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Histoire & Actualité • Le mensonge est présent à chaque étape de l'histoire des Etats-Unis d'Amérique
6 mars 1836 : l'invention de l'agression mexicaine contre David Crockett à Fort Alamo
L'article de notre rubrique en deux mots publié hier : « Frappes en Syrie ? Il est urgent que la France se tienne scrupuleusement à l'écart de ces manœuvres oiseuses » a suscité différents rappels historiques d'Antiquus dont, dans un autre commentaire, Richard a trouvé comme nous qu'ils étaient faits « bien à propos ». On les lira avec intérêt. LFAR
Le commentaire d'Antiquus
Les Etats Unis d'Amérique ont un besoin permanent de mensonge. Le « story telling » leur est indispensable, tout simplement parce qu'ils ne peuvent pas se mobiliser sans avoir conditionné leur opinion publique. Et cette nécessité de forgerie est présente à chaque étape de leur histoire.
Ainsi l'invention de l'agression mexicaine contre David Crockett à Fort Alamo, l'invention de la canonnade du « Maine » par les Espagnols, ou encore la sinistre manipulation avec le torpillage du Lusitania, qui transportait au moment de l'attaque 5 248 caisses d'obus, 4 927 boîtes de 1 000 cartouches chacune et 2 000 caisses de munitions. Dans cette affaire, la Royal Navy était complice, puisqu'elle ordonna au destroyer chargé d'escorter le navire de revenir au port. Le but étant de soulever l'opinion américaine car la grande majorité des passagers était américaine.
De même l'attaque contre l'Irak avec les armes de destruction massive et les faux bébés massacrés par Saddam. Toute l'Histoire des USA n'est que mensonge... et oubli car le peuple américain n'a pas de mémoire.
Cela dit, rappelons que, parmi les chefs d'Etats réunis dans le cadre de l'OTAN, Mitterrand fut le seul à pointer du doigt les contre-vérités préparées par les services américains, avec une apostrophe ironique, du style « vous n'avez pas besoin de nous conditionner par des salades invraisemblables pour que nous acceptions votre politique ». Il semble que M. Macron n'ait pas cette lucidité gouailleuse. Tant pis. •
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Livres • « L’Essence de la modernité »
Allégorie de la Révolution Française avec la déclaration des droits de l'homme de 1789
Présentation de L’Essence de la modernité de Rémi Hugues
En affirmant qu’ « un agnosticisme rigoureux à l’égard de l’idée de modernité est peut-être impraticable », Paul Ricœur, devenu quelques années après sa mort une figure intellectuelle éminente de la République macronienne, admet dans son essai La Mémoire, l’histoire, l’oubli que l’âge moderne ne correspond pas à un déclin du religieux proprement dit, mais plutôt à la transformation radicale de la manière d’appréhender la religion.
Ne serait-il pas plus juste de considérer que la modernité a inauguré une époque nouvelle de flottement religieux et d’espérance en un âge d’or terrestre ? La modernité serait à cet égard une phase transitoire conduisant vers un futur que l’homme nouveau issu de la révolution de 1789 juge fort désirable. Cet ouvrage dévoile les coulisses de cet âge où l’humanité s’est mise à croire en une utopie qui avait fait peau neuve.
Recension
par Claude Timmerman
Voilà un essai dérangeant pour la « rien-pensance » qui régit aujourd’hui tant le « politiquement correct » que le « médiatiquement formaté », les deux piliers du nouveau façonnage sociétal qui incarnent précisément, dans ce qu’elle a de visible, « la modernité ».
Pour l’auteur, « restreindre la définition de la modernité à une attitude donnée, indépendante de toute temporalité, est un écueil à éviter lorsque l’on poursuit cette quête consistant à l’identification de son essence au sens socratique… »
« La modernité n’est pas seulement un état d’esprit plus favorable au futur qu’au passé. Elle s’inscrit dans le temps, et secondairement dans l’espace. Ce volume a pour objet de préciser cet espace-temps, il ambitionne, on l’a dit, d’extraire l’essence de ce mot tant usité par nos contemporains. »
Être « moderne » – le maître mot de Lionel Jospin, qui le mettait médiatiquement à toutes les sauces pour justifier ses décisions – n’est pas en fait une attitude nouvelle, spontanée, générée par un certain enthousiasme générationnel, c’est paradoxalement adhérer à un mode de pensée et d’action qui résulte d’un cheminement intellectuel précis débouchant sur un nouveau schéma sociétal où l’immédiateté reste, par nature, gage d’obsolescence.
C’est précisément à l’analyse de ce cheminement, à la découverte de ses origines, à l’exposé de ses racines historiques, ethniques et religieuses et à l’élaboration de ses synthèses idéologiques, que nous convie l’auteur.
Une analyse qui invite le lecteur à reconsidérer – à la lumière d’éléments judicieusement choisis et intentionnellement mis en regard – une image convenue et banalisée de la modernité où se conjuguent amélioration du confort, libertés individuelles exaltées jusqu’à la permissivité, mondialisme et démocratie…
Un voyage dans le monde des idées qui nous transporte à travers tout le monde occidental depuis ses racines bibliques d’un judaïsme mythifié, débouchant sur le christianisme ciment de la royauté, jusqu’aux constructions messianiques du sabbataïsme et du frankisme qui influèrent directement sur les théoriciens révolutionnaires, maçons, républicains, puis marxistes ; ceux qui présideront à l’instauration de la laïcité devenue une dogmatique omniprésente dans notre idéologie politique moderne, gage de « rationalité ».
Et Paul Ricœur s’interroge : « un agnosticisme rigoureux à l’égard de l’idée de modernité est peut-être impraticable. »
L’auteur appuie sa démonstration sur une riche illustration bibliographique, qui s’avèrera d’autant plus dérangeante pour la bien-pensance normative actuelle qu’elle en appelle bien souvent à des « monstres sacrés » consacrés au XXe siècle comme Freud ou Marx, voire Levinas pour ne signaler que ceux-là…
Une analyse sans concessions qui n’hésite pas à s’attaquer courageusement aux mythes fondateurs de notre épopée civilisationnelle (tel le refus de l’existence de Moïse en tant que personne physique) pour relier à nos racines religieuses les plus anciennes les excès actuels d’un fondamentalisme régénéré en réaction au nom de la mystique, politique, de la modernité.
Certains lecteurs, peu avertis de ces questions ou déjà trop sûrs des vertus dites démocratiques, seront sceptiques à l’idée de supposer que le terrorisme islamique soit finalement favorisé par l’Atlantisme et s’avère objectivement le meilleur auxiliaire d’Israël, comme d’autres hésiteront à admettre que la révolution ukrainienne ait pu être financée par des intérêts sionistes, notamment par Soros instigateur par ailleurs de la création des femen…
Un exemple parmi d’autres pour nous faire interroger sur les origines du féminisme, l’un des derniers avatars sociétaux de la modernité…
Nous ne suivrons pas forcément l’auteur dans l’idée que les pyramides d’Egypte aient « survécu au déluge », ni dans l’hypothèse que le gauchisme islamique est une création iranienne émergeant sur la scène politique à travers la personnalité de l’ayatollah Khomeiny, mais force est de constater que les idéologies violentes - qui s’épanouissent aujourd’hui dans l’islam salafo-wahhabite récemment rejeté par le sunnisme - trouvent leur origine dans les groupes extrémistes juifs tels les Sicaires, comme l’enseigne très justement le professeur de criminologie Bauer, maçon, ancien Grand Maître du Grand Orient…
(L’islam iranien est chiite et n’obéit pas à cette philosophie…)
Sur le plan économique cette modernité s’est traduite par l’émergence du capitalisme, comme elle s’est identifiée à la démocratie sur le plan sociétal.
Une démocratie dont on sait aujourd’hui comment elle a été détournée par le marxisme triomphant et instrumentalisée par des appareils politiques dans les « républiques libérales » où elle sert toujours aujourd’hui de caution à leur légitimité.
Cet essai est donc une réflexion utile pour tous ceux qui voient encore, dans cette modernité qui s’avère désormais agonisante, l’espérance d’un futur qui serait plutôt… un naufrage ! ■
L'Essence de la modernité, de Rémi HUGUES, Edilivre, 2018, 292 pages, 20,50 €
Claude Timmerman
Biologiste et environnementaliste, éditorialiste et conférencier -
Cinéma • La Prière
Par Guilhem de Tarlé
La Prière, un drame de Cédric Kahn, avec Anthony Bajon (Thomas), Louise Grinberg (Sybille), Hanna Schygulla (Sœur Myriam).
Sans doute La Scène incongrue de Thomas et Sybille était-elle le prix à payer pour la distribution de ce film, sans laquelle on pourrait dire de cet opus qu' il est tout simplement, intrinsèquement, prière.
Durant 1h50 les spectateurs communient dans une action de grâce, un Deo gratias, pour ces communautés - et il en est une semblable ici en Berry - qui accueillent et qui soignent par la prière et par le Travail (ora et labora selon la règle Bénédictine) ces garçons et ces filles que la drogue voulait détruire.
Un véritable documentaire, dont la réalisation a pourtant été dénoncée (si la note que j'ai sous les yeux n'est pas une fake news) par la communauté du Cenacolo selon laquelle « l'intuition du film (aurait) germé dans le cœur du réalisateur lors d’une visite de (leur) maison de Lourdes ».
Alors pourquoi un tel reniement ? Peut-être à cause des gifles de Sœur Myriam... Plus sérieusement sans doute parce que cette fiction dévoile la fragilité de ces résurrections : est-on bien sûr que Thomas ne retombera pas ?
Malgré le Chant de l'Espérance
Il me dit « reprends courage,
L'espérance est un trésor,
Même le plus noir nuage
A toujours sa frange d'or ».Malgré la prière, ce film n'est-il pas profondément pessimiste ?
Les garçons et les filles qui racontent leurs histoires restent enfermés dans la communauté. Ceux qui ont cru pouvoir en sortir y sont retournés bien vite, y retrouver sa protection.
Le film pèche par l'absence de preuves de succès, d'hommes et de femmes qui reviendraient plusieurs années après, témoigner de ce qu'ils sont devenus, comment ils ont réussi leur vie.
Finalement est-ce la prière qui sauve ou la vie en communauté ?
Je te demande pardon, Seigneur, pour mon manque de foi. •
PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.
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Frappes en Syrie ? Il est urgent que la France se tienne scrupuleusement à l'écart de ces manœuvres oiseuses
Syrie, un jardin sur l'Oronte
Ce sont des événements graves qui se déroulent en ce moment d'un bout à l'autre du monde, notablement en Syrie. Et qui alimentent comme s'il en était besoin, ce climat de lourde tension internationale qui se développe dangereusement en diverses régions du globe. Et qui, même si l'on trouvera que nous employons de grands mots, évoquent comme une avant-guerre.
Les présidents Trump et Macron se téléphonent beaucoup ces jours.ci à ce que l'on dit, et nous craignons fort que ce ne soit pas pour de sages décisions. L'envoi de missiles sur la Syrie pour détruire de supposés stocks d'armes chimiques nous paraît être une sottise de plus venant de pays - dont malheureusement le nôtre - qui en ont déjà accumulé un certain nombre et des plus graves. Par exemple en Irak et en Libye. Nous avons eu les conséquences du chaos qui s'y est établi consécutivement aux interventions dites occidentales et sans-doute les aurons-nous encore pour longtemps.
On se souvient que pour intervenir en Irak les Américains avaient répandu sans vergogne de très gros mensonges. Les « armes de destruction massive » que Saddam Hussein était censé détenir et qu'il n'avait pas se sont transmuées en « stocks d'armes chimiques » syriennes dont on n'a pas de preuves formelles mais seulement de « fortes présomptions » que le régime de Damas les aurait vraiment lui-même utilisées il y a deux semaines.
Trump, Macron et sans-doute Theresa May, sans besoin d'aucun mandat dit international, sans-doute impossible à mettre en place, envisagent donc de faire justice, de frapper la Syrie de Bachar el Assad, à titre punitif, et pour lui marquer les limites que les puissances en question lui interdiraient de franchir : la fameuse « ligne rouge » qu'elles ont elles-mêmes fixée. On ignorera longtemps à quel titre.
Des paroles martiales viennent d'être proférées et des menaces guerrières échangées. La tweet-diplomatie, dont Trump s'est fait le dérisoire spécialiste, s'est surpassée. Trump a annoncé des tirs de missiles sur la Syrie ; Moscou a répliqué qu'il les intercepterait, affirmant avoir les moyens de les détruire en vol. Trump a surenchéri, claironnant que ses missiles sont « intelligents ». Mais on sait qu’il faudrait en tirer beaucoup pour que quelques-uns peut-être atteignent leur cible... Paris n'est pas en reste sur ces rodomontades. Quoique plus discrètement, Londres est de la partie. A quoi conduit-elle ? Tout bonnement à un risque de confrontation directe avec la Russie ... Nous n'avons rien à y gagner, beaucoup à y perdre. La France n'a pas de conflit d'intérêts avec la Russie. Et aurait au contraire bien des avantages à s’en rapprocher.
A ce stade, il est probable que ces épisodes ne sont rien d'autre que des gesticulations. Des coups de com' selon la délicate expression en usage dans nos régimes d'opinion. Et il n'est pas tout à fait impossible que les tirs annoncés soient renvoyés aux calendes grecques, d'un moratoire l'autre, ou qu'on finisse par leur substituer à titre compensatoire quelque autre mesure ou sanction moins risquées ...
Mais c'est une erreur de croire que la gesticulation est signe d'exclusion du conflit ; que les armes n'auront pas à parler ; que la folie de la guerre n'est plus à l'ordre du jour. L'Histoire montre que les gesticulations semblables à celles dont nous avons en ce moment le spectacle, en sont parfois les prodromes. Vient un moment où un geste de trop finit par déclencher l'engrenage fatal qui conduit au conflit, à la catastrophe, à la guerre, dont peut-être personne n'avait vraiment voulu.
Notre avis est que la France devrait rester scrupuleusement à l'écart de ces manœuvres oiseuses. Elle n'a ni intérêt à frapper la Syrie ni les moyens d'une guerre de principe, d'une guerre idéologique, morale ou humanitaire. Son intérêt premier est la destruction de Daech et la stabilisation de la Syrie, son retour à une situation d'ordre et de paix relative capable de contenir l'islamisme radical. Frapper Bachar el Assad concourra-t-il à l'un comme à l'autre de ces objectifs ? Nous ne le croyons pas. Au demeurant, les va-t-en-guerre anglo-saxons et français ont-ils trouvé en Syrie quelque force organisée, sérieuse, puissante, non suspecte de plus ou moins secrètes complicités islamistes, qui puisse se substituer au régime d'Assad ? On serait curieux de savoir laquelle, avec un minimum de précision et de détail. Ou bien, comme ils l'ont fait en Irak et en Syrie n'ont-ils songé à aucune perspective d'avenir autre que d'y laisser s'installer l'anarchie et le chaos ? ■
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Les ONG en Méditerranée : des idéologues contre leur patrie
Par Marc Rousset
En date du 15 mars 2018 à 73 miles nautiques de la Libye, une bataille navale a eu lieu en Méditerranée entre l ’« Open Arms » de l’ONG catalane Proactiva et un bâtiment patrouilleur des garde-côtes libyens.
Le code de bonne conduite imposé par l’Italie aux organisations internationales d’aide aux clandestins interdit aux ONG d’entrer en contact avec les réseaux des passeurs, ainsi qu’ils avaient pris la détestable habitude de le faire, en convenant d’un lieu de rendez-vous avant même que les clandestins ne soient officiellement naufragés. C’est ainsi que le « Luventa », navire allemand de l’ONG « Jugend Rettet » a été saisi à Lampedusa.
Formée et équipée par l’Union européenne depuis juin 2016 dans le cadre de l’opération Sophia contre « le trafic de migrants » en Méditerranée, la marine libyenne est de plus en plus efficace. Le 15 mars, les Libyens sont informés par un centre maritime basé à Rome, de la présence d’une embarcation surchargée en difficulté à 73 miles de leurs côtes.
Une véritable course navale s’engage alors avec le patrouilleur qui croise l ’ Open Arms beaucoup plus lent à 10 miles du lieu de naufrage. Furieux, les « humanitaires » mettent à l’eau deux puissants zodiacs qui reprennent l’avantage sur les Libyens et arrivent les premiers sur les lieux. Pendant deux heures, au beau milieu de la mer, les zodiacs humanitaires attendent l’Open Arms, empêchent les manœuvres du patrouilleur ainsi que les naufragés de monter dans le bateau libyen. Finalement le patrouilleur s’écarte et, après une escale à Malte, l’Open Arms est placé sous séquestre par la justice italienne.
L’ONG catalane avait, en fait, lancé un concours avec les gardes – côtes libyens pour que les clandestins africains ne retournent pas en Afrique. La hantise des ONG, c’est qu’un jour les Européens découvrent les vertus de la fermeté australienne ; aujourd’hui il n’y a pas plus de victimes car aucun immigré clandestin indonésien ne tente la traversée sachant qu’il sera renvoyé dans son pays ou acheminé vers un lieu de rétention sur une île quelconque par la marine de guerre australienne.
Selon un sondage réalisé par la Fondation Szazadveg sur l’immigration clandestine, 78% des Européens sont favorables à un contrôle plus serré des frontières externes de l’Union Européenne. Ils font confiance aux États et non pas à l’UE pour sécuriser les frontières. 68% ont une peur « forte » ou « modérée » de l’arrivée massive des migrants africains au cours de la décennie à venir. Ils y voient une augmentation à venir de la criminalité et du terrorisme.
La majorité des sondés ne croit pas aux discours sur les besoins humanitaires des « réfugiés et autres demandeurs d’asile qui ont pour seule motivation : l’économie, les « allocations braguette » et les aides sociales. 73% pensent que l’immigration constitue une charge économique majeure. Bref, un grand malheur et non pas une chance pour l’Europe et la France !
Quand les États européens vont-ils enfin se décider à faire respecter leurs frontières, comme le faisaient leurs pères, en envoyant leur marine de guerre pour empêcher les traversées au large des côtes grecques et turques, plutôt que de payer une rançon de 3 milliards d’euros par an au Sultan Erdogan de la Sublime Porte ?
L’arrivée des migrants en provenance d’Afrique n’a rien d’inéluctable. Les Européens ont cette chance d’avoir une barrière naturelle méditerranéenne que n’ont pas les États-Unis avec les clandestins hispaniques.
Les ONG en Méditerranée ne sont en fait que des idéologues droit de l’hommistes, utopiques, inconscientes, irréalistes, décadentes, des passeurs de migrants, des ennemis de l’identité et de la civilisation européenne. •
Marc Rousset
Économiste
Ancien haut dirigeant d'entreprise
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Maurras en son actualité
Par Axel TisserandCet article comme les précédents publiés hier jeudi est préparatoire à notre colloque Charles Maurras, l'homme de la politique, qui se tiendra à Marseille samedi 21 avril [voir plus loin]. LFARIl est toujours l’ennemi numéro 1. C’est qu’« ils » savent ou discernent fort bien qu’il est différent des autres. Qu’un Askolovitch s’en prenne à lui dans Le Nouveau Magazine littéraire avec une telle violence révèle, en fait, le refus d’affronter la force de l’intelligence. C’est une défaite de leur pensée à eux et la revanche de Maurras. Au fond, ils ne font que prouver qu’il est plus actuel que jamais.
Organisant en 2012 un colloque pour le soixantième anniversaire de sa mort, je soulignais : « L’aversion à l’égard de Maurras est inversement proportionnelle à son éloignement historique. Plus il devient une figure de l’histoire, plus il est honni. Nous sommes passés d’une condamnation de sa doctrine à une damnation de tout ce qu’il représente… ou plutôt de tout ce qu’on lui fait endosser, de ce à quoi on le réduit », en l’occurrence l’antisémitisme. « La pensée de Maurras exprime les ténèbres d’un temps révolu, que les Lumières ont dissipées, mais qui n’attendent qu’une occasion pour recouvrir de nouveau le monde.» (Charles Maurras, soixante ans après, sous la direction d’Axel Tisserand, Questions disputées, Pierre Téqui éditeur, 2013).
Mais pourquoi tant de haine ?
En 2018, la situation ne s’est pas améliorée, elle s’est même dégradée. Si le 150e anniversaire de la naissance de Maurras, né le 20 avril 1868, ne peut pas être tu, il a déjà suscité des polémiques qui ne font pas honneur à l’Intelligence française. Peut-être est-ce un des signes de la déchristianisation de nos sociétés européennes que le besoin renaissant de boucs émissaires, dont la logique, selon René Girard, avait été démystifiée par le sacrifice du Christ. Peut-être, aussi, est-ce là le sens profond, ignoré de son auteur lui-même, de cette « revanche de Dreyfus », formule par laquelle Maurras avait accueilli son verdict fin janvier 1945 devant la Cour de justice de Lyon, et qui lui fut tant reprochée… Maurras condamné comme Dreyfus ? C’est-à-dire, l’un comme l’autre nullement concerné par l’objet du procès : une trahison aussi nécessaire qu’impossible ? Mais, pour que la logique du bouc émissaire fonctionne, sa diabolisation n’est-elle pas une condition nécessaire ? Si le « mannequin » Maurras, campé en 1945 par un faussaire professionnel, Verdenal, inculpé de vols, faux et usage de faux et sorti de prison à cette fin, continue d’être aussi nécessaire, c’est parce que la figure de Maurras, institué ennemi intellectuel n° 1 de la modernité, permet de concentrer en elle tout ce que celle-ci rejette ou refuse d’assumer.
Chaque époque a d’ailleurs les intellectuels qu’elle mérite. En 1952, deux jours seulement après sa mort, André Fontaine écrit dans Le Monde :
« il y a quelque chose d’insultant pour nous dans le fait que cet homme, en qui rien n’était sordide et qui pour lui-même toute sa vie méprisa l’argent, ait passé ses dernières années enfermé au nom de la liberté. […] Devant cette tombe ouverte, devant le corps d’un homme qui, cinquante ans de sa vie, a honoré les lettres et le génie français, ne serait-il plus possible de tenter d’être juste » ?
« Idiot complotiste », « déjà un vieux débris de son vivant » à la « pensée imbécile » et à « la langue prétentieuse », qu’on peut résumer à du « verbiage » et des « mots viciés » : oui, chaque époque a bien les intellectuels et les journalistes qu’elle mérite. Quelle chute vertigineuse, par rapport à novembre 1952, voire à mai 68, quand Le Monde publie une double page centrale pour le centième anniversaire de la naissance de Maurras ! Claude Askolovitch n’aurait pas alors osé écrire le dixième de ses éructations, peut-être déjà parce qu’il n’aurait pas osé les penser. Mais même alors, de peur de se déconsidérer définitivement auprès de ses pairs, il n’aurait pas laissé libre cours à une haine aussi vulgaire, aussi désinhibée, ni à l’encontre de Maurras, ni à l’encontre de Michel Déon, dans un magazine, de plus, à prétention intellectuelle, Le Nouveau Magazine littéraire, et récidivé, quelques jours plus tard, sur lepoint.fr. Un intellectuel, à l’époque, savait encore penser, voire s’empêcher, pour reprendre un mot cher au père d’Albert Camus. Du reste, signant sans vergogne ces propos, plus imbéciles qu’insultants, tout en osant – c’est un comble ! – dénoncer « l’injure et la haine librement répandues » comme « le reflet de ce qu’étaient Maurras et ses soudards du verbe », il avoue lui-même : « En réalité, on se fout de Maurras ! » et peut-être Jean-Christophe Buisson, qui préface chez Bouquins la réédition, prévue en avril, de textes du Martégal réunis par Martin Motte, lui a fait beaucoup d’honneur en lui répondant également sur lepoint.fr. Nous ne le ferons pas.
Une haine révélatrice
Pourquoi ? Parce que ce discours de haine froide revendiquée – « nous osons le haïr », écrit-il à propos de Michel Déon mort – et « librement répandu » dans la presse, en dit plus sur son auteur et tout une f(r)ange de l’intelligence salariée, et serve des tabous imposés par le discours dominant, analysée avec une prescience étonnante par le jeune Maurras de 1905 dans L’Avenir de l’intelligence, que sur Maurras lui-même, qui ne sert plus qu’à incarner, contre les faits, un fascisme qui a perdu en compréhension ce qu’il a gagné en extension, jusqu’à devenir un concept vide. Déjà le quotidien Libération avait servi début février à ses lecteurs le même cocktail de haine et d’amalgame, des universitaires n’hésitant pas à évoquer la mise à l’index républicain des écrivains d’« extrême droite », le « démon » Maurras compris, afin de protéger de leur influence nécessairement brune les intelligences nécessairement fragiles du vulgum pecus. Et avec cela, Askolovitch l’assure, « il n’y a pas d’inquisition démocratique ».
Au-delà de « la morale », tout simplement le vrai
Tout ancien étudiant de Boutang se rappelle que celui-ci, chaque année, trouvait l’occasion d’enseigner à ses étudiants que rien n’est plus « abject » – c’était son adjectif – que de faire honte à autrui. Avoir honte, soit, mais faire honte, ce n’est pas seulement voir la paille dans l’œil de son prochain pour mieux ignorer la poutre dans le sien : non, c’est s’instituer juge suprême des élégances morales. Notre époque, par son moralisme poisseux, a remplacé la dispute sur le Vrai et le Faux par celle sur le Bien et le Mal. De ce bushisme mental, « abject » au sens boutangien du mot, puisque la honte serait l’« apanage » des maurrassiens, Askolovitch est un vecteur assumé. On hésite dès lors à associer son nom à celui d’Alain Finkielkraut, vrai penseur, à la scrupuleuse honnêteté intellectuelle. Aussi ne le ferons-nous pas. Même si, en affirmant, dans Causeur de mars, que Maurras, « à la différence de Barrès […] est insauvable », au fond, il participe, lui aussi, à la diabolisation de Maurras, en le réduisant à son antisémitisme, c’est-à-dire à 1 % de sa pensée, ce qui évite d’avoir à lire les 99 % restants – ceux qui intéressaient Bainville, par exemple, qui ne fut jamais antisémite et déclarait tout devoir à Maurras, fors la vie, notamment son rejet radical du racisme. Maurras n’a d’ailleurs pas attendu le revirement de Barrès pour rendre hommage, en 14-18, dans les colonnes de L’Action Française aux morts juifs pour la France, comme le grand rabbin de Lyon, Abraham Bloch, tué à la bataille de la Marne, ou le ligueur d’AF Pierre David, « héros juif d’Action française » mort pour la France le 1er août 1918. Ni pour accueillir comme ligueurs des Juifs auxquels il ne demandait pas de certificat de baptême. Cela ne justifie en rien l’antisémitisme persistant de Maurras. Cela, en revanche, donne à penser qu’on ne décide pas de « sauver », ou non, un penseur au nom d’une lecture partielle, voire partiale, et d’un manichéisme réducteur.
Maurras n’est pas « le repoussoir providentiel du progressisme mondialisé », dont Askolovitch est d’ailleurs un porte-parole, ou plutôt il ne le paraît qu’en raison de cette défaite de la pensée dont les polémiques de cet hiver sont une illustration particulièrement frappante. Les Français pourront bientôt de nouveau le lire. Et juger par eux-mêmes. Il faudra que « le camp du Bien » s’y fasse ! •
Illustration ci-dessus (dans le texte) : 1936 – Jubilé littéraire de Charles Maurras.
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Crise syrienne : Trump nomme des faucons à la Maison Blanche…et veut quitter la Syrie !
Trio infernal ?
Par Antoine de Lacoste
Les deux dernières nominations de Donald Trump à la Maison Blanche rappellent les pires heures de l’ère Bush et de la criminelle invasion de l’Irak.
La promotion de John Bolton comme conseiller à la sécurité nationale est à cet égard particulièrement symbolique. Il avait en effet milité, avec ses amis du courant néoconservateur, pour cette « invasion préventive ». Il était alors membre important du département d’Etat, l’équivalent de notre ministère des Affaires étrangères. Très proche du vice-président Cheney, chef de file de ces faucons qui parviendront à convaincre l’opinion américaine que l’Irak disposait d’armes de destructions massives.
Cette nomination est tout à fait surprenante car le candidat Trump, n’avait pas eu de mots assez durs contre la destruction de l’Irak : « La pire des pires décisions jamais prises », « Nous avons rendu un très mauvais service au Moyen-Orient et à l’humanité ».
Depuis, jamais John Bolton n’a émis le moindre regret sur ce mensonge d’Etat qui a directement engendré l’Etat islamique.
L’autre nomination n’est pas moins surprenante : il s’agit du patron de la CIA, Mike Pompeo, qui sera nommé Secrétaire d’Etat, dès que le Sénat aura ratifié la décision de Trump. Quand on sait que la CIA a livré de nombreuses armes aux islamistes syriens, dont certaines se sont retrouvées entre les mains de Daesh et d’Al Nosra…
Ces deux nominations semblent liées à l’accord nucléaire iranien que Trump veut dénoncer, malgré l’opposition très forte de ses alliés européens et, bien sûr, de la Russie. Trop de conseillers du Président étaient hostiles à cette dénonciation, notamment Rex Tillerson, qui s’est, semble-t-il fait limoger pour cela.
Avec Bolton et Pompeo, Trump aura deux alliés de poids, deux faucons revendiqués.
Mais nous ne sommes jamais au bout de nos surprises avec Donald Trump : quelques jours après, il annonçait, à la stupéfaction des deux faucons en question, qu’il fallait « quitter la Syrie. Laissons d’autres s’en occuper maintenant. »
Toutefois, bien malin qui peut dire si cette annonce va se concrétiser. Il se pourrait en effet que ce soit une menace envoyée à l’Arabie Saoudite, qui veut que les Américains restent en Syrie pour contrer l’Iran. Et pour cela Trump veut de l’argent : 4 milliards sont demandés à Ryad qui, jusqu’à présent, rechigne.
On croit rêver ? Pas tant que cela.
Trump n’est pas un homme politique : c’est un homme d’affaires qui a décidé de devenir président. Il a su parler à ses clients, les petits blancs d’Amérique qui l’ont élu. Il a ses filiales, l’Europe notamment. Et ses concurrents : la Russie et la Chine. Un ami, Israël et donc un ennemi l’Iran. L’Arabie Saoudite est une filiale, bien sûr : elle doit faire remonter des dividendes, c’est la règle.
Il ne faut donc pas analyser les décisions ou les annonces de Trump en fonction de nos habituels critères géopolitiques ce qui rend toute prévision très aléatoire. •
Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.
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Maurras toujours vivant
Par Hilaire de Crémiers
Cet article et le suivant sont préparatoires à notre colloque Charles Maurras, l'homme de la politique, qui se tiendra à Marseille samedi 21 avril [voir plus loin]. LFAR
Maurras ? Encore ? On croyait avoir oublié ce nom. Il n’était cité que comme exemple de ce qu’il est interdit de penser. Une fois que son nom était prononcé, il n’y avait plus qu’à mettre la main sur la bouche. Les autres auteurs réprouvés, journalistes ou écrivains, ça pouvait passer… mais lui, non !
Et voilà qu’on s’aperçoit que ce nom voué officiellement à toutes les malédictions continue d’exercer, encore et toujours, dans une société en désarroi, sur une jeunesse curieuse et avide de compréhensions politiques, un attrait pour le moins étonnant et qui ne cesse de surprendre les maîtres – ou prétendus tels – de la pensée contemporaine qui l’ignorent superbement dans leur certitude d’en avoir fini avec un tel fantôme. Viendra-t-il encore hanter les nuits de la République ?
Eh bien, oui, le revoilà ! Il a suffi que son nom fût cité dans le Livre des commémorations nationales de l’année 2018 à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de sa naissance pour que ce livre fût envoyé au pilon et que l’ostracisme qui frappe le nom exécré fût renouvelé. Rien ne saurait mieux prouver une réelle et prégnante présence qu’un tel rejet ! Et, précisément, le Haut Comité des commémorations avait estimé que le rejeter n’apportait rien et qu’il valait mieux lui reconnaître toute sa place et rien que sa place. Le ministère de la Culture – qui n’a de culture que le nom – sous la pression des aboyeurs de la crétinerie du fanatisme gauchard qui tient lieu d’inquisition officielle, a décidé de le rayer de l’histoire, de lui dénier jusqu’à l’existence. Plus de commémoration donc ! Mais aussi plus de Haut Comité. Il n’y en aura plus. Tel est l’effet « Maurras » ! C’est l’honneur des membres dudit Haut Comité – dix sur douze – d’avoir compris – sans donner aucunement leur approbation à quoi que ce soit – qu’il était vain et ridicule de supprimer de l’histoire de France un tel personnage qui l’avait suffisamment marquée pour en être inséparable, et ils ont donc démissionné. Ils ont manifesté leur indépendance intellectuelle et confirmé leur sens de la dignité morale en ne ratifiant pas les oukases d’une Culture officielle qui se réfugie pour préserver sa domination dans l’orgueil du déni culturel. Félicitations singulières à Messieurs Jean-Noël Jeanneney, Pascal Ory et leurs collègues pour leur geste qui garantit encore en France la liberté de pensée. ■
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Maurras en vérité
A son procès
Par Christian Tarente
Non seulement « la bêtise n'était pas son fort », comme aurait pu dire de lui Valéry, mais la médiocrité lui était radicalement étrangère. Comment l'image trop souvent donnée de lui peut-elle être à ce point faussée ?
« Le 4 avril 2017, Sarah Halimi, une femme juive, est assassinée de manière effroyable, à son domicile, au cœur de Paris. À n’en pas douter, il faut une certaine déconnexion avec le réel et l’humanité pour battre, torturer et défenestrer une femme de soixante-cinq ans à son domicile en pleine nuit. Mais l’Histoire démontre que la folie, l’usage de stupéfiants ou la haine rance ne sont pas exclusifs de l’antisémitisme. » Sacha Ghozlan, président de l’Union des Étudiants Juifs de France (UEJF), évoquant en septembre dernier le meurtre particulièrement abominable d’une juive, souligne que le caractère sordide du crime n’exclut en rien une motivation antisémite. Cependant, pour les juges saisis de l’affaire, il s’agit de comprendre les véritables mobiles de l’assassin, de discerner, ce qui n’est pas simple, la réalité de ses intentions. Les juges s’y sont appliqués : appelons cela la justice.
LES EFFETS D’UNE RUMEUR PERSISTANTE
Osera-t-on alors demander que ce qui est accordé à l’occasion d’un fait divers crapuleux, le soit également dans une tout autre affaire, celle d’un homme dont on peut considérer qu’il est la victime d’un amalgame largement arbitraire et fait l’objet d’une rumeur, dans le sens de la « rumeur d’Orléans » d’Edgar Morin, très répandue dans l’esprit public ?
C’est un fait que le silence gêné qui s’établit dès que le nom de Maurras surgit dans les conversations constitue le premier degré de cette rumeur, qui s’accommode parfaitement de formules vagues du genre « la part d’ombre » ou « les aspects inacceptables », ou le récent « Maurras n’est pas sauvable » d’Alain Finkielkraut. On a vu, à l’occasion de l’affaire des commémorations nationales, jusqu’à quel degré la fièvre peut monter. Les réseaux sociaux ont, de ce point de vue, un effet accélérateur, alors même qu’aucun élément concret n’est apporté. La rumeur s’amplifie d’elle-même, comme l’effet Larsen bien connu des salles de conférence.
Maurras sert alors d’identification au mal. En ce sens que, s’il n’existait pas, il faudrait l’inventer. Ce qui est principalement visé est clairement son antisémitisme. Sans même que ce soit nécessairement explicite. La condamnation de son soutien à Vichy, notamment, est largement liée à l’idée supposée d’une compromission avec les nazis, et donc d’un certain degré de complicité dans la Shoah. Les autres aspects de sa doctrine et de sa personnalité qui ont été le plus souvent critiqués – son nationalisme (« intégral »), son royalisme, son opposition déclarée aux institutions républicaines et à la démocratie, ou encore sa verve polémique et ses violences verbales – n’apparaissent plus en première ligne. Les accusations d’antichristianisme, voire d’athéisme, comme ce qui lui valut une condamnation papale en 1926, tout cela n’est plus le fait que de quelques clercs ou laïcs marqués par de vieux réflexes démocrates-chrétiens. Par contre, la rumeur de son antisémitisme le recouvre comme une chape de plomb. La stigmatisation continue de le frapper comme si on lui avait jeté un sort.
Une vie qui a exclu toute possibilité de médiocrité
Pourtant, quand on suit le fil complet de l’existence de Maurras, depuis l’enfance bénie à Martigues, la « tragi-comédie » de sa surdité à l’adolescence, la jeunesse brillante mais tourmentée à Aix puis à Paris, la « perte » de la foi, la correspondance avec l’abbé Penon, les articles et les livres de sa première notoriété, les grandes œuvres de la maturité, l’affrontement à une forme de christianisme jugée dévoyée, le combat politique « pour une patrie, pour un roi… les plus beaux qu’on ait vu sous le ciel », les guerres mondiales et la défense éperdue de la France, la correspondance avec le Carmel, enfin la prison rejetée avec hauteur mais acceptée dans la sérénité, tout ce parcours d’une vie exceptionnelle, perpétuellement sous tension exclut toute possibilité de médiocrité. « Ce vieux cœur de soldat n’a point connu la haine », a-t-il affirmé : hypocrisie ? mensonge ? Pour quiconque a pris la peine de suivre Maurras de bout en bout, c’est là une chose rigoureusement impossible. Inutile d’en faire un héros ou un saint. Simplement, par toute sa vie, il a montré que l’antisémitisme vulgaire, « ordinaire », et a fortiori l’antisémitisme criminel et génocidaire, lui étaient radicalement étrangers. Mais alors, dira-t-on, quid de cet antisémitisme revendiqué, de ces dénonciations des hordes juives, de ce Blum « à fusiller mais dans le dos », de ces dérapages verbaux dans les polémiques ?
C’est là où il est devenu impératif qu’on rende enfin à Maurras la justice impartiale qui lui a été refusée en 1945, une justice sereine, sans complaisance, apte à relever les erreurs, les excès, les fameux « dérapages », à redresser ses torts en déterminant leur exacte mesure, en les situant dans la vérité de leur contexte.
Maurras était un soldat que terrifiaient les menaces pesant sur la France. L’idée de voir la soldatesque germanique fouler le sol martégal était « le cauchemar de son existence ». Plus que tout, il avait, à la veille de la Grande Guerre, redouté de voir « cinq cent mille jeunes Français couchés, froids et sanglants, sur leur terre mal défendue. »
« LA MENACE D’UN NOUVEL HOLOCAUSTE… »
Ils furent plus du triple. Après cette première gigantesque catastrophe du siècle – qu’il ne serait pas inapproprié de qualifier de « shoah », selon le terme hébreu que popularisera Claude Lanzmann –, Maurras fut terrorisé à l’idée qu’elle se renouvelle vingt ans plus tard, selon ses propres prophéties et celles de Bainville. Le 6 novembre 1920, il écrivait dans l’Action française : « La victoire a été achetée par 1 500 000 sacrifices humains ! Et le fruit va s’en envoler ! Le malfaisant, le sanglant empire ne sera pas détruit (…) La menace d’un nouvel holocauste continuera de planer sur le monde (…) » Que Maurras n’ait pas plus que quiconque prévu le génocide des juifs mis en œuvre par les Nazis est une évidence. Mais, pour tous ceux qui le lisent avec attention, il est tout aussi évident que, vingt ans à l’avance, il en avait prévu et décrit les causes. Et pendant l’entre-deux-guerres, voir la IIIe République laisser se réaliser, pas à pas, ce qu’il redoutait par-dessus tout, éveillait chez lui une sorte de fureur sacrée. Ce combattant se voyait combattre une hydre à mille têtes. Que dans la violence des coups, il ait pu frapper à côté ou même à tort, il était impossible, compte tenu des circonstances et de son tempérament, qu’il en fût autrement. Mais Maurras, par son désintéressement, par sa vitalité généreuse, par son honnêteté intellectuelle et morale foncière, a droit au regard de justice qui lui a été refusé. Refus qui l’a fait condamner pour « intelligences avec l’ennemi », lui qui en était rigoureusement incapable.
Du point de vue judiciaire, cette condamnation ne peut plus être sujette à révision. L’appel inévitable ne peut plus être fait que devant le tribunal de l’histoire. Certains viennent encore de tenter de le lui refuser. Dix historiens d’un haut comité officiel ont heureusement rejeté cette tentative. La tâche aujourd’hui réservée aux historiens est d’appliquer à Charles Maurras, à sa vie, à son action et à son œuvre – et aussi à son antisémitisme politique qui lui est spécifique et n’a rien à voir avec la haine raciale, il avait des amis et des disciples juifs – le même discernement qui s’impose aux juges en charge de l’affaire Sarah Halimi. Il ne s’agit de rien d’autre que de rendre à ce Français exceptionnel sa vérité, toute sa vérité d’homme. •
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DU FRONT NATIONAL AU RASSEMBLEMENT NATIONAL
Un congrès pour définir une stratégie d'investissement de la République.
Par Yves Morel
Le Front national a porté incontestablement un espoir patriotique pendant de longues années, en dépit des innombrables difficultés, cassures, revirements qu’il a connus. Mais est-il possible de vouloir s’emparer du « système », tout en prétendant être « anti-système » ? Toute la question est là. Le dernier congrès est le ralliement annoncé des « lepénistes » au système.
Le Front national fait peau neuve et devient Rassemblement national. Marine Le Pen a justifié ce changement par la nécessité de faire de sa formation un « parti de gouvernement ». Ainsi, le FN poursuit le lent cheminement qui le mène de l’opposition trublionne et marginale à l’accès aux responsabilités.
Une progression continue
Un coup d’œil synoptique sur les grands moments de l’histoire du FN atteste de la cohérence de cette démarche. En octobre 1972, le parti naît, porté sur les fonts baptismaux par les dirigeants d’Ordre Nouveau, désireux d’élargir leur assise en satellisant les survivants du tixiérisme, et les jeunes nationalistes de la FEN, du GUD et autres groupuscules. En 1974, Jean-Marie Le Pen se fait connaître des Français en présentant sa candidature à la présidentielle, même s’il ne glane que 0,74% des suffrages. En 1984, le même JMLP fait un tabac à L’heure de vérité, émission politique de forte audience, et son parti réalise une percée aux européennes. En 1986, grâce à l’instauration éphémère de la proportionnelle, le FN obtient 35 sièges de députés. Deux ans plus tard, JMLP obtient 14% des voix à la présidentielle. Le FN devient incontournable et perturbe la vie politique. Rien ne semble pouvoir arrêter sa progression. La scission mégrétiste de 1998 ne l’entame pas, et JMLP est présent au second tour de la présidentielle de 2002. Sa fille dédiabolise le parti, et figure au second tour de la présidentielle de 2017.
Des succès certains, mais limités
Mais cette montée est toute relative : sa représentation parlementaire est insignifiante. On a beaucoup parlé des mairies conquises par le FN, mais elles sont au nombre de 27 sur 36 365, et il en va de même de sa présence dans les conseils départementaux ; seul son nombre de conseillers régionaux a quelque importance numérique (333 sur 1758). D’autre part, la prestation de Marine Le Pen face à Macron a été désastreuse ; et son score de 33,9% des voix (parmi seulement 43% de suffrages exprimés, il convient de le rappeler), s’il constitue un net progrès par rapport à celui de son père en 2002 (17,79%), a fait figure d’échec et de sanction d’incompétence. Le FN reste un parti mésestimé et suspect.
Des orientations inévitablement fluctuantes
Et ce ne sont pas ses variations programmatiques qui vont lui donner une crédibilité. Pour mémoire, rappelons que le FN a été successivement poujadiste, néo-libéral, de nouveau poujadiste, dirigiste et protectionniste (en économie), européen, puis anti-européen, atlantiste, puis « gaulliste », puis russophile, pro-israélien, puis pro-arabe (en politique étrangère), partisan de l’abrogation de la loi autorisant l’IVG, puis simplement du non-remboursement de celle-ci par la Sécurité Sociale, et variant sur la question du mariage homosexuel (en matière sociale). Pour nous en tenir à la période la plus récente, il a campé sur une position gaulliste équidistante de la gauche et de la droite, hostile à l’Europe et à l’euro, entée sur la défense du modèle social français, sur le patriotisme économique et le refus du nouvel ordre libéral mondial. La rupture avec Philippot a entraîné l’abandon de cette ligne et l’a fait revenir à une conception plus classiquement conservatrice de l’économie.
Ces fluctuations étaient inévitables. Elles sont le lot rédhibitoire de tout mouvement politique opposé au système, mais qui tente de s’y intégrer pour l’infléchir, avec l’espoir, à terme, de le dominer.
Une telle entreprise est une gageure. Le système ne peut engendrer que le fruit de sa chair et de son âme. Et tout essai d’intégration implique obligatoirement la conversion à ses valeurs, ses principes, ses habitudes de penser et de sentir, et ses interdits. Autant dire, pour un parti antisystème, un reniement total.
Avantages et limites de la stratégie philippotiste
C’est la voie choisie par Marine Le Pen depuis son accès à la présidence du Front le 16 janvier 2011. La fille du père fondateur a entrepris un aggiornamento, reposant sur le dépassement du clivage droite/gauche et l’abandon de la question identitaire. Ainsi, guidée par Florian Philippot, le FN s’est opposé aux contraintes budgétaires européennes, a réclamé la sortie de la zone euro, a opté en faveur d’un protectionnisme favorable à la défense des entreprises françaises, et a dénoncé le néolibéralisme mondial, fauteur de délocalisations industrielles, de dumping social et de pénétration conquérante des capitaux étrangers dans notre pays. Corollairement, il a préconisé une politique étrangère indépendante à l’égard de l’Europe et des États-Unis.
Il adoptait donc un programme typiquement jacobin de défense de la nation et du peuple français contre un monde hostile, à l’image de la France révolutionnaire en lutte contre l’Europe des monarchies. Ainsi, il s’inscrivait dans la vieille tradition républicaine et gaulliste, avec un adjuvant de populisme poujadiste. Un tel programme semblait de nature à unir une large base populaire. D’autant plus que Philippot affichait son attachement à certains des fondamentaux de la République (laïcité de l’État, libertés publiques), et éliminait de son discours les faits de société sur lesquels les positions traditionnelles du Front tenaient à distance de lui les électeurs déçus du système, certes, mais imprégnés des valeurs de la gauche : libération des mœurs, mariage homosexuel, avortement, immigration.
Cette stratégie fut payante. Le Front fit une percée électorale parmi les ouvriers, les travailleurs précaires, les chômeurs, les petits entrepreneurs, commerçants et exploitants. Dans les régions industrielles sinistrées du nord et du nord-est, le ralliement des ouvriers valut au Front de beaux succès électoraux. Et, lors de la présidentielle de 2017, Nicolas Dupont-Aignan, le gaulliste, conclut une alliance avec Marine (avant de revenir en arrière, après la défaite).
Mais cette stratégie avait aussi ses limites. Elle éloignait du FN sa clientèle habituelle : conservateurs et libéraux de la vieille école, catholiques peu ou prou traditionalistes, militants nationalistes à la fibre identitaire et régionaliste (et non jacobine), tous déconcertés par ce populisme et cet oubli des combats passés de la droite nationale pour la défense de l’identité française. Or, ces catégories étaient le substrat pérenne du Front, et représentaient un nombre d’électeurs supérieur à celui que l’orientation philippotiste permettait de prendre à la gauche. Ce fait a été attesté durant la dernière présidentielle : 20% des électeurs de Fillon se sont reportés sur Marine Le Pen, contre seulement 7% de ceux de Mélenchon. En cherchant à conquérir un électorat de gauche, afin de devenir un parti néo-gaulliste, le FN risquait d’apparaître comme un simple mouvement protestataire de type poujadiste. Et l’échec du mouvement Poujade, à la fin des années 1950, rend l’analogie particulièrement inquiétante. A fortiori quand on considère l’irréalisme du programme de gouvernement du FN proposé par Philippot, en matière économique : abandon de l’euro, protectionnisme, dirigisme colbertiste, maintien de la retraite au terme de 40 annuités, Sécurité Sociale intégrale, maintien du nombre de fonctionnaires. Un irréalisme dont tous les Français, y compris les électeurs lepénistes, sont conscients, et qui interdit au FN d’acquérir la majorité propre à lui permettre l’accès au pouvoir.
Consciente de ce danger de marginalisation, Marine Le Pen s’est séparée de son trop hardi collaborateur et a opté pour une ligne plus réaliste. Cela implique, fort logiquement, l’abandon de ce que le programme de Philippot comportait de radical, tout en conservant la défense des intérêts nationaux contre les exigences européennes et en ne revenant pas sur les concessions à l’air du temps en matière de mœurs.
L’évolution à venir est on ne peut plus prévisible. Pour notre part, nous l’avons décrite en un article passé : une évolution à l’italienne, analogue à celle qui, sous la direction de Gianfranco Fini, a abouti à faire du MSI un parti modéré, participant aux gouvernements, dirigé par des caciques régulièrement pourvus en maroquins et autres prébendes, converti au néolibéralisme et au fédéralisme européen, acquis à l’évolution des mœurs. Signe annonciateur de cette transformation : le soutien public apporté par Marine Le Pen au candidat LR à l’occasion de la présente législative partielle à Mayotte. Désormais, la présidente de ce qui est devenu le Rassemblement national ne renvoie plus dos à dos gauche et droite « républicaine », comme les deux faces d’un « système », jugé mortifère pour la nation ; elle marque sa préférence pour la seconde ; il s’agit là de l’amorce d’un rapprochement qui ne cessera de s’approfondir.
Il n’est cependant pas évident que la route du Rassemblement national vers son intégration à la droite républicaine soit aussi aisée que celle du MSI, tant, en France, les idées et les tabous de la gauche règnent en maîtres absolus sur les esprits, les médias, l’intelligentsia et la classe politique.
Le système voue la droite nationale à l’échec
Ce qui est cependant certain, c’est qu’une telle évolution était courue d’avance. Notre système politique interdit tout triomphe de la droite nationale, il faut le comprendre une fois pour toutes. Il fonctionne comme un laminoir sidérurgique : tout ce qui passe par lui en sort à l’état de produit standard. Il était donc parfaitement logique qu’après avoir défendu contre vents et marées (et contre tout le monde) la nation française, sa civilisation, son identité et ses intérêts vitaux, après avoir bravé les tempêtes et l’opprobre publique, essuyé les pires injures, le Front national devint une composante du « système » qu’il dénonçait. Le changement de nom du parti confirme ce que nous avons déjà écrit en une autre occasion : Le Front national, c’est Fini. ■
Marion Maréchal-Le Pen au « Conservative Political Action Conference » aux USA, le 22 février 2018. Son nom rassemble toute une droite conservatrice qui cherche une expression politique.
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Politique magazine numéro d"avril : « Un héros mort pour la France »
Un numéro de Politique magazine qui prélude aux colloques Maurras en cours de préparation en France, notamment celui qui aura lieu à Marseille samedi 21 avril : Charles Maurras, l'homme de la politique. Le cent-cinquantième anniversaire de sa naissance se passera avantageusement des commémorations officielles que les organisations d'extrême-gauche ont empêchées. LFAR
Au sommaire de ce nouveau numéro :
UN DOSSIER : Maurras toujours vivant
MAYOTTE : Sortir du piège
HISTOIRE : Mme de Staël, géniale et exaspérante
Et aussi dans ce numéro… 54 pages d’actualité et de culture !
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Le « scandale Facebook » - dit aussi « scandale des données »
Mark Zuckerberg
Le « scandale Facebook » - dit aussi « scandale des données » - fait la « une « des médias du monde entier. L'indignation est générale.
Comme si l'objet du scandale était une surprise. Alors que de fait l'exploitation commerciale des informations personnelles ou non imprudemment mises en ligne sur Facebook par des multitudes d'internautes des cinq continents est au principe même de ce réseau mondial tentaculaire. C'est d'ailleurs là aussi son principe financier qui a produit ses profits colossaux et engendré sa puissance, égale ou supérieure à nombre d'États ...
Autour de deux milliards d'utilisateurs se sont ainsi vautrés dans l'étalage vulgaire de leur intimité, de leur mode de vie, de leurs opinions, de leurs comportements privés, et même de leurs pulsions les plus diverses, voire les plus scabreuses, abandonnant cette pudeur ancestrale, ce silence jaloux sur les « misérables petits tas de secrets* » qui avaient prévalu depuis la nuit des temps. Comme si, dans le monde virtuel, l'homme de l'ère numérique s'était senti soudain libéré de cette sorte de retenue qui est naturelle aux rapports humains, charnels, du monde réel. Retenue qui est pourtant l'un des fondements de la vie en société, de la civilisation elle-même.
Facebook a vendu très cher ces données. Elles seraient « le pétrole » de l'ère postmoderne, la richesse immatérielle de cette société liquide, cette « civilisation » de l'impudeur où ne subsistent plus que l'individu réduit à l'état de consommateur hyperconditionné, et le marché qui l'encadre et l'exploite. Cette emprise d'un 3e ou 4e type s'exerce notamment grâce à la maîtrise sophistiquée d'une masse considérable de données sans qualités autres que mercantiles. Ses champions d'origine US sont les GAFA.
Et voici que le scandale Facebook s'amplifie. Qu'il prend des proportions inouïes. Que son titre perd 15% à Wall-Street. Qu'il est introduit dans l'aire politique et judiciaire. En France, des caisses de retraite ou de Sécurité Sociale ferment leurs pages Facebook - et / ou leurs comptes Twitter. Nombre de particuliers ou d'institutions en font autant. De multiples plaintes sont déposées. Notamment auprès de la CNIL. Aux Etats-Unis le Congrès est saisi de la question et doit procéder aujourd'hui à l'audition de Mark Zuckerberg. Il ne faut pas trop s'attendre, nous semble-t-il, à ce que, malgré les quatre-vingt sept millions de membres américains de Facebook lésés par ses pratiques, les Institutions fédérales états-uniennes s'aventurent à porter sérieusement atteinte à la puissance et à la richesse de ce fleuron hégémonique de leur « industrie » numérique.
La repentance tardive de Mark Zuckerberg, son actuel président, égal ou supérieur à nombre de chefs d'État, semble activer l'incendie plutôt que de l'éteindre, au point que son prédécesseur, Sean Parker vient d'accuser le Facebook de Mark Zuckerberg d'exploiter « la vulnérabilité humaine ». C’est parler d'or.
Mais il y a plus grave, nous semble-t-il que le dévoilement mercantile de ces millions de « misérables petits tas de secrets » dont seuls les intéressés s'imaginent qu'ils ont un intérêt.
En premier lieu, l'affaire Facebook met en marche, par réaction, une volonté affichée de reprise en mains et de contrôle par la police de la pensée, des espaces de vraie liberté qui ont pu se développer sur Internet. Gare aux sites, blogs et autres qui divergeront avec le politiquement correct ! Gare aux fermetures à venir. Sur Facebook et ailleurs. Le moment est peut-être venu pour la cléricature des systèmes dominants de réduire les insupportables médias qui échappent encore à son contrôle.
Il y a en second lieu, s'agissant de l'addiction d'un grand nombre de gens, surtout jeunes, â la fréquentation trop exclusive de Facebook et des réseaux parents, le reformatage débilitant de nos catégories mentales et intellectuelles. A la fois cause et symptôme, parmi d'autres, du terrible affaissement culturel de nos sociétés. Sommes-nous condamnés à n’être plus qu’un peuple d'ilotes ? C'est une grande question. ■
* Expression de François Mauriac reprise par André Malraux dans les Antimémoires.
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Une réflexion d'Annie Laurent : L’islam n’est-il qu’une religion ?
Le Figaro daté du 20 mars 2018 a publié une tribune intitulée « Non au séparatisme islamiste ». Signée par 100 intellectuels, parmi lesquels plusieurs sont de souche musulmane, ce texte s’alarme du « ségrégationnisme » qui accompagne le développement de l’islam en France. « Le nouveau séparatisme avance masqué. Il veut paraître bénin, mais il est en réalité l’arme de la conquête politique et culturelle de l’islamisme ».
Ce texte pose en filigrane la question de l’identité réelle de l’islam. Est-il seulement une religion, à considérer comme les autres, ainsi que le répète le discours officiel, ou bien doit-on le définir comme une idéologie ? A l’heure où le gouvernement cherche à organiser un « islam de France », cette question doit être posée en toute clarté. C’est à une réflexion sur ce thème difficile qu’Annie Laurent vous invite aujourd’hui. Et, naturellement, l'on peut en débattre.
Rappelons qu'Annie Laurent nous honore de son amitié ; qu'elle est intervenue dans plusieurs de nos cafés politiques et réunions, dont les vidéos existent ici ; qu'elle a collaboré à Lafautearousseau. Nous recommandons d'ailleurs à nos lecteurs de suivre ses publications et ses interventions diverses. LFAR
Après un XXème siècle marqué par l’émergence d’idéologies totalitaires prétendant imposer leurs systèmes au monde, le XXIème siècle s’est ouvert sur l’apparition d’un autre projet dominateur : celui de l’islam conquérant. Les attentats spectaculaires et très meurtriers commis le 11 septembre 2001 contre les Tours jumelles de New-York ont inauguré cette nouvelle forme de totalitarisme paré de couleurs religieuses qui, depuis lors, se répand dans tout l’univers, perturbant un monde largement touché par la sécularisation. Face à cette situation imprévue et déroutante, une interrogation revient de plus en plus souvent : l’islam est-il vraiment une religion ? N’est-il pas plutôt une idéologie ?
Il convient d’abord de situer la question dans l’ordre général, comme le fait le philosophe Rémi Brague dans son dernier ouvrage, Sur la religion (Flammarion, 2018), où il développe une pensée puissante sur ce thème, en accordant à l’islam une place importante. Observant le foisonnement de réalités que le terme « religion » recouvre (panthéon de dieux, monothéisme, religion séculière, etc.), l’auteur refuse d’y voir un concept unique qui répondrait à une seule et même définition. En fait, écrit-il, « le christianisme est la seule religion qui ne soit qu’une religion et rien d’autre ». Et de remarquer : « Toutes les autres religions ajoutent au religieux une dimension supplémentaire » (p. 40). C’est pourquoi « la nature exclusivement religieuse du christianisme explique le fait que le concept de religion, appliqué à des phénomènes aussi divers que le bouddhisme, l’islam, le confucianisme, le shinto, etc. – bref, ce que nous avons pris l’habitude d’appeler “des religions” – ait été forgé dans un contexte intellectuel chrétien et s’applique mal aux autres “religions” » (p. 42). L’auteur exprime bien la complexité de la question posée. Il ne nie pas la dimension religieuse de l’islam mais il sait que celle-ci n’est pas exclusive.
I. L'islam comme religion
Les musulmans se placent sous le regard d’un Dieu unique (Allah) en qui ils reconnaissent leur Créateur, auquel ils rendent un culte dans des lieux appropriés (mosquées) et dont ils espèrent la miséricorde, tout comme ils aspirent à une vie après la mort. Il n’est donc pas possible de refuser à l’islam la qualité de religion. Mais de quel genre de religion s’agit-il ?
RELIGION OU RELIGIOSITÉ ?
En 1994, évoquant l’islam dans son livre Entrez dans l’espérance, saint Jean-Paul II parlait de « la religiosité des musulmans », sans définir le sens du mot « religiosité » (Plon-Mame, p. 153). Or, comme l’explique le philosophe Patrice Guillamaud dans un ouvrage d’une profonde intelligence, religiosité n’équivaut pas à religion. La religiosité se réfère à l’attitude de tout homme, naturellement religieux et donc disposé « à rapporter chacune de ses actions à l’absolu divin », tandis que la religion est un ensemble d’éléments de doctrine et de culte (cf. Le sens de l’Islam, éd. Kimé, 2017, p. 21-26).
En ce sens, la religiosité est d’autant plus frappante chez les musulmans pratiquants que le culte se doit d’être ostensible et sonore. En admirant « le musulman superlativement pieux », les chrétiens « confondent sa vertu de religion avec celle de foi », constate avec pertinence l‘historien Alain Besançon (Problèmes religieux contemporains, Ed. de Fallois, 2015, p. 181). Cette visibilité a frappé le bienheureux Charles de Foucauld et l’a conduit à s’interroger sur la religion de son baptême qu’il avait délaissée (cf. Pierre Sourisseau, Charles de Foucauld, Biographie, Salvator, 2016).
RELIGION OU FOI ?
Ch. de Foucauld a néanmoins compris que si la religiosité des musulmans peut s’accorder avec la vertu de religion, classée par saint Thomas d’Aquin parmi les vertus morales (la justice), elle ne ressort pas de la foi.
Je voyais clairement qu’il [l’islam] était sans fondement divin et que là n’était pas la vérité »
écrivit-il à Henry de Castries (cité par A. Laurent, La Nef, n° 287, décembre 2016). La foi est une vertu surnaturelle, infuse dans l’âme par le baptême ; elle est précisément théologale parce que relative au Dieu trinitaire (au même titre que l’espérance et la charité).
FOI ET CROYANCE
La Déclaration Dominus Iesus sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Eglise (2000), rédigée à la demande de Jean-Paul II par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, a rappelé cet enseignement traditionnel de l’Eglise catholique. Puis, le texte précise : « On doit donc tenir fermement la distinction entre la foi théologale et la croyance dans les autres religions […]. Cette distinction n’est pas toujours présente dans la réflexion actuelle, ce qui provoque souvent l’identification entre la foi théologale, qui est l’accueil de la vérité révélée par le Dieu Un et Trine, et la croyance dans les autres religions, qui est une expérience religieuse encore à la recherche de la vérité absolue, et encore privée de l’assentiment à Dieu qui se révèle » (n° 7).
Cette distinction s’applique à l’islam, qui n’est pas accueil de la Révélation de Dieu mais, selon le Coran, religion originelle de l’humanité, voulue par Dieu parce qu’elle est appropriée à la nature de l’homme, innée en quelque sorte.
. Aujourd’hui, j’ai rendu votre Religion parfaite ; j’ai parachevé ma grâce sur vous ; j’agréée l’islam comme étant votre Religion (5, 3) ;
. Acquitte-toi des obligations de la Religion en vrai croyant et selon la nature qu’Allah a donnée aux hommes, en les créant. Il n’y a pas de changement dans la création d’Allah. Voici la Religion immuable ; mais la plupart des hommes ne savent rien (30, 30).
DIEU L’INCONNAISSABLE
Pour l’historien des religions Gérard Van der Leeuw, la foi est « la confiance de l’homme envers Dieu personnellement rencontré ». C’est pourquoi sa première spécificité « ne consiste donc pas à croire que Dieu existe mais à croire que l’homme existe pour Dieu » (cité par le P. Bernard Sesbouë, Actes du colloque « Qu’est-ce que croire ? », Institut Catholique d’Etudes Supérieures, 15-16 avril 2013, p. 26).
Dans l’islam, Dieu est « l’Inconnaissable » (Coran 6, 50 ; 7, 188 ; 11, 31 ; 27, 65). Il ne se fait pas connaître des hommes, comme Il le fait à travers Jésus-Christ dans le christianisme ; Il ne dialogue pas avec eux dans une relation d’amour ; Il ne s’engage pas par une Alliance, comme Il le fait par Abraham dans la Bible (cf. François Jourdan, Islam et christianisme, comprendre les différences de fond, L’Artilleur, 2015, p. 254-260). La Révélation d’Allah ne concerne que sa volonté et sa loi. « Entre Créateur et créature, un abîme est béant » (R. Brague, Sur la religion, op. cit., p. 186).
L’islam serait-il donc une religion païenne ? Alain Besançon l’exclut.
« Si nous restons dans la logique de la théologie chrétienne, on ne voit pas que l’islam connaisse le Dieu que cependant il adore. […] Ne connaissant pas le vrai Dieu et l’adorant néanmoins, il en résulte des conséquences qui mettent l’islam à part des paganismes antiques contre lesquels il s’est dressé. Les païens, même quand ils adoraient le dieu unique, adoraient un dieu immanent, qui faisait partie du monde. Un Dieu “moindre” par conséquent que le Dieu d’Israël, créateur du ciel et de la terre, omnipotent, transcendant. Mais à l’égard de ce Dieu incommensurable, l’islam demeure dans une position idolâtrique » (op.cit., p. 178).
UNE RELIGION D’OPPOSITION
L’islam n’est pas une religion anodine ou neutre puisqu’il se veut réaction dogmatique au christianisme. Le Coran combat le cœur de la Révélation divine. « La négation de la Trinité est le sens premier de l’islam » ; elle est « son élément primordial de fondation […], le principe même de sa genèse » (P. Guillamaud, op. cit., p. 119).
Son monothéisme – concept que l’on rencontre aussi en dehors du champ religieux (cf. le Divin Premier Moteur d’Aristote, le déisme des Lumières, signalés par R. Brague) -, et la présence de personnages « bibliques » dans le Coran ne font pas de l’islam une religion apparentée au judaïsme et au christianisme. « En son sens premier, l’islam est fondamentalement, non pas la simple continuation de la révélation biblique mais sa reprise dans la négation même de son accomplissement chrétien » (Guillamaud, ibid.).
Dans Le malentendu islamo-chrétien (Salvator, 2012), le Père Edouard-Marie Gallez explique que l’on considère généralement l’islam comme une religion « d’avant » le Christ au sens théologique, et pouvant éventuellement y conduire, alors qu’il se revendique comme post-chrétien au sens où il entend dépasser le christianisme et s’y substituer.
C’est pourquoi,
« que ce soit du côté islamique ou du côté chrétien, il apparaît évident que la notion d’Ecritures saintes ne revêt pas la même réalité. Si le Coran voit dans les révélations qui ont précédé le temps de l’islam des “portions” du “Livre-Mère” envoyées par Allah sur des prophètes eux-mêmes envoyés à des peuples, l’Eglise catholique, elle, ne voit pas dans le Coran une quelconque continuité ou récapitulation de la Révélation judéo-chrétienne » (P. Laurent de Trogoff, « Révélation et Coran », in Sous le regard de Dieu, abbaye Sainte-Anne de Kergonan, n° 2017/2, p. 12-21).
Cette position a été rappelée par le Concile Vatican II : « L’économie chrétienne, étant l’Alliance nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ » (Dei Verbum, n° 4). L’Eglise n’a jamais considéré Mahomet comme un prophète ni le Coran comme un Livre révélé.
Père Samir-Khalil Samir, islamologue égyptien :
« Je ne dirai pas globalement : “Oui, l’islam vient de Dieu”, et je ne dirai pas globalement : “L’islam est l’œuvre de Satan”. Je ne le pense pas non plus. L’islam est l’œuvre d’un homme qui a vécu une expérience spirituelle réelle, mais qui vivait en son temps, dans son contexte socio-culturel désertique fait de guerres et d’attaques de tribus contre tribus » (Site Aleteia, 10 janvier 2018).
On ne peut donc porter sur l’islam un regard indifférencié avec le judaïsme et le christianisme. D’où l’inexactitude de formules telles que « les religions monothéistes », « les religions abrahamiques » et « les religions du Livre ».
Leur usage banalisé fausse la compréhension des fondements anthropologiques, cultuels, sociaux, juridiques et culturels sur lesquels misent les dirigeants européens héritiers du christianisme pour organiser un « islam européen ». •
L'ISLAM, Annie Laurent,
Editions Artège, 285 p., 19,90 €