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Politique et Religion - Page 55

  • Merveilleux Maurras ! Que disait-il de la Mosquée de Paris, que craignait-il lorsqu'elle fut construite ?

     

    Publié le 20 décembre 2016 - Actualisé le 1er novembre 2017

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgOn sait que la décision de construire la Mosquée de Paris, première mosquée construite en France métropolitaine, fut prise après la Première Guerre mondiale pour rendre hommage aux dizaines de milliers de morts de confession musulmane ayant combattu pour la France. Et manifester aux survivants la reconnaissance de leur sacrifice par le pays.

    Qu'en a dit Charles Maurras le 13 juillet 1926, lors de son inauguration ? Pas un mot contre l'idée même de rendre un hommage mérité, aux combattants musulmans de la Grande Guerre. A leur propos il parle des « nobles races auxquelles nous avons dû un concours si précieux ». Il n'y a pas chez Maurras de haine raciale. Ni de haine religieuse : il ne juge pas de l'Islam en soi. Mais il sait l'antagonisme des religions et des civilisations. Et sa culture historique autant que son jugement et son intuition politique l'amènent à pressentir et signaler un danger pour la France. Presque nul, alors. Présent et menaçant aujourd'hui sur notre sol même. Maurras ne dénonce pas l'hommage rendu aux combattants, ne critique même pas le fait de construire une mosquée à Paris. Avec mesure il écrit : « Nous venons de commettre le crime d’excès ». Son texte explicite en quoi consiste cet excès. Suit le pressentiment d'une menace : la crainte que nous ayons à payer un jour notre imprudence, en ce sens criminelle ; le souhait (Fasse le Ciel !) que les musulmans bénéficiaires de notre générosité « ne soient jamais grisées par leur sentiment de notre faiblesse. » Et nous y sommes.   LFAR         

     

    capture-d_c3a9cran-2015-08-11-c3a0-21-12-31.png« Mais s’il y a un réveil de l’Islam, et je ne crois pas que l’on puisse en douter, un trophée de la foi coranique sur cette colline Sainte-Geneviève où tous les plus grands docteurs de la chrétienté enseignèrent contre l’Islam représente plus qu’une offense à notre passé : une menace pour notre avenir... Nous venons de commettre le crime d’excès. Fasse le ciel que nous n’ayons pas à le payer avant peu et que les nobles races auxquelles nous avons dû un concours si précieux ne soient jamais grisées par leur sentiment de notre faiblesse. »  

    Charles Maurras le 13 juillet 1926

  • La croix interdite

     

    par Gérard Leclerc

     

    2435494823.jpg

    Ainsi le Conseil d’État a ordonné la modification de la statue de Jean-Paul II, qui est installée sur une place de la commune de Ploërmel dans le Morbihan. Il faudra donc retirer la croix qui surplombait cette statue représentant le Pape. La dite statue étant sauve. Cette décision intervient après tout un parcours judiciaire. C’est d’abord le tribunal administratif de Rennes qui avait enjoint le maire de Ploërmel de retirer le monument de son emplacement. Entendez le monument dans son ensemble, pas seulement la croix. Après appel auprès de la cour administrative de Nantes, l’arrêt de Rennes avait été annulé. C’est donc le Conseil d’État qui avait été saisi pour arbitrer en dernière instance, et on pourrait dire qu’il a coupé la poire en deux, ne satisfaisant personne : ni les plaignants, à savoir la fédération de la Libre Pensée et deux habitants de la commune, ni le maire solidaire de sa municipalité et d’une grande partie de la population qui n’a nul désir de voir mutiler un monument qui s’est inscrit dans le paysage local.

    Et voilà que cette affaire prend une dimension internationale : la Pologne, patrie natale de saint Jean-Paul II s’est émue en apprenant la nouvelle. Mme Szydlo, Premier ministre, a déclaré que « le gouvernement polonais tentera de sauver de la censure le monument de notre compatriote, et nous proposerons de le transférer en Pologne, en cas d’accord des autorités françaises et de la communauté locale ». Et d’ajouter : « Notre grande compatriote, un grand européen est un symbole de l’Europe chrétienne unie. Le diktat du politiquement correct – de la laïcisation de l’État – laisse la place à des valeurs qui nous sont étrangères culturellement et qui servent à terroriser la vie quotidienne des européens. »

    Le moins qu’on puisse dire est qu’à Varsovie on n’a pas du tout la même conception de la vie publique que chez nous et que le concept de laïcité, tel qu’il est reçu en France, est incompris là-bas. Mais était-il utile de provoquer une telle querelle ? L’interdiction de la croix à Ploërmel prélude-t-elle à la suppression de toutes les croix qui se dressent un peu partout dans notre pays ? Trop de rigueur procédurale ne sert sûrement pas la paix civile que la laïcité est censée protéger.  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 30 octobre 2017

  • Un étendard marial ?

     

    par Gérard Leclerc

     

    2435494823.jpgLa guérilla qui oppose Emmanuel Macron à Jean-Luc Mélenchon sur le drapeau européen a pris une tournure où le symbolique s’associe étroitement au politique. Car il y a deux dimension dans cette querelle, d’abord une dimension proprement politique à propos de la construction européenne. Depuis le rejet de la constitution imaginée par Giscard d’Estaing lors du référendum de 2004, on peut estimer que l’Europe n’est pas vraiment définie en tant que concept institutionnel. On peut certes se raccrocher à la formule de Jacques Delors : fédération d’États nations, même si elle constitue à certains égards un oxymore. Un moment, le président François Mitterrand, avait, me semble-t-il, privilégié le terme de confédération, qui prêtait moins à discussion, même s’il ne résolvait pas entièrement la question de la souveraineté. Une souveraineté qui par ailleurs ne se sépare pas de la question d’un peuple européen. Existe-t-il un peuple européen ? Si oui, il peut revendiquer son drapeau, son hymne, sa devise. Sinon, c’est beaucoup plus problématique.

    Le désaccord entre Macron et Mélenchon est incontestablement lié à cette incertitude, mais il a pris une dimension symbolique, lorsque Mélenchon a mis en cause le drapeau aux douze étoiles sur fond bleu : « Franchement, on est obligé de supporter ça ? C’est la République française, pas la Vierge Marie. » Il est incontestable que le créateur de ce drapeau était chrétien et qu’il était inspiré par la symbolique mariale. On saisit la référence à l’apocalypse : « Une femme revêtue du soleil, la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles. » Mais l’inspiration initiale ne s’est pas forcément transmise aux héritiers. Il a fallu Jean-Luc Mélenchon pour qu’ils soient mis au courant. Mais, même alors, cette symbolique est-elle rédhibitoire pour la laïcité ? On peut en discuter, mais on peut aussi s’étonner de l’intolérance qui jette l’interdit sur une part essentielle du patrimoine européen. Sans référence à ce patrimoine, avec ses dimensions d’ailleurs diverses, notre Europe devient un concept singulièrement rabougri.  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 16 octobre 2017.

  • Che Guevara 50 après

     

    par Gérard Leclerc

     

    2435494823.jpgY a-t-il encore beaucoup d’adolescents ou de jeunes gens pour afficher le poster de Che Guevara dans leur chambre ? On peut se poser la question en ce cinquantième anniversaire de sa mort. Ils sont sans doute beaucoup moins nombreux chez nous que lorsque le mythe de la révolution castriste dominait l’imaginaire d’une foule de jeunes dans les années soixante. Mais il y en a encore certains, à l’instar d’Olivier Besancenot qui parlent de lui comme « une braise qui brûle encore ». Certes, le militant admet que le Che avait ses faiblesses, ses aveuglements, ses erreurs et ses maladresses. « Mais il avait cette qualité rare chez les acteurs de la scène politique : la cohérence entre les paroles et les actes. » En 2015, le même Besancenot conseillait au président François Hollande de visiter le musée Che Guevara, lors d’un voyage à Cuba.

    L’aura romantique qui a entouré le compagnon de Fidel Castro s’est toutefois plutôt estompée, depuis que l’on sait comment l’homme pouvait être dur, impitoyable. Sa rigueur révolutionnaire ne faisait grâce de nulle indulgence aux complaisances libertaires. Sa vision manichéenne du monde n’admettait nul compromis, jusqu’à ce que le capitalisme disparaisse totalement de sa surface. Cela supposait une haine absolue de l’ennemi à détruire. Régis Debray, qui l’a accompagné jusqu’à la veille de sa mort en Colombie, a pu, par la suite, analyser en quoi la stratégie guévariste avait été prise en défaut, notamment du côté du peuple paysan qu’elle entendait rallier et qui se dérobait à son enrôlement.

    Il n’empêche que, pendant longtemps, le Che s’est imposé comme recours contre un monde injuste. Notre pape François, lorsqu’il était provincial des jésuites en Argentine, eut fort à faire avec certains religieux qui s’étaient laissés prendre à cette dialectique et à l’espoir d’une révolution imminente. Mais le père Bergoglio ne se laissait pas abuser, préférant la proximité vraie avec son peuple argentin, avec les pauvres, pour s’engager en vue d’une justice concrète, loin du mythe de la violence et de la résignation au désordre établi.   

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 12 octobre 2017

  • Mémoire & religion • La longue souffrance des coptes

    Une fidèle copte en prière à la cathédrale Saint-Marc du Caire durant la messe de Noël. La minorité chrétienne égyptienne est animée par une grande piété.

     

    PAR PÉRONCEL-HUGOZ 

    Depuis la conquête de l'Égypte par des musulmans d'Arabie, après la mort de Mahomet, et jusqu'à nos jours, des historiens ont calculé que quasi toutes les générations de chrétiens nilotiques ont été traitées comme des inférieurs, les dhimmis de l'Islam.

     

    IMG - Copie.jpgL’essayiste copto-italien du XXe siècle, Georges Henein, par ailleurs agnostique, voyait dans les coptes, la « conscience de l’Égypte ». L'orientaliste fran­çais islamophile Louis Massignon, catholique doloriste, confiait au père Pierre du Bourguet, jésuite coptisant : « Les coptes sont des victimes. C'est par eux que l'Égypte sera sauvée » . . . Mais en attendant, autant qu'on sache, il n'entre­prit aucune démarche sérieuse auprès de ses nombreuses relations musulmanes pour que l'Islam adoucisse un peu le sort des dhimmis, ces sujets ou citoyens non mahométans de seconde zone, théoriquement « protégés» par l'État musulman mais, à l'occasion, maltraités voire persécutés, ce qu'ont presque toujours été les coptes, de jure ou de facto, depuis l'isla­misation de leur pays ; et jusqu'à nos jours où Daech a intensifié ses sanglantes attaques, en particulier contre femmes et enfants coptes. L'historien francophone égypto-libanais Jacques Tagher, qui vivait pourtant à la fin du meilleur régime jamais connu par les coptes depuis l'Islam, à savoir la dynastie francophile de souche anatolienne de Méhémet-Ali et ses descendants (1805-1953), a écrit un ouvrage en français, Coptes et musulmans, paru au Caire en 1952 (et réédité au XXe siècle en arabe au Canada), qui reste capital pour la connais­sance de la dhimmitude en Égypte.

    De nos jours, les claires et inédites incita­tions du maréchal Sissi à un aggiornamento de certains textes de base musulmans — non encore suivies d'effets concrets — ont été accueillies sans excès de bienveillance par nombre de mahométans restés attachés à la lettre du Coran, laquelle rend parfois difficiles les rapports entre « vrais croyants» et « proté­gés » : «Ne prenez pas pour amis les juifs ou les chrétiens, sinon vous deviendrez comme eux ! » ordonne, par exemple, Allah a ses adeptes dans la sourate de la Table servie (V, 51). Aujourd'hui comme hier, « les coptes représen­tent la partie la plus vulnérable de la population égyptienne : Ils n'ont pas de défenses, ne sont pas armés et sont ainsi une cible facile » (Jean Maher, président de l'Organisation franco-égyptienne pour les Droits de l'Homme, à Valeurs actuelles du 15 juin 2017). Un cadre copte catholique de la vie associative égyp­tienne, Fahim Amine, est allé jusqu'à parler d'un « génocide lent », depuis des siècles, pour ses coreligionnaires coptes orthodoxes.

    UN ENFANT MÂLE DE MAHOMET

    Pourtant les contre-arguments en faveur de ces chrétiens africains, regardés de haut par l'Islam, ne manquent pas de poids : les coptes de son époque fournirent ainsi à Mahomet celle de ses femmes, Marie la Copte, qui donna au fondateur de l'Islam le seul de ses enfants mâles qui vécut un peu (4 ans) : Ibra­him. Un hadith — dit ou acte de Mahomet, rapporté par la Sunna, ensemble de six recueils principaux — constate : « Comme ils sont bons les coptes d'Égypte ! » S'appuyant plutôt sur la conception universelle moderne des droits humains, en 1992, un musulman moderniste mesuré, en vue dans la société égyptienne, Farag Foda, osa dire tout haut, ini­tiative sans précédent sur les bords du Nil, que les coptes étaient « discriminés » sur leur sol ancestral et natal. Peu après, un commando islamiste abattit Foda, qualifié de « renégat », et vite oublié... Pourtant, la victime n'avait fait que décrire la réalité : sait-on, ainsi, que le plus brillant diplomate moderne du monde arabe, l'Égyptien copte, Boutros Boutros-Ghali (1922-2016), futur secrétaire général des Nations-Unies puis de la Francophonie, ne put jamais être ministre à part entière des Affaires étrangères au Caire, et cela en tant que non-musulman... Le rang de « ministre d'État », atteint par Boutros-Ghali, équivaut en Égypte à celui de simple « secrétaire d'État » ... En 2017, le journaliste Fahmi Howeidi, dans le quotidien indépendant cai­rote Al Shourouk (28 mai) a imité Foda, muta­tis mutandis, et depuis lors on est inquiet pour lui, car il a parlé de « témoignages sur la souf­france quotidienne de certains coptes au travail, à l'école, dans l'espace public ».

    LE PATRONAGE DE BOUTROS-GHALI

    C'est le « grand copte » Boutros-Ghali qui a parrainé le gros travail (en trois volumes, dont le deuxième est paru en 2017) où un couple d'égyptologues copto-français, Ashraf et Bernadette Sadek, établi à Limoges et animant la revue française Le Monde copte (fondée en 1976 par Pierre de Bogdanoff), a entrepris d'exposer, sur les plans culturels et historiques, la réalité copte, sans traiter des attentats anti-chrétiens contemporains menés en Égypte et en Libye par Daech ou d'autres organisations islamistes. À l'heure où nous écrivons cet article, la dernière tuerie de masse, visant une trentaine de coptes, surtout des mères avec leurs enfants, remonte au 26 mai ; les victimes refusèrent toutes de sauver leur vie en se convertissant sur le champ à l'islam, tandis que la police armée, présente à proximité, arrivait trop tard, selon une attitude plusieurs fois consta­tée dans des circonstances similaires...

    Ashraf et Bernadette Sadek ont donc réuni, dans l'épais volume constituant le tome II, récemment édité, un grand nombre de textes et d'illustrations, anciennes ou récentes, sous le titre poétique mais peut-être un peu énigmatique, Un fleuve d'eau vive; il y a là, à peu près tout ce qui mérite d'être mis à la disposition du public franco­phone cultivé, à propos de la Fuite en Égypte de la Sainte Famille, épisode rapporté par les Écritures chrétiennes et qui, on peut l'ima­giner, tient une place éminente dans la Chré­tienté nilotique, notamment à l'occasion de pèlerinages populaires très fréquentés. Le travail de recherche, présentation et explica­tion accompli par le couple d'égyptologues, est unique au XXIe siècle en français, et nous dévoile tout un pan, très peu connu en Occi­dent, de la vie chrétienne en Égypte.

    Les coptes actuels - majoritairement composés de gens modestes, en ville ou dans les campagnes, même si la fratrie des milliardaires coptes Sawiris est célèbre dans les cercles économiques mondialisés —, sont saisis, en cet ouvrage, dans leur quotidien­neté religieuse ou profane, donnant par ricochet, encore plus d'épaisseur à un sou­bassement historique déjà fort consistant. L'ensemble est captivant !    

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    Les obsèques, en février 2016, de Boutros Boutros-Ghali, ministre et diplomate emblématique issu de la communauté copte, qui fut secrétaire général de l'ONU, en présence du patriarche copte. 

    PÉRONCEL-HUGOZ - Correspondant du Monde au Caire à l'époque de Sadate, notre chroniqueur a souvent écrit sur le sort des chrétiens d'Orient, dont les coptes d'Égypte, en ses articles, notamment dans La NRH depuis 2003, ainsi que dans l'un de ses premiers essais : Le Radeau de Mahomet (1983).

    Repris de la NRH - Septembre-octobre 2017

  • Les chrétiens syriens à l'épreuve des Kurdes

    Kurdes

     

    Par Antoine de Lacoste

     

    1456949215.pngPlus d'un million de Kurdes peuplent le Nord de la Syrie et cohabitent avec un peu moins d'un million d'arabes. Pragmatiques, ils vivaient en bonne intelligence avec le régime, bénéficiant d'une certaine autonomie en échange de leur neutralité politique.

    Leurs relations avec les arabes (sunnites, alaouites ou chrétiens) étaient distantes mais sans hostilité manifeste. C'était avant la guerre et les Kurdes, malgré leur propension naturelle à l'hégémonie, n'avaient de toute façon guère le choix. Toutefois, leur rêve d'un Etat kurde officieux, les habitait toujours.

    La guerre va leur permettre de progresser dans leurs ambitions.

    L'armée syrienne, en grande difficulté jusqu'à l'intervention russe, n'avait plus les moyens de contrôler le nord du pays : la priorité était d'endiguer la marée islamiste qui voulait prendre le pouvoir. Tel n'était pas le but des Kurdes qui se contenteraient toujours d'un territoire à eux dans le Nord. Des deux maux Assad a choisi le moindre et a donc fort logiquement laissé les Kurdes prendre le contrôle des villes et des postes-frontières, à l'exception d'un seul, au Nord-Est, tenu par des milices chrétiennes et quelques militaires syriens.

    Des combats entre l'armée et les milices chrétiennes d'un côté, les combattants kurdes de l'autre (regroupés dans les YPG) eurent lieu, faisant tout de même des victimes et des prisonniers de chaque côté. On était toutefois loin de la conflagration générale.

    Les Turcs regardaient cela d'un mauvais œil, mais leur préoccupation de l'époque était surtout d'organiser la révolte islamiste pour renverser Assad.

    La bataille de Kobané va tout changer.

    Grâce à l'aide des Turcs, Daesh réussit à conquérir une partie du Nord de la Syrie faisant ainsi la jonction avec la frontière turque. Après la conquête de la vallée de l'Euphrate (Raqqa, Deir ez-Zor en partie, Mayadin, Al Quaïm) et des champs pétrolifères du Sud-Est du pays, les islamistes ont pu vendre le pétrole jusqu'en Turquie grâce à des norias de camions qui circulaient dans l'indifférence générale.

    L'aviation de la coalition ne les a quasiment jamais attaqués, ce qui est tout de même curieux. Il faudra attendre les avions russes pour qu'enfin cesse le trafic.

    Il restait toutefois une ville à conquérir pour Daesh : Kobané, peuplé majoritairement de Kurdes. Des combats furieux entre les YPG et les islamistes durèrent plusieurs semaines.

    C'est là que se noua l'alliance entre les Kurdes et les Américains : ceux-ci décidèrent d'aider massivement les combattants kurdes. Le soutien de leur aviation fut décisif (comme toujours d'ailleurs au cours de cette guerre) et Daesh dut se retirer. Le bilan était lourd des deux côtés mais la victoire des kurdes allait sceller leur alliance avec les Etats-Unis.

    Armés et financés par eux, les Kurdes purent consolider leurs positions le long de la frontière turque n'hésitant pas à attaquer les militaires syriens et les milices chrétiennes pour mieux assoir leur autorité.

    L'armée turque a alors réagi, a franchi la frontière afin de couper en deux le territoire kurde et l'empêcher ainsi de se tailler un territoire en continu. Les Kurdes se sont retirés devant les chars turcs sur ordre des Américains qui ne voulaient pas d'affrontement direct entre ces deux forces.

    Aujourd'hui, les Kurdes sont l'infanterie des Etats-Unis : ils sont en train de reprendre Raqqa (ex-capitale du califat maintenant moribond) et prennent position au Nord de Deir ez-Zor afin d'empêcher l'armée syrienne de reprendre le contrôle de la totalité du pays.

    Raqqa et Deir ez-Zor sont de peuplement arabe et non kurde, mais peu importe : ce qui compte pour les Etats-Unis, c'est de détruire Daesh et d'empêcher les Syriens de reprendre le contrôle de leur pays. Le retour de la paix sous l'égide d'Assad n'a jamais été l'objectif.

    Mais, une fois de plus, ce sont les chrétiens qui souffrent de la situation.

    Ils sont relativement nombreux dans la région, et il faut savoir que les exactions kurdes à leur endroit ne sont pas rares : vexations, arrestations et, plus grave, assassinats ciblés voire parfois déplacements forcés de populations. Le silence est assourdissant sur le sujet, mais les Kurdes font partie des héros médiatiques de cette guerre et il convient de ne pas entacher leur réputation.

    Le sujet n'est pas nouveau pourtant : les Kurdes ont participé au génocide de 1915, soit sur ordre des Turcs, soit, le plus souvent, pour dépouiller les malheureux Arméniens ou Assyriens. Le brigandage est une vieille tradition chez eux...

    Certes, certains chrétiens leur doivent la vie par leur résistance opiniâtre contre Daesh ; les YPG sont assez efficaces. Mais cela ne doit pas masquer la réalité sur ce que sont les Kurdes : ils sont Kurdes et le reste ne compte pas. Leur islam est très lointain et l'idéologie marxiste qui les habite assez théorique, mais les chrétiens comptent encore moins pour eux.

    Ils veulent un territoire et sont prêts à tout pour cela : les Américains l'ont bien compris et s'en servent pour éliminer Daesh. Et les Kurdes se servent des Américains pour assoir leur pouvoir local.

    Fort heureusement, les chrétiens sont encore assez nombreux dans la région, en particulier dans le Nord-Est. Les villes d'Hassaké (180 000 hab.) et Qamishli (170 000 hab.) comptent de nombreux syriaques catholiques et orthodoxes dont les jeunes sont armés et organisés. Mais la vie y est très difficile et beaucoup songent à partir.

    C'est précisément ce qu'attendent les Kurdes.  

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde

  • Politique & Religion • Annie Laurent : Connaître l'Islam

     

    Par Anne Bernet

     

    2660702885.2.pngC'est un traité simple et profond : l'Islam pour tous ceux qui veulent en parler, mais ne le connaissent pas vraiment.

    Il est devenu difficile de tenir sur l'Islam un discours clair et conforme à la réalité. Le conformisme ambiant, la peur d'être accusé de racisme ou d'islamophobie, concept forgé précisément afin d'en interdire toute critique et analyse, une vision erronée de la tolérance, une ignorance abyssale ont contribué, ces dernières décennies, tandis que l'implantation musulmane s'accroissait, à en présenter une image apaisée, « en phase avec la laïcité et la modernité », mais fausse. L'actualité ne cesse d'ailleurs de rappeler combien le discours officiel sur la question est mensonger et absurde, ce qui suscite, chez un nombre croissant de Français, interrogations et angoisses.

    C'est à ces gens ignorants, désinformés, inquiets, à raison, que s'adresse ce nouveau livre d'Annie Laurent, spécialiste incontestée du Proche-Orient et des rapports difficiles entre musulmans et chrétiens.

    À l'origine, il y a les Petites feuilles vertes publiées par l'association Clarifier, qui présentent, de manière synthétique et accessible mais très sérieuse et complète, l'histoire de l'Islam, ses courants, sa pensée, ses croyances, ses divisions internes, son droit, sa conception de la place de la femme dans la société, ses ambitions de domination mondiale, son recours à la violence institutionnalisée, l'idée qu'il se fait de ses rapports avec les autres religions.

    Dans ces dossiers, enfin regroupés et mis à la portée de tous, Annie Laurent n'emploie pas la langue de bois. Jamais elle ne prétendra, comme il est de bon ton de le dire, que l'Islam est une « religion de paix, de tolérance et d'amour ». Elle sait qu'entretenir de tels mensonges désarme des populations d'accueil, rendues déjà vulnérables par la déchristianisation ambiante, le relativisme, la perte du sentiment national, et empêche l'assimilation des arrivants.

    Dire la vérité est une nécessité vitale, une question de survie pour nos nations. Cela ne signifie pas manquer à la charité envers les musulmans, au demeurant souvent les premières victimes d'une croyance qui a refusé, une fois pour toutes, d'évoluer ou se réformer.

    1435703774.jpgCette prise de conscience nécessaire et urgente s'accompagne d'un appel vibrant à aimer, même s'ils se donnent parfois beaucoup de mal pour ne pas l'être, les disciples de Mahomet, c'est-à-dire à leur offrir les moyens de découvrir le Christ et son amour. C'est à l'Église, aux évêques, au clergé, tout aussi prisonniers de leurs idées fausses que le sont journalistes et politiciens, que s'adresse Annie Laurent, pas dupe d'un « dialogue interreligieux » à sens unique, dans un remarquable développement consacré aux erreurs et naïvetés trop répandues parmi les catholiques au sujet des prétendues convergences entre les monothéismes.

    Ce n'est qu'en apprenant à connaître vraiment l'Islam qu'il sera possible d'assurer notre avenir. Lire Annie Laurent est un excellent moyen de le faire. 

    FIC129731HAB40.jpg

    L'ISLAM, Annie Laurent,
    Editions Artège, 285 p., 19,90 €

  • Georges Bernanos : « ... tant que votre industrie et vos capitaux vous permettront de faire du monde une foire ...»

     

    Est-ce que je vous empêche, moi, de calculer la précession des équinoxes ou de désintégrer les atomes ? Mais que vous servirait de fabriquer la vie même, si vous avez perdu le sens de la vie ? Vous n’auriez plus qu’à vous faire sauter la cervelle devant vos cornues. Fabriquez de la vie tant que vous voudrez ! L’image que vous donnez de la mort empoisonne peu à peu la pensée des misérables, elle assombrit, elle décolore lentement leurs dernières joies. Ça ira encore tant que votre industrie et vos capitaux vous permettront de faire du monde une foire, avec des mécaniques qui tournent à des vitesses vertigineuses, dans le fracas des cuivres et l’explosion des feux d’artifice. Mais attendez, attendez le premier quart d’heure de silence. Alors, ils l’entendront, la parole - non pas celle qu’ils ont refusée, qui disait tranquillement : « je suis la Voie, la Vérité, la Vie » - mais celle qui monte de l’abîme : « Je suis la porte à jamais close, la route sans issue, le mensonge et la perdition. »   

    Georges Bernanos

    Journal d'un curé de campagne, Plon, 1936

     

  • Affaire Barbarin : tapez sur les cathos, il en restera quelque chose ! La mise à mort médiatico-judiciaire continue

     

    Une tribune de Régis de Castelnau

    Nous supposons les idées de Régis de Castelnau assez éloignées des nôtres. Peut-être bien opposées sur de nombreux points. Mais là, nous trouvons très bienvenues les réflexions qu'il a livrées dans Causeur [20.09] sur la dégoûtante campagne organisée à l'encontre du cardinal Barbarin.  On ne nous suspectera pas ici d'être simplement calotins : nous avons dit sans précautions particulières notre désaccord avec la politique immigrationniste du pape François et de presque toute l'Eglise depuis bien longtemps.  Dans ce cas, toutefois, plein accord avec ce qu'écrit Régis de Castelnau. Faut-il trouver le cardinal Barbarin sinistre ? Il aurait de quoi l'être !  LFAR

     

    3957877889.jpgLe lugubre cardinal Barbarin a fait l’objet en son temps d’un lynchage médiatico-politique en grand que certains ont voulu transformer en lynchage médiatico-politique et judiciaire. Tous les médias à la manœuvre, le Premier ministre de l’époque lui-même sommant l’ecclésiastique « de prendre ses responsabilités » ! Et le ministère de l’Intérieur a joué un rôle assez trouble là-dedans. Le problème, c’est que la France est normalement un État de droit, et que toutes les plaintes déposées, parfois trente ans plus tard, se sont heurtées à la probité du parquet de Lyon qui a appliqué les principes impératifs régissant le procès pénal, et font la différence entre un pays civilisé et la république bananière dont semblent rêver certains.

    En prison les abbés !

    Le classement sans suite avait beau être inévitable et parfaitement motivé, il a été immédiatement suivi par la clameur et une levée de boucliers. Quand il s’agit de taper sur les curés on ne va quand même pas s’embarrasser des règles de droit, sinon on ne va pas s’en sortir. En prison les abbés !

    Alors, on va lancer une procédure à l’initiative des plaignants par le biais de la « citation directe en correctionnelle » pour qu’il y ait une audience pénale à grand spectacle. L’utilisation de cette procédure permet de contourner l’évidence de l’impossibilité des poursuites, et de saisir la juridiction pénale, contrainte d’audiencer l’affaire. Mais en application du droit de renvoyer les manipulateurs à leurs chères études. Le but n’est donc à l’évidence absolument pas d’obtenir une vérité judiciaire ou une condamnation qui ne peuvent pas advenir, mais bien d’organiser un cirque médiatique. Pour faire bonne mesure, on a cité tout un tas de mitrés, tout juste s’il n’y a pas le Pape dans la liste.

    Le « silence de l’Eglise » ?

    Écoutons Le Figaro. « L’archevêque de Lyon n’est pas le seul convoqué. Cinq autres personnes liées au diocèse le sont. Et une sixième, de grande importance: Mgr Luis Ladaria Ferrer. Au Vatican, ce jésuite espagnol est le préfet de la Doctrine de la foi, c’est-à-dire le gardien du dogme. François l’a nommé le 1er juillet 2017. » Là c’est du lourd, coco.

    Et tous ceux qui sont d’une prudence de serpent dès qu’il s’agit de l’islam intégriste s’en donnent cette fois-ci à cœur joie. Et les médias se préparent avec gourmandise. Y compris Le Figaro qui titre : « pédophilie, le silence de l’Eglise en procès. » Évidemment, on connaît bien l’opportunisme habituel de ce journal, mais on ajoutera cette fois-ci qu’il n’a même pas la reconnaissance du ventre. Les 8 % de français chrétiens qui pratiquent encore forment quand même les gros bataillons de ses lecteurs. Ni catholique, ni abonné, cela ne me concerne pas, mais à la place de ces ouailles, je résilierais mon abonnement…

    Petite pochade

    Pour m’amuser, j’ai eu une idée. Il faudrait déposer une plainte contre Brigitte Macron pour agression sexuelle sur mineur puisque la légende veut que sa relation avec son actuel mari ait commencé quand celui-ci avait 15 ans. Je n’en sais rien et je m’en fiche complètement, mais ce serait peut-être l’occasion de rigoler. Cette plainte serait bien évidemment classée sans suite, et il serait alors possible de citer Brigitte Macron devant le tribunal correctionnel pour « pédophilie » parce que ça sonne bien. Et, pour faire bonne mesure, on citerait aussi celui qui était alors ministre de l’Education nationale puisque Madame Macron était enseignante et entamait une relation avec un de ses élèves. Et Le Figaro pourrait ainsi titrer : « pédophilie, le silence de l’Élysée en procès ».

    Les juges ont-ils repris leur sang-froid?

    Redevenons sérieux, en dehors du Parquet national financier, et du « Pôle financier » de Paris, il apparaît que la magistrature a repris une partie de son sang-froid et résiste autant que faire se peut aux pressions médiatiques et politiques. C’est la raison pour laquelle la pantalonnade qui se prépare à Lyon n’est non seulement pas innocente mais de surcroît dangereuse. Lorsque les décisions d’irrecevabilité ou de relaxe seront rendues par le tribunal, nous entendrons la clameur dénonçant une justice partiale, voire achetée accompagnée des références habituelles à Jean de La Fontaine et ses Animaux malades de la peste.

    L’Eglise catholique a peut-être eu une attitude critiquable, voire lamentable dans le traitement de certains de ses problèmes, cela ne concerne que ses ouailles, ou ceux qui entendent poursuivre les traditions d’anticléricalisme à la française et continuer à brailler : « à bas la calotte ». Je n’appartiens à aucune de ces deux catégories.

    En revanche, cela concerne le citoyen que je suis dès lors que la justice de la République peut intervenir dans les conditions prévues par la loi et le respect des règles prévues à cet effet. Lesdites conditions ne sont pas réunies dans la représentation de cirque qui se prépare.

    L’instrumentalisation de la justice pour des fins qui ne sont pas les siennes est toujours une mauvaise action. 

    Régis de Castelnau

    Avocat.

    Régis de Castelnau anime le blog Vu du Droit depuis 2012. En consacrant sa vie professionnelle d’abord au Droit social puis au Droit Public dont il fut un des premiers praticiens actifs au sein de la profession d’avocat. Il y ajouta une activité universitaire, doctrinale ...

  • Un duo dynamique ?

     

    En deux mots.jpgFaut-il admettre l’idée banale, l’idée bateau, selon laquelle les moyens de transport et de communication modernes, internet, les avions, le téléphone portable, la télévision et tout le reste, convergent pour réaliser la fusion des peuples, abolissent les frontières, gomment les différences et rendent l'unité de l’humanité absolument inéluctable ? Ainsi subséquemment, qu’un gouvernement mondial. Telle est la vision, d'esprit prophétique, de Jacques Attali et de beaucoup d'autres, moins inspirés 

    Par exemple, le gentil, le candide, Yann Moix et le pape François. Duo improbable mais qui s'est révélé lors de l'émission ONPC [On n'est pas couché] où Dominique Wolton était invité pour présenter son livre de dialogue avec le pape. Yann Moix en a conçu - et il l'a dit - un fort et inattendu enthousiasme pour l'Eglise catholique. Pourquoi ? Parce qu'elle a pris la tête du grand mouvement qui mène à l'unité du monde et qu'elle l'accélère et le parachève en prêchant la généralisation des libres migrations, le métissage des cultures et des hommes. Les nations, Yann Moix l'affirme d'autorité, sont d'ailleurs déjà obsolètes, détruites, abolies. Les frontières n'existent plus ; il n'y a plus d'autre peuple que mondial. Bien-sûr grâce à internet, aux voyages, aux smartphones, à la télévision, etc. Accessoirement, il ne le dit pas, grâce aussi au libre mouvement des flux financiers sans frontières. D'enthousiasme encore, Moix, on ne sait trop pourquoi, en vient même à citer le théologien Gustave Thibon. Etonnant pour nous qui, jadis, l'écoutions aux Baux de Provence, ou ailleurs, loin de ce fatras. 

    Faut-il croire ces choses-là ? Sont-ce des rêveries ou la réalité ? Refuser cette évidence ne serait-ce pas cela rêver ? Dénier les réalités des temps modernes ! Mais justement que disent les réalités ? 

    D'abord ceci : l'idée que le monde est en passe de s'unifier ne date pas d'hier. Le XIXe siècle y a cru dur comme fer. Hugo en tête qui annonçait dans d'assez mauvais vers des lendemains où il n'y aurait « plus de frontières ». Et même : « Plus de fisc ». Cela prête à rire…  Un siècle et demi a passé. L'humanité a vécu deux guerres mondiales d’une cruauté sans analogue dans l'Histoire et des avions américains ont lâché des bombes atomiques sur le Japon. 

    Et que disent les réalités d'aujourd'hui de l'unification du monde ? Faut-il en faire le détail ? Au Proche et Moyen Orient, en Afrique, en Asie, partout les armes parlent, des menaces sont échangées, les conflits s'aiguisent, les rivalités s'affirment et se précisent, les budgets militaires arabes, russes, américains, asiatiques, s'enflent démesurément. Qu’est-ce qui peut garantir que les forces ainsi créées à grand effort ne serviront jamais ? Les grands conflits commencent toujours par des combats de coqs, tels ceux auxquels nous assistons ces semaines-ci.

    Les avions, internet, les smartphones, les télévisions et les radios censés, par nature, devoir nécessairement accomplir l’homogénéisation des peuples, servent aussi à bien autre chose : les avions à transporter des soldats ou des terroristes, à lancer des bombes ou à s'écraser sur des tours ; internet, les smartphones, les télévisions et les radios à diffuser des propagandes, des consignes, religieuses ou nationalistes, idéologiques ou terroristes, ou encore communautaristes, toutes choses qui ont peu de rapport avec l'unité du monde. Ne veut-on pas voir ? En dehors de la pauvre Europe occidentale, épuisée de tant de conflits passés et de tant de doutes sur elle-même, de tant de scrupules et de reniements, ce n'est partout que nationalismes et retour sur soi : religions, philosophies anciennes, traditions et modes de vie. Cela est vrai des plus grands : Russie, Chine, Inde, Japon, Etats-Unis. Mais aussi de beaucoup d'autres de moindre importance. 

    Les avions, les bateaux de croisière et les cars Macron continueront donc de déverser aux quatre coins du monde leurs flots de touristes hébétés ; les réseaux sociaux et les téléphones - quand ils ne serviront pas aux terroristes - à déverser leurs niaiseries sur la terre entière. De même que radios et télévisions. Il s'en suivra en effet une certaine standardisation des peuples. Mais George Steiner a fait observer que les standardisations se font toujours par le bas. 

    Même s'il satisfait l'univers des financiers, qui ont largement poussé à la roue pour que ces phénomènes prospèrent et eux avec, on peut se demander ce que pèsera – face aux actifs, aux déterminés - ce monde de zombies. 

    La vérité – on pourrait multiplier les exemples à l’infini - c’est que les techniques sont neutres. Elles charrient le bien comme le mal.   

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Les déclarations du pape : Il n'y a pas à s'étonner

    Le pape Pie XII

     

    Par Antiquus  

    Ce commentaire - du 13 septembre - complète les articles que nous avons publiés ici sur les prises de position récentes du pape François. Antiquus y préconise le retour à une politique capétienne d'indépendance politique à l'égard de la papauté. Le cas échéant, on pourra se reporter aux articles concernés.  (Liens ci-dessous). Merci à Antiquus !  LFAR

     

    3142485460.jpg

    Il n'y a pas à s'étonner : les déclarations du pape, comme l'a montré Dandrieu, sont l'aboutissement d'une évolution déjà fort ancienne de la doctrine pontificale.

    Dandrieu la fait remonter à Pie XII. Je pense qu'elle est déjà présente chez Léon XIII. En fait, du moment où les papes ont perdu leur pouvoir temporel, ils ont estimé qu'ils n'avaient plus aucune responsabilité à tenir à l'égard du gouvernement des Etats. D'où la condamnation de la peine de mort, dont Maistre disait qu'elle était le fondement de tout pouvoir. D'où l'abandon de l'Etat chrétien et la nouvelle doctrine sur la liberté religieuse, et aussi la délégitimation de la nation, et la transformation de l'Eglise (à usage externe seulement) en une ONG, se revendiquant comme la plus ancienne et la plus vénérable.

    Faut-il en déduire que la papauté n'est plus à la tête de la « seule internationale qui tienne » selon l'expression du martégal ? Il nous suffit de puiser dans l'héritage capétien les principes du gallicanisme, qui nous autorise à invoquer l'étanchéité de la France aux interventions pontificales qui s'opposent à la légitime perduration de notre pays.  

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    En deux mots : Désolés, Saint-Père, nous ne sommes pas d'accord

    François, pape philanthrope

    Rémi Brague au Figaro : « Non, la parabole du bon Samaritain ne s'applique pas aux États ! »

  • François, pape philanthrope

     

    Par François Marcilhac 

     

    3466611312.jpgLe milliardaire et «  philanthrope  » George Soros semble avoir trouvé dans le pape François un concurrent redoutable en matière de surenchère immigrationniste. Car si les vingt et une mesures, qui peuvent être tirées du message papal publié le 21 août dernier, pour la journée mondiale du migrant et du réfugié du 14 janvier 2018, semblent pour un grand nombre d’entre elles démarquées du plan en six points que Soros, financier actif du village planétaire, a édicté en septembre 2015, toutefois, celui-ci semble plus raisonnable que le pape puisqu’il reconnaît tout de même que le placement des réfugiés doit s’effectuer non seulement «  là où ils le souhaitent  » mais également «  là où ils sont désirés  », et «  à un rythme adapté aux capacités européennes d’absorption  ». Foin de détails aussi bassement matérialistes pour le pape  : l’accueil des migrants et réfugiés ne doit prendre en compte ni les capacités économiques des pays hôtes, ou plutôt des pays cibles, ni leurs capacités culturelles d’absorption de masses humaines dont le mode de vie est souvent à l’opposé du nôtre. Qu’importe  ? Il s’agit d’«  accueillir, protéger, promouvoir et intégrer  » les migrants, par ailleurs non distingués des réfugiés, et qui, de ce fait, n’ont que des droits et aucun devoir, puisqu’ils incarneraient l’humanité souffrante.

    L’Action française et l’Église

    L’Action française n’a évidemment pas à se prononcer sur la compatibilité des propos du pape avec la théologie catholique. Mouvement laïque, accueillant en son sein pour leur seule qualité de citoyens des Français de toutes confessions et religions, ou simplement athées ou agnostiques, elle a néanmoins toujours observé que la physique politique qu’elle enseigne, et qui est conforme à l’ordre naturel, rejoint par cela même la doctrine sociale de l’Église. Sur ce point, elle ne fut jamais prise en défaut  : c’est pourquoi, si elle eut à subir, pour un temps, les foudres disciplinaires du Vatican, jamais elle ne fut condamnée sur le plan doctrinal. Maurras, lui-même agnostique, s’est toujours émerveillé de cet accord, du reste fondé dans le thomisme, entre les principes politiques, dégagés inductivement, et l’enseignement de l’Église. On est toutefois en droit de se demander si François ne méjuge pas sa qualité de pape pour celle de simple philanthrope en prenant ainsi fait et cause pour l’idéologie immigrationniste. Comme le remarque sur son site Metablog l’abbé de Tanoüarn, dans un article judicieusement intitulé «  Qu’est-ce qu’un Christ humanitaire  ?  »  : «  comme pasteur universel, la responsabilité du pape n’est pas “le développement humain intégral”, mais le salut des âmes  », ajoutant que la papauté moderne «  connaît la même tentation que la papauté médiévale d’Innocent III à Boniface VIII, cette confusion du spirituel et du temporel  », à savoir «  la même “temporalisation du royaume de Dieuque déplorait Jacques Maritain dans Le Paysan de la Garonne et la même volonté d’atteler le successeur de Pierre à un projet temporel universel, dont il serait la clé de voûte  ».

    Nous l’avions déjà observé pour l’Église de France en analysant, il y a juste un an, la calamiteuse lettre du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France «  aux habitants de notre pays  »  : la sécularisation du message évangélique fait le lit de l’idéologie mondialiste en faisant du village planétaire le village-témoin, ici-bas, de la Jérusalem céleste. Ne rajoutons pas aux malheurs du monde en appelant amour du prochain la compromission avec la fausse générosité de l’oligarchie internationale, qui favorise de dramatiques déplacements de population pour en finir avec les nations. Et «  de même que l’on ne doit pas confondre l’hospitalité et l’immigrationnisme, de même il ne faut pas confondre l’universalisme chrétien respectueux de chaque identité et le mondialisme qui les détruit  » (abbé de Tanoüarn, Minute du 30 août 2017). Ne pensons pas non plus révolutionner le cœur de l’homme en opposant, en lui, le chrétien au citoyen, via l’opposition de la «  centralité de la personne humaine  » et des devoirs de l’État  : prétendre que la sécurité personnelle passe avant la sécurité nationale n’a évidemment aucun sens.

    Pas de sécurité sans cadre politique

    Laurent Dandrieu n’a pas eu de mal à montrer qu’«  il n’existe aucune sécurité personnelle qui puisse exister en dehors de cadres politiques, juridiques et légaux qui en sont le rempart  »  ; «  par ailleurs, le principe de la centralité de la personne humaine oblige à considérer, aussi, que les citoyens des nations occidentales ont un droit évident à la sécurité nationale  » (Le Figaro du 22 août 2017). Ce que rappelle également le philosophe chrétien Rémi Brague, par ailleurs grand spécialiste de l’islam, qui ajoute que l’État doit «  empêcher que les migrants se conduisent, comme on dit, “comme en pays conquis”, qu’ils importent en Europe les conflits qui les opposaient entre eux  », précisant  : «  une parabole  », comme celle du bon Samaritain, «  s’adresse à “moi  »  ; «  elle m’invite à réfléchir sur ma propre personne singulière, ce qu’elle est, ce qu’elle doit faire  »  ; «  un État n’est pas une personne  » (Le Figaro du 1er septembre). Non pas opposition, mais différence d’ordre. C’est pourquoi, d’ailleurs, un État ne connaît que des ennemis publics (hostes) et les personnes privées des ennemis privés (inimici), dont, en bons chrétiens, elles doivent s’efforcer de pardonner les offenses. Mais en tant que citoyen, on doit aussi savoir combattre avec détermination les ennemis (hostes) de sa patrie, même si cela doit toujours se faire sans haine  : «  le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes  », rappelait Louis XV, le soir de Fontenoy  ; le «  sang impur  » est une notion républicaine  : elle n’est pas française.

    Ne jetons pas, enfin, aux orties l’identité pluriséculaire des sociétés européennes au profit d’un multiculturalisme qui provoque déjà chez nous ses effets multiconflictualistes. Il faudrait, selon le message papal, «  favoriser, dans tous les cas, la culture de la rencontre  »  : mais comment croire, sans un angélisme particulièrement aveugle, que favoriser une «  intégration  » opposée à l’assimilation, c’est se placer «  sur le plan des opportunités d’enrichissement interculturel général  »  ? Chaque jour nous apporte, en Europe, le témoignage du contraire. Non, tendre à une société multiculturelle généralisée ne rapprochera pas les hommes entre eux  ! Il fut un temps où le cardinal Bergoglio était plus lucide  : «  Qu’est-ce qui fait qu’un certain nombre de personnes forment un peuple  ? En premier lieu, une loi naturelle, et un héritage. En second lieu, un facteur psychologique  : l’homme se fait homme dans l’amour de ses semblables. […] Le “naturel” croît en “culturel”, en “éthique”. Et de là, en politique, dans le cadre de la patrie, qui “est ce qui donne l’identité”.  » (Cité in F. Rouvillois, La Clameur de la Terre, JC Godefroy, 2016, p. 65-66) Comme le rappelait Maurras dans Pour un jeune Français, la cohésion de la nation suppose qu’on s’accorde sur un bien vraiment commun à tous les citoyens. «  En d’autres termes, il faudra, là encore, quitter la dispute du Vrai et du Beau pour la connaissance de l’humble Bien positif. Car ce Bien ne sera pas l’absolu, mais celui du peuple français.  » Seul ce bien commun national qui, loin d’être contraire au bien humain, l’incarne, sera notre guide sur la question des prétendus «  migrants  » – concept idéologique dont la fonction est de cacher des réalités différentes pour mieux organiser la soumission des nations à un ordre supranational.  

    Paru dans l'Action Française 2000 du 7 Septembre 2017.

     

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    En deux mots : Désolés, Saint-Père, nous ne sommes pas d'accord

  • Rémi Brague au Figaro : « Non, la parabole du bon Samaritain ne s'applique pas aux États ! »

     

    Cet entretien - réalisé par Eugénie Bastié - que Rémi Brague a donné au Figaro magazine a été mis en ligne le 1er septembre. Il prolonge utilement l'article de François Marcilhac qui précède et qui le cite, d'ailleurs. Nous-mêmes avions marqué notre désaccord avec les positions du pape François, dès le 23 août [Cf. Lien ci-dessous]. Un commentaire reçu sur Lafautearousseau devait dire simplement « Le pape empiète ». Oui, sur les prérogatives, droits et devoirs des Etats et même des citoyens en tant qu'ils participent d'une communauté, notamment nationale. Cet empiétement n'oblige personne.  Lafautearousseau.    

     

    XVMfb7f902c-8c11-11e7-b660-ef712dd9935a.jpgLe pape François milite pour un accueil massif de migrants, affirmant qu'il faut « faire passer la sécurité personnelle [des migrants] avant la sécurité nationale », et appelant à un accueil beaucoup plus large des migrants. Que vous inspirent ces propos ?

    « Accueillir » est un mot bien vague. Il dissimule mille difficultés très concrètes. Sauver des naufragés de la noyade est bien, mais ce n'est qu'un début. Encore faut-il se demander ce qui les a poussés à s'embarquer. Là-dessus, le pape dit beaucoup de choses sensées, par exemple que l'Occident a contribué à déstabiliser le Moyen-Orient. Ou que les migrants voient l'Europe comme un paradis qu'elle n'est pas. Ou que les passeurs qui leur font miroiter l'Eldorado s'enrichissent sur leur dos, etc. Il y a aussi des problèmes très pratiques: les nouveaux venus peuvent-ils être assimilés ? Ou au moins intégrés sans créer des ghettos où ils vivraient selon d'autres lois que celles des pays d'accueil ? Un exemple, qui m'a été donné récemment par une amie allemande qui s'occupe de former les immigrés et de leur trouver du travail : ceux qui ont été scolarisés dans leur pays parlent assez vite nos langues. Les autres ont du mal à fixer leur attention et ne comprennent pas l'intérêt d'apprendre. Ne seront-ils pas presque forcés de se replier sur leur communauté d'origine ? À l'extrême opposé, s'il s'agit d'importer des personnes qualifiées, médecins, ingénieurs, etc., avons-nous le droit de priver leur pays d'origine de compétences précieuses qui leur permettraient de se développer, ce qui, de plus, diminuerait l'envie d'émigrer ?

    La sécurité personnelle prime effectivement toutes les autres considérations. La garantir est le premier devoir de l'État. Mais cette sécurité concerne aussi bien les migrants que les populations déjà là. L'État a le devoir de faire en sorte que le respect soit réciproque. Il doit par exemple empêcher que les migrants se conduisent, comme on dit, « comme en pays conquis », qu'ils importent en Europe les conflits qui les opposaient entre eux. La sécurité nationale et celle des personnes, loin de s'opposer, vont ensemble ; la première est même la condition de la seconde.

    Est-ce qu'il vous semble que le pape François est en rupture avec ses prédécesseurs, notamment Benoît XVI ?

    Du temps de Benoît XVI, le problème ne se posait pas encore avec une telle acuité, et je ne sais pas s'il aurait jugé bon de se prononcer, encore moins ce qu'il aurait dit. D'une manière générale, la différence de formation et de style est suffisamment criante. Ce qu'il en est du fond est une autre histoire.

    Avez-vous le sentiment que le pape ne comprend pas l'angoisse identitaire des Européens ?

    Ce qui est sûr, c'est qu'il a une sensibilité de Latino-Américain, ce qui ne l'aide guère à comprendre les Européens. Dans son Argentine natale, l'immigration concernait avant tout des Italiens, à la religion identique et à la langue proche de celle des Espagnols qui étaient déjà là. Dans le cas qui nous occupe ici, c'est tout le contraire.

    Face à l'immigration, les catholiques sont souvent pris dans un dilemme entre l'exigence de charité et l'attachement à l'État-nation. Comment articuler l'universalisme chrétien et l'existence de frontières? L'État-nation a-t-il une justification théologique ?

    Est-il besoin de mobiliser la grosse artillerie théologique pour parler de toutes ces choses ? La philosophie n'y suffit-elle pas ? Ou même le simple bon sens ? L'État-nation est une forme de vie politique parmi d'autres dans l'histoire comme la tribu, la cité ou l'empire. Elle n'a pas les promesses de la vie éternelle, mais elle est la nôtre depuis la fin du Moyen Age, elle a fait ses preuves et je vois mal les autres ressusciter. Les frontières sont une bonne chose. Je ne puis vivre en paix avec mon voisin que si je sais où s'arrête mon jardin et où commence le sien. Cela dit, elles ne séparent que des entités politiques et juridiques. Elles n'arrêtent rien de ce qui relève de l'esprit et qui est « d'un autre ordre » : langue, culture, science, religion. L'universalisme, à savoir l'idée que tout homme, en deçà des différences de sexe, de statut social et de religion, est « mon prochain » et possède donc une valeur intrinsèque, est en effet une idée esquissée dans le stoïcisme et épanouie dans le christianisme. Elle ne va nullement de soi. Ainsi, au XIIe siècle, Maïmonide dit encore que porter secours à un païen qui se noie est interdit.

    Faut-il appliquer ici la parabole du « bon Samaritain » ?

    Il ne faut pas lire les paraboles naïvement. Elles ne nous disent pas ce que nous devrions faire, mais ce que Dieu fait pour nous. Dieu y est représenté sous la figure d'un roi, d'un père, d'un propriétaire, etc. Elles s'adressent à chacun de nous, personnellement. La question à poser est : quel personnage me représente, moi ? Quelle est ma place dans cette histoire ? Sans quoi, nous lisons bêtement des textes très subtils, et n'y voyons que du feu. Exemple : celle où le maître de la vigne verse le même salaire à ceux qui ont trimé toute la journée sous le soleil brûlant et aux derniers venus. Si nous regardons cette histoire du dehors, nous allons crier à l'injustice. Sans voir qu'elle est justement faite pour nous choquer et forcer à réfléchir. Et nous faire comprendre que les ouvriers de la onzième heure, mais c'est nous ! Par exemple nous, chrétiens, qui avons bénéficié de la grâce de l'Évangile sans la mériter, alors que le peuple de la Bible a dû subir les Égyptiens, les Amalécites, les Philistins, les Assyriens, etc. Ceux-ci lui ont infligé des massacres bien réels, alors que ceux qu'Israël aurait perpétrés sur les Cananéens sont de pure imagination. Dans la parabole du bon Samaritain, nous ne sommes pas le Samaritain. Présenter celui-ci comme le héros positif, comme le sauveteur, voire comme le sauveur, c'était une audace fantastique en milieu juif où l'on haïssait les Samaritains comme des impurs. S'imaginer que nous pourrions nous identifier au Samaritain et donc jouer le rôle de Dieu, c'est quand même un peu culotté ! En fait, nous sommes le blessé laissé pour mort. Dieu est descendu nous ramasser alors que nous étions en piteux état.

    Cette parabole doit-elle s'appliquer aux États ?

    Une parabole s'adresse à « moi ». Elle m'invite à réfléchir sur ma propre personne singulière, ce qu'elle est, ce qu'elle doit faire. Un État n'est pas une personne. Or, il y a des choses qui ne sont à la portée que des seules personnes. Par exemple, pardonner les offenses. Un État non seulement n'a pas la capacité de le faire, mais il n'en a pas le droit. Il a au contraire le devoir de punir et de ne laisser courir aucun coupable. En l'occurrence, c'est aux personnes, regroupées en associations, de s'occuper des malheureux. L'État doit se borner à donner un cadre juridique qui protège leurs initiatives. Cela peut aller jusqu'à les limiter si une présence trop nombreuse et mal préparée de nouveaux venus met en danger le pays d'accueil.   

    Rémi Brague est un philosophe français, spécialiste de la philosophie médiévale, arabe et juive. Membre de l'Institut de France, il est professeur émérite de l'université Panthéon-Sorbonne. Auteur de nombreux ouvrages, notamment Europe, la voie romaine (Editions Criterion, 1992, réédition NRF, 1999), il a récemment publié Le Règne de l'homme. Genèse et échec du projet moderne (Gallimard, 2015) et Où va l'histoire? Entretiens avec Giulio Brotti  (Salvator, 2016).

  • Religion & Société • Cachez cette croix que je ne saurais voir !

    Les croix des petites églises du paysage grec de Santorin ont disparu comme par enchantement

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Une tribune publiée jeudi dernier dans le Journal de Montréal [7.09]. Mathieu Bock-Côté, comme toujours, va au fond des choses lorsqu'il dénonce ici « une forme de barbarie ». L'auteur du voyage d'Athènes, le jeune Maurras, agnostique, n'eût rien écrit d'autre. Nous non plus. LFAR

     

    501680460.5.jpgL’histoire s’est passée de l’autre côté de l’Atlantique ces derniers jours, mais elle aurait bien pu arriver ici.

    Lidl est une compagnie allemande. Elle a notamment une gamme de produits alimentaires grecs. Elle a décidé d’illustrer son emballage avec une photo presque légendaire d’un paysage grec à Santorin, où on aperçoit de petites églises dans un décor paradisiaque.

    Mais la compagnie a enlevé les petites croix de la coupole des églises. Quelqu’un l’a remarqué et la nouvelle a percé l’écran médiatique. 

    Hypocrisie

    Depuis quelques jours, on en parle beaucoup. Bien des Européens crient à la censure de l’histoire et se demandent de quel droit on peut ainsi amputer une église de ce qu’elle a de plus caractéristique. 

    Cachez cette croix que je ne saurais voir !

    Obligée de s’expliquer, la compagnie s’est réfugiée derrière l’argument du respect de toutes les croyances.

    Pourquoi retirer la croix ? Parce que la compagnie voulait éviter d’exclure toute croyance religieuse. Et aussi parce qu’elle affiche son adhésion à la sacro-sainte « diversité ».

    En embrassant un symbole chrétien, ne risquerait-elle pas d’offusquer ceux qui ne se reconnaissent pas en lui ?

    Il fallait donc neutraliser la marque. On y verra certainement un comportement de trouillard. Imaginons néanmoins que tel soit vraiment son souci. Imaginons vraiment que la compagnie veut un environnement culturellement neutre.

    Mais alors, pourquoi prendre pour sa publicité un paysage qui est indissociable de sa dimension chrétienne ?

    N’y a-t-il pas là une immense hypocrisie ? On veut bien récolter la beauté d’un paysage façonné par une civilisation et sa religion, mais au dernier moment, on demande à cette dernière de s’effacer, parce qu’elle nous embête quand même.

    On veut du monde chrétien à condition que ce dernier consente discrètement à se sacrifier ?

    En un sens, on veut gommer la signature de l’œuvre, on veut effacer son identité, on veut arracher ses racines.

    Comment ne pas voir dans ce coup de gomme à effacer une forme de barbarie inconsciente d’elle-même ? Comment ne pas y voir un réflexe destructeur ?

    Histoire

    Est-ce vraiment la société qu’on souhaite : celle où la simple présence du crucifix fait scandale, même lorsqu’il se trouve à son endroit le plus naturel ?

    Tout cela n’a rien d’un fait divers. C’est plutôt un fait révélateur ou si on préfère, un symptôme.

    Notre civilisation a tendance à vouloir s’excuser d’exister. Et elle cherche à effacer presque frénétiquement tout ce qui rappelle son passé chrétien, comme s’il tachait l’image que nous voulons projeter aujourd’hui.

    Il y a pourtant là une effrayante ingratitude. Comment, dans les temps tumultueux qui sont les nôtres, une civilisation pourrait-elle survivre si elle croit offusquer l’humanité en assumant sa tradition, sa mémoire et ses marques distinctives ?

    On peut avoir la foi ou non, mais ici, ce n’est pas du tout la question. On ne saurait tout simplement réduire les monuments historiques à de simples décors de cartes postales aseptisées. C’est une question de décence.  

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Banaliser le voile ?

    Rachel Notley

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Une tribune publiée hier dans le Journal de Montréal [5.09].

     

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    Il y a quelques jours, pour marquer l’Aïd al-Adha, une fête majeure pour les musulmans, la première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, a diffusé une vidéo où elle leur souhaitait les meilleurs vœux en se voilant.

    Ce n’était pas la première fois. En 2016, dans un contexte semblable, elle s’était aussi voilée. Sachant que Rachel Notley n’est pas musulmane, on doit donc conclure qu’elle a décidé de se déguiser en musulmane.

    Voile

    Manifestement, elle croit envoyer un signal d’inclusion aux musulmans en empruntant leurs symboles. 

    On peut voir la chose autrement. En se déguisant en musulmane, elle nous rappelle malgré elle le principe qui caractérise le multiculturalisme, c’est-à-dire l’inversion du devoir d’intégration. 

    Ce n’est plus à l’immigrant de s’adapter à la société d’accueil, mais à cette dernière de se transformer pour l’accommoder. On adoptera même ses symboles identitaires et religieux.

    C’est ce qu’on appelle de nos jours l’ouver­ture à l’autre. Ce terme masque souvent une incapacité de la société d’accueil à assumer sa propre culture, sa propre civilisation.

    Mais plus encore, Rachel Notley envoie un étrange message aux musulmanes.

    Doit-on comprendre, à la regarder, que les vraies musulmanes sont celles qui sont voilées ?

    On nous répète sans cesse que le voile est optionnel dans l’islam, qu’une femme est libre de le porter ou non. Alors si tel est le cas, pourquoi Rachel Notley se voile-t-elle ?

    Islamisme

    Pourquoi normalise-t-elle le voile islamique, qui demeure un symbole trouble ?

    Pourquoi reprendre la consigne des islamistes qui veulent imposer le voile comme un marqueur identitaire des musulmanes et comme le symbole de leur conquête de l’espace public ?

    Les islamistes ne risquent-ils pas de voir là un symbole de soumission ?

    Pourquoi ne pas soutenir les musulmanes qui, justement, veulent se délivrer de ce qui est souvent vu comme une marque d’oppression ?

    La générosité mal comprise peut faire faire des bêtises.   

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).