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Politique et Religion - Page 55

  • Passionnant entretien de Péroncel-Hugoz sur l'Islam dans un mensuel islamo-gauchiste marocain

     

    Publié ici-même le 17 août dernier au coeur des vacances, nous nous étions promis de reprendre cet entretien exceptionnel en un temps de plus grande audience. Le voici, livré à votre réflexion et offert à votre plaisir.

    « Réponses de Péroncel-Hugoz au mensuel islamo-gauchiste marocain DIN WA DUNIA (RELIGION ET MONDE) ». C'est sous cet objet que notre confrère nous a transmis le texte qu'on va lire, en posant la question suivante : « Cet entretien paru ce jour à Casa peut intéresser Lafautearousseau, non ? »

    Et comment ! L'entretien est passionnant, d'une dialectique sûre ; des choses essentielles y sont dites : sur l'Islam et sur le terrorisme, sur l'état des sociétés occidentales, sur la démocratie, sur ce que Péroncel-Hugoz appelle le « match République - Royauté ». Car pour lui, comme pour nous, la partie n'est pas terminée.

    Tout ce qui suit - titre, courte biographie, entretien - provient du mensuel marocain sus-nommé. Bonne lecture !  Lafautearousseau 

     

    « L'Etat est par définition un monstre froid, seule peut l'humaniser une famille royale digne. »

    JEAN-PIERRE PÉRONCEL-HUGOZ Journaliste, écrivain et essayiste de renom, membre de la Société des rédacteurs du journal Le Monde et ancien correspondant du célèbre quotidien français en Egypte, en Algérie et au Liban, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, 77 ans, partage aujourd'hui sa vie entre la France et le Maroc. Ce grand connaisseur du monde arabo-musulman et du Maroc est l'auteur de nombreux essais sur les pays du Sud et a édité quelques 70 ouvrages d'auteurs tiers autour notamment de l'histoire de France et des anciennes colonies européennes. Rencontre avec une encyclopédie vivante.

    PROPOS RECUEILLIS PAR JAOUAD MDIDECH - DÎN WA DUNIA N°21-22 • AOÛT-SEPTEMBRE 2017

    Untitled_Page_2 - Copie.jpgDepuis Le Radeau de Mahomet, paru en 1983, et jusqu'à présent, dans vos écrits, on ressent une certaine peur de l'Islam, comme d'ailleurs chez d'autres intellectuels occidentaux. Cette religion est-elle si dangereuse que cela ?

    D'abord, permettez-moi de préciser qu'à mon sens, l'Islam n'est pas seulement une religion mais aussi une idéologie, un droit, une vision du monde, une façon de vivre, en somme un tout difficile à scinder. Par ailleurs si, depuis un quart de siècle, la grande majorité des attentats meurtriers commis à travers la planète étaient le fait, par exemple, de bouddhistes ou d'esquimaux, même si tous les membres de ces catégories n'étaient pas des terroristes, les gens auraient tous plus ou moins peur des Esquimaux ou des Bouddhistes... La peur est une réaction spontanée qui ne se commande pas. On peut seulement la nier et c'est ce que font bon nombre d'élites occidentales au nom du « pas d'Islamalgame ! », mais la méfiance demeure au fond d'eux-mêmes contre l'ensemble de l'Oumma. Certains Européens, qui n'osent parler que de « terrorisme », sans le définir, doivent avoir honte de leur pusillanimité quand ils entendent l'écrivain algérien Boualem Sansal fulminer contre les « djihadistes » ou le roi du Maroc, dans son discours du 20 août 2016, dénier la qualité même de musulmans aux auteurs de crimes anti-chrétiens, en France ou ailleurs.

    En dehors des tueries, une autre raison nourrit de longue date craintes et doutes à l'égard de l'Islam : c'est le sort discriminatoire que celui-ci réserve en général aux non-mahométans, même reconnus comme « Gens du Livre », à l'instar des chrétiens d'Orient. Pour les chrétiens du Maroc, cette dhimmitude, car c'est de ce statut inférieur qu'il s'agit, n'existe pas dans la mesure où ces chrétiens ne sont pas autochtones, ont le statut d'étrangers et seraient sans doute défendus, si besoin était, par leurs pays d'origine. Néanmoins, tout chrétien, croyant ou pas, qui veut, en terre islamique, Maroc inclus, épouser une musulmane, est obligé de se convertir d'abord à l'Islam ! Imaginez qu'une telle contrainte existe dans un Etat chrétien, et aussitôt on défilerait un peu partout contre cet Etat qu'on accuserait d'être « anti-musulman ».

    Pourtant vous travaillez au Maroc. L'Islam marocain vous fait-il moins peur ?

    En effet, je travaille au Maroc depuis plus de 10 ans, et auparavant j'y vins pour des dizaines de reportages sous le règne de Hassan II. Je me sens davantage en sécurité ici qu'en France, où la police est plus laxiste. Ce fut un peu la même situation dans d'autres nations mahométanes, comme l'Egypte, où j'ai longtemps travaillé pour Le Monde. L'art de vivre, l'hygiène de vie des Arabo-turco-persans me conviennent mieux que l'american way of life. Leur confiance en Dieu, leur optimisme foncier, leur patience dans l'adversité m'impressionnent ; étant en outre originaire d'un continent où règnent aujourd'hui l'incroyance et la confusion des genres, j'apprécie les sociétés où demeure en vigueur la loi naturelle, c'est-à-dire tout simplement que les hommes y sont des hommes et les femmes des femmes. Last but not least, les sociétés musulmanes, contrairement aux sociétés occidentales, continuent d'honorer les notions de décence et de pudeur — Lhya, hchouma, âoura —, valeurs auxquelles je reste attaché. Ce contexte m'a permis de vivre jusqu'ici en harmonie parmi des musulmans. Du moment qu'on admet l'existence d'Orientaux occidentalisés, il faut reconnaître qu'il y a également des Occidentaux orientalisés, qui ne sont pas toujours islamisés pour autant. Je peux très bien comprendre, cependant, que la jeune convertie russe, Isabelle Eberhardt (1)jadis, se soit bien sentie « dans l'ombre chaude de l'Islam » ...

    Cependant, il existe une haute civilisation musulmane, avec ses grands hommes. Et de tout temps, il y a eu du fondamentalisme, même au sein des deux autres religions monothéistes, non ?

    boumédienne-hassan ii.jpgMême mes pires détracteurs, je crois, reconnaissent que je n'ai cessé, tout au long de mes reportages et de mes livres, de décrire les réussites historiques des cultures islamiques, de l'Indus au Sénégal via le Nil ou la Moulouya, sans m'interdire pour autant de critiquer ce qui me paraissait devoir l'être car, selon le mot de Beaumarchais, « sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ». Hélas, cette civilisation musulmane a peu à peu décliné jusqu'à ne plus vivre que de ses souvenirs ; et si elle est en train de renaître à présent, je crains que ce ne soit sous une forme politico-religieuse radicale qui a déjà commis de nombreux dégâts...Quant aux autres « fondamentalismes », ils font bien pâle figure de nos jours, sauf peut-être, il est vrai, sous forme d'interventions militaires euro-américaines en pays d'Islam. Et c'est d'ailleurs pour cela que, tel le philosophe français indépendant Michel Onfray, j'ai toujours été hostile aux expéditions occidentales, notamment françaises, à l'étranger, sauf ponctuellement lorsqu'il s'agit uniquement de sauver nos ressortissants. La comparaison entre les attentats islamistes aveugles et nos bombardements anti-djihadistes qui tuent également des civils au Levant, en Libye ou en Afrique noire, n'est pas du tout infondée. Il faut laisser les Musulmans vider entre eux leurs querelles, tout en leur proposant évidemment nos bons offices diplomatiques.

    Estimez-vous qu'aucune cohabitation n'est possible entre Islam et laïcité française ? La démocratie en Europe est-elle si fragile ?

    Cette « cohabitation », d'ailleurs pas toujours harmonieuse, existe de facto et certains Etats européens ont fourni de grands efforts pour donner de la place aux musulmans venus s'installer chez eux. Deux des principales villes d'Europe, Londres et Rotterdam, ont des maires musulmans. En France, la liste est longue des musulmans occupant ou ayant occupé des positions de premier plan dans maints domaines : le benjamin du premier gouvernement de la présidence Macron est un jeune Marocain spécialiste du numérique ; l'acteur le plus populaire en France, et le mieux rémunéré, est aussi marocain. Le principal prix littéraire parisien est allé deux fois à des Marocains, etc. Quand on pense qu'en Egypte, le plus brillant diplomate du monde arabe au 20e  siècle, Boutros Boutros-Ghali, n'a jamais pu être ministre des Affaires étrangères à part entière, à cause de sa qualité de chrétien indigène ! Quant à la fameuse démocratie, dont Churchill disait qu'elle est « le pire des systèmes, à l'exception de tous les autres », je me demande si beaucoup de musulmans ont envie de la voir s'installer en Islam, du moins sous sa forme européenne actuelle. Car il faut avoir à l'esprit que la démocratie signifie la primauté des lois conçues par les hommes sur la loi divine, à laquelle l'immense majorité des croyants mahométans paraissent prioritairement attachés. Au Maroc par exemple, tout le monde sait que le peuple n'a aucune considération pour les politiciens et pour la plupart des partis politiques, et bien des Marocains ne craignent pas de dire qu'il vaudrait mieux augmenter les pouvoirs de Sa Majesté chérifienne plutôt que de les diminuer.

    Vous êtes un monarchiste invétéré : la royauté apporterait-elle, à votre avis, plus de sécurité, de liberté, de bonheur que la république ?

    Je suis royaliste comme on respire, à la fois de conviction, de tradition et de raison, mais je le suis pour .la France, comme le furent Lyautey ou De Gaulle. Car pour les autres nations cela n'est pas mon affaire, même si j'aime à voir fonctionner la monarchie exécutive marocaine de manière tellement plus efficace, plus moderne et en même temps plus authentique que la république algérienne voisine, où je fus correspondant du Monde sous la dictature militaire de Houari Boumédiène (2). L'Etat est, par définition, un « monstre froid ». Seule peut l'humaniser une famille royale, incarnant la pérennité nationale, et à condition, bien sûr, que cette famille soit digne. Sous le monarque marocain actuel, l'affection populaire qui s'élève vers lui semble parfois, du moins pour les observateurs occidentaux, franchir la limite du rationnel. Mohamed VI, en effet, malgré ses efforts et sa bonne volonté, n'a pas encore réussi à régler les deux principaux problèmes qui se posent au Maroc depuis des décennies : les karyane ou bidonvilles d'une part ; l'imbroglio saharien, d'autre part, dû surtout, il est vrai, à la jalousie de l'Algérie pour les progrès d'un Maroc pourtant moins riche qu'elle.

    Au sujet du match République-Royauté, feu l'opposant marxiste à Hassan II, Abraham Serfaty, répondait que « l'Histoire avait prouvé la supériorité des républiques ». Eh bien non justement, car, comme disait Lénine « les faits sont têtus », et le 20e siècle, sans remonter plus loin, a vu les plus grands crimes contre les peuples, être le fait, comme par hasard, de deux républiques, celle d'Hitler et celle de Staline...

    Existe-t-il, selon vous, un point faible pouvant expliquer, du moins en partie, les problématiques liées actuellement à l'Islam ?

    J'ai parfois l'impression que nombre de musulmans, adossés à leur certitude coranique d'être « la meilleure des communautés » et à leur dogme égocentrique selon lequel seuls les fidèles de Mahomet pourront entrer au Paradis, se trouvent ainsi dispensés d'être soumis à la critique ou à l'autocritique. En 1987, je rencontrai en France un opposant alors quasi inconnu au régime tunisien, le docteur Moncef Marzouki, qui me séduisit par l'audace critique d'un texte intitulé Arabes si vous parliez ... Je le publiai et ce fut un succès à Paris, Bruxelles ou Genève. Ce livre est une charge puissante et argumentée, par un Arabe contre les Arabes, trop enclins à trouver ailleurs que chez eux, par exemple chez les anciens colonisateurs européens, des responsables à leurs maux contemporains. En 2011, par un retournement politique inattendu, Si Moncef devint le chef de l'Etat tunisien. En accord avec lui, je décidai de republier sans y changer un mot Arabes si vous parliez..., à Casablanca cette fois-ci. Ce texte, qui repose sur l'idée que « l’autocritique est l'autre nom de la maturité », fut cette fois un échec éditorial, surtout en Tunisie... Disons quand même, à la décharge des musulmans, que les menaces des djihadistes contre ceux des « vrais croyants » qui seraient tentés par l'autocritique, peuvent expliquer les silences actuels de l'Oumm (3). En juin 1992, au Caire, Farag Foda, musulman modéré et éminent acteur de la société civile (4), osa réprouver publiquement les traitements discriminatoires dont sont traditionnellement victimes les Coptes, chrétiens autochtones. Très vite, Foda fut abattu devant son domicile par un commando djihadiste (5), après avoir été qualifié, rien que ça, d’ « ennemi de l'Islam », simplement pour avoir pointé une situation scandaleuse, mais que personne, parmi les musulmans de l'époque, n'avait jusqu'alors osé dénoncer en public.

    « Un seul juste dans le pèlerinage rachète tout le pèlerinage ! » Est-ce que ce hadith prêté jadis à Mahomet peut s'appliquer à Marzouki ou à Foda ? C'est à leurs coreligionnaires de répondre. Et d'agir. Sinon, les gens d'Al Qaïda, de Boko Haram et de Daech risquent de s'imposer un peu partout...  

     

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  • Rémi Brague : « Certains ‘laïcards' exploitent la peur de l'islam pour en finir avec le christianisme »

     

    Entretien réalisé par Alexandre Devecchio

    Après la polémique engendrée par la décision du Conseil d'État de retirer la croix de Plöermel, au nom de la laïcité, Rémi Brague revient sur cette notion, régulièrement employée mais trop souvent méconnue. Cet entretien [Figarovox, 5.11] est émaillé de justes analyses et de nombreuses questions pertinentes. Qui, en tout cas, peuvent susciter le débat.   LFAR  

     

    2260333370.jpgLa décision du Conseil d'État enjoignant au maire de la commune de Ploërmel de retirer la croix qui surplombe la statue du pape Jean-Paul II a suscité la colère de milliers d'internautes. Comment expliquez-vous l'ampleur de ces réactions spontanées ?

    Je surfe très rarement sur les « réseaux sociaux » et, quand je le fais, je suis souvent consterné par la faiblesse et la grossièreté haineuse de ce qui s'y dit sous le couvert de l'anonymat.

    Maintenant, pour répondre à votre question, j'y devine deux raisons: d'une part, la lassitude devant ce qu'il y a de répétitif dans ces mesures contre les croix, les crèches, etc. ; d'autre part l'agacement devant la mesquinerie dont elles témoignent. En Bretagne, vous ne pouvez pas jeter une brique sans qu'elle tombe sur un calvaire ou un enclos paroissial. Et où une croix est-elle plus à sa place qu'au-dessus de la statue d'un pape ?

    La décision du Conseil d'État est-elle conforme au principe philosophique de la laïcité ?

    Je n'ai pas pris connaissance des attendus du Conseil d'État. Je fais à ses membres l'honneur de penser qu'ils sont solidement argumentés. En tout cas, la laïcité n'a en rien la dignité d'un principe philosophique, mais elle constitue une notion spécifiquement française. Le mot est d'ailleurs intraduisible. C'est une cote mal taillée, résultat d'une longue série de conflits et de compromis. D'où une grande latitude dans l'interprétation.

    Mais comment faire appliquer la loi sur le voile à l'école et la burqa dans la rue si la loi n'est pas appliquée de manière stricte pour toutes les religions ?

    Quel rapport entre un monument public et une pièce de vêtement, qui relève du privé ? Le vrai parallèle à l'érection d'un tel monument serait la construction d'une mosquée. Qui l'interdit ? Bien des municipalités la favorisent plutôt.

    De toute façon, on a souvent l'impression que le fait qu'une loi soit appliquée est en France plutôt une option. Combien de lois sont restées sans décrets d'application ? Verbalise-t-on les femmes qui portent un costume qui masque leur visage ? Le fait-on dans « les quartiers » ?

    Est-ce illusoire de vouloir appliquer la laïcité de la même manière pour toutes les religions dans un pays de culture chrétienne ?

    « Toutes les religions », cela ne veut pas dire grand-chose. Ce qui est vrai, c'est que la « laïcité » à la française - expression qui est d'ailleurs tautologique - a été taillée à la mesure du christianisme, par des gens qui le connaissaient très bien. N'oublions pas que le petit père Émile Combes avait passé ses thèses de lettres, l'une sur saint Thomas d'Aquin et l'autre (en latin) sur saint Bernard.

    J'ai eu l'occasion d'expliquer ailleurs qu'il n'y a jamais eu de séparation de l'Église et de l'État, car le mot supposerait qu'il y aurait eu une unité que l'on aurait ensuite déchirée.

    Ce qu'il y a eu, c'est la fin d'une coopération entre deux instances qui avaient toujours été distinguées. La prétendue « séparation » n'a fait que découper suivant un pointillé vieux de près de deux millénaires. Et les historiens vous expliqueront que ceux qui ont le plus soigneusement évité les contaminations ont été plutôt les papes que les empereurs ou les rois.

    Le problème avec l'islam n'est pas, comme on le dit trop souvent, qu'il ne connaîtrait pas la séparation entre religion et politique (d'où l'expression imbécile d'« islam politique »). Il est bien plutôt que ce que nous appelons « religion » y comporte un ensemble de règles de vie quotidienne (nourriture, vêtement, mariage, héritage, etc.), supposées d'origine divine, et qui doivent donc primer par rapport aux législations humaines.

    La laïcité peut-elle être utilisée comme une arme face à l'islamisme ? Celle-ci n'est-elle pas à double tranchant ?

    La laïcité n'est pas et ne peut pas être une arme. Et, en principe du moins, encore moins être dirigée contre une religion déterminée. Je dis cela parce qu'elle a été forgée, justement, contre une religion bien précise, à savoir le christianisme catholique, auquel la grande majorité de la population adhérait plus ou moins consciemment, avec plus ou moins de ferveur, à l'époque de la séparation.

    La laïcité signifie la neutralité de l'État en matière de religion. L'État n'a à en favoriser aucune, ni en combattre aucune. L'État doit être laïc précisément parce que la société ne l'est pas.

    Certains « laïcards » rêvent d'en finir avec le christianisme, en lui donnant le coup de grâce tant attendu depuis le XVIIIe siècle. Ils exploitent la trouille que bien des gens ont de l'islam pour essayer de chasser de l'espace public toute trace de la religion chrétienne, laquelle est justement, ce qui peut amuser, celle contre laquelle l'islam, depuis le début, a défini ses dogmes.

    Face au problème de l'islamisme, certains observateurs n'hésitent pas à condamner en bloc toutes les religions. S'il existe des intégrismes partout, la menace est-elle de la même nature ? Existe-t-il aujourd'hui une menace spécifique liée à l'islam ?

    Ce qu'il faut voir avant tout, c'est que la notion de « religion » est creuse et que, quand on parle de « toutes les religions », on multiplie encore cette vacuité.

    On entend dire: « l'islam est une religion comme les autres » ou, à l'inverse : « l'islam n'est pas une religion comme les autres ». Mais, mille bombes !, aucune religion n'est une religion comme les autres !

    Chacune a sa spécificité. Vouloir mettre dans le même panier, et en l'occurrence dans la même poubelle, christianisme, bouddhisme, islam, hindouisme, judaïsme, et pourquoi pas les religions de l'Amérique précolombienne ou de la Grèce antique, c'est faire preuve, pour rester poli, d'une singulière paresse intellectuelle.

    Quant à appliquer la notion catholique d'« intégrisme » ou protestante de « fondamentalisme » à des phénomènes qui n'ont rien à voir avec ces deux confessions, cela relève du fumigène plus que d'autre chose. Les plus grands massacres du XXe siècle, le Holodomor d'Ukraine et la Shoah, ont été le fait de régimes non seulement athées, mais désireux d'extirper la religion.

    Une menace liée à l'islam ? La plus grave n'est sûrement pas la violence. Celle-ci n'est qu'un moyen en vue d'une fin, la soumission de l'humanité entière à la Loi de Dieu. Et si elle est le moyen le plus spectaculaire, elle n'est certainement pas le plus efficace.  

    Rémi Brague est un philosophe français, spécialiste de la philosophie médiévale arabe et juive. Membre de l'Institut de France, il est professeur émérite de l'Université Panthéon-Sorbonne. Auteur de nombreux ouvrages, notamment Europe, la voie romaine (éd. Criterion, 1992, rééd. NRF, 1999), il a également publié Le Règne de l'homme: Genèse et échec du projet moderne (éd. Gallimard, 2015) et Où va l'histoire ? Entretiens avec Giulio Brotti (éd. Salvator, 2016). 

     

     1630167502.jpgAlexandre Devecchio

    Al.exandre Devecchio est journaliste au Figaro, en charge du FigaroVox. Il vient de publier Les Nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée (éd. du Cerf, 2016) et est coauteur de Bienvenue dans le pire des mondes (éd. Plon, 2016)

     

  • La croix du Panthéon

     

    par Gérard Leclerc

     

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    L’affaire de la croix de Ploërmel, au dessus de la statue de Jean-Paul II, n’a pas fini de faire des vagues, parce qu’elle pose quelques questions élémentaires que les rigoureux partisans de la laïcité sont bien en peine d’esquiver. Sans doute, l’arrêt du Conseil d’État est conforme à une certaine logique, qui peut se réclamer formellement de la loi de séparation de 1905. Mais d’innombrables protestataires ont déjà objecté et continuent à objecter que des croix, il y en a partout dans l’espace public. Il y en a jusqu’au centre des plus humbles de nos hameaux. Faudrait-il donc toutes les éradiquer, comme cela se déroula d’ailleurs au moment de la révolution culturelle de l’an II, où l’on procéda à une radicale sécularisation de l’espace public. Cela se passait, il est vrai, en pleine Terreur, et cela anticipait la fameuse révolution culturelle chinoise qui voulut aussi arracher violemment l’ancien empire du Milieu à sa civilisation traditionnelle.

    On a fait remarquer aussi que le monument de Paris qui symbolise le plus la laïcité républicaine, le Panthéon, restait surmonté d’une croix. Le temple laïque n’a pu être totalement arraché à sa destination première d’église dédiée à sainte Geneviève, patronne de Paris. Mais c’est une histoire assez époustouflante. Dans le projet primitif, ce n’était pas une croix qui était prévue au sommet du dôme, mais une grande statue de Geneviève. Une première croix avait provisoirement remplacé la statue en projet. Mais avec la transformation de l’église en mausolée, une autre statue de neuf mètres de hauteur représentant une femme embouchant une trompette avait été installée, avant que, sous la Restauration, on y replace une croix en bronze doré.

    Mais il faut abréger. Je croyais que cette croix avait été retirée pour les obsèques de Victor Hugo en 1885, sur la foi du cher Philippe Muray. Mais c’est inexact, Muray a peut-être confondu avec la fin de l’usage liturgique de l’édifice. Que conclure de tout cela ? Peut-être que nous ne nous sommes toujours pas au bout de nos difficultés, pour ne pas associer une saine laïcité de l’État à la furie éradicatrice d’une mémoire, qui est beaucoup plus qu’une mémoire, et qui tient aux fibres les plus secrètes et les plus persistantes de notre être profond. 

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 2 novembre 2017

  • Goldnadel : « Cachez cette croix que je ne saurais voir ! »

    Le Conseil d'Etat a imposé le retrait de la croix d'une statue de Jean-Paul II installée depuis 2006 sur la place de la petite commune de Ploërmel,dans le Morbihan.  

     

    Par  

    CHRONIQUE - Gilles-William Goldnadel revient sur la polémique déclenchée par la décision de démonter la croix d'une statue de Jean-Paul II en Bretagne. Il y voit une aberration juridique et l'expression d'une laïcité à géométrie variable. Et négatrice de nos racines. Cette chronique [Figarovox,30.10] dit un grand nombre de simples vérités !  LFAR

     

    XVMf7715e60-bd8b-11e7-b423-cdc4e7cfb664.jpgA l'heure du hashtag mobilisateur et des indignations électroniques , on permettra à quelqu'un qui ne marche au pas cadencé des modes hystériques et des pauses avantageuses de choisir ses causes. 

    Non, je ne me suis pas rendu à la convocation féministe des #Metoo pour protester contre le harcèlement des femmes.

    Je ne m'y suis pas rendu, car, personnellement, je me méfie de ces cortèges de bons sentiments exhibés publiquement et qui ne coûtent pas très cher, ils sont pleins d'imposteurs.

    Je ne m'y suis pas rendu car je n'aime pas vivre, à Paris, à l'heure de Charlottesville ou de Los Angeles. En août, on détruit les statues des généraux sudistes, en septembre, on veut culbuter Colbert et dégommer Dugommier.

    En octobre, on découvre les turpitudes hollywoodiennes de ce monsieur Weinstein et huit jours francs plus tard voilà que des charcutières électriques veulent tailler dans chaque porc français qui s'ignore une bonne tranche de lard.

    Je ne m'y suis pas rendu, car comme à leur habitude, j'ai vu les gaucho-féministes et leurs masculins supplétifs empressés vouloir sans complexe prendre le train en marche. On peut effectivement tout reprocher à l'extrême gauche sauf d'être complexée, c'est d'ailleurs dans ce manque de pudeur, qu'elle puise sa vigueur.

    Elle s'est toujours trompée, ce qui ne l'empêche pas de vouloir constamment chapitrer. Car, en manière de violences faite aux femmes ou de comportements inappropriés avérés, la gauche, si elle avait une once de décence, devrait se faire modeste.

    Je rappelais dans ma chronique de la semaine passée comment le camp du bien hollywoodien, celui des libéraux généreux, des jet-setter sans frontières prêts à ouvrir certainement leurs piscines et leurs jacuzzis à tous les migrants de la terre, ceux qui ont abominé d'injures et de reproches le président honni de tous les beaufs blancs réunis avait fermé les yeux pendant des années sur les turpitudes d'un des leurs.

    Mais la gauche radicale française devrait également se faire radicalement petite.

    Je revois encore Monsieur Baupin Denis parader superbement avec ses verts amis, maquillés et les lèvres rougies, en soutien courageux envers le sexe faible et les autres minorités sexuelles martyrisées. Ce sont ces mêmes amis écolos-gauchistes qui se sont tus pendant des années alors qu'ils connaissaient l'hyperactivité de leur camarade aujourd'hui déchu mais qui ne saurait les avoir outrageusement déçus. Peut-être, dans le courant tumultueux des nouveautés politiques, n'avons-nous pas suffisamment apprécié le progrès effectué, dans la déconfiture électorale de ce parti si souvent convaincu d'impostures.

    Surtout, je ne m'y suis pas rendu, parce que je n'y étais pas le bienvenu.

    Il faut lire l'interview qu'a donnée à LCI, Carole Galand, organisatrice des manifestations sous la bannière « MeToo »:

    «Il n'y aurait pas de problèmes si l'homme n'existait pas… Il n'est pas facile pour certaines femmes victimes d'agression de manifester aux côtés des hommes. C'est pourquoi dans le parcours de la manifestation, certaines zones sont réservées à ces femmes…». C'est la dernière mode ségrégationniste. Dominés de tous les pays, réunissez-vous en excluant les dominants !

    Les indigènes de la république, l'UNEF (voir cet article du Monde, pour une fois salvateur) apprécient les camps racisés interdits aux blancs. Voilà que les féministes de la république veulent confiner les femmes dans des espaces franco de porcs. Je ne suis donc pas de ceux qui s'imposent.

    En revanche, si un défilé n'excluant a priori personne était organisé dans la foulée du hashtag MontreTaCroix, j'y protesterais volontiers avec mes pieds contre la dernière décision du Conseil d'État ordonnant l'amputation du symbole de la chrétienté sur une œuvre d'art consacrée à Jean-Paul II et édifiée sur une place de Ploërmel. Bref un calvaire administratif en plein pays catholique et breton.

    Au plan juridique, la décision apparaît suprêmement insensée. Il ne s'agit pas de l'édification d'un emblème religieux dans l'espace de la république, il s'agit d'une partie de l'ornement emblématique d'un tout artistique.

    Mais laissons là le droit. Je sais bien quel est l'esprit qui souffle depuis longtemps sur la haute institution. Je sais ce qui se trame dans l'inconscient du juge administratif. La religion des natifs ne bénéficie pas des mêmes prévenantes attentions que celle des nouveaux arrivants, du voile jusqu'au burkini. Celle des « chrétiens zombies », de la religion des blancs qui se meurt, pour reprendre la hideuse expression d'Emmanuel Todd pour les taxer pour le même prix d'Islamophobie.

    Maudits chrétiens racistes parce qu'occidentaux dominants. Cachons leurs emblèmes. Comme cette marque de yaourt grec qui vient d'effacer la croix orthodoxe sur son étiquette pour n'offenser personne. Comme la régie publicitaire de la RATP qui interdisait toute publicité caritative pour les chrétiens d'Orient martyrisés pour n'offusquer personne. Comme cette loi mémorielle Taubira qui interdit le souvenir de la traite arabique des chrétiens pour ne désespérer personne dans les banlieues.

    La mairie de Paris peut bien organiser la nuit du ramadan aux frais du contribuable, sans attenter à la laïcité et les prières de rue se poursuivre sans emprise sur l'espace public. Sous l'empire de la laïcité française à géométrie variable et de la pudibonderie américaine schizophrène, on applaudit donc le plug anal, on célèbre le vagin royal et on construit des édicules zoophiles où l'on sodomise les chiens sans égard pour le regard enfantin.

    Dans mes « Réflexions sur la question blanche », je confessais qu'en ma petite enfance normande mais judaïque je craignais de dormir dans un lit surmonté d'une croix catholique. L'église en ces temps-là était encore dominante et parfois impérieuse.

    Adulte, je ne puis souffrir que l'on interdise aux enfants malmenés de sa fille aînée de montrer leur croix où ils veulent sur leur terre de France.

    Dans un domaine extrêmement voisin, mon lecteur apprendra, puisqu'on ne lui a pas dit, que la semaine dernière, le médaillé d'or Israélien Tal Flicker a vu les symboles de l'État juif - hymne national et drapeau frappé de l'étoile de David - interdits de cité par les autorités d'Abou-Dhabi, pays organisateur du tournoi de judo du Grand Chelem.

    L'athlète victorieux a alors entonné lui-même l'hymne de son pays.

    Bel exemple à méditer si l'on veut continuer d'exister sans renier sa croix ou son étoile.  

    Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain.  

  • Merveilleux Maurras ! Que disait-il de la Mosquée de Paris, que craignait-il lorsqu'elle fut construite ?

     

    Publié le 20 décembre 2016 - Actualisé le 1er novembre 2017

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgOn sait que la décision de construire la Mosquée de Paris, première mosquée construite en France métropolitaine, fut prise après la Première Guerre mondiale pour rendre hommage aux dizaines de milliers de morts de confession musulmane ayant combattu pour la France. Et manifester aux survivants la reconnaissance de leur sacrifice par le pays.

    Qu'en a dit Charles Maurras le 13 juillet 1926, lors de son inauguration ? Pas un mot contre l'idée même de rendre un hommage mérité, aux combattants musulmans de la Grande Guerre. A leur propos il parle des « nobles races auxquelles nous avons dû un concours si précieux ». Il n'y a pas chez Maurras de haine raciale. Ni de haine religieuse : il ne juge pas de l'Islam en soi. Mais il sait l'antagonisme des religions et des civilisations. Et sa culture historique autant que son jugement et son intuition politique l'amènent à pressentir et signaler un danger pour la France. Presque nul, alors. Présent et menaçant aujourd'hui sur notre sol même. Maurras ne dénonce pas l'hommage rendu aux combattants, ne critique même pas le fait de construire une mosquée à Paris. Avec mesure il écrit : « Nous venons de commettre le crime d’excès ». Son texte explicite en quoi consiste cet excès. Suit le pressentiment d'une menace : la crainte que nous ayons à payer un jour notre imprudence, en ce sens criminelle ; le souhait (Fasse le Ciel !) que les musulmans bénéficiaires de notre générosité « ne soient jamais grisées par leur sentiment de notre faiblesse. » Et nous y sommes.   LFAR         

     

    capture-d_c3a9cran-2015-08-11-c3a0-21-12-31.png« Mais s’il y a un réveil de l’Islam, et je ne crois pas que l’on puisse en douter, un trophée de la foi coranique sur cette colline Sainte-Geneviève où tous les plus grands docteurs de la chrétienté enseignèrent contre l’Islam représente plus qu’une offense à notre passé : une menace pour notre avenir... Nous venons de commettre le crime d’excès. Fasse le ciel que nous n’ayons pas à le payer avant peu et que les nobles races auxquelles nous avons dû un concours si précieux ne soient jamais grisées par leur sentiment de notre faiblesse. »  

    Charles Maurras le 13 juillet 1926

  • La croix interdite

     

    par Gérard Leclerc

     

    2435494823.jpg

    Ainsi le Conseil d’État a ordonné la modification de la statue de Jean-Paul II, qui est installée sur une place de la commune de Ploërmel dans le Morbihan. Il faudra donc retirer la croix qui surplombait cette statue représentant le Pape. La dite statue étant sauve. Cette décision intervient après tout un parcours judiciaire. C’est d’abord le tribunal administratif de Rennes qui avait enjoint le maire de Ploërmel de retirer le monument de son emplacement. Entendez le monument dans son ensemble, pas seulement la croix. Après appel auprès de la cour administrative de Nantes, l’arrêt de Rennes avait été annulé. C’est donc le Conseil d’État qui avait été saisi pour arbitrer en dernière instance, et on pourrait dire qu’il a coupé la poire en deux, ne satisfaisant personne : ni les plaignants, à savoir la fédération de la Libre Pensée et deux habitants de la commune, ni le maire solidaire de sa municipalité et d’une grande partie de la population qui n’a nul désir de voir mutiler un monument qui s’est inscrit dans le paysage local.

    Et voilà que cette affaire prend une dimension internationale : la Pologne, patrie natale de saint Jean-Paul II s’est émue en apprenant la nouvelle. Mme Szydlo, Premier ministre, a déclaré que « le gouvernement polonais tentera de sauver de la censure le monument de notre compatriote, et nous proposerons de le transférer en Pologne, en cas d’accord des autorités françaises et de la communauté locale ». Et d’ajouter : « Notre grande compatriote, un grand européen est un symbole de l’Europe chrétienne unie. Le diktat du politiquement correct – de la laïcisation de l’État – laisse la place à des valeurs qui nous sont étrangères culturellement et qui servent à terroriser la vie quotidienne des européens. »

    Le moins qu’on puisse dire est qu’à Varsovie on n’a pas du tout la même conception de la vie publique que chez nous et que le concept de laïcité, tel qu’il est reçu en France, est incompris là-bas. Mais était-il utile de provoquer une telle querelle ? L’interdiction de la croix à Ploërmel prélude-t-elle à la suppression de toutes les croix qui se dressent un peu partout dans notre pays ? Trop de rigueur procédurale ne sert sûrement pas la paix civile que la laïcité est censée protéger.  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 30 octobre 2017

  • Un étendard marial ?

     

    par Gérard Leclerc

     

    2435494823.jpgLa guérilla qui oppose Emmanuel Macron à Jean-Luc Mélenchon sur le drapeau européen a pris une tournure où le symbolique s’associe étroitement au politique. Car il y a deux dimension dans cette querelle, d’abord une dimension proprement politique à propos de la construction européenne. Depuis le rejet de la constitution imaginée par Giscard d’Estaing lors du référendum de 2004, on peut estimer que l’Europe n’est pas vraiment définie en tant que concept institutionnel. On peut certes se raccrocher à la formule de Jacques Delors : fédération d’États nations, même si elle constitue à certains égards un oxymore. Un moment, le président François Mitterrand, avait, me semble-t-il, privilégié le terme de confédération, qui prêtait moins à discussion, même s’il ne résolvait pas entièrement la question de la souveraineté. Une souveraineté qui par ailleurs ne se sépare pas de la question d’un peuple européen. Existe-t-il un peuple européen ? Si oui, il peut revendiquer son drapeau, son hymne, sa devise. Sinon, c’est beaucoup plus problématique.

    Le désaccord entre Macron et Mélenchon est incontestablement lié à cette incertitude, mais il a pris une dimension symbolique, lorsque Mélenchon a mis en cause le drapeau aux douze étoiles sur fond bleu : « Franchement, on est obligé de supporter ça ? C’est la République française, pas la Vierge Marie. » Il est incontestable que le créateur de ce drapeau était chrétien et qu’il était inspiré par la symbolique mariale. On saisit la référence à l’apocalypse : « Une femme revêtue du soleil, la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles. » Mais l’inspiration initiale ne s’est pas forcément transmise aux héritiers. Il a fallu Jean-Luc Mélenchon pour qu’ils soient mis au courant. Mais, même alors, cette symbolique est-elle rédhibitoire pour la laïcité ? On peut en discuter, mais on peut aussi s’étonner de l’intolérance qui jette l’interdit sur une part essentielle du patrimoine européen. Sans référence à ce patrimoine, avec ses dimensions d’ailleurs diverses, notre Europe devient un concept singulièrement rabougri.  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 16 octobre 2017.

  • Che Guevara 50 après

     

    par Gérard Leclerc

     

    2435494823.jpgY a-t-il encore beaucoup d’adolescents ou de jeunes gens pour afficher le poster de Che Guevara dans leur chambre ? On peut se poser la question en ce cinquantième anniversaire de sa mort. Ils sont sans doute beaucoup moins nombreux chez nous que lorsque le mythe de la révolution castriste dominait l’imaginaire d’une foule de jeunes dans les années soixante. Mais il y en a encore certains, à l’instar d’Olivier Besancenot qui parlent de lui comme « une braise qui brûle encore ». Certes, le militant admet que le Che avait ses faiblesses, ses aveuglements, ses erreurs et ses maladresses. « Mais il avait cette qualité rare chez les acteurs de la scène politique : la cohérence entre les paroles et les actes. » En 2015, le même Besancenot conseillait au président François Hollande de visiter le musée Che Guevara, lors d’un voyage à Cuba.

    L’aura romantique qui a entouré le compagnon de Fidel Castro s’est toutefois plutôt estompée, depuis que l’on sait comment l’homme pouvait être dur, impitoyable. Sa rigueur révolutionnaire ne faisait grâce de nulle indulgence aux complaisances libertaires. Sa vision manichéenne du monde n’admettait nul compromis, jusqu’à ce que le capitalisme disparaisse totalement de sa surface. Cela supposait une haine absolue de l’ennemi à détruire. Régis Debray, qui l’a accompagné jusqu’à la veille de sa mort en Colombie, a pu, par la suite, analyser en quoi la stratégie guévariste avait été prise en défaut, notamment du côté du peuple paysan qu’elle entendait rallier et qui se dérobait à son enrôlement.

    Il n’empêche que, pendant longtemps, le Che s’est imposé comme recours contre un monde injuste. Notre pape François, lorsqu’il était provincial des jésuites en Argentine, eut fort à faire avec certains religieux qui s’étaient laissés prendre à cette dialectique et à l’espoir d’une révolution imminente. Mais le père Bergoglio ne se laissait pas abuser, préférant la proximité vraie avec son peuple argentin, avec les pauvres, pour s’engager en vue d’une justice concrète, loin du mythe de la violence et de la résignation au désordre établi.   

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 12 octobre 2017

  • Mémoire & religion • La longue souffrance des coptes

    Une fidèle copte en prière à la cathédrale Saint-Marc du Caire durant la messe de Noël. La minorité chrétienne égyptienne est animée par une grande piété.

     

    PAR PÉRONCEL-HUGOZ 

    Depuis la conquête de l'Égypte par des musulmans d'Arabie, après la mort de Mahomet, et jusqu'à nos jours, des historiens ont calculé que quasi toutes les générations de chrétiens nilotiques ont été traitées comme des inférieurs, les dhimmis de l'Islam.

     

    IMG - Copie.jpgL’essayiste copto-italien du XXe siècle, Georges Henein, par ailleurs agnostique, voyait dans les coptes, la « conscience de l’Égypte ». L'orientaliste fran­çais islamophile Louis Massignon, catholique doloriste, confiait au père Pierre du Bourguet, jésuite coptisant : « Les coptes sont des victimes. C'est par eux que l'Égypte sera sauvée » . . . Mais en attendant, autant qu'on sache, il n'entre­prit aucune démarche sérieuse auprès de ses nombreuses relations musulmanes pour que l'Islam adoucisse un peu le sort des dhimmis, ces sujets ou citoyens non mahométans de seconde zone, théoriquement « protégés» par l'État musulman mais, à l'occasion, maltraités voire persécutés, ce qu'ont presque toujours été les coptes, de jure ou de facto, depuis l'isla­misation de leur pays ; et jusqu'à nos jours où Daech a intensifié ses sanglantes attaques, en particulier contre femmes et enfants coptes. L'historien francophone égypto-libanais Jacques Tagher, qui vivait pourtant à la fin du meilleur régime jamais connu par les coptes depuis l'Islam, à savoir la dynastie francophile de souche anatolienne de Méhémet-Ali et ses descendants (1805-1953), a écrit un ouvrage en français, Coptes et musulmans, paru au Caire en 1952 (et réédité au XXe siècle en arabe au Canada), qui reste capital pour la connais­sance de la dhimmitude en Égypte.

    De nos jours, les claires et inédites incita­tions du maréchal Sissi à un aggiornamento de certains textes de base musulmans — non encore suivies d'effets concrets — ont été accueillies sans excès de bienveillance par nombre de mahométans restés attachés à la lettre du Coran, laquelle rend parfois difficiles les rapports entre « vrais croyants» et « proté­gés » : «Ne prenez pas pour amis les juifs ou les chrétiens, sinon vous deviendrez comme eux ! » ordonne, par exemple, Allah a ses adeptes dans la sourate de la Table servie (V, 51). Aujourd'hui comme hier, « les coptes représen­tent la partie la plus vulnérable de la population égyptienne : Ils n'ont pas de défenses, ne sont pas armés et sont ainsi une cible facile » (Jean Maher, président de l'Organisation franco-égyptienne pour les Droits de l'Homme, à Valeurs actuelles du 15 juin 2017). Un cadre copte catholique de la vie associative égyp­tienne, Fahim Amine, est allé jusqu'à parler d'un « génocide lent », depuis des siècles, pour ses coreligionnaires coptes orthodoxes.

    UN ENFANT MÂLE DE MAHOMET

    Pourtant les contre-arguments en faveur de ces chrétiens africains, regardés de haut par l'Islam, ne manquent pas de poids : les coptes de son époque fournirent ainsi à Mahomet celle de ses femmes, Marie la Copte, qui donna au fondateur de l'Islam le seul de ses enfants mâles qui vécut un peu (4 ans) : Ibra­him. Un hadith — dit ou acte de Mahomet, rapporté par la Sunna, ensemble de six recueils principaux — constate : « Comme ils sont bons les coptes d'Égypte ! » S'appuyant plutôt sur la conception universelle moderne des droits humains, en 1992, un musulman moderniste mesuré, en vue dans la société égyptienne, Farag Foda, osa dire tout haut, ini­tiative sans précédent sur les bords du Nil, que les coptes étaient « discriminés » sur leur sol ancestral et natal. Peu après, un commando islamiste abattit Foda, qualifié de « renégat », et vite oublié... Pourtant, la victime n'avait fait que décrire la réalité : sait-on, ainsi, que le plus brillant diplomate moderne du monde arabe, l'Égyptien copte, Boutros Boutros-Ghali (1922-2016), futur secrétaire général des Nations-Unies puis de la Francophonie, ne put jamais être ministre à part entière des Affaires étrangères au Caire, et cela en tant que non-musulman... Le rang de « ministre d'État », atteint par Boutros-Ghali, équivaut en Égypte à celui de simple « secrétaire d'État » ... En 2017, le journaliste Fahmi Howeidi, dans le quotidien indépendant cai­rote Al Shourouk (28 mai) a imité Foda, muta­tis mutandis, et depuis lors on est inquiet pour lui, car il a parlé de « témoignages sur la souf­france quotidienne de certains coptes au travail, à l'école, dans l'espace public ».

    LE PATRONAGE DE BOUTROS-GHALI

    C'est le « grand copte » Boutros-Ghali qui a parrainé le gros travail (en trois volumes, dont le deuxième est paru en 2017) où un couple d'égyptologues copto-français, Ashraf et Bernadette Sadek, établi à Limoges et animant la revue française Le Monde copte (fondée en 1976 par Pierre de Bogdanoff), a entrepris d'exposer, sur les plans culturels et historiques, la réalité copte, sans traiter des attentats anti-chrétiens contemporains menés en Égypte et en Libye par Daech ou d'autres organisations islamistes. À l'heure où nous écrivons cet article, la dernière tuerie de masse, visant une trentaine de coptes, surtout des mères avec leurs enfants, remonte au 26 mai ; les victimes refusèrent toutes de sauver leur vie en se convertissant sur le champ à l'islam, tandis que la police armée, présente à proximité, arrivait trop tard, selon une attitude plusieurs fois consta­tée dans des circonstances similaires...

    Ashraf et Bernadette Sadek ont donc réuni, dans l'épais volume constituant le tome II, récemment édité, un grand nombre de textes et d'illustrations, anciennes ou récentes, sous le titre poétique mais peut-être un peu énigmatique, Un fleuve d'eau vive; il y a là, à peu près tout ce qui mérite d'être mis à la disposition du public franco­phone cultivé, à propos de la Fuite en Égypte de la Sainte Famille, épisode rapporté par les Écritures chrétiennes et qui, on peut l'ima­giner, tient une place éminente dans la Chré­tienté nilotique, notamment à l'occasion de pèlerinages populaires très fréquentés. Le travail de recherche, présentation et explica­tion accompli par le couple d'égyptologues, est unique au XXIe siècle en français, et nous dévoile tout un pan, très peu connu en Occi­dent, de la vie chrétienne en Égypte.

    Les coptes actuels - majoritairement composés de gens modestes, en ville ou dans les campagnes, même si la fratrie des milliardaires coptes Sawiris est célèbre dans les cercles économiques mondialisés —, sont saisis, en cet ouvrage, dans leur quotidien­neté religieuse ou profane, donnant par ricochet, encore plus d'épaisseur à un sou­bassement historique déjà fort consistant. L'ensemble est captivant !    

    image 2.jpg

    Les obsèques, en février 2016, de Boutros Boutros-Ghali, ministre et diplomate emblématique issu de la communauté copte, qui fut secrétaire général de l'ONU, en présence du patriarche copte. 

    PÉRONCEL-HUGOZ - Correspondant du Monde au Caire à l'époque de Sadate, notre chroniqueur a souvent écrit sur le sort des chrétiens d'Orient, dont les coptes d'Égypte, en ses articles, notamment dans La NRH depuis 2003, ainsi que dans l'un de ses premiers essais : Le Radeau de Mahomet (1983).

    Repris de la NRH - Septembre-octobre 2017

  • Les chrétiens syriens à l'épreuve des Kurdes

    Kurdes

     

    Par Antoine de Lacoste

     

    1456949215.pngPlus d'un million de Kurdes peuplent le Nord de la Syrie et cohabitent avec un peu moins d'un million d'arabes. Pragmatiques, ils vivaient en bonne intelligence avec le régime, bénéficiant d'une certaine autonomie en échange de leur neutralité politique.

    Leurs relations avec les arabes (sunnites, alaouites ou chrétiens) étaient distantes mais sans hostilité manifeste. C'était avant la guerre et les Kurdes, malgré leur propension naturelle à l'hégémonie, n'avaient de toute façon guère le choix. Toutefois, leur rêve d'un Etat kurde officieux, les habitait toujours.

    La guerre va leur permettre de progresser dans leurs ambitions.

    L'armée syrienne, en grande difficulté jusqu'à l'intervention russe, n'avait plus les moyens de contrôler le nord du pays : la priorité était d'endiguer la marée islamiste qui voulait prendre le pouvoir. Tel n'était pas le but des Kurdes qui se contenteraient toujours d'un territoire à eux dans le Nord. Des deux maux Assad a choisi le moindre et a donc fort logiquement laissé les Kurdes prendre le contrôle des villes et des postes-frontières, à l'exception d'un seul, au Nord-Est, tenu par des milices chrétiennes et quelques militaires syriens.

    Des combats entre l'armée et les milices chrétiennes d'un côté, les combattants kurdes de l'autre (regroupés dans les YPG) eurent lieu, faisant tout de même des victimes et des prisonniers de chaque côté. On était toutefois loin de la conflagration générale.

    Les Turcs regardaient cela d'un mauvais œil, mais leur préoccupation de l'époque était surtout d'organiser la révolte islamiste pour renverser Assad.

    La bataille de Kobané va tout changer.

    Grâce à l'aide des Turcs, Daesh réussit à conquérir une partie du Nord de la Syrie faisant ainsi la jonction avec la frontière turque. Après la conquête de la vallée de l'Euphrate (Raqqa, Deir ez-Zor en partie, Mayadin, Al Quaïm) et des champs pétrolifères du Sud-Est du pays, les islamistes ont pu vendre le pétrole jusqu'en Turquie grâce à des norias de camions qui circulaient dans l'indifférence générale.

    L'aviation de la coalition ne les a quasiment jamais attaqués, ce qui est tout de même curieux. Il faudra attendre les avions russes pour qu'enfin cesse le trafic.

    Il restait toutefois une ville à conquérir pour Daesh : Kobané, peuplé majoritairement de Kurdes. Des combats furieux entre les YPG et les islamistes durèrent plusieurs semaines.

    C'est là que se noua l'alliance entre les Kurdes et les Américains : ceux-ci décidèrent d'aider massivement les combattants kurdes. Le soutien de leur aviation fut décisif (comme toujours d'ailleurs au cours de cette guerre) et Daesh dut se retirer. Le bilan était lourd des deux côtés mais la victoire des kurdes allait sceller leur alliance avec les Etats-Unis.

    Armés et financés par eux, les Kurdes purent consolider leurs positions le long de la frontière turque n'hésitant pas à attaquer les militaires syriens et les milices chrétiennes pour mieux assoir leur autorité.

    L'armée turque a alors réagi, a franchi la frontière afin de couper en deux le territoire kurde et l'empêcher ainsi de se tailler un territoire en continu. Les Kurdes se sont retirés devant les chars turcs sur ordre des Américains qui ne voulaient pas d'affrontement direct entre ces deux forces.

    Aujourd'hui, les Kurdes sont l'infanterie des Etats-Unis : ils sont en train de reprendre Raqqa (ex-capitale du califat maintenant moribond) et prennent position au Nord de Deir ez-Zor afin d'empêcher l'armée syrienne de reprendre le contrôle de la totalité du pays.

    Raqqa et Deir ez-Zor sont de peuplement arabe et non kurde, mais peu importe : ce qui compte pour les Etats-Unis, c'est de détruire Daesh et d'empêcher les Syriens de reprendre le contrôle de leur pays. Le retour de la paix sous l'égide d'Assad n'a jamais été l'objectif.

    Mais, une fois de plus, ce sont les chrétiens qui souffrent de la situation.

    Ils sont relativement nombreux dans la région, et il faut savoir que les exactions kurdes à leur endroit ne sont pas rares : vexations, arrestations et, plus grave, assassinats ciblés voire parfois déplacements forcés de populations. Le silence est assourdissant sur le sujet, mais les Kurdes font partie des héros médiatiques de cette guerre et il convient de ne pas entacher leur réputation.

    Le sujet n'est pas nouveau pourtant : les Kurdes ont participé au génocide de 1915, soit sur ordre des Turcs, soit, le plus souvent, pour dépouiller les malheureux Arméniens ou Assyriens. Le brigandage est une vieille tradition chez eux...

    Certes, certains chrétiens leur doivent la vie par leur résistance opiniâtre contre Daesh ; les YPG sont assez efficaces. Mais cela ne doit pas masquer la réalité sur ce que sont les Kurdes : ils sont Kurdes et le reste ne compte pas. Leur islam est très lointain et l'idéologie marxiste qui les habite assez théorique, mais les chrétiens comptent encore moins pour eux.

    Ils veulent un territoire et sont prêts à tout pour cela : les Américains l'ont bien compris et s'en servent pour éliminer Daesh. Et les Kurdes se servent des Américains pour assoir leur pouvoir local.

    Fort heureusement, les chrétiens sont encore assez nombreux dans la région, en particulier dans le Nord-Est. Les villes d'Hassaké (180 000 hab.) et Qamishli (170 000 hab.) comptent de nombreux syriaques catholiques et orthodoxes dont les jeunes sont armés et organisés. Mais la vie y est très difficile et beaucoup songent à partir.

    C'est précisément ce qu'attendent les Kurdes.  

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde

  • Politique & Religion • Annie Laurent : Connaître l'Islam

     

    Par Anne Bernet

     

    2660702885.2.pngC'est un traité simple et profond : l'Islam pour tous ceux qui veulent en parler, mais ne le connaissent pas vraiment.

    Il est devenu difficile de tenir sur l'Islam un discours clair et conforme à la réalité. Le conformisme ambiant, la peur d'être accusé de racisme ou d'islamophobie, concept forgé précisément afin d'en interdire toute critique et analyse, une vision erronée de la tolérance, une ignorance abyssale ont contribué, ces dernières décennies, tandis que l'implantation musulmane s'accroissait, à en présenter une image apaisée, « en phase avec la laïcité et la modernité », mais fausse. L'actualité ne cesse d'ailleurs de rappeler combien le discours officiel sur la question est mensonger et absurde, ce qui suscite, chez un nombre croissant de Français, interrogations et angoisses.

    C'est à ces gens ignorants, désinformés, inquiets, à raison, que s'adresse ce nouveau livre d'Annie Laurent, spécialiste incontestée du Proche-Orient et des rapports difficiles entre musulmans et chrétiens.

    À l'origine, il y a les Petites feuilles vertes publiées par l'association Clarifier, qui présentent, de manière synthétique et accessible mais très sérieuse et complète, l'histoire de l'Islam, ses courants, sa pensée, ses croyances, ses divisions internes, son droit, sa conception de la place de la femme dans la société, ses ambitions de domination mondiale, son recours à la violence institutionnalisée, l'idée qu'il se fait de ses rapports avec les autres religions.

    Dans ces dossiers, enfin regroupés et mis à la portée de tous, Annie Laurent n'emploie pas la langue de bois. Jamais elle ne prétendra, comme il est de bon ton de le dire, que l'Islam est une « religion de paix, de tolérance et d'amour ». Elle sait qu'entretenir de tels mensonges désarme des populations d'accueil, rendues déjà vulnérables par la déchristianisation ambiante, le relativisme, la perte du sentiment national, et empêche l'assimilation des arrivants.

    Dire la vérité est une nécessité vitale, une question de survie pour nos nations. Cela ne signifie pas manquer à la charité envers les musulmans, au demeurant souvent les premières victimes d'une croyance qui a refusé, une fois pour toutes, d'évoluer ou se réformer.

    1435703774.jpgCette prise de conscience nécessaire et urgente s'accompagne d'un appel vibrant à aimer, même s'ils se donnent parfois beaucoup de mal pour ne pas l'être, les disciples de Mahomet, c'est-à-dire à leur offrir les moyens de découvrir le Christ et son amour. C'est à l'Église, aux évêques, au clergé, tout aussi prisonniers de leurs idées fausses que le sont journalistes et politiciens, que s'adresse Annie Laurent, pas dupe d'un « dialogue interreligieux » à sens unique, dans un remarquable développement consacré aux erreurs et naïvetés trop répandues parmi les catholiques au sujet des prétendues convergences entre les monothéismes.

    Ce n'est qu'en apprenant à connaître vraiment l'Islam qu'il sera possible d'assurer notre avenir. Lire Annie Laurent est un excellent moyen de le faire. 

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    L'ISLAM, Annie Laurent,
    Editions Artège, 285 p., 19,90 €

  • Georges Bernanos : « ... tant que votre industrie et vos capitaux vous permettront de faire du monde une foire ...»

     

    Est-ce que je vous empêche, moi, de calculer la précession des équinoxes ou de désintégrer les atomes ? Mais que vous servirait de fabriquer la vie même, si vous avez perdu le sens de la vie ? Vous n’auriez plus qu’à vous faire sauter la cervelle devant vos cornues. Fabriquez de la vie tant que vous voudrez ! L’image que vous donnez de la mort empoisonne peu à peu la pensée des misérables, elle assombrit, elle décolore lentement leurs dernières joies. Ça ira encore tant que votre industrie et vos capitaux vous permettront de faire du monde une foire, avec des mécaniques qui tournent à des vitesses vertigineuses, dans le fracas des cuivres et l’explosion des feux d’artifice. Mais attendez, attendez le premier quart d’heure de silence. Alors, ils l’entendront, la parole - non pas celle qu’ils ont refusée, qui disait tranquillement : « je suis la Voie, la Vérité, la Vie » - mais celle qui monte de l’abîme : « Je suis la porte à jamais close, la route sans issue, le mensonge et la perdition. »   

    Georges Bernanos

    Journal d'un curé de campagne, Plon, 1936

     

  • Affaire Barbarin : tapez sur les cathos, il en restera quelque chose ! La mise à mort médiatico-judiciaire continue

     

    Une tribune de Régis de Castelnau

    Nous supposons les idées de Régis de Castelnau assez éloignées des nôtres. Peut-être bien opposées sur de nombreux points. Mais là, nous trouvons très bienvenues les réflexions qu'il a livrées dans Causeur [20.09] sur la dégoûtante campagne organisée à l'encontre du cardinal Barbarin.  On ne nous suspectera pas ici d'être simplement calotins : nous avons dit sans précautions particulières notre désaccord avec la politique immigrationniste du pape François et de presque toute l'Eglise depuis bien longtemps.  Dans ce cas, toutefois, plein accord avec ce qu'écrit Régis de Castelnau. Faut-il trouver le cardinal Barbarin sinistre ? Il aurait de quoi l'être !  LFAR

     

    3957877889.jpgLe lugubre cardinal Barbarin a fait l’objet en son temps d’un lynchage médiatico-politique en grand que certains ont voulu transformer en lynchage médiatico-politique et judiciaire. Tous les médias à la manœuvre, le Premier ministre de l’époque lui-même sommant l’ecclésiastique « de prendre ses responsabilités » ! Et le ministère de l’Intérieur a joué un rôle assez trouble là-dedans. Le problème, c’est que la France est normalement un État de droit, et que toutes les plaintes déposées, parfois trente ans plus tard, se sont heurtées à la probité du parquet de Lyon qui a appliqué les principes impératifs régissant le procès pénal, et font la différence entre un pays civilisé et la république bananière dont semblent rêver certains.

    En prison les abbés !

    Le classement sans suite avait beau être inévitable et parfaitement motivé, il a été immédiatement suivi par la clameur et une levée de boucliers. Quand il s’agit de taper sur les curés on ne va quand même pas s’embarrasser des règles de droit, sinon on ne va pas s’en sortir. En prison les abbés !

    Alors, on va lancer une procédure à l’initiative des plaignants par le biais de la « citation directe en correctionnelle » pour qu’il y ait une audience pénale à grand spectacle. L’utilisation de cette procédure permet de contourner l’évidence de l’impossibilité des poursuites, et de saisir la juridiction pénale, contrainte d’audiencer l’affaire. Mais en application du droit de renvoyer les manipulateurs à leurs chères études. Le but n’est donc à l’évidence absolument pas d’obtenir une vérité judiciaire ou une condamnation qui ne peuvent pas advenir, mais bien d’organiser un cirque médiatique. Pour faire bonne mesure, on a cité tout un tas de mitrés, tout juste s’il n’y a pas le Pape dans la liste.

    Le « silence de l’Eglise » ?

    Écoutons Le Figaro. « L’archevêque de Lyon n’est pas le seul convoqué. Cinq autres personnes liées au diocèse le sont. Et une sixième, de grande importance: Mgr Luis Ladaria Ferrer. Au Vatican, ce jésuite espagnol est le préfet de la Doctrine de la foi, c’est-à-dire le gardien du dogme. François l’a nommé le 1er juillet 2017. » Là c’est du lourd, coco.

    Et tous ceux qui sont d’une prudence de serpent dès qu’il s’agit de l’islam intégriste s’en donnent cette fois-ci à cœur joie. Et les médias se préparent avec gourmandise. Y compris Le Figaro qui titre : « pédophilie, le silence de l’Eglise en procès. » Évidemment, on connaît bien l’opportunisme habituel de ce journal, mais on ajoutera cette fois-ci qu’il n’a même pas la reconnaissance du ventre. Les 8 % de français chrétiens qui pratiquent encore forment quand même les gros bataillons de ses lecteurs. Ni catholique, ni abonné, cela ne me concerne pas, mais à la place de ces ouailles, je résilierais mon abonnement…

    Petite pochade

    Pour m’amuser, j’ai eu une idée. Il faudrait déposer une plainte contre Brigitte Macron pour agression sexuelle sur mineur puisque la légende veut que sa relation avec son actuel mari ait commencé quand celui-ci avait 15 ans. Je n’en sais rien et je m’en fiche complètement, mais ce serait peut-être l’occasion de rigoler. Cette plainte serait bien évidemment classée sans suite, et il serait alors possible de citer Brigitte Macron devant le tribunal correctionnel pour « pédophilie » parce que ça sonne bien. Et, pour faire bonne mesure, on citerait aussi celui qui était alors ministre de l’Education nationale puisque Madame Macron était enseignante et entamait une relation avec un de ses élèves. Et Le Figaro pourrait ainsi titrer : « pédophilie, le silence de l’Élysée en procès ».

    Les juges ont-ils repris leur sang-froid?

    Redevenons sérieux, en dehors du Parquet national financier, et du « Pôle financier » de Paris, il apparaît que la magistrature a repris une partie de son sang-froid et résiste autant que faire se peut aux pressions médiatiques et politiques. C’est la raison pour laquelle la pantalonnade qui se prépare à Lyon n’est non seulement pas innocente mais de surcroît dangereuse. Lorsque les décisions d’irrecevabilité ou de relaxe seront rendues par le tribunal, nous entendrons la clameur dénonçant une justice partiale, voire achetée accompagnée des références habituelles à Jean de La Fontaine et ses Animaux malades de la peste.

    L’Eglise catholique a peut-être eu une attitude critiquable, voire lamentable dans le traitement de certains de ses problèmes, cela ne concerne que ses ouailles, ou ceux qui entendent poursuivre les traditions d’anticléricalisme à la française et continuer à brailler : « à bas la calotte ». Je n’appartiens à aucune de ces deux catégories.

    En revanche, cela concerne le citoyen que je suis dès lors que la justice de la République peut intervenir dans les conditions prévues par la loi et le respect des règles prévues à cet effet. Lesdites conditions ne sont pas réunies dans la représentation de cirque qui se prépare.

    L’instrumentalisation de la justice pour des fins qui ne sont pas les siennes est toujours une mauvaise action. 

    Régis de Castelnau

    Avocat.

    Régis de Castelnau anime le blog Vu du Droit depuis 2012. En consacrant sa vie professionnelle d’abord au Droit social puis au Droit Public dont il fut un des premiers praticiens actifs au sein de la profession d’avocat. Il y ajouta une activité universitaire, doctrinale ...

  • Un duo dynamique ?

     

    En deux mots.jpgFaut-il admettre l’idée banale, l’idée bateau, selon laquelle les moyens de transport et de communication modernes, internet, les avions, le téléphone portable, la télévision et tout le reste, convergent pour réaliser la fusion des peuples, abolissent les frontières, gomment les différences et rendent l'unité de l’humanité absolument inéluctable ? Ainsi subséquemment, qu’un gouvernement mondial. Telle est la vision, d'esprit prophétique, de Jacques Attali et de beaucoup d'autres, moins inspirés 

    Par exemple, le gentil, le candide, Yann Moix et le pape François. Duo improbable mais qui s'est révélé lors de l'émission ONPC [On n'est pas couché] où Dominique Wolton était invité pour présenter son livre de dialogue avec le pape. Yann Moix en a conçu - et il l'a dit - un fort et inattendu enthousiasme pour l'Eglise catholique. Pourquoi ? Parce qu'elle a pris la tête du grand mouvement qui mène à l'unité du monde et qu'elle l'accélère et le parachève en prêchant la généralisation des libres migrations, le métissage des cultures et des hommes. Les nations, Yann Moix l'affirme d'autorité, sont d'ailleurs déjà obsolètes, détruites, abolies. Les frontières n'existent plus ; il n'y a plus d'autre peuple que mondial. Bien-sûr grâce à internet, aux voyages, aux smartphones, à la télévision, etc. Accessoirement, il ne le dit pas, grâce aussi au libre mouvement des flux financiers sans frontières. D'enthousiasme encore, Moix, on ne sait trop pourquoi, en vient même à citer le théologien Gustave Thibon. Etonnant pour nous qui, jadis, l'écoutions aux Baux de Provence, ou ailleurs, loin de ce fatras. 

    Faut-il croire ces choses-là ? Sont-ce des rêveries ou la réalité ? Refuser cette évidence ne serait-ce pas cela rêver ? Dénier les réalités des temps modernes ! Mais justement que disent les réalités ? 

    D'abord ceci : l'idée que le monde est en passe de s'unifier ne date pas d'hier. Le XIXe siècle y a cru dur comme fer. Hugo en tête qui annonçait dans d'assez mauvais vers des lendemains où il n'y aurait « plus de frontières ». Et même : « Plus de fisc ». Cela prête à rire…  Un siècle et demi a passé. L'humanité a vécu deux guerres mondiales d’une cruauté sans analogue dans l'Histoire et des avions américains ont lâché des bombes atomiques sur le Japon. 

    Et que disent les réalités d'aujourd'hui de l'unification du monde ? Faut-il en faire le détail ? Au Proche et Moyen Orient, en Afrique, en Asie, partout les armes parlent, des menaces sont échangées, les conflits s'aiguisent, les rivalités s'affirment et se précisent, les budgets militaires arabes, russes, américains, asiatiques, s'enflent démesurément. Qu’est-ce qui peut garantir que les forces ainsi créées à grand effort ne serviront jamais ? Les grands conflits commencent toujours par des combats de coqs, tels ceux auxquels nous assistons ces semaines-ci.

    Les avions, internet, les smartphones, les télévisions et les radios censés, par nature, devoir nécessairement accomplir l’homogénéisation des peuples, servent aussi à bien autre chose : les avions à transporter des soldats ou des terroristes, à lancer des bombes ou à s'écraser sur des tours ; internet, les smartphones, les télévisions et les radios à diffuser des propagandes, des consignes, religieuses ou nationalistes, idéologiques ou terroristes, ou encore communautaristes, toutes choses qui ont peu de rapport avec l'unité du monde. Ne veut-on pas voir ? En dehors de la pauvre Europe occidentale, épuisée de tant de conflits passés et de tant de doutes sur elle-même, de tant de scrupules et de reniements, ce n'est partout que nationalismes et retour sur soi : religions, philosophies anciennes, traditions et modes de vie. Cela est vrai des plus grands : Russie, Chine, Inde, Japon, Etats-Unis. Mais aussi de beaucoup d'autres de moindre importance. 

    Les avions, les bateaux de croisière et les cars Macron continueront donc de déverser aux quatre coins du monde leurs flots de touristes hébétés ; les réseaux sociaux et les téléphones - quand ils ne serviront pas aux terroristes - à déverser leurs niaiseries sur la terre entière. De même que radios et télévisions. Il s'en suivra en effet une certaine standardisation des peuples. Mais George Steiner a fait observer que les standardisations se font toujours par le bas. 

    Même s'il satisfait l'univers des financiers, qui ont largement poussé à la roue pour que ces phénomènes prospèrent et eux avec, on peut se demander ce que pèsera – face aux actifs, aux déterminés - ce monde de zombies. 

    La vérité – on pourrait multiplier les exemples à l’infini - c’est que les techniques sont neutres. Elles charrient le bien comme le mal.   

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Les déclarations du pape : Il n'y a pas à s'étonner

    Le pape Pie XII

     

    Par Antiquus  

    Ce commentaire - du 13 septembre - complète les articles que nous avons publiés ici sur les prises de position récentes du pape François. Antiquus y préconise le retour à une politique capétienne d'indépendance politique à l'égard de la papauté. Le cas échéant, on pourra se reporter aux articles concernés.  (Liens ci-dessous). Merci à Antiquus !  LFAR

     

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    Il n'y a pas à s'étonner : les déclarations du pape, comme l'a montré Dandrieu, sont l'aboutissement d'une évolution déjà fort ancienne de la doctrine pontificale.

    Dandrieu la fait remonter à Pie XII. Je pense qu'elle est déjà présente chez Léon XIII. En fait, du moment où les papes ont perdu leur pouvoir temporel, ils ont estimé qu'ils n'avaient plus aucune responsabilité à tenir à l'égard du gouvernement des Etats. D'où la condamnation de la peine de mort, dont Maistre disait qu'elle était le fondement de tout pouvoir. D'où l'abandon de l'Etat chrétien et la nouvelle doctrine sur la liberté religieuse, et aussi la délégitimation de la nation, et la transformation de l'Eglise (à usage externe seulement) en une ONG, se revendiquant comme la plus ancienne et la plus vénérable.

    Faut-il en déduire que la papauté n'est plus à la tête de la « seule internationale qui tienne » selon l'expression du martégal ? Il nous suffit de puiser dans l'héritage capétien les principes du gallicanisme, qui nous autorise à invoquer l'étanchéité de la France aux interventions pontificales qui s'opposent à la légitime perduration de notre pays.  

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