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  • Hubert Védrine [2] : « L'hubris américaine »

      

    Dans son dernier essai, Le monde au défi, Hubert Védrine fait le constat de l'impuissance voire de l'inexistence de la communauté internationale. Il dresse un vaste et éclairant panorama de l'état du monde et des illusions perdues du marché, de la mondialisation heureuse et de l'Union européenne. Secrétaire général de l'Élysée sous François Mitterrand et ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002, Hubert Védrine se distingue par sa finesse d'analyse et sa connaissance précise des dossiers. Loin des incantations et de la dialectique binaire qui tend à remplacer la géopolitique, il défend, à la manière d'un Bainville, une vision réaliste et pragmatique de la politique étrangère. Il plaide pour « un  retour au monde réel, et inévitablement à la realpolitik, moins néfaste que l'irreal politikLafautearousseau en publie au fil des jours des extraits choisis par Vincent Trémolet de Villers pour Le Figaro [8.04].  LFAR

     

    hubert_vedrine_sipa.jpgL'hubris américaine

    Ainsi, au cours des vingt-cinq dernières années, les États-Unis ont souvent abusé, jusqu'à l'hubris, de ce qu'ils ont cru être leur toute-puissance - et c'est d'ailleurs dans la décennie 1990 que j'ai utilisé à leur égard le terme d'« hyperpuissance ». Lors de la décennie suivante, les États-Unis réagirent de façon contrastée et contradictoire à la prise de conscience, partielle et douloureuse, de la perte de leur monopole de puissance, tandis que les Européens se berçaient d'illusions, que les Russes ressassaient leur amertume, que le monde arabo-islamique oscillait entre verrouillage, dénonciations et convulsions, qu'enflait la vague du terrorisme islamique et que l'économie globale de marché, financiarisée et dérégulée, finissait par exploser en 2008. 

    Hubert Védrine           

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    Le monde au défi, Fayard, 180 p.

  • Ce soir à Marseille : conférence d'Annie Laurent aux Réformés ... A ne pas manquer !

     

    1311268446.jpgLa paroisse Saint Vincent de Paul (les Réformés)

    vous propose dans leur église

    une conférence d'ANNIE LAURENT

    jeudi 14 AVRIL à 20 heures

    « Christianisme et Islam :

    Quel Dieu pour quel homme ? »

  • Emmanuel Macron, « en marche » vers l’Elysée ?

     

    par Olivier Pichon

    De Pompidou, il a le passé professionnel dans la banque ; de Lecanuet, le sourire enjôleur ; de Giscard, le profil du social démocrate venu de la gauche… même si ce dernier était issu de la droite. Pour l’heure, créature de Hollande, c’est le ministre de l’Économie qui semble tirer « les Macron du feu » pour le plus grand dépit de Manuel Valls.

    D’aucuns se délectent de la nouveauté de son initiative. Pourtant, rien n’est plus inexact comme nous allons le voir.

    Macron social libéral ?

    Quel est le sens de « social-libéral » ? On veut signifier, par-là, que l’homme veut abandonner les vieilles lunes du socialisme : appropriation collective des moyens de production, rôle massif de l’État et l’arsenal bien connu des socialistes de droite et de gauche. Ces oripeaux, la gauche française a toujours eu du mal à s’en défaire, car la France est le pays de l’idéologie des… idéologies et le dernier pays communiste d’Europe.

    Son dérivé, le terme longtemps employé de « social-démocratie », fut une insulte pendant des années. J’ai souvenir qu’à l’université, dans les années 70, se faire traiter de « social-démocrate » était infamant, attestant le caractère « communiste » de l’université. A dire vrai, et c’est là qu’il n’y a pas nouveauté, ce concept est le fait des Allemands à la fin du XIX siècle. S’étant aperçu que le capitalisme permettait la redistribution, les socialistes allemands ne voulurent pas tuer la poule aux œufs d’or, d’autant que, pendant ce temps-là, Bismarck, le dirigeant le plus conservateur de l’Europe de la fin du XIXe siècle, inventait « l’État providence » en se basant sur les théories de l’économiste Adolphe Wagner.

    Il fallait financer retraite, chômage et couverture maladie… financements qui vinrent beaucoup plus tard en France. C’est la troisième Internationale qui donna quelque poids au socialisme « réel » (entendez désormais communisme). Fondée à Moscou, en 1919, elle refusait tout compromis avec le capitalisme. En France, malgré le congrès de Tours, en 1920, (séparation entre socialistes et communiste), la gauche aura beaucoup de mal à ne pas être communiste…

    Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands, encore eux, poussent à fond la logique de la « Soziale Marktwirtschaft » (économie sociale de marché) tandis que la gauche française, jusqu’au programme commun, restera profondément anti social-démocrate et dotée d’un parti communiste puissant.

    Macron fait son congrès de Tours

    Au fond, Macron nous fait son congrès de Tours. Rien de neuf sous le soleil ! La bonne nouvelle et, à dire vrai, la seule nouveauté, tient dans la mort du socialisme rêvé par les socialistes français. Certes, il reste l’extrême gauche. Mais la perspective d’une « gauche unie », dont Mitterrand se servit comme d’un marchepied, paraît impossible. On voit mal Macron jouer les Florentins. Le ministre de l’Économie enterre donc le socialisme et l’union de la gauche, ce qui fait beaucoup pour un seul homme. Certains lui feront payer ses actes.

    Tous sociaux libéraux !

    En réalité, toute la classe politique est plus ou moins social-libérale. Depuis des décennies, Keynes aidant, les politiques ont su saigner la bête capitaliste suffisamment pour qu’elle continue de vivre et de prospérer. La symbiose est totale depuis longtemps et les capitalistes, de leur côté, ont su se servir au mieux du pouvoir politique pour leur intérêt. Le système redistributif qui en découle est, d’ailleurs, aujourd’hui le problème et non plus tout à fait la solution : même le fameux modèle allemand souffre. La réponse est désormais de faire maigrir non le capitalisme – encore que – mais bien l’État, compte tenu de son endettement et de son poids excessif dans l’économie.

    La vraie question : le modèle français face à la mondialisation

    Le problème, pour Macron, est d’affronter un pays profondément conservateur et pas dans le meilleur sens du terme. Le tout dans un contexte complexifié par la grande mondialisation – qu’illustre, par exemple, le Tafta – et par la petite mondialisation, en Europe, dont il est partisan. La tâche sera rude et la rhétorique du « ni droite, ni gauche », qu’on retrouve aussi au FN, s’explique ainsi. Face aux 35 heures, au statut de la fonction publique, au rôle de l’État dans l’économie, il aura contre lui une partie de la gauche mais aussi une partie de la droite et de l’extrême droite. La véritable question est donc la suivante : peut-on être mondialiste et toujours français ?

    Une tactique pas une stratégie

    Pour l’heure, la logique Macron permettra de maintenir une partie du PS dans les sphères du pouvoir sans le socialisme, mais avec les prébendes qui vont avec. Tactique, encore, lorsqu’il s’agit de doubler un Valls sur le même créneau modernisateur, mais en version autoritaire.

    En attendant le joker du président le plus démonétisé de la Ve république , s’il parvenait à lui succéder, sera-t-il condamné à nous refaire, sous couvert de social-libéralisme et de gouverner au centre, le coup de Giscard ? Celui-ci, au final, augmenta les prélèvements obligatoires et fit, en fait de « libéralisme avancé », avancer le socialisme. Tout changer pour que rien ne change ! 

  • Hubert Védrine [1] : « La communauté internationale n'existe pas »

      

    Dans son dernier essai, Le monde au défi, Hubert Védrine fait le constat de l'impuissance voire de l'inexistence de la communauté internationale. Il dresse un vaste et éclairant panorama de l'état du monde et des illusions perdues du marché, de la mondialisation heureuse et de l'Union européenne. Secrétaire général de l'Élysée sous François Mitterrand et ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002, Hubert Védrine se distingue par sa finesse d'analyse et sa connaissance précise des dossiers. Loin des incantations et de la dialectique binaire qui tend à remplacer la géopolitique, il défend, à la manière d'un Bainville, une vision réaliste et pragmatique de la politique étrangère. Il plaide pour « un  retour au monde réel, et inévitablement à la realpolitik, moins néfaste que l'irreal politikLafautearousseau en publie au fil des jours des extraits choisis par Vincent Trémolet de Villers pour Le Figaro [8.04].  LFAR

     

    hubert_vedrine_sipa.jpgLe Monde de Babel

    Mais que fait la « communauté internationale » ? Confrontés que nous sommes au spectacle chaotique du monde qui aggrave la confusion des idées, cette question lancinante vient naturellement à l'esprit. Réponse: rien ou si peu. Comment pourrait agir une communauté internationale qui n'existe pas encore en 2016, ou à peine ? C'est un noble objectif mais toujours pas une réalité. Comment est-ce possible soixante-dix ans après la fondation des Nations unies dont on a célébré l'anniversaire en automne 2015 ? L'expression « communauté internationale » est tellement courante qu'elle en est presque devenue un tic de langage dans les médias, la classe politique, les ONG et les communiqués des sommets multilatéraux… Pourtant, elle correspond bien peu à la réalité, chaque jour observable, d'une Babel après la chute des illusions. 

    Hubert Védrine           

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    Le monde au défi, Fayard, 180 p.

  • L’heure terroriste

     

    par Hilaire de crémiers

     

    hilaire-de-cremiers-510x327.jpgAucune analyse de l’actualité, aucune prévision raisonnable, aucune protestation des populations maltraitées, pressurées, rejetées n’ont jusqu’à présent changé les habitudes politiciennes et l’inconcevable permanence de leur médiocrité. Voilà que la violence absolue surgit... Alors ?

    Il était beau d’entendre Bernard Cazeneuve célébrer triomphalement, le vendredi 28 mars au soir, l’arrestation de Salah Abdeslam. Le propos ministériel était martial : la République allait vaincre le terrorisme ; déjà, disait-il, il était vaincu et cette arrestation en était le signe précurseur. Cependant, il convient d’admirer l’implacable logique des évènements et la non moins fatale inconséquence de nos gouvernants. Le lendemain, samedi 19 mars, le président de la République en personne, avec toute l’autorité que lui confère son rang, – la cérémonie était prévue pour des raisons électorales – célébrait ce qui fut dans la terrible réalité de l’époque la victoire politique du terrorisme – et du terrorisme islamique – en 1962 sur le territoire alors français d’Algérie, victoire que la France entérinait par la fausse paix et les honteux accords d’évian. Le président avait ce style homilétique qui est propre à toute cette bande de faux curés – ou de « faux-culs » si vous préférez – qui nous dirigent, tous, ou à peu près, sortis des bons collèges dont ils n’ont retenu, tout en abandonnant quant à eux toute foi et toute morale, que l’art d’imposer un discours moralisateur pour dissimuler leurs propres lâchetés. Le pathos présidentiel, embrouillé comme d’habitude, incitait les mémoires à oublier pour apaiser et réconcilier. Il n’y avait en l’occurrence et sur ce point d’histoire précis aucun devoir de mémoire ! Pas de victimes, pas d’assassins ni de bourreaux ! Or ce qui s’est passé avant et après le 19 mars 1962 est parfaitement connu. Il suffit de lire sur le site de Politique magazine l’article de Jean Monneret, l’un des historiens les plus méticuleux de cette sinistre période : des dizaines de milliers de musulmans français, qui avaient manifesté leur attachement à la France, en particulier les harkis et leurs familles, livrés sans pitié en pâture à leurs tortionnaires dans l’horreur d’indicibles supplices, des milliers de Pieds-Noirs, hommes, femmes, enfants, enlevés, massacrés sous l’œil indifférent et la complicité passive, parfois active, des autorités officielles, civiles et militaires, des soldats français laissés entre les mains du FLN et à jamais disparus, un mépris souverain pour les innombrables exilés et un rejet ignoble des familles musulmanes sauvées en cachette, voilà la réalité de 1962. Et François Hollande la sait, au moins par son père qui, lui-même, fut à l’époque indigné de tels comportements. L’écrivain algérien Boualem Sansal a parlé de « faute morale » à propos d’une célébration qui conforte à Alger la dictature d’un FLN terroriste et d’un Bouteflika sans scrupule à qui la malheureuse Algérie, mise en coupe réglée, a été depuis lors abandonnée en prébende. Ce n’est pas le seul Algérien à penser ainsi ; il est facile de constater aujourd’hui les effets d’une telle politique : l’Algérie est une bombe à retardement. 

    Complicité de trahison

    François Hollande, un jour donc après l’arrestation de Salah Abdeslam, a fait, avec hypocrisie et sans le nommer, l’éloge du terrorisme et du terrorisme efficace, celui qui finalement réussit à obtenir le résultat qu’il escompte. François Mitterrand, le prétendu maître de cette gauche bourgeoise, à plusieurs reprises, en 1954, en 1956, comme ministre de l’Intérieur – n’est-ce pas, Cazeneuve –, comme ministre de la Justice – n’est-ce pas, Urvoas –, avait déclaré solennellement que jamais la République ne céderait devant le terrorisme : il parlait du terrorisme du FLN. On sait trop bien ce qui est advenu. Et c’est sans doute la raison pour laquelle lui, Mitterrand, n’a jamais consenti à célébrer le 19 mars ; cet homme, si cynique par ailleurs, à défaut d’honneur, savait, du moins, ce que c’était que la honte.

    Après les grandiloquentes déclarations de Cazeneuve et les indignes palinodies de Hollande, les Français qui se souviennent et réfléchissent un tant soit peu, doivent se méfier. Les Français musulmans en premiers, ceux qui aiment la France, qui y sont attachés, sachant qu’ils ne sont dans pareil système, comme tous les Français, que de vulgaires enjeux électoraux. Qu’adviendra-t-il si le terrorisme, comme il est plus que probable, redouble et que villes et banlieues incontrôlées se mettent à s’agiter… ? 

    Alors, comme fait exprès, le dimanche 20 mars, tel un éclair de vérité dans ce ciel si sombre, Philippe et Nicolas de Villiers recevaient avec toute la pompe qu’ils savent déployer dans leur parc du Puy du Fou, l’anneau de Jeanne d’Arc qu’ils venaient d’acheter à Londres, sans que la République française s’y intéressât. La cérémonie d’une dignité parfaite est retracée par Fabrice Madouas sur le site de Politique magazine. Le peuple était là au rendez-vous et les Cyrards aussi, la jeunesse militaire française qui voit dans la Pucelle d’Orléans le plus beau des modèles héroïques de la France séculaire, cette France que le politicien par nature n’aime pas. Philippe de Villiers a su faire vibrer les cœurs et a répondu avec son panache habituel aux réclamations tardives du gouvernement anglais. L’aventure de Jeanne est la réponse précise, exacte, parfaitement appropriée à notre problème français, toujours le même. Le livre que notre ami et collaborateur Jacques Trémolet de Villers a consacré à son procès, en est l’illustration. La chevauchée de la reconquête française ne peut passer que par Reims. Merci aux Villiers d’avoir offert aux Français ce fabuleux cadeau, inattendu autant qu’inespéré.

    Le sang comme prix de leur politique

    Et puis, le lundi 21 mars, avec l’implacabilité des systèmes répétitifs usque ad nauseam, les querelles partisanes reprenaient de plus belle en France sur la loi El Khomri, sur la déchéance de nationalité, sur l’état d’urgence, sur les primaires à droite, à gauche, au centre et pendant que les étudiants et les syndicats annonçaient à qui mieux mieux des manifestations et des grèves, le gouvernement osait prévoir un redémarrage de la croissance et une inversion de la courbe du chômage, tout cela sollicité par les chiffres de la conjoncture agencés à cet effet. Hollande, donc…

    Et voilà que le mardi 22 mars deux attentats terroristes ensanglantaient Bruxelles, obligeant Hollande et Cazeneuve à baisser de ton. Le drame n’est pas derrière nous ; il est devant nous. Les terroristes sortent les uns après les autres des cités qu’ont fabriquées les monstrueuses politiques de nos politiciens ; ils se promènent partout dans l’Europe telle que l’ont constituée ces mêmes politiques d’incapables et d’idéologues ; ils sont charriés aujourd’hui par les flux migratoires qu’ont multipliés encore et toujours les mêmes politiques insensées, jusqu’aux accords Merkel-Erdogan d’une inconcevable duperie et jusqu’aux dernières lois françaises, y compris celle du 18 février, passée inaperçue, votée à la dérobée dans la suite des directives de Bruxelles, en l’absence de presque tous les députés, et qui ouvre encore davantage nos portes devant lesquelles le gouvernement place maintenant vainement des sentinelles !

    La suite… ? Elle est prévisible. Quand paraîtra cet article, fasse le ciel que les évènements ne confirment pas la prévision. « On aura les conséquences », disait Jacques Bainville, citant l’Ecclésiaste : « On aura les conséquences. Celui qui creuse un fossé y tombe ». 

  • Une hirondelle républicaine ne suffira pas à faire un printemps français

     

    Le Printemps républicain a été lancé le 20 mars à Paris. Pour Vincent Coussedière, la souveraineté ne suffit pas à définir une République, laquelle réside dans la légitimité populaire |Figarovox - 8.04]. Une autre façon, en fait, de contester cette république idéologique qu'est spécifiquement la république française et ses non moins idéologiques valeurs. Une autre façon, aussi, de réaffirmer la prééminence de la nation sur tel ou tel régime particulier et celle de son peuple défini par son histoire, par ses mœurs et par l'attachement qu'il leur porte. Ainsi se fonde en effet une souveraineté légitime, aujourd'hui perdue. Faut-il l'incarner par l'élection ? Son arithmétique barbare, les divisions qu'elle creuse entre Français, les ambitions qu'elle remue, l'espace qu'elle ouvre tout grand à l'interventionnisme des puissances d'argent, la démagogie avilissante à laquelle elle conduit les candidats, la négation qu'elle perpétue de toute pérennité et de toute transcendance du Pouvoir, qu'elle rend ainsi éphémère et terriblement faible, la disqualifient, selon nous, comme mode de désignation du Chef de l'Etat. Il n'est pas sûr que - sans envisager encore le recours monarchique auquel nous pensons - nombre d'esprits qui réfléchissent sur le malaise de notre démocratie n'en soient pas déjà arrivés à ce type d'analyse et de conclusion. Lafautearousseau     

     

    Un refrain bien connu commence d'être entonné à l'approche des élections présidentielles, une chanson douce qui vient bercer les rêves de nos intellectuels. Une fois encore, on nous fait le coup du retour à la République et à ses fondamentaux. Jean-Pierre Chevènement est invité sur tous les plateaux de télévision, on le consulte pour savoir qui sera son « successeur ». L'hebdomadaire Marianne propose sa énième pétition pour refonder la république et la laïcité. On nous annonce un « printemps républicain », réunissant intellectuels et acteurs de la société civile, bien décidés à peser à gauche sur l'élection de 2017.

    Soit, mais comment nos républicains entendent-ils reconstruire cette fameuse laïcité qu'ils présentent comme un « ciment » seul capable de faire de nouveau « vivre ensemble » les Français ? Possèdent-ils la formule chimique de cette laïcité qui apparaît de plus en plus comme une potion magique apte à faire renaître le village d'Astérix ? En réalité les ingrédients de cette formule restent toujours les mêmes depuis que le druide du républicanisme français, Jean-Pierre Chevènement, les a formulés dans les années 80 : l'État, la Loi, l'Ecole. Ces trois ingrédients, à condition d'être habilement dosés, constituent la potion magique républicaine. Chacun peut alors se presser autour du chaudron pour s'en abreuver : l'enfant comme la femme, l'étranger comme l'autochtone, le gouvernant comme le gouverné, il subira alors la transmutation magique et deviendra un invincible citoyen.

    Si par malheur un esprit chagrin s'aventurait à faire remarquer à nos sympathiques républicains que l'État, la Loi, l'Ecole, se sont justement montrés singulièrement impuissants, depuis 30 ans, à produire un sursaut républicain et citoyen, et qu'il serait peut-être bon, du coup, de s'interroger sérieusement sur le logiciel « républicain », il ne pourrait espérer les faire douter aussi facilement. La réponse serait toute prête et elle claquerait comme un coup de fouet : Souveraineté. Ici se marque la véritable supériorité des druides républicains, qui savent non seulement reconnaître les ingrédients nécessaires pour confectionner leur potion magique, mais qui disposent aussi du critère permettant de s'assurer de leur fraîcheur indispensable. Seul un Etat souverain, une Loi souveraine, une Ecole souveraine pourraient nous faire retrouver, diraient-ils, notre être de citoyens unis dans une même nation.

    Mais comment, insisterions-nous encore naïvement, faire retrouver à l'État, à la Loi et à l'Ecole, leur souveraineté perdue ? Là encore nos interlocuteurs n'hésiteraient pas longtemps, et nous expliqueraient que c'est une affaire de volonté. Ecoutons par exemple la parole de cet autre grand druide républicain, Régis Debray: « Il faudrait un volontarisme de fer, à contre-courant des valeurs les plus chères à notre soi-disant société civile et aux tendances majoritaires de notre environnement géographique pour oser faire renaître un Etat, une Ecole, une République. »*

    Vouloir la souveraineté de l'État, de la Loi, de l'Ecole, tel est au fond le programme de nos républicains, celui qu'ils répètent depuis 30 ans sous la forme d'une sorte de catéchisme. Ils sautent sur leur chaise comme des cabris en répétant « souveraineté », «souveraineté », pensant ainsi s'opposer suffisamment à ceux dont de Gaulle se moquait déjà et qui eux répètent, « Europe, Europe ».

    Mais la souveraineté ne suffit pas à définir une République, laquelle réside dans la légitimité populaire de cette souveraineté. De quel peuple la souveraineté qu'on prétend réinstaurer tire-t-elle sa légitimité ? Du peuple français s'il s'agit de la république française, du peuple américain s'il s'agit de la république américaine, etc. Et cette souveraineté qui est effectivement nécessaire pour parler de république n'exprime que l'indépendance et l'autorité d'une décision non le contenu de celle-ci. Dans le cadre d'une république le contenu de la décision souveraine doit être légitimé par le peuple (ce qui ne veut pas dire obligatoirement voté) car c'est le peuple qui est souverain. On ne voit pas alors en quoi la souveraineté protégerait à elle seule la laïcité par exemple, puisque celle-ci renvoie à la décision commune de donner une certaine forme aux mœurs. Un peuple peut très bien décider souverainement de renoncer à la laïcité si celle-ci est pensée sur le seul plan de la Loi et de l'État.

    Non, décidément, la République ne pourra se refonder elle-même en se tirant de son marasme par les cheveux comme le baron de Münchhausen des sables mouvants. Elle a besoin d'une mystique qui ne sera pas produite ex nihilo par une poignée d'intellectuels, car cette mystique n'est rien d'autre que l'attachement de tout un peuple à ses mœurs, dont les lois ne sont que l'expression consciente et volontaire. Elle a besoin de ce peuple et de son populisme actuel, qu'elle doit comprendre comme un attachement profond à une forme de mœurs appelée nation. Elle a besoin de se dégager de son recouvrement libéral pour affirmer son sous-bassement national, lequel ne réside pas dans le « citoyennisme », mais dans des mœurs qui donnent une certaine forme à la vie la plus quotidienne. Ce qui sous-tend la laïcité c'est cette forme de vie et non un kantisme abstrait du respect de la volonté libre.

    Revenons aux sources, revenons à Rousseau, qui, dans sa Lettre à d'Alembert, nous mettait ainsi en garde: « Mais ne nous flattons pas de conserver la liberté en renonçant aux mœurs qui nous l'ont acquise. ». 

    Une hirondelle républicaine ne suffira malheureusement pas à faire un printemps français.

    * Régis Debray: Revue Le Débat n°185.

    Vincent Coussedière           

    Agrégé de philosophie, Vincent Coussedière a été révélé au grand public avec son premier livre Eloge du populisme. Son second opus, Le retour du peuple, An I, vient de paraître aux éditions du Cerf.

  • Coupable faiblesse

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Le 4 avril, début de mise en oeuvre de l’accord passé entre l’Union Européenne et la Turquie : retour en Asie pour deux cents migrants illégaux tandis que quarante-trois Syriens débarquent « légalement » à Hanovre. Indignation des pancartes droit-de-l’hommistes (« no border, no nation, stop deportation »), indignation qui a le mérite de souligner les enjeux, en faisant de l’Europe un territoire commun où chacun serait, de plein droit, chez soi. 

    Trois jours après, M. Erdogan menace de ne plus appliquer l’accord si l’Union ne tient pas les engagements pris en mars : reprise des négociations d’adhésion, six milliards d’euros d’ici 2018 et, surtout suppression dès juin 2016 (dans deux mois !) du visa imposé aux ressortissants turcs pour entrer en Europe. Voilà le prix à payer pour obtenir tout simplement que le gouvernement d’Ankara se conforme à ses obligations internationales en contrôlant son propre territoire.  

    Contrat léonin, donc, et peu glorieux si l’on mesure bien qu’il s’agit d’une sorte d’agenouillement devant des exigences turques fondées sur la seule faiblesse de l’Union. Celle-ci, incapable de prendre la moindre décision politique - et pour cause - préfère sous-traiter au prix fort sa sécurité à une puissance étrangère. Il eût été plus cohérent et plus efficace de signifier, armada navale à l’appui, qu’aucune embarcation chargée de migrants en provenance de Turquie ne serait admise dans les eaux territoriales d’un pays européen, quitte à employer la force et/ou à créer un incident diplomatique  

    Maintenant, même contesté par certains en Europe et d’une certaine façon pris en otage par la Turquie, l’accord existe. Au moins pourrait-il s’agir d’une sorte de pis-aller, un mauvais accord qui garantit au moins quelque chose valant mieux qu’un statu quo synonyme d’invasion incontrôlée; ou d’un répit honteux qui permettrait de mettre en place des solutions pérennes empêchant effectivement toute forme d’invasion migratoire via la Turquie. Rien ne permet de le penser, l’instigatrice de tout cela étant Mme Merkel : c’est bien elle qui a négocié en secret avec M. Davutoglu, Premier ministre turc, les bases de l’accord final. Essentiellement motivée par les soucis démographiques de l’Allemagne et habitée par sa foi protestante, son objectif est bien de faire venir des centaines de milliers de « réfugiés » proche-orientaux. 

    De toute façon, fermer la porte turque ne suffirait pas à juguler le flux migratoire. Payer et se soumettre aux conditions d’Ankara reste une manoeuvre purement dilatoire : les Pakistanais, Erythréens ou… Maghrébins auront vite fait, telles des fourmis, de contourner l’obstacle. La Libye leur tend les bras, d’autres pays plus à l’Ouest finiront par suivre. Ce que ne veulent pas comprendre militants « humanitaires » et gouvernements « humanistes » - ou qu’ils comprennent trop bien -, c’est que la vague nomade générée par le tiers-monde afro-asiatique continuera de déferler jusqu’à nous submerger. 

    Que la solution passe, en partie, par des mesures concernant directement les pays misérables d’où provient le flux migratoire, c’est le bon sens. Encore faudrait-il que nous survivions, ce qui passe par la défense des frontières, les armes à la main puisqu’il le faut. Mais, à moins d’un cataclysme qui dessillerait les yeux de tous, la chose paraît peu probable dans l'immédiat : des imbéciles, soutenus par des « élites » pourries, pourront continuer à brandir leurs pancartes culpabilisant une Europe à laquelle il faut donner mauvaise conscience. Ne plus croire assez en nous-mêmes pour avoir envie de nous défendre : voilà notre culpabilité. 

  • Attentats à Paris et à Bruxelles : « C'est l'ennemi qui nous désigne »

     

    Pour comprendre la guerre qui oppose l'Europe à l'islamisme, Mathieu Bock-Côté nous invite à redécouvrir Julien Freund. [Figarovox 1.04] A travers Freund, il nous invite ici à renouer avec les fondements du politique, à rejeter l'universalisme radical, à refuser ce que Maurras eût appelé les nuées, à opérer ce que Thibon nommait retour au réel. « Contre le progressisme qui s'imagine pouvoir dissoudre la pluralité humaine dans une forme d'universalisme juridique ou économique et le conflit politique dans le dialogue et l'ouverture à l'autre ». Sa conception du politique et de l'histoire, son anthropologie même, nous ramènent à Bainville et Maurras. A toute l'école d'Action française. Face à cet épuisement de l'identité européenne - dont le constat nous est familier grâce à Jean-François Mattei - Mathieu Bock-Côté nous conduit, comme jadis Pierre Boutang, à la redécouverte d'une pensée qui sauve. Une pensée des profondeurs qui ressurgit des lointains de notre Histoire. Nous sommes ici dans un paysage familier.  Lafautearousseau  

     

    Mathieu Bock-Coté.jpgPendant un bon moment, la figure de Julien Freund (1921-1993) a été oubliée. Il était même absent du Dictionnaire des intellectuels français paru en 1996 au Seuil, sous la direction de Jacques Julliard et Michel Winock, comme si sa contribution à la vie des idées et à la compréhension du monde était insignifiante. Son œuvre n'était pas rééditée depuis 1986. L'ancien résistant devenu philosophe qui refusait les mondanités parisiennes et la vision de la respectabilité idéologique qui les accompagne œuvrait plutôt en solitaire à une réflexion centrée sur la nature du politique, sur la signification profonde de cette sphère de l'activité humaine.

    Son souvenir a pourtant commencé à rejaillir ces dernières années. Après avoir réédité chez Dalloz en 2004 son maître ouvrage, L'essence du politique, Pierre-André Taguieff lui consacrait un petit ouvrage remarquablement informé, Julien Freund: au cœur du politique, à La Table Ronde en 2008. En 2010, certains des meilleurs universitaires français, parmi lesquels Gil Delannoi, Chantal Delsol et Philippe Raynaud, se rassemblaient dans un colloque consacré à son œuvre, dont les actes seront publiés en 2010 chez Berg international. Son œuvre scientifique y était explorée très largement.

    Mais ce sont les événements récents qui nous obligent à redécouvrir une philosophie politique particulièrement utile pour comprendre notre époque. L'intérêt académique que Freund pouvait susciter se transforme en intérêt existentiel, dans une époque marquée par le terrorisme islamiste et le sentiment de plus en plus intime qu'ont les pays occidentaux d'être entraînés dans la spirale régressive de la décadence et de l'impuissance historique. Freund, qui était clairement de sensibilité conservatrice, est un penseur du conflit et de son caractère insurmontable dans les affaires humaines.

    Freund ne croyait pas que l'humanité transcenderait un jour la guerre même si d'une époque à l'autre, elle se métamorphosait. Le conflit, selon lui, était constitutif de la pluralité humaine.

    Dans son plus récent ouvrage, Malaise dans la démocratie (Stock, 2016), et dès les premières pages, Jean-Pierre Le Goff nous rappelle ainsi, en se référant directement à Freund, que quoi qu'en pensent les pacifistes qui s'imaginent qu'on peut neutraliser l'inimitié par l'amour et la fraternité, si l'ennemi décide de nous faire la guerre, nous serons en guerre de facto. Selon la formule forte de Freund, « c'est l'ennemi qui vous désigne ». C'est aussi en se référant au concept d'ennemi chez Freund qu'Alain Finkielkraut se référait ouvertement à sa pensée dans le numéro de février de La Nef.

    En d'autres mots, Freund ne croyait pas que l'humanité transcenderait un jour la guerre même si d'une époque à l'autre, elle se métamorphosait. Le conflit, selon lui, était constitutif de la pluralité humaine. Et contre le progressisme qui s'imagine pouvoir dissoudre la pluralité humaine dans une forme d'universalisme juridique ou économique et le conflit politique dans le dialogue et l'ouverture à l'autre, Freund rappelait que la guerre était un fait politique insurmontable et que l'accepter ne voulait pas dire pour autant la désirer. C'était une philosophie politique tragique. Mais une philosophie politique sérieuse peut-elle ne pas l'être ?

    La scène commence à être connue et Alain Finkielkraut l'évoquait justement dans son entretien de La Nef. Freund l'a racontée dans un beau texte consacré à son directeur de thèse, Raymond Aron. Au moment de sa soutenance de thèse, Freund voit son ancien directeur, Jean Hyppolite, s'opposer à sa vision tragique du politique, en confessant son espoir de voir un jour l'humanité se réconcilier. Le politique, un jour, ne serait plus une affaire de vie et de mort. La guerre serait un moment de l'histoire humaine mais un jour, elle aurait un terme. L'humanité était appelée, tôt ou tard, à la réconciliation finale. Le sens de l'histoire en voudrait ainsi.

    Freund répondra qu'il n'en croyait rien et que si l'ennemi vous désigne, vous le serez malgré vos plus grandes déclarations d'amitié. Dans une ultime protestation, Hyppolite dira qu'il ne lui reste plus qu'à se réfugier dans son jardin. Freund aura pourtant le dernier mot : si l'ennemi le veut vraiment, il ira chercher Jean Hyppolite dans son jardin. Jean Hyppolite répondra terriblement : « dans ce cas, il ne me reste plus qu'à me suicider ». Il préférait s'anéantir par fidélité à ses principes plutôt que vivre dans le monde réel, qui exige justement qu'on compose avec lui, en acceptant qu'il ne se laissera jamais absorber par un fantasme irénique.

    Un pays incapable de nommer ses ennemis, et qui retourne contre lui la violence qu'on lui inflige, se condamne à une inévitable décadence.

    La chose est particulièrement éclairante devant l'islamisme qui vient aujourd'hui tuer les Occidentaux dans leurs jardins. Les élites occidentales, avec une obstination suicidaire, s'entêtent à ne pas nommer l'ennemi. Devant des attentats comme ceux de Bruxelles ou de Paris, elles préfèrent s'imaginer une lutte philosophique entre la démocratie et le terrorisme, entre la société ouverte et le fanatisme, entre la civilisation et la barbarie. On oublie pourtant que le terrorisme n'est qu'une arme et qu'on n'est jamais fanatique qu'à partir d'une religion ou idéologie particulière. Ce n'est pas le terrorisme générique qui frappe les villes européennes en leur cœur.

    On peut voir là l'étrange manie des Occidentaux de traduire toutes les réalités sociales et politiques dans une forme d'universalisme radical qui les rend incapables de penser la pluralité humaine et les conflits qu'elle peut engendrer. En se délivrant de l'universalisme radical qui culmine dans la logique des droits de l'homme, les Occidentaux auraient l'impression de commettre un scandale philosophique. La promesse la plus intime de la modernité n'est-elle pas celle de l'avènement du citoyen du monde ? Celui qui confessera douter de cette parousie droit-de-l'hommiste sera accusé de complaisance réactionnaire. Ce sera le cas de Freund.

    Un pays incapable de nommer ses ennemis, et qui retourne contre lui la violence qu'on lui inflige, se condamne à une inévitable décadence. C'est ce portrait que donnent les nations européennes lorsqu'elles s'imaginent toujours que l'islamisme trouve sa source dans l'islamophobie et l'exclusion sociale. On n'imagine pas les nations occidentales s'entêter durablement à refuser de particulariser l'ennemi et à ne pas entendre les raisons que donnent les islamistes lorsqu'ils mitraillent Paris ou se font exploser à Bruxelles. À moins qu'elles n'aient justement le réflexe de Jean Hyppolite et préfèrent se laisser mourir plutôt que renoncer à leurs fantasmes ?

    Dans La fin de la renaissance, un essai paru en 1980, Freund commentait avec dépit le mauvais sort de la civilisation européenne: « Il y a, malgré une énergie apparente, comme un affadissement de la volonté des populations de l'Europe. Cet amollissement se manifeste dans les domaines les plus divers, par exemple la facilité avec laquelle les Européens acceptent de se laisser culpabiliser, ou bien l'abandon à une jouissance immédiate et capricieuse, […] ou encore les justifications d'une violence terroriste, quand certains intellectuels ne l'approuvent pas directement. Les Européens seraient-ils même encore capables de mener une guerre » ?

    On peut voir dans cette dévitalisation le symptôme d'une perte d'identité, comme le suggérait Freund dans Politique et impolitique. «Quels que soient les groupements et la civilisation, quelles que soient les générations et les circonstances, la perte du sentiment d'identité collective est génératrice et amplificatrice de détresse et d'angoisse. Elle est annonciatrice d'une vie indigente et appauvrie et, à la longue, d'une dévitalisation, éventuellement, de la mort d'un peuple ou d'une civilisation. Mais il arrive heureusement que l'identité collective se réfugie aussi dans un sommeil plus ou moins long avec un réveil brutal si, durant ce temps, elle a été trop asservie ».

    Le retour à Freund est salutaire pour quiconque veut se délivrer de l'illusion progressiste de la paix perpétuelle et de l'humanité réconciliée. À travers sa méditation sur la violence et la guerre, sur la décadence et l'impuissance politique, sur la pluralité humaine et le rôle vital des identités historiques, Freund permet de jeter un nouveau regard sur l'époque et plus encore, sur les fondements du politique, ceux qu'on ne peut oublier sans se condamner à ne rien comprendre au monde dans lequel nous vivons. Si l'œuvre de Freund trouve aujourd'hui à renaître, c'est qu'elle nous pousse à renouer avec le réel. 

    FigaroVox

    Mathieu Bock-Côté                       

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • La dernière livraison de La nouvelle REVUE UNIVERSELLE Hiver 2016 ...

     

    Prenez connaissance du sommaire  détaillé de cette nouvelle et excellente livraison de la Revue universelle (ci-dessus). A lire absolument, à ne pas manquer.

    Commentaire relevé dans le blog :

    « Dans ce rayonnement d’intelligence qu’est le Revue Universelle, où l’on peut picorer au hasard, une mention spéciale à la contribution d’Antoine de Crémiers qui rend limpide une matière aussi hermétique et aride, que le finance internationale, et surtout la composition du tonneau de poudre sur lequel le monde est assis. Avec la même inconscience des dirigeants de la planète, que lorsqu’une banque comme UBS dut rayer 34 milliards USD de ses actifs en une semaine, en 2008. La mère de famille ne peut pas se permettre une telle erreur dans son budget. Ici les administrateurs de la banque avaient inscrit au fil des ans des actifs qui n’existaient pas … Un détail quoi … »

    Jean Louis FAURE, mercredi, 15 octobre 2014 

     

    Abonnements : La nouvelle revue universelle, 1 rue de Courcelles, 75008 PARIS - 4 numéros par an - Tarif :  m Normal, 1 an, 70 €  m Soutien, 1 an 100 €  m Normal, 2 ans, 130 € m Réduit, 1 an (étudiants, chômeurs) 40 €. Étranger et DOM-TOM : 77 €

     

    SOMMAIRE 

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  • Société • Il faut dire adieu à Simone de Beauvoir

     

    Adieu mademoiselle, la défaite des femmes est un brûlot antiféministe qui se place sous la tutelle protectrice de la compagne de Jean-Paul Sartre. Audacieux, mais non dénué de contradiction, selon Zemmour, qui oppose à Eugénie Bastié, sa propre analyse. Laquelle n'est pas non plus dénuée de justes arguments [Figarovox du 6.04]. Controverse ? Pourquoi pas ? Une raison de plus de lire au plus tôt le livre d'Eugénie Bastié !  LFAR 

     

    ZemmourOK - Copie.jpgTout a été déjà écrit. Chaque nouvelle génération doit affronter cette loi d'airain. Et il faut un mélange d'audace et de présomption pour ajouter quand même son propre texte sur la pile. Eugénie Bastié ne manque ni de l'une ni de l'autre. Cette jeune femme a donc choisi d'inscrire son nom sur la liste - déjà longue - des féministes critiques. La tâche est aisée : les femmes peuvent seules critiquer le féminisme - mais la voie est encombrée : de l'inconvénient d'être née à la fin du XXe siècle.

    Bastié rejette les Femen, la théorie du genre, Judith Butler et Éric Fassin, le mariage pour tous, la PMA, la GPA. Elle dénonce un « féminisme dévoyé » dont « l'horizon n'est plus l'égalité des droits, mais l'interchangeabilité des êtres », qui planifie la « déconstruction des identités » et pense « la différence comme une discrimination ». Cet ancien « garçon manqué » chante la joie d'être une « fille réussie ». Elle écrit ses plus belles pages pour repousser l'existence d'un « droit à l'avortement ». Elle s'inscrit dans la lignée des Élisabeth Badinter ou Sylviane Agacinski, auxquelles elle ajoute une pincée bienvenue de christianisme. Elle retrouve la pertinence de leurs analyses mais n'évite nullement l'écueil de leurs contradictions.

    Elle ouvre son livre sur un hommage appuyé à Simone de Beauvoir. Notre auteur fait allégeance à l'icône : « Le lecteur sera-t-il tenté de jeter le bébé féministe avec l'eau de ce néoféminisme dévoyé. Il aurait tort de céder à cette mauvaise tentation… Est-il encore possible, en 2016, de se dire féministe en Occident ? L'ambition du présent essai est de montrer pourquoi et comment on peut répondre par la positive à chacune de ces questions. »

    Sauf qu'elle n'y parvient pas. Elle fait avec le féminisme ce que les apôtres du « padamalgam » font avec l'islam, et ce que les compagnons de route du communisme ont fait avec le marxisme. Et c'est le même échec. Comme tout l'islam est dans le Coran, et tout le communisme dans Marx, tout le féminisme est dans Beauvoir, bon ou mauvais. Beauvoir est à Butler ce que Lénine fut à Staline, ou le Mahomet de La Mecque au Mahomet de Médine : un paravent rhétorique, un rideau de fumée, un pieux mensonge. Eugénie Bastié elle-même passe son temps à nous en fournir les preuves les plus accablantes. Tout le monde connaît le célèbre « On ne naît pas femme, on le devient » ; mais on évoque moins le « Je rêvais d'être ma propre cause et ma propre fin ». Et pourtant, ces deux phrases fondent la théorie du genre et autres queer theory de Judith Butler. Si on devient femme, comment ne pas le devenir ? Étape suivante, logique, irrécusable. Et déjà prévue par Beauvoir elle-même, qui avait bien compris que la spécificité féminine - celle dont tout découlait - était bien sûr la maternité : « son malheur, disait-elle en parlant de la femme, c'est d'avoir été biologiquement vouée à répéter la vie ». C'est pour cette raison qu'elle refusa d'avoir un enfant et n'a jamais caché son mépris pour « les pondeuses ».

    Tout le reste est aussi dans Beauvoir : l'alliance des féministes avec les mouvements antiracistes naît dans la fascination de la compagne de Sartre pour le FLN et les Noirs américains. Une fascination qui a amené ces héritières au déni de Cologne! C'est le mâle blanc hétérosexuel qui est leur ennemi commun. Leur cible à abattre. Qui fut aussi le fondement de l'autre alliance décisive, celle des années 1970, entre les mouvements féministes et homosexuels. Et qui finira de la même façon en piège intégral, comme s'en lamente notre auteur : « Objectivement, femmes et homosexuels n'ont pas les mêmes intérêts… En faisant de la maîtrise des corps le critère de la libération, il (le féminisme) a désigné le corps féminin comme terrain d'expérimentation et futur cobaye. » Mais qui a défilé en criant « mon corps m'appartient » ? Qui s'est battu pour le droit au divorce, considéré comme une liberté pour les femmes ? « Les femmes sont les premières victimes de la dislocation de la famille occidentale. Ce sont les pères qui fuient. Ce sont elles qui restent seules à éduquer les enfants. Le droit a comme un arrière-goût amer. » Un goût de répudiation.

    Un faux progrès qui se paye cher

    C'était écrit d'avance. Le féminisme est un libéralisme qui ramène la gauche à ses sources. Il exalte l'individu et le contrat, au détriment de la famille et de la nation. C'est un faux progrès qui se paye cher. Par les femmes et les hommes. N'en déplaise à notre auteur, c'est Houellebecq qui a raison : la conversion à l'islam a pour source première la volonté des jeunes hommes de retrouver une virilité et une domination ruinées par quarante ans de féminisme. Au contraire de ce que pense Eugénie Bastié, nous subissons une féminisation de la société, qui s'affirme dans ses valeurs les plus sacrées : pacifisme, principe de précaution, négociation, consultation, psychologisation, hiérarchie délégitimée. Et dans les comportements de ces hommes occidentaux qui refusent de se battre, assument leurs sentiments et laissent couler leurs larmes, et préfèrent allumer des bougies et « refuser la haine » plutôt que de venger leurs femmes ou leurs enfants massacrés par les djihadistes.

    2258380137.pngNotre auteur touche juste lorsqu'elle pointe: « Le féminisme est devenu le refuge du nouvel ordre moral » ; mais elle ignore qu'il en a toujours été ainsi. Elle vante la féministe à l'ancienne George Sand ; mais on lui rappellera ce qu'en disait Baudelaire : « La femme Sand est le Prudhomme de l'immoralité. Elle a toujours été moraliste. Seulement elle faisait autrefois de la contre-morale. » Elle compare les obsessions grammaticales des féministes à la « novlangue » dans 1984 d'Orwell ; mais les femmes savantes de Molière contrôlaient déjà le langage de ces malotrus de mâles. « J'entends le rire de Beauvoir, et c'est à lui que je dédie ces pages », nous avait-elle lancé en guise de défi au début de son livre. À la fin, malgré ses tentatives talentueuses et culottées, elle a perdu son pari ; et j'entends le rire de Molière, le rire de Baudelaire, le rire de Bossuet, et son fameux rire de Dieu qui rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ; et c'est à eux que je dédie cet article. 

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    Adieu mademoiselle, la défaite des femmes, Eugénie Bastié, Éditions du Cerf, 220 p., 19 €.

    Eric Zemmour           

     

  • Culture • L’excellence à la française a 250 ans

     

    Par Camille Pascal

    Camille Pascal fait partie de ces agrégés sachant écrire qui participent éminemment de cette excellence à la française menacée par les équarrisseurs égalitaristes aujourd'hui encore dominants. Le concours de l’agrégation, inauguré en 1766, fête cette année son 250e anniversaire. Camille Pascal rappelle ici opportunément qu'il n'est donc pas une création de la république mais de la monarchie française [Valeurs actuelles, 1.04].  LFAR

     

    Camille%20Pascal_22222222222222.pngDeux siècles et demi après son inauguration, l’agrégation est plus que jamais dans la ligne de mire d’une administration égalitariste.

    Le concours de l’agrégation, inauguré en 1766, fête cette année son 250e anniversaire. Ceux qui pensaient que cette clé de voûte de notre méritocratie républicaine était une invention de Jules Ferry ou, à tout le moins, de Bonaparte, en seront pour leurs frais. L’agrégation est un héritage de l’Ancien Régime, finissant à une époque où l’esprit des Lumières inspirait au despotisme éclairé ses dernières réformes. L’expulsion des jésuites ayant laissé bien des collèges sans maîtres, il fallut les remplacer. L’idée de recruter des enseignants laïcs sur le modèle des mandarins chinois, soumis à un concours difficile, s’imposa. Cette « chinoiserie » à peu près contemporaine de la pagode de Chanteloup a, par la suite, survécu à tous les régimes au point de s’identifier à une République qu’elle a pourtant précédée. C’est ainsi que la figure de « l’agrégé sachant écrire » attachée à Jaurès ou à Pompidou est devenue une sorte de mythe de la vie politique française qui permet, de temps à autre, à un jeune agrégé d’échapper à sa classe pour partir à la conquête du pouvoir et de ses cimes plus ou moins enivrantes.

    Ces carrières aussi rares que fulgurantes masquent une réalité beaucoup moins légendaire. Si l’agrégation reste l’un des concours les plus exigeants au monde, elle est aujourd’hui la victime de l’égalitarisme absurde qui règne depuis bientôt un demi-siècle sur notre éducation nationale.

    Un agrégé de l’université — entendez par là un agrégé reçu au concours externe —, après avoir été soumis à une préparation intensive pendant une période qui peut compter plusieurs années, a non seulement démontré qu’il pouvait être un véritable spécialiste sur les diverses questions inscrites à son programme mais aussi un généraliste capable de faire la démonstration d’une profonde culture. En effet, et sans vouloir offenser quiconque, la leçon « hors programme » qui attend un « agrégatif » d’histoire ou de lettres classiques est à l’épreuve dit de « culture générale » de certains concours administratifs ce qu’une leçon inaugurale du Collège de France est au Jeu des mille francs.

    La France peut donc s’honorer d’avoir formé et de disposer d’un corps d’enseignants d’élite qui ne sont pas uniquement des « éducateurs » ou des « répétiteurs » mais de véritables intellectuels rompus à l’art de la synthèse autant que de l’analyse, et lestés d’une culture qui leur permet de transmettre le coeur de ce qui fait l’identité de notre civilisation et même de quelques autres !

    Pour prix de leurs capacités et de leurs mérites, les agrégés sont payés un salaire qui n’excédera jamais trois fois le Smic et, contrairement à leur statut, une grande partie d’entre eux reste cantonnée en collège par une administration qui se méfie d’eux. La vieille lune communiste qui rêvait d’un seul corps enseignant depuis le primaire jusqu’au lycée a la vie dure.

    À l’heure où la question de la transmission est au coeur du débat public, la France dispose d’une force qu’elle a décidé de sous-employer quand elle ne projette pas de la faire disparaître. Car ne doutons pas qu’après le latin et le grec les agrégés qui enseignent ces matières “bourgeoises” seront les prochains à se trouver inscrits sur la liste des équarrisseurs de l’excellence. 

     Camille Pascal  

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • Sport & Société • Football : PSG-Qatar vs City-Abou Dabi

     

    Non au match du déracinement, vive Leicester ! C'est du moins ce qu'écrit notre confrère et blogger David Desgouilles, avant même que la compétition en question ne se joue. Les sportifs seront-ils d'accord ? En tout cas, sa dénonciation de l'océan de fric qui recouvre le sport mondialisé d'aujourd'hui, comme du déracinement corrélatif  qui l'envahit, nous l'approuvons. Evidemment.  LFAR  

    6 Avril 2016

    sans-titre.pngCe soir, l’amoureux de football que je suis ne regardera pas le match opposant Paris à Manchester City en quart de finale de la Ligue des champions. Il se trouve que la résiliation de mon abonnement à Canal + ne m’a pas incité à basculer vers la chaîne qatarie BeInSport qui retransmettra le match. Il arrive un moment où il faut mettre ses actes en conformité avec ses convictions. Le football mondialisé de mercenaires que j’exècre repose essentiellement sur les droits télés, et donc sur les abonnements aux chaînes à péage.

    Ce match est justement emblématique de ce football-là. Le Paris SG appartient depuis quelques années au fond souverain de l’Etat qatari ; Manchester City l’avait précédé en devenant la propriété d’un dignitaire richissime d’Abou Dabi. Ces deux clubs, qui n’ont jamais gagné cette compétition, dépensent des sommes folles depuis l’arrivée de leurs propriétaires actuels afin de rattraper les autres géants européens, Bayern de Munich, Barcelone et Real Madrid. Certes, Abou Dabi a été bien plus dépensier que le Qatar, mais au match du déracinement, c’est bien le PSG qui a déjà gagné le match. Son adversaire joue la continuité avec son histoire ancienne alors que le club français préfère faire du passé table rase ; City souhaite miser sur la formation et aligne davantage de joueurs anglais que Paris de joueurs français ; le club britannique maintient un lien avec ses supporteurs alors que le PSG les remplace petit à petit par des spectateurs friqués. Bref, si on devait avoir une préférence entre ces deux clubs mondialisés, elle irait vers celui de la perfide Albion, ce à quoi il est impossible de me résoudre, aussi je préfère ignorer le match.

     

    Puisque nous en venons au football du pays de Sa Gracieuse Majesté, terminons sur une note d’espoir. De l’autre côté du Channel, c’est actuellement Leicester City, un club au budget lilliputien par rapport aux géants de la Premier League, qui domine le championnat le plus réputé et le plus dépensier du monde. Emmené par le jeune français N’Golo Kanté qui a ébloui le match Pays-Bas-France de son talent, ce petit poucet a aujourd’hui de bonnes chances de remporter le titre. Un peu d’air frais, enfin, dans cet océan de fric. 

    David Desgouilles