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Actualité France - Page 418

  • Un débat sur la légitimité

    Les légitimistes espagnols que sont les carlistes (Saint-Priest)

     

    Débat qui a suivi la Lettre sur la légitimité de Pierre de Meuse [Du 1 au 22 juin 2015 - 31 commentaires].

    Nous n'allongerons pas ce débat déjà fort long et fort riche en lui-même. La conclusion pourrait être celle qu'en donne l'un des commentaires de Saint-Priest : « Lorsqu'on va chercher ses princes en Espagne, il vaut mieux s'intéresser aussi à leur histoire. Elle est passionnante. Elle est éclairante. Elle est la leur. Elle n'est pas la nôtre.» A cet égard, les contributions de Saint-Priest, parfait connaisseur de ce vaste sujet, sont de toute évidence à signaler. Elles sont, sur certains points, déterminantes. Elles ont aussi le mérite de rappeler que l'Espagne des XIXe et XXe siècles a eu, en quelque sorte, avec le carlisme, son authentique légitimisme et d'en retracer l'histoire. Restent les points de vue qui consistent à trancher la question dynastique par recours à la nouveauté : un fondateur de dynastie, un nouveau paradigme. Mais lesquels ? En attendant leur hypothétique surgissement - tout reste toujours possible - devrions-nous proposer - contre son principe fondateur - un royalisme sans visage ? Nous ne le croyons pas. Les princes d'Orléans sont aujourd'hui les héritiers de la légitimité historique.

     

    Les lois d'exil se sont si peu appliquées à la famille de Louis de Bourbon qu'après avoir été chassée d'Espagne en 1868 et avoir abdiqué en 1870, la reine Isabelle II s'était réfugiée à Paris avec les siens, dont le futur roi Alphonse XII, et y vécut le reste de ses ses jours (36 ans). Elle y est morte en 1904.  Gérard POL lundi 01 juin 2015 

    Ce qui est hilarant c'est que vous passiez du temps à cela . Ça occupe j' imagine. Moine mardi 02 juin 2015 

    C'est toujours tordant et désopilant de voir de tristes illégitimes donner des leçons de légitimité ! Ne vous en déplaise et en dépit d'affirmations mensongères, oui la légitimité existe Non nous accepterons jamais la fusion avec la branche orléaniste . Trop de mensonges , de crimes, de veuleries , de turpitudes et de laideur !!!!! Pauline lundi 01 juin 2015  

    Refuser toute fusion ? Décidément, les partisans de Louis-Alphonse et de ses prédécesseurs tras los montes méconnaissent complètement l'histoire de leurs propres champions ! Le supposé passage de témoin, en 1936, entre la branche carliste (Don Alfonso-Carlos, duc de San Jaime) et la branche réputée libérale d'Alphonse XIII est le pur produit d'une... fusion ! Saint-Priest jeudi 18 juin 2015 

    Les actuels Bourbons d'Espagne sont les descendants d'Isabelle II et de son ministre Puig Molto. Aucun de ses 8 enfants n'est le descendant de Francisco de Asis, son mari, et pour cause !! Elle l'a reconnu et chaque enfant savait qui était son père. Il existe au Ministère des Affaires étrangères de Madrid une grande table ronde sur laquelle a été conçu un petit bâtard royal. Ces "légitimés" sont devenus légitimistes. Belle carrière. Catherine Salvisberg samedi 20 juin 2015 

    Il est probable en effet qu'Alphonse XII fût le fils d'Enrique Puigmolto, favori et amant de la reine Isabelle II. Il n'en demeure pas moins qu'au regard du droit il est le fils (présumé) de Francisco de Asis de Borbon, duc de Cadix et roi consort d'Espagne (1822-1902). A ce titre, Alphonse XII n'était pas un bâtard et n'avait pas à être légitimé. Disons que, probablement, Alphonse XII et sa descendance (avec notamment Alphonse XIII, Juan-Carlos Ier ou Louis-Alphonse) sont, en ligne paternelle, aussi Bourbon que la descendance de la Grande Catherine est Romanov. Au passage, rappelons que la querelle dynastique a existé en Espagne avant d'exister en France. A la mort du roi Ferdinand VII en 1833, il n'était pas du tout évident que sa très jeune fille Isabelle II fût légitimement appelée à ceindre la couronne d'Espagne... notamment parce que la loi de succession avait été changée - pour permettre aux infantes de succéder - sans l'aval des Cortès dûment mandatées à cet effet. C'est pourquoi, à la mort de Ferdinand VII, l'Espagne traditionnelle et traditionaliste reconnut pour roi le frère du défunt souverain : Don Carlos, comte de Molina (1788-1855), et se souleva contre le gouvernement d'Isabelle II et de sa mère la reine-régente Maria Cristina. S'en suivit une terrible guerre civile entre carlistes et cristinistes. Ces derniers étaient d'ailleurs soutenus par les puissances européennes libérales : l'Angleterre et la France de Louis-Philippe. Cette guerre connut plusieurs répliques, notamment après la révolution de 1868 qui chassa Isabelle II et déboucha laborieusement sur l'instauration de la première République espagnole (1873-1874). Entretemps, Don Carlos, duc de Madrid (petit-fils du comte de Molina et neveu par alliance d'Henri V, comte de Chambord) avait relevé l'étendard du carlisme et s'était solidement établi en Navarre. Ce furent les armées d'Alphonse XII, auxquels les notables libéraux s'étaient ralliés (Canovas del Castillo et Sagasta) qui délogèrent les carlistes et leur prince de la Vendée navarraise. Où l'on voit que les ancêtres de Louis-Alphonse n'ont rien à envier à notre Louis-Philippe national en terme de libéralisme (réel ou supposé) ou en terme de rébellion contre la légitimité. C'est la raison pour laquelle les légitimistes espagnols que sont les carlistes furent placés dans un dilemme tout à fait semblable au nôtre lorsque la branche carliste vint à s'éteindre avec la mort de Don Alfonso-Carlos, duc de San Jaime (et frère du duc de Madrid) en 1936.  D'aucuns se rallièrent à Alphonse XIII, chef de l'ex branche cadette devenue aînée à la mort de leur prince. D'autres reconnurent comme régent puis comme roi de droit le prince Xavier de Bourbon-Parme. D'autres allèrent chercher un descendant du duc de Madrid par les femmes. Evidemment, on avança le libéralisme des princes "isabello-alphonsins" et l'on fit valoir l'hypothèse (ou l'hypothèque ?) Puigmolto.  Certains Blancs d'Espagne aiment également à oublier que, de notre côté des Pyrénées, leurs peu nombreux devanciers, sincèrement attachés aux princes carlistes, furent loin d'être unanimes pour se rallier à Alphonse XIII en 1936... Certains barons d'Empire préfèrent passer outre... ou insulter les princes de Bourbon-Parme qui apparurent à certains comme leurs nouveaux champions.  L'affaire était loin d'être anecdotique. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le "prince d'Espagne" désigné successeur du général Franco en 1969 changea de prénom. Juan (surnommé "Juanito" pour le distinguer de son père Don Juan, comte de Barcelone et prétendant au trône) devint Juan-Carlos Ier. Etant donné qu'il s'agissait de rallier et de réconcilier carlistes et alphonsistes sous la bannière du régime franquiste, il ne pouvait y avoir de roi Jean, puisqu'il en aurait résulté un épineux problème de numérotation (il y avait eu un prétendant carliste sous le nom de Jean III : le père du duc de Madrid).  Il semble d'ailleurs que très peu de carlistes avaient reporté leur fidélité sur Don Jaime, duc de Ségovie (et grand père de Louis-Alphonse). Don Jaime avait en effet renoncé à ses droits à la couronne d'Espagne en 1933. Et ce au profit de son frère Don Juan, comte de Barcelone. Certes, c'était sous la pression de son père Alphonse XIII. Certes, c'était en exil, puisque la deuxième République espagnole avait été instaurée en 1931. C'est la raison pour laquelle Don Jaime, plus ou moins bien conseillé par un entourage assez discutable, revint plusieurs fois sur ses renonciations. Il n'en demeure pas moins qu'entretemps le même duc de Ségovie avait contracté un mariage non dynaste - puisque la loi de succession espagnole exigeait une épouse issue d'une famille royale. C'est la raison pour laquelle les deux fils de Don Jaime : Alfonso (le père de Louis-Alphonse) et Gonzalo ne pouvaient pas, sérieusement, griller la priorité à un prince qui était lui incontestablement dynaste (si l'on ramène l'hypothèque Puigmolto à ses justes proportions), à savoir Juan-Carlos, fils du comte de Barcelone et de son épouse Maria de las Mercedes de Borbon y Orléans (dont le grand-père maternel était Philippe VII, comte de Paris). Certes, on trouva des partisans de Don Alfonso au sein de la Phalange, et au sein de la famille du Caudillo : son épouse et son gendre... puisque Don Alfonso avait épousé la petite-fille du généralissime (en 1972). Il semble bien que Franco n'a jamais envisagé l'hypothèse Don Alfonso : ni avant la désignation de Juan-Carlos en 1969, ni a fortiori après. On pourrait conclure comme suit : lorsqu'on va chercher ses princes en Espagne, il vaut mieux s'intéresser aussi à leur histoire. Elle est passionnante. Elle est éclairante. Elle est la leur. Elle n'est pas la nôtre. Saint-Priest lundi 22 juin 2015 

    Brillante démonstration. Félicitations à Pierre de Meuse. Mais il est à craindre que les blancs d'Espagne , qui ignorent les fondements du politique et ont tendance à arranger l'histoire à leur convenance restent prisonniers de leurs rancoeurs cultivées dans certaines vieilles familles qui mettent un point d'honneur à ressembler aux caricatures que l'on fait d'elles.  Olivier Perceval 01 juin 2015 

    Bravo, Pierre de Meuse : voici résumées en quelques lignes brillantes et claires, l'évidence des ridicules prétentions de l'espagnolade... Pierre Builly lundi 01 juin 2015 

    Merci à Mr Pierre de Meuse pour ce rappel de faits historiques éclairants. Le marketing "people" soudain autour de Louis de Bourbon, à l'occasion de l'une de ses visites ponctuelles est en effet assez déplaisant. Il y a en France une famille royale et un prince, Jean, duc de Vendôme. Qu'ajouter ? renaud  lundi 01 juin 2015 

    Une famille royale " française " qui a voté la mort du roi Louis XVI (et Qui avait pris le nom de Philippe EGALITE °..... en effet.... jf mardi 02 juin 2015  

    Ce n'est pas la famille d'Orléans qui a voté la mort du roi Louis XVI. C'est Louis-Philippe-Joseph, duc d'Orléans (dit "Philippe-Egalité") et lui seul. Ses trois fils, au premier rang desquels le futur Louis-Philippe Ier, n'ont été en rien associés au vote de leur père. En décembre 1792, ils tentèrent de le dissuader de participer au procès du roi. En vain. Saint-Priest jeudi 18 juin 2015  

    Tant qu'il restera des descendants dans la branche ainée de la derniere famille régnante ce ceux la qui sont appelés a régner en France, les cadets passent apres. Vous n'y pouvez rien à moins de contester les lois fondamentales qui reglent la dévolution de la couronne. sequane mardi 02 juin 2015  

    Sans doute ni le Comte de Chambord, ni Louis XV n'étaient au courant. Antiquus mercredi 03 juin 2015  

    Et dans les "lois fondamentales du Royaume", le caractère "étranger" du prétendu prétendant ne l'emporte-t-il pas sur de prétendues priorités dynastiques douteuses et archaïques ? Si nous voulons un Roi, ce n'est pas parce qu'il sera, ou serait, "légitime" : c'est pour qu'il mette fin à la République ! La prétendue légitimité des Bourbons d'Espagne n'a commencé à se faire une petite, ô toute petite place (on n'a jamais vu des pseudos-légitimistes distribuer des tracts, vendre des journaux, coller des affiches, affronter les marxistes) dans le monde royco parce que le Comte de paris Henri VI, par ses prises de position, avait mécontenté quelques extrêmistes. Et de ces fait, ces gandins providentialistes ont "choisi" leur prétendant et rejoint quelques débris moisis qui survivaient incompréhensiblement... De toute façon, avant de se qureller sur l'évidence, faudrait déjà prendre le Pouvoir. Et ça, c'est pas demain !  Pierre Builly mercredi 03 juin 2015 

    Alors comment expliquer que le prédicat officiel de premier prince du sang, passé des Condé aux Orléans, n'ait jamais échu aux Bourbons d'Espagne ? Comment expliquer que, sous Louis XV, Louis XVI, Louis XVIII et Charles X, chacun des ducs d'Orléans, du fils du Régent jusqu'à Louis-Philippe, ait été reconnu officiellement premier prince du sang ?  Je rappelle que le premier prince du sang est le premier prince dynaste après les fils et petits-fils de France.  Si, de Louis XV à Charles X, les Bourbons d'Espagne avaient été regardés comme dynastes dans notre pays, l'infant Philippe-Antoine, duc de Calabre (1747-1777) aurait succédé à Louis Ier duc d'Orléans (1703-1752) comme premier prince du sang. Et après le duc de Calabre, son frère le futur roi Charles IV d'Espagne. Or il n'en a rien été.  Nos derniers rois et les institutions de l'Ancienne France puis de la Restauration ont sauté à pieds joints par-dessus la prolifique descendance de Philippe V : les membres de cette dernière n'étaient plus dynastes en France. Du moins pour la jurisprudence de nos derniers rois et de notre Monarchie ancienne puis restaurée. Excusez du peu !  Saint-Priest vendredi 19 juin 2015   

    La Querelle dynastique est le cancer de la cause royaliste française. Il est navrant de voir avec quelle gourmandise certains en propagent les métastases.  Catoneo 3 juin 2015  

    Il n'a été opposé à l'analyse de Pierre de Meuse ni arguments sérieux, ni démonstrations. Seulement des affirmations sans preuves et des imprécations. Il est certain que ce qui reste de la querelle dynastique affaiblit la cause monarchique. Certain aussi que les partisans de Louis de Bourbon - qui n'est fondé ni à prétendre ni à agir politiquement en France, si ce n'est, éventuellement, dans le cadre de commémorations historiques - nuisent à la crédibilité du royalisme français. Néanmoins, ils sont là, avec leur prince d'ailleurs, et, pour parler trivialement, il faut bien "faire avec". Inutile de geindre sur ce cancer et ses métastases. Il y a toujours eu quelques cercles dits "légitimistes" en France. Mais ce sont les maurrassiens, l'Action française et les princes d'Orléans, tantôt ensemble, tantôt séparés, qui ont véritablement réfléchi, agi, milité, parfois tenté , en faveur de la monarchie. Les "espagnols" n'ont jamais compté autrement que par leur effet de nuisance. Sur ce que peut être l'avenir du royalisme français, nous ne savons rien, si ce n'est l'extrême décrépitude, le profond discrédit, le ridicule même, dont est frappé aujourd'hui le régime en place. Personne ne pensait aux alentours de 1790, et même au delà, que la vieille monarchie s'effondrerait sous très peu de temps, encore moins que quinze ans plus tard, après une horrible Révolution, elle se donnerait un empereur corse. Et ma génération n'aurait pas cru dans les années 80 (1980 !) celui qui lui aurait annoncé que l'Union Soviétique imploserait, elle et ses satellites, dix ans plus tard. Qu'est-ce qui pourrait bien succéder à l'actuel régime s'il venait à s'écrouler ? C'est une autre inconnue. Il me semble que c'est une raison suffisante pour maintenir et diffuser aussi largement que possible les idées qui nous rassemblent. Par exemple et entre autres, ici, sur ce site bien utile ... Anatole - mercredi 03 juin 2015 

    Mille mercis à Pierre de Meuse pour la clarté et la pénétration de sa mise au point. En effet, les prétentions espagnoles-toutes émotionnelles et infondées qu'elles soient, sont occasionnelles tout autant qu'imaginatives, et ne datent que de 1940,après que le malheureux sourd-muet qu'était le fils aîné du roi Alphonse XIII,aient renoncé pour lui et sa descendance à ses droits sur la couronne d'Espagne. En dépit de la sympathie que l'on puisse éventuellement nourrir à l'endroit de tel ou tel membre de cette descendance bourbonienne,il faut posément reconnaître que leur imaginaire dynastique nuit beaucoup à l'unité, à la cohérence et à l'efficacité du royalisme français,- qui n'appartient qu'aux Français eux-mêmes,et non à des princes étrangers. De surcroît,ces illusoires prétentions étrangères se font les complices objectifs des ennemis de la France et de son passé,ainsi que des cinq républiques qui se sont attachées-avec leurs divisions existentielles-à déconstruire ce que nos rois capétiens avaient mis tant de siècles à construire pour l'avenir du pays et des Français. Une telle situation n'est ni"tordante"ni "désopilante",elle est attristante et même menaçante pour notre pays et ses enfants.Notre avenir ne peut être conditionné à des supputations d'origine essentiellement émotives..  Patrick Haizet  - mercredi 03 juin 2015  

    Selon un sondage YouGouv publié sur le Huff, 72% des Français n'ont plus confiance en leur démocratie ! 72% c'est énorme ! http://www.huffingtonpost.fr/2015/06/04/thermometre-crise-au-pouvoir-72-francais-confiance-democratie_n_7505284.html Pendant ce temps les royalistes se déchirent pour des vieilleries. Il ne leur est jamais venu à l'esprit que la monarchie puisse revenir sans eux en France. Et pourtant ce serait la voie la plus facile. Après tout le royaume s'est effondré sur lui-même et sa ruine a emporté ses Lois, mais la nation demeure qui peut changer de paradigme sans se prendre la tête... D'aucuns y ont pensé. Catoneo - jeudi 04 juin 2015 

    "Les royalistes se déchirent pour des vieilleries", écrivez-vous, Cattonéo. Je suis substantiellement d'accord avec le reste de votre message, mais je crois qu'il ne faut pas attacher d'importance aux prétendus "Légitimistes", partisans des Espagnols. 98% des monarchistes français - ceux qui bougent, qui luttent, qui militent - n'ont aucun état d'âme sur la parfaite légitimité, depuis 1884, des princes d'Orléans. Pierre Builly - jeudi 04 juin 2015  

    Ce sont les 50 prochaines années de ce magnifique pays qui doivent nous angoisser plus que les foutaises d'Utrecht et la préséance d'héritiers de deux royaumes effondrés sous leur propre poids. S'il a fallu des guerres étrangères pour plier les deux empires, il ne fut besoin de rien de tel pour laisser aller les couronnes au ruisseau. La monarchie est la solution du renouveau français pour beaucoup et de plus en plus. Ceux qui vont s'y atteler ne s'encombreront pas des scories stériles du passé, pas plus que des revendications de branches dynastiques battues, qui leur paraîtront "osées". On part sur du neuf. Catoneo - jeudi 04 juin 2015  

    Pierre Builly a raison : en définitive, les partisans des princes espagnols n'ont guère qu'une seule importance : celle que nous-mêmes leur accordons. Que nous seuls ou presque seuls leur accordons. Sans nous, ils ne sont rien, ou presque. Même si l'on ne peut pas leur laisser tout faire et tout dire, un peu de distance s'impose !  LUC - jeudi 04 juin 2015 

    Ce qu'écrit Catoneo est brillant mais seulement brillant et se termine par une proposition qui, selon moi, n'a pas de sens. Si l'on préfère, c'est une proposition illusoire : on ne part jamais sur du neuf, l'Histoire ne s'oublie jamais et son poids sur le présent et l'avenir ne s'annule jamais non plus. Ni les capétiens, ni la République, ni l'Empire ne sont des commencements absolus. Et mille ans de règne capétien pèseront toujours sur quiconque voudra remettre la France sur sa trajectoire historique qui donne forme et réalité à son identité. A mon avis, l'idée monarchique s'incarne nécessairement. Elle ne peut être sans visage, Ni en avoir plusieurs. Sans quoi, elle se dégrade en pure et simple en idéologie. Pour les raisons qu'expose Pierre de Meuse, avec lesquelles je suis d'accord, les princes d'Orléans me paraissent actuellement les seuls légitimes pour réaliser cette incarnation. Peut-il surgir une dynastie nouvelle ? Il ne faut pas l'exclure mais l'hypothèse est vaine tant qu'elle ne se manifeste pas. Si elle se manifestait, prenait corps, agissait, nous serions assez grands garçons pour juger de ce que nous aurions à faire. Mais même dans un tel cas, si ce "nouveau" pouvoir entendait assumer et conduire le destin de la France et s'en révélait capable, ce ne serait pas indépendamment de son Histoire. Et, pour l'essentiel, ce ne serait pas indépendamment de l'héritage capétien. Cette hypothèse étant pour l'instant sans réalité, les princes d'Orléans, pour moi, sont nos Princes.  Anatole - jeudi 04 juin 2015 

    L'histoire de France est toujours repartie sur du neuf. Elle est faite de ruptures. Vous la connaissez assez bien pour qu'on ne fasse pas une page sur ce sujet, en commençant par la tonsure de Childéric III. Les rois de France ont eu cette particularité de toujours tirer le char par eux-mêmes. Sauf le dernier qui préféra l'érudition et la chasse, il en mourut. La suite fut une politique de bouchon de liège au fil de l'eau ; on subissait les révolutions de tous ordres, on n'en conduisit aucune. La race était épuisée après les trois Bourbons comme il en fut des trois Valois qu'ils supplantèrent. Orléans ne fit qu'une brève apparition dans la même veine. Aujourd'hui les princes vivants libres de tout pouvoir sont déjà dans l'adaptation politique, dans la correction des moeurs, l'infléchissement des trajectoires quand il leur arrive si rarement d'en parler. En situation de pouvoir, aucun ne créera ex-nihilo le projet qui rénovera le pays, car ils n'en ont pas les capacités intellectuelles et mentales requises, sans parler de la résilience exceptionnelle du titulaire qu'exigera une restauration. Il n'y a pas de chef ! Pour marquer le coup, je dirais qu'il n'y a aucun Poutine dans aucune famille prétendante. Anatole, vous ne pouvez incarner l'idée monarchique avec des "employés". Le "Chef" peut, lui, surgir de n'importe où.  Catoneo - jeudi 04 juin 2015 

    Poutine a, en effet, la trempe d'un chef et les vues assez larges, l'intelligence politique assez aiguë pour diriger son pays comme il l'a toujours été, c'est à dire de façon autoritaire. Mais sa politique n'est rien d'autre que l'impérialisme tsariste séculaire. Il est davantage une continuité qu'une rupture. Poutine mène et incarne une politique pérenne mais son régime ne l'est pas, n'est pas, si je puis dire, institutionnalisé. Je me demande si au fond les régimes dynastiques ne sont pas les seuls à être des institutions véritables, c'est à dire, par nature, capables de pérennité. En quoi la réalité du Roi transcende toujours celle du Chef. En bref, je ne crois en Histoire, en politique et sans-doute en rien à aucune création ex nihilo, en quoi je diverge absolument de votre conception a-historique du politique. Dans cet ordre, qui concerne des sociétés historiques, on ne repart jamais sur du neuf. A fortiori s'agissant d'un pays qui a conscience d'exister en tant que tel depuis au moins dix ou quinze siècles.. Vous attendez un Poutine. Et je suppose un Poutine à la française fondateur de dynastie ? Je dis que cela peut "surgir" mais ne peut être invoqué sans que ce surgissement soit intervenu, s'il intervient ... Je maintiens donc, hic et nunc, mon royalisme traditionnel, avec ses princes, tels qu'ils sont, auxquels, contrairement à vous, je trouve bien du mérite à maintenir la tradition qu'ils incarnent.  Anatole - vendredi 05 juin 2015  

    Citer Poutine m'évitait de faire tout un paragraphe sur la question des niveaux. Il n'est pas ma tasse de thé, La Faute à Rousseau le sait bien ! Pour le reste, restons en "la" comme on dit à l'orchestre.  Catoneo - vendredi 05 juin 2015 

    Juste une précision à propos d "un mot qu'emploie Catoneo : "La race était épuisée après les trois Bourbons comme il en fut des trois Valois qu'ils supplantèrent." Les Bourbons n'ont pas "supplanté" les Valois, qui se sont éteints avec Henri III comme les "Capétiens directs" se sont éteints avec Charles IV. Après l'assassinat d'Henri III de France, dernier des Valois, c'est son très lointain cousin - et allié... - l'autre Henri III (Henri III de Navarre) qui devint Henri IV, mais sans supplanter personne, puisqu'il n'y avait... plus personne !  François Davin - vendredi 05 juin 2015  

    Merci à Pierre de Meuse de sa mise au point frappée du bons sens, nourrie de connaissances historiques mises en perspective. Ce n'est pas la famille d'Orléans, qui a voté la mort du Roi, Louis Philippe s'est même brouillé avec son père à cette occasion, c 'est une défaillance du Duc d'Orléans., qui s'en est repenti avant de mourir , lui qui à l'époque ne pouvait prétendre à rien . L'esprit de revanche des républicains nous a couté très cher, 70 et le reste, qu'il ne contamine pas la famille de France et ses soutiens à l'heure où le régime tourne à vide. Plus que jamais nous avons besoin de " Politique". Henri - vendredi 19 juin 2015  

    Précisément. Le néo-légitimisme est en bonne part le fruit d'un rejet du politique. L'un de ses plus brillants avocats, Stéphane Rials, avait qualifié le néo-légitimisme de démarche écologique ou patrimoniale. C'est même ainsi qu'il conclut son Que sais-je? sur le légitimisme : "Le but de ceux qui s'en réclament n'est probablement pas, à terme humain, la restauration monarchique [aveu de taille !]. Plus modestement, ils semblent soucieux de sauvegarder tout un pan de la mémoire nationale. A leur façon, ces blancs sont des verts, couleur qui ne saurait d'ailleurs leur déplaire [allusion aux couleurs du comte d'Artois ?], des écologistes, des écologistes de la tradition." Stéphane Rials, Le Légitimisme, PUF, collection Que sais-je?, 1983, p. 121. C'est clair : il s'agit d'une sortie pure et simple du politique. La restauration monarchique est renvoyée aux calendes grecques. Et l'on en prend son parti. Pire. On en est presque soulagé. Le programme de ce royalisme-là, c'est la République à perpétuité, et le doux plaisir d'évoquer entre soi le temps jadis et la royauté qui ne reviendra pas. Ce sont des royalistes pratiquants... mais non croyants !  Et encore... La pratique se réduit aux messes du 21 janvier, aux galettes des rois et aux conférences de quelques sociétés savantes. Ce royalisme-là meurt. Ne troublez pas son agonie. Ill ne surnage et ne surnagera de tout ça que la répulsion à l'endroit des princes d'Orléans. Derrière le rejet des princes d'Orléans, il y a le rejet du politique. Le rejet de la politique comme souci, pour reprendre la formule de Boutang. Cette tendance était déjà latente dans le monde légitimiste du XIXe siècle. Nombre de royalistes ont enterré leurs espérances avec le noble prince qu'était le comte de Chambord. Le libéralisme réel ou supposé des princes d'Orléans de ce temps (1883) les y a puissamment aidés. Il faut le dire. D'où le désespoir politique pur et simple. D'où les rêveries survivantistes.  D'où le ralliement au noble Don Carlos (celui du roman de Pierre Benoit). Ralliement qui embarrassait passablement ce dernier, qui était probablement le légitime successeur à la couronne d'Espagne (contre les ancêtres de Louis-Alphonse). En ce sens, il est inexact de faire remonter les Blancs d'Espagne aux prétentions françaises du duc de Ségovie (grand-père de Louis-Alphonse). Elles remontent à la mort du comte de Chambord (1883). Don Carlos fut (en France) un prétendant intermittent. Après lui son fils, puis frère, pareillement. Et la petite cohorte des Blancs d'Espagne s'étiola progressivement.  Pendant ce temps, la grande majorité des légitimistes - du moins ceux qui, avant la lettre, considéraient que le désespoir en politique est une sottise absolue - s'étaient ralliés au comte de Paris de ce temps-là (1838-1894). Parmi eux, on comptait le comte de Mun (qui certes se rallia à la République à l'invitation du pape Léon XIII) et René de La Tour du Pin. Avec le pionnier du catholicisme social, ce royalisme-là (les Blancs d'Eu raillés par leurs adversaires) n'avait rien de l'orléanisme des banquiers de Juillet.  Ce légitimisme-là - le légitimisme politique et social (pas le légitimisme mondain ou crépusculaire) - se reconnut dans le royalisme de Charles Maurras et de l'Action française. Ce dernier renouvelait le corpus doctrinal, et s'adressait aux intelligences plus qu'aux fidélités. Pour les intelligences humaines, pour les hommes de bonne volonté, la monarchie capétienne devenait à nouveau crédible. Contrairement à ce que l'on a trop souvent écrit, elle ne détruisait pas le royalisme de fidélité, elle lui offrait au contraire une apologétique.  Lorsque le deuxième comte de Paris (1908-1999) fit le choix de la rupture avec l'Action française (1937), il se libéra sans doute (ce qui était compréhensible) des lisières qu'on voulait continuer à lui imposer. Il désorienta surtout les meilleurs de ses fidèles. Et le prince ouvrit à terme la voie à un improbable retour des Blancs d'Espagne. Combien d'entre les fidèles du duc de Ségovie ou du duc de Cadix furent en effet (avant tout ?) des déçus du comte de Paris, bien plus que des héritiers d'une réelle continuité politique depuis Don Carlos ? On pourrait citer des noms. Les querelles dynastiques qui minent le petit monde royaliste, mais aussi et surtout la cause monarchique, ont pour cause non seulement les pathologies d'un royalisme a-politique, mais aussi (il ne faut pas le cacher) les orientations aventureuses prises en son temps par un prince légitime. Saint-Priest - lundi 22 juin 2015  

    Les derniers commentaires ajoutés à ce débat m'ont intéressé. Spécialement ceux d'Henri et Saint-Priest qui connaissent la question. Il se confirme en effet que les partisans des princes espagnols ignorent presque totalement l'histoire des Bourbons d'Espagne. Le débat serait dérisoire - comme le pense Catoneo - si - comme le pense Anatole - l'idée monarchique n'avait pas un besoin absolu d'incarnation. Ce qui suppose de trancher la question en matière dynastique.  Bernard Jaquier - vendredi 19 juin 2015

  • SOCIETE • Les églises font partie de l'identité de la France !

     

    Par Mathieu Bock-Côté* 

    L'intellectuel québécois, Mathieu Bock-Côté réagit à la polémique sur l'avenir des églises qui seraient peu fréquentées par les fidèles. Comme toujours jusqu'à présent, nous apprécions la pertinence de son analyse.

    834753111.jpgVues de Montréal, où je vis, les controverses sur l'avenir d'églises catholiques qui seraient désertées par les fidèles ont l'immense mérite de poser directement une question qu'on a l'habitude d'esquiver ou de dissimuler derrière des considérations plus générales : celle des liens intimes entre l'identité de la France et son héritage chrétien. Cette question heurte de plein fouet ceux qui voudraient faire commencer la France en 1789 et qui ne lui connaissent qu'une identité républicaine. Elle oblige à reconnaître l'histoire et la mémoire sans lesquelles les sociétés sont condamnées à l'apesanteur.

    On sait comment la question est apparue publiquement. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, y est allé d'une proposition faussement candide : puisque des églises sont vides, pourquoi ne pas les confier aux musulmans en manque de mosquées? Une religion en vaut bien une autre. D'ailleurs ne prient-ils pas le même Dieu ?

    Sauf que c'est faire preuve ici d'un immense relativisme qui confirme le penchant postmoderne pour l'interchangeabilité de toutes choses. « Un temple est un temple : qu'importe qui on y priera », entend-on dans les cénacles parisiens. « Dans la mesure où l'État est indifférent aux religions, il ne distingue pas entre elles, pourquoi faudrait-il s'inquiéter de ce transfert d'appartenance ? », estime-t-on à Saint-Germain-des-Prés.

    Alain Finkielkraut a encore une fois trouvé les bons mots en rétorquant que ce raisonnement confortait la crainte récurrente d'une « submersion culturelle ». Le transfert massif des lieux de culte confirmerait une mutation radicale de l'identité française. Elle serait vécue comme un mélange d'agression et de dépossession.

    Il est évidemment légitime que les musulmans jouissent, en France, d'une égalité totale en matière de liberté de conscience et de culte. Toutefois, au plan symbolique, et quoi qu'on en pense, l'islam ne saurait prétendre au même statut en France que le catholicisme. L'islam est d'implantation récente dans ce pays alors que le catholicisme a façonné la France dans ses profondeurs les plus intimes. C'est un simple fait qu'il ne devrait pas être scandaleux de rappeler.

    Ce constat semble inacceptable pour l'égalitarisme multiculturel à la mode, qui assimile la reconnaissance du poids de l'histoire à une intolérable exclusion des nouveaux arrivés. Dans un monde remis à zéro, devant tout à l'utopie diversitaire, le passé serait dépouillé de ses privilèges. Une proposition revient souvent en France : il faudrait permettre à chaque confession d'avoir son jour férié au calendrier. Ou reconnaître un jour férié musulman valable pour l'ensemble des Français. On confirmerait ainsi l'inscription positive de l'islam dans la culture française.

    Il est pourtant permis d'y voir autre chose : le refus de se plier aux mœurs françaises et aux repères identitaires de la société d'accueil. Ne demandait-on pas traditionnellement aux étrangers de respecter les us et coutumes de leurs hôtes ? La vocation de l'immigré est de prendre le pli de la société qui l'accueille. Nul ne lui demande de sacrifier ses croyances intimes, mais elles ne s'inscriront pas socialement de la même manière que dans son pays d'origine. La courtoisie voudrait même qu'on ne cherche pas à les imposer aux autres. La religion chrétienne est un marqueur de la civilisation occidentale. Les musulmans qui vivent dans les sociétés occidentales devraient savoir qu'ils sont dans des pays se définissant d'une manière ou d'une autre par leur identité chrétienne, et l'accepter. 

    On a hurlé au populisme, il y a quelques années, quand les Suisses ont voté en faveur de l'interdiction de nouveaux minarets dans leur pays. On a voulu y voir le symptôme d'une crispation identitaire ou, pire encore, d'une poussée xénophobe et islamophobe rappelant, comme il se doit, « les heures les plus sombres de l'histoire ». Le refrain est connu. Le référendum suisse exprimait pourtant autre chose : un pays n'est pas qu'une entité administratrice et juridique seulement définie par son adhésion aux droits de l'homme. Un pays, c'est aussi des paysages, une physionomie culturelle, une mémoire inscrite dans mille lieux. Une identité, pour le dire ainsi.

    Il est légitime de vouloir conserver l'héritage historique d'un pays, de rappeler son droit à la continuité. La votation suisse annonçait un réinvestissement existentiel du politique. L'État n'a pas seulement pour vocation d'administrer tranquillement, de manière gestionnaire, une société à la petite semaine. Dans les périodes de crise, quand l'histoire redevient houleuse,et c'est certainement le cas aujourd'hui, la puissance publique doit se porter à la défense des fondements de son pays, de sa part sacrée, qui ne saurait être altérée sans qu'il ne soit mortellement blessé. On pourrait dire qu'en renouant avec sa part chrétienne, la France assume une part refoulée de son identité civilisationnelle.

    La question n'est pas seulement politique. Une France qui se couperait de son héritage chrétien se condamnerait probablement à l'assèchement spirituel. Qu'on le veuille ou non, c'est essentiellement à travers la médiation du catholicisme que la France s'est interrogée, au fil des siècles, sur les questions éternelles. Le catholicisme, à travers son héritage architectural et culturel, connecte la France à la part la plus intime et charnelle de son identité. On voudrait aujourd'hui disqualifier moralement ce désir d'enracinement. Mais le patriotisme n'est pas une forme de maladie mentale.  • 

     

    * Mathieu Bock-Côté est sociologue. Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels « Exercices politiques » (VLB, 2013), « Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois » (Boréal, 2012) et «L a dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire » (Boréal, 2007).

     

    Mathieu Bock-Côté  FIGAROVOX

     

  • Alain de Benoist : « Avec la postmodernité, l’individualisme se mue en égocentrisme narcissique… »

    Les fameux selfies offrent le plus spectaculaire échantillon du narcissisme. Ici, à Vilnius (Lituanie), le 1er août. AFP PHOTO / PETRAS MALUKAS

    C'est un tableau très exact et très complet de la société et de l'homme postmodernes que brosse ici Alain de Benoist. Il en résulte que cette sorte de révolution liquide à laquelle nous sommes confrontés ou affrontés dépasse largement le strict terrain du politique et que pour l'inverser ou la supplanter, il faudra bien plus qu'une transformation institutionnelle ou politique. Sans-doute y faudra-t-il cette métanoïa éthique, anthropologique et, bien-sûr, politique que Pierre Boutang - et André Malraux - évoquaient en leur temps.  LFAR

     

    1530443371.jpgModernité… Tous les médias n’ont plus que ce mot à la bouche. Il faut être moderne, nous dit-on, « parce qu’on n’arrête pas le progrès ». Au fait, ça veut dire quoi, la « modernité » ?

    La modernité est une des catégories fondamentales de la sociologie historique et de la politologie contemporaines. Étudiée par une multitude d’auteurs, elle va très au-delà de ce qu’on appelle en général la modernisation (industrielle et postindustrielle). Elle trouve ses racines à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, et s’épanouit à partir du XVIIe et surtout du XVIIIe siècle. Elle se caractérise par la montée des classes bourgeoises, qui imposent progressivement leurs valeurs au détriment des valeurs aristocratiques et des valeurs populaires, et par la naissance de l’individualisme.

    Sous l’influence de l’idéologie du progrès, rendue possible par l’essor des sciences et des techniques, s’affirme à l’époque moderne une confiance de principe dans les capacités de l’homme à gérer « rationnellement » son destin. Le passé et la tradition perdent dès lors leur légitimité, de même que les formes sociales d’appartenance traditionnelle et communautaire. L’hétéronomie par le passé est remplacée par l’hétéronomie par le futur, c’est-à-dire la croyance que demain sera nécessairement meilleur (les « lendemains qui chantent »). C’est l’époque où se déploient à la fois les philosophies du sujet et les grands systèmes historicistes, qui prétendent déceler un « sens de l’Histoire » assuré dont l’accomplissement mènerait le monde à son idéal. Sur le plan politique, le grand modèle est celui de l’État-nation, qui s’affirme au détriment des logiques féodale et impériale. Les frontières suffisent à garantir l’identité des collectivités, et servent de tremplin à des tentatives d’universalisation des valeurs occidentales, par le biais notamment de la colonisation. L’Église, de son côté, perd peu à peu le pouvoir de contrôle de la société globale qu’elle possédait autrefois.

    Mais cette modernité, on y est toujours ou on en est sortis ? Quid de la « postmodernité » ?

    La postmodernité ne s’oppose pas à la modernité, mais la dépasse tout en la prolongeant sur certains plans (on parle alors d’« ultra-modernité » ou encore d’« hypermodernité », au sens où l’on parle aussi d’hyperterrorisme, d’hyperpuissance, d’hypermarchés, etc.). Son avènement, à partir des années 1980, s’explique par le désenchantement du monde engendré par la désagrégation des « grands récits » historicistes, elle-même consécutive à l’effondrement des dogmes religieux et à l’échec des utopies révolutionnaires du XXe siècle.

    Dans le monde postmoderne, on assiste à une dissolution généralisée des repères traditionnels, qui entraîne une fragmentation, voire une atomisation de la société civile, en même temps qu’une fragilisation des identités individuelles et collectives, elle-même génératrice de comportements anxiogènes et de poussées de « phobies » paniques. L’individualisme se mue en égocentrisme narcissique, tandis que les rapports humains extra-familiaux se réduisent à la concurrence ou à la compétition régulée par le contrat juridique et l’échange marchand. L’hédonisme s’appuie sur la consommation de masse (on consomme d’abord pour se faire plaisir plutôt que pour rivaliser avec autrui) pour viser avant tout au bien-être et à l’épanouissement personnel. Les disciplines contraignantes et les normes prescriptives s’effondrent, l’autorité sous toutes ses formes est discréditée, et l’art s’émancipe des règles de l’esthétique. On assiste aussi à un éclatement des cadres temporels, qui se traduit par le culte du présent au détriment de toute volonté de transmettre. Sur le plan politique, la gouvernance se ramène de plus en plus à la gestion, l’État-nation est débordé par le haut (emprises planétaires) et par le bas (renaissance des communautés locales), et les frontières ne garantissent plus rien.

    La postmodernité correspond à ce monde « liquide » théorisé par Zygmunt Bauman, où tout ce qui était durable et solide semble se désagréger ou se liquéfier. C’est un monde de flux et de reflux, un monde de mouvances migratoires néo-nomades, caractérisé par le désinstitutionnalisation et la déterritorialisation des problématiques. Sous l’effet d’une logique économique qui a balayé tout idéal de permanence s’instaure le règne de l’éphémère et du transitoire, dans la production et la consommation des objets, tout comme dans les comportements, comme en témoignent la fin des engagements politiques de type sacerdotal, la désaffection des églises, des syndicats et des partis. La foi religieuse est privatisée, on se compose des croyances à la carte, et tous les modes de vie deviennent socialement légitimes. La vogue de l’idéologie des droits de l’homme et la croyance au pouvoir régulateur du marché se conjuguent pour légitimer la promotion des droits et l’affirmation de la « liberté des choix », tandis que l’explosion de la logique du marché entraîne la commercialisation de tous les modes de vie. Deux mots anglo-saxons résument bien cette tendance générale : le « selfie » et le « zapping », autrement dit l’obsession de soi et la volatilité des comportements, qu’ils soient électoraux ou amoureux.

    Avec l’actuelle réforme de l’école, l’éternelle querelle entre les « Anciens » et les « Modernes » reprend du poil de la bête. L’enseignement du grec et du latin, c’est moderne, postmoderne ou archaïque ?

    Ce n’est rien de tout cela. Car le grec et le latin, tout comme ce qui est de l’ordre de la culture authentique, ne sont ni d’hier ni de demain, mais de toujours ! 

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    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier - Boulevard Voltaire

     

  • Gaultier Bès : « On ne peut pas tout faire, tout manipuler »

     

    BEs.jpgAgrégé de Lettres modernes, professeur dans un lycée de la grande banlieue parisienne, Gautier Bès de Berc a été un des principaux initiateurs du mouvement des Veilleurs né de la contestation de la loi Taubira. En juin 2014, avec Marianne Durano et Axel Rokvam, il publiait Nos limites (Le Centurion, 3,90 euros), un court traité d’écologie intégrale.

    Loin du « jouir sans entraves » soixante-huitard, vous appelez au respect des « limites ». Quelles sont ces limites ?

    A l’origine du mouvement des Veilleurs, il y a la loi Taubira et une prise de conscience de l’importance d’un certain nombre de questions : qu’est-ce que la famille ? Qu’est-ce que donner la vie ? Qu’est-ce que la filiation ? Or, les réponses à ces questions ne peuvent être uniquement motivées par des références à un système de « valeurs » qui opposerait artificiellement « conservateurs » et « progressistes ». Façon trop commode de les relativiser ! Il s’agit en fait de discerner ce qui relève de la créativité humaine et ce qui doit la restreindre. Quel est le point d’équilibre entre le désir des individus et la réalité de la nature ? à la réflexion, il apparaît qu’on ne peut pas tout faire, ni tout manipuler. Pas tant parce qu’il faudrait des limites au nom de je ne sais quel impératif moral. Mais tout simplement parce que, l’homme étant de et dans la nature, il ne peut s’en affranchir.

    Ces limites dessinent une forme « d’écologie intégrale ». Pouvez-vous la définir en quelques mots ?

    En menant cette réflexion jusqu’à son terme, on en arrive au point de rencontre entre les différents aspects de la vie humaine dans son milieu naturel, social, politique… L’écologie intégrale, c’est ce qui relie écologie humaine et écologie environnementale. En tant que chrétien, j’y ajoute une dimension spirituelle. Cette idée de tout développer dans son intégralité est d’ailleurs très présente dans l’église depuis Paul VI. Dans son encyclique Laudato si’, François utilise l’expression pour inciter à retrouver un rapport sain à la création et à participer au projet divin de l’homme comme gardien de la création.

    On est loin des tentatives d’émanciper l’homme par la science et la technique en quoi s’incarnent aujourd’hui le projet progressiste…

    Sachons faire les distinctions qui s’imposent. « Le » progrès est une aberration philosophique, un dévoiement de l’idée chrétienne du salut. Pour autant, je crois « aux » progrès. En soi, la question de la technique n’a d’ailleurs pas de consistance. C’est quand elle devient une religion, quand elle cesse d’être mise au service de l’homme pour devenir le centre de sa pensée et de ses activités, comme dans le transhumanisme par exemple, qu’elle est dangereuse. Cette critique, celle du technicisme, que l’on trouve déjà chez Bernanos, est au cœur de l’encyclique Laudato si’. Le pape rappelle notamment que l’innovation technique n’est pas neutre puisqu’elle change le monde dans lequel elle est introduite. C’est la technique qui doit être mise au service de l’homme et pas l’inverse.

    S’opposer au saccage de nos écosystèmes, c’est, dites-vous, faire le choix de la sobriété. L’avenir est-il à la décroissance ?

    La sobriété est avant tout un choix de vie personnel qui consiste à adopter un comportement réflexif et non pas impulsif. Mais, au-delà du comportement individuel, par quoi néanmoins tout commence, se pose de façon de plus en plus urgente la question politique de notre modèle économique. La décroissance n’est pas un absolu. Elle ne s’oppose pas à l’activité économique en elle-même mais à la production considérée comme une fin en soi. C’est pourquoi les théories malthusiennes développées par certains décroissants sont absurdes, car nous produisons largement de quoi nourrir les 7 milliards d’habitants de la planète. Mais 30 à 40 % de la nourriture produite est détruite ! Ainsi, notre modèle productiviste, fondé sur la « maximalisation du gain », comme le dit le pape François, non seulement détruit les capacités de la terre à régénérer ses ressources, à conserver ses équilibres et à maintenir sa biodiversité, mais, en plus, ne répond pas aux besoins élémentaires de l’humanité.

    Par sa charge négative, le mot « décroissance » exprime bien l’urgence que pose ces problèmes de répartition et de gaspillage et la nécessité d’une réorientation radicale d’un « modèle » de développement qui dévaste les ressources naturelles et les équilibres culturels. Ici, il faudrait également parler de ce qu’Hervé Juvin appelle « l’écologie des civilisations » : la nécessaire préservation de la diversité des cultures du monde mise à mal par une globalisation apatride, destructrice des identités. Au fond, l’idéologie progressiste du métissage, que l’on tente d’imposer au forceps, est profondément anti-écologique. 

    Entretien avec Jean-Baptiste d'Albaret - Politique magazine

     

  • Le roi d’Arabie saoudite récidive à Vallauris : il ne veut pas de CRS femmes ... De quoi vous rendre (presque) républicain !

    Le roi d'Arabie saoudite, ici en compagnie de François Hollande. Photo © AFP

    Alors que la colère gronde parmi les habitants de Vallauris, excédés par les facilités accordées au roi d’Arabie saoudite, en vacances en France, c'est  Marianne qui révèle comment ce dernier ne veut pas de présence policière féminine :

    280px-MARIANNE_LOGO.png« Le roi Salmane d'Arabie saoudite veut pouvoir se baigner en sécurité sur la petite plage privée qui borde sa vaste villa de Vallauris, mais il n'est pas question qu'une femme assiste au spectacle de ses hommes barbotant en maillot de bain dans les eaux claires de la Méditerannée. Il a ainsi envoyé un émissaire, lundi 27 juillet, auprès d'un CRS un peu trop féminin à son goût.

    Le message était limpide : pour bien faire, on souhaitait qu'elle soit écartée du dispositif qui mobilise une demi-compagnie de CRS, en l'occurrence la CRS n°3. A l'extrême limite, elle pouvait continuer à surveiller la villa si elle le souhaitait, mais elle devait s'éloigner de la plage à l'heure du bain. Evidemment, le message du roi n'a laissé aucune trace écrite, mais la fonctionnaire a plutôt mal pris cette immixtion dans sa sphère professionnelle. Elle s'en est plaint auprès de ses supérieurs qui, à leur tour, effrayés à l'idée de la tournure que pouvait prendre cette histoire après l'affaire des maillots de bains de Reims, ont insisté pour que tout cela reste off.

    L'incident n'en est pas moins remonté jusqu'à la Place Beauvau, où l'on peut toujours se consoler en se disant que certaines compagnies de CRS comportent jusqu'à une dizaine de femmes, ce qui n'est pas le cas de celle-ci. Pour le reste, décision a été prise de maintenir la « coupable » dans le dispositif mis en place aux abords de la villa le mieux surveillée de France. Le plus laïquement possible. » 

     

  • LA FIFA, MIROIR DE NOTRE MONDE, par Georges-Henri Soutou, de l'Institut

    L'ex-tout-puissant président de la Fifa, Sepp Blatter.

     

    Nous vivons dans un monde de plus en plus judiciarisé dans lequel le droit anglo-saxon et la justice américaine s'imposent de plus en plus ' comme des normes universelles. C'est la principale leçon du « fifagate », cette crise qui secoue la Fédération Internationale de Football.

    La crise de la Fifa résume notre monde, beaucoup plus qu'on ne l'imagine et au-delà du côté anecdotique de la crise actuelle. Tout d'abord, constatons que l'on a affaire, avec le football, à une véritable religion, la seule véritablement universelle. Le scandale n'est pas seulement une affaire de corruption, mais il est perçu dans l'opinion comme un sacrilège, comme un crime simoniaque. D'où son retentissement et le danger que l'indignation moralisante l'emporte sur l'analyse d'une très intéressante organisation.

    La Fifa réunit 209 fédérations nationales, regroupées en six confédérations continentales. Elle comporte un ensemble de conseils, de secrétariats, de commissions et d'organismes divers. De ce point de vue, sa structure n'est comparable qu'à l'Onu. Elle représente l'un des aspects de la réalité internationale, toujours fondée, quoi qu'on veuille, sur les Etats-nations et leurs émanations. 

    En effet, dans ce système, toutes les fédérations pèsent le même poids en matière de votes : comme beaucoup sont minuscules et dépendent entièrement des subventions de la Fifa, il est tentant pour les dirigeants de celle-ci de se faire élire - ou réélire - en se constituant une majorité à coups de largesses... En d'autres termes : grâce à des subventions parfaitement autorisées et assumées par le système. C'est un processus électoral de type démocratique bien connu. Laissons de côté le problème d'éventuels faits de corruption. Dans l'absolu, ne faut-il pas préférer des actes individuels de corruption illégale à un système généralisé de corruption institutionnelle ?

    Bien entendu, une élection à telle ou telle instance de la Fifa comporte toute une série d'avantages personnels et de carrière, parfaitement statutaires, que l'on retrouve dans toutes les grandes organisations internationales. On en pense ce que l'on veut, mais il n'y a là rien d'illégal. Le problème commence ensuite, quand il s'agit de décider où se tiendra la prochaine coupe du monde, comment les droits télévisés seront répartis, etc. Avec un revenu de plus de cinq milliards d'euros pour la période 2011-2014, provenant des grandes sociétés sponsorisant la Fifa et de la vente des droits de retransmission, on comprend l'importance des enjeux. Or, en 2010, le comité exécutif a pris une série de décisions qui ont étonné : il a attribué d'un coup l'organisation des deux coupes du monde de 2018 et 2022, ce qui déroge à la procédure habituelle. Si la coupe de 2018 revient à la Russie, ce qui peut se justifier, celle de 2022 aura lieu au Qatar. Un choix des plus surpgenants : ce micro-État est peu important du point de vue footballistique. Pire, le climat y interdit des matchs l'été, obligeant de les organiser en hiver. Conséquence directe : le calendrier des rencontres des pays membres s'en trouvera totalement bouleversé. Ce sont les soupçons de corruption suscités par cette double décision qui vont déclencher l'avalanche judiciaire que l'on connaît.

    PAS DE CONSEIL DE SÉCURITÉ À LA FIFA

    S'il n'est pas utile d'ajouter de commentaires sur l'enquête en elle-même, il faut souligner que l'Onu, fort critiquée et souvent critiquable, possède une supériorité sur la Fifa : l'existence du Conseil de sécurité et de ses membres permanents. Il s'agit là de puissances efficientes, aux responsabilités mondiales, qui se tiennent au-dessus des jeux de pression et d'influence, qu'ils soient internes ou externes. Certes, le droit de veto des membres permanents bloque souvent le système, mais ceux qui préconisent de le supprimer ou de le limiter accorderaient du coup plus de pouvoir à l'ensemble fort composite des pays membres de l'Onu, ce qui risquerait de conduire exactement à la même crise que celle de la Fifa. Voilà pourquoi cette dernière nous en dit tant sur l'évolution d'un monde pris entre mondialisation et résilience de l'État-nation.

    Par ailleurs, dans ce que les médias ont appelé le « fifagate », le coup d'envoi est venu du ministère de la Justice américain, qui s'attribue de plus en plus une compétence universelle. C'est à sa demande qu'ont été interpellées quatorze personnes à Zurich, deux jours avant la réélection du président de la Fifa, Sepp Blatter. Sans compter l'ouverture d'autres instructions frappant des dirigeants importants. Tout l'objet de l'enquête est de déterminer les modalités de l'attribution des coupes du monde de 2018 et 2022. Les procédures, qui ne respectent pas, semble-il, les droits de la défense ont fait l'objet de critiques. Retenons deux choses : l'un des membres de la commission d'éthique de la Fifa est l'ancien procureur général de New York... et sa femme est employée par le FBI ! Au-delà de l'anecdote, on constate surtout que des crimes de la seconde guerre mondiale au secret bancaire suisse et aux opérations des banques étrangères, la justice américaine, derrière des prétextes juridiques spécieux et maniant la menace de rétorsions économiques (interdiction d'exercer aux États-Unis, refus d'autoriser de se porter candidat à certains marchés publics, etc.) se constitue en instance juridique mondiale. 

    Dans cette affaire, personne n'est forcé de partager le soupçon immédiatement exprimé par le président Poutine : les États-Unis auraient déclenché l'affaire pour remettre en cause l'attribution de la coupe du monde de 2018 à la Russie...

    EXTENSION DE L'INTERVENTIONNISME AMÉRICAIN

    Mais il ne se trouve aucune obligation non plus de partager la satisfaction béate de ceux qui pensent que seuls les États-Unis sont capables d'apporter un peu d'ordre et de justice dans la jungle mondiale, argument majeur distillé lors de cette crise de la Fifa. Cette question de l'extension à l'étranger de l'action de la justice américaine est pourtant capitale, quoique peu perçue ou passée sous silence. Le scandale de la Fifa rejoint ici la question de l'Accord de Partenariat transatlantique, en cours de négociation entre les États-Unis et la Commission de Bruxelles. En effet, si le traité est conclu, les acteurs économiques deviendraient indépendants des États et même de la Commission : toute modification ultérieure de l'accord pourrait être attaquée par eux devant les tribunaux. Ceux-ci et, au premier rang bien sûr, les tribunaux américains - rappelons qu'il existe un seul système judiciaire américain, contre 28 en Europe : tout le monde introduirait son affaire aux États-Unis... - deviendraient l'instance de régulation essentielle d'un commerce transatlantique devenu, comme tant de secteurs de la vie occidentale, complètement judiciarisé et selon les normes juridiques américaines, fort différentes de celles de l'Europe. La question de la crise de la Fifa nous entraîne ainsi bien au-delà de son objet immédiat...

     

    Georges-Henri Soutou  - Politique magazine

     

  • Plage privée : l'égalité pour tous... jusqu'au roi d'Arabie saoudite ? Juste réaction de Philippe Bilger

     

    Le roi d'Arabie saoudite a fait interdire l'accès à la plage publique, qui borde sa propriété de Vallauris, pour son usage personnel. Pour Philippe Bilger, l'Etat qui est censé défendre le principe d'égalité, ne remplit pas sa mission. Mais en défend-il autre chose que le principe ? On sait aujourd'hui comment une soi-disant élite de politiciens et de copains occupe les palais de la République, d'ailleurs hérités de l'Ancien Régime, et s'en partage les privilèges. Quant à la monarchie saoudienne, décadente et corrompue, le moins que l'on puisse en dire est qu'elle n'honore pas l'institution. L'Arabie Saoudite est-elle notre alliée face aux islamistes ? Il y a toutes les raisons d'en douter. LFAR  

      

    6830bcccdd66568bec1c72c800487f2b lfar.jpgLes Français ont coupé la tête de leur roi, la gauche cherche à nous persuader que la France a commencé en 1789, l'exigence d'égalité est mise à toutes les sauces, même les plus inappropriées, comme avec la loi sur le mariage pour tous, mais la Préfecture des Alpes-Maritimes autorise le roi d'Arabie saoudite, accompagné par mille personnes environ, à privatiser une plage publique à Vallauris, à construire un ascenseur et un escalier, bref à se constituer jusqu'au 20 août son petit royaume personnel en France.

    Au grand dam de beaucoup puisqu'une pétition circule qui a recueilli actuellement plus de cent mille signatures.

    Ce qui est frappant est de devoir constater à quel point notre République - je n'imagine pas que le Préfet ait accepté ces importantes dérogations à l'usage de l'espace public sans en référer au plus haut niveau du Pouvoir - est prête à tous les accommodements dès lors que la sûreté de l'Etat, même s'il est étranger, est en cause et que des intérêts économiques viennent ajouter leur poids à l'urbanité convenue des relations internationales.

    On a beau comprendre les motifs de cette «privatisation» et l'emprise, sur notre démocratie bien faraude dans ses principes mais plus frileuse dans son expression, de cet équipage impressionnant venant offrir ses biens, son luxe et ses appétences à une région déjà tout émoustillée par les profits à venir, reste qu'on aurait espéré un arbitrage moins vulgaire et une tolérance moins lâchement affichée. 

    Parce que tout sera démonté le 20 août et que la France recouvrera alors cette partie infime, mais confisquée, de son territoire, il n'y aurait rien à dire et les protestations multiples, partisanes, démagogiques ou sincères, ne seraient pas de mise. Silence obligatoire dans les rangs de la communauté nationale!

    Pour ma part, je crois l'inverse. Je regrette que cette aspiration à une égalité, parfois si stérilisante et dévoyée quand elle prétend brider la nature ou la liberté, ne se soit pas émue de cette séquence mais l'ait validée comme si elle allait de soi.

    Sans anticiper une seconde l'indignation d'une multitude de citoyens de bonne foi convaincus, avant d'être désabusés, que l'égalité dans notre pays n'était pas un vain mot mais une réalité charnelle et une règle, sans exceptions choquantes.

    Cette gauche, en définitive, est bien plus traditionnelle qu'elle l'affirme.

    Elle s'abandonne trop vite à cette périphérie abusive que tout pouvoir sécrète si on n'y prend pas garde, se vautre, avec complaisance, sans résister, dans ces indécences quotidiennes, royales ou non. Gauche et droite ne se distinguent pas par la pureté de l'une et le réalisme de l'autre mais s'accordent au contraire sur ce terreau que l'Etat a droit à des privautés et que, si le citoyen n'est pas content, il n'a qu'à ne pas rêver.

    Cette égalité, seulement jusqu'au roi d'Arabie Saoudite, constituera une pierre de plus à jeter dans le jardin de François Hollande et de ceux qui le soutiennent moins pour ce qu'il accomplit ou a trahi que pour ce qu'ils craignent.

    La France est schizophrène. 

     

    Philippe Bilger est magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole. Son dernier livre Ordre et Désordres vient de paraître aux éditions Le Passeur. Retrouvez-le sur son blog Justice au singulier.

     

  • Chômage : l'embellie, ils peuvent toujours l'attedre ...

     

    Voici, ce que dit la presse le 27 juillet au soir :

    Triste record. Il n’y a jamais eu autant de chômeurs en France. Les chiffres qui viennent d’être publiés sont catastrophiques : la France comptait en mai dernier 3,55 millions de chômeurs sans activité. Pour le mois de juin, il y a 1.300 demandeurs d'emploi supplémentaires.

    Situation au mois de mai

    Les résultats qui ont été publiés par le gouvernement au mois de mai étaient catastrophiques. La France comptait 16.200 demandeurs d'emploi supplémentaires, soit une augmentation de +0.5% d'après les calculs du gouvernement par rapport au mois d’avril.

    Au total, le nombre de chômeurs en France s’élevait à plus de 3.55 millions (3.552.000). Soit une hausse de plus de 5% sur un an.

    Record au mois de juin

    Les résultats qui viennent d’être rendus publics s'inscrivent malheureusement dans la continuité des mois précédents. On recense pour le mois de juin 1.300 chômeurs supplémentaires. 

    Notre commentaire

    Dans un pays où les prélèvements obligatoires sont de 47%, les dépenses publiques de 57% du PIB, le service de la dette de plus de 40 milliards, le nombre de chômeurs de 3,55 millions en hausse constante, le déficit du commerce extérieur récurrent de l'ordre de 60 à 70 milliards, pour n'évoquer que les paramètres les plus généraux, il faut beaucoup  d'inconséquence pour espérer une reprise significative et durable de la croissance, la baisse du chômage, l'assainissement de nos comptes publics.

    Nous ne disons pas que ces objectifs sont, pour la France, inatteignables mais qu'il y faudrait des réformes de grande ampleur, des mesures fortes qui n'ont rien à voir avec ce que contenait la défunte boîte à outil de François Hollande. Réformes et mesures à quoi devrait se superposer une volonté politique à toute épreuve capable de mobiliser les forces vives du pays.

    Si attristant que ce puisse être, nous en sommes fort loin, nous semble-t-il.  Lafautearousseau   

     

  • Robert Ménard : « La gauche vit dans le cauchemar de la parole libérée »

     

    Robert Ménard a le double mérite de revendiquer la liberté de pensée - liberté aujourd'hui menacée - et de penser juste, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Il constate, ici, ce processus de perte de l'hégémonie intellectuelle et culturelle de la gauche française, que nous avons souvent évoqué nous-mêmes. Processus qui est encore loin d'être achevé comme Eric Zemmour le  signale à juste titre. Mais processus qui semble désormais inexorable.  LFAR 

    Robert Ménard, « l’affaire de la crèche de Béziers » revient sur le devant de la scène. La justice qui vous avait donné une première fois raison en référé vient à nouveau de débouter la Ligue des droits de l’homme, sur le fond, cette fois. C’est une grande victoire pour vous ? 

    Oui, une grande victoire, mais aussi une joie immense, et d’autant plus forte que nous redoutions un jugement défavorable. En effet, le rapporteur public avait donné raison à la Ligue des droits de l’homme et, très généralement, le tribunal suit ses recommandations.

    Les motivations du jugement sont particulièrement réjouissantes. D’abord, le tribunal admet qu’il n’est pas nécessaire de justifier d’une tradition locale pour mettre en place une crèche. Ensuite, il reconnaît que son installation en mairie, à partir du moment où elle s’inscrit dans un camp culturel, ne contrevient pas à l’article 28 de la loi de 1905. Le tribunal affirme aussi que la commune avait parfaitement le droit d’acheter des santons, qu’il ne s’agissait nullement du financement d’un projet cultuel. Bref, sur l’essentiel, le tribunal nous a suivi ou, plutôt, a refusé de suivre une argumentation sectaire qui tient davantage de la bigoterie laïque que de la défense de la laïcité.

    En tout état de cause, et même si la Ligue des droits de l’homme se pourvoit en appel, il y aura une crèche en mairie de Béziers à Noël 2015. Du reste, si le jugement nous avait été défavorable, nous aurions trouvé le moyen légal d’en installer une…

    C’est, si je ne me trompe pas, la cinquième fois que la Ligue des droits de l’homme fait chou blanc avec vous… 

    Oui, la Ligue ne se lasse pas de recevoir des fessées judiciaires. Elle a, à ce jour, outre le jugement dont nous venons de parler, perdu quatre référés. Nous menons donc 5 à zéro. De façon générale, la Ligue tente de faire annuler toutes nos décisions, que ce soit sur le conditionnement des aides sociales facultatives, l’interdiction des mineurs déambulant la nuit sans leurs parents, etc.

    Cet acharnement s’inscrit dans une volonté de harcèlement. La Ligue n’est que le bras (faiblement) armé sur le plan judiciaire d’un mouvement plus large rassemblant des partis et des syndicats de gauche. Rassemblés récemment dans le Var, ils en ont fait l’aveu public : déposer systématiquement des plaintes ou des recours contre les municipalités FN ou, comme dans le cas de Béziers, soutenues par le FN.

    Il s’agit d’une instrumentalisation de la justice qui, d’une certaine manière, rejoint la volonté de la gauche de criminaliser les propos ou les actes de tous ceux qui ne pensent pas comme elle.

    Mais, pour vos adversaires, le principal n’est-il pas d’avoir remporté la première manche médiatique, la deuxième manche – judiciaire, la plus importante pourtant – ne faisant l’objet d’aucun écho, ou presque, dans la presse ? 

    Je ne suis pas certain que nos adversaires aient gagné même cette première manche. À chaque fois, ils ont attaqué sur des sujets où, désormais, la majorité des Français est en accord avec nous. Au fond, la gauche n’est plus que sur la défensive. La réactionnaire, c’est elle. La conservatrice, qui essaye de conserver les « acquis » de Mai 68, c’est elle. Elle a peur de la révolution qui vient. La gauche vit dans le cauchemar de la parole libérée, de l’action libératrice, du retour de la vitalité et de la volonté. Alors, dans ce contexte qui apparaîtra ô combien historique aux historiens de l’avenir, qu’importe la Ligue des droits de l’homme, plus que centenaire, qu’importent les petites machinations médiatiques !   

     

    Robert Ménard 

    Maire de Béziers

    Ancien journaliste, fondateur de Reporters sans frontières et de Boulevard Voltaire

    Propos recueillis par Gabrielle Cluzel

     

  • Royaliste, Emmanuel Macron ? Ce qu'en pense Bertrand Renouvin

     

    Bertrand Renouvin a donné dans son blog une analyse pertinente des déclarations d'Emmanuel Macron. « Royaliste, Emmanuel Macron ? » Sa réponse n'est naturellement pas en tous points ce que serait la nôtre. Notamment sur quelques points d'histoire. Mais son commentaire est tout à fait intéressant pour qui persiste à croire - comme lui, sans doute, et comme nous - en un avenir du royalisme français. La conclusion de son billet est, au fond, une forme d'interrogation : « Il sera du plus haut intérêt d’observer comment Emmanuel Macron mettra sa carrière personnelle en accord avec ses conclusions politiques. » Mais n'est-ce pas là l'enfermer dans une sorte de gageure ? Pour réaliser cet accord entre ses conclusions politiques et sa carrière personnelle, sans-doute faudrait-il qu'il en sorte ... Mieux vaut, peut-être, faire confiance à l'avenir : qui nous dit quelles conséquences plus larges qu'elles n'ont aujourd'hui ces déclarations, cette réflexion, pourraient faire germer si les circonstances d'une hypothèse monarchique venaient à se créer, à se réunir ? Dans ce sens, en effet, Renouvin a raison : elles sont à prendre au sérieux. LFAR 

     

    Renouvin.jpgLes propos d’Emmanuel Macron sur « la figure du roi » suscitent maints commentaires narquois ou indignés. Elle est à prendre au sérieux. Emmanuel Macron dit fort justement que la démocratie ne se suffit pas à elle-même : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. »

    Un entretien accordé à la presse n’est pas aussi médité qu’un écrit théorique et je m’en voudrais de reprocher à Emmanuel Macron ses raccourcis. Sans doute reconnaîtrait-il sans difficulté que Napoléon n’a rien à voir avec de Gaulle pour cette simple raison que l’Empire n’a pas comblé ce qui manque à la démocratie mais s’est établi sur sa négation. Sans doute reconnaîtrait-il également que Louis XVIII et Louis-Philippe ont rempli leur fonction symbolique (incarner la nation, garantir paisiblement le lien social) en permettant l’institution progressive du régime parlementaire. Il aurait pu ajouter que le général de Gaulle comprenait si bien l’absence de roi qu’il souhaitait que le défunt comte de Paris puisse lui succéder à la présidence de la République dès lors que cette solution serait acceptée par le peuple souverain.

    Ces précisions ne diminuent en rien la force du propos d’Emmanuel Macron : en référence aux théorèmes d’incomplétude de Gödel*, il affirme que le système démocratique a besoin pour fonctionner d’un principe extérieur à lui-même : le thème du « roi absent » ne signale pas un royalisme de regret mais un point décisif de la logique politique qui porte à considérer la monarchie royale comme puissance instituante de la démocratie – ce qu’elle fut effectivement dans maintes nations européennes.

    Plus surprenant : la manière dont Emmanuel Macron actualise sa réflexion. Après avoir constaté que la démocratie française ne remplit pas l’espace, il poursuit : « On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu. » Bon lecteur de Pierre Rosanvallon, de Marcel Gauchet, de Jean-Pierre Dupuy, de Claude Lefort, le ministre de l’Economie et des Finances affirme donc que le président de la République n’existe pas. En d’autres termes, François Hollande, homme de chair et d’os, est un néant politique comme le fut Nicolas Sarkozy. Nous avons fait ce constat depuis belle lurette mais ce qui pouvait apparaître comme une impudence militante est aujourd’hui magistralement attesté.

    Il sera du plus haut intérêt d’observer comment Emmanuel Macron mettra sa carrière personnelle en accord avec ses conclusions politiques.

    * Une théorie qui permet de démontrer les théorèmes de base de l’arithmétique est nécessairement incomplète car elle utilise des énoncés ni démontrables, ni réfutables ; une théorie est cohérente si elle utilise des énoncés qui n’y sont pas démontrables. Gödel a fait l’objet de débats nourris dans les années quatre-vingt, auxquels participèrent Jean-Pierre Dupuy et Régis Debray.

    Le blog de Bertrand Renouvin

     

  • André Bercoff • Hollande, Le Foll : impuissance de l'action et misère de la parole

    Stéphane Le Foll parle. Il a le verbe et la dégaine d'un marchand de cravates sur la voie publique. Mais il parle ...

     

    Quand le bon sens, le style, la verve et la truculence, le franc parler se combinent cela donne un billet d'André Bercoff et quand il décide de peindre et moquer les mœurs des hommes du Système, cela fait mouche. 

    photo.jpgFace à la déferlante des barrages et des jets de fumier, du ras-le-bol de producteurs exaspérés engraissant des intermédiaires gavés, face à la colère qui monte et à un pouvoir débordé qui multiplie les mesures d'urgence pour améliorer une situation qu'il connaissait pourtant de longue date, il convient d'adopter le point de vue de Candide. Il faut, certes, cultiver son jardin, mais que faire quand celui-ci ne permet même pas à ses propriétaires de survivre en milieu rural ? On ne peut même plus en rester à la formule: « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons de les organiser » ; parce que, même là, on ne peut plus faire semblant.

    En ce domaine comme en tant d'autres, les gouvernants, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont trop souvent pratiqué le métier qu'ils connaissent le mieux: celui du jeu de bonneteau. Ni vu ni connu je t'embrouille. La poussière sous le tapis. Refilons la patate chaude aux successeurs et après moi le déluge. Immigration ? Insécurité ? Chômage ? Dette ? Fonction publique ? Agriculture ? Tant que la rue n'a pas bougé, la question ne sera posée que pour mieux l'enterrer. Circulez, il n'y a rien à voir: nous savons mieux que vous ce qui est bon pour vous et l'allons marteler sur toutes les caisses de résonance qui nous sont aussi vassales qu'obéissantes.

    Cet enfumage généralisé, considéré longtemps comme un des beaux-arts de la gouvernance, masque la dure réalité de l'effritement du pouvoir. Tout se passe en effet comme si les politiques, cernés par l'étroitesse croissante de leur marge de de manœuvre, assiégés vingt-quatre heures sur vingt-quatre par la Toile et les réseaux d'infos, sommés de s'expliquer dans l'écume de l'immédiateté, sont devenus les commentateurs bavards de leur propre inaction. Ils vont, de l'aube au crépuscule, salivant devant micros et caméras, donnant leur avis sur tout, et n'oubliant jamais de souligner que si, dans telle ou telle partie de l'Europe et du monde, une crise est résolue, c'est bien grâce à eux. S'il s'agit d'un échec, c'est bien sûr à cause des autres.

    D'où la crise de plus en plus aigüe des chansonniers et autres Guignols, remplacés avantageusement par ceux qu'ils brocardent. Quand le Roi devient bouffon, il ne reste à celui-ci qu'à s'inscrire à Pôle Emploi. Etrange et burlesque paysage où ceux qui sont censés faire le job, passent les trois-quarts de leur temps à l'expliquer plus ou moins heureusement.

    La solution ? Tout le monde la connaît : que ceux qui nous représentent travaillent en silence et ne s'expriment que quand l'action est accomplie. Que les journalistes n'oublient jamais leur esprit critique, et que passer son temps à essayer de faire prendre des vessies pour des lanternes et mettre entre parenthèses d'évidentes bombes à retardement, n'empêcheront jamais les explosions d'aujourd'hui et de demain. 

    André Bercoff 

    Dernier ouvrage paru : Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi  octobre 2014 chez First.

     

  • MEDIAS • Valeurs actuelles a raison mais la République des copains François Hollande ne l'a pas inventée ...

     

    Il est bien vrai que nous vivons sous une République de copains, que François Hollande n'a pas tenu sa promesse d'en renier les pratiques, encore moins d'instaurer cette République irréprochable qu'il avait fait miroiter; la réalité en est même l'exact contraire. 

    En présentant la dernière parution de Valeurs actuelles, dans la vidéo qui suit, Yves de Kerdrel a donc toutes sortes de justes raisons pour dénoncer « la République des copains ! ». « Nominations de complaisance, recasages discrets, en trois ans, le pouvoir socialiste a fait main basse sur l’État et satisfait l'appétit de ses courtisans ». 

    Que le niveau des copains ait baissé, soit. Il ne cesse de baisser depuis longtemps et descend quelques crans à chaque nouvelle mandature. Ce qui rend le dit copinage toujours plus criant et plus insupportable.

    Mais il serait un peu juste et tout à fait faux de laisser croire que ce système a été apporté par François Hollande; qu'il est le propre des socialistes; que leurs prédécesseurs en sont innocents. Et - pourquoi pas ? - leurs éventuels successeurs.

    La vérité est que, si tout Pouvoir instaure un certain niveau de copinage, la République aggrave grandement cette inclinaison naturelle parce que le Chef de l'Etat lui-même est issu d'un clan, qu'il en est l'émanation, qu'il lui doit en partie son élection, qu'il aura besoin de lui pour son éventuelle réélection et qu'il doit donc être, pour les hommes qui le composent, reconnaissant et généreux. Et, bien-sûr, ceci ne vaut pas que pour François Hollande et ses socialistes.

    On nous excusera de rappeler ces simplicités et cette évidence que la République est non pas accidentellement mais essentiellement un système de copinage; qu'elle l'est par nature, de fondation. Qu'elle l'a toujours été et le sera toujours, pour le temps qui lui reste à vivre. Pourvu que Dieu lui prête vie, comme on dit couramment et comme nous ne le souhaitons pas. Pas plus, par exemple, que Michel Houellebecq. 

    C'est qu'aucune autorité impartiale - au sens plein du terme - ne surplombe le système et n'y impose un minimum de retenue à la loi du copinage et un minimum de sens du bien commun.

    Tel est le vice de notre République et son incomplétude, ce qui renvoie aux déclarations d'Emmanuel Macron qui, en l'occurrence, va nettement plus loin et plus profond que le propos, pourtant fort juste et sympathique, d'Yves de Kerdrel. Pourquoi n'y réfléchirait-il pas ?  LFAR 

     

     (1min 36s)

     

  • SOCIETE • Affaire Saal : La faillite de la gauche culturelle, par Olivier d'Escombeau

     

    Dieu merci, il reste les livres. à la veille de la pause estivale, on aurait aimé donner des conseils de lecture et de quoi occuper l’esprit et le cœur à de saines nourritures. Hélas, l’actualité ne laisse guère de répit. Mieux encore, elle nous invite à la vigilance. Que la période qui s’ouvre soit propice à ressasser l’affaire Saal et ce qu’elle nous dit de la faillite de la gauche culturelle.

    Agnès Saal est cet administrateur civil au ministère de la Culture. Encore récemment chouchou du régime socialiste, elle occupait le poste très en vue de président de l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) au terme d’une carrière sans faute. Sur dénonciation, le conseil d’administration de cet établissement public industriel et commercial (Epic) prenait connaissance des dépenses de taxi somptuaires de son président. Plusieurs dizaines de milliers d’euros en quelques mois à peine ! L’affaire devenue publique, le ministre alerté, voici Agnès Saal poussée à la démission au terme d’un déchaînement de l’opinion publique sans précédent s’agissant d’un haut fonctionnaire. La polémique s’est encore amplifiée lors de la réintégration dans un poste en administration centrale, procédure normale et ne marquant pas un traitement de faveur, loin de là, mais un passage obligé avec le déclenchement de poursuites disciplinaires et – sans doute – pénales.

    Dans une affaire de ce genre, nous nous en voudrions de hurler avec les loups. Car elle possède nécessairement une dimension humaine, même si elle n’excuse pas tout et encore moins de tels écarts. En l’espèce, il est de notoriété que ce haut fonctionnaire était un bourreau de travail et que sa situation personnelle était – en raison du handicap d’un proche – très difficile. Mais cela n’explique pas pourquoi les moyens mis à son service pour l’exercice de ses fonctions par la collectivité aient pu être apparemment détournés et mobilisés à des fins privées.

    Ainsi, l’irrésistible ascension d’Agnès Saal est désormais arrêtée. Elle a commencé au milieu des années 80 à la sortie de l’ENA. La jeune fonctionnaire, dans la bonne moyenne de sa promotion, rejoint le ministère de la Culture comme chef de bureau. Un poste pas très glamour, il est vrai, car les comptables sont rarement bien vus au pays des saltimbanques. Une volonté de fer, l’envie dévorante de parvenir et sa carrière s’accélère véritablement après avoir été membre de deux cabinets ministériels socialistes. La voilà placée au poste de n°2 du plus grand établissement culturel.

    Des amis et beaucoup d’ennemis

    Après avoir passé au chaud les longues années où la droite est au pouvoir, les plus grandes espérances se forment pour elle. Elle est annoncée comme directrice de cabinet du ministre de la Culture de François Hollande, Aurélie Filipetti. Hélas, à la dernière minute, le château impose une autre femme, plus jeune, plus introduite. Agnès Saal n’a pas que des amis à gauche. La vieille mitterrandie, en la personne d’un Jean-Noël Jeanneney, la soutient. Mais le temps a passé, une nouvelle génération monte. Des amis, Agnès Saal en a aussi à droite. Barrée des listes de la légion d’honneur où l’administration complaisante l’avait glissée (« depuis quand décore-t-on les socialistes ? » aurait glissé un conseiller outré), elle voit son nom rétabli par l’Elysée chiraquienne !

    Numéro deux, elle le restera pendant dix ans avant de devenir, enfin, la première à l’Ina. Les brillants seconds ne font pas toujours d’excellents premiers. Et c’est peut-être ce sentiment de liberté éprouvé tout à coup, la solitude aussi qu’implique une position de pouvoir aussi haut placée, qui peut expliquer ce naufrage. « Tomber pour ce motif, c’est affreux », chuchote-t-on en haut lieu. Tout un symbole, en effet. 

  • Face à la crise agricole, le point de vue de Jean-Philippe Chauvin

     

    Comme nous l'avons fait nous-mêmes ces jours derniers, Philippe Chauvin ne se contente pas de demander pour nos agriculteurs et éleveurs quelques mesures immédiates de sauvetage. Le monde agricole français se meurt de cette succession d'aides étatiques ou européennes dont il est comme drogué. Comme nous, Philippe Chauvin veut que l'on aille au fond des choses. Et le fond des choses, c'est la remise en cause d'un certain nombre de fondements idéologiques de l'économie contemporaine : le libre-échangisme systématique, la concurrence par le binôme infernal baisse des prix / baisse de la qualité, concurrence par le bas qui appauvrit, massifie, disqualifie, et encore le consumérisme, la financiarisation, de la filière agro-alimentaire notamment. Or la critique est particulièrement fondée en matière alimentaire et agricole qui touche à l'existence même de la France charnelle. Aussi bien, d'ailleurs, que d'autres pays, notamment européens. Refaire une agriculture française, reconstituer une population agricole nombreuse, productive - avant tout de qualité - et aisée : cela suppose que cette critique de fond soit menée.  LFAR  

     

    arton8470-7b8cd.jpgLe monde agricole est à nouveau en crise : en fait, il n'a jamais cessé de l'être depuis ces dernières décennies, et la baisse régulière, dramatique en fait mais révélatrice, du nombre d'exploitations agricoles en France (comme en Europe), en administre la preuve la plus visible tout comme la disparition de la présence paysanne dans les campagnes, de plus en plus désertifiées dans celles qui, néanmoins, gardent une vocation d'abord agricole. En même temps, le chômage qui touche les zones rurales entraîne le départ des populations les plus jeunes vers les villes ou leurs périphéries, ce qui accentue encore ce mouvement de désertification. 

    Aujourd'hui, c'est la question des prix de la viande et du lait qui jette les éleveurs dans la rue, ou plutôt sur les routes. Mais, au-delà, c'est ce sombre désespoir et cette peur de mourir qui animent la colère des éleveurs, victimes d'un système absurde et mortifère pour les plus faibles, ce système agroalimentaire mondialisé et libéralisé qui privilégie l'argent et la manipulation des cours et des prix plutôt que le labeur et la peine des hommes : est-il normal que des agriculteurs qui travaillent parfois plus de 70 heures par semaine soient réduits à mendier des subventions et ne puissent pas vivre des produits de leur ferme ? 

    Surprise par la vivacité d'un mouvement qui embrase tout l'Ouest et bien au-delà, le gouvernement de la République cherche d'abord à éteindre l'incendie mais il avoue vite son impuissance devant des règles économiques qui le dépassent et dont il ne peut pas se déprendre, prisonnier d'une Union européenne trop libérale pour être favorable aux travailleurs de la ferme et d'une société de consommation qui privilégie toujours le bas coût et le court terme à la qualité, autant des produits que de la vie des campagnes et de ses bras. La grande distribution n'a guère de sentiment quand il s'agit de faire des affaires (à quelques exceptions près, certains directeurs de magasins privilégiant des produits locaux et des producteurs proches), et elle favorise des méthodes de production indignes de notre civilisation et du nécessaire respect autant de la nature que des hommes ! 

    Quand j'entends un éditorialiste télévisuel déclarer qu'il faut « moderniser l'agriculture française », je bondis ! Car, après tout, n'est-ce pas ce que l'on a fait depuis les années 1950, pour le meilleur mais aussi (et au final, surtout...) pour le pire ? Et il faudrait continuer sur cette voie d'une agriculture qui, désormais, sacrifie les agriculteurs aux profits de quelques grandes sociétés, et qui ne voit la nature que comme une source de revenus financiers alors qu'elle est d'abord nourricière, vivante mais aussi fragile et digne d'être respectée, aimée et non violée ! 

    Alors, quelles solutions à la crise actuelle ? Certes, des mesures conjoncturelles sont nécessaires, tout d'abord, pour éviter le drame d'une faillite massive d'exploitations agricoles en France et, à terme, le déclassement de l'agriculture française : des aides financières, des hausses de prix agricoles et des remises de dettes et de charges, entre autres. Mais il faut surtout repenser rapidement et sûrement l'agriculture en France, pour éviter d'autres crises et redonner à ce secteur du souffle tout en le pérennisant : un néocolbertisme agricole est possible en France, pratiqué par un État qui doit permettre aux agriculteurs de vivre de leur métier tout en produisant en quantité et de bonne qualité pour de multiples marchés et, d'abord, ceux qui concernent les consommateurs français eux-mêmes. Favoriser au maximum les circuits courts ; aider les producteurs à diversifier leurs sources de revenus en privilégiant, au-delà de leurs grandes spécialités, des formes de polycultures locales ainsi que l'agroforesterie ; mettre en place, avec les producteurs locaux, de véritables aires de production autour des villes, aires qui fournissent les commerces de bouche locaux (y compris de la grande distribution, avec obligation pour celle-ci d'acheter une part significative de la production agricole locale à de bons prix) ; pratiquer une politique de « redéploiement rural » pour accompagner un mouvement plus général de revitalisation agricole et villageoise... Voilà quelques propositions, et c'est une liste bien incomplète assurément (ce ne sont pas les idées qui manquent !), mais rien ne peut se faire de concret et de durable sans une politique d’État qui rappelle celle de Sully quand, au sortir des guerres de religion, il fallait reconstruire l'agriculture en France. Une politique sur le long terme, audacieuse et ferme face aux grands acteurs financiers de la mondialisation, aux multinationales de l'agroalimentaire et aux pressions des partisans d'un Libre marché globalisé qui n'est rien d'autre qu'un vaste champ de bataille de tous contre tous... Un État qui soit actif sans être intrusif, qui soit ferme sans être dictatorial, qui soit fédéral sans être dispersé... 

    Il ne s'agit pas de faire de l'étatisme (qui serait aussi dévastateur et vain que le libéralisme sans limites) mais de promouvoir, de soutenir, d'arbitrer, de protéger l'agriculture française et ses acteurs, tout en leur laissant « libre voie » pour s'organiser eux-mêmes pour mieux s'intégrer (et, cette fois, dans de bonnes et justes conditions) aux circuits économiques contemporains sans en être les esclaves ou les victimes. 

    La République a toujours été ambiguë avec le monde paysan : les amis de Jules Ferry employaient un terme d'origine coloniale, la « cambrousse » pour désigner la campagne, tout en faisant les yeux doux aux agriculteurs électeurs pour gagner les élections... Aujourd'hui, cette même République ne sait comment résoudre la « question agricole », par fatalisme, acceptation totale du libéralisme, ou simple impuissance politique. Là encore, la République n'est pas la mieux placée pour préserver l'agriculture française tout en la rendant à ses fonctions et ses qualités premières : une monarchie qui romprait avec les féodalités financières et l'esprit d'abandon, qui retrouverait le souffle et la pratique d'un Sully et valoriserait l'agriculture « à taille humaine » sans négliger les enjeux de l'économie, serait plus efficace que cette République aux abois qui ne sait que faire des agriculteurs...

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin