On ne reprochera pas à M. Hollande d’avoir radicalement changé de cap dans l’affaire malienne, lui qui, deux semaines auparavant, semblait si proche de la position algérienne (laquelle, du coup, s’en trouve modifiée). Les réalités ont la vie dure, plus dure en tout cas que le bla-bla idéologique, et il a bien fallu en tenir compte.
Certes, les premières justifications avancées par le chef de l’Etat lors de l’annonce de l’opération « serval », paraissent quelque peu oiseuses, puisqu’il croit bon de se retrancher derrière une prétendue « légalité internationale » et de souligner qu’il ne s’agit pas de « nos intérêts fondamentaux ». Mais, dès le lendemain, le même M. Hollande affirme qu’il s’agit de « la sauvegarde d’un pays ami ». C’est mieux, parce que c’est reconnaître, de facto, que le Mali, création géographique du colonialisme français, continue de s’inscrire dans une zone d’influence française - ce qui tranche radicalement avec la mascarade libyenne.
En revanche, on condamnera le refus, manifeste au début, de nommer notre ennemi : ce sont des « terroristes » et des « criminels » répètent à l’envi MM. Hollande et Fabius (ministre des Affaires étrangères). Pourquoi ne pas identifier l’ennemi ? Pourquoi même le dévaloriser en confondant volontairement ses buts et ses moyens ? On donne ainsi la fâcheuse impression qu’on le culpabilise pour mieux occulter son identité. M. Le Drian, ministre de la Défense, a, lui, tout de suite, et fort justement, parlé de « djihadistes », c’est-à-dire, si les mots ont un sens, de « combattants d’une guerre sainte menée au nom de la défense ou de l’extension de l’islam » (ce qui est bien le cas au Mali).
D’ailleurs, le renforcement du plan vigipirate, sur le sol français donc, prouve qu’il existe un véritable ennemi, susceptible de nous attaquer, avec ses armes et ses méthodes. Cet ennemi, ce n’est pas seulement une bande de terroristes-criminels, trafiquants de drogue et d’otages, basés dans le nord du Mali, ce sont, disséminés partout dans le monde – et en France même - des guerriers islamistes. Cet ennemi, c’est l’islam-isme, même si le C.F.C.M. (Conseil Français du Culte Musulman) fait régulièrement pression sur les autorités et sur les médias, souvent avec succès, pour qu’on évite le terme.
Voilà qui pose la seule question qui vaille : jusqu’où la France peut-elle et doit-elle aller dans cette affaire, seule et directement, ou avec d’autres et même indirectement ? Restaurer le statu quo ante, et laisser perdurer un état islamique sauvage au nord du Mali, cela signifierait que tous les Français qui seront tombés dans cette guerre – à commencer par le premier d’entre eux, le lieutenant Boiteux – seront morts pour rien. Pis : une intervention militaire qui ne répond pas à une ligne politique ferme peut vite se transformer en piège, comme le montre l’exemple de l’inutile et coûteux enlisement de nos troupes en Afghanistan…
L’affrontement avec les djihadistes du Mali (quelle que soit la complexité de leur provenance) constitue une belle opportunité qu’il ne faut pas laisser passer : nos soldats doivent avoir pour mission d’anéantir un ennemi avec lequel toute négociation est impossible, de conforter par là une politique africaine plutôt défaillante et d’envoyer un message de force à ceux qui ne comprennent que la force.