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Actualité France - Page 418

  • Les mérites du rapport de Malek Boutih sur la « génération radicale »

     

    Nous avons déjà évoqué (vendredi 10 juillet) les analyses de la radicalisation islamiste de Malek Bouth, en publiant le fort pertinent article que Pascal Bories leur a consacré dans Causeur. Un autre commentaire s'y ajoute aujourd'hui : celui de Chantal Delsol.

     

    Le point de vue de Chantal Delsol

     

    Chantal_Delsol.jpgL'ancien président de SOS-Racisme ne craint pas d'arriver aux mêmes conclusions que des observateurs classés à droite, d'où la hargne qu'il suscite dans sa famille politique, explique Chantal Delsol*.

    Le rapport Malek Boutih pose le problème des causes émotionnelles et sociales des phénomènes extrémistes : les fanatiques du djihadisme (on pourrait dire aussi bien: du nazisme et du communisme) sont-ils de véritables croyants, ou plutôt des gens mal à l'aise dans leur propre vie ? Nous savons bien que les sentiments et les émotions jouent un rôle dans les engagements. Pourtant, la frustration sociale, l'échec personnel peuvent-ils suffire à expliquer le succès de Daech dans les pays occidentaux ? Et peut-on nier qu'il s'agisse là d'un courant de pensée, même s'il nous apparaît incroyablement fruste et barbare ? Au début, quand Daech s'appelait al-Qaida, nos observateurs avaient tendance à voir dans ses adeptes des gens analphabètes frustrés de n'avoir pas fait d'études - tant est grand chez nous le préjugé selon lequel seul l'ignorant est intolérant. Mais on s'est aperçu que les poseurs de bombes et autres kamikazes étaient souvent des gens tout à fait évolués intellectuellement - ce que corrobore la grande maîtrise de la communication et de l'informatique dont ils font preuve. Et puis quelques-unes de nos certitudes sont encore tombées quand nous avons vu que les candidats au djihad peuvent partir avec bien peu de connaissances de l'islam, comme s'il ne s'agissait là que d'une occasion.

    Malek Boutih met en valeur autre chose encore que la rancœur personnelle d'un élève en échec, autre chose encore que le fanatisme religieux : la rupture avec la culture ambiante, le désaveu de la société républicaine à laquelle la foi ne s'attache plus. « Monsieur, j'ai écouté votre cours et l'ai appris soigneusement pour obtenir une bonne note, mais tout ce que vous avez dit était faux » : voici ce qu'entend, effaré, cet enseignant du secondaire dans un lycée difficile. Signe qu'une partie de la jeunesse a littéralement mis les voiles. Et, dès lors, tout est possible.

    De notre côté, la stupéfaction est totale : comment peut-on ne pas aimer d'amour pur la république et la démocratie, parangons de l'égalité et de la liberté, désirables sur toute la terre ? C'est que le jeune lycéen voit la réalité là où nous vivons sur la fiction. Il voit que le discours officiel - l'épanouissement et le bien-être pour tous - ne s'applique à aucun moment, et qu'il lui faut non seulement subir les portes fermées et la galère, mais en plus entendre toute la journée des discours flamboyants sur les bienfaits du système. En lieu et place de cette utopie inappliquée et tributaire du mensonge, on lui propose un bon vieux rêve qui ne risque pas l'affrontement au réel, et dans lequel il jouera au moins un vrai rôle, fût-il barbare. C'est l'occasion d'exister.

    Le rapport Boutih indique que les deux tiers des personnes impliquées dans les filières jihadistes ont moins de 25 ans. Naturellement, un chœur bien-pensant s'écrie : en disant cela, on discrimine la jeunesse ! (Sous-entendu : dissimulez cette vérité insupportable.) Pourtant, cela peut servir pour mieux comprendre, d'autant que ce ne serait pas la première fois. L'histoire montre que les terroristes révolutionnaires, ceux qui détruisaient le vieux monde avec allégresse et qui tuaient le mieux, étaient souvent des hommes jeunes. L'instauration de la première terreur d'État, dans la France de 1793, s'organise par la main de fanatiques qui ont à peine plus de 30 ans, voire moins. Au XIXe siècle en Russie, ces jeunes hommes en rupture de ban étaient les « hommes de trop » qui jetaient des bombes noires sur les calèches des ministres. Pour le XXe siècle, Stéphane Courtois dressait dans un de ses ouvrages une liste impressionnante, qui commence ainsi : Heydrich avait 35 ans au début de la guerre et Himmler, 39 ; le fondateur et premier chef du goulag, Matveï Berman, avait 28 ans ; le maître d'œuvre de la Grande Terreur, Nicolas Ejov, était âgé de 35 ans, etc. Le désespoir et l'utopie font bon ménage avec la barbarie, qui n'est autre qu'une abolition des limites, et réclame pour ses basses œuvres des êtres incomplets encore, qui n'ont pas dressé la carte du réel. Il faut être jeune et fou pour marcher sur une plage avec sous le bras la tête de son ennemi. Et nous savons que les vieux idéologues sont en réalité de vieux bébés.

    Comment manifester sa colère contre Malek Boutih et son enquête si peu conforme aux exigences républicaines ? En récusant sa méthode. Une partie de la presse s'indigne aussitôt de voir figurer parmi la trentaine de personnes interrogées l'éducateur Jean-Paul Ney (trop à droite pour pouvoir réclamer une quelconque légitimité à parler) ou encore Frigide Barjot, organisatrice il y a deux ans de la Manif pour tous (trop catholique pour avoir droit de cité). Boutih est-il assez naïf pour croire qu'il faut interroger tous ceux qui ont réfléchi au sujet ? N'a-t-il pas compris que certaines personnes sont satanisées et donc personae non gratae ? On a plutôt envie de croire qu'il a l'esprit libre à l'égard de son propre camp, ce qui le rend bien sympathique: on comprend qu'il cherche la vérité.

    Boutih, qui est à la fois socialiste et d'origine algérienne (double légitimité pour parler de ce sujet), dérange les préjugés et tabous de la gauche, et surtout déstabilise cette volonté permanente de la gauche de taire les vérités élémentaires. Si l'on veut qu'un rapport de ce genre soit à la solde d'un courant politique, au fond le rapport Boutih est fait pour un courant de droite, puisqu'il ose annoncer que la menace est réelle et importante, ce qui est peu prisé par son camp - d'où le mécontentement de ceux auxquels il s'adresse.

    Alors on l'accuse de généraliser. Tous les jeunes de banlieues « issus de la diversité », comme on a le droit de dire pudiquement, ne sont pas destinés au djihad ! Tous les jeunes interdits de boîtes de nuit ne finiront pas jihadistes ! Et ce n'est en aucun cas ce qu'il a dit. Il met en garde contre la montée importante, et préoccupante, du nouvel extrémisme dont nos gouvernants prétendent qu'il ne touche qu'une petite poignée. Il écrit que la barbarie est une offre intéressante quand on est jeune et qu'on déteste la société dans laquelle on vit - les jeunes ancêtres de Kouachi, qui il y a si peu de temps portaient tantôt un brassard à croix gammée et tantôt la casquette étoilée des komsomols, avaient compris cela. 

    * Membre de l'Institut.

    Chantal Delsol  - Le Figaro

  • Puisque l'inculture règne aux plus hauts niveaux de l'Etat, apprenons à notre président de l'Assemblée nationale - qui l'ignore ! - qui était Olympe de Gouges

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    Il est bien triste pour la France de Montaigne et de Guillaume Budé, de Voltaire et de Verlaine, de Molière, Racine, Pascal et tant et tant d'autres... de constater l'inculture proprement effrayante de celles et ceux qui nous gouvernent.

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  • SOCIETE • Le touriste est l'avenir de l'homme ?

     

    Intéressante chronique de Natacha Polony qui rejoint la réflexion de Camille Pascal et le grand texte sarcastique de Philippe Muray que nous avons publiés ici les 27 juin et 30 juin dernier. Sur les réalités du tourisme contemporain.  Partant, du monde moderne lui-même.

     

    929035447.jpgDans nos mythologies contemporaines, le touriste occupe une place toute particulière, parce qu'il est possible de lui assigner les rôles les plus divers suivant le point de vue que l'on décide d'adopter, suivant que l'on a décidé de rappeler à l'ordre des Français trop fiers et oublieux de leur statut désormais acquis de nation subalterne ne pouvant vivre que du tourisme ou de s'insurger contre les mauvaises manières des adeptes de la canne à selfie. Le touriste, notre nouveau miroir déformant.

    Pourtant, une image vient s'ajouter aux autres : celle, terrifiante, d'une jeune femme blonde en Bikini pleurant sur une plage de Sousse ses compatriotes massacrés. Le sable doré, le ciel bleu et, soudain, le décalage entre ce maillot de bain minuscule qui s'étale triomphalement dans les magazines et ce corps soudain fragile, trop dénudé pour dire le deuil.

    Si les islamistes tunisiens s'en prennent aux touristes, c'est d'abord pour des raisons économiques, parce qu'ils savent qu'une jeunesse privée de ressources, désespérée et frustrée, basculera plus facilement. Mais c'est aussi parce que les touristes incarnent à eux seuls cet Occident qu'ils prétendent combattre alors qu'ils en adoptent les codes et les techniques. On repense au terrible poème sarcastique de Philippe Muray Tombeau pour une touriste innocente, écrit en 2003 et qui prend aujourd'hui une résonance tragique. Cette touriste blonde, pétrie de bonnes intentions et de développement durable, militant pour les rampes d'accès handicapé sur les monuments historiques et le transhumanisme, finit décapitée par un terroriste faux rebelle qui est son double symbolique. Le texte est cruel ; glaçant parce que ce qui n'était qu'une provocation délectable est devenu réalité.

    Ce texte avait déjà provoqué l'ire de Thomas Legrand, éditorialiste sur France Inter, après la mort d'Hervé Gourdel en 2014. Feignant d'ignorer qu'Hervé Gourdel n'avait rien à voir avec le profil moqué par Philippe Muray, il qualifiait l'écrivain moraliste d'« auteur fétiche de tous les nouveaux réacs identitaires » (« identitaire », nouveau terme fourre-tout et infamant). Mais surtout, il opérait une formidable manipulation en dissertant sur l'expression revenue, elle aussi, sur le devant de la scène : « guerre de civilisation » pour expliquer que la guerre n'était pas entre chrétiens et musulmans (comme le pensent certainement les méchants réacs ; faut-il rappeler au brillant éditorialiste que le terme « civilisation » est au singulier, suggérant un combat de la civilisation en général, Orient et Occident, chrétiens et musulmans, contre la barbarie?) mais entre le camp du Bien, les tenants de « l'ouverture » et du « métissage », et le camp du Mal, partout dans le monde, de Poutine à Philippe Muray, des souverainistes aux islamistes, mis dans le même sac pour faire bonne mesure. Et moquer les touristes, c'est être dans le camp du Mal.

    Dans son éditorial du mois de juillet, le magazine Courrier international se réjouit en ces termes que les attentats, partout dans le monde, n'empêchent pas la belle croissance de ce secteur d'activité: « Cette année encore, près de 1,2 milliard de personnes franchiront une frontière. Et pour aller où ? De préférence, là où l'on se retrouve… entre touristes, de Las Vegas à la Costa del Sol, de Kuta (Bali) à Pattaya (Thaïlande). Pour s'amuser, pour la chaleur et les plages, les boîtes de nuit et les tournées des bars…» Le texte se conclut par cette question en forme d'évidence : « Comment ne pas être en faveur de cette démocratisation du tourisme ? » C'est vrai, comment ne pas être en faveur de cette transhumance de l'absurde dont les derniers avatars sont les selfies nus que prennent certains dans des sites sacrés ou grandioses, des temples d'Angkor au Machu Picchu ? Comment ne pas être en faveur de cette transformation des traces des civilisations humaines en joli décor pour une mise en scène de soi. Récemment, des articles de presse se sont émus de voir sur les réseaux sociaux des collections de selfies souriants pris au mémorial de la Shoah à Berlin. Parce que le tourisme des beuveries à Ibiza et le tourisme qui enchaîne les visites de monuments privés de contexte historique et des connaissances minimales pour les aborder se sont rejoints en une industrie incarnant l'« ouverture » et la « démocratisation », donc le Bien. « Le tourisme, écrivait Jean Mistler, écrivain, diplomate et visiblement mauvais coucheur, est une industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux. » Parce que la meilleure façon de lutter contre le nihilisme barbare, c'est de lui opposer, non les proclamations moralisatrices, mais le sens.   

    Natacha Polony - Figarovox            

     

  • « Ca y est ! Le buzz s'est fait autour du remarquable entretien donné par Emmanuel Macron au 1, le stimulant hebdo ... »

     

    Ce titre, cette image, sont à la Une du site du Figaro de ce matin.

    Ainsi se trouve réintroduite, au centre du Politique et du Réel, la figure du Roi, ou son absence et sa nécessité. Réintroduite qui plus est, par le ministre de l'Economie de la République, de surcroît intellectuel et philosophe.

    Suit un article de François Huguenin profond et contestable par endroits, mais qui n'en dit pas moins l'essentiel sur l'incomplétude de la démocratie française et le manque d'incarnation - nécessairement royale - qui est sa déficience profonde. 

    Pour le royalisme français - qui n'a à en tirer ni gloriole, ni rancune, ni mauvaise grâce - quelle justification, tout de même !

     

  • Décidément, nous aurons tout lu, tout vu, tout entendu ces temps-ci ! La voie est libre !

     

    Sans commentaire utile n'est-ce pas ? Sinon la surprise, la constatation de l'inconcevable.

    La déconfiture simultanée de l'entreprise européenne -  qui se débat dans une crise où absolument tout est lamentable - et des institutions de la République, comme de ses valeurs improbables semble aboutir à une sorte de contestation de plus en plus large et profonde. Dont même les ministres de la République ne sont plus exempts ! La voie est libre ? Il s'en faut encore de beaucoup. Mais elle y tend et vraiment, d'ores et déjà, le spectacle est étonnant. Les royalistes ont tout lieu d'y être attentifs !  LFAR   

    Les comptes rendus des médias 

    On a ressassé qu'il a été banquier d'affaires, à la fortune faite dans le cadre des fusions-acquisitions de la banque Rothschild. On le découvre philosophe, « rééduqué » par Paul Ricoeur. Dans une interview parue hier, 8 juillet dans le journal hebdomadaire Le 1, déjà consultable sur son site internet, voilà qu'on découvre aujourd'hui le jeune et brillant ministre de l'Économie de François Hollande… royaliste ! Selon lui, d'ailleurs, le peuple français n'a pas vraiment voulu décapiter Louis XVI.

    La démocratie décevante ?

    Comment la réflexion philosophique peut-elle nourrir, étayer l’action politique ? Tel est l'axe central de cet entretien exclusif avec Emmanuel Macron. On y apprend notamment que c'est en rédigeant un travail sur Machiavel, sous la direction d'Étienne Balibar, que le jeune prodige a abandonné la métaphysique pour la philosophie politique. Mais, plus loin dans ce même entretien, ses propos, repris sur le site Liberté Politique, deviennent iconoclastes et sont sans équivoque.

    « La démocratie est-elle forcément déceptive ? » lui est-il demandé. Macron donne cette réponse étonnante pour un ministre de la République, étonnante et claire :  : « Il nous manque un roi », répond clairement le ministre... de la République. Attention, Monsieur le Ministre : remettre en cause la forme actuelle du régime en France fait justement partie des nouveaux critères de surveillance et de mise sur écoutes déterminés dans la dernière loi renseignement !

    Un siège vide depuis Napoléon et de Gaulle

    « La démocratie comporte toujours une forme d'incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même », répond en effet Emmanuel Macron.

    « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n'est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d'y placer d'autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l'espace. On le voit bien avec l'interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au coeur de la vie politique. Pourtant, ce qu'on attend du président de la République, c'est qu'il occupe cette fonction. Tout s'est construit sur ce malentendu. »

    François Hollande appréciera sûrement le raisonnement... 

    Sources : France Inter, Le Point, Le 1, Valeurs actuelles, Liberté politique, Le Figaro, etc. 

     

  • Marion Maréchal-Lepen dénonce l’obsession républicaine, par Yves Morel*

     

    La récente critique de l’obsession de la République, caractéristique de la classe politique française, par Marion Maréchal Le Pen a déclenché un signal d’alarme dans la presse.
    De quoi s’agit-il exactement ? La jeune femme, député du Vaucluse, a accordé un entretien au trimestriel Charles (numéro 14, été 2015) en lequel elle s’exprimait sur ses relations avec sa tante, Marine Le Pen, et donnait son avis sur une prise de position de son père adoptif, Samuel Maréchal. Elle n’envisageait pas, initialement, d’émettre un jugement sur la République. C’est son explication d’une recommandation de Samuel Maréchal au FN (au cours des années 1990) de mieux prendre en compte l’islam qui l’ y a amenée.

    Une mise au point salutaire

    Marion Maréchal affirme que son père adoptif invitait simplement son parti à intégrer l’importance de l’islam dans son discours, par souci de réalisme. Elle déclare se ranger à son point de vue. Mais, afin de prévenir toute conclusion hâtive, elle précise que, pour autant, elle ne souscrit pas aux idées de ceux qui entendent placer toutes les religions sur un même plan d’indifférence ; elle vise tout particulièrement le politologue Thomas Guénolé qui préconise la laïcisation des jours fériés liés à des fêtes religieuses. Elle affirme, fort justement : « Il (Guénolé) représente bien la tendance de notre classe politique qui voudrait que la république efface la France ». Et, en effet, les gens comme Guénolé font remonter la naissance de notre nation à 1789 (ou à 1792), et la conçoivent comme étant in essentia, et donc in aeternum (mille pardons, Mme Vallaud-Belkacem), une République absolument laïque fondée sur les « Lumières », la raison et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (merveilleusement complétée par le droit inconditionnel à l’avortement et le mariage homosexuel, en attendant la légalisation de la GPA) .

    Marion Maréchal prend donc le contrepied de cette funeste tendance en ajoutant sans barguigner : « Mais la France n’est pas que la République ». On ne peut qu’acquiescer : la France fut fondée plus de mille ans avant la Révolution, vécut sous une monarchie dès Clovis et sous la dynastie capétienne de 987 à 1792. Elle est donc très antérieure à la République et ne se confond pas avec elle. Les valeurs, principes et institutions de la République ne constituent pas le tout, ni même l’essence ou la quintessence de l’identité de la France, de son peuple, de son ethos, de sa civilisation. Notre nation n’est pas née à Valmy le 20 septembre 1792, ni le 14 juillet 1789, ni dans les salons des « Lumières » du XVIIIè siècle ou les locaux de l’Encyclopédie. Avant cela, elle a été spirituellement, intellectuellement et institutionnellement édifiée par le christianisme, l’Eglise et la monarchie (les « quarante rois qui ont fait la France »).

    Du reste, la république française n’a même pas le monopole de cette démocratie dont elle se targue constamment. Marion Maréchal précise qu’ « il y a des monarchies qui sont plus démocratiques que certaines républiques ». On songe évidemment aux monarchies scandinaves et à la monarchie britannique, laquelle a abouti à une démocratie qui ne doit rien, mais alors rien du tout, à nos « Lumières », à notre « grande » Révolution, à 1848, à notre IIIè République. Au contraire, la Révolution est tenue, en Angleterre et dans tous les pays anglo-saxons, pour la manifestation éclatante de la plus criminelle des barbaries, largement à l’origine des totalitarismes du siècle dernier, et notre tradition jacobine y est tenue pour tyrannique.

    Il convient également de rappeler qu’aux Pays-Bas, l’un des principaux partis politiques fut, de 1879 à 1980, le parti antirévolutionnaire (centriste et non extrémiste) appelé ainsi dans la mesure, où quoique libéral et parlementaire, il tenait la Révolution Française comme un anti-modèle, cause de toutes les aberrations politiques contemporaines. Rappelons enfin que la démocratie américaine ne doit rien, tant au niveau de ses valeurs et principes qu’à celui de ses institutions, à la république française, regardée, là aussi, avec méfiance. Voilà qui devrait rendre modestes notre classe politique et une grande partie de notre intelligentsia, qui s’imaginent (ou feignent de s’imaginer) que la France républicaine est le flambeau des nations, guidant celles-ci vers la liberté et un avenir démocratique parfait.

    Une obsession à visée dissimulatrice et conjuratoire

    Il s’agit bien là d’une obsession, comme le dit Marion Maréchal, qui déclare : « Je ne comprends pas cette obsession pour la République ». Une obsession toujours plus envahissante à mesure que notre modèle républicain s’effondre, en un univers mondialisé largement opposé à ses valeurs, ses principes, sa vision de l’homme et de l’histoire, son idéal égalitaire et socialisant et ses lubies. Quand le paquebot sombre, l’orchestre joue à pleine puissance afin de redonner courage aux passagers qui sentent approcher l’heure fatale.

    Et, aujourd’hui, dans notre pauvre pays qui tombe dans la déchéance politique, morale, économique et sociale, nos dirigeants et nos médias s’efforcent de conjurer la « morosité » ambiante en exaltant à qui mieux mieux la république, ses valeurs et son idéal : les partis politiques et leurs ténors se veulent tous plus républicains les uns que les autres ; et, pour faire bonne mesure, on multiplie les célébrations et les commémorations à propos de tous les événements historiques jugés emblématiques du régime (la Révolution, l’abolition de l’esclavage, la laïcité, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la Résistance) ; et on donne dans la manie de la « mémoire », le culte des « lieux de mémoire » et la confection de lois mémorielles.

    En résumé, la France, c’est la République, et la République, c’est la France, point final. Or, la république, censément consubstantielle à la France, est en réalité le cache-misère d’un système politique et social exsangue et en voie de décomposition.

    Voilà pourquoi la déclaration de Marion Maréchal Le Pen a jeté dans les transes les journalistes « républicains ». Les journaux de gauche, comme Marianne ont évidemment donné de la voix et de la plume ; et ceux de droite, comme Le Parisien, n’ont pas voulu être en reste, zèle républicain oblige.

    Une réaction significative

    Mais l’article le plus instructif sur la déclaration du jeune député est encore celui de Bruno Roger-Petit, du 23 juin, sur le site de Challenges, l’hebdomadaire économique bien connu du groupe Perdriel. Son titre en dit long : « Marion Maréchal Le Pen, la sombre tentation catho-royaliste ».

    Nous ne pouvons pas en commenter ici l’intégralité. Bornons-nous donc aux passages les plus significatifs.

    A l’évidence, Bruno Roger-Petit ne peut admettre l’idée, pourtant évidente, suivant laquelle l’identité de la France ne se réduit pas à la République. Selon lui, – et il n’a pas tort – « la députée du Vaucluse renoue avec la tradition classique de l’extrême-droite française », alors que le Front national oscille entre nationalisme cocardier, exaspération poujadiste et souverainisme gaulliste. Elle se rattache « à l’extrême-droite royaliste » et catholique. Elle « est plus proche de l’Action française que de Pierre Poujade »… lequel avait au moins le mérite de base d’être républicain, doit-on comprendre. Pour M. Roger-Petit, toute mouvance politique, fût-elle nationaliste et autoritaire, vaut mieux que le royalisme.

    Notre journaliste voit, dans la crainte de Marion Maréchal que « la république efface la France », la résurgence de « la frayeur de l’extrême droite royaliste qui juge que 1789 (et ses prolongements, 1848, 1905, 1936, 1945 et 1981) est le pire fléau qui se soit jamais abattu sur la France ». Ainsi s’expliquent, à l’en croire, les propos de la petite-fille de Le Pen suivant lesquels la République ne prime pas sur la France et n’est pas toute la France, suivant lesquels l’islam ne doit pas occulter le christianisme, défini par elle comme une « dimension encore vivante » de notre nation, et suivant lesquels enfin, la république n’est qu’un régime politique parmi d’autres, dans le temps et l’espace, ni meilleur ni pire que d’autres, et qui, de surcroît, n’a pas l’exclusivité de la démocratie.

    Sur le second point (la question religieuse), Bruno Roger-Petit discerne, dans les propos de Marion Maréchal, «le regret d’une France qui ne se vit plus comme la fille aînée de l’Eglise de Rome » et « la revendication d’une transcendance nationale reposant sur le fait religieux catholique », ce qui, on en conviendra, est une interprétation abusive des paroles du jeune député. Interprétation qui confirme ce que nous savions déjà de l’idée de la France que se font nombre de journalistes et toute la classe politique : la seule France qui vaille est la France républicaine, fille de la Révolution, égalitariste, athée et anticléricale.

    La critique de la référence systématique à la République, le simple parti pris de refuser à la République un culte et de la considérer comme un régime politique comme un autre, est une infamie qui met au ban de l’Agora tous ceux qui ne font pas preuve de républicanisme affirmé (et mille fois réaffirmé).

    Marion Maréchal manifeste avec une évidence criante son rattachement à la droite monarchiste et catholique dont Bruno Roger-Petit rappelle (horresco referens, encore pardon Najat) les sources doctrinales : « adhésion à la philosophie réaliste héritée d’Aristote et de saint-Thomas, rejet du contractualisme rousseauiste au profit (sic) d’une soumission au droit naturel, déférence envers l’Histoire et l’héritage de nos pères, référence à la pensée contre-révolutionnaire de Maistre, Burke, Bonald ».

    Et de conclure : « Avec Marion Maréchal Le Pen, on est bel et bien de retour dans le salon de Maurras, bien loin de la librairie-papeterie de Poujade [un fils du peuple, lui, produit de l’école républicaine ferryste, sans doute descendant des volontaires de l’an II] ou de la tombe du général de Gaulle [dont se réclament Marine Le Pen et Philippot]». Bref, elle « démasque d’un coup, à l’évidence sans le réaliser [peu galant, M. Bruno], la vérité du Front national », réduisant à néant tous les efforts de dédiabolisation de sa tante.

    Affaire de génération, pense Bruno Roger-Petit :Marion Maréchal incarne la « jeunesse réactionnaire » d’aujourd’hui, apparue au grand jour lors de la Manif pour tous de 2013, et qui « n’aime pas la République ». Et, la jeune femme ayant appelé au dépassement du clivage « droite-gauche », il voit là une réminiscence de ceux qui, dans les années 1930, en faisaient autant, les situant tous à droite, alors que nombre d’entre eux (la Jeune République, Dandieu, Mounier et l’équipe d’Esprit ) venaient du catholicisme libéral et social et se posaient en ennemis résolus de la droite nationale. S’appuyant sur Zeev Sternhell, il nous avertit qu’une telle attitude nous amène à « Pétain à Vichy », occultant le fait que nombre des membres des divers gouvernements de Vichy demeurèrent des républicains coulés dans le moule (Laval, Darlan), et que le Maréchal ne fut jamais monarchiste.

    Nous ne savons si Marion Maréchal « démasque la vérité du Front national ». Mais, assurément, Bruno Roger-Petit, lui, révèle la vérité du régime. Selon cette « vérité », la vraie France a été mise au monde par la Révolution (elle-même fille des « Lumières »), et tout le millénaire antérieur est une période effroyable d’ignorance, d’erreur, d’obscurantisme, d’intolérance, d’injustice(s), de tyrannie dont seuls de fanatiques intégristes catholiques et monarchistes souhaitent le retour, suivant une conception de l’homme et du monde médiévale et inquisitoriale mille fois pire que celle, républicaine, plébiscitaire et cocardière, du libraire-papetier de Saint-Céré (au départ un bon fils de la république).

    Il faut choisir : la république ou l’acceptation de « ce que l’extrême droite a toujours produit de pire depuis deux siècles ». Si vous ne voulez pas être assimilé à ce « pire », vous devez accepter sans sourciller que l’on vous serve la république matin, midi et soir.

    Ambiguïté du Front national

    Pour notre part, nous nous réjouissons de ce qu’enfin, une personnalité politique ait osé critiquer sans précaution oratoire cette référence systématique à la république, qui ressemble à un réflexe conditionné produit par un totalitarisme moral d’autant plus insistant que le système qu’il défend s’effondre chaque jour un peu plus. Les propos de la petite-fille de Le Pen ne révèlent pas l’essence même du Front national.

    Le Front national, – c’est sa force et sa faiblesse – a toujours rassemblé des gens de sensibilité diverses voire opposées, et les républicains cocardiers, jacobins et libre penseurs y ont constamment prévalu sur les catholiques monarchistes. Jean-Marie Le Pen n’a jamais fait partie de ces derniers.

    Son souci d’accroître l’audience de son parti en caressant les électeurs dans le sens du poil l’a même conduit à exalter toujours davantage la République ; on se souvient de son discours commémoratif de Valmy du 20 septembre 2006. Et sa fille s’est toujours présentée comme le meilleur défenseur de la République ; elle a d’ailleurs inauguré son entrée en fonction à la tête de son parti, en 2011, par un discours en lequel elle se réclamait de Gambetta.

    Un début ?

    Il reste que, pour une fois la référence sempiternelle, lancinante, à la république a été critiquée et qualifiée d’obsession, et que la jeune (cela revêt une grande importance) élue qui a osé le faire, a rappelé que la France ne s’identifiait pas à la république et prévalait sur elle. Espérons qu’il s’agit d’un début. 

     - Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de Politique magazine et la Nouvelle Revue universelle.

     

  • Ras-le-bol des partis ! Par Bernard Pascaud *

      

    20130511_meeting_jeanne_02.jpgLes fesses encore rougies des coups de pieds qui l’ont chassé de l’Élysée, Sarkozy préfère croire qu’on le pousse en avant pour y revenir. Faut-il s’en indigner, ou même en être surpris ? Surtout, faut-il s’en réjouir ? En tout cas, pour se tordre de rire il n’est que de lire la « Lettre aux Français » qu’il a adressée aux militants de sa famille politique (montrant en cela qu’il confondait les Français avec ses soutiens partisans, à l’instar des socialistes avec le PS). Il y justifie la nouvelle appellation du parti : « Les Républicains ». A vrai dire, quelle vacuité ! UMP ou Républicains, peu importe, on a beau le changer de bocal, un cornichon reste un cornichon. On trouve dans le texte des lapalissades du genre : « Nos victoires électorales futures dépendront de notre capacité à réunir autour de nos idées le plus grand nombre de Français »… Certes ! Quelles idées ? On s’attend à quelque révélation sur un nouveau projet collectif ou de nouvelles ambitions nationales. Mais la réponse est : « Celles de la République ». Nous voilà rassurés ! En réalité, la République est à l’électoralisme ce que la sexualité est à la publicité : la tentative de ratisser large, chaque électeur, comme chaque consommateur, pouvant se sentir concerné. Mais la ficelle est un peu grosse, grosse comme une corde à pendu.

    « En proposant de nous appeler « Les Républicains », nous voulons montrer la volonté de ne céder en rien face à ce qui, au quotidien, affaiblit la République ». On eût préféré l’expression d’une volonté de lutter contre l’affaiblissement de la France. Mais son bilan d’ancien président l’aurait mis en porte-à-faux sur ce point (il fut celui qui trahit les Français à Lisbonne et arrima davantage notre pays à la politique américaine). En lieu et place d’un dessein alternatif on ne trouve que de la surenchère. Dans toute la classe politicienne chacun y va de son couplet, mais c’est toujours la même rengaine sur les « valeurs républicaines ». Ils devraient se grouper en chorale, ça gagnerait du temps, mais chacun veut paraître plus républicain que l’autre ! Chacun prétend incarner le sauveur de la République, être son rempart, son gardien du Temple. Quelle mascarade ! « Moi ou le chaos », disait De Gaulle ! « Moi ou Le Pen » disait Chirac ! Moi ou la fin de la République, suggère Sarkozy ! Mais aussi Hollande, Valls, et bien d’autres encore, tous !

    Venons-en au passage prétendument le plus consistant : « La République, c’est la liberté, ce n’est pas la contrainte. La République, c’est l’autorité, ce n’est pas le laxisme. La République, c’est le mérite, ce n’est pas le nivellement. La République, c’est l’effort, ce n’est pas l’assistanat. La République, c’est la laïcité, ce n’est pas le prosélytisme et l’intégrisme. La République, c’est l’unité, ce n’est pas l’addition des communautarismes. La République, c’est un combat permanent, ce n’est pas un recul de tous les jours. La République, c’est la France, la République, c’est la Nation. » La réfutation argumentée de ce texte serait un bel exercice pour nos jeunes amis de l’Université d’été royaliste (certes exercice un peu facile, je vous l’accorde !). Faisons ici seulement deux remarques.

    1) Selon ce texte, ce que la République ne doit pas être, la République peut néanmoins permettre que cela soit, puisque la longue définition le dénonce comme un constat navré ! Aveu qu’elle est le contraire de ce qu’elle voudrait être. On est dans l’utopie.

    2) Ce constat navré laisse penser qu’il y a dérive des valeurs républicaines, sous entendu à cause d’un personnel mauvais qu’il faut donc remplacer par un personnel vertueux. Suivez mon regard… Autrement dit, la République est en danger… en danger de subversion par des hommes pervertis. Est-ce si sûr ? On sait depuis belle lurette que la République a toujours eu un fonctionnement oligarchique à tendance totalitaire. Sa pratique relève de ce qu’on pourrait appeler l’esprit de marché accouplé à un ordre moral autoritaire. Détailler serait facile. C’est toute notre actualité. Il est ainsi emblématique que ce soit Une Cour Européenne dites des Droits de l’Homme qui juge licite d’interrompre les soins pour un homme handicapé, mais nullement malade ou en fin de vie. Tout aussi archétypale est la réforme du collège, imposée par une ministre inculte, mais justifiée par la valeur d’ "Égalité". Dès lors la mégère-ministre ose tout, jusqu’à traiter à sa façon de pseudo Z-intellectuels ceux qui y trouvaient à redire. "Égalité" !, "Égalité" !, scandaient les députés au moment du vote du mariage unisexe. Toute opposition devient intolérable puisque tout est démocratiquement respecté : la procédure majoritaire et la référence aux valeurs.

    De gauche ou de droite la République ne sera jamais la solution. Ses sous-valeurs qui en sont l’alpha et l’oméga ont présidé à toutes les déconstructions. Elles ne sont qu’un énorme abus de parole creuse et servent aujourd’hui de cadre à la mise en place progressive du meilleur des mondes. Pour y résister et monter à l’assaut de l’avenir rien n’est plus urgent que de se détourner de la logique partisane. Plusieurs affluents ont fait le fleuve républicain mais c’est toujours la même eau d’égout, toujours plus nauséeuse. Le mieux est de s’en détourner. Deux façons d’agir sont alors possibles : le mode de rayonnement, comme le dit Fabrice Hadjadj, c’est-à-dire en consolidant les corps sociaux dans lesquels on vit quotidiennement. En même temps, résister au meilleur des mondes, dit Eric Letty, exige « de réintroduire de la politique à l’échelon nationale et, donc, de restaurer la souveraineté car la nation demeure le degré raisonnable d’organisation d’une société. »** Pratiquons cela et expliquons-le autour de nous ■ 

     

    * Président de la Restauration Nationale

    ** Résistance au meilleur des mondesGuillaume de Prémare et Eric Letty éd. Pierre-Guillaume de Roux, 213p, 19 euros.

     

  • Alain de Benoist - « Front national : pourquoi Florian Philippot a raison »

     

    Nous avons été intéressés - comme souvent - par ces réflexions d'Alain de Benoist dans Boulevard Voltaire. En soi, elles nous paraissent pertinentes et justes; elles constatent une situation et en tirent des conclusions du point de vue de la logique des partis, dans le cadre du Système. Il sont ce qu'ils sont. Alain de Benoist les consdère en l'état. Simplement, même si un certain nombre des positions du Front National concordent avec les nôtres - mais c'est aussi vrai d'autres hommes et mouvements politiques de bords bien différents - comme nous l'avons souvent exprimé ici, et comme c'est notre raison d'être, nous ne croyons pas qu'aucun parti politique intégré, de fait, au Système, soit capable de restaurer profondément et durablement la France. Ce dernier objectif, le seul pour nous qui vaille vraiment, appelle un tout autre engagement. LFAR

     

    Jean-Marie Le Pen privé de sa présidence d’honneur, puis exclu du groupe que le Front national vient de former au Parlement européen, après s’être déclaré « en guerre contre Florian Philippot ». C’est le conflit familial qui repart ?

    Les journalistes et les gens de droite ont un point commun : leur irrésistible tendance à transformer les sujets politiques en sujet « people ». Avec la guerre des générations au FN, ils s’en sont donné à cœur joie : le père contre la fille, la fille contre le père, la comparaison avec les Atrides, avec le roi Lear de Shakespeare, avec Dallas, et que sais-je encore. Après quoi, chacun s’est amusé à distribuer les bons et les mauvais points : « Marine la parricide », la « gentille Marion », le « méchant Philippot », le « fidèle Gollnisch », etc. Autant d’enfantillages, alors que l’on était devant une question de principe assez simple. Aucun parti politique ne peut admettre que l’un de ses membres tienne des propos de nature à nuire à la ligne qu’il a adoptée. Cela vaut pour les simples adhérents comme pour les dirigeants. Si Marine Le Pen ne s’en était pas tenue à ce principe, ce n’est pas de piété filiale qu’elle aurait fait preuve, mais de népotisme. Jean-Pierre Chevènement, quand il a quitté le gouvernement, disait qu’« un ministre, ça ferme sa gueule ou ça s’en va ». Si Jean-Marie Le Pen était en désaccord avec les orientations du parti qu’il a fondé, il aurait mieux fait d’en démissionner. Cela lui aurait épargné d’inutiles humiliations. S’en tenir aux questions de personnes est l’une des pires façons de concevoir la science politique.

    Et que nous dit la science politique ?

    Elle nous dit d’abord que le grand phénomène politique de ces dernières années est l’apparition d’un populisme du peuple, que les partis populistes s’efforcent aujourd’hui de capter. Et que le populisme n’est pas l’« extrême droite », comme le répètent paresseusement les tenants de l’idéologie dominante. Dans les années 1930, les ligues nationalistes opposaient des idées de droite aux partis de gauche. Le populisme oppose le peuple aux élites, ce qui n’est pas du tout la même chose. Comprendre en quoi le Front national a changé, c’est comprendre qu’il a cessé d’être un mouvement nationaliste pour se muer peu à peu en parti populiste. Bien entendu, il y avait déjà du populisme dans l’ancien FN, comme il y a encore du nationalisme dans le nouveau. Mais l’accentuation n’est pas la même. Qu’une certaine droite ne s’y reconnaisse plus est tout à fait normal. Cela explique les réactions de Jean-Marie Le Pen, tout comme celles de Gollnisch, car leur logiciel a fait son temps. Ils restent attachés à des formes et des thématiques que la vague de populisme actuel a complètement dépassées.

    Le fait est que le FN n’a pas que des amis à droite…

    Depuis la disparition de Ras l’front, les deux journaux les plus hostiles au Front national sont Rivarol et Minute, ce qui devrait quand même donner à penser. Quant à Valeurs actuelles, qui vient d’être vendu à l’affairiste franco-libanais Iskandar Safa, l’homme le plus riche du Liban après la famille Hariri, contre qui un mandat d’arrêt international avait été lancé en 2002 et qui fut interdit de séjour sur le territoire français pendant plusieurs années, son directeur général, le « Young Leader » Yves de Kerdrel, grand ami d’Emmanuel Macron, a bien l’intention d’en faire dans les mois qui viennent le journal de campagne de Sarkozy.

    On évoque un FN qui serait de gauche dans le nord de la France et de droite dans le sud. Cela implique-t-il des stratégies contradictoires ou complémentaires ?

    Ces distinctions sont elles aussi dépassées. Les nostalgiques de l’ancien Front national n’ont pas non plus compris à quel point la sociologie électorale a changé. Le cœur de cible du FN, c’est la « France périphérique » (Christophe Guilluy), la France « déconnectée », celle des territoires ruraux, urbains et périurbains qui, loin des grandes métropoles où continue de se créer la richesse, abrite les « perdants de la mondialisation », autrement dit les catégories populaires socialement les plus vulnérables : ouvriers, employés, retraités, jeunes, etc., soit 60 % de la population. Ces gens-là, qui subissent de plein fouet les effets du chômage, de la désindustrialisation, de la déflation salariale, des « plans sociaux » et de la précarité, se fichent éperdument du clivage droite-gauche et des divergences réelles ou supposées entre Marion Maréchal-Le Pen et Florian Philippot.

    Contrairement à ce que l’on dit, ce ne sont pas des gens qui rejettent la politique, mais qui rejettent la classe politique actuelle (les partis dits « de gouvernement », aux électorats protégés), ce qui est bien différent. Et ce contre quoi ils réagissent, ce n’est pas tant les menaces pesant sur leur identité que la décomposition de la sociabilité, de la communauté de mœurs qui leur est propre sous le triple effet de la mondialisation, de l’« intégration européenne » et de l’immigration – à quoi s’ajoutent encore des réformes « sociétales » inspirées par un individualisme profond (« la gauche ne défend plus guère que des valeurs individualistes », remarquait récemment Jacques Julliard). Comme le dit Vincent Coussedière, l’un des rares auteurs actuels (avec Guy Hermet, Marco Tarchi et quelques autres) à avoir compris sa véritable nature, le populisme « correspond à ce moment de la vie des démocraties, où le peuple se met à contrecœur à faire de la politique, parce qu’il désespère de l’attitude des gouvernants qui n’en font plus ». Tout est là. 

    Boulevard Voltaire

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  • En effet, Chers Djihadistes, vous n'avez pas grand chose à craindre du courroux de l'homme en bermuda

     

    Se reporter simplement au texte de Philippe Muray que nous avons publié le 30 juin dernier ... (ICI)

  • Couple franco-allemand : Madame porte la culotte

     

    par Dominique Jamet dans Boulevard Voltaire 

    Dominique Jamet met ici le doigt sur un obstacle majeur à la poursuite du projet de construction européenne : la séparation de plus en plus marquée du couple franco-allemand, dont la cohésion était pourtant la toute première condition. Certes, pour les besoins de son argumentation, Dominique Jamet simplifie beaucoup. Sur plusieurs points. Jamais, même au temps du traité de l'Elysée, l'entente franco-allemande ne fut une idylle, l'atlantisme de la République Fédérale contrecarrant la politique d'indépendance européenne que voulait De Gaulle; sous François Mitterrand, qui s'en était d'abord effrayé, la réunification des deux Allemagnes avait déjà largement commencé de rompre l'équilibre entre les deux pays; la création de l'Euro devait en compenser les effets : on sait que ce fut l'inverse qui advint ... Sur un autre plan, Dominique Jamet force aussi le trait : certes au sein du couple franco-allemand et de l'Union Européenne, c'est Angela Merkel qui porte la culotte mais est-elle réellement cet homme fort du Vieux-Continent que l'on voit en elle ? Il est souvent fait reproche à l'Allemagne d'Angela Merkel de rester couchée devant l'hyperpuissance américaine malgré sa puissance industrielle, et de n'avoir de politique et d'ambition qu'économique... Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ... Dominique Jamet force aussi le trait lorsqu'il écrit qu'il y a aujourd’hui entre la France et l’Allemagne la même différence et la même distance qu’entre un porte-avions et un pédalo suiveur. Mais globalement, Dominique Jamet a raison : il est vrai que la puissance retrouvée et la prospérité exceptionnelle de l'Allemagne d'aujourd'hui, ajoutée au décrochage industriel et commercial de la France des trente dernières années, ont disjoint le couple et rendu bien plus difficile qu'autrefois la construction européenne.  LFAR

     

    3312863504.jpgVaincue, pire que vaincue, défaite, occupée, ravagée, humiliée, haïe, morcelée, mise au ban de l’humanité, tandis que la France, après avoir été admise in extremis à la table des vainqueurs, prenait rang parmi les Cinq Grands, qui, en 1945, aurait parié un mark sur le retour de l’Allemagne dans le concert des nations ?

    Lorsqu’en 1962 le général de Gaulle, fort de sa stature historique, de la grandeur retrouvée de la France, de sa prospérité, de sa force de frappe et conscient des données permanentes de la géopolitique, tendit la main de la réconciliation à Konrad Adenauer, chancelier de la RFA, l’initiative et la supériorité étaient de notre côté.

    Quelques années plus tard, entre Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, puis entre François Mitterrand et Helmut Kohl, l’avantage démographique était du côté de l’Allemagne, l’influence internationale du côté de la France, la taille économique comparable et le tandem franco-allemand fonctionnait à merveille sur la base d’une entente personnelle et politique et d’un équilibre entre les deux peuples voisins, amis et alliés.

    Vinrent les années Chirac et Sarkozy. Le couple, nous disait-on, était toujours en pleine lune de miel, l’Europe s’organisait et ne fonctionnait qu’autour de lui. Le moteur franco-allemand était toujours incontournable et déterminant, et l’Allemagne faisant de louables efforts pour ménager notre susceptibilité et se garder de tout orgueil, elle n’insistait pas sur le fait que dans la voiture, c’était elle qui tenait de plus en plus souvent le volant.

    La crise grecque, entre autres mérites dont on se passerait, a celui de nous mettre en face de la vérité. Femme forte du Vieux Continent, Angela Merkel n’a tenu aucun compte du désir de compromis affiché par la France et son président. Elle a rassemblé derrière elle, sur une position intransigeante, ignorant les bêlements plaintifs de notre diplomatie, tous les États membres de la zone euro, sans même regarder derrière elle ce qu’il en était de la France, assurée qu’elle était que, comme d’habitude, Paris suivrait. S’il est encore permis de parler d’un couple franco-allemand, il est clair que c’est Madame qui y porte la culotte.

    Le Parisien publiait hier les résultats d’un sondage plus cruel et plus éclairant que n’importe quel commentaire ou analyse. A la question : « Parmi les personnalités suivantes, laquelle a, selon vous, le plus d’influence sur les décisions prises par l’Union européenne », 67 % des personnes interrogées répondaient Angela Merkel, 14 % Mario Draghi, 10 % Jean-Claude Juncker 4 % Donald Tusk, président du Conseil de l’Europe. Et François Hollande ? 2 %.

    Le roi est nu, et il a perdu sa couronne. Il y a aujourd’hui entre la France et l’Allemagne la même différence et la même distance qu’entre un porte-avions et un pédalo suiveur. Ces dernières années, le président français a pris du poids et la France n’a cessé d’en perdre. On aurait mieux aimé l’inverse. 

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    Dominique Jamet - Boulevard Voltaire

    Journaliste et écrivain. Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais. Co-fondateur de Boulevard Voltaire, il en est le Directeur de la Publication.

     

  • MEDAS • Les Guignols : Bolloré en faveur d’un Canal Peluche

     

    Par Jany Leroy, auteur pour la télévision

     

    La vague de protestation suscitée par la menace de disparition des « Guignols » est motivée par une sorte de nostalgie du temps où les regarder faisait du bien. Aujourd’hui, qui pourrait citer un sketch ou une réflexion de marionnette ? 

    De la grande époque des « Guignols », il ne reste pas grand-chose. Au fil des années, l’ensemble de la chaîne a lentement glissé vers un consensus de bon aloi auquel les marionnettes n’ont pas échappé. Devenu politiquement correct, le programme ne crée plus l’évènement. Le temps des « tout à fait Thierry » repris par la France entière est révolu. À force de bien-pensance, Canal plus a perdu le contact avec l’homme de la rue. Trop conforme. Trop comme il faut. La pensée lisse est ennuyeuse.

    La vague de protestation suscitée par la menace de disparition des « Guignols » est motivée par une sorte de nostalgie du temps où les regarder faisait du bien. Aujourd’hui, qui pourrait citer un sketch ou une réflexion de marionnette ? Les personnages en latex ont sombré avec le paquebot Canal dans les abysses de la conformité calibrée.

    Dans cette affaire, bien plus inquiétante est la motivation de cette possible décision. Les déclarations de Vincent Bolloré sur le sujet laissent pantois. « Se moquer de soi-même, c’est bien. Se moquer des autres, c’est moins bien » déclare-t-il sans rire. À ceux qui pensaient que le fond était atteint, l’homme propose donc de creuser. Forte de cette consigne, preuve d’une grave incompétence artistique, la direction de Canal Plus se doit de plancher sur un anti-Guignol dans lequel chaque homme politique sera magnifié, encensé, loué… Cirage à foison, coulée de miel sur le plateau, De Caunes déguisé en abeille… Il y a concept sous roche.

    Après le militantisme pro « Hollande-Sarko » du « Petit journal » camouflé sous l’estampille « humour moderne », voici peut-être venu le temps de la propagande à découvert. Hollande petit papa des peuples, Sarkozy mon ami comme tu es beau, Marine Le Pen tu es la haine, etc. Un refrain à chanter tous les soirs à l’unisson avec les animateurs de la chaîne rebaptisée Canal Peluche (Canal Pluche pour les puristes).

    L’homme d’argent de Vivendi ne semble pas se rendre compte que, mise en pratique, sa conception de l’humour entrainerait une chute vertigineuse d’audience et par voie de conséquence un de ces manque-à-gagner qui vous contraint de laisser le yacht au port au moins pendant deux jours sans bouger tellement le fuel est hors de prix et que là, on peut plus suivre.

    Et le plaisancier d’enfoncer le clou : « C’est parfois un peu trop de dérision. » Gratuite ! omet-il d’ajouter. La dérision pour la dérision fatigue son téléspectateur. Quitte à regarder une chaîne dite décalée, l’animal veut du vrai vent qui souffle. Du qui décoiffe. Pas une simple brise d’été pour midinette en manque d’après shampoing. Sur ce registre, la chaîne n’a fait que décevoir. Qu’aller de mal en pis. De l’Apathie béni oui-oui jusqu’à l’indigestion, de l’invité « Druckerisé », du sous Ruquier de samedi soir maussade.

    Ah non, n’en jetez plus ! Assez de dérision facile, de sourires entendus, de blagues convenues… Du neuf ! Du sol au plafond. Changez tout. Repartez de zéro. Voilà, résumé en peu de mots, tout ce que Bolloré ne fera pas. Les soirs d’été sur le pont de son bateau de plaisance resté à quai, il songera à racheter une chaîne de la Corée du Nord. Au moins des gens qui savent rigoler sans se moquer de personne…  

     

    Jany Leroy - Boulevard Voltaire

     

  • GUERRE DE CIVILISATION, par François Marcilhac

     

    500021990.jpgAlors que François Hollande, apprenant l’attentat terroriste commis vendredi 26 juin à côté de Grenoble contre une usine chimique, n’a su qu’ânonner « la nécessité de porter des valeurs et de ne pas céder à la peur, jamais »,...

     

    ... Manuel Valls, face à cette première décapitation sur le sol français — les islamistes franchissant, par cet acte culturel, un cran symbolique supplémentaire dans la guerre qu’ils mènent sur notre vieille terre chrétienne contre tout ce qu’elle représente —, a préféré, et à juste titre, parler dimanche 28 [1] de « guerre de civilisation », indisposant du reste plus son propre camp qu’une droite qui a vu dans ce propos un hommage du vice socialiste à la vertu sarkozyste. Il a eu d’ailleurs entièrement raison d’ajouter aussitôt, de peur de ne pas être compris, qu’il ne s’agit pas d’« une guerre entre l’Occident et l’islam » et qu’il n’est pas devenu un disciple d’Hutington. L’Occident, en effet, du moins en ce sens-là, loin d’être une réalité géopolitique, n’est qu’une arme idéologique de destruction massive des Etats-Unis dont la barbarie apparemment plus douce est pareillement dirigée contre la civilisation incarnée par nos vieilles nations européennes... Un « Occident » dont, néanmoins, la politique actuelle du gouvernement français favorise les entreprises, qu’il s’agisse, entre autres exemples, de son opposition à la Russie ou de sa soumission, via l’Europe, dans les négociations sur le traité transatlantique.

    La France, chrétienne en son essence, n’est pas en guerre contre l’islam, encore moins contre ses propres ressortissants musulmans, mais, comme l’affirme Aymeric Chauprade, contre le « totalitarisme islamique » et ceux « qui vivent à l’extérieur ou chez nous, profitent d’ailleurs des largesses de notre État-providence tout en étant hostiles à ce que nous sommes, à nos valeurs, à notre civilisation. » [2] Nous ne sommes évidemment pas les seuls menacés et cette guerre est mondiale, comme l’a montré, le même jour, l’attentat commis en Tunisie et visant principalement des touristes. C’est que de nombreux pays européens ont pratiqué et continuent de pratiquer la même politique, qui risque même d’aller s’aggravant sous des prétextes compassionnels, après avoir déstabilisé, à la demande de l’« Occident », une Afrique du Nord et un Proche et Moyen Orient qui n’en demandaient pas tant ! Oui, la cause des attentats est bien « à rechercher dans la mise en place d’une politique étrangère déplorable [...], dans une immigration incontrôlée et incontrôlable, dans une justice complaisante ainsi que dans la destruction de tous les repères traditionnels de notre société. » [3]

    Le terme de civilisation a un mérite : celui d’obliger à nommer les choses et à ne plus se contenter de la vaine opposition entre des « valeurs républicaines » et un « terrorisme » également hors-sol. Notre civilisation, c’est tout ce que nous sommes depuis plusieurs millénaires, même lorsque certaines de nos valeurs sont devenues folles, et cette barbarie a un visage, celui d’un fanatisme qui se réclame d’une religion et par rapport auquel les fidèles de cette même religion doivent impérativement et clairement se positionner en cessant de prétendre qu’ils sont les premières victimes. Ainsi, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) a osé relativiser l’horreur de l’attentat en affirmant dans un communiqué que « le vrai danger réside du côté de ceux qui utilisent ces événements pour déverser leur haine contre une partie de la population qui est, de fait, celle qui paye le plus lourd tribut face au terrorisme. » Le Gouvernement peut-il encore considérer comme interlocuteur crédible un « collectif » qui ose prétendre que le danger n’est pas le djihadisme mais une « islamophobie » largement fantasmée et qui, fort heureusement du reste, ne compte encore aucune victime, décapitée ou non ? La désinformation à laquelle s’emploie le CCIF a-t-il pour objectif le désarmement moral de la nation ? Inutile de dire à qui profiterait celui-ci...

    Qu’importe qu’on ne puisse savoir si les propos de Manuel Valls, qui rompent avec l’éternel refrain sur LA République, expriment la conviction, toute neuve, d’une France qu’on ne peut réduire à une idéologie ou à un régime politique, ou ne sont qu’éléments de langage concoctés par ses communicants. Il avait déjà évoqué une attaque contre « l’essence même de la France » pour commenter la tentative d’attentat contre deux églises de Villejuif. L’essentiel, en effet, n’est pas que le Premier ministre soit sincère mais qu’il se soit cru obligé de parler ainsi. Que lui, ou ses communicants, comprennent qu’il se suffit plus d’évoquer les « valeurs de la république » sous forme d’incantation magique pour mobiliser les Français contre une entreprise barbare qui menace l’existence même de la nation. Ne rêvons pas ! Nous n’en avons pas fini d’en souper, de ces valeurs, et Valls sera le premier à nous les resservir lorsqu’il s’agira de politique politicienne. Mais c’est un fait : sous ce mot de « civilisation », ambigu, peut-être, mais dont l’ambiguïté même a pour mérite de sortir de la référence plavlovienne à la République, c’est de nouveau la France en son être qui perce, ou tout du moins, l’aveu que le recours à une idéologie — la République, la laïcité — ne peut plus suffire à vaincre dans une guerre cruciale.

    Les récents propos de Marion Maréchal-Le Pen, qui ne comprend pas « cette obsession pour la République » et, condamnant la tendance qui « voudrait que la République efface la France », affirme que « la République ne prime pas sur la France », constituent une divine surprise. Sommes-nous à un tournant, provoqué par la véritable indigestion que la « République » commence de provoquer chez les Français, et que seuls ne ressentent pas quelques ringards confits en dévotion ? Une indigestion qui n’est que la révélation d’une imposture : celle d’une religion de substitution ayant cru trouver dans la mondialisation un nouveau ressort pour faire disparaître définitivement un peuple français réel, trop réel. Nos compatriotes se réveillent et, avec eux, le meilleur de l’élite politique. Tant mieux ! 

     

    L’Action Française 2000

    - [1] au Grand Rendez-vous d’Europe 1, Le Monde et i-Télé
    - [2] Entretien donné à Boulevard Voltaire ce 29 juin.
    - [3] Communiqué de l’Action française du 27 juin
    - [4] Entretien à la revue Charles

  • Pourquoi l'immigration massive doit cesser

    Par Mathieu Bock-Côté*      

    Le maire de Palerme a appelé ce jeudi à l'instauration de la libre circulation des clandestins dans l'UE. Mathieu Bock-Côté rappelle que les peuples ne sont pas interchangeables et constituent des réalités historiques qu'il faut préserver.   

    Touche pas à mon pote. C'était le slogan de l'antiracisme des années 1980. Il abolissait la distinction entre le citoyen et l'étranger et résorbait le lien politique dans la simple amitié privée. L'humanité étant une, les frontières distinguant les groupes nationaux seraient arbitraires. Il faudrait saisir chaque occasion d'en finir avec elles, en les déconstruisant comme en les transgressant. Qu'importe que l'immigrant soit légal ou illégal, officiellement le bienvenu ou clandestin. Il forçait la nation à se déprendre de son ethnocentrisme, à s'examiner de l'extérieur et à célébrer la différence rédemptrice. D'ailleurs, au fil du temps, le clandestin est devenu le sans-papier. Il ne se définissait plus par sa présence illégale mais par un manque à combler. 

    Ces jours-ci, les clandestins sont devenus des migrants. Singulier euphémisme correspondant au grand récit mis de l'avant par la mondialisation selon lequel nous serions tous des immigrants. Et comme hier, nous entendrons probablement bientôt touche pas à mon migrant. Le terme masque bien mal une véritable déferlante migratoire qu'il n'est pas permis de nommer sans quoi on se fera accuser de céder au fantasme de la submersion démographique. Évidemment chaque immigré porte une histoire singulière. Mais c'est à l'échelle de l'histoire qu'il faut saisir ce phénomène, qui prend l'allure d'une révolution démographique appelée à changer le visage d'un vieux monde faisant semblant de s'en réjouir en chantant la célébration des différences. 

    Les élites européennes adhèrent à un humanitarisme qui ne veut plus voir le monde qu'à travers une vision fondamentaliste des droits de l'homme. Évidemment, aucune communauté n'est définitivement close. Chacune est transcendée par une certaine idée de l'universel. Le christianisme nous disait déjà de tous les hommes qu'ils étaient égaux devant Dieu, et les droits de l'homme ont sécularisé cette noble idée. Faut-il néanmoins rappeler que les peuples ne sont pas tous interchangeables entre eux, quoi qu'en pensent ceux qui veulent définir les peuples simplement par leur adhésion à des valeurs universelles? Un peuple n'est pas une construction juridique artificielle: c'est une réalité historique profonde qui a un droit à la continuité. 

    Il ne s'agit pas de penser, comme le suggèrent certains esprits aussi inquiets qu'excessifs, en termes de conquête de l'Europe par l'islam. À tout le moins, on parlera pour l'Europe d'une immigration de peuplement subie qui engendre des crises sociales de plus en plus nombreuses. Il faut aller au-delà de la seule crise des migrants, qui ne fait que radicaliser la question de l'immigration. Mais ces populations nouvelles ne s'assimilent ni ne s'intègrent vraiment et se constituent souvent en contre-sociétés qui deviennent aisément hostiles aux pays dans lesquelles elles s'installent. Elles arrivent dans les pays européens sans avoir l'intention d'en prendre le pli. Naturellement, les populations locales se sentent dépossédées et se crispent. 

    Nul besoin d'aller jusqu'à prophétiser un choc des civilisations pour constater que des mœurs trop fortement contrastées peuvent difficilement cohabiter sur un même territoire sans que ne s'installe une crise permanente. Évidemment, les explications de ces conflits sont aussi nombreuses que contradictoires. À droite, on a tendance à l'expliquer par l'incompatibilité culturelle entre les populations étrangères et la société d'accueil. À gauche, on accuse surtout cette dernière de ghettoïser les immigrés et d'en faire les victimes d'un système discriminatoire à grande échelle. C'était la formule aussi dangereuse que toxique de Manuel Valls qui a accusé la France de pratiquer l'apartheid contre ses immigrés. Mais plus personne ne croit vraiment que tout va bien. 

    Évidemment, il n'y a pas de solution simple, même si certains se réfugient derrière la complexité de la situation pour justifier leur inaction. Le fait est pourtant que les nations européennes devront envoyer d'une manière ou d'une autre un message clair: les vagues massives de clandestins qui entrent par effraction dans leurs frontières ne sont pas les bienvenues et sont appelées, tôt ou tard, à être refoulées. L'immigration massive doit cesser, et plus encore quand elle prend le visage de ces derniers mois. Cela ne veut pas dire qu'il faille railler toute sensibilité humanitaire en y voyant de la sensiblerie humanitariste. D'ailleurs, quoi qu'en disent les cyniques, les pays européens déploient des efforts significatifs et admirables pour sauver le plus de vies possibles. 

    Le fantasme universaliste qui pousse la civilisation européenne à se mirer exclusivement dans l'idéal d'une humanité réconciliée l'empêche de comprendre ses intérêts spécifiques. Elle en vient à se désarmer politiquement et psychologiquement pour ne plus se voir qu'à la manière d'un espace plat sans identité particulière appelé à accueillir la planète entière. Il n'est plus bien vu, aujourd'hui, d'évoquer la figure de la décadence. On veut y voir une catégorie réservée à la pensée réactionnaire et aux obsédés du déclin. C'est peut-être à sa lumière, néanmoins, qu'il faudrait penser la crise actuelle d'une civilisation renonçant à défendre ses frontières en bonne partie parce qu'elle ne voit plus au nom de quoi et en quel droit elle le ferait.

     

    * Mathieu Bock-Côté est sociologue (Ph.D). Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels «Exercices politiques» (VLB, 2013), «Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois» (Boréal, 2012) et «La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire» (Boréal, 2007).

    Mathieu Bock-Côté - Figarovox

     

  • C'est la fin ! Par georges Rousseau

     

    08 et 09.2012 034.jpgUn observateur attentif des réalités françaises ne manquerait pas de remarquer que plusieurs éléments, et non des moindres, des problèmes de notre pays, montrent qu'on est arrivé à la fin d'une époque, sur le plan des institutions, sur le plan économique et sur celui de la politique étrangère. 

     

    La fin de la Ve République 

    Le raccourcissement de sept ans à cinq ans de la durée du mandat du Président de la République a changé la nature du régime ! La « monarchie républicaine » imaginée par le général de Gaulle il y a quarante-cinq ans, n'est plus : nous sommes revenus au régime des partis de la Mme République. Car, dans l'idée du général, l'élection du Président de la République au suffrage universel direct et ce, pour une durée excédant largement celle d'une législature, devait lui donner une forte légitimité et une large indépendance face aux partis politiques. A partir du moment où la durée du mandat du chef de l'État est la même que celle des députés à l'Assemblée nationale et que l'élection du premier ne précède que de trois mois l'élection des seconds, ces élections sont liées et, dès lors, le Président n'est pas le chef de la nation, mais seulement celui du parti dominant. On arrive donc exactement au contraire de ce que voulait de Gaulle !

    Et cette entreprise de démolition n'est pas la première. Car, comme l'écrit François de Closets dans un livre récent : « Le général était parti en guerre contre un parlementarisme débilitant qu'il détestait et qui, d'ailleurs, le lui rendait bien. Il n'était pas sitôt disparu que les partis reprirent à leur profit la configuration binaire imposée par la constitution de 1962 ». Et les premiers à le trahir, comme ils l'avaient déjà trahi en ce qui concerne l'Europe, ont été les dirigeants du parti qu'il avait lui-même formé. Car dès l'instant qu'on est en République, on ne sait rien faire sans les partis, au moins en France...

    Ils viennent même d'aller plus loin dans la démolition de la vision gaullienne de laVe République, car le Président n'est plus désigné par le peuple. En effet, la vraie désignation du chef de l'Etat n'est plus faite directement par l'ensemble des électeurs, mais découle d'une élection primaire, où il est choisi par quelques dizaines de milliers de personnes appartenant à un ou des partis politiques ! Comme le remarquait Hilaire de Crémiers dans une récente conférence : jamais le Président de la République n'a été désigné par aussi peu de gens !

    En réalité, il semble que nos dirigeants, qu'ils appartiennent au Parti Socialiste ou à l'UMP, pardon : aux Républicains, n'aiment pas le peuple, qu'au fond ils méprisent... On dirait qu'ils le craignent et préfèrent prendre leurs décisions en petits comités...D'ailleurs, ils traitent avec mépris de « populistes » ceux de leurs adversaires qui attirent les suffrages des électeurs des classes populaires !

    Ainsi, la V' République ne s'est pas terminée par un coup d'état, comme la première et la seconde, ni après une terrible défaite militaire comme la troisième République, ni encore dans les soubresauts dramatiques découlant de la guerre d'Algérie comme la quatrième, mais par des combinaisons partisanes ! Alors qu'on ne cesse de nous rebattre les oreilles des « valeurs de la République », on constate que la réalité s'en éloigne de plus en plus. Elle est chouette la démocratie !

    La fin de la croissance

    Depuis 2008, début de la crise financière mondiale, l'évolution du Produit Intérieur Brut de la France a été, soit négative, soit positive mais à des niveaux très faibles, très souvent inférieurs à 1 % et ne dépassant en aucun cas 1,7 %. En clair, nous sommes durablement dans une période de très faible croissance...

    Par exemple, la Commission européenne prévoit qu'en 2015, la hausse du P.I.B. en France sera de 1,1 %, contre 1,9 en Allemagne. Or, contrairement à d'autres pays européens, la population de la France augmente, résultat d'une bonne démographie et d'une immigration importante. Il faudrait donc que la croissance française soit supérieure, pour qu'elle puisse faire diminuer le chômage. Rappelons que le chômage total atteint cette année 3.500.000 personnes, auquel il convient d'ajouter le chômage partiel qui s'élève à 1.500.000 personnes.

    Autre facteur négatif : la baisse de la productivité depuis les années 1990. La Direction du Trésor indiquait récemment dans une note que : « les gains de productivité par tête en France passent sous la moyenne de l'OCDE ». En cause, la baisse du nombre d'heures travaillées qui est passé, en pourcentage, de 100 en 1976 à 79 en 2012. Ajoutons le vieillissement du matériel : « La France, notait un économiste, est derrière l'Italie, le pays où le stock de capital a le plus vieilli... » Machines peu modernes, retard en robotique, tout ceci nuit à l'efficacité du travail ! 

    Certes, une certaine imélioration a été constatée au début de l'année 2015, et cette éclaircie inespérée a ranimé l'espoir de certains que cette reprise permettrait à la croissance française de repartir en avant. Ce relatif regain de l'activité provient de ce qu'on a appelé : « l'alignement des planètes », à savoir la baisse du prix du pétrole, la baisse de l'Euro et la baisse des taux d'intérêts. Or, le premier élément (la baisse du prix du pétrole) a déjà partiellement disparu, puisque le prix du baril de Brent, qui était tombé à 40 dollars, est remonté maintenant à 60 dollars. Le second élément, la baisse de l'Euro, est aussi en voie de disparition. Quant au dernier ,le niveau quasiment nul des taux d'intérêts, élément totalement injustifié et qui représente un risque mortel pour un pays croulant sous le poids des dettes comme la France, il commence sérieusement à disparaître, le taux des emprunts de l'État français ayant déjà été multiplié par quatre depuis quelques semaines.

    Le pauvre François Hollande se croyait sauvé par son parapluie miraculeux : les cycles économiques, ces théories exposées vers 1900 ! Cycle de Kondratiev de cinquante ans, cycles décennaux de Juglar, ou même les mini-cycles de Kitchin de deux ans ... qui tous se déroulaient uniformément, avec une phae économique ascendante, suivie d'un retournement de tendance et d'une phase dépressionnaire, et de nouveau d'une reprise économique. Le malheur, c'est que la situation à l'époque où ces théories ont été élaborées, n'était pas du tout la même que celle que nous connaissons aujourd'hui. En 1900, les frontières étaient, en ce qui concerne la circulation des marchandises, presque toutes fermées hermétiquement. Les monnaies, à l'époque toutes métalliques (or, argent...), ne circulaient pas facilement. Quant aux nouvelles, elles mettaient le temps d'un bateau à vapeur, ou parfois à voile, pour aller de New-York au Havre, ou pire, de Tokyo à Marseille ! De nos jours, toutes les frontières sont ouvertes aux marchandises du monde entier, on peut aller spéculer librement sur les bourses de toute la planète, et les nouvelles et les capitaux circulent à la vitesse de la lumière grâce à Internet. Il s'ensuit que la théorie des cycles, qui était parfaitement exacte autrefois, ne signifie plus grand-chose aujourd'hui !

    La fin de la politique étrangère de la France

    La politique étrangère menée par les gouvernements français qui se sont succédés au pouvoir depuis huit ans a cessé d'être celle d'un état indépendant défendant ses intérêts nationaux, ce n'est plus la politique étrangère de la France !

    Nicolas Sarkozy a ouvert le bal en se mettant outrageusement à la remorque des Américains. 

    Tournant le dos à une décision historique du général de Gaulle, il a décidé que la France ferait de nouveau partie des centres de commandement militaire de l'OTAN. Or l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, fondée pour défendre ses membres contre la menace soviétique, n'a plus de raison d'être depuis que l'U.R.S.S. a disparu. L'OTAN n'est plus que le paravent de l'expansionnisme des Etats-Unis.

    Mais il y a plus grave. Se fondant sur des arguments « droit-de-l'hommistes », le président Sarkozy a soutenu la causes des révolutionnaires du « Printemps arabe »  

    en Tunisie, puis en Lybie. Bien que Kadhafi, autrefois proche des terroristes, ait mis beaucoup d'eau dans son vin et se soit rapproché des États occidentaux, notamment de la France, Nicolas Sarkozy a décidé d'intervenir militairement dans ce pays. Les résultats de cette intervention sont catastrophiques ! En effet, Kadhafi éliminé, la Lybie s'est retrouvée écartelée entre différentes factions rivales, chacune représentant une région, une tribu ou un groupe religieux... Depuis lors, une terrible guerre civile ravage le pays et détruit ses richesses ! Quant aux armes modernes que nous avons généreusement distribuées pour faire pièce à Kadhafi, elles se sont comme par miracle retrouvées entre les mains d'islamistes radicaux au Sahel : d'où la guerre au Mali et maintenant dans toute l'Afrique sub-saharienne ! 

    François Hollande a remplacé Nicolas Sarkozy en 2012. Mais la politique suivie par le gouvernement socialiste s'est révélée être aussi mauvaise que celle du gouvernement UMP.

    En Europe, elle a purement et simplement emboitée le pas aux Américains. Notamment, la position de la France aurait dû s'écarter radicalement de l'attitude agressive des États-Unis et de l'Union européenne face à la Russie sur le problème ukrainien. La France aurait dû tenter de trouver sur le terrain diplomatique une solution plus réaliste et correspondant aux intérêts des parties en cause. Ne parlons pas des négociations en vue de la conclusion d'un accord commercial transatlantique, dans lesquels nous sommes loin d'avoir défendu énergiquement nos intérêts...

    De même, en Syrie, à seule fin de faire tomber le « dictateur » Bachar el-Assad, qui pourtant ne demandait qu'à s'arranger avec les puissances occidentales, la France a fourni de nombreuses armes à de prétendus groupes « démocrates », qui se sont retrouvées comme par hasard entre les mains des islamistes radicaux. De même, les interventions aériennes que la France, toujours à la remorque des Etats-Unis, a déclenché contre le DAESH islamique, se limitent au territoire irakien. Résultat, le DAESH règne maintenant en maître sur la moitié de la Syrie !

    Ce bref résumé montre que nos dirigeants, de droite comme de gauche, mènent une politique ne prenant pas en compte, comme elle le devrait, le seul intérêt national. Décidément, il est temps de changer de régime ! 

     

    Restauration Nationale 

     

  • Hervé Juvin : « L'union européenne, une entreprise à décerveler les peuples »

     

    D'après les révélations de Wikileaks, les trois derniers présidents français auraient été mis sur écoute par la NSA. Hervé Juvin voit dans ce scandale le symbole de l'hégémonie américaine et de la naïveté des Européens.

     

    HerveJuvin.jpgVotre livre s'intitule Le mur de l'ouest n'est pas tombé. Comment analysez-vous l'affaire Franceleaks ?                     

    Ne nous faites pas rire ! L'affaire des écoutes américaines des Présidents français, dont il est promis juré qu'elles se sont arrêtées en 2012, en dit plus sur l'état de la France que sur la réalité des écoutes. Partons du principe que tout le monde écoute tout le monde, suggérons avec le sourire que les Français ne sont pas les derniers à le faire, ajoutons que l'explosion de l'espionnage de données par les systèmes américains ne leur assure pas des triomphes stratégiques bien marquants, et regardons-nous !

    Les Français veulent croire que nous vivons dans un monde de bisounours. L'Europe est une entreprise à décerveler les peuples européens, ceux du moins qui croiraient que les mots de puissance, de force, d'intérêt national, ont encore un sens. C'est l'étonnement général qui devrait nous étonner; oui, l'intérêt national américain n'est pas l'intérêt français ! Oui, entre prétendus alliés, tous les coups sont permis, et les entreprises françaises le savent bien ! Oui, les Américains ne manquent pas de complices européens qu'ils savent diviser pour mieux régner ! Oui encore, l'exceptionnalisme américain leur permet d'utiliser tous les moyens pour dominer, pour diriger ou pour vaincre, et la question n'est pas de protester, c'est de combattre !

    Édouard Snowden est en Russie et ces révélations servent objectivement les adversaires des États-Unis. N'est-ce pas tout simplement de la géopolitique ?

    Le premier fait marquant de l'histoire Snowden, c'est que des pays qui se disent attachés à la liberté d'expression et indépendants n'ont pas souhaité l'accueillir, voire se sont alignés sur l'ordre américain visant à le déférer à la justice américaine. Il n'y a pas de quoi être fiers, quand on est Français, et qu'on a été l'un des champions des non-alignés ! Nous sommes rentrés dans le rang ; triste résultat de deux présidences d'intérim, avant de retrouver un Président capable de dire « non ! ».

    Le second fait, c'est que Snowden a révélé un système de pouvoir réellement impérial, qui tend à assurer de fait un empire mondial américain. Nous sommes face au premier nationalisme global. Le point crucial est l'association manifeste d'une surpuissance militaire, d'une surpuissance d'entreprise, et d'un universalisme provincial - une province du monde se prend pour le monde et veut imposer partout son droit, ses normes, ses règles, ses principes, en recrutant partout des complices. Ajoutons que l'affaire des écoutes, celle de la livraison des frégates « Mistral », comme celle des sanctions contre la Russie, éclairent la subordination absolue de ceux que les États-Unis nomment alliés, alors qu'ils les traitent comme des pions ; est-ce la manifestation de la stratégie du «leading from behind» annoncée par Barack Obama dans un célèbre discours à West Point ?

    Le troisième fait est au cœur de mon livre, Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé. Les États-Unis attendent la guerre, ils ont besoin de la guerre extérieure qui seule, va les faire sortir de la crise sans fin où l'hyperfinance les a plongés. Seul, un conflit extérieur les fera sortir du conflit intérieur qui monte. D'où la rhétorique de la menace, du terrorisme, de la Nation en danger, qui manipule l'opinion intérieure et qui assure seule l'injustifiable pouvoir de l'hyperfinance sur une Amérique en voie de sous-développement.

    Quel est, selon vous, le jeu américain vis-à-vis de la Russie ?

    La Russie est l'un des pôles de la résistance à l'ordre américain. Et c'est, à ce jour, la seule puissance militaire réellement capable de faire échec à une agression américaine. Cantonner, encercler, affaiblir la Russie, vient donc en tête de l'agenda effectif des États-Unis. Le général Wesley Clark l'a dit sans ambages ; « il faut en finir avec les États-Nations en Europe ! » Voilà pourquoi, entre autres, l'idéologie américaine nous interdit toute mesure pour lutter contre l'invasion démographique qui nous menace, promeut un individualisme destructeur de nos démocraties et de notre République, veut nous contraindre à une ouverture accrue des frontières, notamment par le traité de libre-échange transatlantique, et nous interdit de réagir contre les atteintes à notre souveraineté que représente l'extraterritorialité montante de son droit des affaires.

    Les États-Unis réveillent le fantôme de la guerre froide pour couper le continent eurasiatique en deux. C'est le grand jeu géopolitique des puissances de la mer qui est reparti ; tout, contre l'union continentale eurasiatique ! Bill Clinton a trahi les assurances données à Gorbatchev par George Bush : l'Otan ne s'étendra jamais aux frontières de la Russie. Les États-Unis accroissent leur présence militaire dans l'est de l'Europe, dans ce qui s'apparente à une nouvelle occupation. Que font des tanks américains en Pologne et dans les pays baltes? Le jeu géopolitique est clair ; l'Eurasie unie serait la première puissance mondiale. Les États-Unis, on les comprend, n'en veulent pas. On comprend moins leurs complices européens. Et moins encore ceux qui répètent que la puissance, la force et les armes ne comptent pas !

    Poutine ne cède-t-il pas au défaut (autocratie, volonté expansionniste) que l'Occident lui prête ?

    Critiquer la volonté impériale des États-Unis n'est pas encenser Monsieur Poutine ! Quand je critique la confusion stratégique américaine, je n'écris rien que des élus américains, comme Elizabeth Warren, comme Rand Paul, comme Jeb Bush lui-même, qui vient de déclarer qu'il n'aurait jamais envahi l'Irak, ont déclaré !

    Je constate simplement que les États-Unis ont eu peur du rapprochement entre l'Union européenne et la Russie, qui aurait menacé le privilège exorbitant du dollar, et qu'ils se sont employés à la faire échouer, comme ils s'étaient employés à affaiblir l'euro. Je constate ensuite que le Président Poutine a tourné la page du communisme pour renouer avec la tradition des tsars ; il a un confesseur, il favorise l'orthodoxie et redonne prestige et autorité à la troisième Rome, il discute avec le Pape François, etc. tout ceci dans un contexte où les États-Unis utilisent les droits de l'individu, sans origine, sans sexe, sans race, sans quoi que ce soit qui le distingue, sauf l'argent, pour dissoudre les sociétés constituées et en finir avec la diversité des cultures et des civilisations, qui n'est rien si elle n'est pas collective. Je salue le fait que la Russie soit un pôle de résistance à l'individualisme absolu, comme l'Inde, comme la Chine, comme l'Islam à sa manière, et qu'elle garde le sens de la diplomatie, qui est celui de reconnaître des intérêts contraires, pas d'écraser ses opposants. La France ne l'est plus. On n'est pas obligé d'être d'accord avec eux sur leur manière singulière d'écrire l'histoire de leur civilisation, pour être d'accord sur le fait que leur singularité est légitime, puisqu'ils l'ont choisie, et mérite d'être préservée !

    La chute de la diversité des sociétés humaines est aussi, elle est plus grave encore que la chute de la biodiversité animale et végétale. Car c'est la survie de l'espèce humaine qui est en danger. Il n'y aura plus de civilisation, s'il n'y a pas des civilisations. Et la Russie orthodoxe, comme l'Islam chiite, comme l'hindutva de Narendra Modi, sont des incarnations de cette merveille : la diversité des formes que l'homme donne à son destin.

    Les Russes savent aussi écouter leurs partenaires et leurs adversaires ?

    Un peu d'histoire. L'invention, l'entraînement, le financement d'Al Qaeda, des talibans, a enfoncé une épine dans le pied de l'URSS, dont elle ne s'est pas relevée. Brzezinski l'a dit avec une rare franchise ; « Al Quaeda a produit des dégâts collatéraux (side effeects) sans importance dans la lutte que nous avons gagnée contre l'URSS ». Partout, y compris pour justifier l'intervention armée en Europe et pour défendre l'islamisation de l'Europe, les États-Unis derrière leur allié saoudien, se sont servis de l'Islam. Ils s'en servent en Inde, en Chine, ils s'en sont servis en Tchetchénie. Et ils se préparent à renouveler l'opération au sud de la Russie, en déstabilisant les États d'Asie centrale et l'extrême-est de la Chine.

    Parmi les preuves multiples, regardons la prise de Palmyre par l'État islamique. Admettons qu'un vent de sable ait effectivement empêché toute intervention aérienne pour la prise de Ramadi, quelques jours plus tôt. Mais Palmyre ! Dans une zone désertique, sans grand relief, Palmyre qui ne peut être atteinte que par des pistes ou des routes droites sur des kilomètres, en terrain découvert ; une armée qui dispose de l'exclusivité aérienne, comme celle de la coalition, peut empêcher toute entrée ou sortie d'un seul véhicule de Palmyre ! L'inaction de la coalition est inexplicable. La diplomatie française, sidérée par les néo-cons qui l'ont envahie, ne semble plus savoir lire une carte de géographie. Mais une France devenue pauvre en monde, livrée à la confusion des valeurs et des intérêts, une France qui n'incarne plus la résistance à l'intérêt mondial dominant qu'est l'intérêt national américain, qui sera peut-être demain l'intérêt chinois, est-elle encore la France ?  

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    Hervé Juvin est un écrivain et essayiste français. Il poursuit un travail de réflexion sur la transformation violente de notre condition humaine qui, selon lui, caractérise ce début de XXIè siècle. Il est par ailleurs associé d'Eurogroup Consulting. Il est l'auteur de Pour une écologie des civilisations (Gallimard) et vient de publier aux éditions Pierre-Guillaume de Roux Le Mur de l'ouest n'est pas tombé.

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