sur la genèse de ses relations avec Alexandre Del Valle avant de publier deux des textes qu’il a écrits pour soutenir le géopolitiste : ISLAMERIQUE, préface en 1997 d’Islamisme et Etats-Unis. Une alliance contre l’Europe (l’Age d’homme, 330 p.) puis Travailler pour le roi de Turquie…, préface en 2004 de La Turquie dans l’Europe. Un cheval de Troie islamiste ? (Edition des Syrtes, 2004, 460 p.)  Lafautearousseau

     

    Le géant turc n'aura, si le présent engrenage n'est pas enrayé au nom de notre survie, qu'à signer quelques papiers à Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg pour 2447566803_1.jpgréaliser le gran­diose, le noble projet de ses valeureux ancêtres Osmanlis — et je le dis sans ironie, avec une réelle admiration pour la geste islamo-turque, à cela près que je ne suis pas turc et n'ai pas envie de le devenir, reprenant à mon compte, avec tous ceux des miens ayant la même réaction, la devise officielle du Grand-Duché de Luxembourg : « Nous voulons rester ce que nous sommes ! »

    Le pape Jean-Paul II, paraît-il, aime à rappeler à certains de ses visiteurs de confiance que, sans l'aide militaire polo­naise, Vienne, en 1683, serait tombé aux mains des Turcs comme Byzance en 1453. Non sans un grain de malice et à la fureur, semble-t-il, des islamistes, le même pontife, arrêté par certains catholiques espagnols islamomanes dans son désir de mettre sur les autels Isabelle la Catholique, libéra­trice de Grenade en 1492, s'est rattrapé, en 2003, en béati­fiant la figure oubliée en Chrétienté (mais non point en Islam) d'un capucin italien, Marc d'Aviano, inventeur du cappuccino... et qui surtout joua, en 1683, un rôle capital en galvanisant Vienne face à l'envahisseur mahométan, en uni­fiant un moment catholiques et protestants devant le danger panislamique. Il faudrait aujourd'hui beaucoup de d'Aviano dans les bureaux bruxellois...

    eCTg5Jm0ndMC7CLWsJTjdsDVNRmtJXtB7Gvxr6hb.pngNaturellement, à l'instar d'Alexandre Del Valle, il ne faut pas être le moins du monde dupe de tous les maquillages démocratiques et « droitdelhommistes » que s'imposent actuellement les « islamistes modérés » au pouvoir à Ankara, afin d'endormir l'opinion publique européenne et lui faire accroire que la Turquie serait, pour l'UE, une recrue aussi bénigne que la Lituanie ou la Slovaquie... Notons au passage que l'aveuglement (ou la duplicité) des dirigeants européens, leur couardise morale pour les uns, leur compromission poli­tique pour les autres, ont adopté l'expression aberrante d'« islamistes modérés » pour l'équipe Erdogan-Gül, alors qu'au départ le terme « islamiste » (lancé vers 1980 par des orientalistes et des journalistes, au sein desquels votre servi­teur) fut choisi comme euphémisme pour désigner les extré­mistes musulmans, vexés, les pauvres chéris, d'être appelés « intégristes » ou « fondamentalistes », parce que ces mots s'étaient surtout jusque-là appliqués à des chrétiens... Parler d'« islamistes modérés » est donc aussi insensé que d'évoquer des « extrémistes modérés »...

    Ce qui est sûr également, c'est que si l'Europe-Unie accueille les Turcs, les Européens de demain, déjà sous la pression intra-muros de la dynamique natalité afro-arabe, seront, comme cela a été le cas de toute éternité islamique, Empire turc compris, des dhimmides sous-citoyens, giaours, comme disent les Anatoliens, gaouri ainsi que nous appellent les Maghrébins, bref des « mécréants », des « impurs »...

    Marco-d-Aviano__c_-kreuz-net_info_550px_01.jpgAfin d'éviter cette funèbre perspective, il faudrait que le travail de guetteur, de sonneur de cor d'Alexandre Del Valle soit relayé à l'échelon politique. La très tardive prise de conscience de l'ex-président Giscard d'Estaing, les mises en garde de quelques élus audacieux mais moins fameux, tel Philippe de Villiers, sont loin d'être suffisantes pour secouer les consciences européennes. Bienheureux Marc d'Aviano, venez donc nous réveiller, comme vous le fîtes jadis pour les Viennois !

    Saint-Louis (Antilles françaises), octobre 2003.  •  Fin de cette série

    Illustrations ci-dessus :

    L'actuel grand-duc Henri de Luxembourg

    « L'équipe Erdogan-Gül »

    Le Bienheureux Marc d'Aviano - Eglise des Capucins à Vienne