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Actualité Monde - Page 100

  • Charles Saint-Prot : « La priorité fondamentale, c’est la récupération de tous les instruments de souveraineté. »

     

    Trois questions à… Charles Saint-Prot, directeur général de l’Observatoire d’études géopolitiques, qui a donné une conférence au Camp Maxime Real del Sarte 2017 sur la place de la France dans le monde. Il répond ici aux questions d'Action française 200O. Charles Saint-Prot est aussi un vieil ami de l'actuelle équipe de Lafautearousseau.  LFAR

     

    Saint-prot.jpgVous évoquez la nécessité de la volonté politique en matière de politique étrangère, cependant le problème de nos élites n’est-il pas une méconnaissance de la France en tant qu’entité historique, voire sa négation ?

    Il ne peut y avoir de grande politique étrangère sans une ferme volonté politique et sans un cap précis conforme à l’intérêt national puisque le but ultime du politique est de servir cet intérêt. Il est triste de devoir constater que la volonté politique est trop souvent absente ou du moins très timide dans la politique étrangère de la France. Cela est dû au fait que les hommes politiques ont, pour le plus grand nombre d’entre eux, sombré dans la facilité, la routine, la soumission à l’idéologie du renoncement. Ils se sont laissé enfermer dans le piège mortel d’une construction européenne qui se fait sous la forme d’un super-État totalitaire au détriment des États-Nations, à commencer par la France.
    Comme je l’expose dans mon ouvrage L’État-nation face à l’Europe des tribus (Cerf), l’eurocratie – dirigée par une Allemagne sûre d’elle-même et dominatrice – rêve de faire sauter le verrou de la nation pour imposer un système supranational s’inscrivant dans le projet mondialiste ultra-libéral. Il semble que la plupart des dirigeants français ne prennent pas la mesure de la menace puisqu’ils acceptent ce diktat supranational, ignorant du coup les lois de la politique française et les leçons de l’Histoire qui enseignent qu’il faut toujours rester maître chez soi sinon on court le risque de perdre toutes ses libertés en perdant son indépendance.

    Ne doit-on pas voir dans ce renoncement une conséquence de la faillite de nos institutions (républicaines) ?

    Sans doute la situation déplorable de notre politique étrangère est- elle due à l’inconséquence d’un système politique dont les faiblesses sont évidentes. Ce système est générateur de prétendues élites a-nationales et conformistes qui ignorent le bien commun, bafouent les intérêts les plus évidents de la nation et sont déconnectées du pays réel. Ce système est en faillite ; il ne vit qu’au jour le jour, d’une élection à l’autre. Du coup, pour ce qui concerne la place de la France dans le monde, la thèse exposée par Maurras dans son fameux Kiel et Tanger  – dont le président de la République Georges Pompidou louait d’ailleurs la lucidité lors du centenaire de Sciences Po – se révèle exacte : le régime républicain, qui est hélas de plus en plus tributaires des brigues, des factions et des groupes de pression, est impuissant et, par conséquent, incapable de mener une politique étrangère durable conforme à l’intérêt national.

    Quelle est la place des droits de l’homme au sein de la diplomatie ?

    Une politique étrangère obéit à des objectifs précis concernant le rôle d’une nation dans le monde. Il est clair qu’elle n’a pas à répondre à des critères idéologiques, sentimentaux ou prétendument moraux. Il ne faut pas mélanger politique et morale. Il ne s’agit pas de pratiquer une sorte d’ingérence en donnant à tout bout de champ des leçons aux autres et en se mêlant des affaires intérieures des États souverains. Pas plus d’ailleurs qu’il ne faut se laisser donner des leçons par les autres. La politique étrangère ne consiste pas à se faire le propagandiste d’options idéologiques en faisant la promotion de la « démocratie » et des « droits de l’homme », toujours conçus à sens unique et d’une manière bien hypocrite quand on voit le nombre de situations dramatiques que l’on s’obstine à ignorer (par exemple l’éradication de l’identité tibétaine par la Chine)
    Ce qui doit primer dans l’ordre international c’est le principe, posé par les traités de Westphalie (1648), réaffirmé par le Congrès de Vienne de 1815 et exposé dans la Charte des Nations unies adoptée en 1945 : le droit international est fondé sur le principe de la souveraineté, intérieure et extérieure, des États. Sans le respect de la souveraineté s’impose alors la loi du plus fort ou celle d’un super-État artificiel ou encore celle d’obscures institutions supranationales qui n’ont aucune légitimité.
    Pour ce qui concerne la place de la France dans le monde, il faut se concentrer sur l’essentiel : la priorité fondamentale c’est la récupération de tous les instruments de souveraineté (politique, monétaire, économique, juridique, linguistique…), le refus de se soumettre à une entité supranationale comme l’union européenne, la reconstruction d’un ordre multipolaire fondé sur la souveraineté des États et respectant la diversité et l’indépendance des nations.  •

    Repris du site Action française - Publié le 15.09.2017

  • Un duo dynamique ?

     

    En deux mots.jpgFaut-il admettre l’idée banale, l’idée bateau, selon laquelle les moyens de transport et de communication modernes, internet, les avions, le téléphone portable, la télévision et tout le reste, convergent pour réaliser la fusion des peuples, abolissent les frontières, gomment les différences et rendent l'unité de l’humanité absolument inéluctable ? Ainsi subséquemment, qu’un gouvernement mondial. Telle est la vision, d'esprit prophétique, de Jacques Attali et de beaucoup d'autres, moins inspirés 

    Par exemple, le gentil, le candide, Yann Moix et le pape François. Duo improbable mais qui s'est révélé lors de l'émission ONPC [On n'est pas couché] où Dominique Wolton était invité pour présenter son livre de dialogue avec le pape. Yann Moix en a conçu - et il l'a dit - un fort et inattendu enthousiasme pour l'Eglise catholique. Pourquoi ? Parce qu'elle a pris la tête du grand mouvement qui mène à l'unité du monde et qu'elle l'accélère et le parachève en prêchant la généralisation des libres migrations, le métissage des cultures et des hommes. Les nations, Yann Moix l'affirme d'autorité, sont d'ailleurs déjà obsolètes, détruites, abolies. Les frontières n'existent plus ; il n'y a plus d'autre peuple que mondial. Bien-sûr grâce à internet, aux voyages, aux smartphones, à la télévision, etc. Accessoirement, il ne le dit pas, grâce aussi au libre mouvement des flux financiers sans frontières. D'enthousiasme encore, Moix, on ne sait trop pourquoi, en vient même à citer le théologien Gustave Thibon. Etonnant pour nous qui, jadis, l'écoutions aux Baux de Provence, ou ailleurs, loin de ce fatras. 

    Faut-il croire ces choses-là ? Sont-ce des rêveries ou la réalité ? Refuser cette évidence ne serait-ce pas cela rêver ? Dénier les réalités des temps modernes ! Mais justement que disent les réalités ? 

    D'abord ceci : l'idée que le monde est en passe de s'unifier ne date pas d'hier. Le XIXe siècle y a cru dur comme fer. Hugo en tête qui annonçait dans d'assez mauvais vers des lendemains où il n'y aurait « plus de frontières ». Et même : « Plus de fisc ». Cela prête à rire…  Un siècle et demi a passé. L'humanité a vécu deux guerres mondiales d’une cruauté sans analogue dans l'Histoire et des avions américains ont lâché des bombes atomiques sur le Japon. 

    Et que disent les réalités d'aujourd'hui de l'unification du monde ? Faut-il en faire le détail ? Au Proche et Moyen Orient, en Afrique, en Asie, partout les armes parlent, des menaces sont échangées, les conflits s'aiguisent, les rivalités s'affirment et se précisent, les budgets militaires arabes, russes, américains, asiatiques, s'enflent démesurément. Qu’est-ce qui peut garantir que les forces ainsi créées à grand effort ne serviront jamais ? Les grands conflits commencent toujours par des combats de coqs, tels ceux auxquels nous assistons ces semaines-ci.

    Les avions, internet, les smartphones, les télévisions et les radios censés, par nature, devoir nécessairement accomplir l’homogénéisation des peuples, servent aussi à bien autre chose : les avions à transporter des soldats ou des terroristes, à lancer des bombes ou à s'écraser sur des tours ; internet, les smartphones, les télévisions et les radios à diffuser des propagandes, des consignes, religieuses ou nationalistes, idéologiques ou terroristes, ou encore communautaristes, toutes choses qui ont peu de rapport avec l'unité du monde. Ne veut-on pas voir ? En dehors de la pauvre Europe occidentale, épuisée de tant de conflits passés et de tant de doutes sur elle-même, de tant de scrupules et de reniements, ce n'est partout que nationalismes et retour sur soi : religions, philosophies anciennes, traditions et modes de vie. Cela est vrai des plus grands : Russie, Chine, Inde, Japon, Etats-Unis. Mais aussi de beaucoup d'autres de moindre importance. 

    Les avions, les bateaux de croisière et les cars Macron continueront donc de déverser aux quatre coins du monde leurs flots de touristes hébétés ; les réseaux sociaux et les téléphones - quand ils ne serviront pas aux terroristes - à déverser leurs niaiseries sur la terre entière. De même que radios et télévisions. Il s'en suivra en effet une certaine standardisation des peuples. Mais George Steiner a fait observer que les standardisations se font toujours par le bas. 

    Même s'il satisfait l'univers des financiers, qui ont largement poussé à la roue pour que ces phénomènes prospèrent et eux avec, on peut se demander ce que pèsera – face aux actifs, aux déterminés - ce monde de zombies. 

    La vérité – on pourrait multiplier les exemples à l’infini - c’est que les techniques sont neutres. Elles charrient le bien comme le mal.   

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Les déclarations du pape : Il n'y a pas à s'étonner

    Le pape Pie XII

     

    Par Antiquus  

    Ce commentaire - du 13 septembre - complète les articles que nous avons publiés ici sur les prises de position récentes du pape François. Antiquus y préconise le retour à une politique capétienne d'indépendance politique à l'égard de la papauté. Le cas échéant, on pourra se reporter aux articles concernés.  (Liens ci-dessous). Merci à Antiquus !  LFAR

     

    3142485460.jpg

    Il n'y a pas à s'étonner : les déclarations du pape, comme l'a montré Dandrieu, sont l'aboutissement d'une évolution déjà fort ancienne de la doctrine pontificale.

    Dandrieu la fait remonter à Pie XII. Je pense qu'elle est déjà présente chez Léon XIII. En fait, du moment où les papes ont perdu leur pouvoir temporel, ils ont estimé qu'ils n'avaient plus aucune responsabilité à tenir à l'égard du gouvernement des Etats. D'où la condamnation de la peine de mort, dont Maistre disait qu'elle était le fondement de tout pouvoir. D'où l'abandon de l'Etat chrétien et la nouvelle doctrine sur la liberté religieuse, et aussi la délégitimation de la nation, et la transformation de l'Eglise (à usage externe seulement) en une ONG, se revendiquant comme la plus ancienne et la plus vénérable.

    Faut-il en déduire que la papauté n'est plus à la tête de la « seule internationale qui tienne » selon l'expression du martégal ? Il nous suffit de puiser dans l'héritage capétien les principes du gallicanisme, qui nous autorise à invoquer l'étanchéité de la France aux interventions pontificales qui s'opposent à la légitime perduration de notre pays.  

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    En deux mots : Désolés, Saint-Père, nous ne sommes pas d'accord

    François, pape philanthrope

    Rémi Brague au Figaro : « Non, la parabole du bon Samaritain ne s'applique pas aux États ! »

  • François, pape philanthrope

     

    Par François Marcilhac 

     

    3466611312.jpgLe milliardaire et «  philanthrope  » George Soros semble avoir trouvé dans le pape François un concurrent redoutable en matière de surenchère immigrationniste. Car si les vingt et une mesures, qui peuvent être tirées du message papal publié le 21 août dernier, pour la journée mondiale du migrant et du réfugié du 14 janvier 2018, semblent pour un grand nombre d’entre elles démarquées du plan en six points que Soros, financier actif du village planétaire, a édicté en septembre 2015, toutefois, celui-ci semble plus raisonnable que le pape puisqu’il reconnaît tout de même que le placement des réfugiés doit s’effectuer non seulement «  là où ils le souhaitent  » mais également «  là où ils sont désirés  », et «  à un rythme adapté aux capacités européennes d’absorption  ». Foin de détails aussi bassement matérialistes pour le pape  : l’accueil des migrants et réfugiés ne doit prendre en compte ni les capacités économiques des pays hôtes, ou plutôt des pays cibles, ni leurs capacités culturelles d’absorption de masses humaines dont le mode de vie est souvent à l’opposé du nôtre. Qu’importe  ? Il s’agit d’«  accueillir, protéger, promouvoir et intégrer  » les migrants, par ailleurs non distingués des réfugiés, et qui, de ce fait, n’ont que des droits et aucun devoir, puisqu’ils incarneraient l’humanité souffrante.

    L’Action française et l’Église

    L’Action française n’a évidemment pas à se prononcer sur la compatibilité des propos du pape avec la théologie catholique. Mouvement laïque, accueillant en son sein pour leur seule qualité de citoyens des Français de toutes confessions et religions, ou simplement athées ou agnostiques, elle a néanmoins toujours observé que la physique politique qu’elle enseigne, et qui est conforme à l’ordre naturel, rejoint par cela même la doctrine sociale de l’Église. Sur ce point, elle ne fut jamais prise en défaut  : c’est pourquoi, si elle eut à subir, pour un temps, les foudres disciplinaires du Vatican, jamais elle ne fut condamnée sur le plan doctrinal. Maurras, lui-même agnostique, s’est toujours émerveillé de cet accord, du reste fondé dans le thomisme, entre les principes politiques, dégagés inductivement, et l’enseignement de l’Église. On est toutefois en droit de se demander si François ne méjuge pas sa qualité de pape pour celle de simple philanthrope en prenant ainsi fait et cause pour l’idéologie immigrationniste. Comme le remarque sur son site Metablog l’abbé de Tanoüarn, dans un article judicieusement intitulé «  Qu’est-ce qu’un Christ humanitaire  ?  »  : «  comme pasteur universel, la responsabilité du pape n’est pas “le développement humain intégral”, mais le salut des âmes  », ajoutant que la papauté moderne «  connaît la même tentation que la papauté médiévale d’Innocent III à Boniface VIII, cette confusion du spirituel et du temporel  », à savoir «  la même “temporalisation du royaume de Dieuque déplorait Jacques Maritain dans Le Paysan de la Garonne et la même volonté d’atteler le successeur de Pierre à un projet temporel universel, dont il serait la clé de voûte  ».

    Nous l’avions déjà observé pour l’Église de France en analysant, il y a juste un an, la calamiteuse lettre du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France «  aux habitants de notre pays  »  : la sécularisation du message évangélique fait le lit de l’idéologie mondialiste en faisant du village planétaire le village-témoin, ici-bas, de la Jérusalem céleste. Ne rajoutons pas aux malheurs du monde en appelant amour du prochain la compromission avec la fausse générosité de l’oligarchie internationale, qui favorise de dramatiques déplacements de population pour en finir avec les nations. Et «  de même que l’on ne doit pas confondre l’hospitalité et l’immigrationnisme, de même il ne faut pas confondre l’universalisme chrétien respectueux de chaque identité et le mondialisme qui les détruit  » (abbé de Tanoüarn, Minute du 30 août 2017). Ne pensons pas non plus révolutionner le cœur de l’homme en opposant, en lui, le chrétien au citoyen, via l’opposition de la «  centralité de la personne humaine  » et des devoirs de l’État  : prétendre que la sécurité personnelle passe avant la sécurité nationale n’a évidemment aucun sens.

    Pas de sécurité sans cadre politique

    Laurent Dandrieu n’a pas eu de mal à montrer qu’«  il n’existe aucune sécurité personnelle qui puisse exister en dehors de cadres politiques, juridiques et légaux qui en sont le rempart  »  ; «  par ailleurs, le principe de la centralité de la personne humaine oblige à considérer, aussi, que les citoyens des nations occidentales ont un droit évident à la sécurité nationale  » (Le Figaro du 22 août 2017). Ce que rappelle également le philosophe chrétien Rémi Brague, par ailleurs grand spécialiste de l’islam, qui ajoute que l’État doit «  empêcher que les migrants se conduisent, comme on dit, “comme en pays conquis”, qu’ils importent en Europe les conflits qui les opposaient entre eux  », précisant  : «  une parabole  », comme celle du bon Samaritain, «  s’adresse à “moi  »  ; «  elle m’invite à réfléchir sur ma propre personne singulière, ce qu’elle est, ce qu’elle doit faire  »  ; «  un État n’est pas une personne  » (Le Figaro du 1er septembre). Non pas opposition, mais différence d’ordre. C’est pourquoi, d’ailleurs, un État ne connaît que des ennemis publics (hostes) et les personnes privées des ennemis privés (inimici), dont, en bons chrétiens, elles doivent s’efforcer de pardonner les offenses. Mais en tant que citoyen, on doit aussi savoir combattre avec détermination les ennemis (hostes) de sa patrie, même si cela doit toujours se faire sans haine  : «  le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes  », rappelait Louis XV, le soir de Fontenoy  ; le «  sang impur  » est une notion républicaine  : elle n’est pas française.

    Ne jetons pas, enfin, aux orties l’identité pluriséculaire des sociétés européennes au profit d’un multiculturalisme qui provoque déjà chez nous ses effets multiconflictualistes. Il faudrait, selon le message papal, «  favoriser, dans tous les cas, la culture de la rencontre  »  : mais comment croire, sans un angélisme particulièrement aveugle, que favoriser une «  intégration  » opposée à l’assimilation, c’est se placer «  sur le plan des opportunités d’enrichissement interculturel général  »  ? Chaque jour nous apporte, en Europe, le témoignage du contraire. Non, tendre à une société multiculturelle généralisée ne rapprochera pas les hommes entre eux  ! Il fut un temps où le cardinal Bergoglio était plus lucide  : «  Qu’est-ce qui fait qu’un certain nombre de personnes forment un peuple  ? En premier lieu, une loi naturelle, et un héritage. En second lieu, un facteur psychologique  : l’homme se fait homme dans l’amour de ses semblables. […] Le “naturel” croît en “culturel”, en “éthique”. Et de là, en politique, dans le cadre de la patrie, qui “est ce qui donne l’identité”.  » (Cité in F. Rouvillois, La Clameur de la Terre, JC Godefroy, 2016, p. 65-66) Comme le rappelait Maurras dans Pour un jeune Français, la cohésion de la nation suppose qu’on s’accorde sur un bien vraiment commun à tous les citoyens. «  En d’autres termes, il faudra, là encore, quitter la dispute du Vrai et du Beau pour la connaissance de l’humble Bien positif. Car ce Bien ne sera pas l’absolu, mais celui du peuple français.  » Seul ce bien commun national qui, loin d’être contraire au bien humain, l’incarne, sera notre guide sur la question des prétendus «  migrants  » – concept idéologique dont la fonction est de cacher des réalités différentes pour mieux organiser la soumission des nations à un ordre supranational.  

    Paru dans l'Action Française 2000 du 7 Septembre 2017.

     

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    En deux mots : Désolés, Saint-Père, nous ne sommes pas d'accord

  • Dans les commentaires ... Corée : Personne ne dit que ce n'est pas dangereux

    Le cercle des poètes disparus

     

    Par Phidias  

    Ce commentaire - du 12 septembre - démontre une forme de lucidité rare dans le domaine géopolitique, comme dans d'autres. Le cas échéant, on pourra se reporter aux articles concernés.  (Liens ci-dessous). En tout cas, merci à Phidias !  LFAR

     

    3142485460.jpgGageons qu'en en cas de frappes américaines préventives, les voisins Chinois et Russes, au delà d'une indignation médiatiquement accompagnée, ne feraient pas grand chose, sinon mobiliser des troupes et des armes pour le spectacle, car on ne risque pas un conflit nucléaire sur son propre sol, pour aider un voisin, fut-il géo stratégiquement important. pour soi.

    Empêcher une invasion de la Corée du Nord par celle du Sud ou par les Américains deviendrait la nouvelle épopée hyper-médiatisée du moment, pendant que la diplomatie, loin du bruit désordonné des émotifs, reprendrait le cours de négociations visant à établir un protectorat longuement négocié protégeant les intérêts de puissances impliquées..

    Il faut bien que tout change pour que rien ne change, mais personne ne dit que cela ne serait pas dangereux.  

    Lire ...

    Apocalypse

    Le grand méchant Kim

  • Le grand méchant Kim

     

    par Louis-Joseph Delanglade 

     

    logo lundis.jpgDans Le lièvre de Patagonie, titre de ses Mémoires, le très engagé Claude Lanzmann raconte avoir fait partie en 1958 d’une délégation patronnée par le journal communiste L’Humanité, délégation qui s’est rendue à Pyongyang. Il écrit : « Je crois avoir pressenti alors que Kim Il-Sung [le grand-père de l’actuel Kim Jong-un], avec qui nous dînâmes à deux reprises […] pensait déjà à l’arsenal nucléaire ». Les Coréens (du Nord) auraient donc très tôt eu une conception soviétique des rapports internationaux, ce qui leur confère une certaine suite dans les idées. 

    Cela cadre mal avec l’actuel emballement médiatique à propos de la Corée du Nord, tel qu’il se manifeste par le ton des commentaires et les titres des articles ou chroniques. Soucieuse comme il se doit de diaboliser l’ennemi, la presse « occidentale » répète à l’envi, et depuis des années, que M. Kim Jong-un est, comme ses prédécesseurs (son père Kim Jong-il et, donc, son grand-père Kim Il-sung) un cas typique de tyran psychopathe et ubuesque. Piètre approche d’un point de vue politique. Constater que la Corée du Nord est une dictature qui s’inscrit dans le droit fil de tous les régimes socialo-communistes répertoriés à ce jour suffit. 

    D’ailleurs, cette présentation du personnage est en contradiction avec la nouvelle idée-force qui se répand dans le petit monde de la géo-politique, à savoir que M. Kim utiliserait la menace nucléaire à des fins dissuasives - fidèle en cela à la genèse politique de son régime. Ne voulant pas à titre personnel subir le sort de Saddam Hussein ou du colonel Kadhafi (on ne peut que le comprendre), ne voulant pas non plus que se répète en Corée le scénario allemand des années 1990 avec le Nord dans le rôle de la R.D.A. communiste et le Sud dans celui de la R.F.A. capitaliste (on ne peut que le trouver cohérent), il montrerait sa force pour ne pas avoir à s’en servir. Ce serait alors un politique plutôt avisé. 

    Plutôt que de psychanalyser M. Kim, mieux vaudrait considérer la Corée du Nord pour ce qu’elle est : un régime à la soviétique dont les dirigeants veulent sortir le pays de sa situation de pays-croupion. Entre le possible, le plausible et le probable, chacun peut bien y aller de sa petite analyse, la seule certitude reste que personne ne peut savoir ce qui va se passer, surtout avec un vis-à-vis comme M. Trump : nul ne peut dire si ce subtil bras-de-fer n’est qu’un épisode de plus dans la « drôle de guerre » qui a suivi la guerre de Corée proprement dite ou s’il s’agit des prémices d’une apocalypse nucléaire.

    Dans ce dernier cas, le pire sans doute, on ne peut que se féliciter que l’Europe tout entière soit assez éloignée du théâtre des opérations et souhaiter que la France ne se laisse pas entraîner par on ne sait quel jeu des alliances dans un conflit « régional ».   

  • Religion & Société • Cachez cette croix que je ne saurais voir !

    Les croix des petites églises du paysage grec de Santorin ont disparu comme par enchantement

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Une tribune publiée jeudi dernier dans le Journal de Montréal [7.09]. Mathieu Bock-Côté, comme toujours, va au fond des choses lorsqu'il dénonce ici « une forme de barbarie ». L'auteur du voyage d'Athènes, le jeune Maurras, agnostique, n'eût rien écrit d'autre. Nous non plus. LFAR

     

    501680460.5.jpgL’histoire s’est passée de l’autre côté de l’Atlantique ces derniers jours, mais elle aurait bien pu arriver ici.

    Lidl est une compagnie allemande. Elle a notamment une gamme de produits alimentaires grecs. Elle a décidé d’illustrer son emballage avec une photo presque légendaire d’un paysage grec à Santorin, où on aperçoit de petites églises dans un décor paradisiaque.

    Mais la compagnie a enlevé les petites croix de la coupole des églises. Quelqu’un l’a remarqué et la nouvelle a percé l’écran médiatique. 

    Hypocrisie

    Depuis quelques jours, on en parle beaucoup. Bien des Européens crient à la censure de l’histoire et se demandent de quel droit on peut ainsi amputer une église de ce qu’elle a de plus caractéristique. 

    Cachez cette croix que je ne saurais voir !

    Obligée de s’expliquer, la compagnie s’est réfugiée derrière l’argument du respect de toutes les croyances.

    Pourquoi retirer la croix ? Parce que la compagnie voulait éviter d’exclure toute croyance religieuse. Et aussi parce qu’elle affiche son adhésion à la sacro-sainte « diversité ».

    En embrassant un symbole chrétien, ne risquerait-elle pas d’offusquer ceux qui ne se reconnaissent pas en lui ?

    Il fallait donc neutraliser la marque. On y verra certainement un comportement de trouillard. Imaginons néanmoins que tel soit vraiment son souci. Imaginons vraiment que la compagnie veut un environnement culturellement neutre.

    Mais alors, pourquoi prendre pour sa publicité un paysage qui est indissociable de sa dimension chrétienne ?

    N’y a-t-il pas là une immense hypocrisie ? On veut bien récolter la beauté d’un paysage façonné par une civilisation et sa religion, mais au dernier moment, on demande à cette dernière de s’effacer, parce qu’elle nous embête quand même.

    On veut du monde chrétien à condition que ce dernier consente discrètement à se sacrifier ?

    En un sens, on veut gommer la signature de l’œuvre, on veut effacer son identité, on veut arracher ses racines.

    Comment ne pas voir dans ce coup de gomme à effacer une forme de barbarie inconsciente d’elle-même ? Comment ne pas y voir un réflexe destructeur ?

    Histoire

    Est-ce vraiment la société qu’on souhaite : celle où la simple présence du crucifix fait scandale, même lorsqu’il se trouve à son endroit le plus naturel ?

    Tout cela n’a rien d’un fait divers. C’est plutôt un fait révélateur ou si on préfère, un symptôme.

    Notre civilisation a tendance à vouloir s’excuser d’exister. Et elle cherche à effacer presque frénétiquement tout ce qui rappelle son passé chrétien, comme s’il tachait l’image que nous voulons projeter aujourd’hui.

    Il y a pourtant là une effrayante ingratitude. Comment, dans les temps tumultueux qui sont les nôtres, une civilisation pourrait-elle survivre si elle croit offusquer l’humanité en assumant sa tradition, sa mémoire et ses marques distinctives ?

    On peut avoir la foi ou non, mais ici, ce n’est pas du tout la question. On ne saurait tout simplement réduire les monuments historiques à de simples décors de cartes postales aseptisées. C’est une question de décence.  

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • L'armée libanaise attaque Daesh

    Le nouveau chef d'Etat-Major libanais, le Général Joseph Aoun

     

    Par Antoine de Lacoste 

     

    2966618915.2.pngDepuis environ trois ans, plusieurs milliers d'islamistes d'Al Nosra (devenu Fatah al Cham) et de Daesh ont trouvé refuge dans les montagnes libanaises le long de la frontière syrienne.

    Dans ces zones difficiles d'accès, les djihadistes pouvaient se reposer, s'approvisionner en armes et recruter de nouveaux combattants dans les camps de réfugiés syriens situés à proximité.

    Ils n'hésitaient pas également à organiser des raids meurtriers sur la Syrie.

    Les combattants libanais du Hezbollah ont lancé fin juillet une vaste offensive contre les positions d'Al Nosra. En effet, libérés des durs combats d'Alep et des environs de Damas, les chiites disposaient des effectifs nécessaires pour mettre fin à la présence plus qu'encombrante des islamistes sunnites sur le sol libanais. La défense d'Al Nosra fut, comme d'habitude, acharnée. Mais, moins nombreux et moins bien armés, ils durent céder. Après d'âpres négociations, les survivants furent autorisés à se retirer vers la zone de refuge habituelle des islamistes : la province d'Idlib située dans le nord-ouest de la Syrie.

    L'armée libanaise, sensée être au dessus des divisions confessionnelles, s'était contentée de sécuriser la ville d'Ersal, ultime point d'ancrage des djihadistes. Elle ne pouvait en effet mener une offensive conjointe avec un mouvement exclusivement chiite.

    Elle vient à son tour de passer à l'offensive, toujours dans les montagnes proches de la frontière syrienne, mais contre Daesh cette fois.

    Enfin ! Il y a bien longtemps que l'on espérait une initiative d'envergure de l'armée contre l'Etat islamique qui avait tué et fait prisonnier plusieurs de ses hommes lors des combats de 2014. Deux d'entre eux avaient ensuite été égorgés, un chiite et un sunnite.

    Les combats qui se déroulent devraient se conclure favorablement : les trois-quarts du territoire contrôlé par Daesh ont été repris en quelques jours et toute contre-attaque semble illusoire.

    Ce qui est particulièrement intéressant dans cet événement, c'est qu'une offensive similaire s'est déroulée côté syrien menée par le Hezbollah et, surtout, l'armée syrienne. Il ne fallait évidemment pas laisser la possibilité aux hommes de Daesh de reculer devant l'armée libanaise et de trouver refuge dans les montagnes syriennes. Pris en étau, ils n'ont aucune chance.

    Symboliquement, c'est un pas important qui vient d'être franchi. Même si l'armée libanaise le nie, il est évident qu'elle a coordonné son action avec l'armée syrienne.

    C'est une grande première depuis le début de la guerre en Syrie et c'est de bon augure pour vaincre les islamistes. Il ne s'agit pas d'oublier les drames du passé : le Liban a payé un lourd tribut à l'occupation syrienne. Mais l'islamisme vainqueur en Syrie aurait ensuite détruit le Liban et chacun semble l'avoir compris. La priorité est donc là : détruire Daesh, Al Nosra et les autres mouvements islamistes sunnites que les Etats-Unis et l'Europe ont criminellement soutenus. Pour cela, la Syrie et le Liban doivent travailler ensemble.

    Le nouveau chef d'Etat-Major libanais, le Général Joseph Aoun, s'est déplacé sur le lieu des combats, soulignant là leur importance.

    Une page se tourne et la défaite des islamistes se rapproche.                                                 

  • Banaliser le voile ?

    Rachel Notley

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Une tribune publiée hier dans le Journal de Montréal [5.09].

     

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    Il y a quelques jours, pour marquer l’Aïd al-Adha, une fête majeure pour les musulmans, la première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, a diffusé une vidéo où elle leur souhaitait les meilleurs vœux en se voilant.

    Ce n’était pas la première fois. En 2016, dans un contexte semblable, elle s’était aussi voilée. Sachant que Rachel Notley n’est pas musulmane, on doit donc conclure qu’elle a décidé de se déguiser en musulmane.

    Voile

    Manifestement, elle croit envoyer un signal d’inclusion aux musulmans en empruntant leurs symboles. 

    On peut voir la chose autrement. En se déguisant en musulmane, elle nous rappelle malgré elle le principe qui caractérise le multiculturalisme, c’est-à-dire l’inversion du devoir d’intégration. 

    Ce n’est plus à l’immigrant de s’adapter à la société d’accueil, mais à cette dernière de se transformer pour l’accommoder. On adoptera même ses symboles identitaires et religieux.

    C’est ce qu’on appelle de nos jours l’ouver­ture à l’autre. Ce terme masque souvent une incapacité de la société d’accueil à assumer sa propre culture, sa propre civilisation.

    Mais plus encore, Rachel Notley envoie un étrange message aux musulmanes.

    Doit-on comprendre, à la regarder, que les vraies musulmanes sont celles qui sont voilées ?

    On nous répète sans cesse que le voile est optionnel dans l’islam, qu’une femme est libre de le porter ou non. Alors si tel est le cas, pourquoi Rachel Notley se voile-t-elle ?

    Islamisme

    Pourquoi normalise-t-elle le voile islamique, qui demeure un symbole trouble ?

    Pourquoi reprendre la consigne des islamistes qui veulent imposer le voile comme un marqueur identitaire des musulmanes et comme le symbole de leur conquête de l’espace public ?

    Les islamistes ne risquent-ils pas de voir là un symbole de soumission ?

    Pourquoi ne pas soutenir les musulmanes qui, justement, veulent se délivrer de ce qui est souvent vu comme une marque d’oppression ?

    La générosité mal comprise peut faire faire des bêtises.   

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Ukraine : intangibilité des frontières ? Allons donc !

    La Laure de Kiev, sur le Dniepr, monastère fondé en 1051, et lieu de résidence du primat de l'Église orthodoxe d'Ukraine (Patriarcat de Moscou)

     

    En deux mots.jpgDe tous les dogmes en vogue en matière de politique étrangère, le plus stupide, le plus irréaliste, et le plus ignorant – en particulier de la géographie et de l'Histoire - c'est, sans conteste, celui de l'intangibilité des frontières.

    Lesquelles, en effet ? Sans remonter au déluge, le XXe siècle a passé son temps à les modifier en tous sens : à l'issue de la 1ère Guerre Mondiale où l'on dépeça l'Autriche-Hongrie et la Turquie, sur les dépouilles de laquelle Français et Anglais tracèrent arbitrairement les bien embarrassantes frontières de l'actuel Proche-Orient ; à la fin de la Seconde Guerre mondiale où la carte de l'Europe fut refondue, dans la foulée  de Yalta ; lors de l'éclatement de l'URSS enfin, à quoi s’ajoute la dislocation subséquente de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie que les traités d'après la Grande Guerre avaient pourtant instituées.

    Au total, l'Europe actuelle compte nombre d'Etats qui n'existaient pas avant 1914, 1945 ou autour de 1990. De fait, le principe de l'intangibilité des frontières n'a cessé d'être foulé aux pieds à l'époque moderne, comme en toute autre de l'Histoire. Croit-on que l'on va s'en tenir éternellement au tracé actuel des frontières de l'Europe, que les choses vont s'arrêter là ?

    Et est-ce au nom de ce principe de l'intangibilité des frontières qu'Emmanuel Macron vient crânement de déclarer sa ferme intention de mener la vie dure à Vladimir Poutine à propos de l'Ukraine, ou même de la Crimée ? Pourquoi ? Ce n'est guère sérieux.

    Nous ne sachons pas que du temps de l'Union Soviétique, sous Staline, Khrouchtchev, Brejnev, ou même Gorbatchev, aucun Etat, aucune diplomatie occidentale, aient, alors, jamais contesté que l'Ukraine - ou la Crimée - fût russe. Personne n'aurait alors songé à s'en aviser, encore moins à en saisir les Soviétiques,

    Selon l'Histoire, l'Ukraine est le berceau de l'ancienne Russie autour de l'an 1000, où Vladimir, grand prince de la Rus de Kiev, décida, que la Russie serait chrétienne, et, de surcroît, orthodoxe, à cause de la beauté des cérémonies byzantines. Le baptême de la Russie, fut décidé à Kiev, à l'époque où Moscou n'était qu'un gros village. Sous l’angle culturel plus récent, Gogol, Prokofiev ou Tchaïkovski sont Ukrainiens ; ce sont surtout, cependant, sous le regard du monde entier, de grands artistes russes. Aujourd'hui, encore, l'église orthodoxe d'Ukraine est rattachée au Patriarcat de Moscou, ce qui n'est pas, ici, sans importance spirituelle et politique.    

    Les « démocraties » ont reconnu naguère les frontières de l'Union Soviétique, Ukraine et Crimée comprises, toutes deux déjà russes sous les derniers tsars.

    Elles s'obstinent aujourd'hui, alignées sans scrupules sur la politique belliciste active des Américains, bien loin de leurs bases, au centre et à l'Est de l'Europe, à contester ce qu'elles ont accepté hier. 

    La Crimée est russe au moins depuis le XVIIIe siècle et chacun sait qu'elle ne fut rattachée à l'Ukraine, alors russe, qu'en 1954, par décision en quelque sorte administrative de Moscou, prise en l'occurrence par Nikita Khrouchtchev. Singulière paternité pour cette Crimée ukrainienne à laquelle sans autres raisons s'accrochent les Occidentaux.

    Au risque de choquer quelques lecteurs, notre avis est que l'équilibre, la tranquillité et, tout simplement, la paix de l'Europe, seraient infiniment mieux assurées si, sous une forme ou sous une autre, préservant, autant que possible, sa toujours relative indépendance, l'Ukraine - c'est chose faite pour la Crimée - retrouvait sa place historique dans l'orbite, la zone d'influence, russe. C'est précisément à quoi notre diplomatie ne cesse de s'opposer pour l'instant. Elle continue de fonder son action sur les principes du « format Normandie » plutôt que sur l'esprit de la rencontre franco-russe de Versailles. Cette position ne peut manquer de laisser la crise ouverte pour longtemps en Ukraine.

    Ce grand Etat mafieux, cette nation composite, dont l'identité est peu définie, qui ne fut presque jamais indépendante et, au contraire, continuellement partagée entre ses voisins ; dont les finances, minées par la corruption de ses dirigeants, sont en ruine, ne nous semble pas pouvoir être artificiellement attirée, sans dommages, embarras de toutes sortes, et sans que se perpétue dangereusement un état de tension permanente avec la Russie, vers l'Europe de l'Ouest ou, pis, sous la coupe de l’OTAN.  

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien suivant ... :

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Bientôt, nous brûlerons des livres

    « La mode est à la guerre aux statues » 

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Cette tribune [31.08] est de celles que Mathieu Bock-Côté donne sur son blogue du Journal de Montréal. Il est vrai que nous reprenons volontiers et souvent ses écrits tant il sont pertinents, proches de nos propres idées, et collent, de façon vivante, intelligente et claire, à l'actualité la plus intéressante. Comment n'adhérerait-on pas à ce qui est dit ici ?  LFAR  

     

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    La mode est à la guerre aux statues. Et je ne parle pas seulement des statues des généraux confédérés de la guerre de Sécession, comme on le voit aux États-Unis.

    Un peu partout, en Occident, des groupuscules militent pour faire tomber celles de personnages qui ne sont plus dans les bonnes grâces de notre époque. Ou alors, tout simplement, ces militants ne les aiment pas. On a même appris qu’à New York, la statue de Christophe Colomb est dans le viseur du maire : elle représenterait la haine. Ah bon.

    Statues

    Dans les prochains temps, on peut s’attendre à la multiplication des cibles.

    Et on ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Avant-hier, on apprenait qu’un cinéma de Memphis, au Tennessee, a déprogrammé Autant en emporte le vent, un authentique chef-d’œuvre de l’histoire du cinéma.

    Pourquoi ? Parce qu’il représenterait une vision du passé américain heurtant la sensibilité de certains militants particulièrement zélés.

    Alors vite, on le censure. C’est ainsi qu’on étouffe aujourd’hui la culture et la liberté d’expression. Quel sera le prochain film déprogrammé ? Vive l’interdit !

    Sans trop nous en rendre compte, nous entrons dans ce qu’on pourrait appeler la phase radicale de la révolution multiculturaliste. Et cela ne s’arrêtera pas. Tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, contredit les valeurs de la « diversité » pourra désormais être mis en procès.

    Tôt ou tard, on brûlera des livres, ou du moins, on verra des militants rageurs faire le tour des bibliothèques pour les épurer. Au nom de la tolérance, on justifiera le fanatisme.

    À tel philosophe, on reprochera d’avoir justifié le colonialisme. À tel écrivain, on reprochera son « sexisme ». L’anachronisme s’allie au fanatisme. Tous finiront par y passer.

    Peut-être faudra-t-il une permission spéciale pour lire Aristote, Balzac, Flaubert, Houellebecq ou Kundera ?

    D’ailleurs, bien des intellectuels sont déjà jugés infréquentables. On a inventé pour eux un nouvel index. Qui dit leur nom passe pour un monstre.

    Il y aura toujours, ici ou là, un petit esprit pour crier au racisme et pour réclamer une purge.

    En fait, cela existe déjà. On appelle ça le politiquement correct, et il règne à l’université.

    Fanatisme

    C’est un paradoxe fascinant : officiellement, l’université repose sur le culte de la plus grande liberté intellectuelle qui soit. Dans les faits, elle couve un nouveau fanatisme qui s’est révélé ces derniers mois à travers l’annulation de nombreuses conférences.

    Les idées en contradiction avec la gauche multiculturaliste sont stigmatisées. S’il le faut, on misera sur la perturbation pour les interdire.

    D’une statue déboulonnée à un film déprogrammé, jusqu’aux livres qui seront tôt ou tard retirés de la circulation, on assiste à une entreprise d’éradication culturelle.

    Le constat est navrant : si les représentants autoproclamés d’une minorité victimaire pleurent en se disant blessés par une œuvre, nos dirigeants invertébrés se plieront devant eux et l’évacueront de l’espace public.

    Nous vivons dans une société de plus en plus étouffante, de moins en moins libre.  

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Retour aux valeurs traditionnelles en Chine et en Russie ! Quand en Europe ?

    Confucius 

    Par Marc Rousset

    Le système de valeurs confucéen consacre l’importance accordée à l’autorité, à la famille, au travail et à la discipline. Un retour aux valeurs traditionnelles s'observe, notamment, en Chine et en Russie ! Quand en Europe ? Question qui va à l'essentiel.  LFAR

     

    3973556484.jpgLe journaliste Cyrille Pluyette nous apprend, dans Le Figaro du 19 août dernier, que la promotion des valeurs traditionnelles, tant condamnées sous Mao Tsé-toung, est orchestrée par les autorités et fait son grand retour en Chine. On peut lire, aujourd’hui à Pékin, des affiches du style : « On est béni quand on fait preuve de piété filiale, quand on est honnête, quand on est patriote. » Ailleurs, des panneaux relatent la vie des disciples de Confucius, expliquent que l’on doit être « soumis et respectueux face aux parents, fidèle à la mère patrie » et qu’il faut être indifférent à la célébrité et à la richesse. Quant aux amoureux, ils ne doivent pas être trop démonstratifs et « respecter la morale sociale ».

    La pornographie, l’homosexualité, l’adultère, l’hédonisme matérialiste stupide, les scoops ou les ragots sur la vie privée des stars chinoises sont également censurés sur Internet afin de ne pas flatter les « bas instincts du public ». Xi Jinping, dans une société largement bâtie sur l’argent, veut donc combler le vide idéologique par de nouvelles valeurs compatibles avec son gouvernement autoritaire. Le parti unique cherche à se réapproprier le confucianisme qui implique que le peuple obéisse à une élite d’hommes intègres et dignes de confiance.

    Samuel Huntington, dans Le Choc des civilisations, avait déjà remarqué que la réussite de l’Asie était le résultat de l’importance culturelle accordée à la collectivité plutôt qu’à l’individu. Dans le monde démocratique occidental règne la culture de l’individualisme ; la tradition chinoise enseigne que la société est une communauté complexe. Le système de valeurs confucéen consacre l’importance accordée à l’autorité, à la famille, au travail et à la discipline, le rejet de l’individualisme, la primauté de l’autoritarisme « doux » et des formes très limitées de la démocratie.

    Le triomphalisme asiatique face au déclin de l’Occident s’est exprimé dans ce que certains avaient appelé « l’offensive culturelle de Singapour ». Lee Kuan Yew, souvent qualifié de despote éclairé, a opposé les vertus de la culture asiatique confucéenne (l’ordre, la discipline, la responsabilité familiale, le goût du travail, le souci de l’intérêt collectif, la sobriété) à la complaisance, la paresse, l’individualisme, la violence, la sous-éducation, le manque de respect pour l’autorité et l « ossification mentale » qui seraient responsables du déclin de l’Occident. 

    On retrouve, en fait, dans les valeurs confucéennes, l’opposition bien connue en Europe entre le holisme s’appuyant sur des valeurs traditionnelles et l’individualisme des « Lumières » qui nous mène à la société décadente actuelle dont l’argent est la seule valeur. Dans ses déclarations, Lee Kuan Yew n’avait d’ailleurs jamais caché que la politique qu’il suivit à Singapour, et qui fut une source d’inspiration d’idées nouvelles pour les dirigeants chinois, consistait en fait à appliquer des vertus que les Européens avaient possédées et pratiquées en d’autres temps. Pour leur plus grande disgrâce, ils les avaient oubliées ou leurs nouveaux maîtres les leur avaient fait détester.

    La perte des valeurs traditionnelles tient à la destruction volontaire ou induite de toutes les structures et contraintes, doctrines, lois, rites, codes de conduite et devoirs au bénéfice des « Lumières » progressistes destructrices. Comme le remarquait Gilles Lipovetsky dès les années 80 dans L’Ère du vide, les valeurs qui structuraient encore le monde de la première moitié du XXe siècle (épargne, conscience professionnelle, sacrifice, ponctualité, autorité) n’inspirent plus de respect et invitent davantage au sourire qu’à la vénération.

    Et qu’a fait Poutine, en Russie, si ce n’est procéder, dès sa prise du pouvoir en 2001, à un retour aux valeurs traditionnelles russes comme la famille, la patrie et la religion orthodoxe. Une religion orthodoxe beaucoup plus réaliste et moins naïve que le catholicisme romain, en faisant construire des églises et reconstruire des cathédrales dans toute la Russie !  •

  • Inquiétante Algérie : « Le pourrissement de la situation pourrait déboucher sur un coup d'Etat militaire»

    Noureddine Boukrouh, ancien ministre du Commerce 

     

    Un décryptage instructif par M. M'Hamed Hamrouch

    La situation de l'Algérie ne laisse pas d'être inquiétante. Non pas seulement pour ce qui peut arriver à ce malheureux pays. Mais pour les conséquences d'une extrême gravité qu'il peut en résulter pour le nôtre, si proche de l'Algérie par la géographie et où des populations d'origine algérienne vivent en grand nombre. Le Maroc est aussi attentif et inquiet de l'état de son dangereux et grand voisin. Un chaos algérien pourrait affecter aussi tout le Maghreb. L'article qui suit est écrit du point de vue marocain. Il nous renseigne très utilement sur l'alarmante situation de l'Algérie.  LFAR 

  • Iran : en flânant à travers Téhéran. Voyage d'un érudit dans l'Iran de Rohani

     

    par Thomas Flichy de la Neuville 
     
    Un remarquable article Qui nous renseigne utilement sur l'Iran d'aujourd'hui. Et à travers le récit, sur sa situation sociale, économique, politique et géopolitique [Causeur, 29.08]. Voilà qui devrait concerner la France, si elle avait une politique étrangère. Décidément, Emmanuel Macron, s'il avait le dynamisme et l'esprit d'initiative qu'il revendique aurait quelques voyages à entreprendre sans trop tarder : Par exemple, à Moscou, pour rendre sa visite à Poutine et y rétablir la relation franco-russe ; à Varsovie, après avoir assez sottement insulté la Pologne, afin d'y y restaurer l'amitié franco-polonaise multiséculaire ;  à Téhéran, avant que d'autres, plus puissants, ne l'y précèdent  ...   Lafautearousseau
     

    2520158154.jpgJe fus saisi à ma descente d’avion par cette espèce d’odeur un peu âcre qui me rappelait que j’avais retrouvé Téhéran la miséreuse et son haleine pétrolière. Le temps d’attendre une heure en compagnie d’un acheteur de tapis italien et d’un allemand en mission interlope, je me frayai un chemin dans la rue, égayé par le concert étrange des imperceptibles coups de klaxon qui accompagne le flot anarchique des voitures.

    Les marchands sont partout

    L’on circule bien la nuit sous les banderoles à la gloire du régime et il me fallut attendre la chaleur du jour suivant pour examiner la façon dont la ville avait changé. Téhéran est sans doute la capitale du bricolage électrique, les compteurs surchargés de fils sont autant de points d’interrogation au sujet des incendies qui ne se déclenchent pas. Les marchands sont partout, étonnamment jeunes, et vendent à peu près tout, jusqu’au débris rouillés d’une cave que l’on a vidée. Les boutiques entassent un bric-à-brac indescriptible où un oiseau en cage chante parmi des pièces de moteur pour moto. De jeunes iraniens poussent des chariots antiques à bras sur lesquels ils entassent de la pacotille de chine ou des bouteilles de soda. L’on vous propose des noix fraîches, des pistaches ou de petites pêches à chaque coin de rue. Mais il faut acheter vite pour éviter d’être écrasé par la moto qui passe. Quant aux vendeurs de melons, ils entassent leurs denrées dans une petite camionnette et déambulent les rues en annonçant le prix à l’aide d’un haut parleur.

    Les sanctions ont conforté le régime

    Du huitième étage d’un immeuble, une femme ouvre sa fenêtre et les interroge sur la qualité de la marchandise. Les affaires ne semblent pas au beau fixe : trop de marchands sans doute et trop peu d’acheteurs. La pauvreté est réelle en tout cas. Il n’est que de voir les malades qui entrent en clopinant dans Sina hospital, un pied bandé entouré d’un sac en plastique. Quant au Muze-ye Melli-ye Irān, le musée chargé de mettre en valeur le passé préislamique de l’Iran, l’on y voit que peu de pièces et encore moins de visiteurs. Après plusieurs décennies de sanctions, qui semblent avoir conforté le régime, l’Iran manque d’investissements et une partie de la jeunesse rêve parfois de partir quelques années ailleurs : en France ou en Corée du Sud et pourquoi pas aux Etats-Unis. Ceci ne la dispense pas de la plus exquise politesse, vestige de la civilisation qui fut. Bref, beaucoup de pauvres parmi lesquels se glissent quelques occidentalisés des quartiers nord. Ces derniers ont leurs endroits : au parc Laleh, par exemple, l’on minaude, ou l’on joue aux échecs à l’ombres des arbres. Une femme s’est parée d’un drapeau américain en guise de voile. A la sortie du métro, qui diffuse des valses viennoises, l’on distingue parfois un jeune Mollah, coiffé d’un turban d’une blancheur surnaturelle et rehaussant sa robe d’une coquette cape de bure lui tombant jusqu’aux pieds. Il a l’élégance et la bonté, en tout cas les passants l’écoutent aujourd’hui et le vénèreront peut être demain. Une jeune fille au tchador rose, passe rapidement à côté de lui, un violon à la main.

    Adieu Facebook, Twitter, Youtube?

    Le gouvernement a supprimé Facebook, Twitter et Youtube depuis 2009, mais toute la jeunesse y accède par le biais de proxys. Quant aux septuagénaires, ils déclament toujours des poèmes lorsqu’ils vous croisent. Ici, la frange fidèle à la révolution estime que Rohani n’a gagné l’élection que par des moyens déloyaux et qu’il a trahi intérieurement son propre régime. Aussi les forces profondes proposent elles de le rejeter à la périphérie. Mais tout est calme et il n’y a rien de plus sûr que la capitale pour flâner. Cela durera-t-il ? Malgré les quelques annonces flatteuses sur les marchés conclus avec l’étranger, le développement semble suspendu. Pourtant les investisseurs sont là, attirés par le gigantesque marché, et ne sachant pas toujours comment l’aborder.

    Entre le loup et le marchand

    Dans ce contexte, l’Iran hésite entre la posture du loup maigre et vindicatif vouant aux gémonies les puissances qui ont provoqué son jeûne forcé et celle du marchand affable, prêt à converser aimablement avec tous ses voisins pourvu que les affaires reprennent enfin. Le guerrier raidi et le marchand malicieux, voici peut être l’héritage antinomique qui se perpétue pour mieux travailler l’Iran par ses contradictions. A l’Université, la créativité inépuisable du professorat se plait à catégoriser, définir les mots et surtout inventer de nouveaux concepts. Tout espace clos tend à sécréter ses propres légendes : l’on entend ainsi dans un cours que les peaux-rouges seraient sur le point de se révolter aux Etats-Unis ou bien que les Israéliens auraient négocier pour obtenir un territoire où se fixer en Australie dans quelques décennies, après que leur Etat se soit effondré. A côté de cela, beaucoup de réflexions sont frappées au coin du bon sens : « Ensani ke robot nist », déclare un professeur : l’être humain n’est pas un robot.

    Nez raccourcis

    Les étudiantes viennent en métro ou elles jouissent du privilège de choisir entre les wagons réservés aux femmes – situés à l’avant et à l’arrière du train – ou bien de se mêler aux hommes. La mode est ici de se faire raccourcir le nez dans les cliniques des quartiers nord de Téhéran. Ce sont en tout cas les seules à prendre des notes et à transmettre des questions sous la forme de petits papiers qui remontent vers la chaire professorale. Elles se promènent avec un port de reine, mais après tout, la révolution les y autorise peut être.

    L’autobus qui se rend de Téhéran à Qom tient à partir plein. Comme il reste quelques places, il part la porte ouverte. Le receveur des billets se place à l’entrée en hélant les passants à tous les carrefours : Qom, Qom ! La municipalité a planté de nombreux arbres, à proximité immédiate des quartiers sud. Mais après quelques kilomètres, toute végétation disparaît pour laisser place à un désert aride, éclairé à un moment par la croûte blanche du lac salé.

    Qom bardée de portables

    A Qom, la ville sainte, les Irakiens chiites ont installé leur bazar, dans un quartier qui jouxte le sanctuaire de Fatima Massoumeh. Ils proposent du jus de melon glacé aux pèlerins qui déambulent vers la mosquée avant de se diriger vers le sanctuaire des Martyrs. La ferveur religieuse a t’elle tendance à croître ? Le succès du pèlerinage vers l’Irak tendrait à le montrer, toujours est il que les Iraniens sont également tentés par d’autres préoccupations. La généralisation des téléphones portables les rend moins volubiles qu’il y a une décennie. Le chargeur de portable est d’ailleurs l’objet qui se vend le plus facilement dans le métro même si les vendeurs n’ont parfois que six à sept ans. Les pouvoirs publics, se préoccupent du grand enfermement électronique et diffusent actuellement des affiches dans le métro montrant un homme gisant à terre dans une prison carrée formée par 4 i-phones. Un médecin, muni d’une trousse de secours se dirige vers lui. Quant à la télévision, elle diffuse à plein régime un modèle consumériste avancé, mettant en vedette des familles réduites de la classe supérieure, dans un décor esthétisé. Dans ce cadre, le voile semble simplement une touche de couleur, faisant partie du décor.

    Le bazar de Téhéran s’est aseptisé

    Le grand bazar de Téhéran a singulièrement changé. Même si l’on peut encore trouver quelques recoins pittoresques à peindre, il s’est progressivement aseptisé et l’on y crie moins fort qu’autrefois. Les échoppes sont devenues de véritables magasins avec vitrines, au moins dans certaines avenues. Cela ne lui ôte pas son charme pour autant car le marché central, grouillant de vie est encore présent. A l’entrée, plusieurs groupes bruyants de marchands achètent des monnaies et enchérissent à la voix avec un téléphone dans la main. Ici, l’on ne recule devant rien pour vendre. Aussi tel marchand de poussins n’a t’il pas hésité à teindre une partie des petits oiseaux en rose ou en bleu pour attirer l’attention des passants, tel autre a peint la tête des cactus à la vente d’une couleur fluorescente afin de simuler une anomalie naturelle. Certaines parties du bazar ont été restaurées ou agrandies avec de jolies briques neuves Le soir, les marchandises restent sur place, simplement recouvertes d’un drap. Tant il est vrai que les voleurs ne sont pas craints. Au nord, l’une des fiertés de la ville est le musée dédié à la guerre Iran-Irak.

    Le long couloir des martyrs

    Devant ses portes sont exposées les quatre voitures de savants nucléaires éliminés par l’usage de bombes magnétiques. Il est adossé à une mosquée et débute par la galerie des papillons une salle dédiée aux âmes des combattants illustres. Un film d’image de synthèse montre un insecte monstrueux dévorant une carte d’Iran. Mais la pièce la plus étrange, est certainement ce long couloir parfumé au dessus duquel sont suspendues des milliers de plaques d’identité militaires éclairées par une lumière rouge. Ce long couloir des martyrs mène tout simplement au paradis, c’est à dire à une pièce monumentale, éclairé par un lustre immense, et dont deux buffets gigantesques, dorés à l’or fin, réfléchissent la lumière. Vous cherchiez un musée, l’Iran a déployé toutes les ressources de sa sensibilité pour vous plonger au cœur d’un mausolée.   

    Enseigne à Saint-Cyr. 
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  • L. Dandrieu : « La sécurité personnelle ne peut exister si les nations basculent dans l'anarchie »

     

    Entretien par Eugénie Bastié

    Laurent Dandrieu réagit ici à la publication d'un texte dans lequel le pape François va très loin dans la défense des migrants [Figarovox, 22.08]. Il déplore le désintérêt du souverain pontife pour les pays qui les accueillent. Lafautearousseau, de son côté (voir lien en fin d'article) a marqué son désaccord avec ces déclarations. Lorsque le Pape empiète sue le terrain politique et lorsque, ce faisant, il nuit gravement à la sécurité ou à la stabilité de notre société, nous n'avons aucunement l'obligation de le suivre et, au contraire, en de tels cas, nous avons le devoir de nous y opposer.  LFAR  

     

    2591938438.jpgLe pape François vient de publier un texte où il plaide pour «faire passer la sécurité personnelle [des migrants] avant la sécurité nationale», et appelle à un accueil beaucoup plus large des migrants. Que vous inspirent ces propos? Sont-ils inédits ?

    Il me semble que ce message qui vient d'être publié en préparation de la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2018, qui aura lieu le 14 janvier prochain, est dans la droite ligne des positions défendues par le pape François depuis le début de son pontificat, mais qu'il va cependant plus loin que d'habitude sur un certain nombre de points. Dans un entretien accordé à une radio portugaise le 14 septembre 2015, par exemple, le pape reconnaissait le risque d'infiltration terroriste lié à la crise des migrants, mais n'en ajoutait pas moins qu'« à l'évidence, si un réfugié arrive, en dépit de toutes les précautions liées à la sécurité, nous devons l'accueillir, car c'est un commandement de la Bible ». Quand, dans ce nouveau message, François écrit que « le principe de la centralité de la personne humaine (…) nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale », il donne en quelque sorte une version plus théorique de cette précédente déclaration.

    La question est de savoir si, ce faisant, il ne cède pas à un certain idéalisme, potentiellement désastreux : car c'est oublier que la sécurité nationale est le plus sûr rempart de la sécurité personnelle, et qu'il n'existe aucune sécurité personnelle qui puisse exister en dehors de cadres politiques, juridiques et légaux qui en sont le rempart. Aucune sécurité personnelle ne peut exister si les nations occidentales, par exemple, du fait du terrorisme ou d'une immigration incontrôlée et ingérable, basculent dans l'anarchie.

    Par ailleurs, le principe de la centralité de la personne humaine oblige à considérer, aussi, que les citoyens des nations occidentales ont un droit évident à la sécurité nationale. On attend vainement, tout au long de ce texte, une prise en considération des intérêts des populations des pays d'accueil, qui ont droit, eux aussi, à la sollicitude de l'Église, et dont une partie de plus en plus importante vit, elle aussi, des situations de grande détresse et de grande précarité, matérielle, spirituelle et morale.

    Deuxième élément important et pour le coup très novateur de ce texte : le pape prend position pour « la défense des droits et de la dignité des migrants ainsi que des réfugiés, indépendamment de leur statut migratoire » : ce qui veut dire qu'il réclame des droits égaux pour les clandestins et pour les immigrants légaux, pour les demandeurs d'asile et pour les immigrés économiques. Parmi ces droits figurent « la liberté de mouvement dans le pays d'accueil, la possibilité de travailler et l'accès aux moyens de télécommunication »: ce qui veut dire, concrètement, que le pape réclame un droit d'installation préalable pour tous les migrants, avant même que soit étudié leur cas. Ce qui revient à donner une prime à l'illégalité d'autant plus forte qu'il est évident qu'un clandestin qui, entre-temps, aura trouvé un moyen de subsistance, aura d'autant moins de chance de voir son dossier rejeté. Cette prime à l'illégalité me paraît une seconde atteinte, très forte, contre les droits des nations et la citoyenneté: car la nation, la citoyenneté n'existent que par un consensus sur la légitimité de la loi. Si on postule que la loi est faite pour être contournée, il n'y a plus de bien commun possible.

    Ce discours a-t-il selon vous une dimension politique ?

    Un autre aspect du message me semble clarifier ce qui apparaissait jusqu'alors une ambiguïté dans le discours de François. Il prônait jusqu'alors une grande générosité dans l'accueil, sans que l'on sache toujours si cela signifiait un simple rappel évangélique de la charité avec laquelle le chrétien se doit de traiter l'étranger croisé sur sa route, ce qui relève à l'évidence du rôle du pape, ou s'il s'agissait d'un appel plus politique, et donc plus discutable, à ouvrir les frontières. En stipulant que la protection des migrants « commence dans le pays d'origine », c'est-à-dire consiste à les accompagner à la source dans leur désir de migrer, le pape assume plus clairement que jamais la dimension politique de ce discours, la volonté de ne pas se cantonner à affronter une situation de fait, mais en quelque sorte d'accompagner et d'encourager ce mouvement migratoire vers l'Europe.

    Dernière clarification : en stipulant que les migrants doivent être mis en situation de se réaliser y compris dans leur dimension religieuse, le pape François donne une sorte de blanc-seing à l'entrée massive de populations de religion musulmane et à l'acclimatation de la religion musulmane sur le continent européen, en semblant indifférent aux innombrables problèmes identitaires et sécuritaires que cela pose.

    La position de François tranche-t-elle avec celle de ses prédécesseurs, et notamment celle de Benoit XVI ? Que dit l'Église sur le devoir d'accueillir les migrants?

    La continuité est indéniable, et est attestée dans ce message par des nombreuses citations de son prédécesseur. Quand le pape prône le regroupement familial, au risque de transformer systématiquement les réfugiés temporaires en immigrés permanents, il ne fait que reprendre des positions défendues inlassablement, par exemple, par Jean-Paul II et Benoît XVI, comme je le montre abondamment dans mon livre.

    Le discours de l'Église, en son Catéchisme, reconnaît à la fois le droit de migrer quand la nécessité s'en fait sentir, et le droit des États de limiter les flux quand ils l'estiment nécessaire. Mais, dans les faits, le discours des papes oublie fréquemment ce second aspect. Il l'oublie d'autant plus volontiers que l'Église a souvent cédé à une vision quasi messianique des phénomènes migratoires, censés conduire vers « l'unité de la famille humaine », selon l'expression de Jean XXIII. Jean-Paul II écrit ainsi que « parmi toutes les expériences humaines, Dieu a voulu choisir celle de la migration pour signifier son plan de rédemption de l'homme », et Benoît XVI y voit une « préfiguration anticipée de la cité sans frontières de Dieu ». Face à cela, la protection de la population des pays d'accueil est condamnée à peser de peu de poids, et de fait, elle est quasiment absente du regard que l'Église pèse sur les phénomènes migratoires. En face de cela, l'Église prône inlassablement l'intégration du Migrant, avec un grand M, sans se poser la question de savoir concrètement qui est ce migrant, et si le fait qu'il vienne, en grand nombre, avec un bagage culturel et religieux radicalement différent du nôtre, et dans certains cas incompatible avec le nôtre, ne rend pas cette intégration pour le moins illusoire.

    L'État nation et l'existence de frontières se justifient-ils d'un point de vue théologique?

    Bien évidemment, car c'est une suite logique du commandement d'honorer son père et sa mère. Saint Thomas d'Aquin écrit qu'« il appartient à la piété de rendre un culte aux parents et à la patrie » et, à la suite de saint Augustin, stipule qu'on doit la charité en priorité à ceux qui nous sont proches par les liens du sang ou de la citoyenneté. Léon XIII écrit que « la loi naturelle nous ordonne d'aimer d'un amour de prédilection et de dévouement le pays où nous sommes nés et où nous avons été élevés », et Pie XII enseigne que « dans l'exercice de la charité il existe un ordre établi par Dieu, selon lequel il faut porter un amour plus intense et faire du bien de préférence à ceux à qui l'on est uni par des liens spéciaux. Le Divin maître lui-même donna l'exemple de cette préférence envers sa terre et sa patrie en pleurant sur l'imminente destruction de la Cité sainte.»

    Plus récemment, Jean-Paul II a abondamment développé cette « théologie des nations », des nations qu'il ne voit pas seulement comme un bien politique, un outil au service du bien commun, mais à qui il reconnaît une dignité spirituelle éminente : la nation, explique-t-il, de toutes les communautés humaines, est « la plus importante pour l'histoire spirituelle de l'homme ». Il va même jusqu'à dire que « la fidélité à l'identité nationale possède aussi une valeur religieuse. » De là, on peut évidemment déduire que les nations ont un droit irrépressible à défendre leur identité nationale face aux menaces extérieures, comme une immigration incontrôlée et inintégrable.

    « L'intégration n'est pas une assimilation qui conduit à supprimer ou à oublier sa propre identité culturelle », a aussi dit le pape. Y a-t-il position traditionnelle de l'église en matière d'assimilation ?

    Cette condamnation de l'assimilation, au nom du respect de la culture d'origine de l'immigré, est malheureusement une constante dans le discours de l'Église sur l'immigration. Jean-Paul II va jusqu'à la renvoyer dos à dos avec des politiques de discrimination allant jusqu'à l'apartheid : « On doit en effet exclure aussi bien les modèles fondés sur l'assimilation, qui tendent à faire de celui qui est différent une copie de soi-même, que les modèles de marginalisation des immigrés, comportant des attitudes qui peuvent aller jusqu'aux choix de l'apartheid. » Je dis « malheureusement », car on ne voit pas bien, dès lors, malgré les appels répétés de l'Église à une politique d'intégration, comment l'appel de la hiérarchie catholique à un accueil généreux des migrants pourrait ne pas déboucher sur un multiculturalisme, d'ailleurs parfaitement assumé par le pape François.

    Le problème est que ce multiculturalisme aboutit dans les faits à un refus de considérer la culture du pays d'accueil comme une culture de référence, et rend de facto l'intégration illusoire. Sous la pression de l'immigration de masse et de l'idéologie multiculturaliste, les sociétés occidentales se réduisent de plus en plus à une juxtaposition de communautés d'origines, de cultures et de religions différentes, qui se regardent en chiens de faïence faute d'avoir de référence commune, autre que de très vagues principes abstraits, tels que cette « culture de la rencontre » à laquelle le pape François tend à réduire l'identité européenne. Le bien commun, faute de valeurs partagées, se réduit ainsi à un vivre ensemble qui, de plus en plus, tourne dans la réalité à un apartheid de fait. Soit le contraire du but recherché, et une catastrophe civilisationnelle majeure en germe tant pour les peuples européens que pour les populations immigrées. •

    Laurent Dandrieu est rédacteur en chef des pages Culture à Valeurs Actuelles. Il a publié Église et immigration, le grand malaise. Le pape et le suicide de la civilisation européenne, de Laurent Dandrieu. Presses de la Renaissance, 288 p., 17,90 €. 

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    Eugénie Bastié

    Journaliste & essayiste - Sa biographie 

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