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  • Éric Zemmour : « Le retour de l'Autriche-Hongrie »

     

    BILLET - Le premier ministre hongrois Viktor Orban a été le premier dirigeant européen à féliciter le nouveau pouvoir autrichien composé de la droite et de l’extrême-droite. On se croirait revenu au temps des Habsbourg [RTL 21.12].

     


    Résumé RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge 

    L'Histoire est ironique.

    Près d'un siècle après sa disparition, l'Autriche-Hongrie renaît de ses cendres. Pas sous sa forme impériale d'origine bien sûr, mais ça y ressemble pourtant furieusement. À Budapest comme à Vienne, un pouvoir conservateur fonde son pouvoir sur les valeurs d'une société profondément catholique et la lutte contre l'envahisseur musulman.

    On se croirait revenu au temps des Habsbourg, celui du chancelier Metternich, ou celui, plus ancien encore, du siège de Vienne par les Ottomans. Les anciennes nations de l'Empire ne sont pas en reste. Slovaques, Tchèques, Polonais : tous sont sur la même ligne idéologique.
     

    Éric Zemmour

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  • Éric Brunet dans le dernier « Valeurs actuelles » : La France doit reconnaître le génocide vendéen

     

    Par Éric Brunet 

    Malgré les travaux d'intellectuels et d'historiens, les massacres commis en 1793 et 1794 sont encore officiellement une campagne de pacification. 

    1031056.jpgLorsque j'entends sur les chaines d'info nos politiques rabâcher leur « attachement aux valeurs de la République -.je ne peux m'empêcher de penser aux 150 000 Vendéens massacrés au nom de ladite République. Des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, assassinés par les années de la République parce qu'ils avaient comme seul tort d'être nés vendéens. Des massacres qui préfigurent, cent cinquante ans plus tôt, les crimes du IlIe Reich : organisation de noyades collectives de civils, utilisation de fours à pain pour brûler vifs les villageois, et même première tentative de gazage de masse... La République française accepta la création de tanneries de peaux humaines permettant de réaliser des sacs et des pantalons en peau de Vendéens, et on utilisa leur graisse pour fabriquer du savon. À Noirmoutier, c'est tout simplement le premier camp d'extermination de l'histoire moderne qui fut créé.

    Certes, au fil des siècles, la France s'est rendue coupable de nombreuses exactions : croisade contre les Albigeois, persécutions des protestants, traite négrière, antisémitisme d'État... Mais seuls les massacres de Vendée. pensés et organisés depuis Paris. sont encore occultés. Ils ne sont pas enseignés dans les manuels scolaires, ni traités au cinéma ou dans des téléfilms produits par notre télévision publique. Pourtant, depuis quelques années, les choses évoluent. Et si certains considèrent ces crimes comme le premier génocide moderne, c'est grâce à l'abnégation d'un homme : Reynald Secher.

    En 1985. ce Nantais alors âgé de 30 ans soutient une thèse de doctorat à la Sorbonne intitulée Contribution à l'étude du génocide franco-français : la Vendée-Vengé. Il y démontre que les massacres commis par les représentants de la Convention en 1793 ct 1794 constituent un génocide. Le jury, qui comprend Pierre Chaunu et Jean Tulard, lui décerne la mention très honorable. La thèse est publiée l'année suivante par les Puf, se vend à 80 000 exemplaires et est traduite en Europe et aux Etats-Unis.

    C'est un électrochoc . Jusque-là, les guerres de Vendée étaient présentées comme une campagne de pacification, avec leur lot d'exactions et de débordements, mais en aucun cas comme un génocide. L'utilisation de ce mot provoque une vive polémique dans le milieu universitaire, où l'influence de la pensée marxiste est, à cette époque. prépondérante et où les défenseurs de la Terreur sont légion. Les spécialistes de Robespierre s'insurgent. Secher est victime de pressions et de menaces. On le cambriola quinze jours avant la soutenance et on lui proposa même 500 000 francs et un poste à l'université pour ne pas soutenir sa thèse. Pour avoir refusé de se soumettre aux injonctions, l'historien verra sa carrière brisée.

    L'étude détaillée des massacres démontre pourtant que les émissaires de la République ont mis en œuvre une véritable politique d'extermination pilotée par le général Turreau (et ses colonnes infernales) et par Jean-Baptiste Carrier à Nantes.

    Le 12 décembre 1793, ce dernier écrit :
    « Il entre dans mes projets, et ce sont les ordres de la Convention nationale, d'enlever toutes les subsistances, les denrées, les fourrages, tout en un mot dans ce maudit pays. de livrer aux flammes tous la bâtiments, d'en exterminer tous les habitants.. » Cette industrie de la mort fut dénoncée en son temps par le révolutionnaire Gracchus Babeuf, auteur en 1795 d'un pamphlet intitulé La Guerre de la Vendée et le Système de dépopulation, dans lequel il forgea le concept de « populicide », terme précurseur du « génocide ».


    Malgré la caution de nombreux historiens ou intellectuels, le génocide vendéen n'a jamais été reconnu par l'État français. Depuis 2007. trois propositions de loi ont été faites en ce sens par des parlementaires. En vain. La Terreur a encore ses partisans, et le nom du général Turreau, l'Eichmann de la Vendée, reste gravé sur l'Arc de triomphe...

    Comment la France peut-elle espérer contraindre la Turquie à reconnaître le génocide arménien en interdisant sa contestation, alors que dans le même temps elle s'entête à nier celui des Vendéens ?

  • Joyeux Noël !

    Photo prise par Madame la duchesse de Vendôme, la princesse Philomena.

     

    Gaston, Antoinette et Louise-Marguerite de France à la crèche vivante de Dreux. 

    À l’occasion de la fête des Flambards de Dreux les 16 et 17 décembre 2017, le Prince Gaston et ses soeurs les Princesses Antoinette et Louise-Marguerite, ont participé à la crèche vivante de Dreux installée devant l’église Saint-Pierre. Cette année, le fils aîné du Duc de Vendôme a tenu le rôle de Joseph tandis que la Princesse Louise-Marguerite était costumée en ange, la Princesse Antoinette à gauche sur la photo portait une tenue rose avec turban. 

    Joyeux Noël avec les Enfants de France !

    Sources Noblesse et Royautés - La Couronne

  • Culture • Loisirs • Traditions

  • Livres & Voyages • Un regard implacable sur l'Orient, préface de Péroncel-Hugoz à « Terres saintes et profanes » de Jean Raspail

    L'image de la « Fuite en Égypte » est toujours actuelle chez les bédouins de Jordanie.

     

    Par Jean-Pierre Péroncel-Hugoz

    Notre confrère nous a signalé cette préface qu'il a écrite pour la réédition de Terres saintes et profanes, un très ancien ouvrage de Jean Raspail, afin que les lecteurs de Lafautearousseau aient le privilège de la lire. Mille mercis ! Ce texte est superbe, fourmille de remarques érudites et sages. A l'approche de Noël, cette pérégrination en Terre Sainte et alentours est comme un cadeau de fête.  LFAR   

     

    enclave - Copie 6.jpgEn 1959, jeune moustachu déjà un peu entré dans la force de l'âge, Jean Raspail, écrivain itinérant et sportif, visita au rythme du cheval, en tout cas à l'allure civilisée des voyages d'antan, à la Montaigne, les quatre principales entités formant le Levant, cet Orient asiatique, proche de nous si ce n'est toujours par l'esprit, du moins par la géographie : Liban, Jordanie, Palestine, Israël.

    Le récit issu de cet itinéraire d'apparence classique, destiné d'abord aux auditeurs de Connaissance du Monde, parut en 1960 sous le titre Terres saintes et profa­nes et fut bien accueilli, notamment parmi les amateurs de la « touche Raspail », à la fois virile et littéraire, touche qui avait commencé à se former autour de 1950, lors d’une expédition en canoë, assez risquée, de Québec à la Nouvelle-Orléans, bref 5 000 km aquatiques sur les traces oubliées des explorateurs français de l'Amérindie intérieure.

    La décennie 1950 vit encore cette plume juvénile aller s'aguerrir un peu plus tout au long de la périlleuse liaison automobile Alaska-Patagonie, cette Terre-de-Feu où l'auteur ressusciterait plus tard la chevaleresque figure d'un Français du Périgord qui, vers 1850, voulut être roi des Araucans et des Patagons, pour les sauver d'un géno­cide ; puis Raspail se lança sur les vieilles pistes impériales des Incas, jusqu'au lac Titicaca, à 4 000 mètres d'alti­tude, avant d'aller passer un an, moins aventureusement, encore que..., au sein de la pudique société japonaise, vaincue par les Yanquis mais résistant sourdement, autour du Mikado, par miracle sauvegardé, à une dessé­chante américanisation.

    Druzes contre maronites

    C'est fort de ce joli bagage accumulé loin des sentiers faciles que Jean Raspail aborda ensuite, pour la première fois de sa vie, aux rivages levantins, une terre familière aux Français depuis les Croisades et alors fraîchement marquée par un débarquement états-unien venu, en 1958, pendant que la France était accaparée en Algérie, mettre un terme, hélas ! provisoire, aux tueries de chré­tiens par des musulmans sur les mêmes pentes bi-confessionnelles du Mont-Liban, où Napoléon III, en 1860, avait dépêché ses soldats pour y soustraire déjà aux poignards druzes les maronites survivants, nos alliés sans faille depuis le séjour in situ de Saint Louis. Et après, on nous dira que « l'Histoire ne se répète pas... »

    D'emblée, en Terre sainte, au rocailleux pays natal de Jésus, Jean Raspail ne nous cache pas que, du moins à cette époque de sa vie, sa religion est « tiède », un adjectif qui va loin quand on sait le peu de bien que le Messie pensa des « tièdes », justement... Au moins, nous sommes prévenus : pas de lyrisme mystique mais du parler direct, parfois cru. Ainsi, parmi les Arabes palestiniens qui vivent en 1959 dans une Jérusalem alors d'obédience jordanienne, mais qui passera en 1967 sous une occupa­tion israélienne qui dure encore un demi-siècle plus tard, notre pèlerin laïque pressent « une foule qui nous hait », expression que le futur président Trump reprendra à sa façon en 2016 pour l'ensemble des musulmans face aux Occidentaux...

    L'écrivain voyageur de 1959 n'en ménage pas pour autant ses propres coreligionnaires de diverses Églises qui, sans vergogne, se chamaillent, parfois violemment, sur le site même du Saint-Sépulcre, où Jean Raspail voue carrément aux gémonies les rapaces gardiens franciscains, qu'il va jusqu'à souhaiter voir remplacés par des « portil­lons automatiques », comme en disposait alors le métro parisien...

    L'ombre de Benoist-Méchin

    Dans le « petit désert qui entoure la mer Morte », en­tre Jérusalem et Amman, notre visiteur peu dévot re­trouve sa sérénité, étant subjugué par « ces sables bibliques où on se sent écrasé d'un poids qu'aucun désert au monde ne pourra jamais peser ». Un autre visiteur laïc de choc, Benoist-Méchin, avait éprouvé en ces lieux une similaire impression. Chez Raspail, c'est déjà presque, parfois, les évocations empreintes de mysticisme et de mystère dont il imprégnera ce qui sera plus tard sans doute son récit le plus profondément « religieux », L'Anneau du Pêcheur (1995), sur la succession clandestine supposée, poursui­vie jusqu'au XXe siècle, des papes d'Avignon...

    À l'étape suivante, le Liban (dans la Syrie voisine, ap­partenant alors à l'agressive « République arabe unie » du dictateur égyptien Nasser, Raspail, après un essai, renon­ça à séjourner sous ce régime « xénophobe et franco­phobe », et il élimina donc Damas de son carnet de voyages), notre homme retrouve sa dent dure pour décrire « le caractère souple et fuyant du Libanais que tant d'occupations étrangères ont modelé ». La compas­sion qui reste au fond du cœur malgré tout chrétien du voyageur, refait son apparition dans la Qadicha, gorge profonde de la montagne où vécurent cachés pendant des siècles les chrétiens maronites persécutés par des musulmans.

    Au palais des Mille et une nuits de Beïteddine, dans le massif du Chouf surplombant Beyrouth, l'architecture et l'art de vivre arabes touchent notre Occidental de pas­sage, « malgré les portraits de Nasser qui offensent les façades... » Raspail sait voir et faire voir. Au gigantesque temple antique de Baalbek, dans l'intérieur du Liban, il rappelle ce fait du XIXe siècle, occulté, et pour cause, par la suite, et qui consista en la destruction, heureusement inachevée, à coups d'explosifs de ce monument insigne, à l'initiative de « certains émirs arabes », par pure détestation de ces vestiges du paganisme, exactement comme, à notre époque, certains autres émirs ou chefs de bande mahométans détruisirent les Bouddhas de Banyan en Afghanistan ou les colonnades de Palmyre, en Syrie, redressées durant le Mandat français vers 1930... Bis repetita non placent..

    Amman ci-devant Philadelphie

    Même si Jean Raspail, arrivant au Royaume haché­mite de Jordanie, commence par poser que cet État « n'existe pas » (depuis lors, la fragile monarchie installée par les Anglais s'est imposée à son environnement géographique), c'est pourtant sur cette terre antique glorieuse (Amman s'appela d'abord Philadelphie), déchiquetée ensuite par l'Histoire, que notre auteur écrit ses pages sans doute les plus bienveillantes sur le Proche-Orient. Et cela, en partie grâce à l'accueil plus que courtois que lui réserve le « petit roi » local, Husseïn I", authentique gentilhomme arabe, descendant de Mahomet, frotté d’esprit militaire anglo-saxon (Glubb-Pacha, mythique clef britannique de l'héroïque Légion arabe n'est pas encore très loin), authentique protecteur de ses sujets chrétiens [1], et toujours amical également pour les Français.

    Parmi les documents photographiques de l'ouvrage, il convient de mentionner les clichés dus à Madame Jean Raspail, qui accompagnait son époux durant ce périple oriental ; les portraits, par exemple de Sa Majesté hachémite, en uniforme ou en civil. La plupart des autres illustrations de l'ouvrage ont, après cinq ou six décen­nies, comme les textes, acquis également une valeur, une épaisseur historiques que, par définition, elles ne pou­vaient avoir lors de leur réalisation en 1959. Entre autres photos devenues de véritables documents, on citera les vertigineuses ravines conduisant au château croisé de Beaufort, au Liban sud ; les gros plans sur Capharnaüm ou Baalbek ; le champ des Trente-Deniers de Judas ; les villages des premiers colons israélites édifiés à la place des bourgs palestiniens détruits, etc.

    Cet itinéraire raspailien se termine donc en Israël, en­core dans ses frontières de 1948, bientôt dilatées par les prises de guerre du conflit de Six-Jours, en 1967. Dans l'État hébreu, Raspail commence par noter que les Israé­liens sont « peu enclins à l'humour » (sauf sans doute à l’« humour juif» mais il est généralement à usage in­terne...), peut-être à cause de la précarité de leur cons­truction étatique qui « n'est qu'une tête de pont sur le rivage arabe ».

    Constat qui rend notre impitoyable observateur un peu devin et lui fait prévoir « une prochaine et prévisible guerre israélo-arabe ». Une et même deux : la guerre de Six-Jours, en 1967 ; la guerre du Kippour (ou d'Octobre) en 1973.

    Le dernier mot de Terres saintes et profanes sonne un peu comme un glas, car nous dit Jean Raspail, « il n'y a plus de place en ce monde pour une deuxième Terre promise ». Donc les conflits inutiles vont continuer, ce que la plupart des diplomates et militaires occidentaux savent, mais n'avoueraient à aucun prix, le « déni de réalité » étant devenu la conduite ordinaire de l'ex « Monde libre ». On est en somme déjà là dans le ton du Camp des Saints, livre à venir, en 1973, et où les anten­nes propres à l'écrivain atteindront le niveau d'une pro­phétie à l'échelle du Vieux Continent. Une Europe fatiguée, brocardée, s'autodénigrant et à tous égards incapable de se défendre, démographiquement et militai­rement, contre une vague migratoire sans cesse renouve­lée et rien moins que pacifique...

    Il n'y a pas de contradiction d'un bout à l'autre de l'œuvre de Jean Raspail. Tout s'y relie, tout s'y tient.  

    [1]  Cette heureuse et rare tradition au Proche-Orient perdure sous l'actuel roi Abdallah II de Jordanie, fils et successeur d'Hussein Ier, et elle contraste avec les persécutions dont les chrétiens restent victimes en Égypte, Irak, Syrie, etc.

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    Terres saintes et profanes de Jean Raspail, préface de Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, Via romana, 2017, 141 pages, 19 €

  • Société • La meilleure manière de devenir fou ... Nous assistons au triomphe de l’insignifiance

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Dans cette tribune du Journal de Montréal [7.12] Mathieu Bock-Côté admet que notre époque l'exaspère. Nous aussi. Il commence par nuancer cet aveu un rien incorrect. Puis il donne ses raisons. Et ce sont des raisons de fond. Lisez !  LFAR  

     

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    Si vous me lisez à l’occasion, vous le savez, notre époque m’exaspère.

    Non pas que je rejette en bloc ce qu’elle nous offre. Comme tout le monde, je me réjouis des progrès de la médecine, des transports et des communications.

    Je suis aussi fasciné par la révolution technologique permanente, qui façonne nos existences même si elle s’accompagne d’un reconditionnement sans précédent de nos comportements sociaux qui ressemble à de l’esclavage. 

    Au terme de notre vie, nous aurons passé l’essentiel de notre temps à regarder notre téléphone comme des zombies.

    Instagram

    Mais ne chignons pas : la révolution technologique améliore nos vies. On peut lui dire merci.

    Non, ce qui m’exaspère relève d’un autre registre : c’est la conception de la réussite sociale qui domine les esprits.

    Il y a quelques semaines, j’écoutais Tout le monde en parle. Parmi les invités, trois vedettes Instagram, un garçon et deux filles, qui doivent une bonne partie de leur réussite à leur maîtrise des médias sociaux.

    L’entrevue était réussie. Mais ce qu’elle révélait indirectement de notre société était effrayant.

    On m’a expliqué à plusieurs reprises ces derniers mois le principe d’Instagram. J’ai fini par comprendre. En gros, il s’agit de se mettre en scène de façon permanente, pour exciter la jalousie de ceux qui scrutent notre existence. Instagram pousse à une concurrence sauvage dans la société de l’image.

    Une de mes amies résume cela méchamment : il s’agit de se mettre en scène avantageusement pour que ceux qui nous suivent se sentent minables.

    On glamourise sa vie, on se prend pour la vedette d’un documentaire hollywoodien et on espère faire baver le grand nombre.

    Cette valorisation conjuguée du voyeurisme et de l’exhibitionnisme est dégradante pour l’être humain.

    À toujours se photographier, à toujours prendre la pose, à se soumettre ainsi à la tyrannie de la photo léchée, c’est la possibilité d’habiter le monde intimement, sans toujours se croire sur une scène à jouer son rôle de vedette fière de l’être qu’on sacrifie. C’est à la vie intérieure qu’on renonce.

    Et ce qui m’a bouleversé, c’est lorsqu’on m’a expliqué à quel point la jeune génération est socialisée à travers cet univers mental.

    Camelote

    Comment croire qu’on ne déstructure pas intimement la psychologie des jeunes hommes et des jeunes femmes quand on les soumet à la pression psychologique permanente du vedettariat instantané. On les pousse à la détresse.

    Dans ce monde, il est bien facile de sentir qu’on ne vaut rien.

    On ne sait plus qui admirer. Les grands héros politiques ? Les grands écrivains ? Les grands philosophes ? Les grands scientifiques ?

    On nous offre plutôt de la camelote, du toc, du préfabriqué, de l’insignifiance, du nihilisme.

    Comment se surprendre que, dans ce vide existentiel, les masses soient poussées à se jeter dans les soldes du Vendredi fou et autres niaiseries inventées pour nous convertir à la consommation intégrale ? Ce monde est peut-être luisant. Il n’en est pas moins barbare.  

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Livres • Des hommes d'ordres

     

    Par Rémi Soulié

     

    R. Soulié.jpgPlusieurs siècles après leur fondation et malgré la sécularisation en cours, ces grands ordres religieux chrétiens que sont les Franciscains, les Dominicains et les Jésuites sont toujours présents.

    Jérôme Cordelier retrace la vie de leurs fondateurs, « mystiques, bâtisseurs et visionnaires » - saint François d'Assise, saint Dominique de Guzmàn, saint Ignace de Loyola (photo) - et relate l'histoire de ces « rocs de la chrétienté », y compris leurs conflits et rivalités politiques ou théologiques.

    Mais il le fait d'une manière inédite, escorté notamment par les écrivains qui, de Bernanos à Sureau en passant par Chesterton et Delteil, ont nourri leur imaginaire et leur pensée de leurs enseignements spirituels.

    Tout autant, le rédacteur en chef du Point mène une « enquête » auprès des hommes qui, aujourd'hui, suivent le Christ dans ces « mouvements », tel le frère franciscain Battite qui, dans sa paroisse marseillaise de La Palud, retrouve Isaïe chaque matin et, avec lui, les « paroles fortes qui incarnent l'espérance chrétienne pour laquelle se battent les fils de François, Dominique et Ignace ». Un ouvrage précieux.  

    AU NOM DE DIEU ET DES HOMMES, de Jérôme Cordelier, Fayard, 380 p., 19 €.

    Rémi Soulié est essayiste et critique littéraire.

    Lire aussi ...

    Pour saluer Pierre Boutang, Rémi Soulié, éd. Pierre-Guillaume de Roux, 140 pages, 21€ 

    Figaro magazine du 8.12.2017

  • Culture • Loisirs • Traditions

  • Actualité • Catalogne : La démocratie si rien de supérieur ne la transcende, cela se paye

     

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    Nous doutions jeudi dernier que les élections catalanes puissent dénouer la crise en cours*. Nous avions raison. 

    Si cette consultation avait été un référendum, les indépendantistes l'auraient perdu car les unionistes ont recueilli 52% des voix. Les séparatistes (48%) sont minoritaires en Catalogne. 

    Il ne s'agissait pas d'un référendum mais d'élire un parlement. L'avantage en sièges donné aux campagnes, fait entrer au dit parlement une majorité de députés indépendantistes. Majorité absolue avec seulement deux sièges de plus que leurs adversaires. 

    La constitution de 1978 fait de l'Espagne une démocratie. Elle a été approuvée massivement et en Catalogne plus qu'ailleurs. Cette considération - suprême retranchement de Madrid - ne trouble pas les indépendantistes. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts du rio Llobregat depuis 1978 et Madrid n'a rien fait pour contrer le matraquage antiespagnol qui a sévi partout en Catalogne ces dernières décennies. Elle a réagi in extremis quand le mal était installé. Elle a pris les mesures qui s'imposaient quand elle eut le couteau sous la gorge. C'est toujours la solution la plus coûteuse... 

    Il était si l'on peut dire naturel que la gauche républicaine et les communistes de toutes obédiences fussent indépendantistes et républicains : ils l'ont toujours été. C'est le centre-droit des Pujol, Mas et Puigdemont qui, en se décidant pour l'indépendantisme, lui a donné les moyens de grandir et de s'imposer. Sans eux, rien ne serait arrivé. 

    L'apathie souvent intéressée de Madrid et le passage à l'indépendantisme d'une certaine bourgeoisie catalane assez semblable à nos bobos centristes, sont les vrais responsables de la situation. 

    Cette dernière, c'est le roi Felipe qui l'a le mieux perçue et nommée avec une noble franchise : la société catalane est fracturée, coupée en deux parts irréductibles à peu près égales. 

    Ceux qui croient en la primauté de l'économique se sont une fois de plus trompés : ni les difficultés financières annoncées, ni le lâchage européen, ni le départ de Catalogne de plus de 3000 entreprises n'ont fait reculer les catalanistes. Ce sont des sentiments et des idées qui les motivent pour la plupart : leur traditionalisme, leur nationalisme. Fussent-ils fort mal placés. 

    Une dernière question devrait se poser aux Espagnols, à leurs gouvernants et à leur roi : y a-t-il quelque chose au-dessus de la démocratie ? Nous dirions qu'il y a les réalités et qu'il y a l'Histoire de qui ces dernières découlent. A aucun de ces deux titres la Catalogne n'est fondée à exiger son indépendance. Et même si elle l'obtenait, il faudrait bien des années, beaucoup de temps pour qu'elle cesse, en réalité, d'être de facto espagnole.  

    Pour l’instant, la Catalogne va entrer dans l’ère des combinaisons. Tenter de sortir de l’imbroglio où elle s’est fourrée. La démocratie si rien de supérieur ne la transcende, cela se paye.   • 

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

    * A lire dans Lafautearousseau  ... 

    La Catalogne, depuis les Rois Catholiques, soit depuis le XVe siècle, n'a jamais cessé d'être espagnole

  • Histoire & Actualité • Etonnant ! « La rébellion cachée », un film sur le génocide vendéen diffusé à l’Assemblée nationale

     

    Qui aurait pu imaginer un seul instant ce qui s’est passé, jeudi 14 décembre 2017 dans un bâtiment de l’Assemblée nationale ?  On le verra en regardant, en diffusant même, cette vidéo.

    Incroyable ! « La rébellion cachée », un film sur le génocide vendéen diffusé à l’Assemblée nationale from Reinformation.tv on Vimeo. 

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgReconnaissance des crimes de la Révolution, du génocide commis en Vendée par la Convention, des horreurs vécues par nos ancêtres sous la Terreur, récompense du travail des historiens, réparation d'une ou plusieurs injustices, tout cela est bien. Tout cela est surtout significatif de cet effort de reconquête intellectuelle et culturelle accompli par nombre d'auteurs et de penseurs ces dernières années au sein de notre famille d'esprit. Que la République se soit fondée en inventant, comme le montre Patrick Buisson, un terrorisme d'Etat nous renseigne surtout sur notre aujourd'hui, où s'exerce dans la même ligne, sous des formes certes moins violentes mais tout aussi destructrices, tout aussi efficaces et, en un sens, tout aussi totalitaires, est ce qui nous importe le plus de savoir. Prendre conscience de cette filiation entre hier et aujourd'hui, la révéler à nos concitoyens c'est cela qui est fécond et qui est important. La Révolution matrice des totalitarismes modernes, c'est ce dont nous aurons à nous souvenir le 21 janvier en commémorant l'exécution du roi Louis XVI.   Lafautearousseau

     

    Reportage à l’Assemblée nationale d’Armel Joubert des Ouches

    Qui aurait pu imaginer un seul instant ce qui s’est passé, jeudi 14 décembre 2017 dans un bâtiment de l’Assemblée nationale ? Certainement pas les écrivains, les historiens, les amoureux de la vérité qui, depuis des décennies, cherchent à faire reconnaître publiquement les crimes commis par l’Etat lors de la révolution dite « française » de 1789, Reynald Secher en tête. Jeudi dernier, c’est donc « La rébellion cachée », le film-documentaire du réalisateur franco-américain Daniel Rabourdin qui a été diffusé à l’Assemblée. Une projection devant une petite quarantaine de personnes. Dans l’assistance, Guillaume de Thieulloy, le directeur du Salon beige, les assistants parlementaires des députés Marie-France Lorho et Emmanuelle Ménard, Philippine Rambaud et Charles de Meyer, des amis. Et c’est sous l’impulsion de ses deux députés que la chose a été rendue possible.

    L’Etat va-t-il enfin reconnaître ses crimes ?

    « La rébellion cachée », le film courageux et très touchant de Daniel Rabourdin, révèle, en une heure et quart, l’histoire d’un massacre de grande dimension. Le massacre de plus de 150.000 Français, en 1794, de paysans, d’ouvriers, de prêtres, de religieuses, des amoureux de la monarchie. Ils étaient Vendéens mais aussi Bretons. Mais les massacres ne se sont pas cantonnés à la seule région ouest de la France. Les républicains commirent des atrocités dans les régions de Lyon, Marseille et Paris. C’est donc ce film, ignoré des grands médias et de la classe politique dans sa presque totalité, qui fut diffusé dans une des salles de l’Assemblée nationale. Incroyable quand on sait que c’est la Convention, l’ancêtre de l’Assemblée nationale, qui décida de l’extermination des Vendéens parce qu’ils se battaient pour défendre leur Roi mais aussi leur foi ! Les preuves matérielles existent. Il suffit juste de les reconnaître…

    Une injustice considérable

    Si ce serait un miracle que l’actuelle législature reconnaisse enfin les crimes commis par ceux-là mêmes qui ont voté l’extermination sur cette terre chrétienne qu’était la Vendée, la diffusion d’un film sur le génocide pourrait être un premier pas. Car depuis plus de 220 ans, l’injustice envers les victimes défuntes et ceux qui ont contribué à l’exhumation de cette page de l’histoire de France est considérable. Reynald Secher est l’une d’elles. L’historien et écrivain breton – il est docteur d'État ès lettres et sciences humaines – est le spécialiste français des guerres de Vendée. Auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, il fut aussi victime d’un complot manifeste visant à le discréditer et surtout à le priver de sa chaire à l’université. Son combat très courageux qui a démarré il y a plus de 25 ans contre un déni d’Etat, sera peut-être un jour enfin récompensé.   

  • Spectacle • Gaspard Proust, un moderne antimoderne

     

    Par Jean-Christophe Buisson

     

    3658649930.jpgQuel artiste, en 20I7 peut se targuer de remplir tous les soirs une salle de 800 places en se contentant, pour toute promotion, de quelques affiches aussi sobres que rares ?

    Un seul : Gaspard Proust. Sur son seul nom (et prénom), cet homme au mauvais esprit revendiqué affiche quasi complet au Théâtre Antoine jusqu'à la fin de l'année.

    On se presse pour venir entendre, supporter et applaudir ses saillies contre les bien-pensants, les commentateurs politiques gonflés d'orgueil, les féministes hystériques, les savants fous et leurs thuriféraires, les progressistes sourds et aveugles, les complices objectifs de Daech, les obsédés de la modernité, Anne Hidalgo... Dans son Nouveau Spectacle, il a ôté beaucoup de politique (merci la vague dégagiste du printemps dernier) au profit heureux d'une véritable réflexion philosophique et anthropologique sur notre société.

    Entre deux rafales de formules drôles, cruelles, hilarantes, embarrassantes, il développe une vision du monde aussi noire que son humour. Héritier incontestable de Desproges et de Muray, il se montre de plus en plus houellebecquien (de belles dents et une énergie comique en plus). Est-il un faux pessimiste ? Un décadentiste joyeux ? Un nihiliste conservateur ? Bref, un oxymore sur jambes ? Seule certitude : il est le plus cultivé, le plus littéraire et sans doute le plus intelligent de ceux qui font office de divertir. La preuve : il ne parle pas aux journalistes.  

    Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l'émission hebdomadaire Historiquement show4 et l'émission bimestrielle L'Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d'une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l'émission AcTualiTy sur France 2. Son dernier livre, 1917, l'année qui a changé le monde, vient de paraître aux éditions Perrin.

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    1917, l'année qui a changé le monde de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 320 p. et une centaine d'illustrations, 24,90 €.

  • Cinéma • Le Musée des Merveilles

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    Le Musée des Merveilles, un drame américain de Todd Haynes, avec Oakes Fegley et Millicent Simmonds 

    « Vous devriez savoir qu’il est extrêmement dangereux de téléphoner pendant un orage… »

    Malheureusement pour lui, Ben ne connaît sans doute pas le Capitaine Haddock et ne l’a pas vu suspendu dans son lustre en cristal au début de L’Affaire Tournesol !

    C’est en effet le monde du silence, du cinéma muet dans lequel s’agitent les populations (oh combien changées !) de New-York en 1927 et 1977, sans que parviennent à nos oreilles les rumeurs et le bruit de la ville. Mais ce film n’est pas pour autant merveilleux, et je déplore de devoir « bémoliser » ainsi les critiques louangeuses lues et entendues, même s’il vaut mieux les entendre que d’être sourd.

    A mon grand regret, l’Alice que j’étais en entrant dans la salle n’a pas été émerveillée et est ressortie déçue, considérant le titre presque mensonger. L’histoire est relativement absurde - on peut même dire précisément qu’elle dépasse l’entendement -  et surtout elle est compliquée à telle enseigne que le réalisateur est  tenu de l’expliquer dans une scène finale en faisant lire un papier par l’une des protagonistes. Quant au musée, il est sans doute très beau mais sa visite est rapide.

    j’ai lu que ce film  est « à voir en famille dès 7, 8 ans ». Révérence gardée, je pense que ce film de 2 heures est trop long pour des enfants, et incompréhensible à  « 7, 8 ans » ; en outre il ne faudrait pas donner l’impression de cautionner les fugues. J’engagerais, pour ma part, les parents à commencer par voir ce film eux-mêmes avant d’y envoyer leurs enfants. A bon entendeur, salut.  

  • Prince Jean : « En cette veille de Noël ne pas oublier les plus pauvres, comme chrétien cela fait partie de notre vocation et comme prince de notre devoir »

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpg« Il est urgent de refonder le contrat social »

    Je viens de terminer de lire le rapport statistique 2017 du Secours Catholique à propos de la pauvreté en France.

    Le titre parle de lui même : « Pauvreté, la fragilité se renforce ». Quatre grandes tendances y sont soulignées : les femmes sont de plus en plus fragiles (en 2016 elles étaient plus nombreuses que les hommes à être accueillies au Secours Catholique), de plus en plus de personnes sont sans ressources (de 16,6% en 2006 à 19% en 2016), de moins en moins de ménages sont couverts par les prestations sociales (de 71,6% en 2010 à 64,4% en 2016), de plus en plus de ménages sont des couples avec enfants (en 2016 ils atteignaient 24,2% après les familles monoparentales 29,6%).

    Tel est le rude constat que dresse le Secours Catholique. Comme le dit sa présidente, Véronique Payet, « il est urgent de refonder le contrat social ». Malheureusement les élections successives à la tête de l’État depuis plusieurs décennies apparaissent comme celles d’une France libérale moins soucieuse des plus démunis, en tout cas dans les actes. Même les défenseurs du social d’il y a trente ans sont depuis longtemps passés du coté de l’argent et du pouvoir, que ce soit dans la presse, la finance ou la politique.

    Nous avions accueilli le Secours Catholique de Dreux en début d’année pour une visite de la Chapelle Royale et nous avions ensuite reçu des bénéficiaires chez nous. Il est important en cette veille de Noël de ne pas oublier les plus pauvres, que ce soit en parole comme en acte. Comme chrétien cela fait partie de notre vocation et comme prince de notre devoir.    

     

    Jean de France, duc de Vendôme
    Domaine Royal de Dreux le 19 décembre 2017

    Le site officiel du Prince Jean de France

  • Mathieu Bock-Côté: « Finkielkraut, voilà l'ennemi !»

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    TRIBUNE - Ayant déclaré dimanche [10.12] que « les non-souchiens brillaient par leur absence » lors de l'hommage rendu à Johnny, Alain Finkielkraut a déclenché la polémique. Pour Mathieu Bock-Côté [Figarovox, 14.12], l'indignation médiatique est avant tout un prétexte pour faire du philosophe un paria. Ce qu'il nous paraît dénoncer ici avec force, c'est en quelque sorte le totalitarisme qui s'est emparé de nos sociétés modernes ou postmodernes et qui prétend imposer silence à l'intelligence et au courage. A noter que Maurras avait imaginé l'avènement d'un tel « âge de fer » tyrannique, ou âge barbare, dans son Avenir de l'intelligenceLFAR 

     

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    La simple présence d'Alain Finkielkraut dans l'espace public semble aujourd'hui faire scandale. À gauche de la gauche, on a cessé d'écouter ses arguments mais on scrute sans cesse ses propos à la recherche de ce que le système médiatique nomme un dérapage, ou du moins, pour trouver quelques propos controversés qui justifieront sa mise au pilori pour quelques jours. L'objectif, c'est de faire du philosophe un paria, de le discréditer moralement, de le transformer en infréquentable, qui ne sera plus convoqué dans le débat public qu'à la manière d'un repoussoir, sans cesse obligé de se justifier d'exister.

    Celui qui s'est imposé au fil des décennies à travers une critique subtile et mélancolique de la modernité et de sa tentation démiurgique est transformé en commentateur ronchon contre lequel on justifiera toutes les moqueries. On ne prend pas la peine de le lire et on attend simplement le moment où on pourra le lyncher pour de bon. Pour les patrouilleurs zélés du politiquement correct, qui distribuent sans cesse les contraventions idéologiques, Alain Finkielkraut n'est plus le bienvenu dans le débat public.

    C'est à la lumière de cette aversion de plus en plus revendiquée pour Alain Finkielkraut qu'on peut comprendre la tempête médiatique qui le frappe ces jours-ci. On le sait, dans le cadre de son émission hebdomadaire sur RCJ, où il répond aux questions d'Elisabeth Lévy, le philosophe est revenu sur l'hommage national rendu à Johnny Hallyday en cherchant à décrypter une passion qui lui était étrangère. Finkielkraut a aussi noté, comme d'autres, que la communion populaire autour de Johnny Hallyday révélait aussi les failles de la communauté nationale. En gros, Johnny Hallyday était plébiscité par la France périphérique, qu'il aura longtemps fait rêver d'Amérique et d'aventure, mais ignoré par la France issue de la diversité, ou si on préfère le dire moins pudiquement, par celle issue de l'immigration. Il a pour ce faire employé ironiquement le terme « sous-chien » inventé par Houria Bouteldja pour qualifier « les Français de souche » et donc celui de « non souchien » pour ceux qui ne le sont pas. Cette ironie n'a pas été comprise, elle était peut-être malheureuse, plus largement on peut partager ou non son analyse, la trouver pertinente ou insuffisante: telle n'est pas la question.

    Nous ne sommes pas dans une controverse honnête et loyale, dans une correction bienveillante mais dans une volonté délibérée de nuire. Les ennemis de Finkielkraut n'allaient pas se priver de fabriquer un scandale artificiel de part en part pour lui faire un mauvais procès en racisme. On l'a d'un coup décrété double maléfique des Indigènes de la République. Les enquêteurs de la police de la pensée et les milliers de délateurs qui les alimentent et les applaudissent sur les réseaux sociaux étaient extatiques: enfin, ils tenaient leur homme. Enfin, ils avaient devant eux le dérapage de trop. Enfin, Finkielkraut venait de tomber dans un piège dont il ne sortirait pas.

    Il ne vaut même pas la peine de revenir sur le fond du propos tellement il suffit d'un minimum de jugement et de bonne foi pour savoir qu'il n'a jamais tenu le moindre propos raciste dans son commentaire de l'hommage à Johnny Hallyday et qu'il s'est contenté de reprendre de manière moqueuse et au deuxième degré le vocabulaire de ceux qui le conspuent. Que ce qu'il a dit ne diffère en rien du jugement, sur le sujet, d'un Laurent Joffrin ou de Dominique Bussereau.

    Cela dit, la tempête Finkielkraut du moment est intéressante pour ce qu'elle révèle du dérèglement de la vie publique, et cela, pas seulement en France mais à la grandeur du monde occidental. D'abord, on y voit l'importance du buzz comme phénomène médiatique. Une petite phrase arrachée à son contexte et mise en circulation sur internet peut déclencher une marée d'indignation, chacun s'ajoutant alors à la meute en expansion des indignés, qui veulent à tout prix envoyer un signal ostentatoire de conformité idéologique au politiquement correct.

    Une société allergique au pluralisme politique et idéologique

    On s'indigne, on hurle, on exige une punition exemplaire contre celui qui vient de transgresser le dogme diversitaire et la vision irénique du vivre-ensemble. On assiste même au retour de la gauche pétitionnaire à grande échelle. C'est ainsi qu'on a vu une pétition circuler sur internet pour que Finkielkraut soit viré de l'Académique française. Ceux qui la signent ont alors le sentiment gratifiant d'avoir eux-aussi pu cracher sur le philosophe jugé galeux. Les médias sociaux ont redonné vie à la foule lyncheuse. Disons-le autrement : elles transforment en action vertueuse la lapidation virtuelle. Il s'agit d'écraser symboliquement le dissident, de provoquer sa mort sociale.

    On y revient, la tentation lyncheuse qui s'exprime sur les médias sociaux correspond à une réhabilitation de l'ostracisme dans une société de plus en plus allergique au pluralisme politique et idéologique. Il faut être progressiste ou se taire. Il faut chanter les louanges du multiculturalisme et ne jamais noter les lézardes sociales qu'il engendre ou se fermer la gueule. Il faut tweeter dans le sens de l'histoire ou se tenir éloigné de son clavier. Et si on pense autrement, si on critique, si on se moque, si on ironise, même, on sera accusé d'être un provocateur, un polémiste, même, et d'avoir bien cherché sa mauvaise réputation. On se fera coller une sale étiquette qu'il faudra porter à la manière d'un symbole d'infamie.

    Il y a là une forme d'intolérance primitive qui se maquille en tolérance supérieure. On ne se surprendra pas, alors, que les réflexes d'autocensure se développent autant chez tant d'intellectuels qui redoutent d'avoir à subir à leur tour une pluie de crachats, pour peu que quelques esprits mal tournés ne comprennent pas ce qu'ils ont voulu dire et lancent contre eux une campagne de diffamation.

    L'ensauvagement de la vie publique qui se révèle à travers l'effrayante muflerie des réseaux sociaux témoigne purement et simplement d'une régression de la vie démocratique. Et c'est en bonne partie parce qu'il ose braver cet environnement toxique qu'Alain Finkielkraut est admirable. Nous sommes devant un philosophe de grande valeur, nous le savons. Mais il arrive souvent que les meilleurs philosophes n'aient pas un caractère à la hauteur de leur intelligence. Ce n'est pas le cas d'Alain Finkielkraut, qui fait preuve d'un courage civique exemplaire et qui ose aller dans l'espace public pour penser notre temps tout en sachant qu'il n'en sortira pas indemne. Il croit à la discussion, à l'affrontement des idées, et il a toujours le souci, comme on le constate chaque samedi à Répliques, de donner la parole au camp adverse. Ceux qui lui répondent par des injures et qui en appellent à son exécution publique ne nous disent finalement qu'une chose : ils ne sont pas à la hauteur du défi qu'il leur lance.  

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).