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Actualité Monde - Page 123

  • Où l'écrivain algérien Kamel Daoud recadre sèchement Bernard Guetta sur France Inter

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    Dialogue sur France Inter, hier matin, mercredi, entre Bernard Guetta et Kamel Daoud :

    Bernard Guetta : « Les islamistes, à part quelques irréductibles qui sont restés les armes à la main dans les maquis du passé, ont été largement dissous dans la corruption du pouvoir ...»

    Kamel Daoud : « Pour leurs masses, leurs forces, leurs sympathisants, vous vous trompez lourdement. La stratégie d'un islamiste, ce n'est pas de composer, mais c'est de prendre la totalité d'un pouvoir et de dominer, et de conquérir, et de posséder. (...) Si vous voulez le confort de votre vision, je vous la laisse. Mais ce n'est pas la réalité. »  

    Le réalisme face aux nuées !

     

  • « Vu du Kremlin, la France n’a plus de politique étrangère… » L'analyse d'Alain de Benoist *

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    En matière de politique étrangère, nous sommes, de façon générale, en accord avec les analyses toujours pertinentes d'Alain de Benoist. Celle qui suit relève tout à fait de cette convergence. Précisons simplement que cet effacement de la France qu'Alain de Benoist constate à juste titre, nous ne le considérons pas comme irréversible. LFAR 

     

    1530443371.jpgPlusieurs vidéos tournent actuellement en boucle sur Internet. L’une du général Wesley Clark, ancien patron de l’Otan, l’autre de George Friedman, président de Stratfor, une société privée de renseignement basée au Texas et notoirement liée à la CIA. Le premier est bouleversé par le cynisme de la Maison-Blanche, l’autre le revendique fièrement. Difficile dans ces conditions de savoir quelle politique les États-Unis entendent mener en Europe…

    Elle a pourtant le mérite de n’avoir jamais changé. Depuis 1945, l’objectif des États-Unis est de favoriser l’Europe-marché au détriment d’une Europe-puissance qui pourrait devenir leur rivale. À cela s’ajoute, depuis la dislocation du système soviétique, un autre objectif vital : empêcher l’Europe occidentale d’établir un partenariat avec la Russie. George Friedman l’a rappelé après Brzezinski : en tant que grande Puissance de la Mer, l’intérêt primordial des États-Unis est d’empêcher l’unification de la grande Puissance de la Terre, c’est-à-dire de l’ensemble géopolitique eurasiatique. Les USA contrôlent tous les océans du monde, ce qu’aucune puissance du monde n’avait fait avant eux (« Maintenir le contrôle de la mer et le contrôle de l’espace est la base de notre pouvoir »), mais ils n’ont pas la capacité d’occuper l’Eurasie. Ils doivent donc diviser pour régner.

    Dans un premier temps, ils ont suscité en Europe de l’Est toute une série de « révolutions colorées » à la faveur desquelles ils ont tenté d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Aujourd’hui, ils cherchent créer un “cordon sanitaire” tourné contre Moscou, coupant l’Europe en deux depuis la Baltique jusqu’à la mer Noire. Ce projet de “zone-tampon” a le soutien des États baltes, de la Pologne, de l’Ukraine et de la Bulgarie, mais se heurte aux réticences ou à l’opposition de la Hongrie, de la Serbie et de l’Autriche. L’instrumentalisation du coup d’État intervenu à Kiev en février 2014 entre évidemment dans ce cadre, tout comme l’actuelle tentative albano-islamo-mafieuse de déstabilisation de la Macédoine, qui vise à mettre en échec le projet « Turkish Stream », déjà approuvé par le nouveau gouvernement grec, qui permettrait aux Russes d’acheminer leur gaz vers l’Europe occidentale sans avoir à passer par l’Ukraine.

    C’est également dans cette optique qu’il faut situer le projet de Traité transatlantique, dont le but principal est de diluer la construction européenne dans un vaste ensemble inter-océanique sans aucun soubassement géopolitique, de faire de l’Europe de l’Ouest l’arrière-cour des États-Unis et d’enlever aux nations européennes la maîtrise de leurs échanges commerciaux au bénéfice de multinationales largement contrôlées par les élites financières américaines.

    La grande inconnue, c’est l’Allemagne. La plus grande hantise des Américains est l’alliance de la technologie et du capital allemands avec la main-d’œuvre et les ressources naturelles russes. « Unies, dit Friedman, l’Allemagne et la Russie représentent la seule force qui pourrait nous menacer, et nous devons nous assurer que cela n’arrive pas ». Pour l’heure, l’Allemagne semble s’incliner devant les diktats de Washington. Mais qu’en sera-t-il demain ?

    Au Proche-Orient, les choses se sont tellement compliquées depuis quelques mois que beaucoup de gens n’y comprennent plus rien. Là encore, quel est le jeu des Américains ?

    Les États-Unis ont de longue date mis en œuvre au Proche-Orient une « stratégie du chaos », visant à abattre les régimes laïcs au bénéfice des mouvements islamistes, afin de démanteler des appareils étatico-militaires qu’ils ne pouvaient contrôler, puis à remodeler toute la région selon des plans arrêtés bien avant les attentats du 11 Septembre. L’État islamique (« Daesh ») a ainsi été créé par les Américains, dans le cadre de l’invasion de l’Irak, puis s’est retourné contre eux. Les USA ont alors commencé à se rapprocher de l’Iran, ce qui a suscité l’inquiétude des monarchies du Golfe qui redoutent par-dessus tout l’influence régionale de Téhéran (d’où l’opération actuellement menée au Yémen contre les rebelles chiites). On a donc aujourd’hui trois guerres en une seule : une guerre suicidaire contre la Syrie, dans laquelle les Occidentaux sont les alliés de fait des djihadistes, une guerre des Américains contre l’État islamique, et une guerre des dictatures du Golfe et de la Turquie contre l’axe Beyrouth-Damas-Téhéran-, avec la Russie en arrière-plan.

    Et la France, dans tout ça ?

    Elle ne compte plus pour grand-chose. Elle se réclame de la laïcité, mais privilégie ses relations avec les pétromonarchies les plus obscurantistes. Concernant les migrants qui affluent par milliers depuis la Méditerranée – fuyant, non pas la misère ou la dictature, comme on le répète ici et là, mais la guerre civile et le chaos que les Occidentaux ont apportés chez eux –, elle se soucie plus de les empêcher de se noyer que de ne pas faire naufrage elle-même, plus de la façon des les accueillir que de les empêcher d’entrer. Les Allemands la regardent désormais de haut, les Espagnols et les Italiens n’en attendent plus rien, et les Anglais continuent à considérer le French bashing comme un sport national.
    Quant au Kremlin, il ne se fait plus d’illusions : la France ne peut plus avoir de politique étrangère digne de ce nom, puisqu’elle s’est aujourd’hui couchée devant les Américains. En témoignent de manière éloquente le refus de la France de livrer aux Russes les navires « Mistral » que ceux-ci avaient déjà payés, et le scandaleux boycott des cérémonies qui se sont déroulées à Moscou pour le 70e anniversaire de la défaite du Troisième Reich. De ce point de vue, la continuité de Sarkozy à Hollande est parfaite. L’UMP va devenir « les Républicains », tandis que le PS n’est déjà plus qu’un « parti démocrate » à l’américaine. Il n’y a plus qu’à rebaptiser « Maison blanche » le palais de l’Elysée, et tout sera parfaitement clair ! 

    * Entretien réalisé par Nicolas Gauthier - Boulevard Voltaire

  • Dossier syrien : Ce n'est pas d'aujourd'hui que les démocraties oeuvrent au triomphe des pires... Lire le parallèle historique que dresse Antiquus

    Abou Bakr Al-Baghdadi, le "calife" de Daech face à Bachar El Assad 

     

    L'attitude des "occidentaux" d'aujourd'hui ressemble trait pour trait à celle des "démocraties" lorsque Hitler commença à menacer l'Autriche, s'appuyant sur les SA de Seyss-Inquart. A l'époque, l'Autriche était dirigée par le chancelier Dollfuss, qui fut assassiné par les hitlériens, et remplacé par le chancelier Schussnigg. Ils demandèrent de l'aide contre l'invasion qui se préparait ; mais la France et l'Angleterre la lui refusèrent obstinément. Pourquoi ? Parce que ces deux gouvernants représentaient une tendance de la droite monarchiste et corporatiste. La troupe sur laquelle ils s'appuyaient était la Heimwehr, dirigée par le prince de Starhemberg. C'est ainsi que Léon Blum ne manqua pas de déclarer, dans un texte bien enseveli aujourd'hui, que le national socialiste valait mieux que la dictature réactionnaire et cléricale. Les « démocraties » ont payé leur aveuglement idéologique. Mais bien plus encore les peuples qui avaient le malheur d'être dirigées par elles. Elles n'ont rien appris depuis. On ne peut même pas dire qu'elles ont tout oublié car elles n'ont pas de mémoire. 

    Antiquus

    lundi 25 mai 2015

    (Commentaires de Lafautearousseau)

     

  • Prise de Palmyre par l'État islamique : pourquoi une telle inaction de la coalition ? L'analyse d'Hadrien Desuin*

     

    Il est seulement à craindre que l'analyse qui suit - d'Hadrien Desuin - ne se révèle, hélas, tristement exacte.  LFAR

    L'État islamique s'est entièrement emparé de Palmyre ce jeudi. Hadrien Desuin, dénonce l'inaction de la coalition qui préfère sacrifier la cité antique plutôt que d'apporter son concours à Bachar al-Assad.

    Le 13 mai, l'offensive de l'État islamique débutait à Palmyre, carrefour névralgique du désert syrien et vestige antique d'une civilisation bel et bien disparue. Deux grosses larmes de crocodiles ont coulé sur les joues de Laurent Fabius et François Hollande. Une semaine plus tard, une contre-offensive djihadiste fait reculer l'armée syrienne fidèle à Bachar Al-Assad. Laquelle doit céder à nouveau le nord de la ville après l'avoir repris quelques heures. Les combats continuent, pourtant la coalition anti-Daesh emmenée par les occidentaux détourne pudiquement le regard.

    Elle continue de bombarder avec succès les positions djihadistes face aux kurdes, hier à Kobané et aujourd'hui à Hassaké, mais Palmyre l'indiffère. Quelques raids aériens bien guidés auraient pu stopper net les colonnes du Djihad. Mais parce que ce sont des alaouites qui résistent à la barbarie, rien ne sera fait.

    L'indignation de la communauté internationale est unanime, la directrice générale de l'Unesco Irina Bokova s'active pour sauver Palmyre. Jack Lang, président de l'institut du monde arabe, a pris les accents des soldats de l'an II sur Europe 1: « il faut massacrer ces massacreurs et sauver Palmyre ! » Décidément ses camarades font peu de cas de nos racines gréco-latines. La culture n'a pas d'importance quand les « méchants » la défendent. Comme si l'Occident ne parvenait pas à sortir de son manichéisme pour prendre la moins mauvaise des solutions.

    Cette indignation stérile s'explique aisément: la bataille de Palmyre remet en cause le dogme de l'alliance tacite entre Bachar et l'EI. C'est le conte que rabâche depuis quatre ans les chantres de « l'opposition syrienne »: Bachar et l'EI sont alliés, ils sont les deux têtes d'un même hydre bicéphale. Tandis que des combats opposent depuis des années les troupes loyalistes aux soldats du califat à Der Ez Zor, à Damas et ailleurs; tout est fait pour minimiser sinon effacer la part que prend l'armée loyaliste dans la lutte contre Daesh.

    Une fable qui cède le plus souvent à la facilité complotiste: l'EI est une créature de Bachar Al-Assad. Conclusion imparable des derniers rêveurs du printemps arabe: pour vaincre Daesh, il faut renverser Bachar. Et si, après Palmyre, c'était l'État islamique qui renversait Bachar, le maître de Damas serait-il encore coupable ?

    Soucieuse de se montrer réactive, la diplomatie française se hâte lentement. Elle a décidé de prendre une initiative bien de chez nous; Ses partenaires internationaux, dont John Kerry, sont invités le 2 juin à Paris, pour une réunion. Mais que sera Palmyre dans douze jours?  Il suffit d'un ordre pour modifier la trajectoire de nos aéronefs qui bombardent l'EI de l'autre côté de la frontière syrienne. On voudrait enterrer Palmyre discrètement qu'on ne s'y prendrait pas autrement.

    Parce qu'on préfère sacrifier un pan entier de notre civilisation plutôt que de donner une victoire à Bachar, rien ne sera fait pour sauver Palmyre. Dans une quinzaine de jours, quand nos diplomates se réuniront au quai d'Orsay, les ruines fumantes de la ville porteront d'autres stigmates que celles du temps, celles de la furie et de l'indifférence des hommes, celles des duels d'artillerie. Une deuxième fois, et quelque soit le vainqueur, Palmyre sera détruite.   

    * Hadrien Desuin Figaro actualités

    Ancien élève de l'École spéciale militaire de St-Cyr puis de l'École des officiers de la Gendarmerie nationale, Hadrien Desuin est titulaire d'un master II en relations internationales et stratégie sur la question des Chrétiens d'Orient, de leurs diasporas et la géopolitique de l'Égypte, réalisé au Centre d'Études et de Documentation Économique Juridique et social (CNRS/MAE) au Caire en 2005. Il a dirigé le site Les Conversations françaises de 2010 à 2012. Aujourd'hui il collabore à Causeur et Conflits où il suit l'actualité de la diplomatie française dans le monde. 

  • Eric Zemmour : L'opposition démocratique à Assad, la belle blague ! A quand Daech dans Bagdad et Deaech dans Damas ?

    Le roi Ibn Séoud et le président Roosevelt - Entrevue du Quincy, 14 Février 1945 

    Eric Zemmour, une fois de plus, donne une analyse pessimiste mais juste des convulsions du Proche-Orient. Même son assimilation de l'Arabie Séoudite à un Daech qui a réussi, est, à la réflexion, recevable. Les lecteurs de Jacques Benoist-Méchin et de son indispensable Ibn Séoud* s'en étonneront peut-être. Il n'empêche : loin de la sagesse du vieux roi, après sa jeunesse guerrière, l'Arabie Séoudite d'aujourd'hui joue, en fait, le jeu de l'expansionnisme sunnite qui est probablement le fond de sa tradition religieuse et politique. LFAR 

     

     

    * Ibn-Séoud ou la Naissance d'un royaume, Albin Michel, 1955

     

  • Qu'on fiche donc la paix à Poutine ! Par Péroncel-Hugoz

    Vladimir Poutine et le roi Mohammed VI à Moscou en 2002

     

    Depuis le Maroc où il réside, Péroncel-Hugoz traite ici du harcèlement politico-médiatique dont, à son avis, Vladimir Poutine est l’objet de la part du camp euro-américain. Harcèlement qu'il réprouve... Et sa chronique est, une fois encore, fort intéressante.

    peroncel-hugoz 2.jpgLa France a-t-elle annexé l’Alsace-Lorraine en 1918 ? le Maroc a-t-il annexé le Sahara en 1975? L’emploi d’« annexer » au lieu de « récupérer » en dit plus long que des heures de discours sur les arrière-pensées des uns et des autres … Idem avec la Russie et la Crimée. Cette province russe, peuplée majoritairement de Russes, fut arbitrairement rattachée à l’Ukraine en 1954 par Nikita Khroutchev, alors maître rouge de toute l’Union soviétique, et non pas «annexée» mais récupérée par la Russie en 2014, de par la double volonté et de Poutine et d’une large majorité de Criméens. Néanmoins neuf sur dix des commentateurs nord- américains ou européens continuent de dénoncer l’«annexion» de la Crimée, comme l’Algérie officielle (le peuple algérien n’est pas de cet avis, en général) le fait pour le Maroc et son Grand Sud saharien.

    La France actuelle, au lieu de reprendre la fructueuse politique gaullienne de coopération multiforme avec la Russie (que de Gaulle n’appelait pas « Union soviétique », quitte à se faire tancer alors par la gent journalistique de gauche …), s’est intégrée sans gloire ni résistance à la campagne harcelante de Washington et Bruxelles contre Moscou. Une Europe alliée à la Russie, ce qui est dans la nature géopolitique des choses, permettrait seule de dire non à l’américanisation du Vieux Monde. Aussi a-t-on excité Kiev contre Moscou; aussi, Mrs Clinton, entre autres voix états-uniennes influentes est allée jusqu’à comparer Poutine à Hitler…

    Depuis des décennies que je m’intéresse à l’actualité internationale la « reductio ad hitlerum » a été agitée par l’Ouest à l’endroit de Nasser, Castro, Péron, Benbella, Mao, Saddam Hussein, Pinochet, Enver Hodja, N’Krumah, Sékou Touré, Assad père et fils et j’en oublie. D’ailleurs pourquoi toujours Hitler et jamais Staline qui, ayant dominé plus longtemps, a tué encore plus de gens que le Fuhrer ? C’est un autre débat…

    Ajoutons que Poutine, au lieu d’enfoncer son pays dans la décadence, où il sombrait depuis le triste épisode alcoolisé de Boris Eltsine, paraît au contraire être en train de redresser peu à peu la Russie, avec le soutien d’une bonne majorité de ses concitoyens et malgré les cris d’orfraie d’intellos moscovites occidentalisés…

    Loin de ces diabolisations politiques, le Maroc contemporain a poursuivi autant que faire se peut sa diplomatie d’équilibre, recevant Poutine avec égards au Palais royal de Casablanca en 2006 en attendant que Mohamed VI mette à l’ordre du jour son projet de nouvelle visite au locataire du Kremlin, où il alla dès 2002 afin d’établir un «partenariat stratégique» bilatéral. Pour le moment,  Rabat semble avoir répondu aux attentes russes depuis que Moscou, à cause de la Crimée en particulier, subit les effets du blocus européen, et les producteurs marocains livreraient donc à la Russie fruits et légumes que celle-ci importait jusqu’ici surtout d’Europe méridionale. On dit même que quand le Maroc ne peut satisfaire toute la demande alimentaire fraîche des Russes, il prend discrètement sous son pavillon quelques cargaisons vertes dont les agriculteurs espagnols, pris au piège de la «solidarité» euro-américaine, ne savent plus que faire… Le petit axe Madrid-Rabat jouerait-il donc des tours à l’omnipotent axe Washington-Bruxelles ? 

     

    Le 360 - Péroncel-Hugoz

     

  • Roland Dumas : « Bernard-Henri Lévy se prend pour le ministre des Affaires étrangères. Je n'ai aucune sympathie pour ce flibustier de la politique. »

     

    Cette note de Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand, date d'il y a vingt-deux ans. C'était en 1993 ... Déjà ! Est-il utile d'ajouter que les jugements que Dumas et Mitterrand portent alors sur BHL nous paraissent valoir tout autant pour aujourd'hui ?  Flibustier de la politique ... Permanence de sa capacité de nuisance ... C'est à lire ! LFAR

     

    IMG r d.jpg9 janvier 1993 

    Nous sommes en pleine crise d'hystérie à propos de la Bosnie. Monsieur Bernard-Henri Lévy se prend pour le ministre des Affaires étrangères. Il multiplie les déclarations et fustige notre prétendu immobilisme à propos de la guerre en Bosnie. Je n'ai aucune sympathie pour ce flibustier de la politique et son omniprésence médiatique m'agace au plus haut point. (...). 

    À l'Élysée, je fais part à François Mitterrand de l'effet que les déclarations de Lévy suscitent au Quai d'Orsay. Comme à son habitude, il minimise et devant mon air furieux, que je ne cherche pas à dissimuler, il me « cajole » comme il sait si bien le faire :

    « N'y prêtez pas attention, Roland, cela n'a aucune importance mais je suis obligé d'en tenir compte car il a une grande capacité de nuisance. Continuez votre action. Ne vous en préoccupez pas. »

    Il est vrai que la marge de manoeuvre est faible. On ne peut démettre quelqu'un d'une position qu'il s'est lui-même arrogée. L'« affaire» aurait pu en rester là mais elle rebondit quand il invite chez Lipp le président bosniaque, Izetbegovic, en compagnie de Mmes Simone Veil, Élisabeth Guigou, Anne Sinclair, Claire Chazal et de MM. Dominique Strauss-Kahn, Harlem Désir et Dominique Bromberger. Au menu: pot-au-feu pour tout le monde, mais surtout photographes et télévision. 

     

    Roland DUMAS

    Politiquement incorrect, secrets d'Etat et autres confidences, carnets 19884-2014, Cherche Midi 2015  

     

  • Sauver Palmyre !

    Le groupe terroriste s'est emparé hier soir de la quasi-totalité de la ville.

    « Les loups sont entrés dans Palmyre.  Et le monde, au balcon, spectateur indifférent, regarde. »
     
    Dominique Jamet
  • « Tout doit être fait pour empêcher l'État islamique de massacrer Palmyre » - D'accord avec Jack Lang ... Une fois n'est pas coutume

     

    Vous pouvez n'écouter que la première minute de la vidéo qui suit. Jack Lang s'y exprime avec clarté, force, voire avec une certaine violence, sur les menaces de destruction qui pèsent sur Palmyre ... C'est sur cette minute-là que nous sommes d'accord avec Jack Lang. Sa réaction est aussi la nôtre, car, pour toutes sortes de raisons fort évidentes, la destruction de Palmyre serait, en effet, un drame, peut-être pour l'humanité mais surtout pour nous, Français, de civilisation largement gréco-romaine et méditerranéenne ...  

    Lang n'y va pas par quatre chemins : « Je le dis, oui, c'est un drame pour l'humanité. Il faut avoir eu le privilège d'aller à Palmyre, cette cité sublime, magique qui est l'expression d'une immense civilisation. On a le souffle coupé quand on est à Palmyre. Je ne peux pas imaginer une seconde qu'on puisse détruire Palmyre. C'est pourquoi - je ne suis pas un stratège militaire mais ... - tout doit être fait, pas seulement en paroles, par nos gouvernements, par les pays, pour massacrer ces types de Daech qui sont à quelques pas de Palmyre, pour les empêcher de massacrer Palmyre. Il faut sauver, sauver, sauver Palmyre ». Ce que, soit dit en passant, s'emploie à faire - elle seule le peut - l'armée de Bachar El Assad ...

    Le reste de la vidéo se poursuit sur d'autres sujets, où Lang multiplie considérations réalistes de bon sens et utopies ou verbiage ... L'écoute qui voudra. Ce n'est plus, ici notre objet.   

     

     

    RTL

     

  • Si les Ruskofs n’étaient pas là… Les réflexions de Jean-Paul Brighelli sur Causeur

     

    Nous ne partageons pas toujours - ce qui d'ailleurs n'a rien d'anormal - les positions de Jean-Paul Brighelli. Par exemple son attachement sans conditions aux Lumières et à leurs suites. Sur ce point nous sommes plutôt de l'avis de Houellebecq qui considère que les Lumières sont éteintes. Et pense que la République n'est pas un absolu transcendant. Ni éternel. En revanche, nous sommes tout à fait en accord avec les critiques que porte Jean-Paul Brighelli dans les lignes qui suivent : à l'égard du gouvernement français qui n'a pas cru devoir être représenté à un niveau convenable lors des cérémonies du 9 mai à Moscou - ce qui est, en effet, une honte - et, d'autre part, à l'égard de la grande vague pédago que la jeunesse de France subit depuis quarante ans. Les termes sont violents. Mais la critique sonne juste ! LFAR

        

    985859-1169345.jpgVous vous souvenez peut-être de cette chanson quelque peu révisionniste — gestuelle comprise :
    « Si les Ricains n’étaient pas là,
    Nous serions tous en Germanie… »
    Réécriture de l’Histoire, pensons-nous à l’époque où nous nous demandions s’il fallait ou non brûler Sardou… L’Histoire, nous disions-nous, en vrais marxistes que nous étions, ne se manipule pas comme ça…

    Mais nous ne connaissions pas les profs d’Histoire post baby-boom. Après 30 ans d’enseignement de la Seconde Guerre mondiale par les diplômés du système Meirieu, que savent les Français formés par nos merveilleux enseignants de gauche et des IUFM réunis ? Que ce sont les Américains qui ont gagné la guerre. Les Russes — les Soviétiques, exactement — ont disparu de leur mémoire. 70 millions de morts pour rien.

    J’ai trouvé ces merveilleuses statistiques sur un site intitulé Histoire et société et qui a ouvert pour l’occasion une page baptisée, en hommage à Michéa (et un peu à la Fabrique) « Enseignement de l’ignorance ». Les statistiques qui y sont citées sont impitoyables. Après quarante ans de pur pédagogisme, les Français ne pensent plus que des Russes ont œuvré magistralement à la chute d’Hitler. On leur a appris quoi, en classe ?

     

    sondage-nation-defaite-nazis-442x300.jpg

     

    Question rhétorique. À l’heure où la Chrétienté médiévale, l’Humanisme et les Lumières sont « optionnels » (et nombre de profs d’Histoire — je ne dis pas historiens, hein, mais ils le prétendent, ils le prétendent tous — comme si les profs de Lettres se disaient écrivains ! — ont clairement fait comprendre qu’ils approuvaient la réforme du collège et des programmes d’Histoire « enfin débarrassés du roman national » — pauvres mecs !), je ne sais pas trop si je peux me fier à eux pour faire comprendre aux gosses que Voltaire vaut mieux que laurence de cock (pas de majuscules pour les minus habens).

    D’autant que tous ces imbéciles, qui ont voté Hollande en 2012 (nul n’est à l’abri d’un mauvais choix) s’apprêtent à récidiver — et là, ça devient de l’obstination. Hollande qui a préféré passer le 9 mai (le décalage horaire fait que la victoire est fêté à cette date en Russie) sous les cocotiers au lieu de se joindre à la commémoration moscovite, où 300 000 manifestants après le défilé militaire d’usage, ont défilé en tenant à la main les portraits de leurs parents combattants de la « grande guerre patriotique » — Poutine en tête. Dis, François, il faisait quoi, ton père, pendant la guerre ?

    Je ne suis heureusement pas le seul à trouver ça minable. Les réactions ont plu, à droite comme à gauche — encore heureux ! «L’absence de Hollande est un affront diplomatique autant qu’historique, écrit Mélenchon. J’appelle cela par son nom : c’est une honte. Je souffre pour mon pays qui donne à voir un visage insupportable de sectarisme». Ian Brossat, adjoint (PC) à la Mairie de Paris, voit dans ce boycott organisé par les lèche-semelles de l’OTAN « une honte et une injure », et dénonce cette réécriture de l’Histoire : « Que David Cameron, Angela Merkel et leur allié obéissant, François Hollande, fassent passer leurs préoccupations géopolitiques conjoncturelles avant le respect dû aux morts laisse pantois. Sous prétexte de faire un pied-de-nez à Poutine, ils font un affront à l’histoire », écrit-il. Même son de cloche chez Dupont-Aignan : « Une honte devant l’Histoire. Un affront pour l’avenir ». Il n’est pas le seul. Droite et Gauche confondues sont indignées par la réécriture de la Seconde Guerre mondiale par le PS et ses affidés.

    Oui. Réécriture. À qui la faute ? Qui a été chargé de l’instruction des chères têtes blondes ou brunes dans ce pays depuis les années 70, où nous n’avions, nous, aucune hésitation quand on nous demandait qui avait libéré Auschwitz le 27 janvier 1945 (tiens, Hollande ne s’est pas rendu non plus aux commémorations — il doit croire lui aussi que ce sont les Ukrainiens qui ont libéré des Juifs qu’ils avaient largement contribué à exterminer) ou qui avait accroché quel drapeau sur le Reichstag le 1er mai de la même année ? Et nous savions bien que si les Alliés avaient bravé le mauvais temps le 6 juin 44, c’était pour ne pas laisser les Russes délivrer seuls la totalité de l’Europe.

    Ça leur arracherait la gueule de dire que Staline a gagné à Stalingrad — et ailleurs ? Et que les Soviétiques ont payé le plus lourd tribut à la victoire finale ? Et qu’ils ont des raisons de ne pas supporter que des groupuscules néo-nazis alimentent le gouvernement ukrainien actuel ? Poutine s’est même payé le luxe de remercier les Occidentaux pour leur participation à la victoire. Près de lui, les présidents indien et chinois — bref, tout ce qui va compter dans le monde dans les prochaines années. Le nôtre, de président, se faisait des selfies à Saint-Martin et à Saint-Barth. Bronze bien, pépère… Pendant ce temps, Florian Philipot tweete que cette absence de la France à Moscou est « une offense au peuple russe ». Comment ceux qui s’apprêtent à voter PS parce qu’ils se croient de gauche peuvent-ils supporter que la politique de Hollande donne au FN l’occasion de se draper en bleu-blanc-rouge et de se dire « républicain » ? Ah, ça doit être quelque chose, leurs cours !

    Il faut être singulièrement taré pour ne pas comprendre — comme l’avait fait De Gaulle avant tout le monde — que le soleil se lève à l’Est, et que dans les temps à venir, une nation de troisième ordre comme la France a tout intérêt à ne pas se mettre à la remorque des Allemands, qui ne voient en nous que les vaches à lait de leurs retraités. Et que l’Europe ne pèsera pas bien lourd face à un conglomérat russo-chinois.

    Oui, décidément, l’enseignement de l’ignorance a de beaux jours devant lui. Avec des profs d’Histoire de ce tonneau (et qui d’autre pourrais-je impliquer dans ce révisionnisme insupportable, puisqu’il y a quarante ans, avant que ne déferle la grande vague pédago, nous savions, nous, formés « à l’ancienne », qui avait gagné la guerre ?), c’est sûr que l’on assistera prochainement à des cours d’une objectivité insoupçonnable. Documents à l’appui. Et en bande sonore, ils se passent Sardou ?

    Et ça hurle quand des voix s’élèvent contre le programme de Vallaud-Belkacem ! Et ça explique que si une super-commission patronnée par Pierre Nora se met en place, on « risque » d’en revenir à plus de chronologie !

    Je serais inspecteur, je serais impitoyable avec tous ces petits-maîtres de la désinformation. Je sais bien qu’on les garde parce que personne ne veut faire ce métier de chien. Mais franchement, il y a des révocations qui se perdent. Ou tout au moins des rééducations. 

    Source : Causeur

     

  • Rufin : « BHL, ministre des Affaires étrangères officieux depuis 20 ans ... Mais il ne suffit pas de dégommer un dictateur »

     

    (Thomas SOTTO - Europe 1)

    Invités : Jean-Christophe Rufin, écrivain, membre de l’Académie française, et ancien diplomate

    Pour Jean-Christophe Rufin, Bernard-Henri Lévy est le ministre des Affaires étrangères officieux depuis 20 ans. Il a entrainé Jacques Chirac à s'engager au Kossovo, Nicolas Sarkozy en Libye et François Hollande en Syrie.

    L'avis de Lafautearousseau : Jean-Christophe Rufin dit ici très exactement sur quels principes doit - ou ne doit pas - se construire la diplomatie, la politique étrangère d'un Etat. Le nôtre en particulier. BHL incarne l'archétype de la politique étrangère, de la diplomatie qu'il convient de rejeter. 

     

     

     

      

  • Ils sont fous, ces Anglais ! Retour sur le Royal Baby mais surtout sur la spécificité anglaise, avec Dominique Jamet ...

    La Grande-Bretagne a, ces jours-ci, une double actualité : la naissance du royal baby et l'engouement paradoxal qu'il suscite - dont Frédéric Rouvillois a analysé les causalités hier, ici-même - et la très incertaine consultation qui se déroule aujourd'hui pour élire le 56e Parlement du Royaume-Uni. Dans le billet politico-humoristique qui suit, Dominique Jamet a donné, dans Boulevard Voltaire, sa perception de la spécificité anglaise. Laquelle se caractérise d'abord par ce fait, difficilement exportable chez nous, que le peuple anglais, de façon très naturelle et spontanée, n'a jamais accepté que sa souveraineté et son indépendance puissent être si peu que ce soit amoindries. Dans ou hors de l'Europe n'a pour lui, en ce sens, qu'une relative importance ... LFAR     

     

    3312863504.jpgIls sont fous, ces Anglais. Et pas du chocolat Lanvin, comme feu Salvador Dalí, qui avait dû toucher de substantielles royalties pour se fendre de cette déclaration immortelle et feindre de s’en pourlécher les moustaches. Non, fous d’un royal baby de trois kilos sept cents grammes né sans complications, en toute simplicité, dans une clinique à 7.000 euros la nuit, de la princesse Charlotte Diana Elizabeth, qui pourrait bien devenir un jour leur reine si son arrière-grand-mère, son grand-père, son père et son frère aîné venaient à faire défaut, et qui, à défaut de jamais les gouverner, règne déjà sur leurs cœurs et donne un coup de fouet bien venu à l’économie nationale. Complètement gagas de ce petit bout de chou et prêts à se ruer sur les magazines, les layettes, les mugs, les théières, les assiettes, les robes et les napperons qui rappelleront le considérable événement dont Kate ex-Middleton et duchesse de Cambridge vient d’accoucher.

    Peuple bizarre qui n’hésita pas à décapiter son roi un siècle et demi avant que nous en fissions autant au nôtre mais qui entoure d’une dévotion fétichiste les représentants de la dynastie germano-germanique dont les hasards matrimoniaux ont fait le symbole vivant de l’unité nationale. Peuple curieux qui roule à gauche et vote à droite. Peuple étrange où l’usage est qu’un Premier ministre, s’il vient à être battu aux élections, quitte à jamais la scène politique (une exception, de taille : Winston Churchill). Peuple qui ne fait rien comme tout le monde.

    Il y a des décennies qu’outre-Manche comme de ce côté du Channel, l’Europe, plus exactement l’adhésion à l’Union européenne, avec les abandons de souveraineté, les servitudes, à proprement parler, qu’elle a entraînés, fait débat. Il y a quelques années que les sondages font ressortir régulièrement qu’une majorité de citoyens britanniques sont plutôt partisans de distendre, de renégocier, voire de rompre les liens qui attachent leur pays à la construction boiteuse et bancale dont le siège est à Bruxelles.

    Or, figurez-vous que, de la même manière que l’an dernier le gouvernement de Sa Majesté avait invité les électeurs écossais à dire en toute liberté et en toute sérénité s’ils voulaient demeurer dans le Royaume-Uni ou s’en séparer, sachant que, quelle que fût leur réponse, celle-ci serait prise en compte, le Premier ministre sortant, David Cameron, s’est engagé, s’il est reconduit jeudi à son poste, à consulter ses concitoyens, au plus tard en 2017, par référendum, pour leur demander de décider souverainement et tranquillement s’ils entendent diluer l’indépendance britannique dans la soupe fédéraliste ou redevenir maîtres de leur destin, étant entendu, quelle que soit leur réponse, que le pouvoir exécutif s’inclinera devant le verdict de son peuple. À n’y pas croire…

    C’est bien la peine d’avoir conservé la monarchie pour donner des leçons de démocratie à la terre entière, à commencer par un pays que nous connaissons bien et qui passe son temps à prétendre qu’il lui a donné naissance en 1789.

    Oui, décidément, ils sont fous, ces Anglais, comme dirait Astérix.   

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    - Boulevard Voltaire

     

  • La « Marocophobie » de Boutef’ vue du Maroc

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    Pourtant natif d’Oujda, le président algérien Abdelaziz Bouteflika développe une haine pathologique à l’égard de tout ce qui a trait au Maroc. Le36 de la semaine dédie à cette allergie du « Raiss » son troisième épisode.

    Par Le360 le 28/11/2014

     

    Nous trouvons cette vidéo à la fois trop drôle et trop instructive pour ne pas la diffuser sans tarder bien qu'elle soit en arabe. Mais les images parlent d'elles-mêmes. Et il y a, aussi, parmi nos lecteurs, un certain nombre d'arabophones ou de personnes qui comprennent - ou même parlent - l'arabe. 

    Plus sérieusement, cette vidéo drôle nous rappelle que les pays arabes sont loin de former un bloc et ne doivent pas être considérés comme tels. Secondement, elle devrait nous alerter sur la situation de l'Algérie, Etat qui fait face à la France, de l'autre côté de la Méditerranée, et dont nous hébergeons quelques millions de ressortissants ou d’immigrés naturalisés. Gouvernée depuis plusieurs années par une momie, en réalité par la Direction de la Sûreté algérienne et les militaires qui ne semblent pas pressés ou pas capables de lui trouver un successeur, menacée par le terrorisme et l’islamisme, minée par le chômage, notamment des jeunes, par la corruption de ses dirigeants, par la misère de son peuple, l’Algérie peut sembler, aujourd’hui, à nombre d’observateurs, un pays au bord du gouffre. L’on peut d’ailleurs se demander si la baisse mondiale des prix des hydrocarbures ne pourrait pas concourir à l’y pousser. 

    Nous voici loin de notre vidéo. Mais pas tellement, tout de même … Lafautearousseau  ♦ 

  • Stratégies pour le XXI ème siècle, par Jean-Louis FAURE

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    Du 8 au 11 novembre nous venons d’être les témoins éloignés d’une réunion de 21 pays à Beijing, qui représentent 60 % de la richesse mondiale, environ 3 milliards d’êtres humains à la surface du globe et la moitié du commerce mondial, répartis des deux côtés du Pacifique : le sommet de l’APEC, Asia Pacific Economic Cooperation, le second qui se tenait en Chine, après Shanghai il y a 13 ans

    La France n’eut pas d’observateurs, pas plus d’ailleurs que cet invertébré que certains appellent l’Europe.

    Par la densité des échanges et l’importance des décisions prises, cette réunion annuelle aurait dû retenir toute notre attention. Au lieu de quoi la couverture médiatique de l’évènement fut des plus succinctes et pusillanime.

    En 2001 la Chine était considérée comme un pays pauvre. Sept ans plus tard les jeux olympiques de 2008 furent une première démonstration de puissance. Treize ans après Shanghai qu’avons-nous vu ? Une fantastique progression. Un axe Pékin – Moscou qui prend forme, des accords historiques entre la Russie et la Chine, une Chine qui s’impose en futur maître du monde. L’alliance entre la Russie et la Chine apparaît non plus comme un épiphénomène temporaire dicté par les récentes circonstances géopolitiques mais comme une orientation stratégique profonde qui devrait façonner de manière durable le 21ème siècle.

    Moscou redessine avec Pékin la carte des grandes alliances mondiales. Au-delà des grands accords dans l’énergie qui structurent leur nouvelle coopération, la Russie et la Chine prennent ensemble du recul par rapport à l’Occident sur fond de crise ukrainienne. L'union eurasiatique de Vladimir Poutine commence à prendre forme.

    Il est peu probable que la Chine puisse se substituer totalement à l’Europe pour la Russie qui reste malgré tout une puissance européenne tant culturelle qu’économique, mais il est évident que, à valeur économique égale, le Kremlin favorisera dorénavant les projets de coopération avec la Chine et l’Asie au détriment de l’Europe. Le projet de TGV Moscou-Pékin ou la décision de la banque VTB de faire migrer sa cotation boursière de Londres à Hong-Kong, sans même parler de l’accord sur un deuxième gazoduc qui passerait par le Xinjiang, n’en sont que les signes avant-coureurs.

    « La Russie et la Chine doivent résister aux pressions de Washington et rester unies dans l’intérêt du monde entier. » Le leader chinois Xi Jinping ne pouvait pas être plus clair lorsqu’il s’est adressé au président russe Vladimir Poutine. Pour sa part, le dirigeant russe, a déclaré que « l’alliance du futur » réside dans le partenariat Yuan-rouble. C’est-à-dire dans l’abandon par deux des principales puissances économiques mondiales du dollar pour les échanges dans le domaine de l’énergie (puisque Moscou et Pékin ont signé une alliance aux proportions gigantesque dans ce domaine, 400 milliards équivalent $ sur 30 ans), mais également dans le secteur du marché de l’armement. Le sommet de l’APEC ces 10 et 11 novembre a marqué un changement majeur dans les équilibres internationaux.

    Tous les observateurs ont conclu qu’un coup d’arrêt brutal vient d’être marqué contre les États-Unis.

    La principale raison est que l’APEC a choisi de suivre la Chine sur le chemin, encore timide et expérimental, d’un traité commercial centré sur l’Asie, qui offre une alternative et se pose en concurrent direct du traité TPP proposé par Washington à certains pays de la zone (une douzaine) et qui excluait précisément la Russie et la Chine. Les 21 Etats membres ont réaffirmé leur engagement en faveur du projet de libre-échange promu par Pékin. Le tout en actant le lancement, à l’APEC, d’une étude de faisabilité concernant une vaste zone de libre-échange impulsée par la Chine.

    Sans parler du fait que la plupart des accords signés entre Xi Jinping et Obama – dans le secteur commercial, militaire, antiterroriste, de la Santé, et des infrastructures – sont plus avantageux pour la Chine et pour sa projection au plan international que pour les États-Unis. La relation entre la Chine et les Etats-Unis a connu plusieurs développements positifs en marge de l'Apec. Outre un accord pour faciliter grandement l'entrée des Chinois sur le territoire américain, les deux pays se sont entendus pour une levée des droits de douane sur une vaste gamme de produits dans les technologies de l'information, des consoles de jeu aux systèmes GPS. Il s'agit d'un pas important pour tous les intervenants du secteur, car l'Organisation mondiale du commerce avait dû bloquer un projet de libéralisation des échanges dans ces domaines, en raison des différends entre Pékin et Washington. En débloquant ce dossier, les deux premières puissances mondiales ouvrent la voie à une vaste négociation qui pourrait réduire à zéro plus de 200 droits de douane, selon la Maison-Blanche. Une volonté nette, donc, de s'afficher unis sur un dossier qui concerne le monde entier. 

    Devant un parterre de plusieurs centaines de chefs d’entreprise, le leader chinois a exalté le rôle de la Chine dans l’économie mondiale, faisant remarquer que les investissements chinois prévus pour les 10 prochaines années s’élèveront à 1.250 milliards de dollars. Deux exemples: accorder au Canada plus de 8 milliards de dollars de quotas d’investissements en yuans en Chine, après s’être engagé à investir 42 milliards de dollars chez le grand allié pakistanais. Elle a décidé d’ouvrir ses banques et ses fonds de pension aux investisseurs internationaux.

    Le leader chinois a annoncé que Pékin investira pas moins de 40 milliards de dollars dans le fonds visant à développer des infrastructures dédiées à la Silk Road Economic Belt, une réédition de la « Route de la Soie » basée sur un projet d’infrastructures multimodales qui reliera le géant asiatique à l’Europe à travers une route terrestre (qui se calque sur l’ancienne Route de la Soie) et une autre maritime. 

    Une stratégie qui vise clairement à réduire la dépendance de ces régions vis-à-vis de l’hégémonie américaine le long des voies de communication maritimes et qui pourrait pousser Pékin à maintenir un rôle actif en termes de politique étrangère, en particulier en recherchant une plus grande stabilité en Asie centrale et au Moyen-Orient, entrant ainsi en collision frontale avec les plans américains de déstabilisation et les intérêts économiques de l’Union européenne.

    C’est une véritable refonte des équilibres et des rapports de force au plan international à l’avantage évident de la Chine, en passant par-dessus les narrations occidentales bâties sur des questions qui, sur le plan des relations entre grandes puissances, nous semblent véritablement de peu d’importance.

    Que déduire de tout ceci ? C’est assez simple : Poutine lance un signal aux Européens. Si l’Europe maintient son allégeance aux États-Unis, et continue à vouloir avoir le contrôle des gazoducs d’Ukraine, alors la Russie vendra son gaz ailleurs. Un autre point important, est que dans le cadre de ces accords, il y a une vraie nouveauté, explicite et exposée publiquement : l’échange pétrolier-gazier, et tous les investissements chinois en Russie, et les rapports bancaires se feront sur la base d’échanges en roubles-yuans. Un nouvel avertissement très clair aux États-Unis d’Amérique, et aux marchés occidentaux.

    Il resterait à compléter le papier de Champsaur du 28 Mai 2013 dans Lafautearousseau sur le complexe militaro-industriel chinois (il faut y inclure l’aviation civile), qui continue à avancer à grands pas. Sujet assez vaste qui demande un exposé spécifique.

    La situation internationale se fait de plus en plus difficile et inquiétante, car ces changements, qui se font en partie sous la contrainte, amèneront des bouleversements dont on mesure mal la nature, à brève échéance, mais qui auront un impact stratégique majeur à plus long terme, pour tous les grands protagonistes mondiaux. ♦