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  • Lueur à l’horizon

     

    par Hilaire de Crémiers

     

    hilaire-de-cremiers-510x327.jpgLes dernières élections ont révélé un mécontentement profond dans le peuple français. Il devrait s’ensuivre des réactions en chaîne . Quant au système, il se défend. Comme toujours !

    Ce fut comme une répétition générale, vécue comme telle par tous les acteurs. Les dernières élections n’avaient plus de régionales que le nom. Il n’était question que de 2017 dans toutes les arrière-pensées politiciennes. Avec le schéma le plus simple qui soit : l’unique but, élevé au rang d’unique stratégie et donc d’unique programme – du moins sur le territoire métropolitain –, se réduisait à battre le Front national. Hystérie et absurdité ! Comme déjà en 2002, mais en pire, dans la mesure où les répercussions des violences idéologiques ébranlaient la France profonde : chaque village, chaque électeur était sommé de choisir. La grosse presse, l’ensemble des médias qui relèvent de l’État ou des financiers mondialistes et gauchards, donnèrent leur lourde artillerie sans aucun scrupule. Les seuls espaces où il était possible de respirer et de s’entendre demeuraient limités à notre presse libre, à Radio Courtoisie, à TV Libertés, qui sont, en France, les derniers lieux sauvegardés de la liberté de pensée et d’expression.

    Le régime récupère

    Après l’enfer des attentats, l’enfer des manœuvres électoralistes où le système en place tentait de tirer profit, pour imposer sa loi diabolique, des peurs, des misères, des malaises, des deuils, dans une atmosphère étouffante de guerre civile, d’ébranlement social, de désordre généralisé que lui-même avait créés, suscités, exaspérés, au point qu’il devient légitime de se demander si, pour partie, il ne les a pas voulus. Qui ne l’a senti, vu, compris au cours de ces derniers jours ? Une sorte de retour aux sources : comme dans les années 1792-1793. L’action politique consistait à « colèrer le peuple », comme on disait à l’époque, et dans un seul but : le pouvoir, le pouvoir , le pouvoir ! Unique obsession et peu importe les morts, les carnages, la dislocation de la société, l’effondrement du pays.

    Nos institutions qui n’en sont plus, ne fonctionnent que par et pour l’esprit de parti au service d’ambitions personnelles démesurées, prêtes à tout pour s’assouvir. Un petit pour cent de la population qui vit des prébendes de la République et en fait vivre sa clientèle, attise les haines les plus inexpiables pour s’assurer les places, les carrières, les bénéfices. Qu’ont donc fait ces gens pour la France ? Ont-ils jamais vraiment travaillé ? Leur vie se résume à des discours : words, words, words, des mots avec quoi ils pensent gouverner, c’est-à-dire rien, rien, rien !
    Régime absurde, régime fatal qui s’achève toujours chez nous en catastrophes : des désastres dans des flots de discours, tel est l’aboutissement de ce système institutionnel dont les Français sont devenus les esclaves. La force du régime, de ses clans, de ses sbires, en mettant la main sur toutes les activités nationales, a été de faire croire à tous les petits Français dès leur plus jeune âge que leur système gouvernemental était garant de leur liberté et un modèle pour le monde entier. D’où le raisonnement simple : tout ce qui risque de remettre en cause le système est ennemi de la liberté. Et selon l’adage célèbre, fondamentalement républicain : pas de liberté pour les ennemis de la liberté !

    La France en est là ; l’envie vient de dire : toujours là. Et le plus curieux, c’est que la plupart des Français en sont conscients. Le vote Front national s’explique d’abord par un rejet profond d’un tel régime. C’est, d’ailleurs, ce qui fait peur aux tenants du système.

    Le Premier ministre qui devrait être préoccupé de la situation de la France et de la sécurité des Français, ne pense plus qu’à faire la guerre au Front national, allant jusqu’à assimiler les menaces terroristes aux risques que représenterait ce qu’il appelle l’extrême droite. Marine Le Pen a eu raison de protester contre pareille ignominie qui, maintenant, a cours dans les médias. Mais Valls ne change pas sa ligne, car il n’a en vue que son avenir. Il ne cherche plus qu’à être le grand opposant au Front national, le défenseur attitré de la République, le maître-d’œuvre d’une recomposition politique dans la grande tradition radicale et opportuniste, genre années 1900, avec pour prétendu modèle Clemenceau. Question de posture qui lui permettra, pense-t-il, d’accéder au sommet au moment opportun si jamais l’occasion s’en présente.

    Ambitions et manœuvres

    François Hollande, lui, se voit déjà réélu en 2017. Selon les explications de ses conseillers au style aussi cynique que grotesque, il a fort bien « géré sa séquence attentats et post-attentats ». Merci pour les victimes ! Il s’instaure père de la patrie, chef de guerre, maître de la République, gardien des institutions, lui qui n’a jamais su de sa vie que ricaner. Et de proposer pacte sur pacte. Après le pacte de stabilité, le pacte de responsabilité, puis le pacte de sécurité, enfin, pour demain, le pacte contre le chômage pour mieux lutter contre le FN ! Words, words, words… Il a toujours pensé, comme son maître Mitterrand, que les mots suffisaient à duper le monde. Stratégie simple : éliminer sur sa gauche toute candidature concurrente sérieuse, pulvériser la droite et le centre en détachant ce qu’il faut de républicains à son image autour de la prétendue défense républicaine, se présenter enfin comme le candidat, le seul possible, face à Marine Le Pen. Telle est la primordiale pensée, impossible à dissimuler, du chef de l’État, et qui proclame en même temps que la France est en guerre !

    La droite dite républicaine, en effet, se disloque. Sarkozy est pris dans son propre piège. Sa stratégie, comme celle de ses concurrents, tout comme celle de ses adversaires, se ramène, elle aussi, à la prétention d’être le seul candidat républicain face à Marine : tel est l’unique objet de leur désir à tous ! Mais comment faire ? Faut-il être de droite, donc un peu complice ? De gauche, donc traître à son camp ? Du centre, donc d’extrême centre, – car comment le définir ? –, ce lieu idéalement virtuel où chantent toutes les sirènes embusquées de la grandiloquence politicienne et où s’échouent régulièrement tous les radeaux de la République. Estrosi et Bertrand, eux, ont choisi. De prétendue droite, ils gouverneront leur région à gauche ; ils ont vendu leur âme pour ce plat de lentilles. Ah, le pouvoir ! Ils iront jusqu’à constituer des sortes d’assemblées territoriales parallèles pour justifier leur trahison, ce qui est évidemment anti-constitutionnel.

    Jusqu’où ne va pas l’esprit républicain ? Comme disait justement la jeune et courageuse Marion Maréchal Le Pen : « Il y a des victoires qui font honte aux vainqueurs ! » Comment gouverner avec de pareilles institutions et de pareilles gens ? Et si l’état des choses empirait ? Immigration, attentats, déficits publics, chômage….
    Le réveil sera brutal. L’échec du régime est là, patent, en tout domaine. La réussite d’une stratégie électorale ne saurait plus contenter un peuple justement inquiet. Voilà au moins un point qui semble acquis. 

  • Éric Zemmour : « Entre Ryad et Téhéran, ce n'est pas la guerre. Enfin, pas encore.»

     

     

    L'exécution d'un imam chiite par l'Arabie Saoudite a provoqué des manifestations très hostiles à Téhéran, avec qui Ryad a rompu les relations diplomatiques.

    "Ce n'est pas la guerre entre l'Arabie Saoudite et l'Iran. Enfin, pas encore", affirme Éric Zemmour. "L'ambassade saoudienne à Téhéran brûle et Ryad rompt ses relations diplomatiques avec l'Iran, mais ce n'est pas la guerre, pas encore", insiste le journaliste, pour qui la guerre est pourtant "dans les têtes et dans les cœurs : une guerre de mille ans entre chiites et sunnites, une guerre civile au sein de la nation musulmane". Il explique que si l'Iran est une république et si l'Arabie est une monarchie, "seul le Coran fait loi". 

    Pour Éric Zemmour, "la révolution iranienne de 1979 a refait de la religion le moteur politique du monde arabo-musulman". Il poursuit : "Depuis lors, les deux rivaux s'affichent comme le meilleur musulman, le plus cher à Allah, le plus respectueux de son message divin, même quand il s'agit d'occire les infidèles". Il explique que Téhéran comme Ryad ont fait de l'islam "un message mondialisé, le seul qui depuis la chute de l'Union soviétique s'oppose à sa version occidentale". 

  • Les chrétiens entre pétrole et charia

     

    Une remarquable analyse de Frédéric Pons, comme à l'ordinaire. Un autre aspect des drames du Proche-Orient.

     
    frederic_pons_2.jpgLe pape François a évoqué, en juin, « la vie de milliers et de milliers de familles [qui] semble avoir moins de poids, sur la balance des intérêts, que le pétrole et les armes ». Il désignait ainsi les minorités chrétiennes et yazidis broyées par les persécutions. Après la Turquie et le Liban, l’Irak et la Syrie allongent le martyrologe de la chrétienté orientale. Aux morts et aux disparus, aux femmes et aux enfants volés, violés, vendus, s’ajoute un exode d’une ampleur sans précédent. Des territoires immenses se vident de toute présence chrétienne. Malgré le devoir d’espérance, il est difficile de croire à un retour possible.

    Ces « trafiquants de mort » que dénonce le pape sont les djihadistes en tenue de combat, mais aussi leurs complices — veste et cravate en Turquie, djellabas immaculées dans le Golfe — et les “stratèges du chaos” d’Amérique et d’Europe, rappelle Marc Fromager, le directeur d’Aide à l’Église en détresse (AED). « Entre les différentes opérations militaires, des velléités de redécoupage de la région et un alignement servile sur les intérêts des pétromonarchies, l’Occident aura durablement marqué le Moyen-Orient », écrit-il dans une synthèse remarquable (Guerres, Pétrole et Radicalisme, les chrétiens d’Orient pris en étau, aux éditions Salvator). Père de six enfants, l’auteur n’a jamais cessé d’arpenter ces terres bibliques ravagées par de puissants intérêts géoéconomiques, où la charia, le pétrole et le commerce des armes anéantissent lentement toute trace de présence chrétienne. Cette « stratégie du chaos » a détruit l’Irak puis la Libye, où les milices djihadistes « imposent à la fois la charia et le contrôle juteux de toutes sortes de trafics ». Les semeurs de violence ont recommencé en Syrie : « Les dirigeants sont-ils réellement inconscients ou simplement cyniques ? »

    La France de Nicolas Sarkozy et de François Hollande n’en sort pas grandie. Après avoir abandonné sa responsabilité de protectrice des chrétiens d’Orient, elle aura brillé par son absence de vision stratégique et perdu tout crédit en naviguant à la godille. Jusqu’à ce virage à 180 degrés à propos d’Assad, en novembre, sous la pression de Vladimir Poutine, homme d’État et de convictions, la “divine surprise” de 2015 dans cette région charnière. 

    Frédéric Pons

     

     
  • Remplacer le président de la République...

     

    par Jean-Philippe Chauvin 

     

    arton8470-7b8cd.jpgAinsi, selon un sondage de ce début d’année, 74 % des Français ne veulent ni de M. Sarkozy ni de l’actuel président M. Hollande : pourtant, il y a quelques (mal)chances que l’un des deux soit élu ou réélu en 2017… Bienvenue en république d’Absurdie ! Le pays légal a tendance à se reproduire sans discontinuer, dans une tendance (presque) dynastique qui rappelle néanmoins plus l’empire romain que la monarchie capétienne : peut-on s’en satisfaire ? 

    Ma réponse est non, évidemment non ! Certes, je ne suis pas de ceux qui pensent qu’un échec politique doit forcément entraîner une mise à la retraite d’office comme je ne suis pas partisan d’une sorte de jeunisme qui voudrait que tous ceux qui ont dépassé la soixantaine devraient se taire définitivement et laisser la place à de jeunes loups aux dents encore plus longues que leurs prédécesseurs. Mais il me semble que les hommes politiques qui aspirent à exercer la magistrature suprême de l’Etat doivent entendre les doléances des citoyens et savoir, au moins pour un temps, s’extraire de leur bulle médiatique pour revenir aux réalités du moment sans négliger les perspectives de l’avenir. 

    Bien sûr, MM. Sarkozy et Hollande n’écouteront qu’eux-mêmes, persuadés de leur irremplaçable particularité, et, peut-être sinon sans doute, l’un des deux se trouvera confirmé dans cette impression par le verdict du second tour de l’élection présidentielle. Cela changera-t-il pour autant ce désagréable sentiment populaire que le vainqueur n’est là que par défaut, que par le « chantage au pire », comme on a pu le voir, dès 2002 à cette même élection, ou ces semaines dernières lors des élections régionales où les électeurs socialistes se trouvèrent acculés à mener campagne pour des listes de droite qu’ils n’aimaient pas vraiment ? 

    Les Français sont attachés à l’élection du président de la République au suffrage universel direct, c’est indéniable, mais ils en constatent pourtant de plus en plus les effets pervers sans pouvoir, pour l’heure, imaginer autre chose que cette magistrature suprême élective. Le royaliste que je suis le constate et le regrette, mais ne se contente pas de cette constatation et de ce regret : la proposition monarchique me semble le meilleur moyen de neutraliser les petits jeux de clientèles et de féodalités partisanes en arrachant la magistrature suprême à l’élection, fût-elle populaire chez nos concitoyens. Certains y verront un sacrifice de leur possibilité de choix qui, pourtant, est de moins en moins une liberté et un choix réel, si ce n’est entre deux « moins pires » (sic !), et qui ouvre plus à la frustration et à désillusion qu’à la joie et l’espérance… 

    D’autre part, laisser au hasard et à l’hérédité non choisie le soin de désigner le Chef de l’Etat permet l’indépendance de celui-ci et cette possibilité d’arbitrage au-dessus des partis et au-delà des différences et des diversités politiques sans pour autant les nier ou les écraser. Une possibilité d’arbitrage mais aussi de décentralisation (voire de fédéralisation) sans mettre en danger, pour la France, l’unité entre ses multiples parties historiques (et je ne parle pas de la caricature de régions créée par la récente réforme territoriale), le monarque incarnant cette unité à la fois historique et contemporaine, et « centrant » l’Etat sans pour autant centraliser tous les pouvoirs politiques dans le sein parisien. 

    Et les électeurs là-dedans ? Dans une Monarchie active et arbitrale telle que je la souhaite, il n’est pas impossible de leur donner le pouvoir concret, par le suffrage universel direct, de désigner, au-delà des députés et des élus régionaux, les présidents d’assemblée et, pourquoi pas, le premier ministre lui-même sur un programme gouvernemental qu’il lui appartiendra de mettre en œuvre ou, plutôt, sur une ligne d’objectifs qu’il lui reviendra de suivre ou de faire valider par le recours (alors plus fréquent) au référendum. Le roi, quant à lui Chef de l’Etat, fixerait le cap politique à long terme (en particulier dans les domaines sociaux et environnementaux) et aurait charge de représenter l’Etat à l’intérieur comme à l’extérieur, de mener la diplomatie française dans le monde et de négocier (et garantir) la parole de la France au sein des institutions internationales : en somme, à lui l’autorité et l’arbitrage ; aux ministres, députés et élus locaux, la gestion des affaires économiques dans leur cadre d’exercice et de pouvoir ; aux citoyens, les libertés d’expression et de désignation de leurs pouvoirs politiques de proximité et centraux, ainsi que la « démocratie directe » au sein de leurs cadres politiques et sociaux locaux et nationaux, voire européens… C’était, à peu de choses près, l’esprit du programme monarchique du marquis de La Tour du Pin, dès la fin du XIXème siècle : « l’autorité au sommet, les libertés à la base », pourrait-on dire. Un programme toujours d’actualité et de nécessité, ne serait-ce que pour rendre à nos concitoyens le goût de la politique et de l’action, contre le fatalisme et l’indifférence… 

    Blog de Jean-Philippe Chauvin

  • László Trócsányi : « Bruxelles bafoue la souveraineté des Etats »

     

    par Jean-Baptiste d'Albaret

     

    626951329.jpgAncien ambassadeur de la Hongrie en France, László Trócsányi est aujourd’hui ministre de la Justice dans le gouvernement hongrois du Premier ministre Viktor Orbán. Il est donc en première ligne dans la gestion de la crise migratoire qui ébranle l’Europe et les institutions européennes.

    Quelle est votre réaction après les attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre ?

    La stupéfaction évidemment. C’est non seulement votre pays qui a été visé mais c’est aussi, à travers lui, nos valeurs, l’ensemble de nos démocraties européennes. Les attentats du vendredi 13 novembre ont provoqué de la terreur dans la société.

    Certains de ces terroristes seraient passés par la Hongrie en se mêlant aux réfugiés…

    Voilà le problème. Il est évident qu’aucune administration n’est capable de faire face à un afflux de plus d’un million de personnes. Il est tout à fait probable que des terroristes se fondent dans la masse des réfugiés. Malheureusement, les institutions européennes ont tardé à réagir, et l’Europe donne l’impression de courir après les événements. Dans l’urgence, les chefs d’état européens ont multiplié les réunions afin de trouver des solutions à cette crise sans précédent. Cela fait des belles photos dans les journaux, mais il aurait été préférable d’agir avant que la situation devienne si difficilement contrôlable.

    Votre pays est très critiqué pour sa gestion de cette crise migratoire…

    La Hongrie est victime de caricatures malhonnêtes alors qu’elle ne fait qu’assumer la difficile mission de protéger les frontières de l’Europe en tant que pays extérieur de l’espace Schengen. Elle s’attache à l’intégrité territoriale, élément fondamental de la souveraineté, et elle pense qu’un État doit toujours être en mesure de contrôler qui peut venir sur son territoire. D’autant plus qu’un tel contrôle est prévu dans le Code des frontières Schengen, et doit donc être effectué par tous les pays membres en vue de contribuer, notamment, à « la lutte contre l’immigration illégale ». Or, face à la crise migratoire qui se profilait, Bruxelles a prétendu agir seul, bafouant la souveraineté des états membres pourtant parties prenantes dans cette affaire.

    La Commission a tenté de mettre en place un système de répartition des migrants entre les états membres. Ce que le groupe de Visegrád, dont vous faites partie, a refusé…

    Le système de quotas que la Commission européenne a tenté d’imposer sans demander l’avis de quiconque est brutal et coercitif. Il ne tient compte ni de la liberté individuelle des migrants, ni de la souveraineté des états membres. C’est un procédé technocratique coupé de la réalité. Il ne suffit pas de répartir les migrants comme des pions sur une carte de l’Europe étalée devant soi pour résoudre le problème. La Commission a voulu montrer qu’elle maîtrisait la situation. Mais en procédant de façon abrupte et péremptoire, elle a affaibli la confiance dans les institutions européennes. Le résultat c’est que ce sont les accords de Schengen qui pourraient être remis en cause. Ce serait un énorme coup dur pour toute l’Europe, y compris bien évidemment pour l’Europe centrale et la Hongrie.

    Et l’érection de murs aux frontières avec la Serbie et la Croatie. était-elle indispensable ?

    Dans la confusion générale, il fallait réagir. Les migrants traversaient des propriétés privées, ce qui créait des tensions avec les riverains, tensions attisées par le Jobbik, l’extrême-droite hongroise… Ne cachons pas la poussière sous le tapis : si nous cédons au politiquement correct qui sévit dans une partie de la presse d’Europe occidentale, nous cédons du terrain sur le plan politique dans notre pays. Le gouvernement de centre-droit auquel j’appartiens a donc décidé, à contre-cœur, de dresser une clôture à la frontière avec la Serbie et avec la Croatie pour pouvoir rétablir un contrôle effectif. Mais nous avons également installé des centres de transit qui permettent d’enregistrer les demandeurs d’asile – formalité prévue par la « directive procédures ». Depuis que ces décisions ont été prises, les migrants contournent notre pays en passant par la Slovénie, ce qui pose tout de même des questions sur leur volonté de coopérer avec les autorités européennes. Toujours est-il que la Hongrie a enregistré un nombre record de migrants, 180 000 personnes à ce jour. Cela aussi nous est reproché : les prises d’empreintes digitales sont présentées comme « inhumaines ». Mais, que je sache, la libre circulation des personnes à l’intérieur de l’espace Schengen est réservée aux seuls ressortissants des états membres. Si personne ne respecte les règles censées régir l’Union européenne, à quoi sert-il d’en édicter ?

    La responsabilité de l’Allemagne, ouvrant grand ses portes puis les refermant précipitamment, n’est-elle pas écrasante ?

    La situation politique allemande, avec un gouvernement issu d’une large coalition, est complexe et alourdit les processus de décision. Mais il est évident que personne n’a vocation à accueillir « toute la misère du monde » comme l’a dit un jour un homme politique français. Prétendre le contraire n’est pas raisonnable. C’est une question de volume et d’intégration. J’ai vu en France, dans une ville comme Saint-Denis, les tensions qui peuvent exister entre communautés repliées sur elles-mêmes… à notre avis, il serait irresponsable de vouloir reproduire ce modèle partout en Europe. D’autant plus que la Hongrie n’a pas les mêmes liens historiques et intérêts stratégiques dans les régions d’origine de ces migrants que certains autres pays…

    Les pays de l’Europe centrale s’opposant aux décisions unilatérales des institutions européennes… N’y-a-t-il pas là les prémices d’un conflit à venir au sein de l’Europe ?

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    Budapest - Le Parlement de Hongrie

    Cette crise a ouvert un conflit entre quelques-uns des états membres et les institutions bruxelloises sur la question de l’intégration européenne. D’un côté, la Commission entend assumer davantage de pouvoir. De l’autre, des pays comme la Hongrie souhaitent que les nations conservent leur souveraineté tout en reconnaissant qu’il faut travailler ensemble sur certaines compétences. J’irai même plus loin en affirmant que la démocratie en Europe sortirait grandie d’un renforcement du rôle des états dans les institutions européennes. Car que fait-on des parlements nationaux dans le cadre actuel ? Deux visions s’opposent donc. Et dans ce grand débat sur l’avenir de l’Europe, la Hongrie compte bien faire entendre sa voix qui est celle de l’Europe des Nations. 

    Rédacteur en chef de Politique magazine

  • Charlie Hebdo : la Une de la honte

     
     
    Une tribune intéressante et non-conformiste de Benoît Rayski sur Atlantico. Faut-il le redire ? Nous ne sommes pas Charlie !
     
    La rédaction de l’hebdomadaire a identifié l’assassin de janvier. Son portrait-robot est passionnant.
     
    picture-67_0.jpgC’est un « wanted » tiré à un million d’exemplaires. Le montant de la prime – « mort ou vif » – n’est pas précisé, ce qui est dommage. L’assassin, donc, court toujours. Mais les journalistes de Charlie Hebdo savent sur lui des choses que nous ignorons. Il a plutôt une bonne tête. Une sorte de pâtre grec sur le retour. Une barbe fleurie, plus jupitérienne que mahométane.

    D’ailleurs, détail vestimentaire de première importance, il porte des sandales, pas des babouches. En outre, pour ajouter à la complexité du personnage, au-dessus de sa tête, il y a quelque chose qui fait penser à un triangle maçonnique. 

    C’est intéressant. C’est riche. Et ça ouvre de nouveaux horizons à une pensée dont les rédacteurs de Charlie Hebdo ne veulent pas qu’elle se résume à montrer du doigt les djihadistes.

    Car ça, c’est d’un commun. C’est convenu, banal. Et un journal se doit de surprendre. La une de Charlie Hebdo est à cet égard d’une réussite exemplaire. Vous auriez dépensé 3 euros, vous, pour voir la tête des frères Kouachi ? Vous auriez mis la main à la poche pour regarder une caricature de djihadiste alors qu’on nous en abreuve tous les jours ? Bien sûr que non. Tandis que là, vous en avez pour votre argent. 

    Un Dieu gréco-judéo-chrétien : c’est lui l’assassin de janvier ! Si vous voyez quelqu’un qui lui ressemble, signalez-le à Cazeneuve, à Hollande, à Valls, au premier flic venu. Et arrêtez immédiatement de vous polariser sur les djellabas, les burqas et de scruter à la jumelle les cités de Roubaix, de Saint-Denis, de Stains, de Trappes. Le portrait-robot de Charlie Hebdo nous incite à voir plus haut, plus loin. Du côté de l’Olympe. Vers le mont des Oliviers. Et – pourquoi pas – à Saint-Pierre de Rome…

    Entendons-nous bien. Il n’est pas question – et il ne peut en être question – de reprocher à Charlie Hebdo de ne pas nous avoir resservi un peu de Mahomet. Qui sommes-nous – et qui serions-nous – pour demander à d’autres d’aller se faire trouer la peau à notre place ? Mais pour autant, qui obligeait Charlie Hebdo à faire cette une, un sommet de la bien-pensance sirupeuse ? Oyez, oyez, braves gens ! Voici ce que nous annonce Charlie Hebdo. Toutes les religions se valent. Toutes les religions sont meurtrières. Un seul coupable : Dieu. Ne vous fiez pas aux apparences qui tendent ces derniers temps à accuser une religion d’être un peu plus agitée que les autres. Les rédacteurs de l’hebdomadaire (qui fut satirique) regardent pour nous le monde à l’échelle de l’Histoire et même de la Préhistoire. En janvier 2015, j’ai, comme beaucoup, souscrit un abonnement de soutien d’un an à Charlie Hebdo. Au vu de cette une, je viens à l’instant même d’y mettre fin.

    Benoît Rayski - Atlantico

     

  • Déchéance de la nationalité : « la patrie n'est pas qu'un artifice juridique »

     

    « la patrie n'est pas qu'un artifice juridique » : C'est ce qu'affirme Mathieu Bock-Côté dans cette chronique *.

    La nationalité,   dit-il, relève au contraire d'une réalité historique et identitaire plus profonde. Conception traditionnelle avec laquelle nous sommes en accord de fond. LFAR   

    Mathieu Bock-Coté.jpgÀ sa manière, l'année 2015 a été terriblement logique. Elle a commencé pour la France sous le signe de l'agression islamiste, avec les attaques contre Charlie Hebdo et le marché Hyper Casher. Les attentats du 13 novembre ont confirmé que de telles agressions étaient en fait des actes de guerre, et qu'ils étaient menés au nom de l'islam radical, même si le premier réflexe politique a consisté à dénoncer un terrorisme générique plutôt que le terrorisme islamiste. Ces attentats étaient menés généralement par des « Français », ou du moins, par des individus qui avaient la nationalité française. Fallait-il parler dès lors d'une guerre contre la France, ou d'une guerre civile ne disant pas son nom ? À tout le moins, il fallait bien reconnaître l'existence d'un problème ne relevant pas seulement de l'exclusion sociale dont la France serait coupable.

    Il n'est pas étonnant que l'année se termine avec une discussion sur la déchéance de nationalité des terroristes. Ce débat en sous-tend un autre : la nationalité n'est-elle qu'un artifice juridique ou réfère-t-elle à une réalité historique et identitaire plus profonde, dont elle est la traduction politique et institutionnelle ? Peut-on comprendre quelque chose à la nation si on l'enferme dans les seules catégories du contractualisme moderne ? On a beau répéter qu'elle se confond avec les valeurs de la République, on constate bien que ces dernières ne suffisent pas à caractériser la spécificité française. Les nations ne sont pas toutes interchangeables et à moins de consentir à leur dissolution dans une forme de grand peuple mondial, il faut chercher à comprendre en profondeur l'identité de chacune d'entre elles. Il faut renouer avec la culture.

    C'est à cette lumière qu'il faut analyser le déploiement de la question identitaire dans la vie politique française, et plus largement, dans celle de toutes les sociétés occidentales. Elle permet de penser la part invisible de la citoyenneté moderne, et plus largement, de la modernité politique. Depuis plusieurs années, des intellectuels ont cherché à la faire valoir en rappelant les droits de l'histoire et de la culture dans la définition d'une communauté politique. En faisant valoir ces évidences étouffées par le progressisme dominant, ils subirent des attaques médiatiques à répétition et même quelques procès. Certains pans de réalité ne sont tout simplement plus admis dans la vie publique, puisqu'ils représentent un désaveu sans ambiguïté de l'impasse du modèle diversitaire.

    On a beau redouter plus que jamais les amalgames dans le système médiatique contemporain, cette peur des associations malheureuses ne tient plus lorsqu'il s'agit de stigmatiser publiquement les représentants d'une certaine dissidence conservatrice, qui sont systématiquement ramenés à Vichy. Soudainement, la prudence lexicale ne tient plus, et il s'agit surtout d'exclure le plus possible de la vie publique ceux qui ne participent pas au consensus multiculturaliste et progressiste. De même, on hystérise le débat public en laissant croire à un retour des années 1930, ce qui est une manière d'écraser la situation présente sous une comparaison historique effrayante. Cela permet évidemment aux accusateurs de se réclamer de la mémoire de l'antifascisme et de s'enduire de vertu médiatique. La stratégie est éculée mais n'est pas inefficace.

    On ne doit pas oublier que pendant une bonne partie de l'année 2015, le système médiatique s'est questionné ouvertement sur la prétendue hégémonie culturelle et intellectuelle des conservateurs et des réactionnaires dans le débat public. On s'inquiétait de leur progression, on leur prêtait la capacité de manipuler l'opinion à partir de leurs quelques tribunes médiatiques, comme s'ils disposaient d'un pouvoir d'hypnose à grande échelle. On oubliait, au même moment, que ces quelques voix étaient finalement bien rares dans un paysage médiatique où domine encore l'orthodoxie néo-soixante-huitarde. Mais c'est justement parce qu'elles étaient rares qu'on les entendait autant. Le progressisme a tellement l'habitude de l'hégémonie qu'il lui suffit d'être contesté pour se croire assiégé.

    C'est le drame d'une nation qui s'est laissée intoxiquer par la rectitude politique : plus on l'attaque et plus elle se sent coupable. Plus on l'agresse et plus ses élites s'en prennent à ceux qui en appellent à la riposte politique et à sa renaissance historique. On en revient alors à la déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux : on peut y voir une rupture non seulement politique, mais philosophique, dans la mesure où elle réintroduit dans la nation certains éléments qui ne relèvent pas du simple artifice juridique. On dit de la mesure qu'elle est symbolique mais c'est justement pour cela qu'elle semble plébiscitée par l'opinion, qui devine bien ce que représente cet enjeu, même si elle ne parvient pas nécessairement à l'expliciter. Peut-on s'attendre à ce qu'en 2016, le réel fasse définitivement éclater la gaine de la rectitude politique ? C'est moins certain. Une nation ne sort pas facilement de ses mauvaises habitudes. 

    * FigaroVox

    Mathieu Bock-Côté           

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.

  • La guerre monétaire se renforce

     

    par Ludovic Greiling

    En incluant le yuan dans son panier de référence, le Fonds monétaire international a consacré une devise qui n’est pas issue de la sphère américaine. Une grande première en soixante-dix ans, dont les conséquences pourraient être aussi importantes qu’inattendues pour notre finance et notre économie.

    La situation monétaire de la planète est en train de changer. Pour la première fois depuis la création du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale en 1945, une devise qui n’est pas issue de la zone d’influence américaine a reçu une consécration mondiale.

    Ainsi le FMI a-t-il décidé fin novembre d’inclure le yuan chinois dans ses opérations. Jusqu’ici, seuls le dollar américain, l’euro (auparavant, le mark et le franc), la livre sterling et le yen japonais servaient de référence au Droit de tirage spécial – DTS – la devise particulière émise par l’institution basée à New-York. Au 1er octobre 2016, le yuan fera partie du lot, et pas qu’un peu : il sera inclus dans le panier utilisé par le FMI à hauteur de 11 %, contre 8 % chacun pour le yen et pour la livre. Seuls l’euro (31 %) et le dollar américain (42 %) sont considérés comme plus importants que la monnaie chinoise dans les transactions mondiales. Une vraie consécration que Pékin a pourtant appréciée avec discrétion tant ses espoirs étaient importants.

    Yuan-dollar, la guerre en coulisses

    Qu’est-ce qu’un Droit de tirage spécial du FMI ? « C’est la monnaie mondiale émise par le FMI, et qu’il distribue à ses pays membres [en cas de demande de prêts]. C’est simplement un autre type de monnaie, comme le dollar ou l’euro, qui n’est adossée à rien. La seule petite différence, c’est que les DTS ne peuvent être utilisés que par des pays, et non des particuliers. Mais les pays peuvent échanger leurs DTS contre des dollars ou des euros (au sein du FMI, via un mécanisme de transactions secret) », explique l’analyste spécialisé Jim Rickards dans sa lettre financière Intelligence stratégique. Le panier de monnaies dans lequel va être intégré le DTS ne constitue qu’une simple base de calcul pour estimer la valeur de la devise du Fonds monétaire international. Le DTS n’est pas adossé à un panier de devises, mais seulement calculé par rapport aux cours du dollar, de l’euro, du yen, de la livre et l’an prochain du yuan, selon les pondérations décrites plus haut. A quoi sert le FMI ? L’organisme a longtemps prêté à ses pays-membres en dollars seulement. Il a donc participé à la domination du billet vert à travers la planète, car cette monnaie ne peut in fine qu’être réinvestie dans la finance états-unienne. Mais la contestation de ce système – notamment par le général de Gaulle – a poussé le FMI à créer sa propre devise en 1969. En général peu utilisée (le FMI est d’abord prompt à prêter en dollars), elle a néanmoins connu des pics de demande lors des grandes crises de liquidité de 1972, 1980 et 2009. « L’élite au pouvoir ne les fait intervenir [les DTS] que lorsqu’il lui semble que le système monétaire international s’effondre », analyse Jim Rickards.

    L’entrée du yuan dans le panier du Fonds monétaire international destiné au calcul du DTS est donc avant tout symbolique. Elle n’obligera pas dans l’immédiat des banques centrales à acquérir de la devise chinoise. « Elle ne change pas immédiatement notre système actuel de taux de change », a souligné le vice-gouverneur de la Banque centrale de Chine. Mais elle pourrait inciter à terme les gérants internationaux à utiliser davantage le yuan dans leurs transactions. Déjà, la devise chinoise est la première monnaie utilisée dans le commerce de la zone Asie-Pacifique, remarquait l’agence de notation Fitch le mois dernier. « Le renminbi [autre nom du yuan] est toujours en course pour devenir une monnaie mondiale majeure, mais cela dépend de la détermination des autorités dans l’ouverture du marché », souligne l’analyste Robert Koepp de l’entreprise Economist Corporate Network.

    Le FMI va-t-il perdre la main ?

    Les gérants de fonds ne seront définitivement preneurs de la devise chinoise que quand ils pourront l’échanger plus facilement contre des actifs libellés dans cette monnaie. Ce sont donc des actifs chinois qu’ils recherchent en premier lieu. C’est pourquoi le pays a entamé ces deux dernières années une certaine libéralisation de son marché des capitaux pour faciliter l’entrée d’argent étranger. Ainsi Pékin a-t-il donné la possibilité aux entreprises étrangères d’emprunter en yuans sur la place offshore de Hong Kong ou a-t-il lancé un contrat à terme libellé en yuans sur le pétrole. « Le duel monétaire entre la Chine et les états-Unis est un sujet absolument majeur, et il est scruté à la loupe par les agents financiers », souligne l’ancien consultant de la banque Lazard, Antoine Brunet, selon qui les discussions acharnées au FMI ont provoqué une guerre commerciale depuis cet été (voir encadré).

    Dans son combat, Pékin est bien aidé par la Russie, qui a déclaré ouvertement la guerre au dollar américain depuis la mise en place de sanctions financières par Washington en 2014. En exhortant les pays du monde à ne plus utiliser le billet vert dans leurs transactions lors du G20 de Brisbane, en affirmant ouvertement qu’il serait prêt à émettre des obligations d’état libellé en yuans en juin dernier, le Kremlin a donné un sérieux coup de pouce à la devise chinoise.

    La décision récente du Fonds monétaire international, défavorable au dollar, pourrait donc étonner. Mais certains observateurs avancent qu’il cherche ainsi à ne pas être pris de court par deux établissements concurrents récemment lancés : la Banque des pays émergents poussée par la Russie, qui est en train de finaliser son capital de départ, et la Banque asiatique d’infrastructures et de développement créée par Pékin en 2014. Cette dernière a attiré plusieurs pays européens – dont la France – à son tour de table, et elle a annoncé qu’elle effectuerait prochainement son premier prêt … en yuans. 

     

  • Etat d'urgence

     

    par Bernard Pascaud *

     

    2920517656.jpgOui à l’analyse des récents succès électoraux du Front National quand ils cessent d’être uniquement considérés comme des votes de rejet mais aussi comme des votes de conviction. Plus précisément comme la traduction politicienne de profondes tendances à l'oeuvre dans la société française d’aujourd’hui, parmi lesquelles le besoin d’identité, le désir de sécurité, la soif de justice, l’amour de la France.

    Oui, mille fois oui également à ce qu’on lit sous les plumes les plus lucides : le multiculturalisme est un échec, l’islamisme remplit le vide créé par le laïcisme, le patriotisme resurgit, Maastricht, Schengen, le mondialisme ne font plus illusion, le système des partis est de plus en plus déconsidéré, toute une population et spécialement sa jeunesse se sont réveillées et s’engagent au service de la Cité. Des veilleurs à la multiplication des écoles hors contrat en passant par toutes les possibilités d’Internet, les formes de résistance à la déconstruction de notre société sont multiformes.

    Toutes ces résistances vont-elles un jour se « connecter » ? Si oui, autour de quoi, de qui, de quelles idées ? Autour d’un nouvel homme prétendument providentiel ? Certains en appellent ainsi à Eric Zemmour, d’autres à Philippe de Villiers… Mais qui ne voit que leur candidature n’aboutirait qu’à quelques pourcentages de voix ? Il est peu probable que de tels hommes se laissent entraîner dans l’aventure. L’un a déjà donné, l’autre est trop futé pour cela. Le premier a tiré des leçons salutaires de son immersion dans le système foireux des partis, l’autre connaît trop bien son histoire politique française où se sont épuisées vainement tant de bonnes volontés patriotes.

    La coordination se fera-t-elle, comme certains le souhaitent ou le craignent, par l’émergence d’une « droite hors les murs » localisée quelque part entre la gauche du Front National et la droite des Républicains ? La belle affaire ! Ce ne serait qu’une énième tentative de sursaut dont la seule satisfaction serait de donner bonne conscience à des électeurs pleins d’illusions.

    Alors, droite molle, droite dure, droite hors les murs, droite extrême ? L’affrontement droite-gauche est-il l’horizon indépassable de la politique ? Est-on condamné à cela ou à la désertion du terrain politique ? Dans les deux cas on se retrouve toujours nus devant la Politique. On n’en sort pas.

    Pour en sortir est justement le titre d’un livre de Charles Maurras. Il y est dit qu’ « il n’y a rien de plus urgent que de remplacer la République par le Roi » Et il se clôt par ce diagnostic toujours actuel : « Beaucoup de gens ont cru pouvoir se rendre utiles sous le régime en vigueur. Mais ce régime est conçu pour les épuiser vainement. Qu’ils voient la vérité ! Et qu’enfin elle leur impose ces ruptures libératrices qui leur rouvriront l’avenir ! » Pour aider nos compatriotes à voir la vérité, voici un petit questionnaire que je vous propose de tester autour de vous. Même limité à sept interrogations, il peut constituer un salubre dessillement.

    Pensez-vous qu’en période d’insécurité préoccupante comme celle d’aujourd’hui le sommet de l’Etat doit être prioritairement centré sur des questions électoralistes ?

    Les « valeurs de la République » vous apparaissent-elles la référence la plus utilement « structurante » - pour le peuple français plutôt que les références à la nation et aux communautés de destin naturelles et historiques ?

    Estimez-vous comme dépassée et répréhensible toute référence à l’identité nationale ?

    Estimez-vous que la représentation parlementaire soit le reflet fidèle de la nation française ?

    Croyez vous que les partis politiques soient une réserve de personnel prêt à se dévouer au Bien commun plutôt qu’à satisfaire des ambitions personnelles ?

    Pensez-vous qu’une réforme de fond des institutions soit utile et qu’un changement de personnel politique suffirait à résoudre nos problèmes ?

    Êtes-vous persuadé que le maintien du système politique actuel soit la condition pour vous permettre de voir la fin de la dette, des déficits, du chômage, et la France renouer avec une politique de grandeur ?

    Si vous répondez oui à toutes ces questions, vous n’avez aucune raison de cesser d’être républicain, quel que soit le parti auquel vous consentez votre suffrage.

    Si vous répondez non à ces questions, vous avez toutes les raisons de rejoindre la Restauration Nationale, car vous estimez qu’il y a un état d’urgence permanent en France : celui créé par son délabrement institutionnel. 

    * Président de la Restauration Nationale

    Restauration Nationale, trimestriel

  • LA FUITE DE TAUBIRA

     

    PAR JACQUES TRÉMOLET DE VILLERS

     

    jacques%20tremolet%20de%20villers%203.jpgNous sommes en état d'urgence jusqu'au 26 février. L'armée dans les rues, bérets rouges, verts, bleus, noirs ; tenues camouflées, pistolets mitrailleurs ; drapeaux tricolores aux fenêtres... On se croirait en 1958, après la bataille d'Alger.

    Les moyens policiers autorisés par l'état d'urgence rappellent d'ailleurs, à nos souvenirs, ceux utilisés pendant cette lutte contre un terrorisme qui se prétendait déjà islamique. Les perquisitions administratives se multiplient à un rythme impressionnant, mais nécessaire si l'on pense que les possibles auteurs de massacres sont au moins vingt mille et que, depuis un trop long temps, la police et « les services » restaient « l'arme au pied », sans possibilité d'agir.

    Maintenant, libérés des contraintes légales qui rendaient ces interventions impossibles, ils essaient de rattraper le temps perdu. Mais on n'entend pas notre Garde des Sceaux. Comme Hollande mange son chapeau en allant voir Poutine, Taubira ravale actuellement son idéologie en voyant sa police judiciaire se livrer à des actes « administratifs » sur lesquels elle n'a aucune prise !

    L'état d'urgence et ses conséquences pratiques constituent la négation absolue de la doctrine pénale de son ministère - mais aussi des précédents, toutes catégories politiques confondues. Le méchant est méchant et le policier est un héros. jusqu'où va aller ce retournement et combien de temps durera-t-il ?

    L'ennui, c'est que nos cadres judiciaires, formés à une méthodologie tout opposée aux contraintes de l'état d'urgence, risquent de s'abandonner à une double erreur, dont l'histoire nous montre qu'elle est fréquente : passer de l'extrême permissivité à l'extrême répression ou abandonner l'opération policière à sa propre loi en continuant de juger comme si rien n'avait changé.

    Généralement, les situations de crise appellent des changements de législation. Mais, aujourd'hui, les attentats et la situation de guerre, reconnue par le président de la République devant le Congrès, appellent à une réflexion sur tout notre code pénal. Qui dit guerre dit force armée, interventions violentes, usage des moyens entraînant la mort de l'ennemi. Quand la guerre se fait sur le sol de la patrie, contre des compatriotes qui peuvent, à tout moment, tuer des Français, le cadre légal, connu et enseigné dans les écoles militaires pour des opérations extérieures ou des actions de commandos, est bouleversé. La jonction armée-police modifie les relations avec la Justice.

    Nos ministres ont-ils prévu cette situation ? Ou comme ce fut le cas lors de la guerre d'Algérie, vont-ils laisser l'armée et la police se débrouiller, pour, ensuite, éventuellement leur reprocher d'avoir violé la Convention européenne des droits de l'homme ?

    Les fous d'Allah nous rappellent à la réalité, de façon brutale, et nous constatons que nous étions bien endormis. Voilà les Français en première ligne, comme victimes et comme terroristes. Ce serait le moment de voir, dans cette première ligne, le ministre qui a reçu la mission de garder les Sceaux de la Justice. Mais celle qui était mobilisée pour faire voter et imposer le mariage des homosexuels ne répond plus. Le mariage des homosexuels ! Combien ces « avancées » paraissent aujourd'hui dérisoires !

    Nous sommes au bord d'un brutal et immense changement - non pas une révolution idéologique - mais un violent rappel à la réalité. Il est urgent que ceux qui l'ont compris s'unissent pour en tirer les conséquences.

    Politique magazine

  • Les vœux d’Angela sous-titrés en arabe ... « Soumission » ?

     

    Afin « d’atteindre de nombreux réfugiés », la chaîne publique ZDF a sous-titré ses vœux, comme ceux du président fédéral, en anglais et… en arabe ! Voici ce qu'en a dit Caroline Artus, dans Polémia. Sans-doute sur le ton nécessairement simplificateur de la polémique ... mais, en l'occurrence, l'exaspération est compréhensible ... LFAR

    Pour nos amis allemands patriotes aussi, l’année 2015 s’est terminée encore plus mal qu’elle avait commencé. Non seulement leur pays s’est vu « gratifié » d’un million cent mille réfugiés – du moins, prétendus tels par leurs autorités, chiffre quatre fois supérieur à celui de 2014 – mais ils viennent de subir le pire affront qu’un élu au sommet d’un État puisse infliger à sa nation : l’humiliation par le double jeu, le double fardeau du sacrifice et de la culpabilisation.

    Les vœux d’Angela Merkel pour ses compatriotes ? Qu’ils acceptent bien gentiment les migrants, sans broncher, même si « cela va coûter de l’argent […] » parce qu’« il est évident que nous devons aider et accueillir ceux qui cherchent un refuge chez nous ».

    Évident pour qui, donc ? Sans aucun doute pour Peter Sutherland – ex-directeur de l’OMC, ex-commissaire européen à la concurrence, ex-directeur de Goldman Sachs, mais actuel membre du groupe Bilderberg, directeur de la Trilatérale, conseiller spécial de l’ONU pour l’immigration ainsi que conseiller au Vatican – qui, dans une récente interview sur le site de l’ONU, préconise pour l’Allemagne en particulier, mais pour quasiment chaque pays d’Europe, d’accueillir plus d’un million de migrants par an sur les trente prochaines années. Autrement dit, avec d’un côté de faibles taux de natalité, et de l’autre un taux vigoureux, dans 30 ans, les Européens ont toutes les chances d’être devenus les indigènes dans leurs propres pays…

    Pas évident, en tout cas, d’après les estimations de la Bundesbank (la banque centrale allemande), de continuer de faire rentrer des millions de réfugiés dans le pays, puisqu’elle souligne les « qualifications faibles » et des « barrières linguistiques » et évalue à 70 % le nombre de migrants au chômage en Allemagne.

    Alors Angela, née d’un père pasteur et communiste, en Allemagne de l’Est, celle qui abhorre la culture de « démocratie par la base », comme l’écrira le tempsreel.nouvelobs.com, en 2013, a agité la grosse ficelle. Les Allemands patriotes sont des gens « au cœur froid ou plein de haine » [qui] se réclament eux seuls de l’identité allemande et veulent exclure les autres ». Parce que « les réfugiés sont une chance » pour l’Allemagne. Du Hollande dans la langue de Goethe !

    Et pour bien montrer, à ces Allemands-là, ceux qui tirent le diable par la queue, ceux qui ont l’outrecuidance d’aimer leur pays et de préférer les leurs à ceux venus d’ailleurs en si grand nombre en aussi peu de temps, bref, à tous ceux qui rechignent à sacrifier leurs économies, à se laisser effacer, Angela vient de leur jouer un tour de cochon, si j’ose dire. Afin « d’atteindre de nombreux réfugiés », la chaîne publique ZDF a sous-titré ses vœux, comme ceux du président fédéral, en anglais et… en arabe !

    Mieux : à partir du 4 janvier, les actualités allemandes « Heute » (celles de 17 heures… pour commencer) ainsi que d’autres émissions de la chaîne appliqueront systématiquement les nouvelles directives. Comprenez : le public devient cosmopolite.

    Et si François Hollande, pour sa (possible et espérée) dernière année, s’en inspirait ? Une idée pour provoquer dans la France entière un électrochoc ? On ne sait jamais…

    Allez, Frohes Neues Jahr ! 

    Polémia

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • Rétro 2015 • Civilisation, ce mot si souvent brandi en 2015 mais dont le sens profond nous échappe largement

     
     
    Guerre de civilisations ? Défense de la civilisation ? A la suite des attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan, le mot de civilisation s'est retrouvé dans tous les discours des politiques et des intellectuels français. Mais en connaît-on véritablement le sens ? Retour sur l'histoire d'un mot et tentative de définition.
    Telle est, du moins, ici, l'intention de Christophe Dickès et tel est l'objet de sa réflexion, qu'il mène à partir de la pensée de Jacques Bainville. Ce dernier serait sans-doute assez surpris que l'on tente de résumer son pessimisme et peut-être son espoir pour l'avenir de notre civilisation par la formule de Jean d'Ormesson citée par Christophe Dickès : « Le seul salut ne peut venir que de l’entreprise » ! Mais, de fait, l'analyse que nous livrons à la réflexion de nos lecteurs ne s'en tient heureusement pas là. Il faut donc lire l'ensemble de cette chronique qui, bien entendu, n'épuise pas le sujet ... LFAR
     

    dickès.pngA la question de savoir quel a été le moment le plus important de l’année 2015, il me semble qu’il ne s’agit pas d’un événement en particulier, mais plutôt d’un mot : celui de civilisation. Ce mot avait beaucoup été utilisé au lendemain des attentats du 11 septembre. On parlait alors du choc des civilisations, en écho au célèbre livre de Samuel Huntington.

    Depuis plus d’un an, la progression dans l’horreur des islamistes de Daech a amené nos hommes politiques à adopter l’idée d’une « défense de la civilisation ». Après Nicolas Sarkozy au mois de janvier dernier, Manuel Valls a franchi le Rubicon en évoquant à son tour la guerre de civilisation au mois de juin : « Nous ne pouvons pas perdre cette guerre parce que c’est au fond une guerre de civilisation. C’est notre société, notre civilisation, nos valeurs que nous défendons ». Le 14 juillet dernier, ce fut au tour de François Hollande de nous expliquer que nous étions face à des groupes qui « veulent remettre en cause les civilisations ». Par l’utilisation du pluriel, l’affaire se compliquait quelque peu... De son côté, et bien avant tout le monde, Christiane Taubira se réjouissait du changement de civilisation opéré par le mariage entre personnes de même sexe. Une civilisation serait donc à géométrie variable. Mais au fond qu’est-ce donc que la civilisation ? 

    En son temps, c’est-à-dire au début du XXe siècle, l’historien et journaliste Jacques Bainville (1879-1936) tenta de la définir en se posant la question de son avenir. Il le fit en 1922, c’est-à-dire au lendemain de la Grande Guerre, considérée à l’époque comme le plus grand traumatisme de l’histoire européenne. Il rappelait à juste titre que le mot de civilisation s’était répandu en Europe au XIXe siècle, c’est-à-dire à une époque de progrès scientifique, industriel et commercial : « La conception du progrès indéfini concourut à convaincre l’espèce humaine qu’elle était entrée dans une ère nouvelle, celle de la civilisation absolue. » Mais, pour Bainville, confondre progrès et civilisation était une erreur : le progressisme lyrique de Victor Hugo et le scientisme d’Auguste Comte ont été ensevelis dans la boue des tranchées de 1914. La guerre de masse rappela à l’espèce humaine que le progrès n’était pas si indéfini… A l’orgueil et à l’ivresse s’étaient substituées la mort et les souffrances, la peur et les angoisses. Conscient de la fragilité du monde dans lequel il vivait, Bainville constatait : « Nous voulons bien croire encore, par un reste d’habitude, au progrès fatal et nécessaire. Mais l’idée de régression nous hante, comme elle devait hanter les témoins de la décadence de l’empire romain. »

    La civilisation n’a donc rien à voir avec le progrès. Elle était pour lui comme la santé, destinée à un équilibre instable : « C’est une fleur délicate. Elle dépend de tout un ensemble de conditions économiques, sociales et politiques. Supprimez quelques-unes de ces conditions : elle dépérit, elle recule ». Et il ajoutait plus loin : « La réalité que l’on avait oubliée ou méconnue et qui se rappelle à nous cruellement, c’est que la civilisation, non seulement pour se développer, mais pour se maintenir, a besoin d’un support matériel. Elle n’est pas dans les régions de l’idéalisme. Elle suppose d’abord la sécurité et la facilité de la vie qui suppose à son tour des Etats organisés, des finances saines et abondantes. » Et c’est ici que Bainville donne la définition de la civilisation. Elle est, écrit-il, « un capital. Elle est ensuite un capital transmis. Car les connaissances, les idées, les perfectionnements techniques, la moralité se capitalisent comme autre chose. Capitalisation et tradition, - tradition c’est transmission, - voilà deux termes inséparables de l’idée de civilisation. »

    Il peut paraître étonnant de la part de Bainville, historien et spécialiste des relations internationales, d’associer l’idée de civilisation en partie à des nécessités économiques. Pourtant, c’est oublier qu’il fut, dans l’histoire de la presse, un des tous premiers journalistes économiques, collaborateur du journal libéral Le Capital. A cet égard, il offre bien des leçons pour notre temps et n’aurait pas été dépaysé sous la présidence de François Hollande et le gouvernement de Manuel Valls : il blâmait les rigueurs du fisc qui empêchait l’investissement ; il souriait de la fuite des capitaux en rappelant l’histoire de Voltaire que l’on considérerait aujourd’hui comme un exilé fiscal ; il soutenait le sort des classes moyennes « qui sont le plus solide support de la civilisation » contre l’Etat-providence. Il a même fustigé ces socialistes qui menacent la finance quand ils sont dans l’opposition, pour mieux la solliciter arrivés au pouvoir : « On menace, on épouvante d’abord les capitaux, on court ensuite après eux. On montre le poing aux banques dans l’opposition. Au pouvoir, et quand le Trésor est à sec, on sollicite l’aide des banquiers. » Dans une émission de radio, Jean d’Ormesson, à qui l’on demandait ce qu’impliquait « Changer de politique », le slogan de la soirée électorale du 13 décembre dernier, lança laconique : « Le seul salut ne peut venir que de l’entreprise. » Un constat très bainvillien en somme que ne semble pas comprendre notre gouvernement.

    Néanmoins, l’enseignement de Bainville a ses limites. En effet, il aurait été surpris par les fractures sociale et sociétale de notre époque, tout comme par le développement du communautarisme. La France du début du XXe siècle, c’est-à-dire la France de la IIIe République gardait une identité forte incarnée dans l’éloquence de ses hommes politiques, de ses gens de Lettres et ses hommes de presse. C’était un temps aussi où l’on respectait le professeur dont le rôle était de transmettre un savoir et non d’éduquer des enfants. La IIIe république entretenait aussi le culte du passé. De tout le passé, sans exception. A La Sorbonne, l’amphithéâtre Louis Liard qui date des premières années du régime républicain, un des plus beaux d’Europe, incarne cette conception assumée de notre histoire : on y voit le portrait en pied de Richelieu au-dessus de la chaire principale et, dans les médaillons, on reconnaît Pascal, Bossuet, Descartes, Racine, Molière et Corneille. L’âme française. Bainville pleurerait de voir que la civilisation est aujourd’hui aux mains d’amateurs plaçant le latin comme un « enseignement de complément » selon le jargon du Ministère de l’Education nationale.

    Bainville, qui associait nécessités de la politique intérieure et défis de la politique étrangère, croyait aux permanences dans l’histoire. Pour cette raison, son œuvre, qui ne cesse de puiser des exemples dans le passé, reste profondément contemporaine. C’est peut-être pour cette raison que depuis sa mort en 1936, elle a été rééditée par les plus grandes maisons de la place parisienne[1]. Si Bainville avait vécu de nos jours, il aurait été classé dans le camp des « déclinistes » aux côtés de Zemmour, Lévy, Rioufol ou de Villiers. Pourtant, il rappelait que « le pessimisme, cause de découragement pour les uns, est un principe d’action pour les autres. L’histoire vue sous un aspect est une école de scepticisme ; vue sous un autre aspect, elle enseigne la confiance. » L’année 2015, elle, nous aura enseigné une leçon oubliée, celle de la fragilité des temps. Il ne tient qu’à nous de redonner à notre civilisation toute sa force.   

    [1] Bainville, La Monarchie des Lettres (anthologie), Robert-Laffont, coll. Bouquins, 1184 pages, 30,50€.

    Historien et journaliste, spécialiste du catholicisme, Christophe Dickès a dirigé le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège chez Robert Laffont dans la collection Bouquins. Il est également l'auteur de Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde (Tallandier).

    Atlantico