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Actualité France - Page 389

  • Livres • Le secret de Pierre Boutang : retour sur l'ouvrage de Stéphane Giocanti

     

    Pierre Boutang a été et reste l'un de nos maîtres, comme on eût dit plus volontiers en d'autres temps. Mais un maître au sens de George Steiner, un maître duquel on apprend, mais avec qui l'on dialogue, dans une relation vivante, où parfois s'affirment divergences ou développements. Et à la différence des Maurras, Daudet, Bainville, nombre d'entre nous ont approché, connu, écouté, interrogé un Pierre Boutang de chair et d'os, qualités et défauts confondus. L'excellente recension qui suit du dernier ouvrage de Stéphane Giocanti nous le fait redécouvrir tel qu'en lui-même. Nous la devons à Philitt, un site de réflexion philosophique et culturelle qu'il faut, selon nous, connaître et faire connaître. LFAR   

    Après une biographie consacrée à Charles Maurras (Flammarion, 2006), Stéphane Giocanti s’attaque à l’un des plus talentueux disciples du maître de l’Action française : Pierre Boutang (Flammarion, 2016). Ce livre nous permet de découvrir un personnage complexe et souvent sous-estimé, de l’étudiant facétieux au philosophe virtuose en passant par le talentueux polémiste.

    Une des choses qui ravit lorsqu’on évoque le nom de Pierre Boutang, c’est qu’on sait d’emblée – à la différence des intellectuels d’aujourd’hui – qu’on peut le nommer écrivain ou philosophe. Car Boutang, bien qu’il ne soit pas si loin de nous – il meurt le 27 juin 1998 – était incontestablement les deux. Il avait à la fois l’âme d’un poète et celle d’un métaphysicien. Dans sa biographie consacrée à l’auteur d’Ontologie du secret, Stéphane Giocanti dresse le portrait d’un homme dont la complexité déroutera plus d’un lecteur, trop habitué que nous sommes au monolithisme de nos contemporains. D’abord normalien et militant de l’Action française, maréchaliste puis giraudiste pendant la Seconde Guerre mondiale, soutien de De Gaulle dans l’espoir de voir le comte de Paris succéder à ce dernier, disciple de Maurras renonçant petit à petit à son antisémitisme pour finir fervent défenseur d’Israël… Boutang est insaisissable bien que toujours mû par l’idéal monarchique et par son catholicisme.

    Jeune, Boutang se distingue par sa beauté, par sa force physique et par sa verve. Ce Rimbaud aux mains de paysan est aussi espiègle que charmeur. Il envoûte ses professeurs autant que ses camarades. Giocanti nous dépeint avec talent cette période de la vie du philosophe. On ressent nettement la tension inhérente chez Boutang entre sa curiosité intellectuelle inépuisable et son tempérament dionysiaque – qui va de ses nombreuses conquêtes à son besoin de faire le coup de poing. Ainsi, il manque d’être exclu de l’école Normale pour avoir réservé un accueil très spécial à Jean Zay qui venait donner une conférence en Sorbonne « Pour répondre à cette personnalité politique, qui en 1924 a comparé le drapeau français à un « torchecul » dans un poème antimilitariste, l’étudiant répand de haut en bas des murs de l’École quantité de papier hygiénique », raconte Giocanti. Mais dans le même temps, Boutang est un élève brillant, lecteur compulsif qui impressionne ses professeurs que sont, entre autres, Vladimir Jankélévitch, Gabriel Marcel et Jean Wahl. « […] il recopie ou commente Nietzsche, Kierkegaard, Hegel, Platon, Pascal, Bergson, rédige toute une dissertation sur le langage, commente l’article que Jean Wahl vient de consacrer à Karl Jaspers dans la Revue de métaphysique et de morale », souligne le biographe.

    La vie d’étudiant fut également pour Boutang l’occasion de rencontres décisives : Philippe Ariès, Raoul Girardet – tous deux futurs historiens de renom – Maurice Clavel, qui sera un écrivain et journaliste célèbre, puis celle qui deviendra sa femme, Marie-Claire Canque. Giocanti tient à montrer que, si Boutang est très fidèle en amitié, il l’est moins en amour. Le couple était déjà un petit miracle en soi : lui militant Action française, elle imprégnée d’un humanisme de gauche. Mais Boutang ne peut s’empêcher d’user de son charme sur les femmes. Il multipliera les conquêtes, les trahisons qui seront, en partie, à l’origine d’un de ses ouvrages les plus importants Le Purgatoire, son chemin de croix philosophique. « De son mariage, Boutang dira rétrospectivement qu’il a été heureux autant qu’il était possible », note Giocanti qui veut témoigner de ce pessimisme amoureux propre à Boutang.

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      Stéphane Giocanti                 Boutang parlant à Maurras

     

    S’il faut trouver un défaut au travail remarquable de Giocanti, il concerne le récit de la Seconde Guerre mondiale. L’auteur perd Boutang de vue pour parler en détail de la rivalité entre le général de Gaulle et le général Giraud. Si cette contextualisation a un sens puisque le « maréchaliste » Boutang a choisi le camp de Giraud pendant la guerre avant de célébrer De Gaulle dans les années 60, Giocanti s’éloigne un peu trop de son entreprise biographique pour aller sur le terrain de l’analyse historique. Pendant un chapitre entier, Boutang est un peu délaissé et on ne le retrouve véritablement que quand l’auteur se décide à aborder l’après 1945. On retiendra néanmoins la position complexe de Boutang dans ce conflit. Boutang reste fidèle à Maurras et soutient le maréchal Pétain. Pourtant, il ne se sent pas du tout proche de l’administration de Vichy et abhorre l’esprit de collaboration. Boutang se mobilisera pour faire sortir du camp de Drancy son ancien professeur Jean Wahl qui lui en sera reconnaissant toute sa vie. L’historien Simon Epstein dira de l’auteur d’Ontologie du secret qu’il fut « résistant à sa manière ». En lisant Giocanti, on comprend d’ailleurs que ce n’est pas le « maréchalisme » de Boutang qui lui a posé problème après la guerre mais bien plutôt son giraudisme. Sans doute aurait-il été ministre, comme Malraux, s’il avait rejoint Londres en 1940, dira de lui un ami.

    L’avènement d’un philosophe

    Boutang a 29 ans quand la guerre se termine. Philosophe royaliste et catholique, il doit ferrailler avec les existentialistes, les structuralistes et les marxistes qui dominent la scène intellectuelle française. Il mènera son combat depuis deux revues qu’il dirigera successivement, Aspects de la France puis La Nation française. Avec ce deuxième titre, Boutang veut donner un nouveau souffle à la pensée monarchique affaiblie depuis la mort de Maurras en 1952. « Le projet est de dépasser ce qui a été tenté à Aspects de la France et de tracer une voie intellectuelle et politique nouvelle. Il s’agit de créer un laboratoire d’idées et un espace de débat, de relever le royalisme politique et doctrinal », précise Giocanti avant d’ajouter que Boutang entendait résumer la ligne éditoriale du journal par une boutade : « Ne pas être trop bête. » Longtemps, cette carrière de polémiste va retarder le destin philosophique de Boutang qui éprouve beaucoup de difficultés à se retirer du monde. Il faudra attendre 1973 – il a alors 57 ans – pour que soit publiée sa thèse Ontologie du secret dans laquelle il a mis toutes ses forces. Ferdinand Alquié salue une « prouesse » tandis que Gabriel Marcel, son vieux maître, évoque un « monument ». De son côté, George Steiner parle d’un « rendez-vous décisif ». « Avec Ontologie du secret, Pierre Boutang s’impose comme un penseur à la fois considérable et singulier. Ce traité, qui est aussi le journal de bord d’une pensée qui se construit, aborde les fondements mêmes de l’ontologie et de la métaphysique, en examinant les articulations entre l’être et le secret », explique Giocanti.

    Dès lors, ce Boutang consacré peut envisager de rejoindre la Sorbonne. Il est élu professeur de métaphysique le 12 mars 1976. Mais son passé de militant politique le rattrape et une campagne est lancée pour l’empêcher d’enseigner dans cette prestigieuse université. Jacques Derrida, Pierre Vidal-Naquet, Pierre Bourdieu ou encore Luc Ferry font partie des signataires. Ils mettent en doute le sérieux philosophique de Boutang et lui reprochent d’avoir ressuscité « la presse d’extrême droite ». L’alliance des libéraux, des marxistes et des structuralistes contre le philosophe royaliste et catholique est un échec. Les défenseurs de Boutang sont nombreux, d’Emmanuel Levinas à André Froisard en passant par René Schérer. Avant que François Mitterrand, alors Premier secrétaire du Parti socialiste, ne rappelle : « […] la liberté de nos adversaires n’est-elle pas un peu la nôtre ? » En dernière instance, c’est le talent de professeur de Boutang, sa générosité aussi, qui légitimeront sa place à la Sorbonne. « Pédagogue de la liberté intérieure, Boutang donne aux étudiants l’occasion de rompre avec le conformisme marxiste et freudien ambiants, mais il leur offre surtout la possibilité d’interroger les textes comme ils ne l’ont pu auparavant, avec des recours à l’étymologie, aux comparaisons entre les langues, et des parallèles inattendus qui surgissent pour éclairer une notion, ouvrir un problème… », souligne Giocanti.

    Universitaire controversé mais respecté, Boutang pourra enfin se consacrer à l’essentiel : la philosophie. Après Ontologie du secret (1973), c’est Le Purgatoire (1976), Apocalypse du désir (1979) ou encore Maurras, la destinée et l’œuvre (1981) qui contribueront à forger sa réputation de penseur de premier plan. Cent ans après sa naissance, la biographie de Giocanti apparaît comme un hommage nécessaire à cet homme hors du commun qui aura traversé le XXe siècle comme une comète. 

    Crédits photo : Rue des Archives/mention obligatoire©Louis Monier

    Philitt

  • Jean Pierre Le Goff : « Malaise dans la démocratie » ?

     

    « L'impuissance politique est enrobée dans les bons sentiments »

    Une analyse éminemment politique mais aussi éthique, anthropologique, sociétale de notre situation française et européenne. Une analyse complète, profonde sans aucune complaisance et d'une grande pertinence. Seule l'idée que la prochaine échéance présidentielle pourrait être, pour les politiques, l'occasion de mettre fin à leurs luttes intestines et à leurs querelles d'égo « pour répondre aux exigences qu'implique l'état du pays et du monde » nous paraît ressortir davantage d'un vœu pieux mais illusoire que d'un espoir réaliste. Nous ne sommes pas sûrs que pour Jean Pierre Le Goff ce soit là autre chose qu'une clause de style.  LFAR

     

    Terrorisme, révolte dans la jeunesse, campagne antiraciste absurde, Europe impuissante, le titre du dernier livre de Jean-Pierre Le Goff, Malaise dans la démocratie, est plus que jamais approprié à la situation actuelle. Le sociologue et philosophe a fait le point pour FigaroVox [29.03].

    Remaniement ministériel digne d'une farce, débat sur la loi travail qui contredit totalement le programme du candidat Hollande en 2012, négociations avec la Turquie sur la crise des migrants: le titre de votre livre, Malaise dans la démocratie, n'a jamais semblé aussi approprié ….

    De quelque côté que l'on se tourne, c'est l'impression de confusion et de délitement qui domine avec le sentiment d'impuissance des États à s'attaquer aux causes des maux dont ils déplorent les effets. On réagit au plus vite pour essayer tant bien que mal de gérer des problèmes qui s'emballent : lutte contre le terrorisme, flux de migrants, Union européenne à la dérive, chiffres du chômage…, tout en ayant en vue des échéances électorales qui se rapprochent à grands pas.

    Chaque jour nous confronte à la vision d'un pays désorienté, d'une Union européenne à la dérive et d'un monde livré au chaos. Les images du flot de réfugiés et de migrants bloqués aux frontières criant leur colère renforcent l'angoisse des peuples européens : pour ces migrants, l'Europe est une terre promise quoiqu'il en soit du chômage, des différences de culture et des mœurs ; réfugiés politiques et migrants économiques se mélangent dans la plus grande confusion, sans parler des terroristes islamistes qui peuvent profiter de l'occasion. Les grands discours généraux sur la lutte contre la xénophobie, l'islamophobie, le racisme…, les leçons de morale données aux peuples européens qui craignent de voir à terme leur pays et leur culture s'en aller à vau l'eau n'y changeront rien. L'accord passé avec la Turquie d'Erdogan restera dans les annales comme un marchandage déshonorant impliquant des milliards d'euros, la possible dispense de visas d'entrée en Europe pour les citoyens turcs, la reprise des promesses de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne… pour des mesures dont la mise en œuvre et l'efficacité restent largement aléatoires. Face à l'urgence, dira-t-on, il ne convient pas de faire la fine bouche, l'Union européenne fait ce qu'elle peut en essayant de gérer tant bien que mal une situation qui paraît devenue immaîtrisable. Il n'empêche : l'irresponsabilité et les revirements de la chancelière allemande, les déclarations hautaines et méprisantes d'Erdogan envers l'Europe, son rapport pour le moins ambigu aux islamistes, sa répression contre les kurdes et les opposants… sont autant de réalités que tous les discours embarrassés des responsables de l'Union européenne ne peuvent effacer. En octobre 2015 au Zénith à Strasbourg, les partisans d'Erdogan vivant en Europe, hommes et femmes séparés, après une prière collective menée par un iman venu de Turquie, ont écouté et applaudi à tout rompre son discours guerrier contres ses opposants et ses propos méprisants sur l'Europe dénoncée et huée par la salle parce qu'elle prétendrait donner des leçons. L'Europe serait affectée par la xénophobie, l'islamophobie et le racisme, tandis que la Turquie serait le « défenseur de la vraie civilisation ». De tels propos tenus en France et sur le sol européen auraient provoqué l'indignation et la réprimande en d'autres temps. Comment ne pas se sentir humilié et continuer de croire à l'Europe quand la France et les autres pays européens ont largement fait silence face à de tels propos ?

    La politique intérieure française ne semble pas plus sortie de ce que vous appelez la « démocratie de l'informe »…

    La présidence de François Hollande représente le summum du pouvoir incohérent et informe qui ne date pas d'aujourd'hui. La façon dont on prépare et multiplie les lois, dont on avance et on recule au gré des pressions des uns et des autres, pour aboutir à des « synthèses » alambiquées qui finissent par mécontenter tout le monde constitue une sorte de modèle-type d'une « gouvernance » post-moderne qui navigue à courte vue au gré des évolutions, des événements et des groupes de pression. . La concertation, la démocratie participative, la recherche d'un compromis acceptable… ont bon dos pour masquer l'absence de tout projet clair et cohérent. La loi El Khomri qui a, entre autres, pour objectif de faciliter la négociation a comme caractéristique paradoxale d'avoir été préparée sans consultation avec les organisations syndicales, avec menace plus ou moins claire d'utiliser le 49-3, avant de revenir en arrière, pour aboutir à une « simplification » du code du travail qui risque d'être des plus complexes… Au bout du compte, tout le monde est mécontent ou insatisfait, sauf le gouvernement. Quant au projet sur la destitution de la nationalité et la réforme de la Constitution, sa nécessité et son utilité ne vont nullement de soi au regard de textes de loi déjà existants et à la mentalité djihadiste qui se fiche pas mal de se savoir français ou non. N'importe comment, on ne voit pas comment elle pourrait aboutir. L'opinion finit par ne plus comprendre au juste de quoi il est question et pourquoi on a consacré tant de temps, de débats et de polémiques pour aboutir à retirer les projets en question ou à de piètres résultats. D'où l'impression justifiée d'une politique qui fait beaucoup de bruit pour pas grand chose (« Tout ça pour ça ! ») et dont le rapport avec la réalité du pays et les préoccupations des citoyens ordinaires est de plus problématique.

    En même temps, on continue la communication personnalisée, en essayant tant bien que mal de revaloriser son image dans un souci électoraliste dont les enjeux donnent une certaine idée de l'état de la politique: qui donc sera présent au second tour des élections présidentielles face à la candidate du Front national ? Vaste débat de prospective chez les spécialistes, proportionnel à l'état de désorientation et de désespérance d'un pays qui ne sait plus qui il est et où il va.

    Le « président normal » s'efforce d'incarner la fonction présidentielle dans une situation qui semble devenue immaîtrisable, tout en se livrant à quelques selfies lors de ses déplacements et des confidences dans des journaux branchés. Le citoyen ordinaire pourra ainsi connaître en lisant le magazine Elle quelques informations sur la famille du président, sur sa vie avec Ségolène Royal où il faisait les courses ou la cuisine, s'occupait de enfants, tout en regrettant de n'en avoir pas fait davantage… De tels propos suffiront-ils à rassurer les Français sur les compétences du Président à diriger le pays ? Les féministes toujours avides d'autocritique publique dans les médias, peuvent-elles se contenter de tels propos ? Dans tous les cas, dans la perspective de l'échéance serrée qui s'annonce, il n'y a pas de petits profits électoraux. Comment dans ces conditions, ne pas désespérer de la politique ?

    Après la France, c'est le Belgique qui a été touchée par le terrorisme. Cela traduit-il une extrême faiblesse des Etats européens…

    Oui, mais la lutte contre le terrorisme islamiste radical n'est pas une mince affaire qu'on peut régler rapidement, d'autant plus que depuis des années on a dénié ou sous-estimé l'influence de l'islamisme radical, les prêches haineux dans les mosquées, le nombre de départs pour le djihad… par peur de discriminer nos compatriotes de confession musulmane, en même temps on n'a pas voulu froisser nos liens avec les pays arabes qui prônent le salafisme et avec qui on entretient des liens commerciaux. Pour avoir la paix dans certains territoires abandonnés de la République, on a laissé se développer le communautarisme islamiste avec ses discriminations et ses pressions vis-à-vis des femmes, ses dénonciations des républicains laïcs, des « traîtres » et des « collabeurs »… Au nom de la lutte contre l'islamophobie, tout un courant intellectuel gauchisant a pris le relais accusant la République, la laïcité et notre propre histoire de tous les maux, renforçant le sentiment victimaire et le ressentiment existant chez une partie de nos compatriotes musulmans. Une police de la pensée et de la parole a accusé systématiquement nombre d'intellectuels et de journalistes d'« islamophobie », faisant pression et rendant plus difficile toute critique, toute réflexion et débat sur l'islam et son adaptation difficile à la civilisation européenne, réflexion et débat indispensables à son intégration. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, on paie une politique de l'autruche qui ne date pas d'aujourd'hui alliée à une mentalité angélique et pacifique qui dénie le choc des cultures et des civilisations, et ne veut pas avoir d'ennemis. Malgré tous les efforts des bien-pensants pour dénier ou sous-estimer ces problèmes, il est plus difficile aujourd'hui de « remettre le couvercle » sur ces questions comme on l'a fait depuis des années.

    Comment peut-on sortir d'une telle situation ?  

    On ne s'en sortira pas avec le rappel de valeurs générales et généreuses et de bons sentiments, mais tout d'abord, comme cela a déjà été dit, par des moyens de police et militaires qui doivent frapper comme il se doit les ennemis qui veulent nous détruire. C'est la crédibilté de l'État détenteur de la violence légitime et assurant la sécurité des citoyens qui est en question. On a compris (tardivement) qu'on ne pouvait traiter le Ministère de la défense comme les autres en le soumettant à des restrictions budgétaires drastiques, même si on peut estimer qu'on est loin du compte pour faire face aux menaces dans un monde des plus chaotiques. Mais pour que l'État puisse effectivement jouer son rôle, il faut qu'existe en même temps une opinion publique qui le soutienne fermement dans la répression nécessaire dans le cadre de l'État de droit. Les demandes d'engagement dans l'armée et la police de la part des jeunes générations traduisent de ce point de vue une nouvelle dynamique qui rompt clairement avec la dépréciation dont ces deux institutions ont fait l'objet depuis près d'un demi-siècle.

    Mais dans la jeunesse comme dans d'autres catégories de la population, existent des fractures sociales et culturelles symptomatiques des difficultés à affronter le terrorisme islamique et la guerre. Je suis frappé de ce point de vue par des similitudes existant entre les réactions aux attentats islamistes à Bruxelles et à Paris. Dans les deux cas, les attentats ont produit des effets de sidération et donné lieu à un même type d'expression publique de l'émotion et de la douleur : on allume des bougies, on se tient par la main, on dessine des cœurs, on chante la chanson Imagine de John Lenon célébrant la paix et la fraternité universelle alors que viennent d'être commis des massacres de masse. Ces réactions émotionnelles expriment une sorte de catharsis nécessaire face au terrorisme et à la barbarie, l'indignation et la douleur d'un peuple qui pleure ses morts et proclame son refus du terrorisme. En même temps, l'unité et la solidarité ne peuvent seulement s'exprimer dans l'émotion et à la douleur partagées. Si nous voulons faire face et combattre efficacement nos ennemis, il s'agit de comprendre comment de tels actes ont été rendus possibles et le fanatisme islamiste qui leur est inhérent En d'autres termes, le terrorisme et l'islamisme radical n'ont pas surgi de nulle part et force est de reconnaître que ceux qui commettent ces actes barbares sont des citoyens des pays européens. Voilà ce qui est peut-être le plus difficile à admettre parce que cette question nous renvoie aux faiblesses internes des démocraties européennes, au refus d'affronter des réalités dérangeantes en essayant tant bien que mal de les masquer, comme pour mieux se rassurer en se croyant à l'abri des désordres du monde.

    Manuel Valls vient d'appeler clairement les pays de l'Union européenne à en finir avec l'angélisme. Il est temps. Mais encore s'agit-il en même temps de comprendre pourquoi et comment un tel déni des réalités et un tel angélisme ont pu se développer depuis des années. Comme je le souligne dans mon livre, cela pose le problème du bouleversement du terreau éducatif et sociétal des démocraties européennes, bouleversement qui a abouti à la dépréciation de leur propre histoire et à la mésestime d'elles-mêmes, au profit d'un multiculturalisme invertébré et sentimental qui a le plus grand mal à reconnaître qu'existe une pluralité des peuples et des civilisations. C'est une mentalité nouvelle qui a vu le jour pour qui la démocratie est devenue synonyme de relativisme culturel, la nation de xénophobie et de racisme, l'Europe et l'Occident étant eux-mêmes considérés, peu ou prou, comme les responsables de tous les maux de l'humanité. Les guerres, les totalitarismes et la shoah, le colonialisme… se sont trouvés intégrés dans un récit de plus en plus dépréciatif de notre histoire et la critique salutaire de l'ethocentrisme européen a versé dans un règlement de compte qui n'en finit pas. En contrepoint, les autres peuples du monde peuvent être considérés comme porteurs de vertus qui nous font défaut. La façon dont aujourd'hui on considère les « peuples premiers » comme des écologistes avant l'heure, voire porteurs de spiritualités indispensables à notre bien-être, est particulièrement révélatrice du grand retournement qui s'est opéré dans notre rapport aux autres peuples du monde.

    C'est précisément cette nouvelle mentalité qui s'est trouvée percutée et désarçonnée par le terrorisme islamique, sans pour autant être en mesure de comprendre ce qui est arrivé, parce que cette mentalité s'est formée dans une époque où la France et les sociétés démocratiques européennes se sont déconnectées de l'histoire et du tragique qui lui est inhérent.

    « Tout ce qui était n'est plus, tout ce qui sera n'est pas encore. Ne cherchez pas ailleurs le secret de nos maux. », écrit Musset en 1836. En 2016, on a également le sentiment d'assister à la fin d'un monde…

    Nous vivons la fin d'un cycle historique où nombre de schémas de pensée et de façon de faire de la politique se décomposent à grande vitesse avec le sentiment partagé par beaucoup que cette période de décomposition n'en finit pas de finir. C'est toute une façon de faire de la politique au gré des évolutions, sans stratégie et sans vision, dans une logique de réactivité et d'adaptation à courte vue qui est en question. Le déni du réel, la réactivité et la fuite en avant s'accompagnent d'un discours victimaire et compassionnel qui enrobe l'impuissance politique dans des valeurs généreuses et des bons sentiments, en essayant de cette manière compassée et compassionnelle d'incarner l'unité d'un pays désorienté et morcelé. La réactivité et la compassion dominent sur fond d'impuissance de proclamation insipide des grands principes, de coups de menton, d'indignation surjouée et de petits calculs électoraux. Au vu de tout cela, les citoyens ordinaires ont des raisons de ne plus croire à la capacité du politique à agir sur le réel et redonner confiance dans l'avenir. Face à un État incohérent qui navigue à vue, dit une chose et son contraire, avance et recule au gré des groupes de pression et des clientèles électorales, les citoyens désorientés perdent confiance dans la politique, se replient sur leurs réseaux et leurs communautés d'appartenance dans une logique de repli sécuritaire et de défense de leurs propres intérêts catégoriels.

    Dans le même temps, affaires, scandales, discours incohérents, démagogie et reculades, dénonciations en tout genre s'affichent dans les médias et les réseaux sociaux… Le lynchage médiatique dans les réseaux sociaux est devenu un sport national, le coupable est dénoncé et jugé avant même l'instruction, laquelle peut désormais se dérouler à livre ouvert dans les journaux. Sous les oripeaux de la « démocratie participative » et de la transparence, la mentalité « sans culotte » a gagné du terrain. Il ne sert à rien de dénoncer l'extrême droite et le « populisme » tant qu'on continuera de dénier les réalités délétères qu'ils savent exploiter à leur manière. On a l'impression à chaque fois de toucher le fond, avant que de nouveaux faits délétères enfoncent un peu plus le pays dans la spirale du délitement et de la mésestime de soi. Ce n'est pas seulement une question de « popularité » mesurée à l'aide de multiples sondages qui est en question. C'est le lien de confiance avec l'État et une bonne partie des élites qui est rompu entraînant la méfiance et la suspicion dans une optique victimaire empreinte de ressentiment.

    On assiste bien à la fin d'un monde avec des risques de conflits ethniques et de violences, une accentuation du chaos. Dans ces conditions, l'appel à l'optimisme, à la « mondialisation heureuse » a des accents de méthode Coué tant que ne sont pas clairement reconnues la gravité de la situation et les impasses auxquelles ont conduit une politique de l'autruche et de la fuite en avant qui n'appartient pas spécifiquement à un camp. Les politiques ne peuvent évacuer la question de la part de responsabilité qui leur incombe dans cette période critique de l'histoire que nous traversons. C'est l'une des conditions pour regagner la confiance du pays et des peuples européens et entamer une reconstruction qui tire les leçons d'une période dont on pourra dire qu'elle est vraiment terminée quand une nouvelle dynamique politique et historique verra le jour. Sans tout attendre du politique, les échéances présidentielles peuvent en être l'occasion, si les politiques parviennent à mettre fin à leur lutte intestine et leur bataille d'ego pour répondre aux exigences qu'implique l'état du pays et du monde. Les citoyens jugeront sur pièces. 

    Jean-Pierre Le Goff est un philosophe, écrivain et sociologue français. Son dernier livre Malaise dans la démocratie vient de paraître chez Stock

    picture-2540921-61yhv5dr.jpgEntretien par

    Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Twitter : @AlexDevecchio

     

  • La une de Charlie Hebdo qui a indigné les Belges ... et nous avec

    Repris du site belge Canoë [30.03]

     

    Alors que Charlie Hebdo a suscité une grande indignation en Belgique avec sa nouvelle une sur les attentats de Bruxelles, des internautes mécontents ont décidé de détourner l'image du magazine satirique français.

    La nouvelle couverture de Charlie Hebdo n'arrête pas de faire réagir. Dévoilée mardi, l'illustration montrant le chanteur belge Stromae chanter Papa où t'es, entouré de morceaux de corps déchiquetés, n'était pas du goût de tout le monde.

    Des internautes belges indignés ont parodié la une choc du magazine satirique. Sur une image portant comme titre « La réponse des Belges à la une de Charlie Hebdo », on peut voir en toile de fond le drapeau tricolore français avec en avant plan le célèbre personnage de bande dessinée Charlie. Une référence à peine masquée à l'attaque terroriste dont Charlie Hebdo a été victime en janvier 2015 et de la vague de sympathie qui s'en était suivie avec le désormais célèbre « je suis Charlie ».

    Le personnage au chandail rayé blanc et rouge, crayon à la main, verse une larme en demandant « où est Charlie ». Autour de lui, les mêmes morceaux de corps déchiquetés que l'illustration originale de Charlie Hebdo répondent « ici », « là », « et là aussi ». Peut-on parler d'arroseur arrosé ? 

    En tout cas, ils n'ont pas volé la réplique belge !

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  • Christopher Caldwell : « Les intuitions de Houellebecq sur la France sont justes »

     

    Dans son livre, une Révolution sous nos yeux, le journaliste américain Christopher Caldwell annonçait que l'islam allait transformer la France et l'Europe. Pour FigaroVox [25.03] il réagit aux attentats de Bruxelles. Sa réflexion va souvent à l'essentiel. Nous le suivrons presque en tous points. Même son appréciation sur les Lumières est en fait nuancée. Et, de toute façon, Houllebecq, sans-doute à juste titre, les juge éteintes...  LFAR  

     

    Après Paris, Bruxelles est frappée par le terrorisme islamiste. A chaque fois la majeure partie des djihadistes sont nés dans le pays qu'ils attaquent. Cela révèle-t-il l'échec du multiculturalisme ?

    Peut-être, mais je ne suis pas sûr que le mot « multiculturalisme » signifie encore quelque chose. Il ne faut pas être surpris qu'un homme né européen commette des actes de terrorisme européen. C'est pour l'essentiel une question pratique. Le terrorisme requiert de la familiarité avec le terrain d'opération, le “champ de bataille”. C'est une chose très difficile que de constituer une équipe de terroristes en passant plusieurs frontières pour mener à bien une opération dans un pays étranger - même si cela peut être réalisé, comme les attentats du 11 Septembre l'ont montré.

    Au surplus, l'ensemble des droits et libertés constitutionnels de l'Union européenne, en commençant par Schengen, donne un éventail particulièrement large de possibilités à tout jeune Européen en rupture. Regardez ces terroristes belges. L'artificier Najim Laachraoui est allé en Syrie pour se battre aux côtés de Daech, mais personne n'a su comment il était revenu à Bruxelles. Ibrahim el-Bakraoui a été condamné à 9 ans de prison pour avoir tiré sur un policier en 2010. Mais il a également été arrêté plus récemment par la Turquie à Gaziantep, à la frontière syrienne, et identifié comme un combattant de Daech. Et tout cela est resté sans conséquences.

    Diriez-vous que derrière l'islamisme guerrier de Daesh, l'Europe est également confrontée à une islamisation douce un peu comme dans le dernier livre de Houellebecq, Soumission ?

    Quand j'ai lu le livre de Houellebecq, quelques jours après les assassinats à Charlie Hebdo, il m'a semblé que ses intuitions sur la vie politique française étaient tout à fait correctes. Les élites françaises donnent souvent l'impression qu'elles seraient moins perturbées par un parti islamiste au pouvoir que par le Front national.

    La lecture du travail de Christophe Guilluy sur ces questions a aiguisé ma réflexion sur la politique européenne. Guilluy se demande pourquoi la classe moyenne est en déclin à Paris comme dans la plupart des grandes villes européennes et il répond: parce que les villes européennes n'ont pas vraiment besoin d'une classe moyenne. Les emplois occupés auparavant par les classes moyennes et populaires, principalement dans le secteur manufacturier, sont maintenant plus rentablement pourvus en Chine. Ce dont les grandes villes européennes ont besoin, c'est d'équipements et de services pour les categories aisées qui y vivent. Ces services sont aujourd'hui fournis par des immigrés. Les classes supérieures et les nouveaux arrivants s'accommodent plutôt bien de la mondialisation. Ils ont donc une certaine affinité, ils sont complices d'une certaine manière. Voilà ce que Houellebecq a vu.

    Les populistes européens ne parviennent pas toujours à développer une explication logique à leur perception de l'immigration comme origine principale de leurs maux, mais leurs points de vues ne sont pas non plus totalement absurdes.

    Dans votre livre Un révolution sous nos yeux ,vous montriez comment l'islam va transformer la France et l'Europe. Sommes-nous en train de vivre cette transformation ?

    Très clairement.

    Celle-ci passe-t-elle forcément par un choc des cultures ?  

    C'est difficile à prévoir, mais ce qui se passe est un phénomène profond, anthropologique. Une culture - l'islam - qui apparaît, quels que soient ses défauts, comme jeune, dynamique, optimiste et surtout centrée sur la famille entre en conflit avec la culture que l'Europe a adoptée depuis la seconde guerre mondiale, celle de la «société ouverte» comme Charles Michel et Angela Merkel se sont empressés de la qualifier après les attentats du 22 Mars. En raison même de son postulat individualiste, cette culture est timide, confuse, et, surtout, hostile aux familles. Tel est le problème fondamental: l'Islam est plus jeune, plus fort et fait preuve d'une vitalité évidente.

    Certains intellectuels comme Pierre Manent propose de négocier avec l'islam. Est-ce crédible ? Les «accommodements raisonnables» peuvent-ils fonctionner ?

    Situation de la France de Pierre Manent est un livre brillant à plusieurs niveaux. Il a raison de dire que, comme pure question sociologique, l'Islam est désormais un fait en France. Manent est aussi extrêmement fin sur les failles de la laïcité comme moyen d'assimiler les musulmans, laïcité qui fut construite autour d'un problème très spécifique et bâtie comme un ensemble de dispositions destinées à démanteler les institutions par lesquelles l'Église catholique influençait la politique française il y a un siècle. Au fil du temps les arguments d'origine se sont transformés en simples slogans. La France invoque aujourd'hui, pour faire entrer les musulmans dans la communauté nationale, des règles destinées à expulser les catholiques de la vie politique.

    Il faut aussi se rappeler que Manent a fait sa proposition avant les attentats de novembre dernier. De plus, sa volonté d'offrir des accomodements à la religion musulmane était assortie d'une insistance à ce que l'Islam rejette les influences étrangères, ce qui à mon sens ne se fera pas. D'abord parce que ces attentats ayant eu lieu, la France paraîtrait faible et non pas généreuse, en proposant un tel accord. Et aussi parce que tant que l'immigration se poursuivra, favorisant un établissement inéluctable de l'islam en France, les instances musulmanes peuvent estimer qu'elles n'ont aucun intérêt à transiger.

    « Entre une culture qui doute d'elle-même et une culture forte, c'est la culture forte qui va l'emporter... » écrivez-vous en conclusion de votre livre. L'Europe des Lumières héritière de la civilisation judéo-chrétienne et gréco-romaine est-elle appelée à disparaître ?

    L'Europe ne va pas disparaître. Il y a quelque chose d'immortel en elle. Mais elle sera diminuée. Je ne pense pas que l'on puisse en accuser l'Europe des Lumières, qui n' a jamais été une menace fondamentale pour la continuité de l'Europe. La menace tient pour l'essentiel à cet objectif plus recent de «société ouverte» dont le principe moteur est de vider la société de toute métaphysique, héritée ou antérieure (ce qui soulève la question, très complexe, de de la tendance du capitalisme à s'ériger lui-même en métaphysique). A certains égards, on comprend pourquoi des gens préfèrent cette société ouverte au christianisme culturel qu'elle remplace. Mais dans l'optique de la survie, elle se montre cependant nettement inférieure. 

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    Christopher Caldwell est un journaliste américain. Il est l'auteur de Une Révolution sous nos yeux, comment l'islam va transformer la France et l'Europe paru aux éditions du Toucan en 2011. 

    picture-2540921-61yhv5dr.jpgEntretien par

    Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Twitter : @AlexDevecchio

     

  • Éric Zemmour : « Molenbeek est en France ! »

     

    Par Eric Zemmour     

    Ne nous voilons pas la face : « des Molenbeek, la France en regorge », écrit Eric Zemmour dans Le Figaro Magazine [24.03]. Pudiquement qualifiées de « territoires perdus de la République », ces villes ont pour nom Trappes, Roubaix, Sevran, Le Mirail à Toulouse, ou les quartiers Nord de Marseille… Zemmour a raison de sonner une fois de plus l'alarme contre les dangers de l'immigration de masse, aujourd'hui  dramatiquement aggravés par le terrorisme. Nous le faisons ici depuis que notre quotidien a été fondé.  Lafautearousseau a neuf ans et dans l'entre-deux la situation n'a fait qu'empirer. Jusqu'à quand ? Et jusqu'à quelles extrémités ? .  LFAR 

     

    ZemmourOK - Copie.jpgEn France, on aime les histoires belges. On aime se moquer de nos voisins, peut-être pour cacher notre dépit qu'ils ne soient plus depuis longtemps nos compatriotes. On se gausse grassement de leur accent, de leur lenteur, de leur lourdeur. De leurs querelles linguistiques et pas qu'une fois! Alors, quand on a arrêté à Molenbeek l'organisateur des attentats à Paris du 13 novembre, on n'a retenu ni nos lazzis ni nos quolibets. On avait oublié un instant, un instant seulement, que Salah Abdeslam a la nationalité française, pour insister avec une joie maligne sur les carences de la police belge et les trous noirs du Bruxellistan. Mais nous allons payer notre arrogance injustifiée au prix fort. Une fois encore.

    Pendant longtemps, on a rêvé que l'Europe serait la France en grand. Désormais, il nous faut admettre que la Belgique est une France en petit. La Belgique n'a jamais été une nation et la France l'est de moins en moins. La Belgique n'a pas d'Etat souverain et la France seule croit qu'elle en a encore un. La police belge est dépassée, et leurs homologues français s'imaginent encore - les ingénus - qu'ils peuvent se payer le luxe de la guerre des services.

    A Molenbeek, les gosses jettent des pierres aux forces de l'ordre venues arrêter Abdeslam qui y avait trouvé un refuge amical. Il y était comme un poisson dans l'eau. Comme un mafieux corse ou sicilien dans son village. C'est ce qui arrive tous les jours aux policiers français qui tentent d'entrer à Trappes, Roubaix, Sevran, Le Mirail à Toulouse, ou les quartiers Nord de Marseille, etc., et qui reçoivent eux aussi crachats, pierres, divers ustensiles de cuisine, quand on ne leur tire pas dessus à balles réelles.

    Des Molenbeek, la France en regorge. La France en crée à profusion. Que mille Molenbeek s'épanouissent ! Avec ses élus clientélistes, socialistes, communistes, humanistes, pacifistes, écologistes, de droite aussi, qui, comme cette élue de Molenbeek, Sarah Turine, estiment qu'il faut « recréer le lien affectif », et « lutter contre les discriminations, pour que les jeunes soient plus forts contre les discours de haine ». On leur a trouvé des noms : les « ghettos », les « territoires perdus de la République », les « zones de non-droit ». Des noms mensongers pour dissimuler la réalité. Pas des ghettos, puisqu'on peut en sortir quand on veut. Des territoires perdus, oui, mais de la France. Pas des zones de non-droit, mais des zones de droit islamique, avec ses liens inextricables entre culture et religiosité, qui font songer à l'Europe du Moyen Age. Les Molenbeek français, comme leur homologue belge, sont des territoires où les mœurs sont musulmanes, où les paysages commerciaux sont musulmans, où les vêtements sont musulmans, où la sociabilité (pas de femmes dans les cafés ni dans les rues) est musulmane. Les Molenbeek français ne sont plus en France mais dans un pays inconnu qu'on pourrait appeler la « Musulmanie », s'il n'avait déjà un nom en langue arabe : l'oumma.

    Dans cette terre d'Islam, les mécréants non musulmans - ou même les mauvais musulmans - n'ont pas leur place. Ils doivent en être chassés, de gré ou de force. On les menace, on les frappe, on les vole. Jusqu'à ce qu'ils partent. Dans les Moleenbeek français, il n'y a pratiquement plus de mécréant non musulman ; il n'y a plus de «Gaulois», de «Français». Plus de chrétien ni de juif. Restent quelques mauvais musulmans. Un mauvais musulman est désormais celui qui ne se plie pas à la version rigoriste et littéraliste du salafisme qu'ont répandu partout - et en particulier parmi la jeunesse arabe des pays d'Europe - les pétrodollars de l'Arabie saoudite. Notre amie l'Arabie saoudite, notre alliée, notre cliente. Celle-ci a réglé à son profit la vieille querelle entre les différents islams, la technologie occidentale (télévision, internet) servant la version la plus archaïque de l'islam sunnite.

    Aux yeux des imams salafistes - les seuls respectés par les jeunes -, les petits délinquants qui trafiquent la drogue, courent après les filles, boivent de l'alcool, ont un moyen de se repentir: le djihad. Pour laver leurs péchés de jeunesse et retrouver un ordre mythique, qu'ils n'ont jamais connu mais dont ils ont la nostalgie, où le père est respecté et où on épouse sa cousine, comme jadis au bled, ils doivent combattre pour l'islam. En Syrie avec les « frères » du califat islamique ou en Europe, à Paris ou Bruxelles.

    Ainsi, ce n'est pas, comme nous le serinent nos politiques et nos bien-pensants, l'islam qui arrêtera l'islamisme, mais au contraire l'islam qui est le terreau de l'islamisme. Ce n'est pas la radicalisation qui s'islamise mais l'islam qui croit le moment venu de se radicaliser. Pour sonner la revanche de l'islam humilié depuis deux siècles par les victoires des « mécréants chrétiens et juifs ». Ce n'est pas en accueillant toujours plus la « diversité » qu'on retrouvera la paix civile, mais en engageant la reconquête des territoires perdus de la France. Sinon, les Belges riront à leur tour, mais riront jaune : Molenbeek sera notre avenir à tous.

    Eric Zemmour           

  • Ténébreuse affaire Barbarin

     

    par Pierre Chalvidan

     

    Pierre CHALVIDAN.jpgQuelle époque opaque ! Précédant – ou suivant… – un sondage affirmant que 63% des Français y sont favorables, la secrétaire d’État à l’Aide aux Victimes exige la démission du Cardinal Barbarin ! Déjà l’intitulé de son « ministère » et l’idéologie victimaire qui le sous-tend mériterait beaucoup, ne serait-ce que pour faire valoir combien, en réalité, elle fonctionne à contre-emploi. L’enfer est pavé…

    Mais là n’est pas dans l’immédiat l’important. L’important, c’est qu’au-delà de la tragique complexité des faits, ce qui est dramatique dans cette affaire (outre l’incapacité contemporaine à assumer cette complexité) c’est qu’elle révèle combien est perdu de vue l’essentiel du message anthropologique chrétien : la distinction de la personne et de ses actes et la foi en la toujours possible rédemption de l’homme.

    C’est là-dessus que l’Église est nécessairement en porte-à-faux face à des adversaires qui se battent, eux aussi, à contre-emploi : ils prétendent défendre la dignité de l’homme mais ils le font sur un registre argumentaire qui ignore à la fois la charité et la justice parce qu’il repose sur une régression anthropologique aussi pernicieuse que celle des pédophiles.

    Sans oublier, bien sûr, l’habituelle exploitation médiatique. Ce n’est plus « du pain et des jeux » mais : faute de pain, des jeux. Mais des jeux dangereux et malsains. On a appris, en incidente, de la bouche même de la ministre de l’Éducation Nationale qu’au cours de l’année dernière – on dit bien : sur une année… – une trentaine de radiations d’enseignants pour pédophilie était intervenue. Quel écho médiatique ?

    Dans une homélie prononcée le 10 août 1978, quatre jours après le décès de Paul VI, le Cardinal Joseph Ratzinger disait : « Mais un pape qui aujourd’hui ne subirait pas la critique manquerait à son devoir devant l’époque. Paul VI a résisté à la télécratie et à la démoscopie (en sociologie : science dont l’objet est de sonder l’opinion), les deux pouvoirs dictatoriaux d’aujourd’hui. Il a pu le faire parce qu’il ne prenait pas comme paramètre le succès et l’approbation mais la conscience qui se mesure sur la vérité, sur la foi. »   

  • Du déni de réalité

     

    par Jean-Louis Faure* 

    On apprend qu’il existe un ministre de la ville nommé Patrick Kanner

    Il vient de déclarer à une feuille de chou régionale : « une centaine de quartiers en France présentent des similitudes potentielles avec Molenbeek ». Hurlements de ce que Charles GAVE appelle joliment « la classe jacassière ». Kanner ne dit rien d’autre que ce que chacun de nous observe d’une communauté qui n’a nulle intention de s’assimiler, en croissance rapide où l’endogamie est la règle.
     
    Le Cambadélis de Solferino y est allé de sa dialectique trotskyste, soixantehuitarde enfumée. Et la totalité du Système politicard est au diapason. Du déni de réalité.
     
    Je suis surpris d’entendre de plus en plus souvent désormais, dans la bouche de gens que je tiens pour raisonnables - professions libérales éduquées et aisées - que la seule solution pour en sortir est une guerre civile … A noter. 
     
    * Reçu dans les commentaires

     

  • Jean-Michel Quatrepoint : « Trump et Sanders, la revanche de l'Amérique sur Wall Street »

     

    La réflexion de Jean-Michel Quatrepoint est toujours intéressante, libre de l'idéologie dominante, réaliste à la maurrassienne. Comment expliquer le succès de Donald Trump et la résistance de Bernie Sanders dans la course à l'investiture présidentielle ? C'est la question à laquelle Jean-Michel Quatrepoint répond ici pour Figarovox [18.03]. Pour lui, Trump et Sanders sont les candidats anti-establishment qui portent les rancœurs et les revendications des classes moyennes étatsuniennes. Et ils sont les archétypes de cette réaction antisystème, de ce retour des nationalismes et des cultures qui parcourt le monde en ce moment et s'oppose au modèle d'un univers globalisé, indifférencié qu'annonçait la doxa. Quels que soient les défauts et les qualités des hommes, cette évolution, pour nous positive, n'échappera pas à ceux qui comme nous sont, pour la France, patriotes et, dans notre cas, royalistes.  LFAR

     

    4163199303.jpgComment expliquer le succès fulgurant de Donald Trump dans les primaires républicaines ?

    Donald Trump et Bernie Sanders, de même que Jeremy Corbyn et l'UKIP en Grande-Bretagne, l'AfD et Die Linke en Allemagne, ou encore le Front national et le Front de gauche en France, en incluant Dupont-Aignan, expriment la voix des classes moyennes paupérisées qui estiment que le système économique actuel les met dans une impasse. Au lieu de se concentrer sur les cheveux de Trump, son aspect bateleur et ses provocations verbales, il faudrait plutôt comprendre les raisons profondes de son succès. La montée des «populistes», comme on les qualifie non sans un certain dédain, est la manifestation de l'échec patent de ceux qui gouvernent et du modèle économique dominant depuis un quart de siècle.

    Trump est un mélange de Jean-Marie Le Pen et de Bernard Tapie: Le Pen, car il est dans la transgression ; il dit ce que plus personne n'osait dire. Tapie, car il n'est pas du sérail politique, et que c'est un meneur d'hommes et un entrepreneur… controversé. Comme Tapie, Trump sait parfaitement utiliser ses qualités de showman et son rapport à la télévision. Tapie s'est fait laminer par un système qui ne voulait pas de lui, parce qu'il n'était pas du sérail. Le Pen ne voulait pas du pouvoir, les gens au pouvoir lui ont laissé son fonds de commerce, car ainsi il ne les menaçait pas.

    Au lieu de pousser des cris d'orfraie sur la vulgarité et les saillies de Trump, il conviendrait de s'interroger sur les mécanismes profonds qui l'ont poussé à se présenter à l'investiture républicaine. L'une des motivations de Trump est sa volonté de revanche sur un système qui l'a humilié et exclu. En 2011, Barack Obama, lors du grand dîner des correspondants de la Maison-Blanche, s'était moqué de lui, en sa présence, provoquant l'hilarité de tous les participants. Par la suite, il a été humilié par l'establishment du parti républicain. En 2012, il a soutenu Mitt Romney. Il voulait jouer un rôle politique important dans sa campagne ; finalement, il a été cantonné à un rôle d'apporteur de capitaux. Il se présente aujourd'hui à un moment où l'Amérique profonde est en plein désarroi.

    Côté démocrate, la victoire du «système» incarné par Hillary Clinton apparaît très probable…

    La base démocrate est pour l'heure très divisée. La victoire d'Hillary Clinton est probable, mais pas aussi spectaculaire qu'on ne le dit. Une partie de la base, jeunes en tête, soutient fermement Bernie Sanders, dont les combats sont populaires à commencer par celui contre la cherté des études supérieures et l'endettement étudiant. Pour eux, Hillary Clinton est l'incarnation de l'establishment.

    Trump et Sanders sont les candidats anti-establishment qui portent les rancœurs et les revendications des classes moyennes, plutôt blanches de la middle-working class, encore majoritaire aux Etats-Unis.

    Chez les républicains, en quoi le programme de Trump tranche-t-il avec celui d'un Romney ou d'un Bush ?

    Le parti républicain traditionnel n'avait pas de candidat qui s'imposait ; Marco Rubio s'est effondré et Ted Cruz, dans la mouvance religieuse évangéliste, est beaucoup plus droitier et conservateur que Trump. La base du parti républicain, les dégoûtés des partis politique et les indépendants qui vont voter dans les caucus et les primaires se déplacent pour protester contre le système en place.

    Paul Krugman, un démocrate, prix Nobel d'économie, a jugé dans le New York Times, le 7 septembre 2015, que le programme économique de Trump méritait l'attention. Outre le fait qu'il prévoit le maintien de l'« Obamacare », son programme est loin d'être conforme au conservatisme républicain. Notamment pour la fiscalité. Ainsi il veut s'attaquer au carried interest, une niche fiscale qui taxait les profits sur plus-values financières à seulement 15%. Les fonds d'investissement se sont développés à partir du carried interest, et une partie de l'establishment, à commencer par Mitt Romney, a ainsi accumulé des fortunes en payant le minimum d'impôts et en fermant et démantelant le maximum d'usines. Trump prône des mesures protectionnistes, et s'oppose aux traités de libre-échange (le traité transpacifique, signé mais pas encore appliqué, et le traité transatlantique, en cours de négociations).

    L'argument principal des anti-Trump repose sur l'idée que s'il accède au pouvoir, ce sera la guerre civile aux Etats-Unis. Mais il va mettre de l'eau dans son vin, notamment vis-à-vis des hispaniques. En réalité, il renoue avec l'isolationnisme traditionnellement ancré dans le parti républicain jusqu'au tournant de la Deuxième guerre mondiale. Sa vision du monde n'est pas unipolaire mais multipolaire ; son slogan « Make America great again » est concentré davantage sur la situation socio-économique interne du pays que sur son implication dans les affaires du monde. S'il est élu, il devrait renouer avec une politique extérieure réaliste, pragmatique et non messianique, à la différence de Clinton.

    S'agit-il d'une remise en cause intégrale d'un développement disproportionné du capitalisme et du libre-échange ?

    Depuis un quart de siècle le libre-échange a été érigé en dogme. Avec un ajustement salarial et social qui a d'abord pesé sur les classes populaires puis sur les classes moyennes qui en ressentent une angoisse croissante. Le triple dumping social, fiscal et environnemental a grippé le traditionnel ascenseur social. Elles vivent dans la peur du déclassement, de la précarité, puis de la pauvreté, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants. Avec en parallèle, une montée des inégalités ; les classes moyennes ont été appauvries et l'infime classe des très riches s'est enrichie. Et cela commence à se voir.

    Dans la première partie du vingtième siècle, à l'époque du fordisme, puis pendant les Trente glorieuses, il existait une possibilité d'enrichissement des travailleurs. C'était le rêve américain et en France le rêve républicain. Aujourd'hui, cela apparaît impossible: le modèle économique n'est plus attractif. C'est dû à la globalisation et surtout aux délocalisations avec, hier, cette alliance contre nature entre le PCC, Wall Street et Walmart. Entre 2001 et 2013, les importations de produits chinois par Walmart ont coûté aux Etats-Unis 400 000 emplois, la plupart dans l'industrie manufacturière. Au total, 3,2 millions d'emplois ont disparu ces années-là, dans l'industrie manufacturière. Des délocalisations massives qui se sont conjuguées avec l'irruption du numérique, cette troisième révolution industrielle qui accroît les inégalités, le stress et les transformations massives d'emplois protégés jusqu'alors (parmi lesquels les plus célèbres sont les taxis). L'« iconomie»  met en concurrence tous les secteurs d'activité. L'immigration en provenance de pays pauvres aux salaires plus bas fait partie de ce phénomène de dumping social. D'où les réactions de ces classes moyennes qui voient peu à peu tous leurs avantages disparaître.

    Pourquoi Hillary Clinton incarne-t-elle autant l'establishment politique étasunien ?

    Hillary Clinton, et son mari avant elle, font partie d'un système entièrement lié au système financier américain. Sur le plan de la politique étrangère, elle est un faucon néoconservateur. Elle est très hostile à la Russie - il ne serait pas improbable qu'elle engage une lutte armée contre la Russie avec l'OTAN - alors que Trump souhaite trouver un accord avec Poutine. Elle poussera le traité transatlantique dans le sens des avantages aux multinationales américaines, dont elle est une représentante. Quand on additionne les conférences payantes auxquelles Bill et Hillary Clinton ont participé en quinze ans, on arrive à 125 millions de dollars. La Fondation Clinton a noué des relations très lucratives avec le Qatar, Oman, l'Arabie saoudite. Ou encore avec des oligarques russes pour le rachat de mines d'uranium (Uranium One) au Canada, comme l'a montré une enquête très fouillée du New York Times.

    Le système de financement électoral américain favorise-t-il, compte tenu du rejet populaire qu'il suscite, un Trump qui, lui, n'en profite pas ?

    La démocratie américaine est limitée, et sa limite, c'est le système de financement des élections. À plus forte raison quand les financements sont déplafonnés, souvent d'ailleurs pour payer de gigantesques campagnes de démolition de l'adversaire, plutôt que pour promouvoir ses propres idées. Obama avait réussi à contourner ce système en 2008, en s'appuyant sur de petits donateurs privés, comme Sanders aujourd'hui. Trump a réussi à court-circuiter la machine à financements, car il est auto-suffisant. Il ne dépend de personne, et c'est pour ça que beaucoup d'Américains le soutiennent. C'est la seule manière d'élire quelqu'un qui ne soit pas corrompu et qui ne dépende de personne, d'aucun gros donateur, d'aucun lobby. Comment Hillary Clinton peut-elle être indépendante de Goldman Sachs quand cette banque est l'un des principaux contributeurs du financement de sa campagne ?

    Quelles sont les similitudes avec la situation française ?

    L'UMPS français est l'équivalent du gros axe républicain-démocrate américain. Aux Etats-Unis, les républicains penchent davantage vers le «big business» (grosses entreprises traditionnelles) et les démocrates vers Wall Street (sociétés financières). Pour les électeurs de Trump et Sanders, ces partis se soucient des milieux d'affaires, mais ne s'occupent pas des classes moyennes paupérisées.

    En France, le FN a beaucoup plus percé que le Front de gauche car il s'est approprié une part des revendications sociales autrefois portées par la gauche de la gauche, et a attiré à lui les «petits blancs», la white middle working class qui n'est pas, n'est plus, dans ces grandes métropoles qui se distinguent particulièrement du reste du territoire: le désert français, ou l'Amérique profonde. Les habitants des périphéries sont peut-être mal considérés par l'élite métropolitaine, mais s'expriment par leur vote. Après avoir essayé droite et gauche, et devant l'aggravation de leur situation, ils veulent tenter autre chose. C'est Trump outre-Atlantique, c'est le FN en France.

    Quelles sont les principales différences entre la situation aux Etats-Unis et celle en France ?

    Trump a pris tout monde par surprise, alors que cela fait quarante ans que le FN est installé dans le paysage médiatique et politique. Ses dérapages verbaux ne le desservent pas. Au contraire, ils le font monter dans les sondages. Ses soutiens se disent: «enfin quelqu'un qui parle notre langue et qui nous défend!». Mais il n'a pas gagné, car l'Establishment, le « Big Business », fera tout pour l'abattre. Tout comme le système fait tout pour abattre les Le Pen, dès lors que la fille, contrairement à son père, veut vraiment accéder au pouvoir.

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. Il a travaillé entre autres au Monde, à La Tribune et au Nouvel Economiste . Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir. Il est membre du Comité Orwell.

    Dans son livre, Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde ? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maîtres sur la mondialisation.

    Son dernier livre, Alstom, scandale d'Etat - dernière liquidation de l'industrie française, est paru en septembre 2015 aux éditions Fayard.

    Entretien réalisé par Eléonore de Vulpillières            

  • Qu'est-ce que « le Système » ? Retour sur quelques définitions

     

    Contestation de l'establishment aux Etats-Unis - qui fait, selon Jean-Michel Quatrepoint le succès de Donald Trump - et contestation du Système en France et en différents autres pays d'Europe, ce sont, nous semble-t-il des formes de réaction sinon partout identiques, du moins de même parenté. Raison suffisante pour revenir sur la nécessité de définir ce que nous appelons de ce côté-ci de l'Atlantique, le Système.

     

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    Visuel : réalisation Action française Provence        

     

    La question – évidemment importante et légitime - nous a été posée dans les commentaires : « Le "Système"  et sa contestation sont à l'ordre du jour. S'agit-il là d'une tendance lourde ? (…) Il est temps d'éclairer les uns et les autres sur ce que nous nommons " le système ". (…) Pour lutter contre le Système, (…) encore faut-il le définir avec plus de précisions et en dessiner finement le contour.» Mais la réponse ne va pas de soi. Même si, « aujourd'hui, la contestation du Système se généralise massivement et si on ne peut donc pas nier que le terme soit "ressenti".» 

    Par définition, un « système », bien qu’il constitue une unité active, est chose complexe, composite. Il n’est donc pas si simple de le définir. Hasardons néanmoins quelques réflexions qui, si elles n’épuisent pas le sujet, contribueront à y mettre un début d’ordre et de clarté.  

    Qu’est-ce qu’un système ? Classiquement, les dictionnaires en donnent une définition de ce type : « Un système est un ensemble d'éléments interagissant entre eux et se définit par : ses éléments constitutifs ; les interactions entre ces derniers ; sa limite ». Voilà qui correspond bien à notre sujet. 

    Notons que (sans-doute dans les années 1920) Léon Daudet dit son opposition au Régime, celle de l’Action française, alors qu’aujourd’hui nous avons plutôt tendance - par delà Droite et Gauche - à pointer le Système, le second incluant et subordonnant de plus en plus le premier. Tendance lourde ? Sans doute. 

    Lorsque Daudet dit son opposition au Régime, il s’agit évidemment de la République, en l’occurrence de la IIIe. Aujourd’hui comme hier, la Constitution définit les Institutions de la République : la Présidence de la République ; le Gouvernement ; le Parlement, Assemblée Nationale et Sénat ; les Partis politiques qui, de fait, les composent et dont la Constitution consacre le rôle ; le Conseil Constitutionnel … Etc. Tel est notre Régime politique. Mais l’on « ressent » bien que le Système avec lequel, selon la définition des dictionnaires, le Régime interagit - dont il est l’un des éléments, théoriquement le premier - est un ensemble qui s’étend bien au-delà des Institutions politiques proprement dites et se compose d’autres éléments, devenus, somme toute, souvent tout aussi déterminants. Dans l’écart entre ces deux termes (Régime et Système) se trouve sans doute la réponse à la question que nous nous posons. En son temps, l'Action française avait déjà élargi sa critique du régime proprement dit à ce qu'elle nommait le Pays légal. Réalité assez voisine sans-doute du ce qu'aujourd'hui l'on appelle - en un sens communément péjoratif - le Système.          

    Par delà les Institutions de la République proprement dites et leurs différents moyens d’action, les autres éléments constitutifs du Système – en interaction permanente avec les Institutions aussi bien qu’entre eux - sont assez aisément discernables. Pour être brefs, nous nous bornerons, sans les analyser en détails, à les désigner :  

    Une pensée dominante (le Politiquement correct, la Bien-pensance, les sempiternelles et indéfinies valeurs de la République ...) qui, malgré un nombre croissant d’oppositions et de réactions, est très généralement partagée par l’ensemble des composantes du Système ; elle a valeur politique, sociétale, morale, voire religieuse. Rien à voir avec l’une de ces grandes pensées politiques, dont Edgar Morin déplore la disparition. Il s’agit d’un ensemble d’opinions. 

    Les moyens de communication et d’information, notamment audiovisuels, et la grande presse, largement peuplés de journalistes et de managers en grande majorité pénétrés de la doxa que nous avons évoquée précédemment et spontanément appliqués à la diffuser, l’imposer à tous, la ressasser incessamment comme croyances et morale obligées. A noter que cette profession n’est pas loin de constituer, ne serait-ce que du simple point de vue des rémunérations, une communauté de privilégiés. A noter, aussi, les nombreux couplages existant entre le monde politique et celui des médias.  

    Le monde clos des financiers, propriétaires, soutiens et utilisateurs des moyens de communication en question (chaînes de télévision, grands titres de la presse écrite, etc.). Ils les achètent ou ils les vendent. Ils payent leurs factures et assurent leurs fins de mois.         

    Ce que l’on nomme de plus en plus, comme s’agissant d’un tout homogène et mono-orienté, les Associations, à peu près comme l’on dit les Institutions (!). N’ont d’influence et d’interaction avec les autres éléments du Système que les associations conformes à la doxa commune, quelle que soit leur importance réelle. (Aucune chance pour la Manif pour tous d’exercer une influence sur le Régime ou sur le Système).   

    L’Etat, en France, s’en étant attribué la responsabilité et le contrôle, l’Education Nationale  est, à l’évidence, une autre composante essentielle du Système. Monopolisée par une caste de faiseurs de programmes et de pédagogistes - qui se renouvellent, d’ailleurs par cooptation - elle a de moins en moins pour mission la transmission des savoirs, comme l’atteste la dégringolade des niveaux scolaires. Il s’agit bien davantage de former la jeunesse de notre pays aux dogmes et comportements qu’implique la doxa commune, cette Religion républicaine qui, selon Vincent Peillon, doit remplacer les anciennes religions et façonner le citoyen nouveau. L’introduction de la théorie du Genre à l’école, qui implique la négation des sexes, montre que cette Religion nouvelle admet les lubies les plus extrêmes. Terra nova, le nom que s'est donné le principal think tank socialiste, dit tout de l'ambition que poursuit le Système.      

    Si l’on ajoute aux composantes du système, les appareils syndicaux et, malgré leur faible représentativité, leurs cohortes d’apparatchiks, largement intégrés à la classe des bureaucrates de l’Administration ou, même, des grandes entreprises, un certain monde de la culture et des arts ou prétendus tels, l’on comprend que cette imposante conjonction de moyens, d’hommes, de structures et d’argent, puisse exercer sur l’ensemble du peuple français une sorte de totalitarisme mou et qu'il soit, bel et bien, largement ressenti comme tel. 

    Chacune des composantes du Système énumérées ci-dessus mériterait une étude spécifique qui, ici, nous mènerait trop loin. Toutes nous semblent concourir à un même résultat : celui de la destruction ou  - d'un terme suggérant méthode et volonté systématique - déconstruction.   

    Il n’est pas forcément mauvais qu’un peuple, une nation, un Etat soient régis par un Système quasi unanimement reconnu et respecté, sous réserve qu’il n’étouffe ni les libertés, ni les différences légitimes. L’erreur du nôtre, sa spécificité, est qu’il vise la déconstruction : déconstruction nationale, déconstruction sociétale, déconstruction culturelle, déconstruction anthropologique. 

    Nous n’avons pas épuisé ce (trop) vaste sujet. Les réalités multiformes du quotidien nous y ramèneront immanquablement.  

    Lafautearousseau 

    Repris de nos archives et réactualisé.

  • Haut-de-France

     

    sRégime des partiss

     

    par Jacques Paganel

    Ainsi, la décision est maintenant prise – et sera vraisemblablement entérinée- d’attribuer à la nouvelle région regroupant Nord-Pas-de-Calais et Picardie le nom de « Haut-de-France ». Sage et noble décision, pleine de bon sens. En effet, cette nouvelle dénomination offre de très nombreux avantages. Elle permettra, premièrement – et la presse ne s’en est guère avisée -, de relancer l’amitié ou de remettre en route le rapprochement franco-allemand : Haut-de-France d’un côté, Haut-de-Cologne de l’autre, nous aurons désormais, avec l’aide de la réforme de l’orthographe inspirée par le Ministère, une potentialité de jumelage inespéré entre deux régions si proches. Deuxièmement et, dans le même esprit, cette nouvelle dénomination pourrait ouvrir la porte à d’autres redécoupages territoriaux, plus lisibles aux yeux du grand public que les découpages actuels.

    Propulsons-nous dans l’avenir et imaginons donc une région « Bas-de-France« , une région « Gauche-de-France » et, peut être, sans vouloir faire tomber en pâmoison nos dirigeants, et si la Ligue des Droits de l’Homme n’y voit rien à redire, une « Droite de France« . Car il est vrai que les points cardinaux – comme on appelait Bossuet, Fénelon, Fléchier et Massillon – ne sont que relatifs. Pour preuve, l’appellation de Zuiderzee (la Mer du Sud) au cœur de la Hollande, mer bien méridionale pour des Vikings, mais tout étrange aux yeux des Gaulois. Certes, certains esprits chagrins auraient préféré que l’on maintînt une appellation plus ancrée dans les mœurs ou la tradition, comme par exemple « Picardie-Artois-Flandres ». Mais, vous rétorquerai-je, c’est ici l’acronyme qui pourrait choquer, car la seule évocation de PAF pourrait à la fois effrayer le touriste ou évoquer encore plus brutalement la bien aimée Police de l’Air et des Frontières : tout ceci créerait désordre, surtout à Calais . Il n’en reste pas moins que tout changement mérite analyse et réflexion.

    Il me revient à l’esprit un petit conciliabule fort ancien, entre un vieux ménage désirant faire l’achat d’un récepteur de télévision et un jeune vendeur : la dame exposait le fait que cet appareil étant destiné à servir en un premier temps à Paris puis, ensuite, en Haute-Savoie où elle et son époux désiraient passer leur retraite, il leur était nécessaire de connaître les réglages s’adaptant aux deux régions. Le vendeur lui expliqua alors et fort savamment que, pour Paris, il était nécessaire de se brancher sur le canal 1 et pour l’ « autre Savoie » sur le canal 3… Pourrions-nous, de la même manière, parler, pour le ci-devant Nord-Pas de Calais, de l’Autre-France?

    Réfléchissons tout de même à l’avenir du « Haut-de-France« . Si, par inadvertance et réchauffement climatique aidant, la France s’avisait demain d’enlever le Haut ? Quel délicieux spectacle, mes amis ! On ne verrait là qu’un juste retour aux valeurs républicaines : car unir, dans un même esprit et un même élan, topless et sans-culottes, c’est à dire, d’un côté la haute société bling-bling et élégante et, de l’autre, le peuple qui a toujours tant de mal à suivre et à comprendre la mode, n’est-ce pas réconcilier la France avec elle-même? Et, dans ce cas de figure, si la France ne devient pas comme Seb, une cocotte révolutionnaire, tout au moins la région deviendrait-elle le « Pas-de-Haut » . Pourquoi “Pas” ? Ce ne serait qu’un juste retour des choses, car, s’il n’y a pas-de-Haut, il n’y a pas-de-Calais non plus.

    A la semaine prochaine.

  • Sainte autorité

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Afrique, Amérique du Nord, Asie, Europe (Madrid, Londres, Moscou, Paris, Bruxelles) : l’islamo-terrorisme frappe partout dans le monde. Le paradoxe est que ceux-là mêmes qui sont assez vains pour se croire ciblés de préférence (« on a voulu punir Charlie, on a voulu tuer des jeunes qui s’amusaient, on a voulu frapper l’Europe ») se complaisent dans un verbiage compassionnel qui interdit d’envisager sérieusement une véritable guerre intra et extra muros. Ainsi en est-il - sauf exceptions, bien entendu - et de la classe politique dans son ensemble et de la population elle-même, comme le soulignent avec lucidité MM. Domenach et Zemmour sur R.T.L. : le premier dénonce l’aveuglement des élus (« Ils n'ont pas la tête à la guerre. De gauche comme de droite, ils sont dans le déni car ils n’ont pas connu la guerre. Ce sont des enfants de la paix »), le second fustige la veulerie des foules (« Elles ont une idéologie humaniste, un succédané abâtardi et laïcisé du vieil universalisme chrétien, un 'tous les hommes sont frères', dont le seul inconvénient est de ne pas être réciproque »). 

    Drôle de « guerre » vraiment où nos forces armées, quoique notoirement insuffisantes et sous-équipées, interviennent hors du territoire national tout en assurant en métropole d’épuisantes tâches de simple police à l’efficacité contestable. On comprend bien que cela ne pourra pas durer très longtemps : certes, l’Etat islamique paraît désormais sur la défensive, mais la nébuleuse islamiste continuera de constituer une menace pour nous sur notre propre sol, tant que les autorités n’auront pas la volonté politique de porter véritablement le fer dans la plaie pour éradiquer ces « dizaines de Molenbeek » évoqués par Me de Montbrial. Le salut ne réside ni dans l’apathie de politiciens hâbleurs incapables de prendre les mesures énergiques qui s’imposent ni dans les rassemblements de pleurnichards qui n’en finissent pas de tendre l’autre joue. Alors même que le politique est complètement dévalorisé dans l’esprit d’une grande majorité de Français, l’époque va nécessiter de l’autorité. 

    L’autorité, c’est bien ce qui manque à MM. Hollande et Valls. L’élection de 2012 leur a, certes, donné le pouvoir mais ne leur a conféré qu’une légitimité inconsistante, purement légale, et toujours contestée par ceux qui pensent prendre la place : à un an du premier tour de l’élection présidentielle, ils sont déjà plus d’une demi-douzaine de candidats déclarés, sans compter la petite dizaine des candidats à la primaire des Républicains en attendant peut-être les prétendants socialistes. Tous représentent, peu ou prou, un parti politique : le pouvoir suprême n’est plus qu’un enjeu pour les factions. 

    Certains intellos bobos-gauchos qui prônent une utopique « horizontalité » (M. Legrand, France Inter) peuvent bien caricaturer l’autorité politique en la ramenant à une sorte de bonapartisme autoritariste et/ou charismatique. La vérité reste que seule « une institution pérenne, garante de la tradition nationale » (Lafautearousseau) peut fonder un pouvoir légitime à l’autorité naturelle : en tout cas, en France, on n’a jamais trouvé mieux.

  • A demain, Jeanne !

     

    Par Alban Gerard  

    Dimanche 20 mars, le Puy du Fou a accueilli l'anneau de Jeanne d'Arc. Pour Alban Gérard, en ces temps d'exacerbation du fait religieux, le retour d'un anneau sorti du passé nous confronte avec simplicité à la question de la transcendance de notre nation [Figarovox - 21.03]. « En ces temps d'exacerbation du fait religieux » cette question - à laquelle chacun apportera sa réponse - a, dans tous les cas, que l'on soit ou non croyant, une importance toute particulière.  LFAR  

    A l'anneau de Jeanne de retour sur la bonne terre de France, les cieux ont réservé un retour triomphal. Exilé depuis six siècles outre-Manche, cet anneau gravé des noms de « Jhesu Maria» , arraché de haute lutte par le Puy du Fou lors d'une vente aux enchères il y a quinze jours, fait l'objet d'une singulière cérémonie sur les terres vendéennes du célèbre parc.

    Sont-ce les couleurs vives des étendards flottant au bout des lances du cortège de chevalerie, ou les cimiers frémissant des casoars des officiers volontaires défilant aux accents de la marche médiévale de Robert Bruce ? Un souffle mystérieux est à l'œuvre. L'histoire rêvée d'une France lointaine retrouve pour quelques heures un peu de son panache !

    Car certes, les bénévoles du cortège sont costumés comme des figurants de peplum hollywoodien, certes les haut-parleurs diffusent du Brave Heart aux moments choisis pour faire vibrer notre fibre patriote ; certes la « foule » des cinq mille curieux s'apparente plus à une grande sortie de messe de province qu'à une marche pour la dignité.

    Et pourtant, nos dirigeants auraient beaucoup à apprendre de ce qui s'est passé. Les commémorations se font rares en France. Oui elles existent, mais, hors armistice, on est dans l'ordre de la mémoire communautaire, la revendication identitaire, loin de la communion nationale. La commémoration pour le retour de l'anneau de Jeanne fait figure d'exception. Pas de revendication dans le public, juste la joie de retrouver une pièce symbolique du patrimoine dont il est héritier. Comme il semble loin le temps des précautions de Chirac et Villepin en 2005 préférant annuler la commémoration d'Austerlitz plutôt que de subir les foudres de lobbies communautaires antillais aussi chétifs que revendicatifs !

    D'ailleurs, dans la foule l'émotion est réelle, et ne résulte pas seulement de la mise en scène spectaculaire. Cet anneau, comme nous le rappellent les différents intervenants*, est confisqué à Jeanne d'Arc lors du procès de Rouen par l'évêque Cauchon, afin d'empêcher tout culte voué à celle qui sera canonisée bien plus tard, en 1920, par l'Eglise catholique dans un souci de réconciliation avec l'Etat. Symbole matériel rappelant le courage de notre héroïne nationale, ou selon le terme choisi par Philippe de Villiers, unique relique de celle qui fut le plus grand trait d'union de notre histoire, entre Dieu et le peuple de France ?

    Mais la force d'une telle célébration réside bien plus encore dans l'audacieux pari de réveiller l'idée enfouie d'une France profondément spirituelle. L'anneau de Jeanne, signe d'une alliance mystique - elle aurait vu en songe Sainte Catherine en le touchant - d'un dessein divin pour la nation française ? Si chacun est libre d'interpréter l'objet comme il l'entend, le « mystère de Jeanne » ne peut être abordé sans envisager la question des racines chrétiennes de notre pays. Des racines dont on peut attester l'origine historique, mais dont l'actualité est sujette à de chatouilleux débats. Et le retour de l'anneau sorti du passé en ces temps d'exacerbation du fait religieux nous confronte avec simplicité à la question de la transcendance de notre nation. 

    Alban Gerard   

    Responsable d'activité dans un groupe de protection sociale, Alban Gérard est le fondateur des Gavroches.

    Les Gavroches convoquent l'imaginaire des Misérables pour réinventer un roman national. Ces enfants des barricades, amoureux des arts, s'engagent pour replacer le débat politique dans la rue et créer le dialogue.

    * Philippe et Nicolas de Villiers, Franck Ferrand, Jacques Trémolet de Villers  

    Remerciements à Pierre Builly qui nous a signalé cette excellente tribune.

  • Terrorisme : on ne déclare pas la paix !

     

    Face au fondamentalisme islamiste, l’hésitation est fatale

    Une réflexion de Mathieu Bock-Côté - comme toujours pertinente et profonde . Rappelant des principe de sagesse politique perdue. Et venue de Montréal.  

     

    Mathieu Bock-Coté.jpgLes attentats qui ont frappé la Belgique provoquent chez certains d’étranges sentiments : ils se disent las, ils voudraient que cela cesse par enchantement et ils en appellent surtout à la venue sur terre de la Paix, à la manière d’un principe rédempteur venant civiliser les hommes et les empêchant de s’entretuer. Ils voudraient qu’on déclare la Paix à l’humanité, et que chacun, inspiré par ce grand élan du cœur, range ses fusils et ses bombes. Quand une bombe saute dans un métro, ils publient sur les réseaux sociaux des symboles de paix et chantent Imagine ou Give Peace a Chance. Il y a peut-être quelque chose de beau dans cette conviction sincère que l’amour nous sauvera. Il y a aussi peut-être une forme de naïveté aussi exaspérante que paralysante.

    La paix n’aura pas lieu

    Car en attendant la parousie, en attendant cette sublime délivrance, ce ne sont pas les déclarations de paix qui sauveront les peuples et les protégeront mais la résolution à faire la guerre à un ennemi intérieur et extérieur, l’islam radical, qui s’est décidé quant à lui à humilier et soumettre la civilisation européenne. Devant le fondamentalisme islamiste, ses militants résolus et ses convertis qui sont manifestement attirés par sa fureur guerrière et sa cruauté revendiquée, il faut d’abord compter sur de bons services de renseignement, sur des policiers aguerris, sur des soldats d’expérience, sur des frontières efficaces et sur une ferme volonté de le combattre. En un mot, il faut avoir les moyens de se défendre, de le combattre et de le vaincre.

    La guerre. Pour bien des Occidentaux, c’est un gros mot. Et répondre par la guerre à la guerre, ce serait apparemment une réponse simpliste. Nos bons esprits progressistes qui n’en finissent plus d’admirer leur propre grandeur d’âme voudraient qu’on se penche plutôt vers les racines profondes de l’hostilité entre les hommes et refusent de comprendre, parce que cela offusquerait leurs principes, que la violence est constitutive de l’histoire humaine. On peut la réguler, la contenir, la civiliser même : on ne pourra jamais l’éradiquer et en venir à bout une fois pour toutes.

    Nos bons esprits, en un mot, s’imaginent toujours que la réponse militaire à une agression terroriste est une dérive populiste faite pour alimenter les simples d’esprit. Ils souhaiteraient qu’on parle d’exploitation sociale, de lutte à la pauvreté, de dialogue entre les civilisations. Ils s’imaginent que si chacun s’ouvrait à l’Autre, l’humanité se délivrerait des conflits (sans s’imaginer qu’en connaissant mieux l’autre, il se peut qu’on s’en méfie davantage). Ils veulent se réfugier dans la stratosphère des discours généreux et pacifistes pour éviter d’avoir à sortir leurs canons, leurs fusils et leurs blindés. Ils veulent s’extraire du conflit au nom de la conscience universelle  et surplomber les camps en présence. En d’autres mots, ils veulent fuir le réel qui égratigne leurs principes splendides.

    La violence, en quelque sorte, est un fait anthropologique irréductible, et il est sot de croire qu’un jour, les hommes vivront à ce point d’amour qu’il n’y aura plus entre les groupes humains des conflits à ce point profonds qu’ils puissent dégénérer en conflits armés. La guerre est l’expression politique de la violence. Évidemment, d’une époque à l’autre, la guerre change de visage. Aujourd’hui, elle ne se fait plus vraiment en uniforme. Elle prend la forme d’une guérilla s’appuyant sur une cinquième colonne installée dans des forteresses islamistes comme Molenbeek. On a tort de parler du terrorisme en soi. Le terrorisme n’est que le moyen avec lequel les islamistes nous font la guerre.

     

    La guerre de religion est la plus sauvage d’entre toutes

    On ajoutera qu’il ne s’agit pas d’une guerre classique mais d’une guerre d’éradication qui nous a été déclarée par des fondamentalistes musulmans qui sont prêts à l’ultime sacrifice pour nous rayer de la carte ou nous soumettre à leur Dieu. La guerre de religion est la plus sauvage d’entre toutes parce qu’elle déshumanise radicalement l’ennemi – il est transformé en représentant du diable qui ne mérite pas sa place sur terre. Au vingtième siècle, elle s’est maquillée en guerre idéologique mais il s’agissait encore une fois de rayer de la surface de la planète ceux qui ne communiaient pas à la bonne foi ou de les y convertir de force.

    Entre le fanatisme des enragés d’Allah et le laxisme mollasson des sociétés occidentales, il y a un contraste fascinant et on ne peut que souhaiter que ces agressions à répétition contre des villes et des pays au cœur de la civilisation européenne réveillent leur instinct civique pour l’instant endormi. L’histoire est une source infinie de méditation et de méditations. Ce n’est pas un drapeau blanc qui a stoppé Hitler mais la ferme résolution des alliés à lui faire la guerre pour le vaincre et éradiquer le nazisme. Ce ne sont pas de belles âmes dissertant sur la paix universelle qui ont empêché l’armée rouge d’occuper l’Europe occidentale mais l’armée américaine qui y avait installé ses bases.

    De même, devant l’islamisme, qui bénéficie à la fois de l’appui d’États étrangers et de réseaux bien implantés dans les grandes villes européennes, et qui peut manifestement frapper n’importe quelle cible, qu’elle soit aussi banale qu’une terrasse de café ou stratégique qu’un aéroport, il faudra apprendre à faire la guerre de notre temps. Devant l’ennemi, il faudra moins pleurer et larmoyer qu’être révolté et en colère. Et d’abord et avant tout, il faudra nommer l’ennemi. Non pas « la religion ». Non pas « le fanatisme ». Mais l’islamisme, qui s’est aujourd’hui juré de casser le monde occidental. 

    Le Journal de Montréal

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.

  • Question naïve : le chômage - comme la dette - peut-il croître indéniniment ?

     

    38 900 chômeurs de plus en février : la nouvelle est tombée hier soir. Drôle de perspectives pour la prochaine présidentielle et surtout triste situation pour la population française. Où va la République ? LFAR  

  • PRÉSIDENTIELLE : LA QUESTION D’UNE CANDIDATURE PATRIOTE

     

    par François Marcilhac
     

    500021990.jpgA droite, c’est déjà l’embouteillage sur la route pour 2017. Il ne se passe pas de jour sans qu’un cacique des Républicains se déclare prêt à se lancer dans la course. Le règne apparemment finissant de Sarkozy inspire les ambitieux, même les plus médiocres, comme dans Le Lion devenu vieux de La Fontaine.  

    À DROITE, CHACUN PENSE AVOIR SA CHANCE

    C’est que le retour de l’ancien chef d’Etat s’apparente désormais plus à celui, pathétique, d’un prestidigitateur démodé dont les tours n’arrivent plus à faire illusion, qu’à celui du sauveur de la patrie — ou plus modestement de la droite libérale. Comment le vide créé par la perte du chef, dont l’existence est consubstantielle à la culture néogaulliste, ne créerait-il pas un appel de candidats à la succession toujours plus nombreux ? D’autant que chacun pense probable la défaite de Hollande ou de tout autre candidat socialiste, peut-être dès le premier tour, ce qui rendrait encore plus aisée la victoire dans l’éventualité d’un duel au second face à Marine Le Pen. Dès lors chacun — même l’âne de la fable — pense avoir sa chance, s’il passe l’épreuve des primaires. Les Français ne donneront-ils pas en 2017 la victoire à n’importe quel impétrant issu des Républicains plutôt que de rempiler avec Hollande ou un autre socialiste ou de prendre le risque de confier les rênes de l’Etat à l’ « extrême droite » ?

    Certes, les primaires sont à l’heure actuelle préemptées par Juppé, qui joue la carte centriste : si les media souhaitent à ce point sa victoire qu’ils la font croire inéluctable, c’est qu’ils voient, non sans raison, en lui le meilleur des hommes de paille de l’oligarchie, sa personnalité, totalement lisse sur le plan idéologique, ne laissant rien soupçonner d’imprévisible. Mais tout autre ferait finalement l’affaire, puisque aucun candidat des Républicains ne souhaite remettre la France sur la voie de l’indépendance. Tous veulent au contraire la soumettre toujours davantage au Moloch bruxellois, qui n’est lui-même que le courtier de l’impérialisme américain, comme le montrent les négociations du traité transatlantique, dont le seul but est la dissolution des nations européennes dans un grand tout commercial sous hégémonie américaine.

    LA GAUCHE DANS UNE IMPASSE

    Quant à la gauche, elle n’en finit pas de se dissoudre dans son impasse idéologique. Son abandon de la cause du peuple, défini au plan sociologique comme la communauté des travailleurs, pour celle, complémentaire, des marchés et des « migrants », sa conversion de l’internationalisme au mondialisme libéral-libertaire rendent désormais son existence sans objet — d’où la difficulté que rencontre l’exécutif à faire passer la loi El-Khomri. Autour de Martine Aubry ou de Mélenchon, une gauche qui se déclare plus authentique cherche, assurément, à subsister. Mais comment n’aurait-elle pas perdu les travailleurs et de façon générale les Français par son immigrationnisme forcené, qui fait d’elle l’idiote utile des marchés, et son soutien aux transformations sociétales, qui rebutent foncièrement une culture populaire, bien plus conservatrice que la bourgeoisie branchée ?

    Quant à son invocation à la laïcité, qu’est-elle d’autre qu’une tentative désespérée de colorer des sacro-saintes valeurs républicaines un communautarisme militant ? Il en est ainsi du « Manifeste pour une printemps républicain » — « républicain », non pas français — qui, publié dans Marianne du 11 mars, regroupe notamment des anciens combattants de Mai-68, une ministre récemment licenciée, des sociologues de gauche et des chiens de garde, bien connus, de l’oligarchie. Sous une logorrhée laïciste et universaliste, les auteurs du manifeste laissent surtout percer un communautarisme aussi imprécis que large — personne ne doit se croire oublié. Comment en serait-il autrement quand l’impasse politique et culturelle à laquelle bute la modernité exige de trouver un nouveau contenu militant à la laïcité, dans l’espoir de canaliser les revendications islamistes ? Et ce nouveau contenu militant, c’est ce « vivre-ensemble » qui repose sur une conception schizophrène du citoyen, « laïque universaliste » dans l’espace public et identitaire chez lui, conception qui n’est, somme toute, que le renoncement à une citoyenneté fondée sur un être commun, car partageant une civilisation commune, et donc à la France comme nation historique et pays réel, au profit de cette « République de la diversité » que veut instaurer le pays légal.

    LA QUESTION D’UNE CANDIDATURE PATRIOTE

    C’est donc aux conditions du redressement national qu’il convient de s’attaquer d’urgence. Dans la perspective de l’échéance de 2017 ? Oui. Non qu’à l’Action française nous tenions subitement une échéance électorale, fût-elle la présidentielle, pour l’alpha et l’oméga du salut de la France et que nous nous mettions à rechercher les conditions d’une « bonne république » : nous la savons impossible. Mais parce que nous obéissons, depuis notre création, à un double devoir : tout faire pour ramener l’héritier et, en attendant, sauver l’héritage. Or l’élection présidentielle, sous la Ve République, est devenue le rendez-vous politique majeur. L’ignorer, c’est tout simplement renoncer à peser sur les événements et, par cette abstention, faire la politique du pire, qui est, comme Maurras nous l’a toujours enseigné, la pire des politiques. Autant dire que la question d’une candidature patriote se pose. D’aucuns jugent le candidat, ou plutôt la candidate, déjà toute trouvée. Or nul(le), quels que soient son exposition médiatique ou ses résultats électoraux, ne saurait monopoliser le combat patriote, surtout lorsqu’on laisse de côté toute une frange des Français qui n’attend qu’un signe pour se détourner d’une droite parlementaire inféodée à la logique libérale-libertaire. Ni un discours anxiogène sur l’Europe, qui, si fondé soit-il, fait fi de la logique de l’opinion publique, qui n’aime rien tant qu’être rassurée, ni un discours ringard au plan économique, qui laisse de marbre les patrons du CAC40 mais indispose ceux qui font l’emploi en France, à savoir les dirigeants des TPE et PME, ni un discours à géométrie variable au plan sociétal — jeu auquel, d’ailleurs, Sarkozy a laissé plus de plumes qu’il n’a gagné d’électeurs — ne sauraient rassembler une majorité de Français.

    L’économiste Jacques Sapir, depuis plusieurs semaines, presse Marine Le Pen de renoncer à ce qui faisait, du moins aux yeux de l’opinion publique, la spécificité du FN, à savoir la préférence nationale — rebaptisée priorité nationale —, tout en l’appelant à une « clarification » sur la laïcité — on devine dans quel sens : bref, enfoncer le coin entre Philippot et Marion Maréchal-Le Pen et choisir le premier contre la seconde. C’est à cette seule condition, d’ailleurs fort humiliante pour elle, que la représentante du premier parti de France aurait la permission de rejoindre un « Front de libération nationale » d’inspiration post-marxiste, c’est-à-dire de sauver, par l’appoint de ses forces militantes, une extrême gauche institutionnelle en voie de dissolution. Ce piège, qui aurait pour effet de neutraliser le Front national au plus grand profit de l’oligarchie, il n’est pas impossible qu’il se referme sur celui-ci, entraînant de nombreux patriotes dans l’impasse. C’est dire combien c’est le régime des partis lui-même qui est funeste.

    En lançant, dès ce numéro, auprès d’hommes politiques, d’intellectuels ou de religieux, une grande enquête sur les conditions du redressement national, l’Action française entend peser sur le débat politique dans les prochains mois. Sinon pour faire gagner la France — c’est impossible en république —, du moins pour éviter le pire. 

    L’Action Française 2000