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Actualité Monde - Page 94

  • LA SYRIE, LIEU D'AFFRONTEMENTS MILITAIRES ET DIPLOMATIQUES

     

    Par Mathieu Épinay

    MOYEN-ORIENT. Les nations occidentales mènent de drôles de jeux — plutôt sinistres — pour contrecarrer la Russie.

    Macron n'aura pas mis longtemps à s'aligner sur la doxa euro-otanienne servie par la grosse presse : c'est sûr, à Londres l'ex-agent secret Sergueï Skripal et sa fille ont été empoisonnés par Poutine. Des preuves ? Les Anglais n'en donnent aucune mais ils ont convaincu Macron. Élémentaire, comme dit imperturbablement le limier britannique, le toxique utilisé s'appelle Novichok ! Paris avait d'abord voulu attendre les conclusions de l'enquête, ce qui était intelligent, mais Jupiter, qui n'est donc pas empereur en son royaume, a dû se faire taper sur les doigts comme un vilain petit dieu. Il est rentré dans le rang au point d'avoir annulé sa visite au Pavillon de la Russie, pourtant invitée d'honneur au Salon du livre parisien. C'est une faute politique, doublée d'une muflerie qu'en termes mesurés la veuve du grand Soljenitsyne regrette : « J'avais l'impression qu'il était moins influencé par cette hystérie qui règne dans les médias occidentaux quand il s'agit de la Russie... Quand les diplomates ne savent plus se parler, il devient encore plus important que se parlent les artistes et les gens de la culture et des arts...Tourner le dos au dialogue avec les gens de la culture et des arts c'est extrêmement étonnant et ne sied pas à un leader politique français ».

    HYSTÉRIE

    Pour l'Elysée, qui manque d'imagination, il n'y a donc « pas d'autre explication plausible » (sic) que la faute à Poutine. Mais comment imaginer que Poutine, alors qu'il se présentait aux suffrages des Russes, ait pu offrir volontairement à ses adversaires le cadeau d'une telle provocation ? D'autant plus qu'il s'agit d'une triple bavure : 1 - l'agent double neutralisé depuis longtemps est une cible sans intérêt; 2 - toucher sa fille en « dommage collatéral » n'est pas utile ; 3- le coup est raté puisqu'à l'heure où ces lignes sont écrites, ils sont tous deux heureusement en vie. Tout cela ne correspond pas au professionnalisme du FSB, le contre-espionnage russe, qui siège à la Loubianka. Même Hollande, le parrain de Macron, a fait mieux et il a fallu qu'il s'en vantât auprès de journalistes pour que le public apprenne l'élimination discrète « d'ennemis » par les services français. Quant au produit neuro-toxique russe, il est connu depuis 20 ans et sa formule est accessible sur internet.

    L'hystérie médiatique que regrette Madame Soljenitsyne et l'affaire Skripal qui l'a déclenchée, ont probablement d'autres « explications plausibles ». Elles sont à rechercher vraisemblablement au Proche-Orient où la Syrie pourrait sortir de son calvaire grâce au soutien efficace des Russes. Mais cette réussite déplaît aux prédateurs qui misaient sur son dépeçage.

    Effectivement l'étau se resserre sur les I0 à 20 000 islamistes incrustés dans la Goutha orientale. Cette riante banlieue de Damas était devenue un enfer pour ses infortunés habitants qui peuvent enfin essayer d'en sortir par les couloirs sécurisés de l'armée syrienne.

    C'est de cette zone que les terroristes, modérés (!) ou pas, pilonnaient le centre de Damas et massacraient donc « le peuple de Bachar » avec une artillerie installée de préférence sur le toit de dispensaires ou d'écoles, au milieu de civils où se mêlent les familles des islamistes, des civils armés et d'autres malheureux, otages et boucliers humains, menacés de fatwa s'ils ne collaborent pas, tués par des snipers s'ils essaient de fuir, ou enfermés dans des cages près des objectifs sensibles. Il est évident qu'ainsi les marges de l'armée syrienne et de l'aviation russe sont très étroites, alors qu'à l'opposé l'ennemi terroriste tire sans discernement sur les quartiers les plus peuplés de Damas. Ainsi, à la Goutha, l'évacuation massive des civils marque la fin des groupes djihadistes qui se trouvent dépouillés de leur bouclier humain. Redditions et évaporations s'accentuent.

    CHIFFONS ET LIGNES ROUGES

    Dans ces conditions l'inénarrable « observatoire syrien des droits de l'homme », officine médiatique de l'opposition gouvernementale, aurait signalé des odeurs de chlore et des civils suffoquant avec les yeux rouges. Mais tout explosif conventionnel est un produit chimique et les fumées qui suivent un bombardement peuvent suffoquer, piquer les yeux ou sentir le chlore sans qu'il soit question d'attaque chimique. D'ailleurs de telles attaques ne donneraient au pouvoir syrien aucun avantage militaire et le disqualifieraient sur le plan politique.

    L'enfumage fonctionne pourtant bien à Paris ! Le chiffon rouge du chimique met en effervescence la coterie en place qui réagit aussi bien qu'en 2013 où Hollande s'était retrouvé tout bête, lâché par Obama, après avoir promis à Assad la foudre de ses missiles de croisière.

    Il y a juste un an, ému par les photos de cadavres d'enfants ou agacé par les néoconservateurs auquel il donnait un gage, Trump en tirait 60 de sa flotte en Méditerranée, sur une base syrienne. Frappe chirurgicale exemplaire : des radars, des dépôts et une poignée de vieux Sukhoi 22 détruits dans leurs abris. Impact militaire nul, l'aviation syrienne trop rustique est hors jeu ; en l'air les Russes ont la main. Impact politique nul, on n'en a pas parlé une semaine. Alors, tirer sur un bâtiment gouvernemental à Damas pour tuer quelques fonctionnaires et les enfants qui jouent à côté ? Idiot ! Sur le plan strictement militaire les deux objectifs justiciables d'une frappe par missile de croisière en Syrie sont le port de Tartous et l'aéroport de Lattaquié (Khmeimin), les deux piliers du dispositif militaire russe. Y toucher est impensable, de surcroît un sous-marin russe coulerait immédiatement la frégate d'où seraient partis les missiles.

    « La ligne rouge chimique » ressassée à l'envi par Macron est donc une ineptie ; elle nous tient à la merci de la moindre manipulation - nous savons combien le sujet s'y prête - et risque de nous mettre dans une posture intenable.

    Pendant ce temps, le bon Erdogan, notre allié turc, a bombardé Afrine en toute tranquillité, massacré et chassé les Kurdes qui avaient éliminé Daech. Mais « comme il est turc et pas syrien, c'est évidemment beaucoup moins grave », observe judicieusement l'excellent analyste Antoine de Lacoste.

    SYRIE-LEAK

    Les gesticulations occidentales à propos de la Syrie laissent donc dans une grande perplexité et il aura fallu une fuite providentielle en février pour éclairer de coupables connivences où la France est compromise.

    Voici l'affaire. Un diplomate britannique rend compte, dans un télégramme confidentiel, de la réunion du « Petit groupe américain sur la Syrie » (États-Unis, Grande Bretagne, France, Arabie saoudite et Jordanie) à Washington en janvier 2018. « La réunion publique la plus secrète de tous les temps », précisent les Jordaniens qui en sont. Elle fut suivie d'une deuxième réunion à Paris le 23 janvier.
    Les cinq États complices veulent saboter les efforts russes dans la région par une stratégie machiavélique : « 1) endiguer l'influence iranienne en militarisant durablement l'Est de la Syrie ; 2) faire échouer le plan de paix russe ; 3) poursuivre une guerre de basse intensité afin de diviser la Syrie pour aboutir à une partition territoriale et politique ». On y apprend la présence de Jérôme Bonnafont, directeur Moyen-Orient au Quai d'Orsay. Il y est question de torpiller les efforts russes de stabilisation dans le groupe d'Astana comprenant la Turquie et l'Iran et dans la conférence de réconciliation de la Syrie à Sotchi pour privilégier, dans le processus concurrent de Genève, la partition syrienne et son préalable, le départ d'Assad. Il faut donc « créer les conditions et des institutions qui permettraient des élections qu'Assad ne pourrait pas gagner »... et, par conséquent, il faut « maintenir la pression sur la Russie ». « Nous devons continuer - ce que nous faisons déjà - à dénoncer l'horrible situation humanitaire ainsi que la complicité russe dans la campagne de bombardements de cibles civiles »! D'où l'hystérie médiatique évoquée plus haut.

    On y prévoit aussi l'installation pérenne des Américains au nord-est de l'Euphrate, en s'appuyant non plus sur les Kurdes, ce qui agace Ankara, mais sur des Arabes sunnites recyclés de Daech. Du déjà vu : en Afghanistan les Américains avait armé les Talibans contre l'URSS. Ils ne sont pas sortis du schéma. L'Amérique veut donc reprendre la main en condamnant la Syrie au sort de l'Irak, de la Libye ou de l'Afghanistan pour la satisfaction de Tel-Aviv et de Ryad.

    Il faut lire intégralement ce télégramme, révélé par le journaliste Richard Labévière, accablant pour ceux qui prétendent diriger le monde, terrible pour le peuple syrien. Une telle révélation justifierait une commission d'enquête parlementaire. À Washington, Trump vient d'ailleurs de virer son secrétaire d'État Tillerson pour d'obscures raisons qu'on aimerait éclaircir.

    La politique suivie par Sarkozy, Hollande et Macron vis-à-vis de la Syrie nous a mis hors-jeu. Nous n'y avons plus d'ambassade et plus aucun moyen d'action ou de pression. Nos diplomates nous compromettent maintenant dans des conspirations internationales qui veulent délibérément maintenir le peuple syrien dans la guerre. Pour quel profit ? Inutile de préciser que les chrétiens d'Orient sont le dernier souci de la diplomatie française.    

    Mathieu Épinay

    Collectif de spécialistes des questions de Défense
  • Inquiétant voisinage ... Un opposant algérien prédit « une implosion chaotique » de l’Algérie

    Saïd Saâdi

     

    2293089609.14.jpgIl y a longtemps que nous nous inquiétons de la situation en Algérie en raison des conséquences graves qu'une « implosion chaotique » de ce pays pourrait avoir pour nous, en France et hors de France. On peut les imaginer assez aisément sous l'un et l'autre de ces deux aspects. L'Algérie est à nos portes, de l'autre côté de la Méditerranée. Osons dire que de toutes sortes de manières elle est aussi chez nous. Enfin, elle est un élément important de la situation de toute l'ère sahélienne où nos Armées sont engagées. Le Maroc aussi s'inquiète, en voisin, de l'instabilité algérienne. Voici ce qu'en dit notre confrère marocain en ligne, le360 sous la signature de M'Hamed Hamrouch |15.04] à la suite d'importantes déclarations récentes de l'opposant algérien Saïd Saâdi.   LFAR

       

    Logo_le360.jpgSaïd Saâdi, fondateur du Rassemblement pour la culture et la démocratie (opposition), qu’il a quitté définitivement en février dernier, n’exclut pas un cinquième mandat pour le président Bouteflika, estimant que les ingrédients d’ «une implosion chaotique » de l’Algérie sont réunis. 

    Invité par la Fédération des Amazighs d’Amérique du Nord (FAAN), hier samedi, à l’occasion du Festival amazigh de Montréal, Saïd Saâdi, fondateur du Rassemblement pour la culture et la démocratie, qu’il a quitté définitivement le 9 février dernier, a largué une bombe : « la nation algérienne peut aller vers une implosion chaotique ». 

    Pour l’ancien patron du RCD, tous les ingrédients de cette « implosion chaotique » sont là et le risque, qu’à Dieu ne plaise, ne viendrait pas de la Kabylie, contrairement à ce que l’on pourrait penser.

    « Il y a des forces centrifuges qui sont en mouvement. On parle souvent de la Kabylie mais ce n’est pas vrai, ce n’est pas par là que risque de venir le grand danger. Il faut voir ce qui se passe au Sud. J’étais à Tamanrasset et à Djanet au mois de décembre, il y a le M’zab qui est en train de bouillir, le Sud-Ouest. C’est une erreur de croire que nous sommes dans un pays normal et qu’il s’agit de gérer une élection à venir», dira-t-il, cité par un confrère algérien.

    Et ce n’est surtout pas le spectre d’un 5e mandat pour Bouteflika qui va éviter le chaos à l’Algérie. « Il ne faut pas se leurrer, sauf miracle, pourvu qu’il advienne. C’est parti pour un cinquième mandat », a-t-il averti.  

    A ceux qui mettent encore en doute la candidature de Bouteflika pour un 5e mandat, il a répondu sur le mode de l’ironie : « Ce n’est pas nouveau tout ça. C’était vrai aussi en 2014, je ne vois pas pourquoi on ne continuerait pas à élire une chaise roulante cette fois aussi » ! 

    Soit. Mais la crise en Algérie serait beaucoup plus profonde et complexe pour la circonscrire à une question de parti ou de personnes. « Je crois que vous prenez l’affaire par le mauvais bout. Si on commence à s’enfermer dans des agendas électoraux dans une crise comme celle-là, on est cuits. Nous n’avons pas une crise de programme ou une crise qui affecte un parti. Nous avons une crise qui est fondamentale sur la construction de la Nation. Et si on ne remet pas tout à plat, je ne le souhaite pas mais je le redoute, on peut aller vers une implosion chaotique de la nation », a-t-il encore averti. 

    Un avertissement qui n'est pas nouveau, bien d'autres, provenant d'Algérie ou de renseignements occidentaux, ont été lancés. Sauf que ce n'est pas de cet oeil inquiet que des apparatchiks algériens en rupture de ban le voient. Et évidemment c'est le peuple algérien frère qui va payer les frais de la politique suicidaire de ces dirigeants qui n'ont d'yeux que sur leurs intérêts et ceux de leurs familles.  

    M'Hamed Hamrouch

  • Les frappes en Syrie, ou beaucoup de bruit pour rien

     

    Par Antoine de Lacoste

    Donc une centaine de missiles, le double de l’année dernière : une grosse dizaine pour les petits soldats français et anglais, le reste pour le boss.

     

    1456949215.png

    Ouf ! L’honneur est sauf. Les justiciers ont vengé le sang du peuple syrien massacré par le méchant Bachar. À l’issue d’une enquête aussi approfondie que celle sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein, le verdict a été rendu : c’est bien le régime syrien qui a frappé chimiquement le dernier quartier de Douma encore aux mains des islamistes.

    Le Président Macron a des preuves : on espère les voir un jour… De toute façon, elles sont superflues, car quelques heures après les vidéos envoyées par les gentils islamistes appelés Casques blancs, Donald Trump avait décrété que le coupable était « l’animal » Bachar. Si le patron l’a dit, alors…

    Tony Blair n’est plus là, mais que l’on se rassure : l’Angleterre est toujours présente pour dire oui à l’Oncle Sam. Quant à Emmanuel Macron, il a pu venger l’honneur bafoué de son brillant prédécesseur qu’Obama n’avait pas voulu suivre dans sa folie destructrice.

    Mais les comparaisons doivent s’arrêter là : nous ne sommes pas en Irak et l’armée américaine n’ira pas provoquer un changement de régime au nom de la démocratie universelle. Nous ne sommes pas, non plus, en 2013 quand certains faucons américains ou français voulaient anéantir l’armée syrienne.

    Depuis, Daech est apparu et les Russes sont venus. C’est très mal, bien sûr, ce qu’a fait Poutine : venir aider son allié à vaincre une armada islamiste venue du monde entier, cela ne se fait pas. Surtout quand, derrière cette insurrection islamiste, il y a, depuis le premier jour, la main du Qatar et de l’Arabie Saoudite, ces partenaires privilégiés de l’Occident. La morale a ses variations…

    Mais quoi qu’il en soit, le cours de la guerre a changé : Bachar restera au pouvoir et les islamistes ont été vaincus, même si la tâche est loin d’être terminée.

    Alors nos trois compères ont tranché : des frappes, oui, puisqu’il faut bien faire semblant de temps en temps. Pas trop fortes, pour ne pas tuer des soldats russes, pas trop symboliques non plus, comme les Tomahawk de 2017.

    Donc, une centaine de missiles, le double de l’année dernière : une grosse dizaine pour les petits soldats français et anglais, le reste pour le boss. Avec un concept inédit : des bases de fabrication et de stockage d’armes chimiques, l’une près de Damas et les deux autres près de Homs. On est tout de même un peu surpris d’apprendre l’existence de ces bases qui n’ont ému personne jusqu’à présent. Existent-elles vraiment, en réalité ?

    L’incertitude a été levée par l’Angleterre qui a frappé, elle, à l’ouest de Homs une ancienne base de missiles « où le régime est censé conserver des armes chimiques », comme le rapportent les quotidiens Le Monde et L’Orient-Le Jour. On appréciera l’aléa du pronostic…

    Tout cela ne sert donc à rien, et heureusement, d’ailleurs ! Pendant ce temps, les Saoudiens tuent les Yéménites et les Turcs tuent les Kurdes avec des armes américaines, françaises et allemandes. Le droit international moderne est tout à fait distrayant.  

    Repris cette foi-ci de Boulevard Voltaire [15.04] 

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.

  • Caroline Galactéros : « Pourquoi la France ne (devait) pas s'associer aux frappes en Syrie »

    Croit-on le peuple syrien dans son ensemble à l'unisson des opinions occidentales ? 

     

    Une analyse de Caroline Galactéros

    Alors que la France vient de frapper la Syrie, en représailles aux attaques chimiques supposées, Caroline Galactéros plaide pour un sursaut d'indépendance nationale. Selon elle, la France ne doit pas s'aventurer dans une nouvelle coalition. Cette tribune brillante écrite avant que les frappes aient eu lieu [Figarovox, 11.04] apporte un éclairage dont le champ est vaste, très complet, comme toujours réaliste et solidement documenté. Le tout conduit avec un remarquable courage intellectuel. Sur un sujet où les intérêts de la France et de la paix sont évidemment engagés.  LFAR  

     

    2286962327.jpgLa messe semble dite et une atmosphère de veillée d'armes plane sur Paris, tandis que le jeune prince d'Arabie Saoudite quitte la capitale et que notre président est en étroit dialogue avec son homologue américain. La France pourrait, en coordination avec Washington, frapper de manière imminente les forces du régime syrien en représailles d'une nouvelle attaque chimique imputée de manière «très probable» mais en amont de toute enquête, aux forces de l'abominable tyran Assad soutenu par les non moins affreux régimes russe et iranien.

    Il faudrait agir vite, se montrer ferme, intraitable, juste ! Il s'agirait là d'un « devoir moral » ! On a bien entendu et lu. Le discours moralisateur sur la sauvegarde des civils innocents, pourtant inaudible après sept ans de guerre et de déstabilisation de la Syrie, est toujours le même. C'est là le comble du cynisme en relations internationales, que nous pratiquons pourtant sans états d'âme depuis des décennies. Pendant ce temps, la guerre silencieuse du Yémen continue. Ces civils-là n'existent pas, ne comptent pas.

    Mais certaines images de guerre et de civils otages d'une sauvagerie généralisée irritent plus que d'autres nos consciences lasses d'Européens déshabitués de la violence et gonflés d'une prétention à connaître, dire et faire le Bien. Soit.

    Mais agir contre qui ? Qui faut-il punir ? Le régime de « l'animal Assad », comme l'a appelé Trump ? L'Iran ? La Russie ? Vraiment ? Et si ce trio noir que l'on désigne exclusivement depuis des mois à la vindicte populaire internationale n'était qu'un leurre, proposé à notre indignation sélective pour ne pas réfléchir à nos propres incohérences ?

    Personne ne se demande pourquoi cette nouvelle attaque chimique arrive maintenant, au moment même où la Ghouta orientale repasse sous contrôle gouvernemental syrien et parachève sa reconquête territoriale, face à des groupuscules rebelles rivaux globalement en déroute et plus que jamais prêts à se vendre au plus offrant pour survivre et espérer compter ? Personne ne s'autorise à douter un instant, quand le ministre russe des affaires étrangères rapporte que les observateurs du Croissant rouge syrien envoyés sur place n'ont rien vu ressemblant à une attaque ? Serguei Lavrov ment-il carrément au Conseil de Sécurité des Nations unies ou bien faut-il penser que Moscou ne contrôle pas tout ce qui se fait au plan militaire sur le théâtre ? Ou que des éléments de l'armée syrienne elle-même agiraient en électrons libres ou auraient été « retournés » ? À qui profite le crime ? C'est cette vieille question, mais toujours pertinente, qui paraît désormais indécente.

    Quel serait pourtant l'intérêt de la Russie de laisser perpétrer une telle attaque, alors que, ne nous en déplaise, bien davantage que notre « Coalition internationale », elle cherche la paix, l'organise pragmatiquement, et est la seule depuis sept ans à engranger quelques résultats qui évidemment contreviennent à nos intérêts et à ceux de nos alliés régionaux ?

    On semble aussi avoir totalement oublié une donnée fondamentale du conflit : les malheureux civils de la Ghouta, comme ceux des ultimes portions du territoire syrien encore aux mains des « rebelles » djihadistes ou de Daech, sont des boucliers humains, peut-être même, en l'espèce, sacrifiés par ces mêmes apprentis démocrates suppôts d'al-Qaïda et consorts pour entraîner l'Occident dans une guerre ouverte avec Moscou et Téhéran.  

    Car si l'on quitte le microscope pour la longue-vue, il est permis de décrire à partir de cette dernière séquence syrienne un contexte stratégique global infiniment préoccupant pour l'Europe, et singulièrement pour la France, qui risque de prendre les avant-postes d'une guerre qui n'est pas la sienne, dont elle fera les frais et qui neutralisera durablement l'ambition présidentielle affirmée de prendre le leadership politique et moral de l'Union européenne. Nos amis allemands ou italiens sont d'ailleurs moins cynico-idéalistes, mais plus prosaïques que nous. Ils avancent prudemment, vont et viennent entre Beyrouth et Damas pour pousser leurs pions en cette phase douloureuse et recueilleront les fruits de notre marginalisation radicale quand la reconstruction syrienne arrivera.

    La ficelle est si grosse et la pelote si bien déroulée depuis des mois qu'on ne la voit plus en effet. On punit la Russie. On la punit d'être la Russie, déjà, et d'avoir réussi son retour sur la scène mondiale. On la punit de vouloir la paix en Syrie et de chercher à la mettre en musique politiquement à Astana ou à Sotchi. On la punit d'avoir sauvé Damas et son régime diabolisé du dépècement qu'on leur promettait et qui s'est fracassé sur la résilience populaire et gouvernementale syrienne et a déjoué partiellement au moins la confessionnalisation des affrontements politiques et sociaux que l'Occident encourage, sans en comprendre le danger insigne pour ses propres sociétés, et notamment en Europe.

    La guerre en Syrie a été gagnée militairement par l'armée gouvernementale. Militairement, mais pas politiquement. Cette victoire sur le terrain au prix d'une guerre brutale (comme toutes les guerres, même celles menées depuis les airs et qui n'ont de chirurgicales que le nom), nous est proprement insupportable car cela nous force à faire la paix, ce que nul ne veut mis à part… Moscou. Ah, Moscou ! L'impudent Vladimir Poutine trop bien réélu qui nous nargue avec sa coupe du monde, où des millions de gens vont découvrir un visage de la Russie qui ne les terrifiera pas.

    Et puis derrière Moscou, on vise évidemment Téhéran, dont Israël, en pleine idylle officielle avec le centre mondial du salafisme - l'Arabie saoudite - qui a toutefois opportunément décidé de faire peau neuve, ne peut tolérer l'émergence régionale, tant le niveau sociétal, culturel, technologique et commercial de ce pays lui fait de l'ombre bien au-delà de la seule crainte d'un (dés)équilibre stratégique modifié par sa nucléarisation ultime.

    Bref, nous sommes en train de tomber dans un vaste piège qui se joue sur plusieurs fronts, et de nous ruer, en croyant ainsi exister, sur le premier os qu'on nous jette. De ce point de vue, l'affaire Skripal pourrait bien n'avoir été que le hors-d'œuvre de la séquence actuelle. Elle a posé le premier étage d'une repolarisation politique et sécuritaire de l'Europe autour de Londres, et surtout sous la bannière de l'OTAN. Car c'est là l'ultime manœuvre : remettre au garde-à-vous les Européens qui, depuis l'arrivée de Donald Trump et le Brexit, s'étaient pris à rêver d'une autonomie européenne en matière de politique et de défense… Péril suprême pour le leadership américain sur le Vieux Continent, heureusement contrebalancé par les rodomontades de quelques nouveaux Européens qui refusent leur arasement identitaire et mettent à mal tout projet d'affranchissement sécuritaire collectif. Le Secrétaire américain à la défense, le général Mattis, a d'ailleurs été très clair : les Européens doivent en effet consacrer 2 % de leur PIB à la défense, mais pour acheter des armes américaines et demeurer dans l'orbite otanienne évidemment, l'Alliance constituant le cadre naturel et nécessaire de la défense de l'Europe. Fermez le ban !

    Nous sommes donc en train d'être clairement repris en main par l'OTAN, mais on ne s'en rend pas compte car on nous vend la nécessité d'une solidarité sans failles, donc manichéenne, face à une « offensive russe » pour diviser l'Europe (comme si nous n'étions pas assez grands pour nous diviser nous-mêmes) et dominer le Levant. C'était probablement l'objet de l'affaire Skripal comme de la présente montée au front sur la Syrie. La volte-face aujourd'hui même d'Angela Merkel sur le projet Northstream-2 ne fait qu'amplifier cette polarisation. Moscou est poussé à se crisper donc à s'isoler par tous les moyens. Par les sanctions, par les vrais faux empoisonnements d'espions en plein Londres et jusqu'à cette décision allemande qui ne peut que durcir la position russe en Syrie et assurer la montée des tensions, le Kremlin n'ayant plus d'autre alternative que de jouer le tracé Qatari qui passe par la Syrie… Redoutable manœuvre anglo-américaine donc, à laquelle Paris et Berlin semblent ne voir que du feu.

    Il faut donc s'y résoudre : l'Amérique d'Obama a vécu. Celle de Trump et de ceux - néoconservateurs de toutes obédiences - qui l'environnent très fermement désormais, a radicalement changé de posture. Certes le président américain annonce son souhait de quitter la Syrie, mais il avoue pouvoir changer d'avis si l'Arabie saoudite payait le coût de cette présence ! On ne peut être plus clair et c'était aussi tout le sens de son premier voyage à Riyad au printemps dernier: réassurer l'allié du Quincy (dont le Pacte éponyme était rendu caduc par la nouvelle indépendance énergétique américaine) contre 400 milliards de dollars de contrats pour l'économie américaine. Et puis, tandis qu'il déclare au grand dam de ses généraux et pour tromper son monde qu'il veut partir, il se consolide une vaste zone d'influence américaine à l'est de l'Euphrate avec les FDS arabo-kurdes.

    Washington, dans le vaste mouvement de repolarisation du monde, entend en tout état de cause demeurer le môle principal d'arrimage d'un Occident qui doute face à une Chine qui structure à son rythme et via un affrontement de basse intensité mais tous azimuts, un véritable « contre-monde ». L'Amérique, fébrile, joue son va-tout pour renverser la vapeur d'un ordre international qu'elle ne contrôle plus mais qu'elle veut encore dominer coûte que coûte. Elle veut l'affrontement pour réinstaller sa préséance face à Moscou, Téhéran et Pékin, cible ultime de l'intimidation. C'est là pourtant un combat profondément à contresens de l'évolution du monde. Affligés du syndrome postmoderne de la vue basse et celui de l'hybris technologique, nous oublions que la vie est longue.

    Au-delà, cette affaire, comme d'innombrables autres, met en évidence une évolution dangereuse : la substitution à la réalité non d'une image déformée, mais carrément d'une autre réalité et le retour de la tentation de la guerre préventive préemptive, qui évite d'enquêter. La question est vraiment très grave pour l'essence même de la politique internationale. Préfère-t-on l'image au réel, les fake news à l'analyse, le sensationnalisme à la rigueur ?

    Alors que voulons-nous ? Ce sera bientôt clair : si nous voulons sauver la Syrie, il nous faut surtout ne pas nous joindre à une coalition qui agira hors de tout mandat de l'ONU et qui portera le poids d'une guerre dont le peuple syrien est la dernière roue du carrosse et sera la victime immédiate. La grande question est donc : mais que vient faire Paris dans cette galère ? On se trompe comme souvent d'ennemi, d'allié, de posture, de tout en somme. Et si l'on essayait l'audace, le courage et la singularité ? Notre siège au Conseil de Sécurité, que guigne l'Allemagne de plus en plus ouvertement, en serait relégitimé. Nous posons-nous seulement la question de notre intérêt national (qui ne se réduit pas à des contrats d'armement) et des raisons pour lesquelles on nous sert ainsi l'injonction d'un alignement sur le thème du Bien contre le Mal et de la guerre préventive ?

    La France est désormais, en Syrie comme ailleurs, au pied du mur. Elle a l'occasion inespérée de faire valoir une approche prudente et rigoureuse, une voix pour la paix, une singularité. Nous avons déjà une influence au plus bas dans la région. Si nous voulons compter de nouveau, nous devons regarder la réalité dans les yeux et admettre que « nous avons eu tout faux » depuis 2011. Il n'est jamais trop tard et notre président peut encore choisir de compter véritablement au regard de l'Histoire et dans le cœur des peuples

    Une guerre contre l'Iran et la Russie n'est pas la nôtre. Elle ne correspond nullement aux intérêts stratégiques français, ni à ceux de l'Europe. Nous avons déjà si naïvement collé aux Britanniques qui veulent quitter l'Union, sans preuve et par principe, dans l'affaire Skripal. Pourquoi cette fuite en avant ?

    Dans ce nouveau grand jeu, la France a encore l'opportunité inespérée de compter plus que son poids démographique ou même économique ne le lui permet, en affirmant une singularité et une cohérence. Plus que jamais le réalisme, aux antipodes du cynisme, doit être le bouclier et la lance de notre nouvelle posture internationale. Il nous rapproche non d'une justice abstraite mais de l'équité et de la clairvoyance. La France n'a pas le droit et aucun intérêt à être malhonnête dans son interprétation des faits. Elle a tout à gagner à la lucidité et elle doit d'urgence montrer au monde comme aux peuples et pouvoirs du Moyen-Orient qu'on ne l'égare ni ne la soumet si facilement.  

    Docteur en science politique et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, Caroline Galactéros est présidente du think tank Geopragma. Auteur du blog Bouger Les Lignes, elle a notamment publié Guerre, Technologie et société (éd. Nuvis, 2014).

  • Frappes en Syrie ... Et après ?

     

    2293089609.14.jpgNous avons dit le plus clairement possible pourquoi, selon nous, la France devait se tenir scrupuleusement à l'écart de l'interventionnisme conduit par les Etats-Unis en Syrie.

    L'une des motivations des Américains dans cette affaire est évidemment leur rivalité avec les Russes qui ont joué en Syrie le rôle essentiel que l'on sait, tant dans la lutte contre Daech, que pour conforter, faute d'un autre, l'Etat syrien en place. Une autre motivation américaine est sans-doute le soutien d'Israël face à la menace réelle ou fantasmée de l'Iran. Ni l'une ni l'autre de ces deux causes ne mettent en jeu les intérêts de la France. Les motivations humanitaires ne nous paraissent pas davantage recevables tant il y aurait de régions du monde qui justifieraient notre intervention, en admettant que nous ayons la vocation, le droit et les moyens de telles missions. Enfin, le suivisme français de toutes les formes d'injonctions et de pressions américaines nous apparaît comme une inadmissible abdication de notre indépendance, ce qui est d'ailleurs devenu, depuis longtemps, une habitude, presque, comme on le sait bien, une seconde nature.   

    Nonobstant ces diverses considérations de bon sens relevant du seul point de vue de l'intérêt français, la France est donc intervenue en Syrie comme il était probable qu'elle le ferait ; elle a participé, fût-ce modestement, aux frappes voulues et orchestrées par les états-majors américains ; elle a ainsi pris sa part à l'actuelle aggravation de la tension internationale et cela aussi nous paraît grave. Cela nous paraît conforter les perspectives d'un avenir mondial lourd de menaces, dont il conviendrait de garder la France plutôt que de l'y plonger.

    Nous avons pris le parti, après son élection, de juger Emmanuel Macron sur ses actes plutôt que sur son discours.  En l'occurrence, aucun doute selon nous : il y a faute.

    L'article qui suit d'Antoine de Lacoste - dont les chroniques syriennes nous permettent de suivre régulièrement, et surtout de comprendre, l'évolution de la situation proche-orientale - a été écrit avant les frappes occidentales de la nuit de vendredi à samedi. Il en décrit savamment le contexte et risque cette prévision : « 48 Tomawaks lancés un peu nulle part ne suffiront pas à calmer les ardeurs guerrières des faucons de Washington, Londres et Paris ». 

    Lafautearousseau publiera demain deux autres articles consacrés au dossier syrien. La gravité des événements en cours n'est pas à souligner.  

  • Attaque chimique en Syrie : la grande manipulation

    Les casques blancs, des militants islamistes

     

    Par Antoine de Lacoste

     

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    Cette fois ça y est : Bachar a franchi la ligne rouge ! Il a bien choisi son moment : l’armée syrienne a repris 95% de la Ghouta, le dernier carré islamiste contrôle 1,5 km2 et l’assaut final commençait sur Douma. L’issue était certaine, surtout avec l’appui de l’aviation russe.

    Et c’est maintenant qu’il déclenche son attaque chimique…Drôle d’idée !

    Revenons aux faits : les lanceurs d’alerte sont les casques blancs. Qui sont-ils ? Des islamistes, combattants ou non selon les cas, qui jouent le rôle d’une sorte de défense civile. Ce sont des militants soigneusement sélectionnés : ne devient pas casque blanc qui veut en zone djihadiste.

    Les services sanitaires prennent le relais et confirment sur internet l’attaque chimique. Qui sont-ils ? De vrais médecins certes, mais islamistes également. Ils ont choisi le camp djihadiste depuis le début de la guerre, dans cette Ghouta sunnite largement acquise aux milices combattantes.

    Puis ce sont les photos et les vidéos : impossible de savoir d’où elles viennent. Le Figaro, en pointe sur le sujet, nous montre une photo d’une fillette qui pleure et d’un petit garçon affublé d’un masque à oxygène. Voilà une preuve ! Et l’ineffable Isabelle Lasserre (la même qui soutenait les islamistes Tchétchènes contre les Russes), écrit : « Selon les organisations humanitaires, le nouveau massacre de la Douma, le dernier bastion rebelle dans la Ghouta orientale aurait fait 48 morts. Sur les réseaux sociaux, les photos des enfants en train de suffoquer sont insoutenables. »

    La messe est dite et l’on appréciera au passage le style de cette journaliste militante : « les organisations humanitaires » (nullement islamistes bien sûr), « le bastion rebelle » (rebelle est plus chic qu’islamiste), « les réseaux sociaux », le conditionnel. Le Figaro, Le Monde et Libé devraient faire page commune sur la Syrie.

    Immédiatement, les occidentaux voient rouges. Rien n’est sûr pourtant ? Mais si : c’est forcément Bachar, cet « animal » comme dit Trump qui n’en rate pas une.

    Les occidentaux sont de toute façon prisonniers de leur rhétorique manichéenne depuis 7 ans. A force de répéter que Bachar est un monstre « qui massacre son propre peuple », aucun recul, aucune analyse un tant soit peu objective, ne sont maintenant possibles.

    Alors que vont-ils faire ? Maintenant qu’ils ont désigné le coupable sans aucune preuve, il faut agir, sinon que diront les médias et la police de la pensée ? Edwy Plenel et BHL vont s’indigner !

    Et puis cette fois 48 Tomawaks lancés un peu nulle part ne suffiront pas à calmer les ardeurs guerrières des faucons de Washington, Londres et Paris.

    Heureusement qu’il y a des Russes sur place, sinon Damas pourrait finir comme Bagdad. 

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.

  • Histoire & Actualité • Le mensonge est présent à chaque étape de l'histoire des Etats-Unis d'Amérique

    6 mars 1836 : l'invention de l'agression mexicaine contre David Crockett à Fort Alamo

     

    1417414836 - Copie.jpgL'article de notre rubrique en deux mots publié hier : « Frappes en Syrie ? Il est urgent que la France se tienne scrupuleusement à l'écart de ces manœuvres oiseuses » a suscité différents rappels historiques d'Antiquus dont, dans un autre commentaire, Richard a trouvé comme nous qu'ils étaient faits « bien à propos ». On les lira avec intérêt.  LFAR 

     

    Le commentaire d'Antiquus 

    Les Etats Unis d'Amérique ont un besoin permanent de mensonge. Le « story telling » leur est indispensable, tout simplement parce qu'ils ne peuvent pas se mobiliser sans avoir conditionné leur opinion publique. Et cette nécessité de forgerie est présente à chaque étape de leur histoire.

    Ainsi l'invention de l'agression mexicaine contre David Crockett à Fort Alamo, l'invention de la canonnade du « Maine » par les Espagnols, ou encore la sinistre manipulation avec le torpillage du Lusitania, qui transportait au moment de l'attaque 5 248 caisses d'obus, 4 927 boîtes de 1 000 cartouches chacune et 2 000 caisses de munitions. Dans cette affaire, la Royal Navy était complice, puisqu'elle ordonna au destroyer chargé d'escorter le navire de revenir au port. Le but étant de soulever l'opinion américaine car la grande majorité des passagers était américaine.

    De même l'attaque contre l'Irak avec les armes de destruction massive et les faux bébés massacrés par Saddam. Toute l'Histoire des USA n'est que mensonge... et oubli car le peuple américain n'a pas de mémoire.

    Cela dit, rappelons que, parmi les chefs d'Etats réunis dans le cadre de l'OTAN, Mitterrand fut le seul à pointer du doigt les contre-vérités préparées par les services américains, avec une apostrophe ironique, du style « vous n'avez pas besoin de nous conditionner par des salades invraisemblables pour que nous acceptions votre politique ». Il semble que M. Macron n'ait pas cette lucidité gouailleuse. Tant pis. 

    Frappes en Syrie ? Il est urgent que la France se tienne scrupuleusement à l'écart de ces manœuvres oiseuses

  • Frappes en Syrie ? Il est urgent que la France se tienne scrupuleusement à l'écart de ces manœuvres oiseuses

    Syrie, un jardin sur l'Oronte

     

    En deux mots.jpg

    Ce sont des événements graves qui se déroulent en ce moment d'un bout à l'autre du monde, notablement en Syrie. Et qui alimentent comme s'il en était besoin, ce climat de lourde tension internationale qui se développe dangereusement en diverses régions du globe. Et qui, même si l'on trouvera que nous employons de grands mots, évoquent comme une avant-guerre.

    Les présidents Trump et Macron se téléphonent beaucoup ces jours.ci à ce que l'on dit, et nous craignons fort que ce ne soit pas pour de sages décisions. L'envoi de missiles sur la Syrie pour détruire de supposés stocks d'armes chimiques nous paraît être une sottise de plus venant de pays - dont malheureusement le nôtre - qui en ont déjà accumulé un certain nombre et des plus graves. Par exemple en Irak et en Libye. Nous avons eu les conséquences du chaos qui s'y est établi consécutivement aux interventions dites occidentales et sans-doute les aurons-nous encore pour longtemps. 

    On se souvient que pour intervenir en Irak les Américains avaient répandu sans vergogne de très gros mensonges. Les « armes de destruction massive » que Saddam Hussein était censé détenir et qu'il n'avait pas se sont transmuées en « stocks d'armes chimiques » syriennes dont on n'a pas de preuves formelles mais seulement de « fortes présomptions » que le régime de Damas les aurait vraiment lui-même utilisées il y a deux semaines.

    Trump, Macron et sans-doute Theresa May, sans besoin d'aucun mandat dit international, sans-doute impossible à mettre en place, envisagent donc de faire justice, de frapper la Syrie de Bachar el Assad, à titre punitif, et pour lui marquer les limites que les puissances en question lui interdiraient de franchir : la fameuse « ligne rouge » qu'elles ont elles-mêmes fixée. On ignorera longtemps à quel titre. 

    Des paroles martiales viennent d'être proférées et des menaces guerrières échangées. La tweet-diplomatie, dont Trump s'est fait le dérisoire spécialiste, s'est surpassée. Trump a annoncé des tirs de missiles sur la Syrie ; Moscou a répliqué qu'il les intercepterait, affirmant avoir les moyens de les détruire en vol. Trump a surenchéri, claironnant que ses missiles sont « intelligents ». Mais on sait qu’il faudrait en tirer beaucoup pour que quelques-uns peut-être atteignent leur cible... Paris n'est pas en reste sur ces rodomontades. Quoique plus discrètement, Londres est de la partie. A quoi conduit-elle ? Tout bonnement à un risque de confrontation directe avec la Russie ... Nous n'avons rien à y gagner, beaucoup à y perdre. La France n'a pas de conflit d'intérêts avec la Russie. Et aurait au contraire bien des avantages à s’en rapprocher.

    A ce stade, il est probable que ces épisodes ne sont rien d'autre que des gesticulations. Des coups de com' selon la délicate expression en usage dans nos régimes d'opinion. Et il n'est pas tout à fait impossible que les tirs annoncés soient renvoyés aux calendes grecques, d'un moratoire l'autre, ou qu'on finisse par leur substituer à titre compensatoire quelque autre mesure ou sanction moins risquées ...

    Mais c'est une erreur de croire que la gesticulation est signe d'exclusion du conflit ; que les armes n'auront pas à parler ; que la folie de la guerre n'est plus à l'ordre du jour.  L'Histoire montre que les gesticulations semblables à celles dont nous avons en ce moment le spectacle, en sont parfois les prodromes. Vient un moment où un geste de trop finit par déclencher l'engrenage fatal qui conduit au conflit, à la catastrophe, à la guerre, dont peut-être personne n'avait vraiment voulu.

    Notre avis est que la France devrait rester scrupuleusement à l'écart de ces manœuvres oiseuses. Elle n'a ni intérêt à frapper la Syrie ni les moyens d'une guerre de principe, d'une guerre idéologique, morale ou humanitaire. Son intérêt premier est la destruction de Daech et la stabilisation de la Syrie, son retour à une situation d'ordre et de paix relative capable de contenir l'islamisme radical. Frapper Bachar el Assad concourra-t-il à l'un comme à l'autre de ces objectifs ? Nous ne le croyons pas. Au demeurant, les va-t-en-guerre anglo-saxons et français ont-ils trouvé en Syrie quelque force organisée, sérieuse, puissante, non suspecte de plus ou moins secrètes complicités islamistes, qui puisse se substituer au régime d'Assad ? On serait curieux de savoir laquelle, avec un minimum de précision et de détail. Ou bien, comme ils l'ont fait en Irak et en Syrie n'ont-ils songé à aucune perspective d'avenir autre que d'y laisser s'installer l'anarchie et le chaos ?  

    Lire aussi ...

    Notre avant-guerre ? 

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    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • A la Une du Figaro d'hier jeudi ...

     

    Lire dans Lafautearousseau ...

    Le « scandale Facebook » - dit aussi « scandale des données »

     

  • Crise syrienne : Trump nomme des faucons à la Maison Blanche…et veut quitter la Syrie !

    Trio infernal ? 

    Par Antoine de Lacoste

     

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    Les deux dernières nominations de Donald Trump à la Maison Blanche rappellent les pires heures de l’ère Bush et de la criminelle invasion de l’Irak.

    La promotion de John Bolton comme conseiller à la sécurité nationale est à cet égard particulièrement symbolique. Il avait en effet milité, avec ses amis du courant néoconservateur, pour cette « invasion préventive ». Il était alors membre important du département d’Etat, l’équivalent de notre ministère des Affaires étrangères. Très proche du vice-président Cheney, chef de file de ces faucons qui parviendront à convaincre l’opinion américaine que l’Irak disposait d’armes de destructions massives.

    Cette nomination est tout à fait surprenante car le candidat Trump, n’avait pas eu de mots assez durs contre la destruction de l’Irak : « La pire des pires décisions jamais prises », « Nous avons rendu un très mauvais service au Moyen-Orient et à l’humanité ».

    Depuis, jamais John Bolton n’a émis le moindre regret sur ce mensonge d’Etat qui a directement engendré l’Etat islamique.

    L’autre nomination n’est pas moins surprenante : il s’agit du patron de la CIA, Mike Pompeo, qui sera nommé Secrétaire d’Etat, dès que le Sénat aura ratifié la décision de Trump. Quand on sait que la CIA a livré de nombreuses armes aux islamistes syriens, dont certaines se sont retrouvées entre les mains de Daesh et d’Al Nosra…

    Ces deux nominations semblent liées à l’accord nucléaire iranien que Trump veut dénoncer, malgré l’opposition très forte de ses alliés européens et, bien sûr, de la Russie. Trop de conseillers du Président étaient hostiles à cette dénonciation, notamment Rex Tillerson, qui s’est, semble-t-il fait limoger pour cela.

    Avec Bolton et Pompeo, Trump aura deux alliés de poids, deux faucons revendiqués.

    Mais nous ne sommes jamais au bout de nos surprises avec Donald Trump : quelques jours après, il annonçait, à la stupéfaction des deux faucons en question, qu’il fallait « quitter la Syrie. Laissons d’autres s’en occuper maintenant. »

    Toutefois, bien malin qui peut dire si cette annonce va se concrétiser. Il se pourrait en effet que ce soit une menace envoyée à l’Arabie Saoudite, qui veut que les Américains restent en Syrie pour contrer l’Iran. Et pour cela Trump veut de l’argent : 4 milliards sont demandés à Ryad qui, jusqu’à présent, rechigne.

    On croit rêver ? Pas tant que cela.

    Trump n’est pas un homme politique : c’est un homme d’affaires qui a décidé de devenir président. Il a su parler à ses clients, les petits blancs d’Amérique qui l’ont élu. Il a ses filiales, l’Europe notamment. Et ses concurrents : la Russie et la Chine. Un ami, Israël et donc un ennemi l’Iran. L’Arabie Saoudite est une filiale, bien sûr : elle doit faire remonter des dividendes, c’est la règle.

    Il ne faut donc pas analyser les décisions ou les annonces de Trump en fonction de nos habituels critères géopolitiques ce qui rend toute prévision très aléatoire.  

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  • Le « scandale Facebook » - dit aussi « scandale des données »

    Mark Zuckerberg

     

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    Le « scandale Facebook » - dit aussi « scandale des données » - fait la « une « des médias du monde entier. L'indignation est générale.

    Comme si l'objet du scandale était une surprise. Alors que de fait l'exploitation commerciale des informations personnelles ou non imprudemment mises en ligne sur Facebook par des multitudes d'internautes des cinq continents est au principe même de ce réseau mondial tentaculaire. C'est d'ailleurs là aussi son principe financier qui a produit ses profits colossaux et engendré sa puissance, égale ou supérieure à nombre d'États ... 

    Autour de deux milliards d'utilisateurs se sont ainsi vautrés dans l'étalage vulgaire de leur intimité, de leur mode de vie, de leurs opinions, de leurs comportements privés, et même de leurs pulsions les plus diverses, voire les plus scabreuses, abandonnant cette pudeur ancestrale, ce silence jaloux sur les « misérables petits tas de secrets* » qui avaient prévalu depuis la nuit des temps. Comme si, dans le monde virtuel, l'homme de l'ère numérique s'était senti soudain libéré de cette sorte de retenue qui est naturelle aux rapports humains, charnels, du monde réel. Retenue qui est pourtant l'un des fondements de la vie en société, de la civilisation elle-même. 

    Facebook a vendu très cher ces données. Elles seraient « le pétrole » de l'ère postmoderne, la richesse immatérielle de cette société liquide, cette « civilisation » de l'impudeur où ne subsistent plus que l'individu réduit à l'état de consommateur hyperconditionné, et le marché qui l'encadre et l'exploite. Cette emprise d'un 3e ou 4e type s'exerce notamment grâce à la maîtrise sophistiquée d'une masse considérable de données sans qualités autres que mercantiles. Ses champions d'origine US sont les GAFA. 

    Et voici que le scandale Facebook s'amplifie. Qu'il prend des proportions inouïes. Que son titre perd 15% à Wall-Street. Qu'il est introduit dans l'aire politique et judiciaire. En France, des caisses de retraite ou de Sécurité Sociale ferment leurs pages Facebook - et / ou leurs comptes Twitter. Nombre de particuliers ou d'institutions en font autant. De multiples plaintes sont déposées. Notamment auprès de la CNIL. Aux Etats-Unis le Congrès est saisi de la question et doit procéder aujourd'hui à l'audition de Mark Zuckerberg. Il ne faut pas trop s'attendre, nous semble-t-il, à ce que, malgré les quatre-vingt sept millions de membres américains de Facebook lésés par ses pratiques, les Institutions fédérales états-uniennes s'aventurent à porter sérieusement atteinte à la puissance et à la richesse de ce fleuron hégémonique de leur « industrie » numérique.  

    La repentance tardive de Mark Zuckerberg, son actuel président, égal ou supérieur à nombre de chefs d'État, semble activer l'incendie plutôt que de l'éteindre, au point que son prédécesseur, Sean Parker vient d'accuser le Facebook de Mark Zuckerberg d'exploiter « la vulnérabilité humaine ». C’est parler d'or. 

    Mais il y a plus grave, nous semble-t-il que le dévoilement mercantile de ces millions de « misérables petits tas de secrets » dont seuls les intéressés s'imaginent qu'ils ont un intérêt. 

    En premier lieu, l'affaire Facebook met en marche, par réaction, une volonté affichée de reprise en mains et de contrôle par la police de la pensée, des espaces de vraie liberté qui ont pu se développer sur Internet. Gare aux sites, blogs et autres qui divergeront avec le politiquement correct ! Gare aux fermetures à venir. Sur Facebook et ailleurs. Le moment est peut-être venu pour la cléricature des systèmes dominants de réduire les insupportables médias qui échappent encore à son contrôle. 

    Il y a en second lieu, s'agissant de l'addiction d'un grand nombre de gens, surtout jeunes, â la fréquentation trop exclusive de Facebook et des réseaux parents, le reformatage débilitant de nos catégories mentales et intellectuelles. A la fois cause et symptôme, parmi d'autres, du terrible affaissement culturel de nos sociétés. Sommes-nous condamnés à n’être plus qu’un peuple d'ilotes ? C'est une grande question.   

    * Expression de François Mauriac reprise par André Malraux dans les Antimémoires.

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    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • A chaque fois tout recommence*

    La fin de l'Histoire et le dernier homme selon Francis Fukuyama

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    103879671.jpgUn brin méprisant, M. Guetta semble reprocher à certains pays « de ne pas avoir encore admis de ne plus être ce qu’ils avaient été «  (France Inter, 5 avril).

    Et de nommer, croyant se montrer convaincant, Hongrie, Turquie et Russie. Ce faisant, il nous incite plutôt à penser le contraire. Qu’en 2018, un petit pays d’Europe centrale ne se résolve toujours pas à l’amputation des deux tiers de son territoire et des trois quarts de sa population, suite au Traité de Trianon du … 4 juin 1920, voilà qui illustre, au rebours de la pensée idéologique du chroniqueur Guetta, la mémoire longue des peuples et des nations. Même constat pour la Russie et a fortiori pour la Turquie, chacune  « dépossédée » de son empire multiséculaire, celle-ci au début, celle-là à la fin du siècle dernier. Est donc flagrante ici l’opposition entre deux démarches politiques, l’une fondée sur l’héritage de l’Histoire, l’autre sur l’idéologie, en l’occurrence, et à titre d’exemple, celle qui a présidé au dépeçage de la Double monarchie austro-hongroise.

    M. Fukuyama peut bien expliquer dans Le Figaro (6 avril) qu’on s’est mépris sur le sens véritable de son ouvrage La fin de l'histoire et le dernier homme, publié en 1992 au moment de l’effondrement de l’Union soviétique. Il ne fallait pas comprendre qu’il n’y aurait plus d’événements historiques mais qu’existait désormais un type de société satisfaisant pour tous, la société démo-libérale. Peu nous chaut qu’il se soit, ou pas, voulu le prophète d’une « mondialisation heureuse » : tout le monde sait aujourd’hui que cette dernière n’est qu’une utopie de plus, dangereuse comme toutes les utopies. D’ailleurs, même s’il persiste à considérer la démocratie libérale comme le modèle indépassable, « largement préférable à ses principaux concurrents », M. Fukuyama reconnaît son incomplétude essentielle, « liée au confort matériel et à la liberté personnelle dont on profite ». Il cite volontiers l’Europe, en fait l’Union européenne aux fondements mercantiles et financiers. Or, on peut se demander qui sera(it) prêt à mourir pour la grande démocratie libérale qu’est cette Europe « posthistorique », laquelle nie la dimension tragique de l’Histoire et propose à ses « citoyens » le seul bien-être personnel comme philosophie de l’existence. 

    Volens nolens, M. Fukuyama, loin de prophétiser un monde apaisé, annonce la pire des catastrophes pour une Europe menacée de submersion migratoire alors même qu’elle est anesthésiée par les utopies mortifères de la démocratie libérale. Il rejoint d’une certaine façon, et bien malgré lui sans doute, M. de Benoist (Boulevard Voltaire, 26 mars) qui constate que nous sommes « face à un nouveau tsar en Russie, à un nouvel empereur en Chine, à un nouveau sultan en Turquie, tous trois au summum de leur popularité ». La faiblesse de la démocratie libérale européenne constitue dans le contexte international un handicap que vient cependant dénoncer, même de façon diffuse et inconsciente, la montée des populismes. Réalisme et Histoire contre utopie et idéologie, l’alternative a le mérite d’être claire. Il est clair que la dynamique politique sera de fait toujours du côté des héritiers, quel que soit le jugement de valeur que l’on s’arroge le droit de porter sur eux. Et quand l’héritage est d’une telle valeur, pensons à la France, pensons à toute l’Europe, ceux qui nous en détournent sont soit des traîtres soit des fous furieux.   

    * Aragon, « L’Étrangère »

  • Comment les islamistes de la Ghouta réduisaient la population civile en esclavage

     

    Par Antoine de Lacoste

     

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    Depuis que l’armée syrienne a libéré la quasi totalité du territoire de la Ghouta, cette vaste banlieue Est de Damas, on en sait un peu plus sur les méthodes de « gouvernement » des différentes milices islamistes.

    La population se taisait par peur des représailles, l’ineffable OSDH (Observatoire syrien des Droits de l’Homme) n’était sans doute pas au courant, donc les médias non plus.

    Et pourtant. Des milliers d’hommes ont été, pendant des années, réduits en esclavage par les islamistes pour construire leur arme de guerre favorite : les tunnels.

    On sait que ces tunnels, qui peuvent s’étendre sur des dizaines de kilomètres, ont été largement utilisés par les islamistes depuis le début du conflit. Afin de parfaire leur technique, les dirigeants de Daesh avaient même fait venir en Syrie des spécialistes reconnus : des militants du Hamas palestinien qui avaient bâti un réseau remarquable dans la bande de Gaza.

    Depuis, l’ensemble des groupes islamistes utilisaient cette méthode afin de se protéger des bombardements, de ravitailler des zones encerclées ou de monter des embuscades dans le dos de l’armée syrienne.

    Seulement, creuser des tunnels, c’est long et fatigant. Et puis les combattants ont mieux à faire. Alors quoi de mieux que de rafler les hommes en état de creuser, tout en assurant la subsistance de leurs familles, étroitement surveillées comme il se doit.

    La main d’œuvre n’étant pas toujours suffisante, Jaych al-Islam, le groupe salafiste qui tenait Douma jusqu’à présent, s’est livré à de nombreux enlèvements en zone loyaliste. L’opération la plus spectaculaire a eu lieu en 2013 à Adra : des dizaines de fonctionnaires, et de civils pris au hasard ont été enlevés, certains avec leurs familles. Les prises les plus intéressantes ont été incarcérées, les autres envoyées dans les tunnels. On les a appelés « les kidnappés d’Adra ». La plupart sont alaouites, la confession de la famille Assad. Rappelons que cette incursion à Adra s’est accompagnée de massacres épouvantables, mais cela n’a pas beaucoup intéressé l’OSDH.

    Plusieurs de ces esclaves ont disparu. Leurs familles n’ont aucune nouvelle et, depuis que la Ghouta est progressivement libérée, de nombreuses mères ou épouses font le guet. En effet, des dizaines de prisonniers ont déjà été libérés à la faveur des négociations menées par les Russes et chacun espère voir réapparaître les siens.

    D’autres prisonniers ont été vus récemment : afin d’empêcher les bombardements, les islamistes les mettaient dans des cages qu’ils disposaient au milieu de la chaussée…

    Les familles sont également sans nouvelles de plusieurs dizaines de femmes, et le pire est à craindre pour elles.

    Tous ces prisonniers, dont on ignore le nombre exact, ont été au cœur des négociations de ces derniers jours qui vont aboutir à la libération totale de l’est de la Ghouta.  

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  • Société • Vu du Québec : La provocation par le voile

     

    Par  Mathieu Bock-Côté 

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans cette tribune du Journal de Montréal [7.04] Mathieu Bock-Côté traite du voile comme provocation. Une provocation qui correspond à un programme politique. C'est vu du Québec mais c'est tout aussi applicable à la France et à l'Europe. Et tout aussi vrai.   LFAR  

     

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    Avant-hier, Le Devoir consacrait un papier incroyablement louangeur, presque une infopub, à Eve Torres, une militante que plusieurs jugent islamiste, mais qui cherche à se faire passer pour féministe. Elle sera candidate pour Québec solidaire.

    Islamisme

    La dame est voilée et on comprend bien que jamais elle ne se dévoilera. C’est une question de principe. Très bien. Mais ce qui est amusant, c’est qu’elle présente cela comme un non-enjeu. Elle veut se voiler à tout prix, mais nous interdire de réfléchir à la signification politico-culturelle de son geste. 

    Mieux : elle a le culot de nous dire qu’elle veut en finir avec la question identitaire dans le débat public. Comme si le fait de revendiquer le droit au voile en toutes circonstances et de militer pour cela n’avait rien « d’identitaire ». Comme si cela ne consistait pas à faire la promotion active du multiculturalisme, une idéologie soutenant que la société d’accueil doit s’effacer pour accueillir la diversité.

    On l’oublie souvent, mais le voile, loin d’être une stricte marque de spiritualité personnelle, est un symbole utilisé par les islamistes pour marquer leur présence dans l’espace public et l’occuper selon le principe de la visibilité maximale. 

    Étrangement, derrière la promotion du voile, les médias ne veulent pas voir une stratégie identitaire militante, mais le simple éloge de la « diversité ». Les minorités ont toujours raison ! En d’autres termes, nos élites médiatiques ne peuvent pas s’imaginer de « crispation » identitaire ailleurs que dans la société d’accueil.

    Hypocrisie

    C’est toujours elle qu’on suspectera de fermeture à l’autre. On se pose trop rarement la question suivante : est-ce que l’autre veut s’ouvrir à nous ? S’il ne le veut pas, sommes-nous en droit de manifester notre insatisfaction ?

    Qu’on en soit bien conscient : vouloir imposer le voile à tout prix dans l’espace public n’est pas anodin. Cela correspond à un programme politique. La moindre des choses est de le reconnaître.     

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Alain de Benoist a raison : « Pour les libéraux « occidentalistes », c’est plus que jamais la Bérézina »

     

    Par Alain de Benoist

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgCet entretien donné à Boulevard Voltaire [26.03] est intéressant à divers titres. Notamment parce qu'il traite de plusieurs sujet avec justesse, lucidité et pertinence. Il relève à juste titre la généralisation des régimes autoritaires, nationalistes et en un sens traditionalistes. Chacun selon sa tradition, naturellement. Et ceci, parmi les pays les plus puissants du monde. Les systèmes politiques faibles et sans réel soutien populaire d'Europe de l'Ouest - dont le nôtre - font seuls exception, ce qui explique leur déclin. Nous partageons globalement l'analyse d'Alain de Benoist sur ce point. Reste sa prise de position in fine pour l'indépendance de Mayotte. Au risque de choquer certains lecteurs, nous dirons que ce n'est pas pour nous une solution frappée d'interdit. Le patriotisme français a aujourd'hui de tout autres priorités que la défense de Mayotte. Donc, selon nous, cela se discute. LFAR   

     

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    Une fois n’est pas coutume, il s’agit d’un tour d’horizon de l’actualité et non point d’un sujet spécifique. Que penser de la triomphale réélection de Vladimir Poutine, avec 76,6 % des voix dès le premier tour ?

    Je m’en réjouis, bien entendu. Mais le plus important, c’est de constater que les seuls concurrents de Poutine étaient les communistes de Pavel Groudinine (11,7 % des voix) et les ultra-nationalistes de Vladimir Jirinovski (5,6 %), tandis que l’unique candidat libéral, Ksenia Sobtchak, a décroché le score mirobolant de 1,6 % des suffrages : à peu près le score de Philippe Poutou à la présidentielle de 2017 ! Pour les libéraux « occidentalistes », c’est donc plus que jamais la Bérézina. Emmanuel Macron (24 % des voix au premier tour, trois fois moins que Poutine) se trouve maintenant face à un nouveau tsar en Russie, à un nouvel empereur en Chine, à un nouveau sultan en Turquie, tous trois au summum de leur popularité. Partie inégale.

    La tentative d’assassinat de l’ex-agent double Sergueï Skripal, dont les Anglais, immédiatement soutenus par Macron et par Donald Trump, ont immédiatement attribué la responsabilité à la Russie, n’a apparemment pas nui au maître du Kremlin ?

    Elle a, au contraire, encore renforcé sa popularité. Les Russes savent mieux que personne que si Poutine a sans doute des défauts, il est difficile de le considérer comme un idiot. J’ai, pour ma part, beaucoup de mal à imaginer que Vladimir Poutine n’avait vraiment rien de plus pressé, à la veille d’une élection présidentielle (pour ne rien dire de la Coupe du monde de football), que d’aller faire tuer un individu inactif depuis plus de cinq ans, en utilisant un gaz neurotoxique pointant vers le Kremlin. Comme l’a écrit Slobodan Despot, autant laisser sur place sa carte d’identité ! Je comprends, en revanche, fort bien comment pareil coup monté pouvait être utilisé contre lui, afin de servir la russophobie des gouvernements et des médias. Quant au sort de Sergueï Skripal, il m’indiffère : je n’ai pas de sympathie pour les traîtres.

    Nicolas Sarkozy mis en examen dans l’affaire d’un présumé financement libyen de sa campagne électorale ?

    Sarkozy s’est, à mon avis, déjà déshonoré deux fois : la première en réintégrant la France dans le giron de l’OTAN, dont le général de Gaulle l’avait fait sortir, la seconde en déclenchant contre la Libye une guerre criminelle dont nous n’avons pas fini de subir les conséquences. Sur l’affaire dont vous parlez, je ne suis pas dans le secret de l’instruction. Je ne ferai donc de procès d’intention à personne, non par respect de la présomption d’innocence (ainsi dénommée par antiphrase, puisque c’est au contraire quand on est suspecté d’être coupable que l’on est mis en examen), mais parce que je n’ai qu’une confiance très mesurée dans la Justice de mon pays. En tout état de cause, si les charges étaient avérées, ce serait un scandale d’État sans précédent.

    Le projet de réforme de la SNCF, incluant la remise en cause des privilèges des cheminots, et l’imposant programme de grèves annoncé par les syndicats ? 

    Les grèves des transports ne sont jamais très populaires, ce que l’on peut comprendre. Mais arrêtons de prendre pour boucs émissaires des cheminots dont les « privilèges » ne sont qu’une goutte d’eau face à ceux des grands patrons du CAC 40 ! Ce n’est pas la faute des cheminots si les trains n’arrivent plus à l’heure et si les lignes de chemin de fer ne sont plus entretenues. Ce ne sont pas eux qui sont responsables de la gestion désastreuse qui a transformé la SNCF en tonneau des Danaïdes (47 milliards de dettes). La seule vraie question qui se pose dans cette affaire est de savoir si la SNCF va rester un service public au service de tous les usagers, où qu’ils habitent, ou si l’on va s’orienter progressivement vers une privatisation dont les conséquences inéluctables seront une hausse des tarifs (+27 % en Angleterre depuis dix ans) et la suppression programmée de centaines de petites lignes à la rentabilité insuffisante, ce qui accentuera encore la coupure entre les métropoles et la France périphérique. 

    Macron n’aurait jamais été élu sans le soutien massif des retraités et des fonctionnaires, deux catégories l’une et l’autre protégées jusqu’ici des effets de la mondialisation. Dès son élection, il s’est attaqué aux premiers, il s’attaque maintenant aux seconds, qui représentent 22 % du salariat. Il scie donc lui-même la branche sur laquelle il est assis. Le jour où la classe moyenne, qui se trouve déjà en état d’insécurité culturelle, se retrouvera en état d’insécurité sociale, les choses basculeront.

    Les dernières élections italiennes ont vu la victoire massive des populistes de tous bords. Pour le moment, seule la France semble « résister » à cette vague en Europe. Pourquoi ?

    Elle n’y résiste pas tant que ça, puisque les grands partis de gouvernement ont déjà presque disparu, et que c’est pour faire face à la déferlante populiste que Macron a saisi cette occasion d’engager une recomposition générale du paysage politique. Mais vous avez raison : la déferlante en question pourrait être plus ample. Ce qui manque, c’est un homme (ou une femme) susceptible de l’incarner.

    Mayotte se trouve en première ligne face à l’immigration clandestine. Que faire ?

    L’indépendance me semble être une bonne solution.  

    Intellectuel, philosophe et politologue

     
     
    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier

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